Sommaire
Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Secrétaires :
MM. Yves Daudigny, Joël Guerriau.
2. Communication d’un avis sur un projet de nomination
3. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
4. Transformation d’un groupe de travail en commission spéciale
5. Dons de jours de repos pour les proches aidants. – Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement n° 1 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 1er bis et 2 – Adoption.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
6. Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux. – Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste
Mme Michelle Gréaume ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Michèle Vullien ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; Mme Michèle Vullien.
M. Joël Bigot ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Alain Fouché ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Joël Labbé ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Pascale Gruny ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Frédéric Marchand ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Guillaume Gontard ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nadia Sollogoub ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Olivier Jacquin ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Ronan Dantec ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. René Danesi ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Frédéric Marchand ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-François Longeot ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Françoise Cartron ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Patrick Chaize ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Patrick Chaize.
M. Roland Courteau ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Jean-Raymond Hugonet.
Mme Fabienne Keller ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Patricia Morhet-Richaud ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
conclusions de la conférence des présidents
9. Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement n° 3 de M. Jérôme Bignon. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Jérôme Bignon. – Retrait.
Amendement n° 1 de M. Jérôme Bignon. – Retrait.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
10. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
11. Ordre du jour
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable - 35 voix pour, aucune voix contre et 3 bulletins blancs - à la reconduction de M. Nicolas Dufourcq aux fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance.
3
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Transformation d’un groupe de travail en commission spéciale
Mme la présidente. Le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance ayant été transmis au Sénat, le groupe de travail dont les membres ont été nommés en séance le 17 janvier dernier, peut être transformé en commission spéciale.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
5
Don de jours de repos pour les proches aidants
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap (proposition n° 146, texte de la commission n° 235, rapport n° 234).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « le besoin de s’aider engendre la bienveillance, une indulgence mutuelle, l’absence de toute rivalité », disait George Sand.
Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois en cette solidarité qui nourrit effectivement la bienveillance et contribue au changement de regard sur les plus fragiles. Elle renforce le lien social entre nos concitoyens et rappelle que les difficultés que peuvent rencontrer certaines familles à un moment donné sont l’affaire de tous et nous concernent tous, car nous sommes tous susceptibles de vivre un jour ou l’autre une épreuve de la vie qui nous fera apprécier cette solidarité que nous appelons de nos vœux.
C’est cette solidarité qui nous rassemble aujourd’hui au travers de l’examen de cette proposition de loi visant à étendre le dispositif de don de jours de repos non pris aux aidants familiaux. L’enjeu est de taille, car ce sont 8 millions à 11 millions de Français, en grande majorité des femmes, qui aident régulièrement un de leurs proches en situation de handicap ou de dépendance, quel que soit leur âge.
En tant que maman d’une enfant en situation de handicap, je connais bien le rôle essentiel des aidants, l’énergie, la force, le courage et le dévouement dont ils font preuve au quotidien, et je leur voue une grande admiration. Si nous travaillons tous dans le sens de la promotion d’une société inclusive, clef de voûte de ma feuille de route, nous devons pour autant faire preuve d’une grande vigilance, veiller à ce que l’inclusion ne se fasse pas au détriment de l’équilibre de vie des aidants et à ce que l’on ne fragilise davantage des familles déjà ébranlées. C’est pourquoi cette proposition de loi est particulièrement opportune.
Le rôle des aidants va s’amplifier avec le temps. Vous savez, tout comme moi, que l’évolution démographique de notre pays constitue autant une chance qu’un défi. Nous avons besoin des aidants et nous devons les reconnaître, les soutenir, les préserver, car leur dévouement à un prix. Les aidants présentent d’ores et déjà 60 % de risques supplémentaires de contracter une maladie liée au stress et au surmenage.
Rappelons-le, près de la moitié des aidants sont des actifs. Ils – et surtout elles, je le redis – doivent tout mener de front. Comme l’avait justement précisé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devant les députés, il existe une forte interaction entre la vie personnelle de l’aidant et son activité professionnelle. L’articulation entre ces vies constitue un défi quotidien qui le dépasse et affecte l’ensemble de son environnement professionnel, qui doit s’organiser d’une part pour pallier ses absences, d’autre part pour l’accompagner dans cette période difficile lorsqu’il est présent sur son poste de travail. Il s’agit là d’un enjeu majeur, sur lequel les employeurs, les ressources humaines, les partenaires sociaux doivent monter en puissance, en s’inspirant de pratiques volontaristes d’ores et déjà adoptées dans certaines entreprises.
C’est donc en apportant la sécurité juridique nécessaire au mouvement de solidarité dans le monde du travail que nous soutiendrons et favoriserons la solidarité intergénérationnelle entre proches.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons la responsabilité collective de reconnaître ce rôle si exigeant des aidants en les soutenant dans leur engagement. Cette proposition de loi ne répond certes pas à l’ensemble des enjeux considérables relatifs à la situation des aidants familiaux, mais elle représente un pas significatif.
Je veux rappeler à cet égard que j’ai confié, avec mes collègues Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Muriel Pénicaud, ministre du travail, une mission à Mme Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées et ancienne sénatrice. Son objet est de soutenir le retour et le maintien dans l’emploi des aidants familiaux de personnes en situation de handicap ou de personnes âgées. Dominique Gillot nous rendra en mars prochain ses conclusions. Elles pourront enrichir, le cas échéant, l’élaboration du projet de loi relatif à l’apprentissage et à la formation professionnelle.
Vous l’aurez compris, cette proposition de loi me tient à cœur. Le cap de la politique du handicap, dont le Président de la République a fait une priorité, est de faire de la France une société pleinement inclusive. Or une société inclusive ne peut se penser sans tous ces proches qui soutiennent et accompagnent les projets de vie du quotidien des personnes en situation de handicap et de dépendance.
Le Gouvernement est mobilisé pour améliorer le soutien aux aidants, véritable gage d’une meilleure qualité du soutien présent et futur à nos personnes âgées et en situation de handicap. Pour toutes ces raisons, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement donne un avis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un sentiment d’honneur et de gravité que je rapporte pour la première fois un texte qui n’a pas manqué de susciter d’importantes interrogations en commission des affaires sociales. Celle-ci s’est prononcée à une large majorité en faveur de l’adoption sans modification de cette proposition de loi, mais elle s’est montrée à juste titre partagée sur son contenu, eu égard à sa portée limitée.
Qu’est-ce donc que ce texte, inspiré par l’intention louable d’élargir les droits sociaux des proches aidants – ces personnes qui consacrent une large partie de leur temps à des membres de leur entourage qui ont besoin d’un accompagnement constant du fait de leur état de santé et de leur manque d’autonomie – mais dont la portée risque fort de ne pas être à la mesure de l’ambition ?
Ils sont actuellement près de 8,3 millions – voire 11 millions selon certaines sources – à apporter leur aide, quotidienne et bénévole, à un membre de leur entourage proche. L’explosion de leur nombre est une conséquence directe de l’allongement de la durée de la vie et du désir qu’ont les personnes en perte d’autonomie de se maintenir chez elles : autant d’heureuses tendances dont on a trop longtemps négligé les effets. Tout à la joie de pouvoir jouir plus longuement de nos proches, nous oublions souvent que la fragilité qui accompagne l’âge ou le handicap exige que nous nous acquittions envers eux d’un surcroît de soins et d’attention.
Mes chers collègues, les proches aidants, les aidants familiaux, ces personnes dont le droit n’a pas encore figé l’appellation, connaissent une détresse profonde. Sourde et digne, souvent inexprimée parce qu’issue d’un mouvement qu’animent indistinctement devoir et compassion et que nous avons tardé à distinguer du simple soutien que se doivent les membres d’un même entourage, que la loi n’a pas à régir, cette détresse n’en est pas moins réelle.
Quand la personne s’abîme doucement, quand sa carrière est compromise, quand sa propre famille se fissure à force de vivre deux vies, la sienne et celle dont elle s’est donné la charge, alors notre devoir ne se résume plus à laisser à la société le soin de réguler d’elle-même ses propres cellules : il est d’apporter l’élément qui éveillera les consciences sur une réalité trop souvent ignorée.
Cet élément, le voici. Il n’est certes pas parfait. Le mérite de ce texte revient à notre collègue député Paul Christophe, du groupe UDI, Agir et Indépendants, qui l’a inscrit à l’ordre du jour réservé aux groupes minoritaires de l’Assemblée nationale. Il constitue une transposition aux proches aidants du dispositif de la loi du 9 mai 2014, également issu d’une initiative parlementaire et visant à permettre aux collègues d’un salarié dont l’enfant est atteint d’une maladie grave de lui faire don de jours de congés payés.
L’idée était fort belle, en ce qu’elle inscrivait dans la loi un élément de solidarité dans l’entreprise, dont les salariés étaient libres de s’emparer ou non. Elle n’avait néanmoins pas de véritable portée normative. Concernant les grandes entreprises, de nombreux accords d’entreprise antérieurs à la loi prévoyaient déjà des dispositifs comparables, voire meilleurs ; concernant les petites et moyennes entreprises, où les jours de congés au-delà du seuil légal sont presque inexistants, la loi ne se distinguait guère d’une simple déclaration d’intention. Pourtant, le Parlement l’a votée, parce qu’il s’agissait d’une main tendue, parce que, malgré le risque de voir ses effets partiellement neutralisés, elle disait aux parents d’enfants gravement malades, avec la solennité dont la loi seule peut être revêtue, la considération, l’empathie et l’appui des pouvoirs publics.
C’est ce geste que je vous demande de renouveler aujourd’hui. Je n’en partage pas moins l’insatisfaction de certains de mes collègues.
Je suis tout à fait consciente que la discussion d’un nouveau texte sur les proches aidants de personnes âgées ou handicapées nous fait passer à côté de la réforme ambitieuse et d’envergure que leur condition réclame.
Je suis tout à fait consciente que le don de jours de congés payés au proche aidant d’une personne en perte d’autonomie ne répond que très imparfaitement aux besoins réels qu’une pareille situation implique : l’aménagement du temps de travail, une homogénéisation des droits à la retraite de tous les aidants, une sécurité financière pour tous les aidants et, pourquoi pas, un véritable statut qui rassemblerait en un bloc unique tous ces droits dispersés et empilés au gré de textes successifs dont ils n’ont été jusqu’à maintenant qu’une matière incidente.
Dans l’attente d’une consolidation de ces droits, je m’engage formellement devant vous à veiller à ce que l’engagement pris par le Gouvernement, lors de la dernière conférence nationale du handicap, d’élaborer une stratégie nationale en faveur des aidants soit tenu, et surtout à ce qu’il intègre la condition des proches aidants de personnes âgées.
Forts de cet engagement, je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cette proposition de loi en l’état. Je vous demande de me rejoindre dans une patiente détermination à donner aux aidants les droits qui leur sont nécessaires, et à leur adresser pour l’heure le signal qu’ils ne sont pas oubliés et que la représentation nationale prend leurs intérêts à cœur. Songez bien que la modification de ce texte, inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale réservé aux groupes minoritaires, contraindrait nos assemblées à poursuivre une navette dont l’aboutissement demeure plus qu’incertain. Nous ne perdrions certes pas l’occasion d’inscrire un droit essentiel au côté de ceux qui existent déjà, mais nous passerions à côté de celle, dont il est rarement donné au Parlement de se saisir, d’adresser aux aidants un geste fort, que je veux riche de promesses. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains).
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un mouvement, longtemps attendu, de reconnaissance des aidants.
Notre pays compte plus de 8 millions de ces aidants qui, en plus de faire face à leurs impératifs personnels et professionnels, soutiennent de façon bénévole et habituelle dans sa vie quotidienne un de leurs proches dépendant. Les termes « aidant familial » ou « proche aidant » qui désignent ceux qui assurent cette forme exigeante de secours à un proche ne sont apparus que relativement récemment. Longtemps en effet ils – ou plutôt elles – ont été invisibles dans nos politiques publiques.
Étant le plus souvent épouses, mères ou filles des personnes qu’elles assistent, la spécificité de leur engagement, et donc de leurs besoins, a d’abord été ignorée, parce que relevant d’une solidarité familiale perçue comme naturelle, mais reposant pourtant de façon disproportionnée sur les femmes.
Puis le regard porté sur les aidants a changé : collectivement, nous reconnaissons désormais leur apport spécifique à notre système de solidarité et avons pris conscience qu’il faut « aider les aidants ».
Depuis plus de dix ans maintenant, comme vous le rappelez dans votre rapport, madame la rapporteur, plusieurs dispositions ont été adoptées pour reconnaître des droits sociaux aux aidants, notamment salariés, comme le droit à congé, à la retraite ou, dans certains cas, l’ouverture de possibilités de dédommagement. Je salue à cet égard la création, par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, d’un droit au répit pour les proches aidants de personnes bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
En complément, la loi du 9 mai 2014, ou loi Mathys, a encouragé la solidarité horizontale en généralisant la possibilité de faire le don de jours de repos à un collègue pour lui permettre de rester auprès de son enfant gravement malade.
Aujourd’hui, nous complétons ce dispositif en l’étendant au « salarié qui vient en aide à une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité ou présentant un handicap ». Cette extension concernera également la fonction publique. Certes, les quelques jours de repos ainsi collectés ne permettront pas aux aidants de faire face sur le long terme – souvent plusieurs années – aux difficultés liées à la perte d’autonomie de leur proche.
Néanmoins, ce pas en avant supplémentaire est bienvenu. Nous soutiendrons ce texte par notre vote unanime, car il participe du changement culturel qui s’opère dans notre société au bénéfice des aidants.
Pour autant, nous devons constater l’émiettement des dispositions actuelles en faveur des aidants, ainsi qu’un manque de lisibilité du champ des personnes concernées et de leurs droits. Il y a donc urgence à définir une stratégie globale pour les aidants, notamment celles et ceux qui ont une activité professionnelle. On ne peut pas continuer ainsi à se pencher sur leur situation au coup par coup.
En raison de l’allongement de la durée de la vie, du recul de l’âge de la retraite, du souhait de rester chez soi, du manque de structures et du coût de celles-ci, chacun, un jour ou l’autre, peut être amené à devenir aidant d’une personne en perte d’autonomie tout en ayant une activité professionnelle, comme c’est le cas de près de 50 % des aidants en France.
Les difficultés que ces aidants rencontrent pour concilier leur vie professionnelle et leur rôle auprès de leur proche sont multiples : nécessité de réduire ses horaires de travail, absences fréquentes, choix d’un métier ou d’un poste moins rémunérateur mais moins contraignant, refus de promotions, fatigue, voire épuisement, qui affecte la productivité au travail, et malheureusement, dans certains cas, hostilité, voire discrimination.
L’enjeu de société est doublement important, car de 60 % à 70 % des aidants sont des femmes, qui souffrent déjà des inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail. Pour réduire ces inégalités, toutes les solutions doivent être mobilisées : renforcement de l’accès géographique et économique aux services d’aides à domicile pour soulager les aidantes ; conduite d’une réflexion, avec les entreprises, sur l’aménagement du temps de travail et le recours au télétravail lorsque c’est pertinent. L’aidant ne doit pas être perçu négativement dans la collectivité de travail.
Il faudra également développer les mécanismes de solidarité collective pour compenser les pertes de revenus et de cotisations résultant des réductions ou interruptions temporaires d’activité.
Le vote d’aujourd’hui n’épuisera donc pas, tant s’en faut, la question du soutien aux aidants, mais il sera le gage de notre mobilisation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord de remercier Mme la rapporteur de la qualité et de l’objectivité de son rapport. Nous apprécions particulièrement, au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qu’elle n’ait pas caché les limites de cette proposition de loi. Pour nous aussi, la générosité est une valeur que la société doit savoir promouvoir. Notre réticence à l’égard de ce texte ne se situe donc pas à ce niveau.
Permettre à des salariés de faire don de jours de congés au-delà de la durée légale, pourquoi pas ? Cela se pratique déjà pour soutenir des parents confrontés à une maladie ou à un accident grave de leur enfant. Mais, de même que nous ne pouvions voter la loi du 9 mai 2014, nous ne pourrons voter aujourd’hui ce texte, d’abord parce qu’il introduit une inégalité inacceptable entre salariés en fonction de la taille de leur entreprise. Ainsi, le salarié d’une TPE ne pourra quasiment pas mobiliser de jours de repos quand celui d’une grande entreprise aura plus de facilités pour ce faire. Mais surtout, comme l’a d’ailleurs rappelé la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, « il revient aussi à la solidarité, aux politiques publiques de financer l’effort nécessaire ». Pour notre part, nous dirions même qu’il revient à l’État de donner l’exemple.
Or vous soulignez vous-même, madame la rapporteur, que « cette proposition de loi ne saurait en aucun cas prétendre corriger toutes les carences très importantes dont les droits de l’aidant continuent aujourd’hui de souffrir », et vous donnez rendez-vous au Gouvernement sur ce sujet.
Nous proposons, là encore, d’aller plus loin. Tel est le sens de l’amendement de fond que nous avons déposé. Cet amendement d’appel, madame la secrétaire d’État, vise à sonder les véritables intentions du Gouvernement sur ce sujet, si sensible eu égard aux sacrifices – allant jusqu’à celui de leur propre vie – que consentent nombre des 8,3 millions d’aidants.
Notre collègue député Pierre Dharréville vient de dévoiler toute une série de propositions en conclusion de la « mission flash » qu’il a menée sur ce sujet à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, pour promouvoir le recours au congé de proche aidant, actuellement faible, il propose de créer une indemnisation dont le montant pourrait être identique à celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit 43,14 euros par jour. Le coût de cette mesure est estimé à 300 millions d’euros, une goutte d’eau par rapport aux milliards, sinon aux dizaines de milliards d’euros qu’il faudra bien mobiliser un jour pour accompagner le vieillissement et l’entrée en dépendance d’une part croissante de nos concitoyens.
Ensuite, les proches aidants de personnes handicapées bénéficiant déjà d’une majoration de leur durée de cotisation à l’assurance vieillesse, à hauteur d’un trimestre par période de prise en charge de trente mois, dans la limite de huit trimestres, notre collègue député propose d’étendre ce système pour en faire bénéficier aussi les proches aidants de personnes âgées dépendantes.
Enfin, il est proposé de prendre en charge à 100 % les dépenses de santé des aidants, en raison de leur état d’épuisement physique et mental, qui nécessiterait d’ailleurs un suivi particulier.
Madame la rapporteur, vous avez émis un avis défavorable sur l’amendement que nous avons déposé. Vous nous avez indiqué, en commission, que le fait de ne pas adopter cette proposition de loi dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale pourrait retarder une avancée, aussi modeste fût-elle. Nous entendons votre argument, mais si nous votions ce texte en l’état, nous dédouanerions encore une fois le Gouvernement de ses obligations ! Quant à la nécessité d’aller vite, faut-il rappeler qu’il a fallu attendre près d’un an les décrets d’application de la loi du 9 mai 2014 relative aux enfants malades ?
Dans le même ordre d’idées, le droit au répit, pourtant reconnu par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, peine encore, deux ans après la promulgation de ce texte, à se mettre en place dans les départements. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous pourrez nous apporter des explications à ce sujet.
En résumé, faute d’un engagement ferme du Gouvernement sur des mesures concrètes à la hauteur des enjeux et financées de façon solidaire, nous voterons contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un rapport lucide que Mme la rapporteur nous a présenté aujourd’hui, un rapport généreux aussi en ce qu’il encourage le don de jours de congé à un proche aidant par d’autres salariés. Cette pratique est née avant que la loi ne la prévoie. Ainsi, dans la branche de la plasturgie, un accord la permettant à compter du 1er janvier 2018 a été signé entre les syndicats et les organisations professionnelles. Demain, après l’adoption de cette proposition de loi, elle sera étendue à toutes les branches.
C’est un rapport lucide, madame la rapporteur, car vous soulignez les limites de cette proposition de loi au regard de l’ampleur des besoins en matière de soutien aux aidants.
Le nombre de ces derniers est estimé entre 8,3 millions et 11 millions : ce flou dans les chiffres tient au fait que l’on devient souvent aidant progressivement, en ce qui concerne l’accompagnement des personnes âgées, et non du jour au lendemain.
En outre, beaucoup d’aidants ne se reconnaissent pas comme tels, estimant ne faire que leur devoir. L’une des grandes avancées permises par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a été l’établissement d’un statut des aidants, dont le premier bénéfice, sur le plan psychologique, a été d’amener les aidants à s’identifier et à se reconnaître comme tels, et de fait à prendre soin d’eux-mêmes.
Monsieur Watrin, vous évoquiez voilà un instant l’accès aux soins pour les aidants. À mon sens, le problème tient moins à l’aspect financier qu’à un manque de prise en compte de soi-même. Je demande souvent aux médecins s’ils ont le réflexe de s’enquérir aussi de la santé des aidants des personnes âgées en perte d’autonomie qu’ils rencontrent.
Il importe en effet de prendre en compte la fatigue spécifique des aidants, dont 54 % sont des femmes. Ce taux croît d’ailleurs avec la gravité de l’état de la personne aidée, les trois quarts des aidants des personnes en grande perte d’autonomie étant des femmes. Cela fait partie du travail invisible et non rémunéré des femmes, qui commence à la naissance des enfants pour s’achever au décès des parents ou des grands-parents, un travail ô combien précieux pour nos finances publiques et sociales…
La reconnaissance des aidants a progressé, mais nous avons besoin de savoir pourquoi les conseils départementaux ne font pas mieux connaître le droit au répit aujourd’hui ouvert aux aidants.
Vous nous aviez donné comme consigne, madame la rapporteur, de ne pas déposer d’amendements, afin que le texte puisse être adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous nous y sommes conformés. Pour autant, il conviendrait de prendre certaines mesures. En particulier, il faudrait instaurer un droit au congé pour les aidants de parents âgés et dépendants, à l’instar du droit au congé pour les parents d’enfant malade.
Les aidants ont certes besoin de périodes de répit, mais ils ont aussi besoin de demi-journées ou de journées de congé, par exemple pour effectuer des démarches administratives souvent très lourdes et accaparantes.
Je vous propose donc, madame la secrétaire d’État, de réfléchir à la création d’un droit au congé pour les aidants de personnes âgées en perte d’autonomie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, chers collègues, un accident de voiture, l’annonce d’une maladie auto-immune, des parents dont il faut s’occuper dans l’urgence : on ne s’y attend pas, on est dans le feu de l’action, on exerce son activité professionnelle, on jouit de la sérénité familiale, mais la vie bascule. Il faut faire face ! La famille, les proches doivent affronter avec courage une situation qui exigera non seulement de la force morale et psychologique, de la résistance physique, mais aussi une capacité financière certaine. Nous payons bien souvent les carences de l’État.
Il faut opérer des sacrifices professionnels, personnels, mais la réaction s’organise et se structure. La vie est la plus forte, et il faut aller de l’avant pour accompagner des personnes fragilisées et devenues dépendantes.
Hier, la question ne se posait pas. Nos vieux parents étaient accueillis dans le creuset familial. Nous gardions, devant le handicap, un silence pudique. C’était une « affaire de famille », presque secrète. Puis, peu à peu, les langues se délient, les témoignages se déploient, les demandes de soutien se précisent : on en parle !
De nouveaux phénomènes interpellent la société, comme la découverte de certaines maladies ou, plus heureusement, l’allongement de la durée de vie. Les situations de dépendance se multiplient et conduisent le politique, au sens noble du terme, à se préoccuper de cette réalité.
Les autorités publiques agissent pas à pas, en tâtonnant. Je ne dresserai pas la liste de toutes leurs initiatives – elles ont été rappelées dans les rapports de Paul Christophe, député des Flandres, et de notre collègue rapporteur, Jocelyne Guidez – qui ont conduit à la création du statut d’aidant familial.
Cette expression est la transposition d’un vocable technocratique. Elle devrait refléter le seul élan du cœur, la simple générosité, mais le législateur n’est pas un poète ! Il doit qualifier juridiquement des situations humaines.
Il faut donc aider les aidants. Paul Christophe a su s’imprégner de cet esprit de générosité pour rédiger la présente proposition de loi. Madame la rapporteur, vous avez rappelé cet esprit avec sagesse et humanisme ; le Parlement le gravera dans le marbre.
L’objet de cette proposition de loi est simple, mais louable : étendre le dispositif du don de jours de repos aux salariés confrontés à la nécessité de s’occuper d’une personne qui n’est plus autonome. Mon collègue Daniel Chasseing, médecin généraliste de surcroît, vous présentera le dispositif de ce texte que je perçois comme un message d’espérance pour les familles. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, dans l’introduction de son excellent rapport de stage de 2007, intitulé « Enquête auprès des aidants familiaux des personnes âgées en perte d’autonomie », Mohamadou Oumarou Danni, alors étudiant de master 2 à l’université de Poitiers, faisait état d’une situation qui, plus d’une décennie plus tard, n’a pas beaucoup évolué :
« Le vieillissement progressif de la population française et l’accroissement de la dépendance physique et psychologique qui en résulte constituent un phénomène lourd que toutes les projections démographiques confirment. Ainsi, la société française, comme la plupart des sociétés occidentales, est et va être durablement affectée par cette situation qui, directement ou indirectement, concernera à moyen ou à long terme toutes les familles.
« Cette augmentation du nombre de personnes en situation de handicap pose évidemment la question de leur prise en charge, car il n’existe pas assez de places en maisons de retraite ou en établissements spécialisés pour les accueillir.
« Pour faire face à ce défi majeur, les pouvoirs publics privilégient de plus en plus le maintien à domicile, mais, pour ce faire, il semble nécessaire, voire primordial, de créer un environnement favorable aux conditions de travail d’aidant. »
Mes chers collègues, vous le voyez, onze ans plus tard, la problématique reste d’actualité. Il faut bien l’admettre : malgré la qualité de notre système de soins et de santé, les progrès de la médecine, le matériel innovant toujours plus moderne et plus efficace, il n’est toujours pas possible d’assurer entièrement une bonne prise en charge des personnes en situation de handicap.
Les proches aidants jouent donc un rôle fondamental, et l’État ne peut entièrement se substituer à eux. Ainsi, comme le soulignait Mohamadou Oumarou Danni, c’est justice de donner davantage de moyens aux proches aidants pour assumer ces tâches quotidiennes qui viennent s’ajouter à celles des vies familiale, professionnelle et personnelle.
Au cours des dernières années, plusieurs lois sont venues apporter des améliorations, et, à ce titre, il convient de saluer diverses avancées. Je pense à la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, à la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, enfin à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette lignée, en tendant à permettre à un salarié de renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise étant un proche aidant et à condition de conserver un minimum de vingt-quatre jours de repos, conformément au droit européen.
On ne peut que saluer ce dispositif, qui va dans le bon sens, même s’il n’est pas parfait.
Ainsi, il faudra probablement décliner l’applicabilité de ce texte selon la taille des entreprises. De leur côté, ces dernières devront faire preuve de la plus grande souplesse pour adapter au mieux, selon leurs moyens et leurs possibilités, les présentes dispositions.
Je pense également que l’État doit soulager davantage les proches aidants. Il est impératif de développer des structures d’accueil de jour, de faciliter l’hébergement temporaire en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, de favoriser le remplacement des aidants familiaux par des professionnels pendant quelques jours ou quelques semaines, de valoriser les emplois d’aide à domicile ou encore de mieux informer sur les aides disponibles non seulement les patients, mais aussi les proches aidants eux-mêmes.
Pour bon nombre de nos concitoyens, il est difficile de trouver un équilibre entre travail et vie privée. Imaginez la situation dans laquelle se trouvent ceux qui, parmi nous, doivent également assumer la charge d’une ou de plusieurs personnes en perte d’autonomie !
Mes chers collègues, pour avoir pleinement conscience de cette situation, il faut l’avoir vécue. Je parle, comme un certain nombre d’entre nous, en connaissance de cause. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à toutes ces femmes, à tous ces hommes qui donnent de leur temps aux autres, bénévolement, et bien souvent au détriment de leur propre épanouissement.
En la matière, les outre-mer connaissent les mêmes difficultés que la France hexagonale. Les situations y sont même parfois plus dramatiques, eu égard à la faiblesse de l’offre en structures d’hébergement et à la structuration de nos familles, souvent monoparentales.
Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas avoir déposé des amendements afin d’améliorer le dispositif de cette proposition de loi ?
À cet égard, l’excellent travail de notre collègue rapporteur Jocelyne Guidez ne souffre aucune contestation : son argumentaire est clair, précis, méthodique et empreint d’une sincérité indéniable. Je tiens à saluer ce travail, sa pertinence et la profondeur de la réflexion conduite.
Mes chers collègues, les élus du groupe du RDSE ont, à l’unanimité, choisi de se conformer à la demande de Mme la rapporteur de ne pas amender le texte afin que son adoption par le Parlement - et donc son entrée en application - puisse être la plus rapide possible.
Cette proposition de loi ne comblera pas toutes les lacunes, nous en sommes conscients, mais nous n’en voterons pas moins en faveur de son adoption dans la rédaction proposée par notre commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. –M. Philippe Mouiller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour le groupe Les Républicains.
M. Bernard Bonne. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui a fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale. Nul doute qu’il en ira de même au Sénat.
Je suis particulièrement heureux d’intervenir dans cette discussion générale. En effet, cette proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux s’inspire assez largement de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, soutenue par M. Paul Salen, député de la Loire qui, à l’époque, était également mon premier vice-président au conseil départemental.
M. Salen avait eu connaissance de la détresse et des difficultés des parents d’un enfant atteint d’un cancer en phase terminale. Ces parents voulaient, bien entendu, rester près de leur enfant et l’accompagner le plus possible dans cette terrible épreuve. Aussi M. Salen avait-il proposé ce dispositif afin de répondre à des situations ponctuelles d’urgence.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’encourager, par une sécurisation juridique accrue, les élans de solidarité entre collègues de travail lorsque l’un d’eux traverse une période particulièrement difficile du fait du poids de son rôle auprès d’un proche en situation de handicap ou auprès d’une personne âgée en perte d’autonomie.
Toutes les études le démontrent : les aidants, souvent issus de la fameuse « génération pivot », représentent la solution d’accompagnement privilégiée par les personnes concernées par la perte d’autonomie d’un proche. C’est aussi la solution la moins coûteuse, loin devant les aides professionnelles à domicile et l’accueil en établissement de type EHPAD.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis des avancées majeures au bénéfice des aidants familiaux, en reconnaissant leur engagement au travers de la définition du statut de « proche aidant », notion qui va bien au-delà des seuls membres de la famille. Ce texte a aussi introduit plusieurs dispositifs visant à accompagner, à informer et à former les aidants, ainsi qu’à mieux prendre en compte leurs besoins, en créant le congé de proche aidant et le droit au répit.
Toutefois, il est clair que la santé des aidants est un enjeu de santé publique. Il faudra veiller à ce que les dispositifs prévus dans les textes précités soient efficacement mis en œuvre. Plusieurs missions en cours devraient nous éclairer sur ce point.
La proposition de loi présentée par notre collègue député Paul Christophe vient compléter le cadre législatif actuel, mais ce texte n’a pas pour objet de traiter l’ensemble des problèmes très difficiles qui se posent aux aidants. Il a le mérite de permettre un aménagement et un allégement du temps de travail des aidants familiaux sans que ces derniers aient à subir une perte de salaire. Pour autant, si elle part d’une intention tout à fait louable et respectable, à laquelle, bien sûr, je souscris, cette proposition de loi ne répond pas totalement à un certain nombre de difficultés que pourraient poser ses modalités d’application et de mise en œuvre. Permettez-moi de m’arrêter sur certaines d’entre elles.
Premièrement, le don concerne les jours de repos excédant les vingt-quatre jours de congés payés annuels. Or, on le sait bien, tous les salariés ne bénéficient pas du même nombre de jours de repos supplémentaires : celui-ci varie selon la taille de l’entreprise. Les possibilités ouvertes ne sont donc pas les mêmes selon que l’on travaille dans une PME ou au sein d’un grand groupe.
Deuxièmement, si le dispositif de la loi de 2014, qui concerne l’accompagnement d’enfants gravement malades, est d’une application assez facile, la prise en charge de pathologies lourdes d’adultes dépendants s’inscrit souvent dans la durée. Comment des salariés pourront-ils aider un collègue sur une très longue période ? Quelle peut être l’incidence de ce soutien, non seulement en termes financiers, mais aussi sur le fonctionnement de l’entreprise ?
Troisièmement, quelles seront les conditions d’application de ce dispositif dans la fonction publique ?
Quatrièmement, le présent texte ne prend pas en compte la situation de celles et ceux qui ont dû abandonner leur travail pour s’occuper de personnes âgées dépendantes. À quand une harmonisation de leurs droits avec ceux des proches aidants des personnes présentant un handicap ?
Plus généralement, ne faudrait-il pas réserver cette faculté de bénéficier d’un don de jours de repos à des salariés se trouvant brusquement en situation d’urgence et ayant ponctuellement besoin de se rendre disponibles pour faire face à un accident de la vie, sans qu’il s’agisse obligatoirement d’aider des personnes âgées ou handicapées ?
Quoi qu’il en soit, comme l’a souligné Mme la rapporteur, cette proposition de loi constitue une première et très grande étape. Elle marque la reconnaissance, au sein même de l’entreprise, des liens étroits qui donnent à la société sa cohésion d’ensemble.
Cet élan de solidarité pourrait aussi, de manière induite, nous permettre de renforcer les liens intergénérationnels au sein des familles, dans la mesure où ce sont bien souvent les enfants qui prennent en charge leurs parents âgés ou dépendants.
Sous réserve de ces quelques remarques, je voterai bien entendu cette proposition de loi, comme mes collègues du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour le groupe Union Centriste.
Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, en présentant ce texte, Paul Christophe, député, du groupe UDI, Agir et Indépendants, a pris une belle initiative. Qu’il en soit remercié.
Au travers de cette proposition de loi relative au don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants, il s’agit de faire face à des situations de crise conjoncturelles pour les aidants, dont l’implication psychologique est déjà très forte tout au long de l’année. Il s’agit aussi, on l’a rappelé, de donner du répit aux aidants en actionnant le levier de la solidarité citoyenne.
« Aidant naturel » : une bien belle expression, qui recouvre souvent une réalité de souffrance. Je parle ici de la réalité humaine, non pas des réalités administratives ou juridiques, avec les aidants familiaux relevant des caisses d’allocations familiales, des maisons départementales des personnes handicapées ou de dispositifs tels que la prestation de compensation du handicap, la PCH, ou l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
On parle aussi souvent d’aidant informel, c’est-à-dire non professionnel, venant en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage pour les activités de la vie.
En effet, parler d’aidants, c’est bien parler de la vie de tous les jours : une fin de vie, une maladie, un cas d’Alzheimer identifié, une tumeur suspectée, la naissance d’un enfant différent, et nous devenons tous des aidants naturels. Aussi l’examen du présent texte requiert-il, de notre part, pragmatisme et humanité.
Chers collègues, l’humanité, je l’ai perçue dans tous les discours que vous avez prononcés. Aujourd’hui, comme nous l’a demandé notre rapporteur, Mme Guidez, nous devons également faire preuve de pragmatisme. Nous devons nous inspirer du travail qu’elle a accompli, dont les précédents orateurs ont souligné la qualité.
Ma chère collègue, votre rapport est remarquable à un double titre.
Tout d’abord, vous avez su présenter la diversité des situations que recouvre la problématique des proches aidants. Il est essentiel de se fonder sur ce constat si l’on veut apporter des solutions adaptées.
Ensuite, vous avez fait preuve d’un certain courage en préconisant l’adoption conforme de cette proposition de loi, afin d’en assurer la promulgation rapide.
Je parle de courage et de responsabilité, car il y aurait tant à faire ! Mes collègues ont déjà donné quelques pistes.
Vous avez raison d’appeler à une réflexion d’ensemble sur la question des proches aidants, qui ne fait l’objet que de mesures parcellaires disséminées dans plusieurs textes de loi.
La première véritable prise en charge de la problématique des proches aidants, via la création du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, date de 1999. Ce dispositif est devenu quelques années plus tard le congé de solidarité familiale, modifié ensuite par la loi ASV ou par la loi El Khomri.
D’autres mesures existent également, comme le droit au répit prévu pour les personnes aidant des personnes âgées bénéficiant de l’APA. Toutefois, le droit au répit n’est pas mis en application de façon uniforme sur l’ensemble du territoire, que ce soit par les conseils départementaux ou par les services de l’État. À La Réunion, nous avons mis en place des bourses d’heures. À cette fin, nous avons créé un groupement d’intérêt public, un GIP, associant l’État et le conseil départemental. Ce dispositif permet de proposer aux familles des week-ends de répit. Madame la secrétaire d’État, je vous invite à venir vous rendre compte sur place de son fonctionnement.
En la matière, il existe également des accords d’entreprise. Quelle est la plus-value du texte que nous examinons aujourd’hui ? Il complète la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade. Le cadre juridique est strictement repris et élargi aux personnes prenant en charge une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité ou présentant un handicap.
Oui, cette proposition de loi apporte bien une plus-value, même si nous reconnaissons tous ses limites. Ces dernières ont été bien explicitées par notre rapporteur, qui souligne la diversité des situations auxquelles les aidants familiaux doivent faire face.
Dans le même esprit, je tiens à insister sur le fait que cette mesure de solidarité citoyenne ne doit pas se substituer au nécessaire accompagnement de la solidarité nationale. À cet égard, madame la secrétaire d’État, nous vous avons entendu exprimer l’engagement et la volonté du Gouvernement dans votre propos liminaire.
En effet, si le dispositif proposé peut permettre, dans des situations exceptionnelles, à des élans de générosité de s’exprimer librement, il n’assure pas la reconnaissance du statut juridique du proche aidant. Il n’apporte pas de garanties suffisantes en termes de droits ou de couverture des dépenses de santé de ces publics déjà fragiles.
Les membres du groupe Union Centriste pensent qu’il est nécessaire de travailler à une approche plus globale. Les proches aidants ont besoin de moyens, de temps, de compensations et de reconnaissance.
En ce qui concerne les moyens, on pourrait envisager de mettre en place une allocation dédiée, à l’image de ce qui se pratique déjà dans le cadre de l’APA. À ce titre, l’amendement proposé par nos collègues du groupe CRCE tend à ouvrir des pistes de réflexion. La mise en œuvre de ce dispositif, qui n’est pas encore garantie aujourd’hui, pourrait se concevoir sur la base de l’article 1er bis de cette proposition de loi. Dans cette perspective, j’appelle à mon tour nos collègues à une adoption unanime de cette proposition de loi dans le texte de la commission.
L’attribution de moyens aux aidants pourrait également prendre la forme d’une formation spécifique, afin qu’ils puissent mieux assumer leur rôle et faire face à la maladie, au handicap et à la dépendance.
De nombreux aidants renoncent à leur carrière, provisoirement ou définitivement. Notre système de retraites doit en tenir compte pour le calcul de leurs pensions. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, une répartition de trimestres supplémentaires entre les conjoints ou, plus largement, les membres de la famille de la personne handicapée ou très dépendante ? Les pistes sont nombreuses.
Je terminerai en évoquant l’offre d’accueil temporaire dans les établissements, qui n’est pas encore suffisamment large. Les représentants des MDPH nous le disent, son développement s’impose sur tout le territoire. Saisissons-nous de cette problématique, car des milliers de personnes se sentent aujourd’hui bien démunies. Pour l’heure, chers collègues, votons cette proposition de loi conforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, les aidants sont souvent les conjoints des personnes dépendantes, mais ce sont aussi les enfants, les petits-enfants ou des membres de la famille qui prennent sur leur temps pour accompagner la personne en perte d’autonomie, que ce soit en raison d’une maladie, d’un handicap ou du vieillissement.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, la DREES, le nombre des aidants ne cesse de croître en raison du vieillissement de la population. On en dénombre ainsi 8,3 millions, dont 57 % de femmes. La moitié d’entre eux continuent à exercer une activité professionnelle.
On sait que l’offre d’accueil des personnes en perte d’autonomie est insuffisante ou inadaptée, toutes les zones n’étant pas pourvues d’établissements spécialisés. Si la solidarité familiale et le rôle social des aidants sont réels, notamment en milieu rural, ils masquent difficilement les carences de la société en matière de prise en charge. Certes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit la création de 5 000 places supplémentaires d’hébergement en EHPAD, mais cela ne suffira pas à répondre aux besoins en termes d’accueil, tant à temps plein qu’à temps partiel, pour soulager les aidants en leur offrant des moments de répit et une sortie de l’isolement. Des dispositifs innovants existent et doivent être expérimentés en ce sens. Ainsi, on pourrait encourager le développement des « EHPAD relais » ou « EHPAD hors les murs », qui donnent de bons résultats.
Ne faudrait-il pas également mettre en place des actions qui confortent le lien entre le domicile, les services des urgences et les structures de type EHPAD pour limiter, lors des transferts, les ruptures dans les parcours de santé et de vie ?
La présence des aidants sur le lieu de résidence des personnes en perte d’autonomie est une absolue nécessité. On touche ici au quotidien des Français, qui reste assez éloigné des promesses numériques et robotiques de la « silver économie »… L’accompagnement humain demeure fondamental.
Si l’on veut que l’aidant ne développe pas à son tour des pathologies – troubles musculosquelettiques, dépression, dépendance, etc. –, il faut apporter un soutien aux aidants.
Comme l’a déjà relevé ma collègue Laurence Rossignol, les premiers jalons de cette reconnaissance ont été posés sous le précédent quinquennat. La présente proposition de loi s’inscrit dans cette perspective. Elle constitue une étape supplémentaire dans la reconnaissance de ce statut, qui nous touche tous dans notre vie affective et familiale.
Le don de jours de congé aux proches aidants, transposition du dispositif de la loi Salen, est incontestablement une réponse à prendre en compte. L’ouverture de ce droit légitime est d’ailleurs très attendue par les familles, et nous y sommes très favorables.
Néanmoins, cette proposition de loi appelle d’autres textes pour que l’on puisse améliorer encore la situation des aidants, en élargissant par exemple leurs droits à la retraite. Il s’agit, là aussi, d’une grande attente. Cette évolution est d’ailleurs préconisée dans le rapport de la « mission flash » menée par nos collègues députés.
Faut-il le rappeler ? Dans nos permanences, nous rencontrons beaucoup de proches aidants qui nous disent opter pour le travail à temps partiel afin de pouvoir s’occuper de leurs aînés. Espérons donc que, sur ce sujet consensuel, nous arrivions à insuffler une politique sociale spécifique en faveur des aidants, dont je salue le dévouement et la solidarité exceptionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme l’a indiqué Jean-Pierre Decool, cette proposition de loi complète les avancées de la loi Paul Salen, qui a permis le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade. Elle étend ce dispositif de don de jours de repos à tous les aidants, quel que soit l’âge de la personne dépendante.
Dans le cadre du maintien à domicile, les personnes âgées et les personnes handicapées ont un projet de vie financé par l’APA ou la PCH. Cela permet l’intervention de professionnels, qu’il s’agisse d’auxiliaires de vie, d’aides ménagères ou de membres des services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD. Ces professionnels apportent, au moment du coucher, la nuit, à l’heure du lever, lors des repas, etc., un soutien nécessaire aux 8 millions d’aidants de notre pays, qui restent cependant le pilier du maintien à domicile.
On compte 1,2 million de personnes âgées vivant à domicile et percevant l’APA et 2,8 millions d’aidants présents quotidiennement auprès d’elles.
La loi du 1er janvier 2016 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a alloué 80 millions d’euros au financement du droit au répit pour les aidants. Il s’agit là d’une somme modeste, qui consacre néanmoins la place essentielle et croissante de ces derniers. Sans eux, sans leur mobilisation affective et financière, le maintien à domicile serait impossible.
Les aidants des enfants, des personnes handicapées ou âgées doivent être encore plus présents en cas de maladie aiguë, d’aggravation de l’état de dépendance, d’hospitalisation. De plus, ils doivent effectuer nombre de démarches administratives. Le don de jours de repos peut se révéler très important.
La proposition de loi du député Paul Christophe visant à permettre le don de jours de repos non pris à un autre salarié de l’entreprise proche aidant d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité, quels que soient l’âge et la situation de cette dernière, constitue un pas de plus en direction des aidants.
Ce texte représente une extension positive du dispositif de la loi du 9 mai 2014. Pour autant, nous pensons qu’organiser un débat sur la situation, les difficultés quotidiennes et professionnelles et les droits des aidants familiaux serait justifié. Mme la rapporteur l’a d’ailleurs proposé.
Pour l’heure, le groupe Les Indépendants – République et Territoires apporte son entier soutien à cette proposition de loi de terrain accompagnant une démarche humaniste et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de créer un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants.
Je tiens à saluer cette initiative et, plus largement, le travail de nos collègues de l’Assemblée nationale : par voie d’amendement, ils ont élargi le champ d’application de ce dispositif aux proches aidants de personnes présentant un handicap.
L’examen de ce texte nous donne l’occasion de lancer un débat plus général sur le statut des aidants. On estime leur nombre à 8,3 millions, voire à 11 millions. En tout cas, ce chiffre est en constante progression du fait de l’évolution de notre société.
En effet, certaines familles ne peuvent bénéficier rapidement de réponses adaptées à la situation de la personne qu’elles accompagnent, ce qui leur impose d’assurer une présence à domicile. Parfois, il s’agit d’un choix délibéré de la famille, fait pour le bien-être de la personne aidée.
Quelle que soit la situation des aidants, la question de leur statut n’a pas été traitée de façon globale. Celui-ci n’a évolué que grâce à un ensemble de textes, dans lequel s’inscrit la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Je citerai notamment la loi de 9 mai 2014, chère à notre collègue Bernard Bonne, qui permet à un salarié de donner des jours de repos à un collègue dont l’enfant est gravement malade, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, qui donne une définition légale du proche aidant et lui permet l’accès aux dispositifs du congé de proche aidant et du droit au répit, la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, qui accorde aux parents d’enfant handicapé deux jours de congé supplémentaires par an.
Toutefois, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un texte tendant à définir un véritable statut de l’aidant et prenant en compte toutes les situations, qu’il s’agisse des personnes handicapées, en perte d’autonomie, gravement malades ou en fin de vie.
Comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, nous devons être conscients que ces situations se répercutent sur la vie professionnelle, familiale et personnelle des aidants.
Le Parlement doit être force de proposition et se saisir de ce sujet, d’abord pour garantir que les droits reconnus aujourd’hui, même s’ils sont disparates, soient effectifs, mais aussi pour s’assurer que les aidants soient bien informés des dispositifs dont ils peuvent bénéficier. Ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Nous devons être capables de proposer des mesures nouvelles. Je pense notamment à une meilleure valorisation du congé de proche aidant, celui-ci n’étant pas suffisamment reconnu et ne pouvant excéder un an sur l’ensemble de la carrière du salarié, à l’extension du droit au répit à l’ensemble des aidants, souvent épuisés et fragilisés sur la durée, en permettant aux personnes en perte d’autonomie de bénéficier de places d’hébergement temporaire dans les structures ou de services à domicile adaptés. De plus, nous devons faire en sorte que les aidants puissent être suivis, accompagnés, formés pour prendre soin de la personne dont ils ont la responsabilité.
D’autres mesures plus innovantes pourraient être proposées. Pourquoi ne pas imaginer la création d’un congé parental spécifique, notamment pour les parents aidants d’enfants handicapés, pour lesquels il n’existe pas de prise en charge, ou d’enfants en longue maladie ? Les droits sociaux des aidants à la retraite ou au chômage représentent également des enjeux importants, de même que la reconversion professionnelle.
Telles sont les pistes que je souhaitais évoquer ; elles restent à explorer. Il est nécessaire de travailler sur ces sujets, qui touchent à des enjeux sociétaux et de financement.
Concernant le coût de ces nouvelles mesures, n’oublions pas que l’inclusion dans le milieu ordinaire, le maintien d’une personne à domicile, lorsque cela est possible, sont moins coûteux que la création de places, de chambres dans les institutions.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur. Bien sûr !
M. Philippe Mouiller. L’engagement des aidants auprès de leurs proches devrait être reconnu comme un engagement civique social. Cela nécessite l’adoption d’un texte créant un véritable statut.
Dans cette attente, le groupe Les Républicains votera en faveur de l’adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap
Article additionnel avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût pour la protection sociale et les avantages pour les assurés sociaux d’une disposition portant indemnisation du congé de proche aidant, extension de la majoration de la durée d’assurance vieillesse aux proches aidants et indemnisation intégrale des dépenses de santé des proches aidants.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet amendement d’appel vise à obtenir du Gouvernement des engagements précis sur la mise en place de mesures concrètes en faveur des aidants.
Nous refusons de faire reposer sur la seule générosité des salariés l’accompagnement, ô combien nécessaire, des proches aidants qui s’occupent des personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap.
Il est de la responsabilité collective des pouvoirs publics de prendre des dispositions non seulement nécessaires, mais aussi attendues. La solidarité nationale doit permettre aux proches aidants de bénéficier de mesures de soutien et d’indemnisation, et en premier lieu d’un droit au répit. Reconnu par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, promulguée il y a deux ans, le droit au répit doit être rapidement mis en place partout ; c’est loin d’être le cas aujourd’hui.
Nous demandons plus particulièrement que l’on étudie la faisabilité de trois mesures issues des conclusions de la « mission flash » sur les aidants menée par notre collègue député Pierre Dharréville.
Nous proposons, d’abord, d’indemniser le congé de proche aidant à hauteur du montant actuel de l’allocation journalière de présence parentale. L’absence d’indemnisation est un obstacle souvent rédhibitoire à la mobilisation de ce congé.
Nous proposons, ensuite, d’étendre la majoration de la durée de cotisation à l’assurance vieillesse dont bénéficient les personnes handicapées aux proches aidants. Une majoration d’un trimestre par période de prise en charge de trente mois, dans la limite de huit trimestres, représenterait une avancée dans la compensation de l’investissement des proches aidants sur le plan de la retraite.
Nous proposons, enfin, d’instaurer la prise en charge à 100 % des dépenses de santé des proches aidants, dont l’épuisement physique et mental nécessiterait, à tout le moins, un suivi particulier, ainsi que le soulignait notre collègue Laurence Rossignol.
Nous aurions pu reprendre d’autres préconisations de la « mission flash », mais je m’en tiendrai là, compte tenu du temps de parole qui m’est imparti.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement est à la tête du pays depuis près de neuf mois : il est temps d’aller au-delà de la constitution de commissions, de groupes de travail et autres instances de réflexion. Le retard pris est déjà important et les besoins de financement sont massifs et connus. Nous attendons donc plus que des paroles : des actes !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur. Quand on me tend une main, j’ai pour habitude de la saisir. Je vous propose de faire de même, mon cher collègue !
Votre amendement illustre parfaitement le dilemme que j’ai évoqué lors de la discussion générale. Je partage sans réserve les préconisations de notre collègue député Pierre Dharréville, et je suis favorable à ce que les droits sociaux des proches aidants soient homogénéisés et renforcés. Néanmoins, il ne me semble pas qu’un rapport soit l’instrument opportun pour cela.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement risquerait de reporter celle de ce texte, voire de la compromettre. Je vous suggère donc de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Que l’on me permette d’abord de redire l’attachement et le soutien du Gouvernement aux proches aidants, au profit desquels nous avons décidé d’engager un vaste chantier, qui sera conduit conjointement par la ministre des solidarités et de la santé et moi-même.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport pour évaluer les coûts et les avantages de dispositions telles que l’indemnisation du congé de proche aidant, l’extension du dispositif de majoration de la durée de cotisation à l’assurance vieillesse pour les aidants et la prise en charge intégrale de leurs soins de santé.
Je tiens à indiquer qu’il me paraîtrait naturel que ces problématiques soient abordées dans le rapport prévu à l’article 1er bis, dont l’objet est très général. Le présent amendement me semble donc satisfait.
Au surplus, les mesures pour lesquelles vous demandez une évaluation par le Gouvernement font l’objet d’une proposition de loi déposée par M. le député Pierre Dharréville, qui sera discutée à l’Assemblée nationale le 8 mars prochain, puis au Sénat.
Enfin, l’adoption conforme de cette proposition de loi permettrait qu’elle entre en vigueur rapidement. Cette préoccupation a animé, me semble-t-il, les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, dont je tiens à saluer la qualité, madame la rapporteur.
En conclusion, cet amendement m’apparaissant largement satisfait, j’y suis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Si nous demandons la remise d’un rapport, c’est parce que nous n’avions pas d’autre moyen d’évoquer ici les préconisations du rapport de la « mission flash » menée par notre collègue député Pierre Dharréville. Je prends note du fait qu’un débat se tiendra à l’Assemblée nationale puis au Sénat.
J’aurais été disposé à retirer cet amendement si j’avais entendu ici l’expression d’une vraie volonté politique d’aller de l’avant sur ces questions, voire de prendre quelques engagements. Cela n’a pas été le cas.
On a parlé de l’aide à domicile, en soulignant, très justement, qu’avant que les proches aidants soient amenés, souvent dans l’urgence, à s’occuper d’un parent handicapé ou en perte d’autonomie, ils doivent d’abord pouvoir compter sur le soutien de professionnels. Or nous savons tous, pour en avoir souvent débattu ici, que le secteur de l’aide à domicile est à bout de souffle et connaît une crise, en particulier en matière de recrutement, du fait de la précarité qui y prévaut. Les bonnes intentions affichées, les déclarations généreuses sont une chose, mais, dans les faits, le Gouvernement a refusé un amendement à la convention collective, qui avait été adopté par les différents partenaires et qui visait – tenez-vous bien ! – à accorder aux personnels concernés une augmentation de 0,4 %… Nous demandons que des engagements précis et chiffrés soient pris dans les prochains mois, eu égard à l’importance de ce sujet.
Nous maintenons cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Le paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par un article L. 3142-25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3142-25-1. – Un salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, qu’ils aient été ou non affectés sur un compte épargne-temps, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise qui vient en aide à une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité ou présentant un handicap lorsque cette personne est, pour cet autre salarié, l’une de celles mentionnées aux 1° à 9° de l’article L. 3142-16.
« Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.
« Le salarié bénéficiant d’un ou de plusieurs jours cédés en application du premier alinéa du présent article bénéficie du maintien de sa rémunération pendant sa période d’absence. Cette période d’absence est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de sa période d’absence. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.
Mme Fabienne Keller. Nous ne pouvons ignorer le défi majeur que représente, pour la société, l’accompagnement des personnes en situation de grande fragilité. Hier encore, les personnels œuvrant dans les établissements ont exprimé leurs attentes, leur souhait d’une plus grande reconnaissance de leurs missions, souvent peu visibles.
C’est dans ce contexte particulier que nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner, dans un large consensus, la proposition de loi de notre collègue député Paul Christophe, dont je voudrais saluer l’engagement et l’implication sur le terrain, qui lui ont inspiré cette idée simple, mais remarquable, de permettre le don de jours de congés non pris à un collègue accompagnant une personne de sa famille en grande difficulté. Ce n’est pas la solution à tous les problèmes, mais c’en est une partie.
Nous avons tous conscience que c’est en additionnant les dispositifs de soutien aux aidants familiaux, d’amélioration de l’accueil en établissements, d’octroi de temps de répit, de renforcement de l’aide à domicile, que nous pourrons construire ensemble l’édifice de l’accompagnement des personnes en grande fragilité. Cette proposition de loi de Paul Christophe en est une pierre. À l’instar de nombre de mes collègues et de la commission des affaires sociales, j’appelle à l’adopter sans modification, ce qui permettra sa promulgation rapide. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Après les lois du 9 mai 2014 et du 28 décembre 2015, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi qui vise à la reconnaissance officielle des aidants par les pouvoirs publics. Les situations sont diverses, mais les aidants sont tous astreints à une présence quotidienne auprès du proche qu’ils prennent en charge, conduisant souvent certains et certaines à mettre de côté leur vie professionnelle, voire leur vie personnelle.
Ce rôle d’aidant familial est souvent vécu comme une charge lourde, tant sur le plan psychique que sur les plans physique, émotionnel, social et financier. Le présent texte, même s’il ne résout pas tout, est très attendu par les quelque 8,3 millions d’aidants en France, dont 18 000 en Martinique, qui prennent soin d’un proche dépendant, malade ou handicapé.
Je profite de cette occasion pour citer quelques chiffres révélateurs, montrant l’importance croissante, en Martinique, des aidants familiaux, qui représentent une véritable clé de voûte de notre société, marquée culturellement par le besoin de protéger la famille en toutes circonstances. En Martinique, parmi les personnes en situation de handicap, 74 % sont aidées uniquement par leur famille, contre 55 % en France hexagonale ; 3 % bénéficient uniquement d’une aide professionnelle, contre 7 % en Guadeloupe et 15 % en France hexagonale ; enfin, en Martinique, quatre aidants sur cinq ne sont pas des professionnels.
Il faut souligner que s’occuper de façon prolongée d’un membre de leur famille peut affecter la santé des aidants, d’autant que la moitié d’entre eux exercent parallèlement une activité professionnelle. Ainsi, par rapport au reste de la population, ils ont 60 % de risques supplémentaires de contracter une maladie liée au stress ou au surmenage.
Dans la mesure où le vieillissement de la population en Martinique entraînera un accroissement des besoins en matière d’emplois pour assurer le maintien à domicile des personnes âgées, on comprendra aisément ma position sur ce texte et ma volonté de préserver ces emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des aidants familiaux. Ce rapport étudie en particulier la possibilité de réviser l’imposition des sommes versées à titre de dédommagement, dans le cadre de la prestation de compensation, afin de soutenir et valoriser les proches aidants. Le rapport étudie également la possibilité de maintenir l’affiliation à l’assurance vieillesse pour les parents aidants d’un enfant handicapé de plus de vingt ans. – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de l’article 1er aux agents publics civils et militaires. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’article 2, que nous venons d’adopter, étend à la fonction publique le champ d’application des dispositions du texte.
La loi Salen, que j’ai rapportée au Sénat en 2014, visait également à l’application à la fonction publique de mesures déjà instaurées, par le biais de conventions collectives, dans les entreprises privées. Nous avions fait en sorte que le texte soit adopté conforme, de façon qu’il puisse entrer rapidement en vigueur. Son élaboration faisait suite à une affaire médiatisée : un policier de Nancy souhaitait pouvoir accompagner sa petite fille devant subir une greffe de moelle. Or, malgré un vote conforme par les deux assemblées et en dépit de courriers adressés à la ministre de la fonction publique de l’époque en vue d’accélérer les choses, les décrets d’application n’avaient toujours pas été pris quand une nouvelle affaire, concernant un agent de la fonction publique souhaitant accompagner son enfant en fin de vie, atteint d’un cancer, est survenue en décembre 2014…
Madame la secrétaire d’État, nous avons fait, cette fois encore, le choix d’un vote conforme pour gagner du temps ; je demande que le Gouvernement publie rapidement les décrets d’application. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Decool. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires se félicite de l’accueil réservé à cette proposition de loi du député Paul Christophe, qui traduit un bel élan d’unanimité de la classe politique, dépassant les clivages partisans. La solidarité citoyenne appelle la solidarité politique !
En adoptant ce texte, nous contribuerons à la reconnaissance de plus de 8 millions de personnes qui, dans la discrétion, acceptent un véritable détournement du cours de leur vie. Plus de 60 % d’entre elles, d’après certaines études, présentent des signes de stress et de surmenage ; plus de 80 % des aidants sont des membres de la famille de la personne concernée.
On dénombre aujourd’hui 15 millions de Français de plus de 65 ans ; ils seront 20 millions en 2030 et 24 millions en 2060. Nous sommes donc la première génération à en assumer d’autres : celles de nos enfants et de nos petits-enfants, la nôtre et, souvent, celle de nos parents…
Nous n’avons pas le choix, et il est de notre devoir d’anticiper en donnant un cadre juridique à ces initiatives spontanées. Certes, nous avons conscience des insuffisances des dispositifs, mais nous tentons de répondre à des situations concrètes.
Cette proposition de loi a le mérite du pragmatisme et de la simplicité. En retarder l’adoption contribuerait à amplifier les attentes et à démultiplier les temps de souffrance. Notre rapporteur s’est opposée à l’adoption d’amendements en commission afin, précisément, de ne pas retarder celle du texte.
Nous voulons encourager, modestement, les élans de bonté, de générosité dont les Français et les Françaises sont capables. « La grande chose de la démocratie, c’est la solidarité », écrivait Victor Hugo.
Soyons vigilants quant à la publication des décrets d’application auxquels le texte renvoie. Nous espérons qu’ils seront pris rapidement par l’exécutif.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
6
Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux
Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur le thème : « Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux ».
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que le représentant du groupe auteur de la demande disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à M. Pierre Médevielle, orateur du groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dès leur apparition dans nos sociétés, les voitures ont renvoyé l’image d’une grande liberté individuelle, celle d’aller où l’on veut, quand on veut, à son gré. L’imaginaire collectif amène souvent à voir la route ouverte devant soi, avec le sentiment que, au volant, on prend vraiment le contrôle de sa vie. Posséder une voiture signifie que l’on est mobile et que l’on a le choix, immense, de toutes les routes.
Symbole emblématique de liberté, d’aventure et d’indépendance, la voiture tend à devenir une réelle contrainte pour les personnes vivant en milieu urbain, alors qu’elle reste indispensable en milieu rural. Pour les plus jeunes, surtout en ville, ces véhicules deviennent un élément qui complique inutilement leur vie et alourdit singulièrement leur budget. La voiture rend finalement plus difficile l’exercice de leur liberté et de leur mobilité, au lieu de le favoriser. Avec l’apparition des nouvelles formes de mobilité, cet objet de convoitise tend à devenir un moyen de transport contraignant.
Plus étonnant, c’est la voiture qui semble vouloir s’émanciper et reprendre sa liberté, puisqu’elle va probablement bientôt pouvoir se passer de conductrice ou de conducteur. Le véhicule autonome est présenté comme le moyen radical de réduire la mortalité sur les routes, surtout dans des pays comme les États-Unis, où la mortalité routière atteint des taux record, deux fois supérieurs à ceux que l’on observe en Europe. On attend beaucoup du véhicule autonome, en espérant qu’il permettra de se déplacer partout avec facilité, à un coût maîtrisé.
La France a une carte à jouer dans ce domaine, malgré un retard à l’allumage que l’on ne peut pas nier. Aujourd’hui, d’excellentes initiatives, pleines de promesses, méritent d’être soulignées. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, déjà pionnier puisqu’un métro sans chauffeur y fonctionne depuis 1993, l’université Paul-Sabatier de Toulouse va expérimenter d’ici à la fin de l’année, dans le cadre de son projet de campus intelligent, les véhicules autonomes et connectés. Baptisé AutOcampus, ce projet mobilisera une trentaine de chercheurs de l’université, mais aussi une vingtaine d’industriels, dont certains implantés à Toulouse, comme Continental ou Renault avec ses Software Labs. Vous avez récemment eu l’occasion, madame la ministre, d’expérimenter la navette autonome développée par la start-up Easymile sur l’ancien aérodrome de Francazal. (Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, acquiesce.)
Les constructeurs Renault et PSA, tout juste sortis d’une crise difficile, tentent de prendre pied sur le marché de la voiture autonome. La concurrence est rude, elle dispose d’énormes moyens et va très vite. En ce qui concerne les équipementiers, Valeo semble tout à fait au niveau, mais, à l’ère du numérique, les retournements peuvent se produire à la vitesse de l’éclair. Le robot-voiture, conçu comme un salon sur roues assumant la totalité du trajet, quels que soient l’état de la route ou les conditions météorologiques, reste une perspective de long terme.
La perspective temporelle est incontestablement bien plus rapprochée si l’on envisage une restriction de la circulation autonome à une partie du domaine routier, par exemple les autoroutes. Dans ce cas, l’échéance ne devrait pas dépasser deux ou trois ans.
Les espoirs sont également réels en matière de protection de l’environnement, nos véhicules thermiques étant devenus indésirables dans les grandes villes, pour des raisons évidentes de qualité de l’air et de santé publique. Aujourd’hui, dans les grandes villes, la saturation de la voirie urbaine est à la limite du supportable, avec des embouteillages récurrents. À certaines heures, l’air y est irrespirable.
Tous les responsables politiques ont bien compris que nous étions parvenus au bout d’un système. Il faut absolument sortir les véhicules thermiques des grandes agglomérations telles que Paris, Lyon, Toulouse ou Marseille. Ce sera possible si les élus responsables peuvent proposer des solutions alternatives.
Le véhicule ou la navette autonome semble ouvrir une nouvelle voie en matière de circulation urbaine et offrir une réelle perspective de substitution aux véhicules thermiques, devenus indésirables en ville. Il représente une solution démocratique pour assurer les transports de tous les citoyens dans les grands centres urbains. C’est certainement la révolution de demain ! Ces navettes autonomes viendraient compléter les transports existants, comme le tram ou le métro, en irriguant les plus petites artères.
Depuis quelque temps, les aides à la conduite ont déjà fait leur apparition dans certains véhicules : régulation de vitesse adaptative, stationnement accompagné, système de lecture des panneaux et d’évitement des obstacles.
Aujourd’hui, la conduite sans chauffeur, qui commence à se développer dans des pays tels que les États-Unis, la Chine et le Japon, soulève des questions auxquelles il sera nécessaire d’apporter rapidement des réponses concrètes afin de ne pas se laisser dépasser dans le domaine des technologies de demain.
La route est longue, et commence par une évolution des mentalités. Les clients ne semblent pas tout à fait prêts. Selon le baromètre annuel 2016 aramisauto.com/TNS Sofres sur « les Français et l’automobile », 57 % de nos concitoyens appréhendent un manque de fiabilité de ces véhicules et redoutent de lâcher le volant. Ils sont même 75 % à craindre de perdre le plaisir de conduire.
Au vu de la diversité des enjeux liés à la voiture autonome, force est de constater que les défis sécuritaires, économiques, technologiques, éthiques et réglementaires à relever pour faire de ce mode de transport une réalité sont énormes.
Le développement du véhicule autonome et connecté requiert des avancées non négligeables en termes d’infrastructures routières afin d’accompagner l’acquisition et le traitement des images. Il nécessite une harmonisation technique entre véhicules et véhicules ainsi qu’entre véhicules et infrastructures.
À ce jour, il n’existe pas de chiffrage précis des investissements nécessaires, mais il est indispensable de traiter le sujet du financement de l’adaptation des infrastructures routières à la conduite sans chauffeur. En préalable au développement de la conduite connectée, il faut réaliser des investissements gigantesques pour moderniser les voies de circulation.
Sur le plan juridique, alors que de nombreux pays avancent de manière significative – les États-Unis ont pris une avance déterminante en permettant à titre expérimental, depuis septembre dernier, la circulation de 100 000 véhicules sur toutes les voies –, il est urgent que l’Union européenne fasse juridiquement le choix de l’intelligence artificielle et tranche les choix moraux qui s’y rapportent.
L’impossibilité d’opérer au sein d’un même cadre juridique est un obstacle majeur pour l’Union européenne. L’Europe et les États-Unis ont retenu deux approches différentes en ce qui concerne la réglementation des véhicules autonomes. L’Europe suit la ligne de conduite qui est la sienne depuis l’origine en matière de réglementation, le principe de base étant la fourniture d’un cadre réglementaire complet aux entreprises qui souhaitent développer cette technologie afin qu’elles puissent adapter leurs véhicules en conséquence. Elles auront alors l’assurance, si elles respectent scrupuleusement les réglementations en vigueur, de ne pas être poursuivies en cas d’incident ou d’accident. Les États membres de l’Union européenne cherchent à faire évoluer les réglementations existantes et à en adopter de nouvelles pour sécuriser la situation des véhicules autonomes et leur fournir un cadre stable.
Ainsi, la convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière, qui disposait que « tout véhicule en mouvement […] doit avoir un conducteur », a été amendée en mars 2016 afin d’autoriser explicitement les systèmes de conduite automatisée, comme sur les bateaux et les avions, à condition qu’ils soient conformes aux réglementations des États ou qu’ils puissent être contrôlés, voire désactivés, par le conducteur. Il demeure pourtant que, actuellement, un véhicule complètement autonome ne peut pas circuler dans les États membres de l’Union européenne, signataires de cette convention.
Les États-Unis, eux, sont avantagés dans cette compétition par leur système plus permissif, qui autorise les constructeurs à poursuivre leurs expérimentations dans un nouvel État quand un autre les interdit.
En France, le processus d’expérimentation est bien plus lourd qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne, et nous avons quelques mois de retard sur nos homologues européens en matière de textes réglementaires. Les constructeurs allemands ont fait pression sur leurs autorités pour que les fonctionnalités d’autonomie qu’ils souhaitaient installer sur leurs véhicules fassent l’objet d’une dérogation à la convention de Vienne. Les constructeurs français souffrent d’un manque de souplesse et pourraient être amenés à en pâtir de nouveau dans le futur.
En outre, la responsabilité des robots, la protection des données individuelles soulèvent des difficultés que nous avons également du mal à surmonter.
Les pays européens s’interrogent sur la détermination de la responsabilité en cas d’accident. En effet, la conduite sans chauffeur introduit de nouvelles parties à la chaîne des responsabilités. Il s’avère aujourd’hui nécessaire de définir les règles applicables au développement de la robotique et d’établir les responsabilités de chacun dans ce processus.
De plus, permettre à un ordinateur de gérer l’intégralité de la conduite d’un véhicule rend indispensable la mise en place de systèmes de cybersécurité ultraperformants pour éviter la prise de contrôle des véhicules autonomes par un tiers malveillant.
Au vu des nombreuses problématiques soulevées par la conduite sans chauffeur, deux conclusions s’imposent sur le plan purement routier.
Aujourd’hui, tandis que se développent très rapidement les aides à la conduite de véhicules de plus en plus assistés, il est nécessaire que les États membres de l’Union européenne harmonisent leurs positions dans les enceintes internationales afin que nos industriels puissent participer activement à cette révolution mondiale de la voiture autonome et réaliser des essais à grande échelle sur le vieux continent.
Par ailleurs, il faudra que les conceptions européennes en matière de collecte, de transmission et de traitement des données personnelles soient prises en compte dans le développement des véhicules autonomes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse d’avoir l’occasion de débattre avec vous sur le sujet du véhicule autonome.
L’arrivée des véhicules autonomes est un enjeu de société important. Le véhicule autonome va transformer notre manière de nous déplacer, notre rapport à la mobilité, nos filières économiques. Il nous faut préparer ces mutations en offrant un cadre favorable à l’innovation et protecteur, afin que la sécurité, dans toutes ses acceptions, soit assurée.
C’est le bon moment pour débattre de l’autonomie quasiment totale en tout environnement d’usage, qui n’est pas un sujet à l’horizon de 2050, ni même de 2040. On peut dire aujourd’hui qu’elle sera probablement une réalité d’ici à dix ans, et que des avancées significatives auront lieu durant le quinquennat en cours. Les navettes autonomes sur des parcours délimités sont déjà une réalité. La conduite automatisée sur routes séparées est testée en conditions réelles. Les applications à la logistique urbaine voient le jour. D’autres modes de transport, notamment maritime, développent des solutions de conduite autonome.
C’est le bon moment pour échanger, car le Gouvernement prévoit d’adapter, au travers du projet de loi d’orientation des mobilités que je construis et dont nous aurons à débattre d’ici à l’été, notre cadre à cette réalité, après avoir consulté l’ensemble des parties prenantes.
Avant d’entrer dans le détail sur ce point, permettez-moi de revenir sur les enjeux que j’ai identifiés et qui recoupent certains de ceux qu’a évoqués Pierre Médevielle.
Le premier enjeu est évidemment celui de la sécurité routière. On sait que les facteurs humains, qu’il s’agisse de la consommation d’alcool, de la somnolence ou de la vitesse excessive, sont les principales causes d’accidents de la route. La délégation de conduite permettra de limiter l’impact de ces facteurs.
Le second enjeu est celui de la qualité des services de mobilité. La voiture autonome apportera un confort accru lors des déplacements, mais c’est surtout en matière de mobilité partagée que l’on peut anticiper un apport décisif pour les Français, grâce notamment à de nouveaux services susceptibles de compléter l’ossature des transports en commun, en offrant des possibilités de rabattement ou un complément de desserte en période creuse ou en zones périurbaines ou rurales.
Le troisième enjeu est celui de l’impact environnemental. Le véhicule automatisé devrait permettre une fluidification du trafic routier et un accroissement considérable de l’efficacité des mesures de régulation dynamique du trafic. Cependant, il réduira aussi le coût d’usage du véhicule motorisé et doit donc être propre : motorisation peu émettrice de gaz d’échappement et de particules et écoconduite sont indispensables. Par ailleurs, la question de l’utilisation de la voirie sera cruciale.
Les enjeux économiques sont également considérables. Les véhicules autonomes vont bouleverser plusieurs filières, en particulier la construction automobile et le transport de marchandises et de personnes, qui représentent respectivement, en France, environ 500 000 et 700 000 emplois. Des recompositions de la chaîne de valeur dans ces industries sont à prévoir, avec l’arrivée de nouveaux entrants.
La France dispose d’atouts majeurs dans ce domaine, et c’est le rôle de la puissance publique d’accompagner la transformation de nos filières en veillant à en anticiper les effets sur l’emploi et la formation professionnelle.
Enfin, le dernier enjeu est celui de l’acceptabilité des systèmes d’automatisation, condition sine qua non de leur développement. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Pierre Médevielle, cette acceptabilité ne doit pas être considérée comme acquise. Il importe de mieux connaître les perceptions et les freins d’acceptabilité ou éthiques suscités par l’apparition du véhicule autonome.
Comment la puissance publique – l’État, mais aussi les collectivités territoriales – peut-elle apporter une réponse face à ces enjeux ?
La révolution du véhicule automatisé représente une opportunité majeure pour développer de nouveaux services, en milieu urbain comme en milieu rural, avec une sécurité accrue et des impacts environnementaux contrôlés. Des transformations importantes doivent être opérées, mais elle constitue une chance à saisir pour nos filières.
Pour ces raisons, notre action devra être ambitieuse, déterminée et progressive. Mon ambition, celle du Gouvernement, est d’abord de construire un cadre légal et réglementaire qui permettra la circulation en toute sécurité des véhicules automatisés de série avant la fin du quinquennat.
Cette ambition s’appuiera sur la mise en place d’un cadre d’expérimentation compétitif en cohérence avec le rythme de déploiement anticipé par nos filières. La progressivité est essentielle. L’élaboration du cadre réglementaire se fondera sur l’analyse des impacts et des risques identifiés lors des travaux menés en coopération étroite entre autorités publiques et industriels. Ces travaux devront permettre de construire le corpus de connaissances permettant l’évaluation et la validation des systèmes d’automatisation. Ce cadre totalement nouveau bouleversera la manière dont nous concevons la relation entre l’usage et le véhicule.
Quelle forme prendra le permis de conduire de demain ? Comment l’usager doit-il être informé des capacités de son véhicule ? Dans quelles conditions le constructeur doit-il assurer la mise à jour des algorithmes ? Comment le véhicule autonome doit-il communiquer avec son environnement ? Nous sommes déterminés à engager un travail méthodique pour construire des réponses concertées à ces questions.
Gérard Collomb, Bruno Le Maire, Mounir Mahjoubi et moi-même avons ainsi souhaité que l’État dresse un cadre d’action clair et ambitieux. C’est pourquoi nous avons nommé Anne-Marie Idrac haute responsable pour la stratégie nationale du développement des véhicules autonomes. Après avoir consulté constructeurs, acteurs du numérique, collectivités territoriales, usagers, opérateurs de transport de voyageurs et de marchandises et gestionnaires d’infrastructures, Anne-Marie Idrac a construit ce cadre d’action. Il sera finalisé dans les toutes prochaines semaines. Il répondra aux enjeux que j’ai évoqués et comportera notamment un programme d’expérimentation permettant de construire des outils d’homologation et d’évaluer les impacts sur les usages et l’acceptabilité.
Un chantier sur l’évolution des emplois et des compétences, la structuration des travaux sur l’acceptabilité, le déploiement des infrastructures connectées et la définition des modalités de travail avec les collectivités territoriales, qui sont un maillon essentiel du déploiement des véhicules autonomes, a par ailleurs été confié au Conseil national de l’industrie.
Enfin, vous connaissez l’importance des travaux internationaux et européens sur le sujet. La France va se doter d’un cadre d’action national, mais la compétition est mondiale, notamment avec les États-Unis et la Chine, pour ne citer que ces deux États. L’échelle pertinente est donc naturellement celle de l’Union européenne, qui doit être à l’avant-garde des innovations de rupture, comme le Président de la République le souhaite. La Commission européenne proposera une feuille de route en mai prochain. Notre cadre d’action alimente la préparation de ces travaux.
De notre point de vue, il y a trois priorités.
La première priorité est le financement. Le déploiement des véhicules autonomes et des infrastructures associées aura un coût important. La capacité de l’Union européenne à contribuer à cet effort sera déterminante, notamment au moment des débats sur le cadre financier post-2020.
La deuxième priorité est la cohérence réglementaire. Les règles de conduite sont encadrées par les conventions de Genève et de Vienne, auxquelles nous sommes parties. Nous travaillons activement à modifier ces textes afin qu’ils prennent en compte les évolutions engendrées par l’arrivée des véhicules autonomes, notamment en termes de responsabilité. Mais cela prend du temps, et sans attendre nous invitons l’Union européenne à réfléchir à l’opportunité de mettre en place un cadre réglementaire commun, de nature d’ailleurs à éviter des disparités au sein du marché intérieur.
Enfin, la troisième priorité est l’interopérabilité. Il est indispensable qu’un véhicule autonome puisse franchir le Rhin, les Pyrénées ou toute frontière au sein de l’Union européenne. Nous avons d’ores et déjà travaillé avec l’Allemagne et le Luxembourg à la mise en place d’un site-test à nos frontières, mais il est évidemment indispensable que l’Union européenne travaille sur ces corridors.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le Gouvernement a de grandes ambitions en matière de véhicules autonomes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Débat interactif
Mme la présidente. Mes chers collègues, madame la ministre, je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume. Ce débat, bien qu’essentiel et nécessaire, suscite des interrogations.
La voiture autonome constitue une révolution dans l’usage des transports. Aujourd’hui, l’autonomie est partielle. Elle devrait devenir totale après 2020.
Si, de prime abord, cette innovation a pour objectif d’améliorer la sécurité, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution locale et les problèmes de santé qui l’accompagnent, quelle sera cependant la place de l’humain ?
Il est très difficile aujourd’hui de voir où l’État place le curseur entre encouragement de l’innovation et de la recherche et réglementation, face à des plateformes dont le pouvoir menace les États et bouleverse en profondeur l’organisation du travail, voire l’emploi. En effet, aujourd’hui, les géants du numérique sont en concurrence féroce avec les constructeurs automobiles.
Ainsi, en 2015, on pouvait lire que la mise à disposition de voitures autonomes en autopartage, annoncée par Google, pourrait fragiliser durablement la filière automobile. Ce serait la remise en cause de nombreux emplois en France et en Europe, au niveau des réseaux de distribution, des réparateurs, des auto-écoles, voire des assurances, sans parler des menaces qui pèsent sur la protection des données personnelles.
Les membres du groupe CRCE ont toujours estimé que les données devaient être considérées comme un bien public, et non comme un simple instrument de profit. C’est pourquoi nous avons toujours soutenu l’open data et les « communs » de données.
À cet égard, il n’est pas anodin que Google ait annoncé qu’il ne construirait pas de véhicule, mais compte commercialiser des logiciels de conduite autonome, sachant que ces logiciels prendront une place toujours plus importante dans la valeur ajoutée du véhicule.
Nous pensons qu’il est essentiel que le Parlement soit informé de manière plus suivie de l’état d’avancement des réflexions des différents groupes de travail qui ont été mis en place après le vote de la loi de transition énergétique, qu’il s’agisse des véhicules particuliers, des systèmes de transports publics automatisés, des véhicules industriels, des infrastructures ou de la réglementation. Sur ce dernier point, il est à noter que l’article 8 de la convention de Vienne sur la signalisation routière de 1968 stipule que tout véhicule doit avoir un conducteur à qui incombera la responsabilité en cas d’accident.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour répondre à ces préoccupations ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Le cadre d’action qui est en cours d’élaboration sous le pilotage d’Anne-Marie Idrac vise bien à répondre aux enjeux en matière de protection des données et d’adaptation des infrastructures.
Notre rôle est d’anticiper cette révolution technologique majeure et de créer les conditions pour qu’elle soit créatrice d’emplois, notamment en préparant les conversions nécessaires.
Ces enjeux sont vraiment au cœur de la réflexion qui a été engagée par le Conseil national de l’industrie. Comme je l’ai dit précédemment, 500 000 emplois dans la filière automobile et 700 000 emplois dans le transport routier de voyageurs et de marchandises sont concernés. Nous allons probablement assister à des transferts de qualifications et à la création de nouveaux emplois, sans doute plus qualifiés, à l’interface entre les transports et le numérique.
Le Gouvernement a demandé au Conseil national de l’industrie d’identifier les impacts sur les filières et de nous proposer des plans d’action en termes d’évolution des compétences. Sur la base de ce premier rapport, qui sera remis au premier semestre, il nous faudra travailler avec le monde éducatif et les systèmes de formation pour nous assurer que nous anticipons bien les évolutions.
D’ores et déjà, on peut saluer les réflexions engagées par les opérateurs de transports publics réunis au sein de la « nouvelle France industrielle » sur les nouvelles compétences liées à la supervision et à l’accompagnement des navettes automatisées.
L’objectif du cadre d’action national que le Gouvernement est en train d’élaborer est bien d’accompagner cette révolution d’ensemble.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Michèle Vullien. Madame la ministre, vous connaissez mon attachement aux transports publics et à l’intermodalité.
Je considère que le développement du véhicule autonome représente une formidable opportunité. Nous avons eu récemment l’occasion d’échanger sur ce sujet avec Mme Anne-Marie Idrac.
J’imagine demain le véhicule autonome compléter un maillage ou offrir de nouvelles solutions de mobilité en zone rurale comme en milieu urbain.
En ville, il conviendra toutefois de lutter contre l’« autosolisme », car un véhicule autonome reste une automobile, et vous savez combien nous devons régler les problèmes de congestion dans les grandes agglomérations.
J’aimerais que vous puissiez nous rassurer sur le point suivant. De manière spontanée, nous parlons de véhicules autonomes et nous les imaginons électriques. Les carburants fossiles d’aujourd’hui seront ainsi remplacés par un carburant qu’il faut produire. Vous œuvrez avec votre ministère de tutelle pour organiser la transition énergétique, pour réduire la part du nucléaire dans la production électrique française et augmenter celle des énergies renouvelables. La montée en puissance du véhicule électrique, notamment du véhicule autonome électrique, n’est-elle pas antinomique avec cet objectif, sachant que l’Union européenne vient de lancer à la France un ultimatum en matière d’amélioration de la qualité de l’air ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je vous confirme que c’est bien dans l’optique de la mise en place de nouveaux services de mobilité que nous réfléchissons au cadre d’action national relatif aux véhicules autonomes.
On peut envisager deux approches, consistant l’une à concevoir des véhicules individuels de plus en plus confortables, l’autre à mettre l’accent sur les nouveaux services de mobilité pour tous les territoires, les centres-villes comme les zones périurbaines ou rurales. C’est dans ce sens que nous préparons la future stratégie nationale.
L’enjeu environnemental est effectivement crucial. Le véhicule automatisé permettra d’améliorer la fluidité du trafic et de rendre plus performants, ou du moins plus efficaces, les systèmes de gestion dynamique de trafic. Il est vrai que cela pourrait inciter à recourir davantage aux véhicules individuels. C’est pourquoi nous menons notre réflexion dans une optique de développement de services de mobilité et de véhicules partagés s’inscrivant dans une stratégie de verdissement de nos flottes. Il s’agit à la fois de concevoir des véhicules peu émetteurs et de développer l’écoconduite.
Dans le cadre de la préparation du volet « mobilités » de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, nous travaillons sur des scénarios visant la neutralité carbone en 2050. Il est certain que, en matière de ressources décarbonées, c’est à l’électricité plutôt qu’à la biomasse que l’on aura recours pour les véhicules légers. Les analyses que nous menons actuellement montrent que les réductions de consommation d’électricité dans les autres secteurs viendraient compenser les besoins nouveaux liés au développement du véhicule électrique, notamment le véhicule automatisé.
En tout état de cause, le fait de recourir à des véhicules électriques et de vouloir réduire la part du nucléaire ne nous amènera pas à mobiliser plus d’énergies carbonées, le nucléaire ayant vocation à être remplacé par des énergies renouvelables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour la réplique.
Mme Michèle Vullien. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Bien sûr, je n’imagine pas un instant que l’on ait recours au charbon ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Joël Bigot. Ce débat vient opportunément, après la parution de l’excellent rapport de nos collègues de la commission des affaires européennes, intitulé Véhicule sans chauffeur : le futur imminent, et l’audition récente de Mme Anne-Marie Idrac, haute responsable pour la stratégie nationale du développement des véhicules autonomes.
Cette nouvelle technologie représente un enjeu économique très important et nous attendons beaucoup de l’État en termes de structuration d’une filière industrielle qui, en Maine-et-Loire, est déjà bien implantée, avec l’équipementier Valeo ou Scania, très présent sur le segment des transports collectifs.
La montée en puissance de cette nouvelle technologie pose également de nombreuses questions en matière d’aménagement du territoire. Les véhicules autonomes sont en effet hyperconnectés et leur fonctionnement nécessitera un accès sans défaillance aux réseaux numériques fixes et mobiles.
Mes chers collègues, nous connaissons l’état de la couverture numérique du territoire. Nous savons qu’elle n’est pas optimale à ce jour et que certains territoires, notamment ruraux, demeurent peu ou mal couverts.
À l’instar des garanties à apporter en matière de cybersécurité, l’accès à la couverture numérique apparaît donc comme un préalable à la mise en place de cette nouvelle mobilité individuelle ou collective. Il ne faudrait pas que les territoires peu denses en soient exclus. Cela reviendrait à renforcer les fractures numérique et territoriale ressenties par nos concitoyens, alors que les bouleversements technologiques actuels contribuent précisément à désenclaver nos territoires en leur permettant de saisir de nouvelles opportunités de développement économique. La 5G, qui est encore loin d’être une réalité pour nos concitoyens, apparaît comme la « technologie clé » pour le développement à grande échelle des véhicules autonomes.
Par ailleurs, au-delà de l’accès au numérique, il est également nécessaire de se pencher sur la question des infrastructures routières, telles que des couloirs dédiés, qui permettront le fonctionnement sécurisé des véhicules autonomes.
Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour favoriser un développement équilibré et sécurisé de cette nouvelle technologie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je partage tout à fait votre point de vue ; monsieur le sénateur. Il est essentiel que tous les territoires, notamment les zones rurales et périurbaines, bénéficient du nouveau service de mobilité que constituera le véhicule autonome, dans un premier temps sur des axes dédiés et pré-équipés.
Les orientations nationales sur les cas d’usage et les impacts à évaluer prioritairement donnent toute leur place au milieu rural.
Plus globalement, cela renvoie à l’écosystème dans lequel les véhicules autonomes évolueront. Compte tenu de la diversité des cas d’usage, la première exigence est que le véhicule reconnaisse lui-même s’il est dans son domaine d’emploi et adapte en conséquence ses modes de délégation de conduite. Il importe donc que le véhicule autonome puisse lire la signalisation. C’est par une combinaison adéquate de la signalisation, de la connectivité et de la cartographie numérique que l’on pourra optimiser les cas d’usage du véhicule autonome. Nous avons engagé avec les acteurs concernés un travail d’identification des « amers » prioritaires.
Par ailleurs, l’accord construit par le Gouvernement avec les opérateurs mobiles est crucial. Il nous faut absolument supprimer les zones blanches. Cet accord permettra d’apporter une réponse en termes de connectivité.
Enfin, les travaux entre les gestionnaires routiers et les constructeurs automobiles sont lancés et ils se poursuivront.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Au 1er janvier 2016, le parc français de véhicules en circulation était estimé à près de 39 millions d’unités. Si une quarantaine d’expérimentations sont déjà en cours, il faudra vingt et un ans pour renouveler entièrement le parc automobile. Cela ouvre, à long terme, des perspectives intéressantes en matière de sécurité routière et d’environnement, mais suscite aussi des inquiétudes en termes de sécurité et d’accessibilité.
Le véhicule autonome est présenté comme un moyen radical de réduire la mortalité sur les routes et de limiter la consommation d’énergie. Dès lors que 90 % des accidents sont dus à une erreur humaine, seul le remplacement de l’ensemble du parc automobile permettra une diminution de la mortalité routière.
Si, à brève échéance, la mise en service de ce type de véhicules sera réalisable sur les autoroutes, déjà dotées d’infrastructures, il n’en va pas de même pour le réseau secondaire, où se concentre l’essentiel des accidents : il faut non seulement pouvoir garantir que le véhicule saura s’adapter aux différents aléas de la circulation sur le réseau secondaire, mais aussi assurer une couverture du réseau internet suffisante. À défaut, on circulera dans des véhicules sans chauffeur sur les autoroutes et dans les grandes villes, alors que les habitants de la ruralité seront bloqués chez eux, n’ayant plus de points sur leur permis…
Les ruraux, condamnés à rouler à 80 kilomètres à l’heure, grâce au Premier ministre, sur des routes non entretenues faute de financement, risquent d’être les grands oubliés. Cela étant, pour vous avoir connue comme préfet de région, je sais, madame la ministre, votre attachement à la ruralité.
Enfin, la mise en service de ce type de véhicules « sans conducteur » pose de vraies questions en matière de responsabilité en cas d’accident, mais aussi et surtout de cybersécurité. Pourra-t-on garantir aux usagers qu’ils seront protégés du piratage de leurs données personnelles ou des attaques terroristes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Toute notre stratégie nationale, je le répète, est construite pour que le véhicule autonome profite à l’ensemble des territoires.
Cette dimension sera prise en compte pour la détermination des cas d’usage à tester prioritairement, comme elle l’est dans les accords qui viennent d’être conclus avec les opérateurs de téléphonie mobile afin d’assurer une couverture de l’ensemble du territoire et de supprimer ainsi les zones blanches. Enfin, dans la même perspective, le véhicule autonome devra pouvoir adapter son mode de délégation de conduite à son environnement en fonction des informations dont il dispose grâce à la lecture de la signalisation, à l’utilisation des cartographies embarquées et à une liaison numérique.
L’ensemble de ces technologies permettront au véhicule autonome de se déployer sur l’ensemble des territoires, avec des combinaisons sans doute variables selon les zones où il sera appelé à évoluer.
La plupart des tests réalisés à ce jour l’ont été dans de grands centres urbains, les acteurs souhaitant naturellement donner de la visibilité à leur démarche, mais nous considérons vraiment que le véhicule autonome permettra de développer de nouveaux services de mobilité dans les territoires ruraux et périurbains. J’aurai l’occasion d’y revenir lorsque je vous présenterai le projet de loi d’orientation des mobilités.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Joël Labbé. Madame la ministre, l’émergence des véhicules autonomes représente une véritable révolution. Je tiens à remercier nos collègues du groupe Union Centriste, en particulier Pierre Médevielle, d’avoir permis ce débat, qui est nécessaire.
Cette révolution interviendra rapidement. On prévoit en effet que les premiers véhicules autonomes circuleront sur les routes européennes au début des années 2020, avec une généralisation possible à l’orée des années 2030, ce qui nous laisse moins de dix ans pour préparer les politiques publiques qui permettront d’accompagner ce mouvement.
Les métiers de chauffeur et de transporteur seront les premiers à disparaître. Au-delà de ses conséquences directes très importantes en termes d’emplois, cette révolution aura un impact plus difficile à imaginer sur les constructeurs, dont l’activité va se transformer : on ne fabrique pas de la même manière un véhicule qui sera utilisé de 80 % à 90 % du temps et un véhicule utilisé en moyenne entre 5 % et 7 % du temps, comme c’est le cas aujourd’hui. Il ne sera même plus utile d’avoir la propriété du véhicule : il suffira d’acheter un service de mobilité, comme cela se pratique déjà avec les services d’autopartage.
Nous devons dès aujourd’hui définir des objectifs ambitieux afin de profiter de cette révolution, et non de la subir : réduire drastiquement le nombre de véhicules individuels, diminuer la place de la voiture dans l’espace public, améliorer la qualité environnementale et la qualité de l’air, tout cela en développant encore davantage notre tissu de transports en commun publics.
En effet, ces nouveaux services de mobilité doivent profiter en premier lieu aux périphéries urbaines mal desservies par les transports publics, et non venir concurrencer les réseaux existants.
Les enjeux sont nombreux. En termes de finances publiques, il sera nécessaire d’élaborer une fiscalité adaptée. Quant à l’intelligence améliorée de sensibilité de l’être humain, elle ne doit pas se trouver noyée dans un océan d’intelligence artificielle.
Madame la ministre, quels sont les objectifs du Gouvernement au regard de cette véritable révolution de la mobilité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je vous le confirme, monsieur le sénateur, l’ensemble de ces enjeux doivent être pris en compte dans le cadre de la stratégie nationale en préparation. Ces nouvelles technologies vont bouleverser des filières économiques et notre appréhension des mobilités. Elles soulèvent des questions importantes en termes de sécurité routière.
La stratégie nationale doit viser à intégrer le véhicule autonome dans un système global de mobilités, prenant en compte les zones rurales et régulant mieux la place de l’automobile dans les zones urbaines. Nous aurons à en débattre lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités.
Il nous faut donc mettre en place un cadre législatif et réglementaire adapté, ainsi qu’accompagner l’évolution des compétences. À cet égard, le Conseil national de l’industrie a été chargé de réfléchir à l’adaptation des compétences. Il nous faut également aborder les multiples enjeux en termes de cybersécurité : attaques, prises de contrôle, logiciels pouvant perturber le comportement du véhicule.
Il s’agit vraiment d’une approche globale de ces enjeux, avec une dimension européenne, que nous aurons à promouvoir dans les prochains mois. La loi d’orientation des mobilités constituera une étape dans l’accompagnement des acteurs français dans cette révolution. Le pire serait de nier la réalité des bouleversements qui s’annoncent ou de vouloir retarder le mouvement. Il nous faut au contraire prendre de l’avance pour accompagner tous les changements que cette nouvelle technologie va apporter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains.
Mme Pascale Gruny. La conduite sans chauffeur soulève de nombreux enjeux juridiques, à commencer par le régime de responsabilité des robots en cas d’accident. Notre droit des assurances automobiles exclut aujourd’hui la responsabilité directe d’un objet, retenant exclusivement la responsabilité du conducteur.
Or l’essor attendu de la conduite sans chauffeur pourrait multiplier les parties prenantes et introduire de nouvelles causes d’accidents, dans des conditions que le droit actuel n’appréhende pas. Qui sera responsable d’un accident mortel survenu à un croisement par temps clair, avec des feux de signalisation ayant émis de façon accidentelle à destination des véhicules connectés des signaux radio incohérents avec la signalisation visuelle ? En cas d’erreur du pilotage automatique d’un véhicule sans chauffeur, comment déterminer les responsabilités respectives du fabricant du logiciel, du constructeur, voire du propriétaire ? Comment assurera-t-on demain les cyberrisques liés à la possibilité de pirater des véhicules à distance ?
Dans tous ces domaines, le vide juridique est total.
Dans sa résolution législative du 16 février 2017, le Parlement européen propose de créer un statut juridique sui generis applicable à « tout robot qui prend des décisions autonomes ou qui interagit de façon indépendante avec des tiers ». Ce robot serait alors tenu de « réparer tout dommage causé à un tiers ». Faut-il plutôt retenir la responsabilité de la personne ayant programmé le robot ?
Le choix sera d’autant plus complexe que de nouveaux systèmes d’intelligence artificielle élaborent désormais eux-mêmes des simulations leur permettant d’apprendre dans la phase initiale, ce qui écarte le recours à un « maître d’apprentissage » et rend ainsi le critère en question obsolète avant même son adoption.
Comment le Gouvernement entend-il anticiper la dimension juridique du mouvement entamé avec le véhicule sans chauffeur ? Comment permettre l’évolution de cette nouvelle économie tout en protégeant les victimes à venir ?
M. Charles Revet. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Il s’agit effectivement d’un enjeu important. Il convient de distinguer les questions de responsabilité civile, plus particulièrement celle de l’indemnisation des victimes, des questions de responsabilité pénale.
En matière de responsabilité civile, la loi Badinter de 1985 dispose que les victimes d’un accident de circulation sont indemnisées par l’assureur en responsabilité civile du véhicule. On peut penser que cette disposition peut être transposée au cas du véhicule autonome.
En revanche, en matière de responsabilité pénale, les choses sont plus complexes. Pendant la période d’expérimentation, j’ai l’intention de proposer d’inscrire dans la loi d’orientation des mobilités un cadre de responsabilité pénale, s’appuyant sur le fait qu’il y aura un responsable de l’expérimentation, titulaire d’une autorisation. Pour ce qui concerne le régime permanent, il faudra tenir compte des différents cas d’usage dans lesquels coexisteront un système d’automatisation impliquant lui-même plusieurs acteurs et, selon les situations de conduite, un conducteur.
Nous devons travailler avec les parties prenantes à mettre en place un cadre de responsabilité adapté, qui prenne également en compte les réflexions élaborées à l’échelon de la Commission européenne. Il devrait être présenté dans le cadre de la stratégie 2018-2020.
Par ailleurs, il nous faudra concilier le besoin d’un cadre général avec la nécessité de s’adapter aux différents cas d’usage. C’est vraiment tout l’intérêt des expérimentations à venir que de permettre un dialogue avec les parties prenantes sur ces différents sujets.
J’ajoute que le développement des enregistreurs d’événements embarqués, en particulier celui des enregistreurs spécifiques pour les véhicules autonomes, permettra aussi d’éclairer la détermination des responsabilités en cas d’accident.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Hasard du calendrier ou sens de l’à-propos de nos collègues du groupe Union Centriste, nous débattons des véhicules autonomes alors qu’un grand quotidien national d’information, dans son édition datée de demain, consacre une page complète à une expérience en cours à Pittsburgh, aux États-Unis.
Certes, un océan sépare Pittsburgh de notre pays… En France, les expérimentations sont aujourd’hui autorisées au cas par cas, par dérogation, après validation par cinq instances différentes : ministère des transports, ministère de l’intérieur, gestionnaire de la voirie, autorité de la police de la circulation, autorité organisatrice des transports. Cette procédure d’autorisation des expérimentations dure en moyenne quatre mois, ce qui reste un délai important au regard des temps d’innovation très courts dans le monde du véhicule autonome.
L’entreprise Valeo a ainsi été confrontée à de nombreuses difficultés pour faire rouler son véhicule autonome dans les rues de la capitale. Son objectif était de le tester sur la place de l’Étoile, réputée comme la section de la voirie la plus difficile de Paris. L’image a fait le tour du monde et renforcé la place de leader mondial de l’équipementier français. Il aura fallu que ce parcours du combattant se termine à l’Élysée !
Certes, notre pays a progressé en se dotant d’un cadre ouvert à tous les cas d’usage, responsabilisant pour les pétitionnaires et exigeant en termes de retour d’expérience. Ainsi, vingt-sept expérimentations ont été autorisées entre 2015 et avril 2017, avec vingt-deux retours reçus par l’administration, soit près de 100 000 kilomètres parcourus au total.
Ces expérimentations, nous le savons, joueront par la suite un rôle primordial lors de l’écriture de la réglementation européenne. Sans doute serait-il maintenant opportun de passer à la deuxième étape, en favorisant la réalisation de tests à grande échelle en conditions réelles.
Notre pays pourrait s’inspirer, par exemple, du modèle suédois Drive Me, qui consiste à faire tester cent véhicules autonomes pendant un an par des particuliers et sans ingénieur à bord. Ce vaste projet collaboratif peut compter sur un soutien financier important d’un fonds d’innovation et de recherche stratégique sur les véhicules réunissant les pouvoirs publics suédois et l’industrie automobile.
Ces tests permettront d’identifier les réactions de personnes lambda aux fonctions d’autonomie et, surtout, apporteront les premières réponses à la question majeure de la cohabitation, sur les routes, des véhicules autonomes et des véhicules classiques. Réaliser des tests à grande échelle en imposant aux usagers de produire des retours d’expérience complets devrait permettre de tirer les premières conclusions.
Ma question est donc simple, madame la ministre : la France est-elle prête à s’inscrire dans cette dynamique ?
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, la tendance actuelle est à l’élargissement des environnements de conduite et des cas d’usage.
Aujourd’hui, les différentes expérimentations conduites en France – une quarantaine environ – couvrent à peu près la quasi-totalité du réseau autoroutier et des rocades urbaines. Certaines expérimentations en cours ou en préparation concernent des transports publics et portent sur des trajets supérieurs aux quelques centaines de mètres sur lesquels ont eu lieu les premiers tests.
Ces expérimentations sont importantes en vue de répondre aux multiples questions qui se posent. Elles permettent d’accumuler des connaissances sur l’interaction entre le véhicule autonome et l’infrastructure ou avec d’autres véhicules, y compris d’autres véhicules autonomes. Toutefois, il faut maintenant passer à l’échelle supérieure, selon quatre axes.
Le premier axe, c’est la mutualisation entre acteurs. Il est assez frappant de constater que les expérimentations ont jusqu’à présent été menées à différents endroits du territoire avec des acteurs différents. Je crois possible de mieux capitaliser sur ces expérimentations : tel est le sens du programme national d’expérimentations en cours de préparation et du développement d’outils de validation, qui sera soutenu par le programme des investissements d’avenir.
Le deuxième axe est le passage à la phase des expérimentations avec des conducteurs inattentifs. Il sera proposé d’en inscrire le cadre dans la loi d’orientation des mobilités.
Le troisième axe est l’élargissement des expérimentations à de nouveaux cas d’usage et domaines d’emploi, notamment le transport public, la circulation en milieu périurbain ou rural – comme je l’ai dit, très peu d’expérimentations ont été conduites dans ces zones – et la logistique. C’est le sens de l’actualisation de la feuille de route qui est en cours.
Enfin, il importe que nous continuions à être en pointe sur les enjeux transfrontaliers. En effet, les questions d’interopérabilité, à la fois entre infrastructure et véhicule et entre véhicules, seront importantes pour le développement du véhicule autonome, notamment dans les zones transfrontalières.
Je vous confirme, monsieur le sénateur, que toutes nos filières sont mobilisées, de même que le Gouvernement, pour lancer les travaux à grande échelle que vous préconisez.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Je remercie le groupe Union Centriste de nous avoir donné l’occasion de ce vaste et riche débat.
Il y a dix ans, le véhicule autonome relevait de la science-fiction. Dans dix ans, il sera une réalité, ce qui impose à l’ensemble des responsables publics de se saisir immédiatement du sujet.
En effet, cette révolution technologique nous invite à repenser en profondeur les mobilités. Envisagé dans un cadre multimodal intelligemment conçu, le développement des véhicules autonomes est porteur de grandes promesses en matière de sécurité routière, de transition écologique et de confort de déplacement.
Cependant, les questionnements et les inquiétudes écologiques, économiques, éthiques et réglementaires ne manquent pas, comme en témoigne notre débat.
À dire vrai, nous n’avons à ce jour qu’une seule certitude : la disparition progressive, dans les deux ou trois décennies à venir, de la quasi-totalité des emplois de chauffeur et de conducteur de taxi, de VTC, de bus, de tram, de train et de camion. Il s’agit là de près d’un million de travailleurs ! La question de leur reconversion est primordiale.
Plus largement, tous secteurs confondus, ce sont de 50 % à 80 % des emplois existants qui auront disparu en 2050, selon les études qui se succèdent sur le sujet, par exemple celles de l’université d’Oxford ou de l’OCDE. Il est donc indispensable de réfléchir dès maintenant à la reconversion et à l’accompagnement de ces travailleurs. De la répartition et du temps de travail à l’architecture de la protection sociale, il faut repenser toute notre organisation du travail, que ce soit autour du revenu universel ou d’autres dispositifs.
L’explosion des gains de productivité nous offre une source de financement toute trouvée, que d’aucuns auraient appelée « taxe robot ». Ce n’est pas une coïncidence si ces solutions sont aujourd’hui envisagées par de grandes figures de l’économie numérique telles que Bill Gates, Mark Zuckerberg et Elon Musk, patron de Tesla, pionnier des véhicules autonomes.
À nous d’anticiper ces évolutions pour transformer cette innovation en amélioration de la qualité de vie pour tous. Madame la ministre, l’inventivité technologique nous pousse à être inventifs socialement. Comment le Gouvernement envisage-t-il d’accompagner ces bouleversements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je ne peux que confirmer, monsieur le sénateur, que nous sommes face à une révolution technologique, mais nous avons en France des acteurs suffisamment puissants pour que nous n’ayons pas à en avoir peur. Notre pays a su développer des lignes à grande vitesse, des métros automatiques, en créant des emplois dans l’industrie ferroviaire ou dans celle des systèmes de signalisation. De la même façon, la révolution qui se trouve devant nous peut être l’occasion, pour nos industriels et nos équipementiers, pour tout l’écosystème de l’intelligence artificielle, particulièrement puissant en France – le Gouvernement attend la remise d’un rapport sur ce sujet –, de montrer leurs compétences.
Je l’ai dit, le secteur automobile représente 500 000 emplois, celui du transport routier de marchandises et de voyageurs 700 000, mais nous sommes à la veille de la création de nombreux nouveaux emplois. C’est pourquoi le Gouvernement met l’accent sur la formation professionnelle et l’apprentissage, afin de renforcer notre capacité à adapter les compétences à cette révolution.
En outre, la phase qui s’ouvre verra l’émergence de nombreux nouveaux services de mobilité. Un Français sur quatre a refusé un emploi ou une formation faute de solution pour s’y rendre. Aussi l’apparition de nouvelles solutions de mobilité dans tous les territoires contribuera-t-elle à l’amélioration de l’accès à l’emploi et au développement des compétences dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste.
Mme Nadia Sollogoub. Le développement du véhicule autonome pose la question du devenir du permis de conduire.
La classification la plus utilisée des véhicules autonomes distingue cinq niveaux, du niveau 0, correspondant à l’absence d’automatisation, jusqu’au niveau 4, regroupant les véhicules à conduite totalement automatisée, même sans passagers.
Le permis de conduire est actuellement un sésame incontournable pour pouvoir se déplacer en véhicule individuel. S’en trouvent privés en particulier certains demandeurs d’emploi, ceux qui ne peuvent l’obtenir faute du financement nécessaire ou ceux qui attendent pendant des mois qu’une date d’examen soit fixée. Une récente enquête de l’UFC-Que Choisir faisait état d’un coût moyen de 1 800 euros et d’un délai de plusieurs semaines dans le meilleur des cas. Les jeunes sont particulièrement concernés, mais aussi les salariés en insertion, qui sont ainsi maintenus en situation de précarité et de fragilité.
Si, dans les métropoles, les transports urbains sont une solution alternative, comment faire, actuellement, pour vivre et travailler à la campagne sans permis de conduire ? En milieu rural, l’absence de permis de conduire interdit en général l’accès à l’emploi.
C’est l’un des enjeux liés au développement du véhicule autonome. Alors qu’on le présente souvent comme une menace pour l’emploi, ce qu’il est réellement pour les professionnels de la route, il pourrait aussi, paradoxalement, être un moyen d’accès à l’emploi pour des milliers de personnes, à condition que son développement s’accompagne d’une réforme du permis de conduire.
Madame la ministre, pouvons-nous espérer que les véhicules autonomes de niveaux 1 à 3 pourront être conduits avec des permis spécifiques et allégés ? Le cas échéant, les véhicules de niveau 4 seront-ils accessibles à tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Parmi les chantiers à ouvrir en lien avec le développement du véhicule autonome, il y a effectivement celui du permis de conduire.
Aujourd’hui, on considère que l’humain qui conduit un véhicule doit être formé, que sa formation doit avoir été validée par un examen, qu’il doit être apte à conduire, à la fois physiquement et mentalement. Pendant longtemps encore, tant qu’il s’agira de véhicules à délégation partielle, voire quasiment totale, de conduite, ces conditions devront continuer à être satisfaites. Même s’il existe de nombreuses fonctions d’assistance, le conducteur devra être en mesure de reprendre la main si le véhicule identifie qu’il se trouve dans un environnement qu’il ne sait pas maîtriser.
Toutefois, eu égard à la multiplication de ces nouvelles technologies, il conviendra bien évidemment d’adapter le contenu de la formation et de l’examen du permis de conduire. Ce travail est engagé au niveau européen. Les conditions de délivrance du permis de conduire relèvent en effet de la compétence de l’Union européenne. À l’échelon national, le plan d’action stratégique que nous sommes en train de bâtir comporte un volet relatif au permis de conduire. Par ailleurs, se met actuellement en place, au sein du ministère de l’intérieur, un groupe de travail qui associera largement les professionnels automobiles, ceux de la formation, les inspecteurs du permis de conduire et la sécurité routière, ainsi que les associations, les psychologues experts de la conduite automobile.
Il nous faut effectivement repenser le permis de conduire au regard du développement du véhicule autonome. Je partage tout à fait votre ambition que le développement des véhicules autonomes apporte demain une réponse à nos trop nombreux concitoyens privés aujourd’hui de solution de mobilité faute de posséder un véhicule ou de détenir le permis de conduire.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre propos introductif. J’ai aussi eu récemment l’occasion d’entendre Mme Idrac.
Pour ma part, je souhaiterais prendre un peu de recul dans ce débat en m’intéressant à la prévention par la puissance publique des évolutions induites par les véhicules autonomes sous toutes leurs formes. Je pense notamment à la matière ferroviaire – la ligne 14 du métro parisien est automatisée – ou aérienne, avec le développement rapide des drones, ces deux domaines relevant invariablement d’un angle mort de notre réflexion. Qui peut savoir quelle sera la place de l’aérien, sous toutes ses formes, demain et après-demain ?
Alors que la durée d’élaboration et de vie de nos infrastructures est particulièrement longue, nous sommes soumis à des ruptures technologiques de plus en plus brutales. Je m’interroge donc sur la place de la puissance publique dans un tel contexte, sur notre capacité collective d’anticipation, de planification et de prospective. Vous préparez une importante loi d’orientation, que vous annoncez désormais pour l’été. Comment un État stratège et svelte entend-il s’inscrire efficacement dans le temps long ? Le peut-il, madame la ministre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Les enjeux du développement des automatismes dans le domaine du transport doivent effectivement être au cœur de nos réflexions. La France a été précurseur en matière de métros automatisés, avec les premiers VAL, à Lille, puis, en 1998, la ligne 14 du métro parisien, qui reste une très belle vitrine pour notre industrie. Nous n’avons donc pas à rougir de la place de l’industrie ferroviaire française et de nos opérateurs dans le domaine des métros autonomes, qui sont la solution technologique de demain pour les grandes métropoles.
Je puis vous l’assurer, monsieur le sénateur, la réflexion conduite au sein de mon ministère prend bien en compte l’ensemble des modes de transport, notamment le transport aérien. Nous avons été assez précurseurs en matière de drones. Ce qui a été fait dans ce domaine est pour moi source d’inspiration, l’administration ayant su réunir autour de la table, de façon agile, les opérateurs, les industriels et les utilisateurs des services pour élaborer avec eux un cadre législatif, à soumettre au Parlement, et un cadre réglementaire propres à favoriser le développement de l’innovation et des drones.
Nous suivons la même démarche dans le domaine maritime. Il nous faut encadrer les conditions d’utilisation des navires autonomes, qui se développent également.
C’est selon ce même principe, en réunissant autour de la table l’ensemble des acteurs de la filière, que nous sommes en train de concevoir aujourd’hui la feuille de route pour le développement du véhicule autonome, en prenant en compte l’ensemble des enjeux en termes d’environnement, d’éthique et de responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Ronan Dantec. Nous avons cet après-midi un débat tout à fait intéressant intellectuellement, entre prospective et science-fiction.
Le véhicule autonome nous permettra de circuler sans tenir le volant. Par conséquent, tout ce qu’il est aujourd’hui interdit de faire quand on conduit – manger, regarder la télévision, téléphoner… – va devenir possible. Dès lors, le temps de transport sera un temps extrêmement agréable, vécu dans un habitacle sécurisé. Nonobstant son prix, qui sera évidemment l’une des grandes questions sur le plan social, on peut donc penser que les gens privilégieront le véhicule autonome.
Si le véhicule autonome se développe dans des conditions économiques satisfaisantes et si nous ne prenons pas en compte les autres formes de transport dans la réflexion, il y aura partout dans nos villes, qui depuis le Moyen Âge n’ont pas été adaptées aux véhicules, des embouteillages. Certes, il y aura moins de pollution atmosphérique parce que les véhicules seront électriques, mais tous les problèmes n’auront donc pas été réglés, sauf pour ceux qui se réjouiront d’avoir le temps de regarder leurs séries préférées, bloqués dans les embouteillages…
Madame la ministre, la question de la complémentarité des mobilités est-elle aujourd’hui au cœur de la réflexion que vous avez engagée avec Mme Idrac ou est-elle encore considérée comme secondaire par rapport à d’autres déjà soulevées ? Il faudra mettre en place des échanges de données en temps réel entre les différentes offres de transport, qu’il s’agisse des transports publics, des transports « doux » ou du véhicule autonome. Comment comptez-vous agir pour clarifier les enjeux en vue de l’arrivée massive des véhicules autonomes sur nos routes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je vous le confirme, nous menons une réflexion globale pour élaborer une stratégie du véhicule autonome, dans la foulée des Assises nationales de la mobilité : j’ai souhaité que, à cette occasion, puisse s’instaurer avec les citoyens et l’ensemble des acteurs – élus, opérateurs, associations, experts – un débat sur notre mobilité de demain, l’objectif étant que celle-ci soit plus propre, plus partagée, plus connectée et plus autonome.
Je l’ai dit, notre stratégie en termes de véhicules autonomes va dans le sens du développement de véhicules propres. Elle vise aussi à développer prioritairement les cas d’usage permettant de fournir de nouveaux services de mobilité et elle s’inscrit dans une réflexion globale qui débouchera, dans le cadre de l’examen de la loi d’orientation des mobilités, sur des propositions tendant à favoriser l’utilisation du mode de transport le plus adapté dans chaque environnement. Je ne doute pas que, dans les grands centres urbains qui souffrent aujourd’hui à la fois de congestion et de pollution, les métros, les tramways et les bus resteront des moyens de transport irremplaçables. Quelle que soit la pertinence du véhicule autonome, son encombrement de la chaussée restera supérieur à celui des transports en commun. Pour prendre un seul exemple, le RER A transporte 1,2 million de voyageurs par jour, soit l’équivalent du trafic d’une autoroute à deux fois trente voies pour rentrer dans Paris… Le mass transit, comme on l’appelle, est à mes yeux irremplaçable : il doit s’articuler de façon fluide avec les autres mobilités. Le véhicule autonome sera un outil supplémentaire au service d’une politique globale de mobilité.
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, pour le groupe Les Républicains.
M. René Danesi. Le 23 novembre dernier, avec trois de mes collègues, j’ai présenté à la commission des affaires européennes un rapport d’information intitulé « Véhicule sans chauffeur : le futur imminent ».
J’avais alors souligné que les enjeux techniques, économiques et stratégiques étaient planétaires. En effet, une concurrence accrue s’est mise en place entre les différents acteurs, à savoir les constructeurs traditionnels, le nouveau constructeur Tesla, les géants du numérique, comme Google, les équipementiers et toutes les firmes actives dans le domaine de l’intelligence artificielle. À titre d’exemple, le géant chinois des télécommunications Huawei travaille aussi sur le véhicule connecté.
Nous constatons également que des alliances sont signées entre les différents acteurs à l’échelle mondiale. Mais, au-delà de cette dimension strictement industrielle, il y a un enjeu essentiel en matière de liberté et de sécurité.
En premier lieu, la protection des données personnelles risque d’être difficile à faire prévaloir dans une compétition mondiale où la collecte, la transmission et le traitement des données sont assurés par des opérateurs qui travaillent dans un contexte juridique et culturel souvent dédaigneux des conceptions européennes du respect de la vie privée. Disant cela, je ne pense pas seulement à des « démocratures » comme la Chine, mais aussi à notre modèle économique, où nos smartphones sont saturés de multiples applications gratuites, l’utilisateur étant devenu le produit à revendre. Le modèle Google est précisément fondé sur l’absence de protection des données individuelles.
Or la conduite sans chauffeur exigera la protection des données personnelles, car celle-ci constitue l’élément basique de la cybersécurité. Il faudra donc inventer un nouveau modèle économique : vaste programme !
Assurer une cybersécurité inviolable est un préalable absolu au déploiement du véhicule autonome capable d’emprunter n’importe quelle voie de circulation. Or un État hostile ou une organisation terroriste suffisamment puissante…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. René Danesi. … pourrait provoquer des dommages de grande ampleur et aller jusqu’à transformer des véhicules autonomes en robots tueurs.
Ma question est très simple : quelles mesures, notamment législatives, le Gouvernement compte-t-il prendre dans le domaine du véhicule sans chauffeur pour garantir la protection des données personnelles et un haut degré de cybersécurité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. La protection des données personnelles et la cybersécurité tiennent effectivement une place cruciale dans toute réflexion sur le véhicule autonome.
Le règlement européen relatif à la protection des données personnelles et le projet de loi relatif à la protection des données personnelles en cours de discussion apportent des réponses en matière de protection des données personnelles.
D’ailleurs, le champ de cette problématique excède le seul cas du véhicule autonome, tous les véhicules étant de plus en plus connectés. À ce titre, nous proposerons, au travers de la loi d’orientation des mobilités, de définir un socle minimum d’informations que le propriétaire du véhicule devra recevoir sur le fonctionnement des algorithmes de délégation de conduite.
Par ailleurs, la généralisation des applications numériques multiplie les risques de cyberattaques : injection à distance d’un code malveillant, immobilisation d’une flotte de véhicules, vol massif de données, etc. Il est donc nécessaire d’accompagner les innovations numériques, par l’application de préceptes ayant fait leurs preuves en matière d’architecture sécurisée, de maintien en conditions de sécurité, d’analyse de risques, de certification de sécurité adaptée aux environnements complexes.
Il y a là un enjeu en termes de réglementation technique internationale qui doit être pris en compte dans le cadre du processus communautaire de réflexion, mais il sera aussi utile, me semble-t-il, de mettre en place une structure d’échanges dédiée à l’échelon national, afin que les différents acteurs puissent échanger sur l’état de la menace cyber et les bonnes pratiques à adopter.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, en remplacement de M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Je me fais ici le porte-parole de mon collègue Didier Rambaud, empêché.
Au-delà des enjeux de sécurité routière, écologiques, sociétaux qui ont été évoqués ou qui le seront d’ici à la fin de ce débat, je souhaite revenir sur un point soulevé par le rapport de René Danesi, Pascale Gruny, Gisèle Jourda et Pierre Médevielle : les entreprises européennes, et donc françaises, seront-elles en mesure de rester dans la partie ?
Le volontarisme des acteurs, que ce soit les industriels de l’automobile ou les entrepreneurs du numérique, est bien réel. On peut également saluer la décision du Gouvernement de s’emparer du sujet, en nommant un pilote de la stratégie nationale sur les véhicules autonomes, à savoir Anne-Marie Idrac. Pourtant, le risque de voir nos champions nationaux distancés par les industriels étrangers est bien réel !
Le rapport précédemment cité souligne l’inadaptation de la réglementation française aux évolutions actuelles et le danger que cela crée de sérieuses distorsions de concurrence avec des pays qui ne sont pas soumis aux mêmes règles. Pour être tout à fait clair, la convention de Vienne sur la circulation routière de 1968, dont la France est signataire, stipule que « tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur ».
Les États-Unis, la Chine ou encore le Royaume-Uni, pour ne citer que quelques pays n’ayant pas signé cette convention, peuvent faire librement évoluer leur législation afin que celle-ci ne soit pas un obstacle à l’évolution technologique. Les États-Unis ne se sont d’ailleurs pas privés de le faire en septembre dernier, en votant un texte permettant la circulation, à titre expérimental, de 100 000 véhicules autonomes sur toutes les voies du pays. Quant à la Chine et au Royaume-Uni, ils ont signé en novembre dernier un accord de coopération sur la conduite intelligente.
Très clairement, l’article 8 de la convention de Vienne bride dangereusement nos industries. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend faire sauter des verrous qui pourraient s’avérer très rapidement préjudiciables au maintien de nos champions nationaux dans cette course technologique et comment il peut œuvrer pour que notre droit s’adapte à ces mutations ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. La Chine ou les États-Unis ne sont effectivement pas soumis aux mêmes contraintes que les pays européens signataires, notamment, des conventions de Genève et de Vienne.
La tradition française étant de respecter le multilatéralisme, notre pays ne souhaite pas s’émanciper purement et simplement de ces conventions.
Pour autant, nous avons engagé des démarches auprès de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, la CEE-ONU. En 2016, un amendement à la convention de Vienne a été introduit, prévoyant l’intégration des dispositifs d’aide ou d’assistance à la conduite, l’interprétation que l’on peut en avoir étant qu’il permet de couvrir jusqu’aux niveaux 3 et 4 d’automatisation. En 2017, nous avons mis sur la table une réglementation horizontale visant à adapter l’un des règlements afin de permettre de traiter tous les cas d’usage et de prévoir que les exigences soient proportionnées et spécifiques aux risques.
Cependant, ces évolutions du cadre multilatéral prendront du temps. Or, du temps, nous n’en avons pas ! Nous ne pouvons pas nous laisser distancer par des concurrents chinois ou américains. Nous souhaitons que l’Europe prenne le leadership international en matière de technologie du véhicule autonome et que la Commission européenne puisse se saisir de ces sujets.
Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour fixer, au travers de la loi d’orientation des mobilités, un cadre respectant nos engagements multilatéraux, mais ouvrant aussi, le plus largement possible, les possibilités d’expérimentation au bénéfice de nos acteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-François Longeot. Le véhicule autonome est très attendu, en particulier en matière de sécurité routière. L’erreur humaine expliquant 90 % des accidents mortels, on attend de lui qu’il permette de réduire drastiquement le nombre de ces derniers. Mais, paradoxalement, il pourra aussi causer l’apparition de nouveaux types d’accidents, comme l’illustre la mort, en juillet dernier, du passager d’une voiture Tesla circulant en pilotage automatique.
Si, demain, la loi d’orientation des mobilités supprime certaines obligations – notamment la présence dans le véhicule d’un conducteur prêt à reprendre les commandes –, la question de la sécurité se posera rapidement, et avec acuité.
Tout comme les conducteurs humains, les véhicules autonomes ne voient pas toujours très bien. Ainsi, l’autopilote du véhicule Tesla accidenté, ébloui par une forte luminosité, n’avait pas repéré la remorque d’un camion…
Pour remédier à ce problème, et comme l’a très bien souligné notre collègue Pierre Médevielle, coauteur du rapport de la commission des affaires européennes, nous devrons faire évoluer nos équipements routiers. Il pourrait être question de créer de nouveaux marquages au sol ou de permettre aux panneaux de signalisation d’émettre des signaux radio à destination des usagers connectés.
Mais, bien entendu, tout cela un coût ! Récemment, devant l’inquiétude des départements, l’État s’est engagé à financer le changement des panneaux, à la suite du passage à 80 kilomètres par heure de la limite de vitesse sur les routes secondaires. Madame la ministre, devra-t-on adapter les équipements routiers au véhicule autonome et, si oui, qu’est-il prévu pour concilier sécurité des usagers et pérennité des finances locales ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Le développement des véhicules autonomes conduit à examiner et à tester des cas d’usage toujours plus étendus. Dans le cadre de cette évolution, un arbitrage devra être rendu – à ce jour, on ne sait pas précisément où se situera la frontière – entre un équipement lourd de certaines infrastructures afin d’accélérer le développement du véhicule autonome ou d’élargir la palette des cas d’usage et, au contraire, un équipement plus léger, supposant une autonomie plus large des véhicules.
Ce sujet fait aujourd’hui débat au sein de la filière : doit-on viser un degré d’autonomie des véhicules compatible avec un équipement très restreint des infrastructures ou renforcer l’équipement des infrastructures pour accélérer le déploiement des véhicules autonomes ?
Les expérimentations en cours doivent nous permettre de cerner les enjeux, d’identifier les cas dans lesquels il peut être intéressant d’équiper plus lourdement l’infrastructure et ceux dans lesquels le véhicule devra se débrouiller seul, sachant que la « route intelligente » vers laquelle nous nous dirigeons ne concerne pas que les véhicules autonomes. Les feux de signalisation communicants, les alertes émanant de la chaussée peuvent présenter un intérêt pour l’ensemble des véhicules connectés, y compris quand un conducteur se trouve derrière le volant.
Les réflexions sont donc en cours et la question n’est pas aujourd’hui tranchée. Ces enjeux ont été clairement identifiés par le Conseil d’orientation des infrastructures, qui va nous aider à envisager une programmation de nos infrastructures. Cette instance me remettra demain son rapport, qui contribuera à nourrir le projet de loi de programmation des infrastructures dont j’aurai le plaisir de débattre avec vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Françoise Cartron. Le hasard a voulu que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable organise, ce matin, une table ronde sur la mobilité. Dans ce cadre, j’ai été amenée à interroger un spécialiste des problématiques de mobilité et de connexion sur l’adaptation des infrastructures à la circulation des véhicules connectés. Il a d’abord évoqué des « corridors connectés », beaucoup plus adaptés aux grandes voies de circulation qu’aux routes départementales. Nos réseaux départementaux pourront-ils être adaptés aux véhicules autonomes et, si oui, disposons-nous aujourd’hui d’une estimation des investissements nécessaires ?
Par ailleurs, ce spécialiste a observé qu’il pouvait y avoir plusieurs types de véhicules connectés, dont des véhicules très haut de gamme moins dépendants des infrastructures. Cependant, le coût de ces véhicules très haut de gamme sera très élevé : outre l’inégalité territoriale, n’allons-nous pas vers une fracture sociale, ces véhicules hypersophistiqués étant réservés à une élite ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Votre question, madame la sénatrice, met en exergue la multiplicité des cas d’usage et l’impossibilité, de ce fait, d’avancer une réponse univoque.
On peut en effet imaginer que, demain, les flux de marchandises, en particulier, transiteront par de grands corridors européens fréquentés par des poids lourds plus autonomes. Je pense que la Commission européenne aura à cœur de se pencher sur ce cas d’usage, qui concerne plutôt le transport de marchandises.
S’agissant du transport de voyageurs, et à une échelle beaucoup plus locale, je pense que nous pourrons rapidement, moyennant des investissements assez peu coûteux, mettre en œuvre des navettes autonomes, telles que nous les connaissons aujourd’hui, dans des zones à faible circulation, donc en milieu rural. Des expérimentations de cette nature sont menées au Japon, par exemple pour acheminer des personnes âgées d’une maison de retraite à un centre-bourg. Nous pourrons sans doute procéder à de telles expérimentations dans les tout prochains mois, moyennant un équipement léger des infrastructures pour un trajet prédéterminé.
Entre ces deux situations, il existe toute une gamme de possibilités. En tout cas, je peux vous assurer que, en matière de conception des services de mobilité, nous aurons à cœur, à travers les accords noués avec les opérateurs de téléphonie mobile et l’extension des cas d’usage des navettes autonomes à tous les territoires, de faire de l’essor de ces véhicules autonomes, comme de tout ce qui découle de la révolution numérique, un vecteur de réduction des inégalités, et non un facteur d’aggravation de ces dernières. C’est tout le sens du projet de loi d’orientation des mobilités que je présenterai prochainement.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, vous avez rappelé tout l’intérêt du développement du véhicule connecté, sur le plan tant environnemental que sécuritaire. Un certain nombre de défis sont à relever, notamment s’agissant de l’évolution technique des infrastructures. À cet égard, je centrerai mon propos sur l’important sujet de la connectivité.
En ce mois de janvier 2018, un accord historique a été signé entre le Gouvernement, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et les opérateurs mobiles, afin de garantir une couverture mobile de qualité à l’ensemble des Français. Les réseaux de communications électroniques seront en effet indispensables au fonctionnement des véhicules autonomes, dont nous savons qu’ils tiendront une place essentielle dans les offres futures de mobilité et constitueront un atout dans la lutte contre l’insécurité routière.
Dans ce contexte, notre pays doit se doter rapidement d’un cadre réglementaire, afin que les constructeurs automobiles et les différents acteurs puissent continuer à travailler au développement du véhicule de demain dans des conditions satisfaisantes et adaptées, que la gouvernance des déploiements soit définie et qu’un véritable plan des infrastructures connectées soit établi. Quelles dispositions est-il prévu de prendre en ce sens et, surtout, à quelle échéance ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je voudrais vous rassurer, monsieur le sénateur, sur le fait que ces enjeux sont bien au cœur des réflexions menées au titre de l’élaboration de la stratégie nationale sur le véhicule autonome, et au-delà. Ainsi, les réflexions conduites dans le cadre des Assises de la mobilité visaient à promouvoir une mobilité plus propre, mieux partagée, plus connectée et plus autonome.
J’évoquerai à cet égard le projet Scoop de déploiement pilote de systèmes de transport intelligents coopératifs, fondé sur l’échange d’informations entre les véhicules ou entre le véhicule et l’infrastructure. Il s’agit d’une expérimentation à grande échelle, qui associe de multiples acteurs : collectivités locales, gestionnaires routiers, constructeurs automobiles – en l’occurrence PSA et Renault –, universités, centres de recherche, opérateurs de téléphonie, fournisseurs de services de sécurité. Ce projet vise à déployer 3 000 véhicules sur 2 000 kilomètres de routes, répartis entre cinq sites – l’Île-de-France, l’autoroute A4, l’Isère, la rocade de Bordeaux et la Bretagne – qui ont l’intérêt de présenter une grande diversité de situations : autoroutes, axes structurants de métropole, routes bidirectionnelles interurbaines, voirie locale.
C’est au travers d’une telle expérimentation, la plus importante à l’échelle européenne, et d’autres projets de ce type que nous pourrons progresser, le plus rapidement possible, dans notre appréhension des bénéfices à attendre des véhicules connectés et autonomes et, dans le même temps, permettre aux acteurs français de se positionner au mieux dans la compétition internationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Il y a effectivement urgence, madame la ministre ! Les licences des réseaux de télécommunications vont être prolongées d’une dizaine d’années. Il importe de mettre en cohérence la temporalité de ces réseaux avec celle du développement des véhicules connectés. Il est urgent de donner des indications à l’ensemble des acteurs, pour que tout le monde puisse être présent au rendez-vous !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Roland Courteau. Plus grande sécurité, moindre impact environnemental, enjeux économiques certains : tout cela vaut bien qu’une stratégie globale soit définie et une feuille de route établie.
Certains constructeurs semblent rencontrer des difficultés à obtenir des financements pour leurs projets de recherche très appliquée. Qu’en est-il exactement, madame la ministre ?
Par ailleurs, les constructeurs français ne doivent pas devenir de simples fournisseurs de carrosserie. Si tel devait être le cas, il y aurait une réelle perte de valeur ajoutée. Le contre-exemple de l’alliance entre Google, dont les capacités financières sont colossales, avec Fiat est préoccupant, Google s’arrogeant le domaine de l’intelligence artificielle. Partagez-vous cette préoccupation ?
La rupture à laquelle nous allons assister sera tout autant technique que culturelle ou juridique, ce qui soulève nombre de questions. Ainsi, le fait que le véhicule autonome présente une sécurité très renforcée n’entraînera-t-il pas une certaine déresponsabilisation de l’usager ? Comment les assureurs réagiront-ils face à cette question de la responsabilité ? Le législateur devra-t-il intervenir pour procéder à certaines adaptations du code de la route, qui, à l’heure actuelle, stipule que le conducteur doit être en position d’exécuter toutes les manœuvres lui incombant ?
En outre, comme c’est le cas lors de toute révolution technologique, des emplois nouveaux vont apparaître, des emplois existants vont disparaître, et il faut d’ores et déjà anticiper ces évolutions. Comment vous y préparez-vous ?
Enfin, si nous voulons peser dans les négociations européennes sur la réglementation, nous avons intérêt à multiplier les expérimentations pour pouvoir disposer d’un maximum de retours d’expérience. Ne faut-il pas envisager de mettre en place des procédures d’autorisation plus rapides afin de les favoriser ?
Reste la question de l’homologation. Le premier pays qui sera capable d’établir des règles permettant d’autoriser la circulation de véhicules autonomes procurera un avantage certain à son industrie. Où en sommes-nous sur ce point, madame la ministre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Notre intention, monsieur le sénateur, est vraiment de mettre en place le cadre législatif et réglementaire le plus ambitieux possible, afin de ne pas prendre de retard et même d’être à la pointe en matière de véhicules autonomes. La loi d’orientation des mobilités nous permettra de nous doter de ce cadre.
Parallèlement, nous allons multiplier les expérimentations. Déjà 200 millions d’euros ont été apportés à la filière pour financer des expérimentations sur le véhicule autonome. Nous allons poursuivre dans cette voie, notamment dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.
L’Europe devra s’impliquer dans ces domaines, mais l’expérience montre que chaque pays bénéficie d’autant plus des aides instituées au niveau européen qu’il s’est lui-même mis en ordre de marche et qu’il a préparé ses filières pour répondre aux différents appels à projets ou consultations.
S’agissant du partage de la valeur, effectivement, l’arrivée du véhicule autonome rebat les cartes entre les constructeurs, les transporteurs publics, l’industrie routière, les services de mobilité et de loisirs. Dans tous ces domaines, nous disposons d’acteurs très bien positionnés au plan international. Par ailleurs, le véhicule autonome est bien loin de se résumer à un logiciel. Pour réussir un projet de véhicule autonome, il faut maîtriser tout un ensemble d’interactions entre le véhicule et son environnement, ainsi qu’entre les véhicules, la sûreté de fonctionnement et sa démonstration étant des enjeux majeurs. Cela exige une compétence industrielle qui est parfaitement maîtrisée par les filières existantes, du côté tant des constructeurs que des opérateurs.
Bien sûr, le développement du véhicule autonome sera accompagné par la puissance publique et se fera dans le cadre d’autorisations que celle-ci accordera. Les expérimentations permettront de soutenir l’émergence d’acteurs ou l’adaptation de nos filières, afin que celles-ci puissent, demain, avoir toute leur place sur ce nouveau marché.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Raymond Hugonet. Le Gouvernement a souhaité ouvrir une large concertation sur la manière de répondre aux attentes de mobilité de nos concitoyens. Les solutions classiques semblent effectivement avoir atteint leurs limites.
Alors que le Gouvernement prépare un projet de loi visant à élaborer un cadre législatif renouvelé pour les transports, je tiens, madame la ministre, à vous interroger sur vos intentions concernant les véhicules autonomes.
Le développement d’une conduite automatisée et sécurisée est de nature à permettre l’émergence de nouvelles formes de mobilité, à la frontière entre véhicules individuels et transports collectifs. En outre, la souplesse et le coût de ces dernières laissent espérer qu’elles puissent répondre à des besoins pour lesquels il n’existe pas, à ce jour, d’autres réponses que l’« autosolisme », c’est-à-dire l’utilisation d’un véhicule particulier par une seule personne.
Par ailleurs, les enjeux industriels et les conséquences sur l’emploi sont majeurs. L’industrie automobile emploie plus de 440 000 salariés en France et la capacité de notre pays à accompagner ses développements est cruciale à l’heure où des acteurs de rang mondial investissent massivement le secteur, avec l’appui des États-Unis ou de l’Allemagne, par exemple.
Je souhaiterais donc connaître les intentions précises du Gouvernement en la matière, en particulier les mesures législatives qu’il envisage de faire adopter pour permettre le développement plus rapide des véhicules autonomes en vue de faire de la France un pays leader de cette technologie d’avenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je vous confirme que nos réflexions sur le développement du véhicule autonome s’inscrivent dans la réflexion globale sur la stratégie de mobilité que j’ai souhaité lancer. Le véhicule autonome, outre qu’il apportera plus de confort d’usage, permettra d’offrir de nouveaux services de mobilité, notamment dans des territoires qui en sont aujourd’hui dépourvus.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, ce travail s’inscrit dans un contexte où il faudra décourager l’« autosolisme » ou, en tout cas, encourager le partage, que ce soit par la création de voies dédiées ou par le développement de zones à circulation restreinte, y compris eu égard aux enjeux en matière de lutte contre la pollution.
Cette approche globale vise à favoriser le recours aux véhicules propres et les usages partagés, tant dans les zones denses que dans les zones moins denses. Dans ce cadre, l’objectif, en ce qui concerne le véhicule autonome, sera de lever les freins liés à l’état actuel de notre législation, afin notamment de permettre des expérimentations avec des conducteurs inattentifs et de créer un cadre favorable au déploiement sans contrainte de navettes autonomes, lesquelles ne peuvent être mises en service, aujourd’hui, que dans des conditions assez restrictives et dans un environnement protégé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Sénateur de l’Essonne et ancien conseiller régional d’Île-de-France, je travaille sur ces questions avec le vice-président de cette collectivité, Stéphane Beaudet. Je sais votre volonté, madame la ministre. Je me permets d’insister sur le fait que l’Île-de-France offre des possibilités importantes pour réaliser les expérimentations et les mises en service que vous avez évoquées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Fabienne Keller. Je remercie notre collègue Pierre Médevielle d’avoir permis que se tienne ce débat sur le sujet quelque peu futuriste du véhicule autonome.
Comme vous le savez, madame la ministre, des expérimentations voient le jour à Paris, à Lyon, à Rouen et, bientôt, à Strasbourg : ce qui semblait relever de la science-fiction devient réalité !
Je salue votre démarche et me félicite de la nomination d’Anne-Marie Idrac. Vous réfléchissez à l’industrialisation des véhicules et à la question de la rupture technologique.
Cependant, après d’autres orateurs, je voudrais m’inquiéter du fait que les expérimentations se concentrent sur les territoires urbains, laissant de côté les territoires ruraux, qui sont déjà trop fréquemment les oubliés de la politique de mobilité.
Or il serait peut-être moins compliqué de faire circuler dans des zones peu denses ces véhicules autonomes. On pourrait y mener des expérimentations, en particulier en matière de rabattement des personnes vers les transports lourds en zone d’habitat diffus. Cette technologie nouvelle doit être mise entièrement au service d’une mobilité plus efficace, plus présente sur l’ensemble du territoire.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer très concrètement quels seraient, selon vous, les leviers à actionner pour que les territoires ruraux ne soient pas exclus des expérimentations actuellement engagées ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je le redis, le déploiement du véhicule autonome en zone rurale, en tant que nouveau service de mobilité, est pour moi une priorité, que l’État soutiendra.
Plus généralement, je souhaite accompagner le déploiement des solutions de nouvelle mobilité dans les territoires peu denses ; c’est le sens de l’appel à manifestation d’intérêt « French Mobility - Territoires d’expérimentation de nouvelles mobilités durables » que j’avais annoncé lors du Congrès des maires et qui est piloté par l’ADEME.
L’enjeu est bien que toutes ces nouvelles solutions de mobilité, qu’il s’agisse du véhicule autonome, du covoiturage ou de l’autopartage, se développent dans l’ensemble des territoires.
Au travers de cet appel à manifestation d’intérêt, nous pourrons accompagner les initiatives prises dans des territoires où les cas d’usage ne sont pas les mêmes que dans les zones urbaines. Traverser la place de l’Étoile en véhicule autonome est sans doute un défi intéressant à relever, mais, pour moi, le véritable défi, c’est d’apporter de nouvelles solutions de mobilité aux habitants des territoires où il n’existe à ce jour aucune alternative à la voiture en solo, avec les difficultés que cela peut poser pour ceux qui n’ont pas de véhicule ou pas le permis.
Je pense vraiment que cet appel à manifestation d’intérêt viendra confirmer ce que j’ai pu constater lors de la remise des prix de l’innovation, vendredi dernier, à savoir qu’énormément d’initiatives sont prises dans les territoires ruraux en matière de nouvelles mobilités. L’enjeu est de faire remonter et d’accompagner ces initiatives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Si, voilà encore quelques années, le véhicule autonome était encore un concept très éloigné de notre quotidien, les choses se sont beaucoup accélérées depuis : désormais, le véhicule autonome est une réalité.
Une nouvelle solution de mobilité arrive sur nos routes et dans nos villes, une innovation majeure qui va engendrer de grands changements dans la société, mais aussi dans l’industrie.
L’enjeu pour la France est donc crucial. L’État doit tout mettre en œuvre pour que nous ne manquions pas ce rendez-vous, qui constitue une véritable chance sur les plans économique et social.
En effet, la France regorge de talents, de formations de qualité, de savoir-faire reconnus qui doivent nous permettre de développer les meilleurs systèmes d’autonomie au monde.
Au regard de ces enjeux, qui sont aussi ceux de la révolution des transports et de la réorganisation des zones urbaines, il est nécessaire que l’État puisse structurer et coordonner l’ensemble de la filière – constructeurs, équipementiers, professionnels du numérique – pour définir une stratégie globale de développement.
Au vu de ce qui se passe à l’échelle mondiale, force est de constater que nous sommes à la peine. Faute d’un cadre d’expérimentation volontariste et ambitieux, et du fait d’une réglementation très contraignante, nous pourrions manquer ce rendez-vous.
La circulation automobile n’est pas régie par le droit de l’Union européenne et chaque État membre garde la main sur les autorisations d’expérimentation sur son propre sol. Actuellement, les concepteurs doivent transmettre un dossier d’autorisation à la Direction générale de l’énergie et du climat, qui doit ensuite être validé par le ministère des transports, celui de l’intérieur, l’autorité de police, le gestionnaire de la voirie et, enfin, l’autorité organisatrice des transports…
Ce cadre juridique constitue un frein au développement de l’intelligence artificielle, et donc du véhicule autonome, puisqu’au lieu d’accompagner ce mouvement, il le ralentit.
C’est pourquoi je souhaiterais savoir, madame la ministre, si un effort de simplification est prévu en matière d’expérimentations, à l’image de ce qui est fait au Royaume-Uni, par exemple, pour favoriser la réalisation de tests à grande échelle en conditions réelles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je vous confirme que notre ambition est bien de favoriser la réalisation de tests à grande échelle et de passer de la phase d’expérimentation à la phase de mise en place de services.
Nous continuerons à agir dans le cadre de nos engagements multilatéraux, notamment celui de la convention CEE-ONU, mais nous inciterons la Commission européenne à faire en sorte que l’Europe se dote d’un cadre offrant aux États membres la souplesse dont bénéficient déjà, par exemple, les États-Unis ou la Chine.
Nous allons nous doter d’une stratégie nous permettant de positionner au mieux notre pays, en termes à la fois d’enjeux industriels et de services de mobilité. Cela passera par la mise en place d’un cadre législatif, au travers de la loi d’orientation des mobilités, pour préparer l’arrivée du véhicule autonome sur nos routes à l’horizon 2020-2022. De même, nous mettrons rapidement en place un cadre réglementaire pour permettre le déploiement en toute sécurité des systèmes de transport public à l’échelon français et l’intégration des véhicules autonomes dans un système global de mobilité en encourageant les usages partagés et en renforçant le rôle des autorités organisatrices de la mobilité. Il faut améliorer la structuration de nos expérimentations pour préparer la future réglementation technique, mieux évaluer le lien entre le véhicule autonome, le véhicule connecté et l’équipement des infrastructures, y compris la couverture mobile, assurer un suivi en continu des déterminants de l’acceptabilité de ces nouvelles technologies par le grand public.
Tel est le sens de la stratégie nationale que nous préparons avec l’ambition de couvrir l’ensemble de ces champs et de doter la France du cadre le plus dynamique, le plus compétitif pour permettre le développement de ces technologies.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux ».
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie à dix-neuf heures vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat.
Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance de ce soir.
conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE SÉNATORIALE
Jeudi 1er février 2018
À 10 h 30
- Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (texte de la commission, n° 248, 2017-2018) (demande du Gouvernement).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 31 janvier matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 janvier à 15 heures.
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 1er février à 11 heures.
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
- Proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et les membres du groupe socialiste et républicain (texte de la commission, n° 237, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 31 janvier matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 janvier à 15 heures.
- Proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l’étranger, présentée par MM. Jean-Yves Leconte, Richard Yung, Mmes Claudine Lepage et Hélène Conway-Mouret (texte de la commission, n° 239, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 31 janvier matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 janvier à 15 heures.
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 6 février 2018
À 14 h 30
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (texte de la commission, n° 263, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec des saisines pour avis de la commission des affaires économiques, de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 février à 15 heures.
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 6 février à 12 h 30.
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (texte de la commission, n° 263, 2017-2018).
Mercredi 7 février 2018
À 14 h 30 et le soir
- Nomination des vingt-et-un membres de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens des services de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État Islamique.
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures pour cette commission d’enquête : mardi 6 février à 16 heures.
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (texte de la commission, n° 263, 2017-2018).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (texte de la commission, n° 242, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 1er février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février à 15 heures.
Jeudi 8 février 2018
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.
• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes.
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes.
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (texte de la commission, n° 242, 2017-2018).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 13 février 2018
À 9 h 30
- Vingt-six questions orales.
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0149 de Mme Nelly Tocqueville à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
(Part d’énergie nucléaire dans le mix énergétique à l’horizon 2025)
• n° 0152 de M. Bernard Delcros à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Installation d’officines de pharmacie et seuil minimal de population dans les communes rurales)
• n° 0155 de Mme Mireille Jouve à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Aide financière de l’État au centre hospitalier universitaire de Marseille)
• n° 0156 de Mme Martine Berthet à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Finances des territoires touristiques de montagne)
• n° 0158 de M. Édouard Courtial à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
(Barreau ferroviaire Roissy-Picardie)
• n° 0160 de M. Daniel Gremillet à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
(Engorgement des services de l’état civil des communes sièges d’un tribunal d’instance)
• n° 0162 de M. Didier Mandelli à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
(Choix de la ville de la nouvelle prison de Vendée)
• n° 0163 de Mme Christine Herzog à Mme la ministre, auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
(Élus locaux travailleurs frontaliers)
• n° 0167 de Mme Victoire Jasmin à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
(Protection de l’enfance et contrats locaux de sécurité)
• n° 0168 de M. Jean-Raymond Hugonet à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
(Situation de l’autoroute A10 en Île-de-France)
• n° 0169 de M. Patrick Chaize à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
(Insuffisance en moyens humains du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse)
• n° 0170 de M. Pascal Savoldelli à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
(Réalisation du quatrième plan autisme)
• n° 0174 de M. Gilbert-Luc Devinaz à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
(Situation au Togo)
• n° 0177 de M. Vincent Delahaye à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Situation des greffiers des tribunaux de commerce)
• n° 0178 de M. Jean-Yves Roux à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
(Desserte de Digne-les-Bains par la nationale 85)
• n° 0179 de Mme Gisèle Jourda à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
(Conséquences de la perte de la compétence eau-assainissement dans l’Aude)
• n° 0181 de M. Alain Marc à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
(Systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique)
• n° 0182 de M. Max Brisson à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Utilisation de l’Eusko par la ville de Bayonne)
• n° 0186 de Mme Nadine Grelet-Certenais à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
(Nuisances provoquées par la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire)
• n° 0187 de Mme Pascale Gruny à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Lutte contre la désertification médicale dans l’Aisne)
• n° 0188 de M. Marc-Philippe Daubresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
(Retour en France des djihadistes de nationalité française)
• n° 0190 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la ministre de la culture.
(Difficultés des correctrices et correcteurs d’édition)
• n° 0191 de M. Daniel Chasseing à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la cohésion des territoires.
(Situation du logement social)
• n° 0192 de M. Richard Yung à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
(Enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental)
• n° 0194 de M. Olivier Cigolotti à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Démarchage téléphonique)
• n° 0198 de M. Christophe Priou à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
(Situation du tribunal de Saint-Nazaire)
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février à 15 heures.
Mercredi 14 février 2018
À 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (texte de la commission n° 265, 2017-2018).
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures.
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures.
- Suite du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
Jeudi 15 février 2018
À 10 h 30
- Quatre conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (n° 186, 2017-2018).
=> Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord du 9 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières concernant l’emploi transfrontalier d’aéronefs (n° 62, 2017-2018).
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération renforcé entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part (n° 187, 2017-2018).
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie (n° 188, 2017-2018).
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 13 février à 15 heures.
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (texte de la commission, n° 199, 2017-2018).
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures.
- Suite du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 15 février à 11 heures.
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures.
- Suite du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 20 février 2018
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 19 février à 15 heures.
De 16 heures à 16 h 30 :
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 152, 2017-2018).
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 20 février à 12 h 30.
À 17 h 45
- Débat sur les conclusions du rapport d’information « Femmes et agriculture : pour l’égalité dans les territoires » (demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes).
• Temps attribué à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement.
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de vingt et une questions-réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 février à 15 heures.
À 21 h 30
- Débat sur l’avenir de l’audiovisuel public (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et du groupe Les Républicains).
• Temps attribué à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication : 10 minutes (y compris la réplique).
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes (y compris la réplique).
• Réponse du Gouvernement.
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de vingt et une questions-réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 février à 15 heures.
Mercredi 21 février 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste)
- Proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture des établissements privés hors contrat, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (n° 589, 2016-2017).
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 2 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 15 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 février à 15 heures.
À 21 h 30
- Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du règlement, sur les directives de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part, présentée par MM. Pascal Allizard et Didier Marie (n° 229, 2017-2018) (demande de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 février à 15 heures.
Jeudi 22 février 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)
- Proposition de loi visant à renforcer la prévention des conflits d’intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (n° 205, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 février à 15 heures.
- Proposition de loi sur le régime de l’exécution des peines des auteurs de violences conjugales, présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de ses collègues (n° 621, 2016-2017).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 février matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 février à 15 heures.
Suspension des travaux en séance plénière : du lundi 26 février au dimanche 4 mars 2018.
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 6 mars 2018
À 9 h 30
- Questions orales.
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (n° 83, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains).
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 mars en début d’après-midi.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 mars à 15 heures.
Mercredi 7 mars 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
- Proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d’impact des projets de loi, présentée par M. Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 610 rectifié, 2016-2017).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 mars à 15 heures.
- Proposition de loi visant à instituer le Conseil parlementaire d’évaluation des politiques publiques et du bien-être, présentée par M. Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 611 rectifié, 2016-2017).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 mars à 15 heures.
De 18 h 30 à 20 h 30 et de 22 h 00 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer (n° 368, 2016-2017).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 février matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 mars à 15 heures.
Jeudi 8 mars 2018
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 8 mars à 11 heures.
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe La République En Marche)
- Proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce, présentée par M. Thani Mohamed Soilihi (texte de la commission, n° 658, 2015-2016).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 7 mars à 15 heures.
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 13 mars 2018
À 14 h 30
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 16 février à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 février après-midi.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 8 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 mars à 15 heures.
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 13 mars à 12 h 30.
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
Mercredi 14 mars 2018
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
Jeudi 15 mars 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 20 mars 2018
À 9 h 30
- Questions orales.
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 mars à 15 heures.
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018).
À 16 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la protection des données personnelles (procédure accélérée) (A.N., n° 490).
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 mars matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 20 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 mars à 15 heures.
Mercredi 21 mars 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 22 et 23 mars.
• Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes.
• 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 mars à 15 heures.
• 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires européennes et à la commission des finances.
• Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi relatif à la protection des données personnelles (procédure accélérée) (A.N., n° 490).
Jeudi 22 mars 2018
À 10 h 30
- Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord instituant la Fondation internationale UE-ALC (n° 249, 2017-2018).
=> Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A.N., n° 510).
=> Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille (STCW-F) (n° 582, 2016-2017).
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 20 mars à 15 heures.
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (procédure accélérée) (A.N., n° 368).
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 mars matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 15 mars à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 mars matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 mars à 15 heures.
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 22 mars à 11 heures.
À 16 h 15
- Éventuellement, suite du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (procédure accélérée) (A.N., n° 368).
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mardi 6 février 2018, à 16 heures 20.
9
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public, présentée par MM. Bruno Retailleau et Michel Savin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 439 [2016-2017], texte de la commission n° 246, rapport n° 245).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’excellent travail accompli sur ce texte par M. le rapporteur.
Permettez-moi d’exposer très rapidement les problèmes qui sont à l’origine de l’élaboration de cette proposition de loi et les solutions que nous avons envisagées pour y remédier.
Le régime de responsabilité actuel pour les propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public où sont pratiqués des sports et loisirs de nature est celui de la responsabilité sans faute. Cela résulte de l’article 1242 du code civil, aux termes duquel « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
La jurisprudence récente a ajouté une force supplémentaire à l’interprétation rigoureuse de la responsabilité du fait des choses : dans une décision de 2010 concernant une piste de karting, la Cour de cassation a réaffirmé que l’acceptation, par la victime d’un accident, des risques liés à cette activité n’exonérait en rien l’exploitant de la structure de sa responsabilité sans faute.
Ce raisonnement a été transposé, plus récemment encore, à une affaire où deux grimpeurs ont été blessés en escaladant une falaise dans les Pyrénées-Orientales. Cela a abouti à la condamnation de la Fédération française de la montagne et de l’escalade, qui était gestionnaire du site.
Ce régime de responsabilité se révèle donc manifestement inadapté à la pratique actuelle de nombreuses activités de plein air : escalade, trail, rafting, jeux de piste, etc. Ces activités se déroulent souvent sans supervision directe, voire sans connaissance du propriétaire ou du gestionnaire des sites. Il y a donc là un contentieux potentiel d’une ampleur assez considérable.
Surtout, il y a une réelle asymétrie de la responsabilité, les propriétaires et gestionnaires supportant une responsabilité disproportionnée par rapport à leur capacité réelle à fournir les équipements ou l’encadrement de sécurité adaptés aux sites dont ils ont la garde.
Ainsi, dans de nombreux cas, il paraît difficilement justifiable d’engager cette responsabilité sans faute. En poussant le raisonnement, pourquoi le propriétaire serait-il responsable de la blessure d’un randonneur imprudent qui aurait pénétré à son insu sur un site naturel ?
Il existe une deuxième asymétrie, entre propriétaires privés et gestionnaires de sites, dont la responsabilité sans faute est engagée presque systématiquement en cas de dommages, et propriétaires publics de sites comparables, la responsabilité de ces derniers étant appréciée « au regard des risques inhérents à la circulation dans les espaces naturels », ce qui l’atténue significativement.
Il y a dès lors un effet désincitatif à la pratique authentique de ces activités en plein air. Soit les propriétaires et gestionnaires préfèrent ne prendre aucun risque et ferment les sites aux pratiquants de ces activités, soit les sites demeurent ouverts mais sont soumis à un certain nombre de contraintes, notamment un alourdissement de leurs aménagements de sécurité et de leur fonctionnement.
J’en viens à la teneur de cette proposition de loi et aux changements que nous souhaitons apporter.
Cette proposition de loi vise à remédier à l’asymétrie que j’évoquais à l’instant en procédant à un rééquilibrage de la responsabilité en faveur des propriétaires et gestionnaires des sites, afin de leur permettre d’offrir des conditions saines de pratique des sports et activités de pleine nature.
Cette idée n’est pas entièrement nouvelle. En effet, l’article L. 365-1 du code de l’environnement marque déjà un infléchissement en faveur des propriétaires et gestionnaires publics de certains terrains de pleine nature, tels que les parcs naturels ou les sentiers de promenade et de randonnée.
Aujourd’hui, l’important développement des activités de pleine nature doit inciter le législateur à prévenir plutôt qu’à guérir. Notre intervention dans ce domaine est donc parfaitement légitime et utile.
Qui plus est, il y a ici une possibilité pour le Sénat d’agir comme force de proposition et d’entamer une réflexion qui s’inscrira dans la préparation de la prochaine réforme du droit de la responsabilité civile. Mais de cette réforme, j’entends parler depuis une dizaine d’années, et c’est d’ailleurs parce qu’elle devait intervenir que l’on ne souhaitait pas modifier le code civil à la suite de la jurisprudence de l’Erika. Heureusement, madame la secrétaire d’État, le préjudice écologique est désormais entré dans le code civil, le Sénat ayant défriché le terrain.
Cette proposition de loi crée, par son article 1er, un régime dérogatoire du droit commun de la responsabilité sans faute au bénéfice de tous les propriétaires et gestionnaires de sites naturels. Ce faisant, elle remet à jour la théorie de l’acceptation des risques – c’est en fait une théorie de la responsabilisation –, suivant laquelle celui qui accepte de participer à une activité à risques accepte aussi d’en supporter les conséquences. Cela me paraît tout naturel.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Le dispositif que nous proposons est équilibré. Il permettra de mieux protéger les propriétaires contre la mise en cause de leur responsabilité pour des dommages sur lesquels ils n’ont que peu ou pas du tout de prise.
Cette dérogation ne concerne que les dommages nés de la pratique d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs, et n’affecte donc pas de manière générale et absolue leur responsabilité sans faute ni leur responsabilité pour faute, qui pourront toujours être engagées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, selon le baromètre des sports et loisirs de nature en France paru en 2016, trois Français sur quatre de plus de 15 ans, soit plus de 34,5 millions de personnes au total, déclarent pratiquer régulièrement un sport ou une activité de loisirs de nature.
Toujours selon cette enquête, ces activités ont un impact socio-économique non négligeable, puisque les sports et loisirs de nature généreraient près de 6 milliards d’euros de dépenses par an.
La proposition de loi que nous examinons vise à favoriser le développement de ces activités qui s’exercent dans des sites peu aménagés, propriétés de personnes privées ou relevant du domaine privé des personnes publiques, car elles constituent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités territoriales.
Or ce développement serait entravé par une application stricte du droit commun de la responsabilité civile. En effet, ces espaces sont soumis au régime de la responsabilité du fait des choses, régi par le premier alinéa de l’article 1242 du code civil, ancien article 1384, comme le savent les très vieux juristes comme moi…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. N’exagérons rien ! (Sourires.)
M. André Reichardt, rapporteur. J’avais appris cela en première année de droit ; cela remonte à très loin !
En application de ce principe très général, le propriétaire d’un site naturel – ou son gestionnaire s’il avait transféré à celui-ci sa garde juridique par convention – peut voir sa responsabilité civile engagée pour des branches qui tombent ou des pierres qui roulent, dès lors que la victime démontre que la chose est intervenue dans la réalisation du dommage, alors même que le gardien n’a commis aucune faute. Il ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité, sauf à prouver l’existence d’un cas de force majeure – notion appréciée très strictement par les juges – ou d’une faute de la victime.
L’article unique de la proposition de loi prévoyait donc de compléter l’article L. 365-1 du code de l’environnement, pour basculer d’un régime de responsabilité du fait des choses vers un régime de responsabilité pour faute du gestionnaire ou du propriétaire du site naturel.
Bien que partageant l’objectif des auteurs de la proposition de loi, la commission a estimé que ce texte suscitait certaines interrogations, auxquelles il était nécessaire d’apporter des réponses précises.
Une première interrogation porte sur l’opportunité même d’une intervention du législateur.
Le contentieux de la responsabilité civile des gestionnaires et des propriétaires du fait de dommages causés sur des sites naturels est peu abondant, voire inexistant, ces dernières années pour les personnes publiques. Le dépôt de la proposition de loi fait suite à un jugement isolé de première instance rendu à Toulouse, contre lequel un appel a été interjeté. Dès lors, fallait-il légiférer ?
C’est la première question que j’ai posée en ma qualité de rapporteur. La commission a estimé que la quasi-absence de contentieux en matière de responsabilité civile des gestionnaires et propriétaires de sites naturels n’est pas un argument en faveur du statu quo. Elle est surtout révélatrice de la très grande attention portée, nous dit-on, par les fédérations, en particulier à la sécurité des pratiquants de sports de nature.
La commission a donc considéré que l’important développement de ces pratiques de plein air justifiait pleinement d’anticiper les difficultés à venir et les éventuels tâtonnements jurisprudentiels par la fixation de règles précises.
Fallait-il ensuite s’opposer à la création d’un nouveau régime spécial, alors même qu’une grande réforme de la responsabilité civile est annoncée par la Chancellerie ?
Le président Retailleau l’a dit, les réticences qui ont été exprimées sont parfaitement compréhensibles. Cependant, il me semble utile de rappeler que, faute d’évolutions législatives depuis 1804, la responsabilité du fait des choses est devenue une construction jurisprudentielle, engagée à la fin du XIXe siècle pour prendre en considération des problématiques qui n’existaient pas lors de l’élaboration du code civil.
Comme il l’a déjà fait pour certaines situations spécifiques, le législateur est donc, à notre avis, tout à fait légitime à intervenir pour créer un régime adapté aux contraintes particulières inhérentes à ces sites naturels. Fallait-il alors attendre le grand projet de réforme de la responsabilité civile annoncé par le ministère de la justice pour intervenir ?
La commission des lois a estimé, au contraire, que la proposition de loi constituait une belle occasion pour le Sénat d’engager la réflexion sur ce sujet, voire d’être à l’initiative de dispositions utiles et attendues, comme ce fut le cas pour la consécration de la réparation du préjudice écologique.
S’agissant du dispositif de la proposition de loi lui-même, la commission a considéré qu’il soulevait des difficultés d’articulation avec le reste de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, d’une part, et des difficultés d’application en raison de l’imprécision des notions utilisées, d’autre part.
À titre d’exemple, l’utilisation de la notion de « responsabilité civile » posait question. Si elle couvrait, certes, la responsabilité délictuelle, elle englobait également la responsabilité contractuelle du propriétaire ou du gestionnaire, ce qui n’était pas, je pense, l’objectif des auteurs du texte. Le dispositif aurait permis une exonération totale de responsabilité de ces personnes, hors les cas où elles ont commis une faute.
Ainsi, un manquement non fautif à l’obligation de sécurité mise par la jurisprudence à la charge de l’exploitant d’un site payant n’aurait plus permis d’engager la responsabilité de cet exploitant à l’égard de la victime du dommage. Il en aurait résulté un transfert du risque pesant actuellement sur l’exploitant, d’une station de ski par exemple, souvent professionnel et bien assuré, vers son client, seulement couvert – et encore, ce n’est pas toujours le cas – par une assurance de dommages personnels.
Autant dire qu’il n’était pas possible d’en rester à la notion de responsabilité civile simple. Il fallait scinder très clairement les notions de responsabilité délictuelle et de responsabilité contractuelle.
Quant au champ des personnes bénéficiaires de cette exonération, la référence aux « propriétaires et gestionnaires de sites » ne permettait pas de couvrir l’ensemble des gardiens potentiels de la chose. Quid du locataire si l’on ne vise dans la loi que le propriétaire ou le gestionnaire du site ?
Enfin, l’utilisation de la notion de « circulation du public » était également problématique, car elle pouvait renvoyer à la circulation d’engins motorisés relevant du régime spécial de la loi du 5 juillet 1985.
Dès lors, la commission a adopté une nouvelle rédaction complète de l’article unique du texte, mais exclusivement afin d’apporter les précisions indispensables à la sécurité juridique du dispositif. Les auditions d’hommes de loi que nous avons menées sur le sujet ont achevé d’éclairer le rapporteur que je suis.
La rédaction retenue écarte explicitement le jeu de la responsabilité du fait des choses des gardiens des sites dans lesquels s’exercent les sports de nature ou les activités de loisirs, en cas de dommages subis par les pratiquants de ces sports et activités. Puisque le régime de responsabilité de plein droit ne pourrait plus s’appliquer, la responsabilité du gardien du site dans lequel a eu lieu le dommage devrait être recherchée sur le fondement de la faute, comme le souhaitent les auteurs du texte.
Cette solution repose sur la théorie de l’acceptation des risques, bien connue dans le domaine sportif, en vertu de laquelle celui qui accepte de participer à une activité à risque en supporte les conséquences, ce qui revient à alléger ou supprimer la responsabilité de l’auteur ou du responsable du dommage.
Cette théorie a été progressivement délaissée par la jurisprudence pour faire bénéficier les victimes du régime plus favorable de la responsabilité de plein droit du fait des choses. Le développement des assurances dans le domaine du sport n’a sans doute pas été étranger à cette évolution.
En restaurant ladite théorie, la commission vous propose de revenir, dans le domaine des sports de nature et des activités de loisirs, à une conception plus limitée de la responsabilité sans faute, qui a seulement pour objet de protéger la victime contre des risques créés par autrui, et non contre des risques auxquels elle participe volontairement par son activité.
Il en résulte une solution équilibrée de partage de responsabilité entre le propriétaire ou le gestionnaire du terrain, qui doit mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour assurer des conditions de sécurité optimales à l’exercice des sports et des activités de loisirs de nature, et les pratiquants, à la recherche d’une nature intacte, qui doivent prendre conscience que, malgré toutes les diligences entreprises par le propriétaire ou le gestionnaire du site – le gardien –, le « risque zéro » n’existe pas quand on pratique l’escalade, l’alpinisme, le vélo ou la randonnée dans des sites naturels peu ou pas aménagés.
La commission a ensuite choisi d’introduire ce dispositif dans le code du sport, au sein des dispositions relatives aux sports de nature, plutôt que dans le code de l’environnement, puisqu’il concerne la pratique de ces sports et les activités de loisirs de plein air qui s’en approchent.
La commission a estimé enfin que, puisque le jeu de la responsabilité du fait des choses était désormais écarté, les indications données au juge pour apprécier cette responsabilité, prévues à l’article L. 365-1 du code de l’environnement, n’avaient plus lieu d’être. Dès lors, elle a complété la proposition de loi par un article 2 qui a pour objet d’abroger cet article.
Mes chers collègues, la commission vous propose d’adopter la proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vient aujourd’hui en discussion a pour objectif, en modifiant le régime de responsabilité auquel sont soumis les gardiens de sites naturels ouverts au public, d’encourager le développement des sports de nature, qui, comme cela a été rappelé, constituent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités territoriales.
Le Gouvernement ne peut que souscrire à un tel objectif, auquel vous me permettrez d’ajouter, plus largement, celui de favoriser la plus large ouverture au public, y compris aux simples promeneurs, des espaces naturels de notre pays, dans des conditions compatibles avec les nécessités de leur conservation. Les préoccupations des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, qui ne doivent pas être dissuadés d’ouvrir ces espaces au public en raison d’un risque excessif de mise en cause de leur responsabilité, sont à cet égard légitimes.
Si la proposition de loi suscite des réserves, c’est donc non pas en raison des objectifs qu’elle poursuit et des préoccupations auxquelles elle entend répondre, mais plutôt des moyens qu’elle emploie.
En l’état actuel du droit, une adaptation du régime de responsabilité des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels est déjà prévue à l’article L. 365-1 du code de l’environnement.
Cette disposition a été introduite en 2006 à l’occasion du vote d’une loi relative aux parcs nationaux et parcs naturels. Elle ne modifie pas le régime de responsabilité applicable, mais, en cas d’accident, elle invite le juge à apprécier la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de certains espaces naturels, en tenant compte des caractéristiques particulières de ces espaces, qui, pour des raisons de conservation des milieux, ne peuvent faire l’objet que d’aménagements limités.
La présente proposition de loi va plus loin : dans sa version issue des débats en commission, elle prévoit, au nom de la théorie de l’acceptation des risques, de substituer au régime de responsabilité actuellement applicable devant le juge civil, qui est le régime de responsabilité objective du fait des choses, un régime de responsabilité pour faute, inscrit désormais non plus dans le code de l’environnement, mais dans le code du sport.
Or une telle évolution nous paraît prématurée, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il serait excessif de décrire l’état du droit actuel comme permettant l’engagement automatique de la responsabilité des propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels en cas d’accident.
Certes, le régime de « responsabilité du fait des choses » que les juridictions civiles appliquent aux propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels est un régime de responsabilité sans faute. Toutefois, les juridictions, lorsqu’elles sont saisies d’actions en responsabilité, procèdent à une appréciation circonstanciée des faits de l’espèce. Elles recherchent notamment la réalité du rôle causal de la chose et tiennent compte du comportement de la victime pour, le cas échéant, exonérer le gardien de sa responsabilité ou atténuer celle-ci.
À cet égard, comme cela a été rappelé lors des travaux en commission, il faut relativiser la portée du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse de 2016 – M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur y ont fait référence –, mentionné dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, qui a condamné la Fédération française de la montagne et de l’escalade, en sa qualité de gestionnaire d’une falaise, à indemniser les victimes d’un accident d’escalade.
Il convient tout d’abord de rappeler qu’il a été fait appel de cette décision, qui n’est donc pas définitive. En outre, elle apparaît assez isolée, dans un paysage jurisprudentiel d’ailleurs marqué par un contentieux très faible, alors que, pour ne citer que les parcs nationaux, les réserves naturelles ou les sites du Conservatoire du littoral, la fréquentation cumulée est de 54 millions de visiteurs par an.
De ce point de vue, la nécessité d’une intervention du législateur n’apparaît donc pas avec évidence.
Par ailleurs, je rappelle que, comme votre commission en est parfaitement consciente, le ministère de la justice travaille actuellement à un vaste projet de réforme de la responsabilité civile. Je sais, monsieur le président de la commission, que l’on en entend parler depuis longtemps, mais vous savez aussi que ce gouvernement a pour habitude de faire ce qu’il dit. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vraiment ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. C’est en tout cas ce qu’il a fait jusqu’à présent !
Ce projet sera l’occasion de faire évoluer certains régimes de responsabilité particuliers – je suis certaine que vous y travaillerez de concert avec nous, puisque ce sujet vous tient à cœur –, dans un cadre permettant de s’assurer de la pertinence de ces évolutions au regard du droit commun de la responsabilité civile.
Je pense notamment à l’article L. 321-3-1 du code du sport, introduit en 2012, après l’abandon par la Cour de cassation de la théorie de l’acceptation des risques en matière sportive, pour écarter l’application du régime de responsabilité du fait des choses dans certains cas de dommages matériels causés par un pratiquant sportif à un autre pratiquant.
Dans ce contexte, introduire aujourd’hui dans le droit positif une nouvelle disposition dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile paraît prématuré. J’ai d’ailleurs cru comprendre, au travers de vos débats en commission, que nombre d’entre vous n’étaient pas insensibles à la nécessité d’une réflexion élargie à l’ensemble du droit de la responsabilité civile.
J’en viens à la troisième raison qui motive notre avis : la rédaction de la proposition de loi issue des travaux en commission, si elle résout certaines difficultés soulevées par la rédaction initiale du texte, paraît problématique à d’autres égards.
Ainsi, cette rédaction ne fait pas référence à la responsabilité administrative, au contraire de l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement, qui invite également le juge administratif, lorsque le litige relève de sa compétence, à tenir compte des contraintes tenant aux nécessités de la préservation des espaces naturels. Cela pourrait conduire à des conditions d’indemnisation différentes selon le juge compétent, alors que, en l’état, dans des cadres théoriques certes distincts, le juge judiciaire et le juge administratif parviennent généralement à des résultats très similaires.
Par ailleurs, les notions d’« espace », de « site » ou d’« itinéraire » retenues par la commission pour définir le champ d’application du texte mériteraient d’être précisées. Il semble en effet nécessaire de limiter expressément ce champ d’application aux seuls espaces « naturels », dès lors que les activités de loisirs peuvent également être pratiquées en dehors de tels espaces, notamment en milieu urbain.
Enfin, et surtout, votre commission propose, en contrepartie de la création d’un nouvel article dans le code du sport, d’abroger purement et simplement l’article L. 365-1 du code de l’environnement. Or le nouveau dispositif ne couvre pas la totalité des champs traités par cet article : en particulier, il ne traite pas de la circulation des piétons. Ce faisant, la proposition de loi laisse sans réponse les préoccupations, à cet égard, des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, lesquelles sont pourtant au cœur de votre travail.
Cette difficulté ne saurait d’ailleurs se régler par un simple élargissement du champ d’application du texte de la commission ; en effet, si l’on peut trouver légitime d’opposer l’acceptation du risque à un sportif qui pratique en toute connaissance de cause une activité risquée, il en va différemment en ce qui concerne le simple promeneur, et le Gouvernement ne saurait souscrire à un texte qui conduirait à un affaiblissement du droit des victimes.
À cet égard, l’équilibre trouvé par l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement paraît devoir être préservé, et l’abrogation de cette disposition n’est pas opportune.
Dans ces conditions, le Gouvernement pourrait souscrire à un texte qui, sans modifier le régime de responsabilité applicable, viendrait étendre le champ d’application, actuellement trop restrictif, de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, initialement visé par la proposition de loi.
C’est pourquoi vous est soumise par voie d’amendement une proposition de réécriture de cet article, afin d’élargir son champ d’application à l’ensemble des personnes propriétaires ou gestionnaires, ainsi qu’à l’ensemble des « espaces naturels ».
La liste des personnes publiques dressée par l’actuel dispositif, qui ne mentionne que l’État et la commune, est en effet trop restrictive. Celle des espaces concernés l’est également, puisque seuls sont visés certains espaces particulièrement protégés.
C’est ainsi que, dans le cas jugé par le tribunal de grande instance de Toulouse, l’article L. 365-1 du code de l’environnement ne pouvait trouver à s’appliquer, le lieu de l’accident ne figurant pas sur cette liste. Or les enjeux de la conciliation entre ouverture au public et préservation du caractère naturel des lieux s’étendent au-delà des seuls espaces naturels protégés.
La réécriture qui vous est proposée en tire les conséquences. Elle ne préjuge pas de la nécessité éventuelle d’une évolution ultérieure du régime de responsabilité spécifiquement applicable en matière sportive : comme je l’ai indiqué, c’est une réflexion qui aura toute sa place dans le cadre de la réforme globale du droit de la responsabilité civile qui a été engagée par le Gouvernement.
Néanmoins, en l’état, il importe, tout en adaptant son champ d’application, de conserver l’économie générale d’un dispositif qui permet de concilier le droit commun de la responsabilité tant civile qu’administrative et la prise en compte des contraintes spécifiques des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, tout en garantissant une protection satisfaisante du droit des victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la période contemporaine est marquée par un attrait croissant pour les sports et activités de pleine nature. Il faut se féliciter de ce phénomène, qui favorise le développement touristique, donc économique, de nos territoires et valorise des espaces naturels.
Le département dont je suis l’élu, la Haute-Savoie, est particulièrement concerné par ce phénomène. Je ne vais pas vous citer ici l’ensemble des activités extérieures qui sont pratiquées chez nous tout au long de l’année, mais simplement vous rappeler quelques disciplines montagnardes emblématiques comme l’escalade, l’alpinisme, le ski, le parapente et, plus récemment, le trail.
Ces activités, comme la plupart des activités de nature, sont par essence à risque, et les pratiquants de ces sports le savent. Ce constat doit nous amener à remarquer une forme de paradoxe : le développement d’activités à risque dans une société dont l’aversion aux risques est de plus en plus grande. Notre époque est en effet marquée par la volonté de limiter le risque, de l’encadrer, de s’assurer contre celui-ci.
Le texte que nous proposent aujourd’hui nos collègues a suscité une double réaction au sein de notre groupe.
Première réaction, partagée par les précédents orateurs : appliquer de manière brutale la responsabilité du fait des choses au propriétaire ou au gestionnaire de sites pour des dommages causés lors d’une pratique sportive sur des sites naturels pose problème. En effet, cela va provoquer un découragement, donc probablement un désengagement, des fédérations sportives, voire des collectivités qui s’étaient organisées pour accompagner et développer ces activités. On comprend alors aisément les répercussions immédiates en matière d’attractivité touristique que cela pourrait engendrer dans nombre de territoires.
Deuxième réaction : le problème de droit qui nous est soumis est réel, mais il ne résulte, a priori – M. le rapporteur nous l’a confirmé –, que d’une décision de justice de première instance. L’affaire est actuellement devant la cour d’appel, dont on ne sait quelle sera son interprétation. Et ne parlons même pas de l’éventualité d’un pourvoi en cassation.
Se pose alors une question de principe : peut-on, doit-on, légiférer maintenant ? Au-delà du fait que ce soit une décision judiciaire isolée, on pourrait aussi se dire qu’il serait préférable d’attendre les travaux de notre Haute Assemblée sur le projet de réforme du droit de la responsabilité qui devrait s’amorcer à la fin de l’année. Mais, là encore, est-ce une raison pour nous empêcher de travailler dès maintenant ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non !
M. Loïc Hervé. Notre présence en nombre ce soir montre combien cette question nous intéresse.
Après une réflexion alimentée par les travaux approfondis de notre rapporteur et de la commission des lois, nous avons estimé qu’il était nécessaire que le Sénat s’attaque, dès aujourd’hui, au problème juridique soulevé par nos collègues du groupe Les Républicains.
Le Sénat a intérêt à statuer sur cet aspect particulier de la responsabilité du fait des choses, quitte à ce que ce travail soit un jour intégré à une réforme plus vaste de la responsabilité civile.
En commission, notre rapporteur nous a proposé d’intégrer le nouveau dispositif prévu dans la proposition de loi non pas dans le code de l’environnement, mais dans le code du sport.
Nous souscrivons à cette modification, d’autant plus que ce code prévoit déjà, dans son article L. 321-1-3, une exonération, pour les pratiquants d’une activité sportive, de la responsabilité sans faute pour les dommages matériels à l’encontre d’autres pratiquants du fait des choses sous leur garde. Rappelons au passage que cette évolution de 2012 était, elle aussi, issue d’une initiative parlementaire.
Sur le plan juridique, l’évolution de la matière qui nous occupe aujourd’hui a été largement bouleversée par un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en 2010 et réduisant le champ d’application de la théorie des risques acceptés. Depuis ce revirement, la responsabilité du fait des choses a désormais vocation à s’appliquer à l’ensemble des dommages causés par le fait d’une chose, quelle que soit la nature de celle-ci, quel que soit le dommage causé et quelle que soit l’activité qui en a été l’occasion.
Les effets de cette décision se sont rapidement fait sentir avec une forte augmentation des primes d’assurance de certaines fédérations, notamment en matière de sport mécanique.
Force est de constater que la problématique que nous examinons ce soir est très spécifique, puisque les « choses » dont nous parlons aujourd’hui ne sont pas des matériels de sport : il ne s’agit pas de la responsabilité des dommages causés par une raquette de tennis ou une moto de compétition… Ces hypothèses, plus classiques, ont déjà donné lieu à de très nombreuses décisions judiciaires.
Ici, il est en fait question, au travers de la notion juridique de « chose », d’éléments qui composent l’environnement naturel d’une pratique sportive, en l’occurrence un rocher sur une paroi d’escalade. On comprend bien que le débat n’est pas tout à fait de même nature.
On comprend surtout qu’en désignant comme juridiquement responsable une fédération sportive pour des dommages qu’elle ne pouvait ni prévoir ni éviter, on la place dans une situation intenable.
L’objectif de cette proposition de loi est très simple, mes chers collègues : trouver le bon aménagement juridique permettant de sauvegarder et de permettre le développement d’activités sportives et de nature. Vous avez ainsi évoqué, madame la secrétaire d’État, le nombre de pratiquants dans notre pays de ce type d’activités.
Je tiens à remercier notre rapporteur de la qualité de son travail, la finesse de son analyse juridique et l’intelligence des apports faits à la proposition de loi initiale. Il nous propose aujourd’hui un dispositif qui pourra sans doute encore être amélioré au cours de la navette parlementaire, mais qui lance le débat et souligne l’implication du Sénat sur cette problématique très importante pour le développement économique et touristique de nos territoires. J’ai, là encore, une pensée pour mon département qui vit de cette activité.
Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer en commission, j’aime les premiers de cordée. Non pas dans l’acception macroniste de la formule,…
M. Loïc Hervé. Cela viendra ! (Sourires.)
M. Jérôme Durain. … mais au sens littéral du terme. Je suis moi-même grimpeur, mais comme cela n’emporte pas d’obligation de déport ou de conflit d’intérêts, je poursuis mon propos. (Nouveaux sourires.)
Pour poser les termes du débat qui nous intéresse aujourd’hui, j’ai choisi de partir du nom qu’on donne en escalade à celui qui se trouve à l’autre bout de la corde, tout en bas : il s’agit de l’assureur. Ce terme résume à lui seul toutes les interrogations auxquelles cette proposition de loi veut apporter des réponses, soit la prise de risque, la responsabilité qui y est liée et le financement des dommages en cas d’accident. Autrement dit, qui pratique, qui sécurise et qui paye ?
Ce texte trouve notamment son origine dans un accident d’escalade à Vingrau et dans une décision de justice s’y rapportant. Mais les questions posées intéressent tous les pratiquants de sport de pleine nature, l’ensemble des fédérations qui en régissent la pratique, les propriétaires de sites naturels et les collectivités territoriales qui en assurent le développement et la promotion.
Plusieurs questions philosophiques sous-tendent nos débats aujourd’hui. Quelle place accordons-nous à la prise de risque dans notre société, notamment dans les espaces naturels ?
Quelle part d’acceptation du risque de la part des pratiquants eux-mêmes ? Sur ces sujets, qu’est-ce qui doit relever de la responsabilité individuelle ou de l’assurance d’un tiers ?
Jusqu’où les fédérations et les collectivités doivent-elles être responsables des pratiques individuelles ? Quel est le juste coût des assurances que doivent prendre en charge les pratiquants ?
La première des questions que nous nous sommes posées en commission était : devons-nous légiférer sur la base d’un cas précis et d’une décision de justice, toujours en appel ? Autrement dit, faut-il attendre la Chancellerie et la prochaine réforme du droit de la responsabilité ? Nous avons répondu positivement.
Au-delà du seul cas de Vingrau, c’est tout le développement des sports de pleine nature qui est suspendu aux incertitudes juridiques. Le régime de la responsabilité civile est, me dit-on, intouchable. Pourtant, les textes de 1804, comme la construction jurisprudentielle qui les accompagne, ne sont plus à même de répondre à la complexité des situations auxquelles nous devons faire face aujourd’hui.
Vous avez sans doute lu le récit dans la presse cette semaine du sauvetage héroïque d’Élisabeth Revol. Son histoire a bien commencé, quand elle est devenue la première femme à réussir l’ascension hivernale du Nanga Parbat, en compagnie d’un alpiniste polonais. Le risque fut payant. Puis l’histoire s’est ternie dans la descente, durant laquelle Mme Revol n’a pu s’engager que seule, quand son compagnon de cordée a dû rester au sommet, à l’agonie. Elle a été rejointe par d’autres ressortissants polonais venus à sa rescousse de nuit, à la lampe frontale, dans des conditions dantesques.
Cette histoire, terrible, ne nous intéresse pas aujourd’hui que par son contexte : les montagnes françaises ne sont pas l’Himalaya et l’initiative législative du jour n’aurait que peu d’impact au Pakistan. Elle nous interpelle par les messages qu’elle porte. Nul n’imaginait qu’une opération de sauvetage dans l’Himalaya puisse être payée grâce à un appel au financement participatif, à hauteur de 50 000 dollars, en temps réel, au moment même du drame vécu par Élisabeth Revol sur le Nanga Parbat.
Les pratiques sportives actuelles, dans l’environnement juridique contemporain, requièrent des réponses nouvelles. J’ai le sentiment que cette proposition de loi nous les apporte. Je crois également que le travail de précision juridique, apporté avec beaucoup de minutie par notre rapporteur, va dans le bon sens.
Le grand grimpeur et alpiniste italien Reinhold Messner nous dit que « la montagne n’est ni juste, ni injuste, elle est dangereuse ». Sur la question du risque lié à la pratique des sports de pleine nature, nos efforts doivent précisément porter sur la juste responsabilité de chacun des acteurs concernés. Cela vaut pour les risques ordinaires comme pour les risques exceptionnels.
Pour la clarté de la démonstration, je veux dresser le tableau noir, dans le champ de l’escalade, des conséquences possibles d’une situation où le régime de la responsabilité sans faute continuerait à prévaloir : une fédération, la Fédération française de la montagne et de l’escalade, qui suspend tout ou partie des 800 conventionnements qui la lient à des propriétaires partout en France ; des propriétaires qui interdisent l’accès à leurs sites ; un niveau d’équipement et de sécurisation des sites qui diminue ; des pratiques sauvages ou clandestines qui prospèrent ; des collectivités qui mettent la pédale douce sur la promotion de l’escalade – Loïc Hervé a insisté sur l’intérêt touristique du développement des sports de pleine nature – ou qui, à l’inverse, surinvestissent dans un équipement déraisonnable visant à « bétonner », dans tous les sens du terme, les sites.
Au-delà des risques en matière d’accidentologie, ou des crispations possibles entre propriétaires et pratiquants, il faut considérer sérieusement cette perte de ressource réelle de développement local pour des communes, intercommunalités ou départements qui auraient été prêts, littéralement, à « investir dans la pierre ».
Vous aurez compris que je prône au nom de mon groupe – c’est de circonstance s’agissant d’escalade (Sourires.) – une position équilibrée. Le texte que nous étudions interroge à ce titre, en premier et en dernier lieu, les pratiquants. L’escalade, la randonnée et le VTT font partie des rares pratiques totalement libres d’accès et gratuites. C’est une chance et un rare privilège dans un monde de plus en plus marchand et je suis, comme beaucoup d’autres, très attaché à ces deux caractéristiques.
On peut considérer à l’échelle nationale que la moitié de la population française pratique la marche ou la randonnée. Trois Français de plus de quinze ans sur quatre déclarent, en 2016, pratiquer un sport de nature, soit 34,5 millions de personnes.
La contrepartie de ce libre accès et de cette gratuité doit sans doute être recherchée dans l’acceptation sociale d’un risque raisonnable. Cela renvoie à la nécessité, dans le cadre de pratiques non encadrées, d’avoir des pratiquants conscients, formés, assurés. Dans le modèle qui nous intéresse, le rôle des fédérations est central sur ces trois points. Car des pratiquants mieux formés, davantage responsabilisés, cela signifie moins de risque d’accident.
Vous aurez donc compris que tout le monde est concerné par ce texte : l’alpiniste chevronné, le randonneur occasionnel, le « VTTiste » du dimanche. Je souhaite que l’on puisse continuer à emprunter un sentier de grande randonnée, pour aller à Compostelle ou ailleurs, sans devoir se détourner d’un chemin qu’un propriétaire inquiet aurait interdit d’emprunter…
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jérôme Durain. … et que l’on puisse initier des enfants à l’escalade sans analyse juridique préalable.
Au nom de mon groupe, j’apporte mon soutien à cette proposition de loi de M. Retailleau,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jérôme Durain. … le président d’un groupe avec lequel je suis souvent en désaccord, mais avec lequel il m’arrive aussi de tomber d’accord sur des sujets de niche, comme cette proposition de loi ou l’importance du jeu vidéo ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les amendements adoptés en commission me satisfont. Le rapporteur a fait le choix de définir la notion de faute dans un sens plus restrictif qu’initialement prévu, ce qui semble adapté à l’activité visée.
En ce qui concerne l’articulation avec l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement, on comprend que la cohabitation de deux dispositifs risquerait de créer des règles contradictoires.
Je suis plutôt partisan d’en rester à la rédaction adoptée en commission. Et il me tarde d’entendre l’avis de nos collègues de l’Assemblée nationale, dont je ne doute pas qu’ils se saisiront de l’occasion qui leur est offerte de donner de l’écho aux premiers de cordée, aux assureurs, aux randonneurs et à tous ceux qui font des espaces naturels leur terrain de jeu privilégié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec une certaine perplexité que j’aborde cette discussion générale, car si j’ai entendu des propos assez pertinents de la part des orateurs qui sont intervenus précédemment, je n’ai pas le sentiment que l’explication résultant de leur synthèse soit d’une clarté absolue.
Le problème du droit, c’est que les choses peuvent paraître simples lorsqu’une seule solution est offerte, mais qu’elles commencent à devenir compliquées lorsqu’il y en a trois ou quatre… Quand on fait référence à plusieurs codes et à différents sujets en même temps, on entre dans les véritables difficultés.
Un élément nous unit avec certitude – je l’ai senti au travers des applaudissements –, c’est qu’il faut régler le problème. C’était d’ailleurs le sens de la proposition de loi, que j’avais cosignée à l’époque, déposée par Bruno Retailleau avec un certain nombre de membres du groupe Les Républicains, dont d’ailleurs le rapporteur, lequel propose aujourd’hui une autre solution.
Cela montre bien que la situation n’est pas si simple : on propose à un moment donné une solution qui, avec le temps et la réflexion, peut évoluer. C’est pour cette raison que nous avons des débats dans les deux chambres, à la fois en commission et en séance. Je veux d’ailleurs rendre hommage à la réflexion menée par André Reichardt avec les membres de la commission des lois, sous l’égide de son président.
Nous devons répondre à des évolutions sociétales complexes, qui se font jour sur les espaces naturels, et à une forte artificialisation d’un certain nombre de ces espaces qui amoindrit les espaces de nature. Nous assistons à des demandes de plus en plus nombreuses de manifestations sportives, souvent axées sur la performance.
En même temps, nous constatons un grand attachement de nos concitoyens à la nature et aux espaces naturels. On a déjà aussi évoqué l’intérêt touristique pour l’attractivité des territoires de ces espaces naturels. Une valorisation du réseau des sites naturels protégés est une source de bonne santé et de bien-être, avec des aménagements limités pour laisser l’émotion gagner et conserver l’esprit des sites.
On comprend bien tous ces arguments, mais on constate en même temps – c’est un problème – une judiciarisation générale de la société. Dès que l’on reçoit un gravier sur le coin de la tête, on se demande comment faire réparer le préjudice de cette atteinte à son intégrité physique…
Les contentieux en responsabilité exposent les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, malgré toute l’information fournie et les précautions prises. Si cette tendance se confirmait, certains propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels risqueraient de faire le choix, à terme plus ou moins rapproché, de fermer des portions significatives de ces espaces naturels, ce qui n’est évidemment pas l’objectif.
En effet, en préservant ces espaces, l’objectif est de les rendre accessibles à tous nos compatriotes et à nos amis étrangers qui viennent visiter notre pays. C’est la raison pour laquelle le choix fait par la commission des lois, que je peux comprendre et qui a une pertinence juridique indiscutable, me paraît, et je le regrette, limiter la couverture de responsabilité.
Ce n’était pas, selon moi, l’objectif du texte que nous avions déposé. Au contraire, il s’agissait de répondre le plus largement possible aux risques d’accident encourus par les promeneurs, les sportifs, et de favoriser également la sécurité des gardiens de ces sites, qui ne pouvaient pas voir leur responsabilité engagée à tout propos dès lors qu’ils ouvraient très largement ces espaces et que le public, toujours plus nombreux, les fréquentait.
Ma première réflexion sur ce texte fut, compte tenu du travail accompli, de ne pas proposer d’amendement de suppression de l’introduction du dispositif dans le code du sport, car cette mesure a son mérite.
En toute honnêteté, je me suis dit – je vous le raconte comme je l’ai vécu, puisque j’ai encore une ou deux minutes pour le faire – qu’il fallait peut-être concilier l’article du code de l’environnement, qui n’est pas clair et qu’il est nécessaire de modifier – Mme la secrétaire d’État a bien voulu apporter des précisions sur le sujet, en indiquant que c’était probablement une bonne idée –, avec l’introduction d’un article dans le code du sport, afin de prévoir une large couverture.
On aurait à la fois l’introduction d’un article dans le code du sport, ce qui répond à un certain nombre de problèmes, et le maintien de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, en y apportant des précisions. C’est ce que j’ai fait, puisque je n’ai pas proposé la suppression de l’article dans les amendements que j’ai déposés. En revanche, j’ai proposé des amendements de substitution : un amendement principal et un amendement de repli, les deux visant à apporter des précisions, mais rédigés de façon différente.
À cet instant, je suis embarrassé, parce que le Gouvernement a déposé un amendement dont les dispositions posent une difficulté, car elles prévoient la suppression de l’introduction du dispositif dans le code du sport.
Voici ma position, à l’instant où je vous parle et dans les douze secondes de temps de parole qui me restent : en l’état de notre discussion, mais nous verrons comment évolue le débat au fur et à mesure de l’examen des amendements, je suis favorable à l’amendement proposé par M. le rapporteur et voté par la commission des lois, visant à rétablir l’article L. 365-1. Et je souhaite y ajouter, pour défendre le point de vue que je soutiens, l’amendement n° 2 déposé par les membres de mon groupe.
Tel est, mes chers collègues, l’état d’esprit dans lequel je suis à ce stade de la discussion, étant entendu que, s’agissant d’un texte qui poursuit un objectif d’intérêt général évident, je suis favorable à la recherche d’une solution de compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir nous place devant la question de la prise en charge des risques individuels par la société, sous l’angle spécifique de la pratique des sports de nature.
De nos jours, ces activités progressent en nombre et rassemblent beaucoup d’adeptes, y compris sur ces travées. À titre d’exemple, la Fédération française de randonnée pédestre compte 242 000 adhérents et la Fédération française de la montagne et de l’escalade quelque 96 000. Plus de trois Français sur quatre de plus de quinze ans déclarent pratiquer régulièrement une activité de pleine nature.
Les auteurs de la proposition de loi l’ont souligné, il s’agit également d’un facteur majeur d’attractivité, encouragé par la loi, pour bon nombre de nos territoires. Sur les territoires de montagne en particulier, la loi du 9 janvier 1985 permet de limiter le droit de propriété au nom de l’activité sportive, l’objectif étant de favoriser le développement du tourisme.
Cependant, le développement de ces activités n’est pas sans causer certaines difficultés.
En premier lieu, et c’est l’objet de cette proposition de loi, il existe une difficulté juridique liée à la mise en cause de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites naturels en cas d’accidents.
La pluralité des situations juridiques s’appliquant à la pratique des sports de nature ne facilite pas l’analyse, selon qu’il s’agisse de pratiques encadrées par une association ou une entreprise ou d’une pratique « sauvage » et selon l’état des relations entre le propriétaire du site naturel, public ou privé, et son gestionnaire.
Lorsque ces activités sont dangereuses, elles devraient faire l’objet d’un encadrement minimal, ce qui n’est d’ailleurs pas contraire à l’objectif de dynamiser le tissu économique rural. En conséquence, les activités sportives « sauvages » pratiquées hors des périmètres balisés par le propriétaire ou le gestionnaire des sites régulièrement désigné par le propriétaire devraient plutôt engager la responsabilité des sportifs concernés.
Si je prends l’exemple du département que je connais le mieux, celui du Puy-de-Dôme, où les volcans de la chaîne des Puys sont dans leur quasi-totalité des espaces privés, comment des propriétaires pourraient-ils courir un risque juridique démesuré alors qu’ils offrent leurs parcelles aux activités de nature, sans que la fréquentation soit réellement maîtrisable ? L’engouement pour les sports de nature accroît considérablement la pression sur eux qui, dans nombre de cas, n’ont parfois pas consenti à y accueillir du public.
Le régime actuel de responsabilité sans faute pourrait, en outre, se révéler très coûteux pour les gardiens de sites naturels, comme dans le cas de l’exemple retenu par Bruno Retailleau et ses collègues, si leur responsabilité devait être systématiquement recherchée devant les tribunaux après chaque accident.
C’est pourquoi il est utile aujourd’hui de s’interroger sur une évolution du régime de responsabilité. Comme l’ont déjà souligné certains membres de la commission des lois, il s’agit d’ailleurs plus d’une conséquence de l’aversion au risque de notre société et de logiques assurantielles sous-jacentes que de la volonté des pratiquants de ces sports extrêmes, familiers de la prise de risque.
Il est donc nécessaire de parvenir à une rédaction équilibrée, qui ne limite pas la pratique des sports de nature, pas plus qu’elle ne déresponsabilise les propriétaires ou gestionnaires de sites naturels, ni les pratiquants de telles activités sportives. Utiliser un espace à des fins de loisirs est un droit qui doit s’accompagner de devoirs, le premier étant de respecter la propriété d’autrui, en étant responsable de ses actes et en faisant preuve de prudence. De ce point de vue, la rédaction proposée par le Gouvernement offre un bon compromis, que nous soutiendrons.
En second lieu, cette discussion ne doit pas occulter une autre responsabilité collective liée à la pratique des sports de nature et des activités de plein air. L’adaptation du droit de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites ouverts au public ne doit pas s’appréhender aux dépens de la nécessaire préservation de ces espaces, déjà fragiles par nature et parfois mis à rude épreuve par les pratiques sportives. Sur ce sujet, la responsabilité des gestionnaires de sites ne doit pas être totalement exonérée. Il y va de la pérennité de ces espaces et de notre capacité à les transmettre aux générations futures. Un meilleur partage des responsabilités doit être trouvé.
Enfin, un partenariat avec les propriétaires est nécessaire pour permettre une meilleure signalétique et une meilleure information des usagers. Le soutien à l’attractivité des territoires et au développement de cette économie touristique passe par l’accompagnement des gardiens de sites naturels.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner une proposition de loi émanant du président Bruno Retailleau et de ses collègues et visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.
Aujourd’hui, les propriétaires fonciers qui laissent libre accès à leur domaine, sans toutefois l’autoriser, peuvent engager leur responsabilité extracontractuelle dans les conditions de droit commun, dans l’hypothèse où des sportifs ou des promeneurs viendraient à se blesser sur leur terrain. Leur responsabilité peut ainsi être recherchée sur le fondement de l’article 1242 du code civil, relatif au régime de responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.
Il résulte, à ce titre, d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le gardien est celui qui en a l’usage, le contrôle et la direction au moment du fait dommageable, et que le propriétaire est présumé gardien. La seule manière alors pour ce dernier de s’exonérer totalement de sa responsabilité est de prouver un cas de force majeure, ou, à tout le moins, de s’en exonérer partiellement en démontrant que la victime a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage.
Il existe actuellement une exception à ce principe général de responsabilité civile à l’article L. 365-1 du code de l’environnement, lequel prévoit un régime dérogatoire de responsabilité civile des propriétaires ou gestionnaires de certains types d’espaces, tels que les parcs nationaux ou les réserves naturelles.
Rappelons pour mémoire qu’un article L. 160-7 alinéa 4 du code de l’urbanisme, abrogé depuis lors par une ordonnance du 23 octobre 2015, prévoyait que la responsabilité civile des propriétaires des terrains, voies et chemins grevés par les servitudes de passage des piétons sur le littoral, définies aux articles L. 160-6 et L. 160-6-1 du même code, ne pouvait être engagée au titre des dommages causés ou subis par les bénéficiaires de ces servitudes.
En tout état de cause, cet aménagement de la responsabilité des propriétaires étant limité, il est actuellement recommandé aux propriétaires de souscrire une assurance de responsabilité civile pour leur éviter de supporter les conséquences dommageables en cas de préjudice.
Poursuivant un objectif louable, celui de favoriser le développement des sports et activités de nature qui représentent un attrait touristique majeur pour de nombreuses collectivités territoriales, la proposition de loi prévoyait initialement dans un article unique d’étendre l’exception prévue à l’article L. 365-1 du code de l’environnement aux propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages causés ou subis à l’occasion de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisir ou de sports de nature.
La commission des lois a souhaité retenir une autre rédaction et exclure la mise en cause au titre de leur responsabilité sans faute, fondée sur le premier alinéa de l’actuel article 1242 du code civil, de ces propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public et dans lesquels s’exercent les sports de nature ou les activités de loisir, en cas de dommages subis par leurs pratiquants.
La commission a préféré l’application du régime de la responsabilité pour faute. Il a également été décidé d’introduire ce dispositif dans le code du sport.
Si le groupe La République En Marche reconnaît l’intérêt évident d’une telle proposition, nous pensons néanmoins que son insertion dans un processus plus global de réforme de l’ensemble des règles régissant la responsabilité civile, portée prochainement par Mme la garde des sceaux, aurait plus de sens.
Aussi, et parce que vous le reconnaissez vous-même monsieur le rapporteur, ce contentieux est peu abondant, en attendant le jugement en appel, voire en cassation, du cas d’espèce ayant motivé la proposition de loi, nous choisissons de réserver notre position.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la question soulevée ce soir n’est pas nouvelle.
Le régime de responsabilité des propriétaires de sites naturels avait déjà été débattu en 1984 lors de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, en 2005 dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et, plus récemment en 2006, lors de l’examen du projet de loi relatif aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux.
Toutefois, cette proposition de loi a le mérite d’aborder le paradoxe entre la demande croissante d’accès à des sites naturels préservés d’un point de vue écologique et paysager, et une moindre acceptation, supposée, des risques que cela comporte.
Du fait de leur faible aménagement, voire de l’absence de tout aménagement, ces sites comportent des risques naturels qui leur sont inhérents : chutes de pierres, affaissements de terrain, circulation d’animaux sauvages, tous ces risques sont propres à la vie d’un site naturel.
Or le propriétaire ou le gestionnaire d’un site naturel ouvert au public peut être reconnu responsable, sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1, du code civil, si un dommage est causé lors de la circulation du public sur sa propriété, qu’il l’ait ou non autorisée, s’il n’a pas explicitement défendu l’accès à son terrain.
Cette responsabilité de l’article 1242, alinéa 1, du code civil est une responsabilité sans faute, dite « responsabilité objective ». Du seul fait de son caractère de gardien de la chose, le propriétaire pourra être reconnu responsable d’un dommage.
C’est sur le fondement de cet article, dans un jugement datant de 2016, que le tribunal de grande instance de Toulouse a déclaré la Fédération française de la montagne et de l’escalade entièrement responsable d’un accident grave causé par la chute d’un bloc rocheux sur un site naturel d’escalade survenu en 2010 et l’a condamnée solidairement avec la compagnie d’assurance à verser aux victimes une somme de 1,2 million d’euros à titre de dommages et intérêts.
Cette jurisprudence a suscité un émoi certain dans mon département. Si elle devait être confirmée, elle porterait en germe le risque d’une interdiction d’accès à de nombreux sites naturels. C’est pourquoi il nous est proposé de préserver l’accès à ces sites naturels au travers d’une modification, un allégement du régime de responsabilité que peuvent encourir leurs propriétaires ou gestionnaires.
Si nous partageons les craintes du rapporteur, il faut noter que cette jurisprudence n’est pas stabilisée, puisqu’il s’agit d’un jugement de première instance. D’ailleurs, le 2 février 2017, dans une autre affaire où la responsabilité de l’Office national des forêts était recherchée sur le même fondement de la responsabilité sans faute, à la suite d’un accident dont fut victime un adolescent alors qu’il pratiquait le VTT sur un circuit « sauvage » dans une forêt domaniale, la cour d’appel de Versailles a, au contraire, confirmé le jugement en première instance déboutant la victime et ses parents.
Dès lors, l’examen de cette proposition de loi peut sembler prématuré, car il y a très peu de contentieux et de condamnations sur le fondement de l’article 1242. En outre, cet article n’implique pas une responsabilité automatique du propriétaire ou du gestionnaire, car le juge va se livrer à un examen approfondi des circonstances dans lesquelles s’est produit l’accident, pour décider si le propriétaire est ou non civilement responsable.
Ainsi, si elle semble extrêmement extensive, la responsabilité du fait des choses est toutefois encadrée par le juge, comme le souligne un rapport un groupe de travail de la commission des lois du Sénat sur la responsabilité civile : « Les juridictions ne font pas un usage abusif de la responsabilité du fait des choses, qui reste encadrée par certains garde-fous. »
De plus, nous ne pouvons éluder la question de l’opportunité de légiférer pour infléchir un jugement de première instance, qui n’est donc pas définitif. Certes, le rapporteur précise qu’il s’agit d’anticiper de futurs problèmes. Toutefois, cela peut sembler précipité, car lorsque le législateur intervient pour remettre en cause une politique jurisprudentielle, il s’agit généralement d’une jurisprudence confirmée en cassation.
Enfin, il est très difficile d’appréhender la réaction des assureurs face à une responsabilité fondée sur la faute. À l’opposé de l’objectif, ne risque-t-on pas de voir se multiplier des mouvements de sécurisation des sites naturels pour éviter une telle responsabilité ? De même, pour reprendre les mots de chercheurs sur la question, « la notion de faute est par ailleurs évolutive dans le temps et l’espace : elle ne peut ainsi être engoncée dans un texte trop précis, sa silhouette se dessinant au gré des décisions de justice et des évolutions sociétales ».
Ainsi, de nombreuses interrogations demeurent même après le passage en commission. Toutefois, la question de la confiance des propriétaires et de l’accès aux sites naturels est une véritable problématique des zones de montagne et la crainte des propriétaires et des gestionnaires après la condamnation de la FFME en première instance est réelle et peut renforcer les difficultés déjà existantes d’accès aux sites naturels privés.
Pour ces raisons, l’amendement du Gouvernement nous paraît un bon compromis. Cependant, dans l’intérêt général, et malgré ces nombreuses interrogations, nous voterons cette proposition de loi réécrite par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites. Je soutiens bien sûr la présente proposition de loi, déposée par mes collègues Bruno Retailleau et Michel Savin, visant à adapter le droit de responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.
Nous n’avons effectivement pas besoin d’attendre la réforme de la responsabilité civile annoncée par le Gouvernement pour lancer la réflexion sur la responsabilité du fait des choses. Cette proposition de loi est une occasion pour le Sénat de se saisir de la question. En effet, il n’est pas normal que les propriétaires ou gestionnaires de ces terrains engagent leur responsabilité sans faute pour des faits qui ne relèvent pas de leur volonté, sachant de surcroît qu’ils n’ont pas les moyens de contrôler efficacement les accès et les activités s’y déroulant, coupables de n’avoir pas pu prévoir les aléas de la nature.
Cela peut conduire au jugement que vous connaissez et sur lequel je ne m’attarderai pas, lorsque le tribunal de grande instance de Toulouse a condamné le 14 avril 2016, la Fédération de la montagne et de l’escalade, gestionnaire d’un site naturel pour le compte d’une commune, à indemniser à hauteur d’un million d’euros la victime malheureuse d’un accident d’escalade causé par le détachement d’un bloc de pierre de la paroi sur laquelle il progressait.
Les sites naturels ouverts au public devraient pouvoir continuer de l’être sans faire peser une épée de Damoclès d’ordre juridique et financier sur la tête de ceux qui en sont les gardiens. Il faut renouer avec la vision selon laquelle, dans le monde du sport et, en particulier, du sport de nature, le devoir de protection porte sur les risques créés par autrui, non sur ceux qui sont liés aux activités auxquelles l’individu participerait volontairement.
Quand on pratique ce genre de sports ou de loisirs, on est conscient que l’environnement dans lequel on évolue est périlleux. Un simple promeneur est d’ailleurs lui aussi vigilant quand il s’aventure sur ces sites naturels. Si vous choisissez de marcher en forêt, vous savez pertinemment que vous devrez regarder où vous mettez les pieds. Comme le rappelait en commission, notre collègue Jérôme Durain, même Reinhold Messner, premier alpiniste à avoir gravi les quatorze sommets culminant à plus de 8 000 mètres d’altitude, disait que « la montagne n’est ni juste ni injuste, elle est dangereuse ».
Une dérive de la législation actuelle est la déresponsabilisation des usagers. Si dans l’esprit de tous un randonneur venait à devenir un simple consommateur de sport sur un terrain qui lui serait en quelque sorte mis à disposition, comme un tennisman pourrait se plaindre du mauvais état du cours pour lequel il paie, il ne prendrait alors plus en considération les possibles risques liés à l’environnement naturel dans lequel il se trouve, s’attendant à ce que tout soit entièrement organisé.
Ayant l’habitude d’être « surencadré » dans un terrain naturel aménagé dans lequel il se comporte comme un consommateur, il peut être tenté de manière tout à fait inconsciente d’avoir la même attitude en s’aventurant dans les espaces naturels non aménagés. Combien de skieurs se mettent-ils en danger chaque année en hors-piste ?
Par conséquent, la lourde responsabilité sans faute des propriétaires et gestionnaires les incite à entreprendre un aménagement excessif visant à sécuriser les sites et ayant pour conséquence une dénaturation regrettable de ceux qui sont censés rester des espaces naturels. Il y va de l’avenir de nos beaux paysages français. Nul besoin d’aller loin de Paris, imaginez-vous la forêt de Fontainebleau défigurée par une série de filets, de barrières, de rambardes et de signalisations de couleur en tous genres…
D’autres, au contraire, préfèrent tout simplement fermer l’accès de ces sites au public, freinant ainsi le développement des sports de nature et des activités de loisirs en plein air en évolution perpétuelle, alors que notre immense patrimoine naturel nous offre tant de possibilités.
Mes chers collègues, connectez-vous au site internet de l’office de tourisme du département dont je suis élue, l’Eure ; vous y découvrirez un magnifique département, et vous constaterez que, parmi les premières choses que l’on vous propose, figurent ces sports de nature et ces activités en plein air, heureusement encore nombreuses.
Ces activités constituent un atout touristique majeur, comme dans beaucoup de collectivités territoriales. Le temps libre s’accroît, les techniques et le matériel progressent, les connaissances se diffusent et, par conséquent, le niveau de pratique augmente. Il est de notre devoir de protéger ces sites encore ouverts au public, ainsi que leurs propriétaires, leurs gestionnaires, les activités de sports et de loisirs qui y sont proposées, les emplois qui y sont associés et la dynamique touristique qui y est liée. C’est pourquoi il semble nécessaire d’apporter au plus vite une solution à la faiblesse du dispositif légal actuel.
Je voterai donc en faveur de la présente proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature, qu’en raison de leurs actes fautifs.
« La responsabilité administrative des propriétaires de terrains, de la commune, de l’État ou de l’organe de gestion d’un espace naturel, à l’occasion d’accidents survenus dans le cœur d’un parc national, dans une réserve naturelle nationale ou régionale, sur un domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, sur les espaces naturels sensibles des départements, sur tout autre espace de nature ou sur les voies et chemins mentionnés à l’article L. 361-1, à l’occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d’activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à la circulation dans ces espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements limités afin de garantir la conservation des milieux et, compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique.
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires des espaces naturels ouverts au public ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature, qu’en raison de leurs actes fautifs. »
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Cet amendement tend à compléter la rédaction du nouvel alinéa que la proposition de loi insérait, dans sa version initiale, à l’article L. 365-1 du code de l’environnement. Il vise à réintroduire cette disposition dans ledit code, tout en répondant aux inquiétudes exprimées par le rapporteur, lors de la réunion de la commission des lois, quant au caractère trop vague de la rédaction initiale.
Cette nouvelle rédaction permettrait de concilier, au sein de la proposition de loi, avec le même objectif, une modification du code de l’environnement et une modification du code des sports.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les espaces naturels ouverts au public et sur les voies et chemins mentionnés à l’article L. 361-1, la responsabilité civile ou administrative des propriétaires, de la commune, de l’État ou de l’organe de gestion de ces sites ne saurait être engagée au titre de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature, qu’en raison de leurs actes fautifs.
« Le premier alinéa est également applicable aux accidents survenus dans le cœur d’un parc national, dans une réserve nationale ou régionale, un espace naturel sensible départemental, sur un domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou sur les voies et chemins mentionnés à l’article L. 361-1, ou tout autre espace de nature ayant fait l’objet d’aménagements limités, afin d’y garantir la conservation de la biodiversité et des paysages, et pour lesquels des mesures d’information ont été prises, dans le cadre de la police de la circulation par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique. »
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Cet amendement a également pour objet de compléter la rédaction du nouvel alinéa inséré à l’article L. 365-1 du code de l’environnement. Il vise à réintroduire cette disposition, toujours en répondant, mais sous une forme différente, aux inquiétudes du rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 3.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature, qu’en raison de leurs actes fautifs. »
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Cet amendement vise à réintroduire la modification de l’article L. 365-1 du code de l’environnement.
Il s’agit de préserver l’esprit originel de la proposition de loi, notamment son caractère global, en instaurant une disposition excluant la mise en cause des propriétaires et des gestionnaires de sites naturels au titre de leur responsabilité sans faute pour des dommages causés ou subis à l’occasion de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature, tout en respectant le choix de la commission des lois d’introduire une disposition identique à l’article L. 311-1 du code des sports.
Je le disais au cours de la discussion générale, les dispositions que je propose au travers des trois amendements que je viens de présenter ne suppriment pas la rédaction actuelle de la proposition de loi. Elles complètent celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Je veux tout d’abord rendre hommage à Jérôme Bignon, pour sa volonté de trouver une solution à une situation qui, il le rappelait tout à l’heure dans la discussion générale, est complexe.
Toutefois, je veux aussi le rassurer tout de suite en lui indiquant que, très clairement, l’objectif que ses cosignataires et lui-même visent, au travers de ces amendements, est satisfait par le texte de la commission des lois. Je vais tâcher de lui expliquer en quoi.
Le premier alinéa de l’amendement n° 3 – mes chers collègues, je vous prie de m’excuser par avance si je suis un peu long – tend à rétablir la proposition de loi dans sa version initiale. La commission n’est pas favorable au rétablissement de l’article unique de la proposition de loi, pour les raisons qui l’ont conduite à en proposer une nouvelle rédaction.
Le troisième alinéa de cet amendement vise à dupliquer cette rédaction, en remplaçant les termes « sites naturels » par les termes « espaces naturels ouverts au public ». La commission a considéré que ce troisième alinéa, dupliquant le premier, encourait les mêmes critiques, et elle n’y est donc pas favorable.
Quant au deuxième alinéa, il tend à rétablir le texte de l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement, mais seulement pour la responsabilité administrative.
Cette disposition invite ainsi le juge administratif à prendre en compte les particularités des espaces naturels énumérés pour apprécier la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de ceux-ci. Elle est donc dénuée de portée normative réelle, puisqu’il ne s’agit, cher Jérôme Bignon, que d’une invitation adressée au juge. Or c’est bien le rôle du juge que d’apprécier, pour chaque contentieux, les circonstances de l’espèce ; le législateur n’a pas besoin de l’inviter à le faire…
Par ailleurs, ce troisième alinéa n’est pas adapté à la responsabilité administrative, qui obéit à des règles particulières. Initialement, cette disposition du code de l’environnement avait été créée pour atténuer la rigueur du régime de responsabilité civile du fait des choses ; puisque ce régime de responsabilité sera écarté, cette disposition n’aura plus lieu d’être.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Il en va de même pour l’amendement n° 2, qui tend à introduire dans le code de l’environnement des dispositions un peu différentes de celles qui étaient prévues par la proposition de loi dans sa version initiale. Cette fois, le dispositif de responsabilité pour faute, introduit au début de l’article L. 365-1, concernerait, de manière générale, non seulement les espaces naturels ouverts au public, mais encore une liste de sites particuliers, énumérés pour la plupart dans l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement.
Cette rédaction pose plusieurs difficultés. En premier lieu, les deux alinéas du dispositif proposé s’articulent mal entre eux ; ils répètent la même chose, avec des termes un peu différents, ce qui rend le dispositif peu compréhensible. Ils me semblent donc contraires aux objectifs de clarté et d’intelligibilité de la loi.
En second lieu, cette rédaction, par l’imprécision des termes utilisés, encourt les mêmes critiques que celles qui ont été formulées à l’encontre de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.
Par ailleurs, cette rédaction va bien plus loin que l’objectif des auteurs de la proposition de loi – favoriser le développement des sports de nature et des activités de loisirs de plein air qui se déroulent dans le domaine privé des personnes publiques ou privées –, puisqu’elle pose un principe général d’exonération de responsabilité civile et administrative des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, hors les cas d’une faute.
J’insiste sur les mots « et administrative », car cette disposition engloberait les accidents survenus dans le domaine public des personnes publiques, qui sont actuellement soumis au droit administratif. Cela entraînerait donc un transfert, à mon sens excessif, de la charge de la responsabilité de la personne publique vers la victime, laquelle bénéficie aujourd’hui, dans ces hypothèses, de certaines présomptions, comme celle du défaut d’entretien normal de l’espace public par la personne publique.
Pour ces raisons, cher Jérôme Bignon, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; sinon, je serais amené à formuler un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 1 vise simplement à rétablir le texte de la proposition de loi dans sa version initiale. Pour les raisons très juridiques que j’ai déjà évoquées, la commission a proposé une nouvelle rédaction du texte. Celle-ci porte sur le régime de responsabilité civile, sur les espaces naturels, dont la liste n’est pas donnée, ou encore sur la notion de propriétaire et de gestionnaire, qui écartait les locataires – nous avons donc préféré le terme de gardien.
Là encore, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Ces trois amendements ont pour objet d’exclure l’engagement de la responsabilité civile des propriétaires ou gestionnaires de sites naturels en l’absence de faute de leur part.
Je l’ai déjà indiqué, il nous paraît prématuré de modifier le régime de responsabilité applicable. En revanche, cette réflexion aura toute sa place lors de l’examen du projet de réforme globale du droit de la responsabilité civile, qui sera promu par ma collègue Nicole Belloubet.
Par ailleurs, sur le fond, les dispositions proposées excluent involontairement l’application du régime de responsabilité du fait des choses, même pour les simples promeneurs. Cela revient à opposer à ceux-ci la théorie de l’acceptation du risque, ce qui semble excessif et pourrait empêcher que les victimes soient suffisamment indemnisées.
En outre, ces amendements pourraient être source d’une complexité excessive. C’est notamment le cas des amendements nos 1 et 3, qui tendent à distinguer, selon le juge compétent, les conditions d’engagement de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires d’espaces naturels. Cette complexité est encore renforcée par le fait que ces nouvelles dispositions auraient vocation à coexister avec le nouvel article introduit par la présente proposition de loi dans le code du sport.
Aussi, dans ce contexte et eu égard aux changements à venir sur le droit de la responsabilité civile, je ne peux malheureusement qu’émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Monsieur Bignon, les amendements nos 3, 2 et 1 sont-ils maintenus ?
M. Jérôme Bignon. J’ai pris bonne note de la proposition de Mme la secrétaire d’État de travailler à un nouveau régime de la responsabilité civile sur ces sujets ; je participerai à cette réflexion.
En attendant, je retire ces trois amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 3, 2 et 1 sont retirés.
Article 1er
Après l’article L. 311-1 du code du sport, il est inséré un article L. 311-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-1-1. – Les dommages causés à l’occasion d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs ne peuvent engager la responsabilité du gardien de l’espace, du site ou de l’itinéraire dans lequel s’exerce cette pratique pour le fait d’une chose qu’il a sous sa garde, au sens du premier alinéa de l’article 1242 du code civil. »
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 365-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 365-1. – La responsabilité civile ou administrative des propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels, à raison d’accidents survenus à l’occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d’un sport de nature ou d’activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à l’évolution dans ces espaces naturels n’ayant pas fait l’objet d’aménagements ou ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous sommes attentifs aux préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de loi et par M. le rapporteur. Le Gouvernement, je l’évoquais dans mon propos introductif, a donc souhaité formuler, dans le cadre d’une évolution de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, une proposition de substitution.
En effet, l’économie générale de cet article nous paraît satisfaisante, puisqu’elle permet la conciliation des contraintes des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, d’une part, avec les droits des victimes d’accidents survenus dans ces espaces, d’autre part. Cet article présente d’ailleurs le mérite de traiter des accidents survenus tant dans le cadre de la pratique d’un sport ou d’une activité de loisirs qu’à l’occasion de la simple circulation des piétons.
Ainsi, sans préjudice d’une modification ultérieure du régime de responsabilité spécifique applicable aux activités sportives, l’article L. 365-1 du code de l’environnement pourrait donc être, selon nous, maintenu.
Néanmoins, au regard des préoccupations exprimées, il nous semble tout de même opportun d’en élargir le champ.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer, d’une part, l’énumération sous forme de liste des collectivités, organes et organismes concernés par cette disposition, de façon à englober l’ensemble des personnes publiques ou privées propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels, et, d’autre part, l’énumération sous forme de liste des espaces concernés par cette disposition, au profit d’une référence à la notion, plus large, d’espace naturel.
Enfin, cette nouvelle rédaction prendrait en compte les espaces restés vierges de tout aménagement dans un objectif de préservation du caractère naturel de l’espace. En effet, la disposition existante ne concerne expressément que les espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements, ce qui peut susciter des difficultés d’interprétation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Au cours des travaux préparatoires à la réunion de la commission des lois, j’avais aussi réfléchi à l’hypothèse qui est aujourd’hui la vôtre, madame la secrétaire d’État. Cela consistait à conserver l’article L. 365-1 dans sa rédaction actuelle, en en élargissant le périmètre. L’autre hypothèse consistait simplement à remplacer le régime de responsabilité du fait des choses par celui de la responsabilité pour faute, dont il est question dans cette proposition de loi.
À l’issue de mes travaux, j’ai choisi de proposer à la commission d’en rester, sous une forme modifiée, à la proposition de loi de M. Retailleau et de ses collègues.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, l’amendement que vous proposez est contraire à la position de la commission, puisqu’il vise à rétablir la rédaction actuelle de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, en élargissant son application à l’ensemble des espaces naturels. J’indique, pour rappel, que cet article invite seulement le juge à prendre en compte les particularités du milieu naturel pour contextualiser et apprécier la responsabilité des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels.
Selon cet article, cette responsabilité doit être appréciée « au regard des risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique ».
Ce dispositif a une portée normative limitée, puisqu’il pointe seulement les éléments factuels que le juge doit prendre en considération pour se prononcer. Or c’est bien le rôle du juge que d’apprécier, pour chaque contentieux, les circonstances de l’espèce. Le législateur n’a, je le répète, pas besoin de l’inviter à le faire.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité aller plus loin que cette hypothèse-là, et aller jusqu’au remplacement de la responsabilité du fait des choses par la responsabilité pour faute. Cet amendement ne permet pas d’atteindre l’objectif des auteurs de la proposition de loi et de la commission des lois, à savoir le fait d’écarter l’application des règles de la responsabilité de plein droit du fait des choses, en exigeant une faute pour engager la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de ces espaces naturels.
Ainsi, à moins que, convaincue par mes arguments, vous souhaitiez retirer cet amendement, madame la secrétaire d’État, j’émettrai, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Compte tenu de vos arguments, monsieur le rapporteur,… je maintiens l’amendement du Gouvernement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il est vrai que cet amendement arrive quelque peu en bout de course, si j’ose dire, après la position adoptée par la commission des lois. Cette dernière rechigne donc à revenir sur ses positions. (M. Jackie Pierre proteste.)
Il n’en demeure pas moins que cet amendement vise à prévoir une solution sage, qui permettrait de ne pas se précipiter. Rappelons-le, l’affaire qui a en partie motivé la proposition de loi que nous examinons n’est qu’un cas d’espèce, qui est actuellement soumis à la juridiction d’appel. Celle-ci est amenée à statuer – nous ne savons pas dans quel sens elle le fera –, et la décision de la cour d’appel pourra encore être soumise à la Cour de cassation. C’est donc seulement au stade de la cassation que nous pourrons commencer à parler de jurisprudence.
Pour toutes ces raisons, en plus de celles que j’ai évoquées lors de la discussion générale, je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, je ne peux pas suivre votre proposition, parce qu’elle dénature complètement la proposition initiale elle-même. Celle-ci visait effectivement l’article L. 365-1 du code de l’environnement, mais en introduisant spécifiquement l’existence d’une faute et le refus du principe de la garde.
La commission des lois et son rapporteur ont, dans leur sagesse, simplement proposé que l’on rejette le principe de la garde ; ainsi, celui qui pratique un sport ne bénéficiera pas de la mise en cause de la responsabilité du gardien. C’est fondamental ! C’est d’ailleurs le seul argument que l’on puisse présenter à ce stade.
Cela donnera lieu à des débats, dans le cadre de l’examen du futur texte, sur les domaines dans lesquels il faut envisager que la responsabilité du fait des choses, la responsabilité du gardien, qui est de plein droit, ne bénéficie pas, en raison des circonstances, à telle ou telle victime. Avec votre rédaction, madame la secrétaire d’État, on entre dans un débat juridique d’une grande complexité sur la responsabilité, qui retire tout intérêt au débat que nous avons depuis la reprise de la séance.
Le groupe socialiste et républicain ne peut donc pas vous suivre ; il ne peut que se ranger, comme il l’a fait au sein de la commission des lois, à l’avis de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
Le chapitre V du titre VI du livre III du code de l’environnement est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Compte tenu de l’avis très étonnamment défavorable de la commission sur le précédent amendement du Gouvernement, après un grand suspens, je retire le présent amendement, monsieur le président. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
10
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont adoptées.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 1er février 2018 :
À dix heures trente :
Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (n° 154, 2017-2018) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 247, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 248, 2017-2018).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures quinze à vingt heures quinze :
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
Proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques (n° 792, 2015-2016) ;
Rapport de M. Bernard Jomier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 236, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 237, 2017-2018).
Proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l’étranger (n° 553, 2016-2017) ;
Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 238, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 239, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Philippe Bonnecarrère, Christophe-André Frassa, Mmes Brigitte Lherbier, Laurence Harribey, MM. Simon Sutour, Alain Richard ;
Suppléants : Mmes Esther Benbassa, Maryse Carrère, Jacqueline Eustache‑Brinio, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-Yves Leconte, Henri Leroy.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD