Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je voterai contre cet amendement, pour deux raisons.
Tout d’abord, l’article 9 a été adopté en commission. Je reste donc fidèle à cette logique.
Ensuite, la France dispose d’une zone économique maritime équivalente à celle des États-Unis. Nous sommes les premiers au monde ! Pourtant, bien que disposant de ce magnifique patrimoine, nous importons 85 % des poissons et crustacés que nous consommons, sans en connaître forcément l’origine.
Si l’on peut implanter, sur l’initiative de Michel Vaspart, des activités de production marine ou aquacole, que ce soit dans l’Hexagone ou les territoires d’outre-mer, cela nous donnera un potentiel extraordinaire. Je ne dis pas pour autant que cela permettra d’équilibrer la balance extérieure de la France, dont le déficit est de 60 milliards d’euros…
Je le rappelle, la population mondiale augmente. Les productions marines permettront sans doute de répondre aux besoins liés à la croissance démographique. Or nous avons le patrimoine pour ce faire. J’estimerais donc très grave que nous ne profitions pas de nos atouts, tout en protégeant le littoral, que tout le monde souhaite voir protégé.
La mer, c’est aussi le littoral. Nous avons la possibilité, tout en préservant le littoral, d’implanter des zones de production, qui permettront probablement à la France non seulement de devenir autosuffisante, mais aussi d’exporter et de participer ainsi à la couverture des besoins alimentaires mondiaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. J’appelle votre attention, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’attente importante des élus du littoral français, en métropole comme outre-mer.
Il n’est jamais temps de réfléchir à l’excès de jurisprudence qui s’est développée à la suite de la loi Littoral de 1986, laquelle, parce qu’elle était très ouverte, n’a pas fait l’objet de décrets d’application. Le législateur est également absent du débat depuis cette date. On a laissé faire la jurisprudence des tribunaux administratifs, qui a dévoyé – je suis désolé de le dire avec autant de force – l’esprit de la loi de 1986. L’incertitude juridique ainsi créée a évidemment mis en grande difficulté toutes celles et tous ceux qui sont amenés à délivrer des certificats d’urbanisme ou des permis de construire concernant des communes littorales françaises. Repousser encore et encore la réflexion, les décisions ou l’évolution législative me semble non pas une erreur, mais une faute.
J’entends parfois des inexactitudes : l’urbanisation des dents creuses des hameaux et villages constituerait une extension de l’urbanisation ou engendrerait du mitage… Mais c’est tout le contraire !
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Michel Vaspart. Utiliser les dents creuses, qui sont perdues pour l’agriculture, mais riches des réseaux qui les desservent, c’est ne pas prendre sur les terres agricoles un nombre de constructions équivalent.
Il faut bien réfléchir à cela ! C’est un sujet que les élus du littoral connaissent parfaitement bien et auquel ils sont bien évidemment très attachés.
Le Gouvernement prendrait une lourde responsabilité s’il n’apportait pas de réponse. Le gouvernement précédent avait entamé une avancée. Madame Tocqueville, pourquoi ne pouvait-il pas y avoir d’accord sur le texte issu de la deuxième lecture de l’Assemblée nationale de l’époque et le Sénat ? Tout simplement parce qu’on avait figé la jurisprudence. Or c’est justement ce qu’il ne faut pas faire ! En figeant la jurisprudence actuelle, nous n’apportons pas de solution aux élus locaux du littoral français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je comprends tout à fait la position de Ronan Dantec, qui souhaite un réexamen global de la loi Littoral. Si je partage son constat, j’estime, comme Michel Vaspart, que nous n’avons pas le temps d’attendre. Nous ne pouvons continuer à être tributaires de la jurisprudence, qui empêche l’émergence et la concrétisation d’un certain nombre de projets de bon sens sur le littoral. Par conséquent, si on veut le développement équilibré de notre pays, il faut aussi que, dans les communes littorales, on puisse enfin construire de façon normale, sans qu’il s’agisse pour autant d’une urbanisation outrageante et d’une artificialisation outrancière de nos territoires.
Le bon sens, comme vient de l’exposer très clairement Michel Vaspart, c’est de permettre, dans les dents creuses, c’est-à-dire dans les zones déjà construites, une densification. Or cette proposition de loi a le mérite d’apporter un certain nombre d’éclaircissements concernant non seulement différents points, mais aussi la démarche à adopter, notamment par l’identification, dans les schémas de cohérence territoriale, et la délimitation, dans les plans locaux d’urbanisme, des dents creuses pouvant être considérées comme urbanisables.
Ce texte permettra très clairement de sécuriser un certain nombre de projets. À l’heure actuelle, les jeunes ne peuvent plus concrétiser un projet de vie comme la construction d’une maison. Force est de le reconnaître, on en arrive à des aberrations. J’ai été maire d’une commune qui est non pas littorale, mais située à 300 mètres de la mer. Elle possède un hameau contigu à une commune littorale. Sur ma commune, il n’y avait pas de problème pour y construire. Dans la commune d’à côté, c’était impossible ! Il est donc temps que le Gouvernement en prenne conscience et se saisisse de ce problème.
Le Gouvernement veut le développement économique, et je partage cette volonté ; mais un tel développement doit être rendu possible sur l’ensemble du territoire. Il convient donc de mettre ce dossier sur la table rapidement, afin qu’il y ait enfin, comme cela a été fait pour la loi Montagne, une révision, trente ans après, de la loi Littoral.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. J’ai l’impression, au fil de cette discussion intéressante – dès lors, ne disons pas que nous rouvrons la boîte de Pandore ! –, que nous continuons à vivre sur des dogmes.
On nous dit qu’il est inutile de discuter, parce que le texte, de toute façon, ne sera pas adopté. Cela signifie qu’on ne veut pas de ce débat.
M. Charles Revet. Il a raison !
M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, dans votre exposé de soutien à l’amendement de suppression, vous nous avez dit : « Continuons à discuter. » Mais sur quelle base ? Sur quelle base, si ce n’est sur la loi ?
Lorsqu’un préfet rédige un porter à connaissance sur un document d’urbanisme à réaliser dans une commune, il utilise un outil : la loi telle qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire des dogmes datant d’il y a trente-deux ans. Ces dogmes nous ont, c’est vrai, permis de protéger le littoral ; d’ailleurs, je vous invite, madame la secrétaire d’État, à venir voir comment un maire qui a géré quinze ans durant une commune littorale l’a protégée sans l’urbaniser à outrance et en y faisant des aménagements concertés. Mais comment discuter quand on nous explique, si je résume, « circulez, il n’y a rien à voir » ?
Je ne sais pas sur quelles bases vous voulez engager la discussion avec les parlementaires, voire avec les élus locaux, madame la secrétaire d’État. Peut-être avez-vous une expérience en matière de mandat local ; peut-être avez-vous même géré une commune littorale ; quoi qu’il en soit, je peux vous dire qu’aujourd’hui, au quotidien, pour les élus, ce n’est pas facile.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. Mes chers collègues, j’ai plaisir à vous entendre parler du littoral, de la Méditerranée, de l’Atlantique… Mais savez-vous qu’en Aveyron la loi Littoral s’applique à un lac artificiel de plus de 1 000 hectares, construit à la demande de l’État ?
Dans mon département – nous ne sommes pas seuls dans ce cas –, nous rencontrons des difficultés pour maintenir la démographie à son niveau actuel. J’apprends que, dans certains départements, le nombre d’habitants diminue régulièrement. Dans le mien, Dieu merci, ce nombre progresse très légèrement. Mais lorsque vous mettez bout à bout les handicaps naturels liés à l’enclavement, la loi Montagne, la loi Littoral – la mer est pourtant à 200 ou 300 kilomètres ! –, ces dernières rendant difficile, pour les communes, la délivrance d’un certain nombre de permis de construire, vous obtenez la clé du problème démographique tel qu’il se pose dans un département comme le mien. J’aurai tout à l’heure l’occasion de défendre un amendement, et ainsi, je l’espère, mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, de vous faire réfléchir.
Dans un bourg situé à proximité d’un lac artificiel d’un peu plus de 1 000 hectares, toute construction est interdite sur une bande de 100 mètres à compter des plus hautes eaux du lac, et le maire et les services municipaux sont très inquiets pour l’avenir. La loi Littoral n’a donc pas la même signification pour les communes riveraines de l’Atlantique ou de la Méditerranée et pour les communes, d’Aveyron ou d’autres départements, riveraines d’un lac dont je dis bien qu’il est artificiel, voulu par l’État, géré par EDF, producteur d’électricité.
Mes chers collègues, je ne peux voter cet amendement. Il appartient évidemment aux élus locaux de prendre leurs responsabilités dans la définition des règles d’urbanisme qui s’appliquent sur leur territoire et d’adapter ces règles, c’est-à-dire les PLU, en fonction de leur sensibilité, cela, bien sûr, dans le respect de l’environnement général – nous partageons tous cette préoccupation.
Bien sûr, ne construisons pas n’importe comment ! Depuis des générations, nous avons fait preuve, me semble-t-il, de responsabilité. Les élus, dans les terres intérieures comme sur la Méditerranée ou sur l’Atlantique, sont en droit de définir le juste milieu permettant à nos territoires ruraux de se développer.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le paysage est un bien collectif et non un bien local. Il est extrêmement important de le rappeler. Si notre pays est celui qui reçoit le plus de touristes – nous sommes justement, cette année, repassés en tête –, s’il est le plus attractif au monde, c’est notamment parce que nous ne considérons pas le paysage comme un bien local.
La loi Littoral a été écrite à un moment où tout était en train de basculer. Baladez-vous sur les côtes, regardez les constructions qui étaient en train de fleurir au début des années soixante-dix : on était parti pour faire n’importe quoi ! On a également créé, à cette époque, des bases de hameaux que vous proposez, par votre texte, tel qu’il est rédigé, de densifier.
Un grand nombre d’études ont été menées sur le terme « hameau », qui figure dans la loi Littoral : il n’y a pas de définition légale – on parle de dix ou de quinze habitations. Les seules définitions sont régionales : le hameau n’a pas la même signification d’un endroit à l’autre. Sur une telle base, on ouvre la voie à des évolutions totalement ingérables, qui pourraient conduire à une densification massive. Si vous le souhaitez, mes chers collègues, définissons une dent creuse. Ce serait beaucoup plus clair ! Mais telle n’est pas votre idée.
En l’état actuel du texte, il deviendrait possible de considérer qu’un lieu où une quinzaine d’habitations sont réparties de manière assez lâche constitue un hameau, le résultat étant une multiplication par quatre ou cinq de l’habitat en zone littorale. C’est cela, votre article 9, tel qu’il est écrit aujourd’hui ! Le hameau n’est pas défini légalement ; c’est pourtant la base que vous avez choisie. La « dent creuse », dont vous parlez tous, ne figure pas dans le texte.
On assiste à un retour en arrière massif ! « Il y a urgence », dites-vous ; nous sommes tous d’accord. Mais, s’il y a urgence, mettons-nous autour de la table avec les représentants de l’État et construisons le consensus. On ne règle pas le problème par une proposition de loi gravitant autour d’un terme qui n’est pas défini légalement ; et on n’essaie pas de passer sans étude d’impact ! Ce n’est pas possible !
Nous sommes d’accord pour agir rapidement ; mais créons les bases du consensus. On ne peut pas travailler de cette manière ; et on perd du temps !
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je ne peux évidemment pas voter cet amendement. Pour ma part, j’approuve pleinement les dérogations prévues à l’article 9. Mes conclusions sont donc totalement différentes de celles de M. Dantec : je fais confiance aux élus du littoral, qui connaissent l’océan et la mer, le particularisme de leur territoire, et ce depuis très longtemps.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Max Brisson. Tout à l’heure, un consensus s’est dégagé pour que le recul du trait de côte soit considéré comme un risque majeur. Notre assemblée a adopté cette disposition à la quasi-unanimité. Néanmoins, comme l’a dit le président Retailleau, il faut que nous prenions en compte les très grandes différences de situations selon les littoraux et selon les côtes.
En tant qu’élu de la côte basque, je ne peux me satisfaire de l’idée que l’on abandonne des territoires habités depuis longtemps, façonnés par les hommes, lesquels savent depuis Napoléon III, dans ma ville, ce que veut dire développer des politiques de protection des lieux habités. Il s’agit aussi, en effet, de défendre des lieux habités, à savoir les côtes urbanisées.
Je voudrais que nous affirmions ici, clairement et nettement, notre prise de conscience de la question du recul du trait de côte, mais aussi la nécessité de défendre nos littoraux par des aménagements intelligents. Il n’y a rien de mieux, en définitive, pour défendre nos littoraux, que des aménagements pensés par les hommes. C’est bien ainsi que l’on a défendu nos littoraux depuis extrêmement longtemps.
Je pense donc – Michel Vaspart l’a très bien dit – que la jurisprudence qui s’est développée est totalement contre-productive du point de vue de la défense de nos littoraux et même qu’elle produit l’effet inverse de celui recherché en empêchant des aménagements.
Je veux dire ici ma colère : j’ai discuté ce matin avec un maire de la côte basque – je défendrai tout à l’heure un amendement à ce propos – qui vient de se voir annuler un permis par un tribunal pour la construction d’un poste de secours, aménagement destiné à la protection de la plage et au sauvetage des baigneurs. Je parlais tout à l’heure de confiance. Trop souvent, malheureusement, les élus locaux sont plutôt pris d’un véritable écœurement devant le caractère totalement contre-productif de la jurisprudence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
M. Jean-Pierre Grand. Eh oui, on marche sur la tête !
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Indéniablement, la question posée par la construction d’habitations dans les hameaux du littoral pose un vrai problème, que nous connaissons dans certaines régions, en particulier sur le littoral breton. Il se trouve que la Bretagne se caractérise par un habitat historiquement dispersé ; c’est avec cet héritage que les maires doivent composer lorsqu’ils réalisent des PLU et travaillent sur toutes les questions d’urbanisme.
Il est manifeste que, dans un certain nombre de cas, la loi, qui ouvre déjà la porte à des interprétations et à des contestations, ignore la réalité physique du territoire. Il n’est que de voir le nombre de permis de construire qui sont attaqués ; c’est le cas parfois, d’ailleurs, de permis qui ont reçu le soutien des services de l’État, pour des constructions artisanales ou d’intérêt économique. La zone ostréicole de Boulgueff, à côté de Paimpol, dans les Côtes-d’Armor, se trouve ainsi attaquée au titre de la loi Littoral, alors que, depuis deux ans, les élus travaillaient avec le concours des services de l’État.
Il faut ramener ce débat, me semble-t-il, à sa juste proportion. Quelle est la question posée ? Il ne s’agit certainement pas de la remise en cause de la loi Littoral. De façon unanime, les élus la considèrent comme indispensable, pour toutes les raisons qui ont été exposées au cours de ce débat. Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de définir juridiquement des espaces qui sont déjà bâtis, parfois très anciennement – certaines constructions datent des années soixante-dix, certes, mais celles-ci sont loin d’être majoritaires –, et dans lesquels demeurent des espaces interstitiels qui pourraient utilement recevoir des constructions.
La situation est d’ailleurs un peu paradoxale : on demande partout ailleurs, dans le cadre des PLU des communes rurales, de densifier l’habitat, et une telle ambition, dans ce cas particulier, ne serait pas de saison ?
Il faut aussi éviter les procès d’intention. Je partage ce que Michel Vaspart a dit : j’ai entendu le mot « mitage », mais les cas que nous avons en vue n’ont strictement rien à voir avec le mitage. Les habitations dont nous parlons existent ; les hameaux sont déjà là. C’est donc d’autre chose qu’il s’agit.
Je propose que, sur ce sujet, nous abandonnions les idées reçues et que nous soutenions cet article 9. (MM. Jean-Luc Fichet et Jean-Michel Houllegatte applaudissent.)
M. Michel Vaspart. Merci !
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Les territoires littoraux ont été protégés grâce à la loi Littoral, dont nous bénéficions depuis longtemps. Nous devons à ce texte la beauté de notre pays. Mais le moment est peut-être venu de repenser les choses et de rouvrir la réflexion, alors que le bouleversement climatique s’apprête à provoquer la montée du niveau de la mer.
La population mondiale la plus menacée est celle qui vit au bord des mers et des océans. Peut-être devons-nous donc réfléchir davantage à l’avenir en envisageant le développement un peu plus loin du bord de mer.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. L’argument historique a été brandi à plusieurs reprises. J’aimerais, pour une fois, vous apporter mon expertise d’archéologue spécialiste des relations entre l’environnement et le peuplement.
Le trait de côte est l’un des sujets privilégiés des archéologues. Je vous citerai simplement un exemple, celui du golfe des Pictons : dans l’Antiquité, le lacus duorum corvorum occupait une grande partie de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vendée, et la mer arrivait jusqu’à Niort. C’était il y a seulement deux mille ans !
Le trait de côte n’est donc pas éternel ; il bouge sans arrêt. Sur la longue durée, il a avancé et reculé, en fonction des évolutions climatiques. La différence capitale, aujourd’hui, c’est que nous sommes responsables de ce changement climatique. Il me semble donc complètement inutile d’avancer l’argument historique pour renoncer à cette vision dynamique de la relation entre l’homme et son environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je voudrais brièvement rebondir sur les propos tenus par notre collègue Ronan Dantec.
Lorsque, en 2013, avec Odette Herviaux, je me suis penché sur cette question, nous nous sommes heurtés à la difficulté de définir ces concepts : dent creuse, hameau, village. Une définition fabriquée à Paris n’avait pas du tout la même signification en Corse, sur la Côte d’Azur ou sur le littoral de la mer du Nord. C’est là toute l’ambiguïté de la loi Littoral, qui fut une loi, si je puis dire, de droit « mou », à l’anglo-saxonne, permettant toutes les interprétations – je parle sous le contrôle du président de la commission des lois.
Au fil du temps, la loi s’est avérée ne correspondre ni à l’esprit cartésien des Françaises et des Français ni aux souhaits des élus des territoires concernés. Je suis donc très intéressé par l’évolution proposée, au travers de cette proposition de loi, par notre collègue Michel Vaspart, du droit à l’initiative et au bon sens des élus locaux ; mais pas pour faire n’importe quoi !
Certains ont fait des erreurs – j’en connais –, bien évidemment. Mais lorsque le travail des élus est encadré, si je puis dire, que ce soit par le SCOT, le PLU, le PLUI ou la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, il est possible de faire de belles choses, cela précisément pour corriger les excès de la jurisprudence.
Il arrivait, ici ou là, que la jurisprudence donne de bonnes réponses aux questions posées par la loi Littoral ; mais, ailleurs, la réponse donnée n’était pas bonne !
Précisément, nous souhaitons, via cette proposition de loi – et ce n’est pas la première fois que le Sénat se penche sur cette question –, donner plus de responsabilités et d’attention aux élus locaux.
Rien ne me prédisposait à regarder vers la mer ; j’étais plutôt un élu qui regardait vers la terre. À voir la désespérance de la ruralité, méfiez-vous, madame la secrétaire d’État, de la désespérance que vous pourriez créer à votre tour sur un certain nombre de côtes françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages.
« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs, ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées si elles n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis.
« Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, villages, secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Je partage les propos de Ronan Dantec, notamment sur le paysage. C’est la preuve que la loi Littoral et la loi Montagne fonctionnent ! Si nous avons de tels paysages, c’est parce que – c’est heureux – ces lois existent ! La problématique des dents creuses est toutefois bien réelle. L’objet de cet amendement est de tenter d’y répondre.
L’article 9 vise à revenir sur le principe de continuité défini par le code de l’urbanisme. Sous couvert de répondre à une problématique spécifique, celle de permettre l’urbanisation des dents creuses, cet article ouvre une brèche immense dans les principes fondateurs de la loi Littoral.
Certes, les dérogations prévues sont soumises à l’accord du préfet, mais nous connaissons tous les difficultés des préfectures, aujourd’hui, dans leur rôle d’accompagnement des collectivités locales. Nous craignons, à ce titre, un contrôle a minima.
Il s’agit donc bien de contourner la jurisprudence constante des tribunaux, qui considère presque toujours les hameaux comme de l’urbanisation diffuse, au regard d’un faisceau de critères : l’accès au réseau, la densité, la qualité du bâti et la présence de services publics. Nous proposons, pour notre part, une autre démarche pour répondre à cette problématique.
En premier lieu, nous proposons de supprimer la notion de « hameaux nouveaux », qui ouvre de nouveaux foyers d’urbanisation, à rebours des objectifs poursuivis, via la loi Littoral, de lutte contre l’étalement urbain. C’est ce qui différencie d’ailleurs notre amendement de ceux déposés par d’autres groupes. Nous préférons en effet la densification encadrée et limitée au mitage du territoire.
En deuxième lieu, nous proposons de reconnaître légalement ces hameaux comme « des secteurs comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération ».
Afin d’y permettre le comblement des dents creuses, nous posons deux critères : le nombre de constructions et leur distance les unes par rapport aux autres. Il s’agit de rapprocher ces critères de ceux utilisés pour l’application de la loi Montagne pour la définition d’un groupement.
Enfin, en troisième lieu, nous proposons que ce travail de clarification s’incarne dans un décret en Conseil d’État, qui définirait très précisément toutes ces notions dont dépend la possibilité d’urbanisation.
Il convient, en tout état de cause, d’être extrêmement prudent sur le sujet et de s’en tenir à la stricte problématique des dents creuses, c’est-à-dire du comblement d’une parcelle entre deux parcelles déjà bâties. Tout autre élargissement des possibilités de construction en discontinuité, que ce soit pour des installations agricoles ou pour relocaliser les anciens occupants des ZART, nous semble absolument déraisonnable, et nous souhaitons supprimer toutes ces brèches qui mettent à mal la loi Littoral.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à réécrire intégralement l’article 9, ce qui emporte plusieurs conséquences notables.
Cette réécriture supprime la notion de hameaux existants intégrés à l’environnement, notion très peu utilisée, car très complexe – quatre ou cinq cas au maximum sont concernés.
Elle reprend les critères de la jurisprudence de 2015 pour appréhender la notion de « secteur à densifier », qui se substitue à celle de « hameau existant » ; or c’est justement, dans l’esprit de Michel Vaspart, ce que cet article a vocation à éviter.
Elle supprime les autres dérogations relatives à la relocalisation dans le cadre des ZART aux constructions et installations liées à certaines activités et aux annexes.
Est ainsi remise en cause, de fait, la quasi-intégralité de l’article 9 tel qu’il était pensé et rédigé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous reprenez l’amendement déposé par Emmanuelle Cosse, lors de la précédente législature, sur la proposition de loi de Pascale Got. La rédaction ainsi proposée va dans le bon sens ; elle encadre mieux, selon nous, l’application de l’article 9. Mais, compte tenu de la position de principe du Gouvernement sur cet article, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je tiens aussi à dire que le Gouvernement n’est pas opposé par principe à toute discussion sur la loi Littoral. (Ah bon ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes ouverts à des interprétations de clarification réglementaire de la loi Littoral.
S’agissant de cette proposition de loi précise, elle traite de la question du trait de côte, et non pas de la loi Littoral. C’est dans cet esprit que nous avons commencé à en discuter. Je ne sais pas ce qu’il en était des discussions avec le gouvernement précédent ; à nos yeux, en tout cas, il a toujours été clair que cette proposition de loi n’était pas le véhicule adéquat pour discuter de la loi Littoral.