M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, je voudrais simplement vous demander quelle est votre conception du rôle du CSA.
Dans le cadre de vos réflexions, si vous reteniez, à terme, la création d’une holding de l’audiovisuel public, même si j’entends bien que, pour chacune des chaînes, les conseils d’administration seraient décisionnaires, envisagez-vous que le CSA, dans sa forme actuelle, conserve un pouvoir de décision ?
On a pu récemment constater, au sujet de Radio France, certaines hésitations avant, sinon votre intervention, du moins votre décision de dire certaines choses ; on a eu le sentiment que le CSA se tenait peut-être quelque peu en retrait.
Plus généralement, nous jugeons tous assez curieux que le Conseil soit à la fois juge et partie. En effet, il nomme les responsables des chaînes et juge les décisions prises pendant leur mandat. Il est tout de même assez étrange que celui qui nomme juge en même temps la validité des actions de ceux qu’il a nommés.
Envisagez-vous sur ce point, madame la ministre, un changement profond dans la désignation des futurs responsables des chaînes ? Mais surtout – décision plus immédiate –, dans le cas de figure d’une holding, qui désignerait le président ou la présidente de celle-ci ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, le CSA doit clairement être renforcé dans son rôle de régulateur. C’est d’ailleurs l’enjeu du projet de loi relatif à l’audiovisuel que nous déposerons en fin d’année à l’occasion, notamment, de la transposition de la directive SMA et de la révision de la loi du 30 septembre 1986.
Comme je vous l’ai dit dans mon propos introductif, nous réfléchissons à modifier le mode de nomination des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public. Plusieurs pistes sont examinées, rien n’est arrêté aujourd’hui, mais il nous semble qu’il faut responsabiliser davantage les dirigeants devant le conseil d’administration. En me rendant au Royaume-Uni à la rencontre des équipes de la BBC, j’ai longuement parlé avec le président de son board qui nous a expliqué la démarche entreprise ; j’ai écouté avec attention l’exposé de ce qu’ils ont mis en place voici un an. Tout cela peut nous inspirer et nous permettre de réfléchir.
Cela dit, si je dois vous répondre d’une phrase, le rôle de régulateur du CSA est clairement au centre de ses missions.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, j’entends bien que rien n’est définitif et qu’il faut attendre l’évolution de la réflexion. Pour ma part, le rôle de régulateur du CSA ne me dérange pas : il faut bien qu’il y ait un organe régulateur.
Ce qui pose problème, à mon sens, c’est que l’on donne à la même institution le pouvoir de nomination et le pouvoir de régulation. Il y a là un sujet qui n’est pas clairement défini et qu’il faudra préciser dans le futur pour éviter des situations comme celle que nous venons de connaître à Radio France.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
M. André Gattolin. Madame la ministre, lorsqu’on envisage une réforme profonde de l’audiovisuel public, la première des questions qui doivent servir de base à cette refonte, notamment dans le monde bouleversé des médias, est celle des missions prioritaires de ce service public et de son utilité sociale.
Je crois que, tout comme l’éducation nationale ou les politiques publiques que nous engageons en matière culturelle, l’audiovisuel public doit être autant considéré comme un investissement que comme une dépense. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas réguler et surveiller sa dépense.
Dès les prémisses de l’audiovisuel public, en 1945, un objectif était clair : la Radiodiffusion française, ou RDF, devait informer les citoyens, les divertir, mais aussi les éduquer et enrichir culturellement le plus grand nombre par des programmes ambitieux en matière de création artistique et une démocratisation de l’accès à la culture.
Cette volonté d’accès élargi de nos concitoyens à la culture fait partie des objectifs prioritaires du Président de la République. Ceux-ci sont d’ailleurs clairement incarnés dans les orientations de la mission « Médias, livre et industries culturelles » de la loi de finances pour 2018 qui témoigne d’une volonté accrue en matière de démocratisation.
La France, qui dispose pourtant d’un patrimoine exceptionnel et d’une création culturelle d’une grande vitalité, peine aujourd’hui à les exprimer sur nos grandes chaînes publiques, du fait de la disparition de la plupart des émissions emblématiques de ce traitement culturel.
Madame la ministre, je ne dévoilerai rien en disant que vous êtes ministre à la fois de la culture et de la communication. D’un côté, nous avons des contenus culturels et nous manquons de canaux pour les populariser. De l’autre côté, nous avons un audiovisuel, où des canaux existent, mais manquent singulièrement de contenus culturels. Comment envisagez-vous la synergie entre culture et audiovisuel, et le renforcement de la présence de la culture sur nos chaînes publiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, comme vous pouvez vous en douter, je suis évidemment très sensible à cette question, en tant que ministre à la fois de la culture et de la communication et, d’une certaine façon, du fait de mon ADN profond, qui est, évidemment, la culture.
Comme je l’ai dit en introduction à ce débat – et je suis loin d’être la seule à l’avoir rappelé –, les Français expriment une demande forte pour davantage de programmes culturels sur nos médias, notamment sur la télévision et la radio publiques. D’ailleurs, l’augmentation d’audience de certaines chaînes culturelles spécifiques constitue d’une certaine façon un indicateur de cette demande. Dans un récent sondage, les Français indiquaient qu’ils voudraient plus de films – presque à 70 % –, plus de culture – presque à 50 % – et plus de documentaires – à 48 % – sur France Télévisions. Il suffit de voir le tollé qu’a suscité l’idée de supprimer certains documentaires sur France Télévisions pour se rendre compte de l’attachement des Français à ces émissions.
La culture est clairement identifiée comme une mission d’intérêt général. C’est donc pour nous un chantier prioritaire au sein de cette réforme. La culture est un marqueur de la singularité du secteur public ; elle est au cœur du soutien qu’il apporte au secteur de la création. En effet, n’oublions pas que France Télévisions représente la moitié des investissements dans la création audiovisuelle française.
L’offre culturelle est aussi identifiée comme un chantier où les coopérations entre sociétés peuvent apporter de la valeur ajoutée ; cela a été relevé dans les comités stratégiques que j’ai réunis. C’est très évident, au niveau que ce soit de l’offre traditionnelle linéaire ou de l’offre digitale. Les dirigeants des sociétés feront donc des propositions en ce sens ; ils sont tous très mobilisés sur ce sujet.
Enfin, selon moi, il ne faut pas opposer programmes de divertissement et programmes culturels. En effet, certains divertissements peuvent être éminemment culturels, instructifs et éducatifs, et susciter un véritable goût pour la culture. La culture peut clairement être divertissante !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Je tiens d’abord à saluer l’initiative de la commission de la culture : sans elle, nous ne serions pas saisis ce soir de ce débat.
Madame la ministre, ma question porte sur la méthode que vous comptez employer. L’avenir du service public audiovisuel est une grande question démocratique qui ne peut pas être traitée par quelques centaines d’initiés.
On entend beaucoup les mots « modernité », « dialogue social », « ambition de service public », mais qu’est-ce qui garantira cela ? Qui décidera, in fine ? Est-ce que ce sera le Gouvernement, tout seul ? Le débat public s’organisera-t-il autour du seul schéma gouvernemental, ou autrement ?
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
Ainsi, quel modèle pour la future organisation des sociétés de l’audiovisuel public : coopération renforcée, holding, fusion ? Manifestement, des schémas sont déjà préemptés au détriment d’autres, alors qu’aucune évaluation publique de ces schémas contradictoire n’a de fait eu lieu. Où est donc le dialogue ? Le dialogue nécessite de mettre sur la table plusieurs hypothèses.
Sur le mode de nomination des dirigeants, c’est la même chose : on nous affirme d’emblée qu’il faut le changer, sans qu’on sache pourquoi – personne ne nous l’a vraiment expliqué. Aura-t-on ensuite la possibilité d’étudier à égalité plusieurs hypothèses quant au mode de nomination, ou bien pourra-t-on seulement amender la proposition gouvernementale ? Nous entrons donc, en vérité, dans des chantiers déjà très balisés.
Pour notre part, nous vous suggérons, madame la ministre, une autre méthode. Je voudrais savoir si vous seriez d’accord pour engager un débat public de six mois, sans schéma gouvernemental préalable, au cours duquel pourraient être exposées toutes les hypothèses en présence : celles des personnels, des créateurs, des syndicats, des directions actuelles, des parlementaires et du public. Ensuite aurait lieu une évaluation contradictoire de ces hypothèses, et des recommandations seraient mises en débat.
Pour votre part, vous venez de nous dévoiler que, dès la fin du mois de mars, le débat s’organiserait déjà autour de vos conclusions, avant même qu’il se soit engagé dans le pays.
En somme, nous proposons une méthode pluraliste et démocratique, qui fait appel à l’intelligence citoyenne. Je crois que le pays a beaucoup d’expertise à faire valoir sur l’avenir du service public et que le service public aura besoin de ces qualités. Êtes-vous prête, madame la ministre, à changer la démarche que vous venez d’annoncer au profit d’une méthode plus ouverte et plus pluraliste ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’interroger sur la méthode. À mon sens, nous avons engagé la réflexion de façon innovante et inédite dans ce secteur.
Ce sont évidemment les personnes concernées au premier chef qui ont à réfléchir sur le sujet. C’est pourquoi nous les avons réunies au mois de juillet dernier. Depuis, le comité stratégique se réunit régulièrement et nous amenons les acteurs concernés à se pencher sur des sujets touchant l’intérêt du public par rapport à l’audiovisuel public. Ils ne l’ont pas fait tout seuls – ce n’est pas du tout ainsi que cela s’est passé – : ils ont convié leurs équipes et plus d’une centaine de personnes ont été rassemblées pour mener ces travaux de réflexion. C’est tellement inédit qu’eux-mêmes ont relevé avoir échangé des numéros de téléphone et des adresses mail pour la première fois. C’est un changement radical dans la façon de procéder.
Ensuite, je l’ai souligné, une fois qu’auront été tirées les conclusions de ces travaux, un débat public sera organisé à la fin du mois de mars prochain, sur la base de ces premières orientations, avec les professionnels – je consulte beaucoup –, avec les gens sur le terrain – je me déplace : je me suis rendue à France 2 ou France 3 pour rencontrer les équipes – et avec le Parlement. Une consultation générale suivra, qui permettra l’élaboration d’un projet de loi d’ici à la fin de l’année.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.
M. David Assouline. Madame la ministre, l’exercice qui nous réunit aujourd’hui nécessite sans doute d’être direct. Ma question est donc très simple : considérez-vous que le service public de l’audiovisuel est une « honte de la République » et que l’audiovisuel public coûte trop cher à la Nation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. À question rapide, réponse rapide…
Avez-vous remarqué que les audiences avaient augmenté, notamment sur France Inter, France Culture et France Musique ? C’est la fierté des Français ! La première matinale, c’est celle de France Inter. C’est la fierté des Français !
Il n’a jamais été question de honte concernant l’audiovisuel, c’est pourquoi je n’ai pas à répondre sur ce point. Ce qui est important, c’est la façon de réfléchir aux problématiques : comment aborder la réflexion sur l’audiovisuel, à partir des missions qui lui sont dévolues ? Je l’ai rappelé dans mon discours introductif. Il faut travailler sur ces priorités.
Quant à l’argent public, il est ce qu’il est aujourd’hui. Le budget de l’audiovisuel public atteint 3,9 milliards d’euros, alors que celui de la culture est de 3,7 milliards d’euros. C’est une réalité. Compte tenu de ce montant, il faut réfléchir à un audiovisuel public qui assure ses missions et réponde aux attentes des Français en matière de qualité et de singularité.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.
M. David Assouline. Madame la ministre, je suis content que vous ayez très clairement affirmé que l’audiovisuel public était la fierté des Français. En effet, ce n’est pas ce que l’on entendait jusqu’à présent pour justifier une réforme.
Bien entendu, la réforme est nécessaire au regard des transformations des usages, de la révolution technologique, de la concurrence qui a changé. Toutefois, ce qui est de l’ordre de la responsabilité des pouvoirs publics dans un environnement concurrentiel, c’est plutôt de faire la promotion du service public, parce qu’il y a des concurrents, et non de faire preuve de dénigrement – tel n’a d’ailleurs pas été le sens de vos propos.
Je tiens à rappeler que France Télévisions, c’est 1,3 million de vidéos vues sur les plateformes numériques, c’est 28,3 % d’audience, c’est France 2 qui a progressé l’année dernière, c’est France 3 dont l’audience est stable et qui est la troisième chaîne sur l’ensemble des chaînes hertziennes, c’est France 5 qui a atteint son plus haut niveau d’audimat dans l’histoire. Cette tendance vaut aussi pour les chaînes que l’on montre du doigt, par exemple France 4, qui a des résultats inattendus parmi la jeunesse, ou France Ô, dont la spécificité est de jouer un rôle social vis-à-vis de l’outre-mer.
Je tiens également à parler de Radio France et de ses audimats, parce qu’on l’oublie, qu’il s’agisse de France Inter, deuxième radio de France, avec des audaces culturelles, ou des émissions de philosophie qui font le plus grand nombre de podcasts.
Oui, madame la ministre, c’est la fierté de la République et c’est cela qu’il faut renforcer dans toute réforme !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, face à l’évolution des usages et des technologies, face à la concurrence des chaînes privées et aux nombreuses contraintes budgétaires, l’audiovisuel public, machine forte de 18 000 salariés et de 3,8 milliards d’euros de budget, s’essouffle, en termes tant de modèle que de contenus. Il nous faut le réinventer : il s’agit là d’un chantier d’ampleur, nous en convenons tous.
Cependant, en élevant l’audiovisuel public français à la hauteur d’un service d’excellence, c’est l’image de la France qui se relèvera : la France des territoires, la France nationale, la France à l’étranger.
Pour cela, nous sommes d’accord, une réforme en profondeur est nécessaire.
Sur la forme, il nous faut sans doute harmoniser la gouvernance, revoir le financement, mutualiser les moyens. Toutes ces questions sont essentielles. Avant tout, il est nécessaire d’adopter une vision claire des missions que le Gouvernement souhaite confier aux médias publics. Il nous faut redéfinir leur périmètre et définir leur raison d’être.
On demande à l’audiovisuel public de remplir trois missions : éduquer, informer et distraire. Actuellement, ces missions se confondent en partie avec l’offre privée ; en partie seulement, car l’éducation citoyenne reste l’apanage du service public.
À l’heure de la désinformation, redonnons une pleine dimension à cette mission d’éducation à la fois citoyenne et populaire. À cette mission originelle, ajoutons celle du rayonnement de la France dans le monde francophone. Faisons de l’audiovisuel public le premier vecteur d’identité et de cohésion nationale sur nos territoires et à l’étranger.
Madame la ministre, ma question est double. Quel rôle voulez-vous donner à l’audiovisuel public dans la lutte contre la désinformation ? Pensez-vous possible de rassembler les médias publics au sein d’un média global, sorte de BBC à la française au rayonnement international ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Madame la sénatrice, vous me posez en fait la question de l’éducation aux médias qui est aujourd’hui au centre de nos réflexions. C’est primordial et essentiel pour prévenir les dérives actuelles en matière d’information, marquées par les théories du complot et les fausses nouvelles. Il ne faut pas oublier non plus la vocation du service public à s’adresser en priorité aux jeunes, mais pas uniquement.
L’audiovisuel public a un rôle décisif à jouer dans ce domaine, j’en suis convaincue. D’ores et déjà, des initiatives sont menées sur les antennes avec des programmes de décryptage et de vérification, par exemple sur France Médias Monde avec l’émission Les preuves, des faits, sur France Info avec Le vrai du faux, sur France Télévisions avec L’instant détox – l’émission C dans l’air propose également des chroniques sur ce thème. C’est véritablement important.
Pour ma part, je me suis rendue dans des écoles dans le cadre de rencontres avec des jeunes sur ce sujet. C’est essentiel auprès des publics scolaires et les jeunes y sont très sensibles. Il est vrai qu’il faut à la fois renforcer ces initiatives et mieux les faire connaître. Ce qu’il faut, c’est aussi mieux faire connaître ce qui se fait dans l’audiovisuel public. De ce point de vue, la nécessité de la transformation est réelle.
Savez-vous que, en Grande-Bretagne, 85 % des jeunes révisent en utilisant la BBC comme support d’information ? Nous ne connaissons pas toutes les richesses dont regorge France Télévisions. C’est très important et nous y travaillons dans le cadre du comité stratégique qui se réunit tous les mois.
J’en viens à l’audiovisuel extérieur et vous confirme, madame la sénatrice, le rôle tout à fait fondamental qu’il a à jouer pour le rayonnement international de la culture française et de la France.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lancée sur l’initiative du Président Jacques Chirac en 2002, la chaîne France 24 a émis pour la première fois le 6 décembre 2006.
M. Jean-Pierre Leleux. Très bien !
Mme Mireille Jouve. Cet outil œuvre depuis au rayonnement de la France à travers le monde. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie ou encore le Qatar s’étaient auparavant dotés de canaux semblables.
Même si les programmes de France 24 n’ont pas prioritairement vocation à être diffusés dans notre pays, il me semble opportun de leur offrir une véritable visibilité nationale, et ce pour plusieurs raisons.
Il s’agit tout d’abord de renforcer l’attractivité internationale de ces programmes. En effet, comment un média peut-il légitimement se vendre auprès de distributeurs internationaux quand, dans son propre pays, un nombre important de citoyens méconnaissent jusqu’à son existence ?
Il convient ensuite de rendre plus acceptable la contribution, par l’impôt, des citoyens au service public audiovisuel. Il nous paraît souhaitable, voire logique, que celles et ceux qui financent la chaîne de la France à vocation internationale puissent y accéder plus largement.
Il faut enfin le faire pour la qualité des programmes diffusés par France 24. Alors que les sujets internationaux sont, à mon sens, « sous-traités » dans la plupart des médias d’information télévisuels, cette chaîne représente une source d’information précieuse pour nos concitoyens. À l’heure de la mondialisation, porter un regard éclairé au-delà de nos frontières ne semble pas superflu. En outre, l’actualité ne se résume pas à une succession de faits divers ou à la phrase politique assassine du jour.
France 24 est désormais accessible depuis la TNT, soit aux seuls Franciliens, soit entre minuit et six heures du matin lorsque France Info TV interrompt ses programmes.
Madame la ministre, nous sommes nombreux à regretter que cette visibilité ne soit pas encore plus grande. Pouvez-vous nous dire si l’offre de France 24, assez complémentaire de l’offre d’informations télévisuelles aujourd’hui proposée, a selon vous vocation à être plus aisément accessible sur le territoire national ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Madame la sénatrice, j’entends vos préoccupations, notamment en ce qui concerne la diffusion de France 24 sur le territoire national. Ce sujet n’est pas nouveau et n’est pas sans lien avec la question précédente, à savoir la façon d’accéder aux offres de l’audiovisuel public. Un énorme travail de réflexion reste à mener en la matière, notamment pour développer des outils numériques extrêmement ergonomiques et faciles. Moi-même, parfois, je me perds quand je veux chercher quelque chose : comment faire ? Par quel cheminement ?
L’audiovisuel public est public, dans le sens où il va aussi vers le public. Il ne lui suffit pas de remplir ses missions d’audiovisuel public : il doit aussi les amener jusqu’au public. Voilà véritablement une question importante sur laquelle nous n’avons pas assez travaillé, mais autour de laquelle les acteurs se mobilisent maintenant. Dans ce domaine en effet, la coopération peut plus que jamais être bénéfique pour trouver ensemble les outils.
J’en viens à France 24. Près de 75 % de nos concitoyens peuvent déjà y avoir accès, puisque la chaîne est diffusée sur la TNT en Île-de-France et en outre-mer, ainsi que sur le câble, l’ADSL et le satellite sur l’ensemble du territoire national. Qui plus est, elle est disponible sur tous les supports numériques. Enfin, comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, sa diffusion de minuit à six heures trente, sur la chaîne France Info TV, sur le canal 27, complète cette couverture.
En tout état de cause, la question de la diffusion de cette chaîne sur la TNT sur l’ensemble du territoire national se heurte à l’absence de fréquence hertzienne disponible. En outre, cela aurait certainement un coût qu’il faudrait mettre en regard des missions de service public de France Médias Monde, notamment le rayonnement international de la France.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, depuis de nombreuses années, la réforme de l’audiovisuel public est envisagée à travers le prisme de sa gouvernance et des économies à réaliser. Toutefois, l’audiovisuel public est avant tout un service public. C’est pourquoi le futur projet de loi doit d’abord être projet de loi d’orientation, permettant de clarifier les missions qui lui sont dévolues. Une fois ces missions précisées, il sera temps de réfléchir aux moyens nécessaires pour atteindre les objectifs qui auront été fixés.
Pour parvenir à ce résultat, une réflexion et un débat ouvert sont nécessaires. Un projet partagé est en effet un projet accepté et, souvent, plus facile à financer. Aussi, madame la ministre, quelle méthode allez-vous mettre en place pour parvenir à un consensus sur les objectifs et les moyens ?
Concernant les objectifs – vous l’avez abordé, madame la ministre, à l’instar de Colette Mélot –, j’aimerais insister sur le défi majeur que représente l’éducation des jeunes à l’audiovisuel public. À l’heure où les plus jeunes se désintéressent de nos médias nationaux et sont exposés quotidiennement à des fake news, il faut parvenir à cultiver, divertir et informer notre jeunesse avec des programmes de qualité conçus pour elle, afin que nos enfants se réconcilient avec l’audiovisuel public et prennent l’habitude de l’utiliser.
Pour y arriver, il faudra aussi se poser la question de la forme des programmes, avec le développement des formats digitaux, de la présence sur les réseaux sociaux, ou encore de l’opportunité de fusionner l’ensemble de ces programmes sur une seule chaîne consacrée à la jeunesse.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Sur la méthode, j’ai déjà répondu. Trois étapes sont prévues : un travail en cours avec les sociétés, qui suppose d’aller sur le terrain – c’est très important : rien de tel que d’aller à la rencontre de ceux qui font pour bien mesurer les enjeux –, la consultation publique et un grand débat.
Madame la sénatrice, vous avez à juste titre orienté votre question sur le ciblage d’un public jeune. Vous avez raison. En effet, comme je l’ai dit en introduction, la télévision publique connaît un véritable vieillissement de ses audiences – 58 ans pour France Télévisions et 62 ans pour Arte – et subit une désaffection croissante du jeune public. C’est une évidence absolue.
L’audiovisuel public ne peut durablement s’éloigner du public jeune. L’un de nos paris est d’accompagner cette transformation pour qu’il soit à nouveau en mesure de proposer des programmes attractifs de façon linéaire ou délinéarisée, correspondant aux usages des jeunes et prenant véritablement en compte la problématique de ces derniers.
Des pistes sont déjà en cours. Je pense, notamment en matière d’offre, au Mouv’ ou à cette toute nouvelle plateforme que France Télévisions vient de lancer, Slash, et, comme je l’ai déjà évoqué, aux programmes d’éducation aux médias ou encore aux programmes éducatifs.
Je rappelle encore une fois ce chiffre absolument incroyable : au Royaume-Uni, 85 % des jeunes vont sur la BBC pour travailler, étudier et s’informer. En France, des programmes éducatifs existent, par exemple Educ’ARTE proposé par Arte . Reste que les jeunes ne les utilisent pas, parce qu’ils ne les connaissent pas.
Un gros travail doit donc être mené. Il faut s’adapter à l’évolution des usages et élaborer une véritable stratégie en matière non seulement de contenus, mais aussi de distribution digitale. C’est l’un des cinq chantiers prioritaires que nous menons.