Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’ai bien noté votre souci d’équilibre et de bonne affectation des ressources de la Société du Grand Paris. Nous nous efforcerons également d’en tenir compte.
Si nous sommes forcément préoccupés d’abord par la mobilité de nos concitoyens, vous avez raison de souligner que l’accueil des touristes, avec les grandes destinations qui se trouvent en Île-de-France, est aussi un enjeu important. Les opérateurs y travaillent, notamment en fournissant des applications multilingues. Les offices de tourisme s’efforcent aussi de proposer des titres de transport.
Reste que, comme vous l’avez souligné, l’enjeu majeur pour rassurer les touristes, comme d’ailleurs les voyageurs du quotidien, est la sécurité. D’où la préoccupation que j’ai évoquée d’une présence de la Brigade des réseaux franciliens, du renforcement des services de sécurité internes des opérateurs SCNF et RATP, de la présence humaine de ces opérateurs et de tous les outils modernes qu’on peut développer, notamment en matière de vidéoprotection.
Pour ce qui est de la grande destination touristique que vous avez à l’esprit, monsieur le sénateur, le gestionnaire de ce parc d’attractions sait aussi faire une utilisation intelligente de la vidéo, pour tirer le meilleur parti d’un réseau de vidéosurveillance étendu.
Il faudra continuer à travailler dans ce domaine, et le Gouvernement accompagnera les autorités organisatrices, en particulier Île-de-France Mobilités, pour aller dans ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne le coût des transports pour les usagers en Île-de-France et l’accord conclu en 2016 par l’État et la présidente de la région, Valérie Pécresse.
Le pass Navigo à tarif unique a été instauré en 2015, sur l’initiative de Jean-Paul Huchon, à un prix de 70 euros, identique pour l’ensemble des Franciliens.
En 2016, Valérie Pécresse, bien qu’elle ait promis pendant la campagne de ne pas augmenter le prix du pass Navigo, a engagé un bras de fer avec le Gouvernement, menaçant d’augmenter le prix à 80 euros ou 85 euros, sauf si l’État s’engageait sur un financement de l’ordre de 300 millions d’euros.
Elle a alors conclu avec le Premier ministre un accord sur le financement du STIF, prévoyant notamment une augmentation de la taxe régionale sur les carburants, une hausse de la contribution pour les entreprises de la petite couronne de plus de onze salariés et une hausse du versement transport.
Un an plus tard, le compte administratif de la région a pourtant révélé 300 millions d’euros non consommés dans le budget régional. Parallèlement, le prix du pass Navigo est passé de 70 euros à, bientôt, 77,45 euros, soit une hausse de plus de 10 % en trois ans…
Avec le recul, madame la ministre, diriez-vous que les sommes que la présidente de région a exigées de l’État n’étaient finalement pas justifiées, ce que pour ma part je pense ? Dans l’affirmative, quelles conséquences le Gouvernement en tire-t-il dans son dialogue avec la région aujourd’hui ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je me garderai bien de me prononcer sur les comptes d’Île-de-France Mobilités, que je n’ai pas eu l’occasion d’examiner personnellement.
M. Vincent Éblé. Il faut le faire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Du reste, cela n’entre pas dans mes attributions.
Mme Cohen a avancé l’hypothèse de faire payer les entreprises. Il est important que chacun ait à l’esprit que, aujourd’hui, les entreprises financent plus de 50 % des transports en Île-de-France, les voyageurs en payant moins de 30 %. En Île-de-France comme ailleurs, on assiste à une baisse de la part payée par les voyageurs sur longue période ; grosso modo, elle a diminué de dix points en dix ans.
Mme Laurence Cohen. C’est une bonne chose !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela pose la question de la soutenabilité du modèle, dans un contexte où personne n’imagine que les ressources des collectivités territoriales sont infinies – ou, pour le dire autrement, où chacun connaît les tensions qui existent sur les ressources publiques.
Au moment où nous parlons de ces nouvelles lignes que chacun appelle de ses vœux, il faut donc se poser aussi la question de la façon dont on financera leur fonctionnement. Je ne doute pas que la présidente d’Île-de-France Mobilités se pose cette question du coût de fonctionnement des prochaines lignes.
J’ai dit précédemment que j’étais pour un TGV accessible à tous. Je suis évidemment pour des transports publics abordables et accessibles à tous.
Mme Laurence Cohen. Et de qualité !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne suis pas sûre que cela soit incompatible avec des tarifications solidaires, comme il s’en développe dans un certain nombre de métropoles en province, qui permettent de faire contribuer l’usager au financement des transports.
En tout cas, le modèle de financement, c’est clairement les entreprises, les collectivités territoriales et les voyageurs. Si l’on veut des politiques ambitieuses, il faudra aussi réfléchir à la façon dont chacun peut contribuer au développement des transports publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains.
M. Arnaud Bazin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de parler du RER A, je voudrais marquer ma surprise d’entendre, au sujet de la réalisation du métro du Grand Paris, que, aujourd’hui, les délais sont techniquement impossibles à tenir.
Voilà quelques mois encore, je siégeais au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, et le discours tenu consistait à chiffrer le coût du respect des délais. Ainsi, pour réaliser la ligne 17 dans le délai prévu, soit en 2024, il fallait 200 millions d’euros supplémentaires pour deux tunneliers. Ce n’est pas une petite somme, j’en conviens, mais ce n’est pas un problème technique ; c’est une affaire financière. Il faudra donc que nous ayons des éclaircissements sur ce qu’on fait les uns et les autres pour arriver à de telles conclusions.
Le RER A est arrivé à Cergy-Préfecture dix ans après la construction de la préfecture et de l’ESSEC. C’est dire si, pour ce qui est d’attendre, nous savons dans le Val-d’Oise ce dont nous parlons…
Aujourd’hui, cette artère, qui assure 1,3 million de voyages par jour – vous avez bien entendu, mes chers collègues ! – est toujours aussi essentielle pour le développement de Cergy-Pontoise, en matière économique, mais aussi d’enseignement supérieur, avec de nombreux projets, notamment un campus international.
Hélas, le RER A est toujours un élément disqualifiant de la vie quotidienne des habitants.
Malgré les investissements de la région dans de nouvelles rames, malgré un schéma directeur de travaux de requalification, la nouvelle grille horaire mise en œuvre en décembre dernier acte une baisse du nombre de trains, tout au moins au regard de l’offre théorique précédente.
Aujourd’hui, à l’heure de pointe du matin, il est fréquent à Cergy-Préfecture de monter dans un train dont toutes les places assises sont occupées, alors qu’il y a encore sept arrêts avant La Défense. C’était encore le cas ce matin à neuf heures trente.
Les personnels, qui avaient dû avoir vent de notre débat de cet après-midi, ont voulu m’alimenter, puisque nous avons été gratifiés en outre d’un arrêt de dix minutes, de dix heures sept à dix heures dix-sept, dans un train bondé, en gare de Nanterre-Préfecture, gare de relève entre les conducteurs SNCF et RATP, sans un mot d’explication dans les haut-parleurs du train – je ne parle même pas d’excuses…
Si les inévitables aléas liés aux colis suspects ne peuvent être évités, ni négligés, les retards dus à des pannes techniques du réseau restent encore fréquents, quand on n’assiste pas à un arrêt total de la desserte pour cause de travaux mal dirigés pour EOLE.
Par ailleurs, depuis toujours, la branche de Cergy, avec près de 50 000 voyageurs par jour, subit une iniquité insupportable quand elle se compare à la branche de Poissy – autant de RER par jour pour les 9 000 voyageurs de Poissy que pour les 50 000 de Cergy – et à celle de Saint-Germain-en-Laye – deux fois plus de RER pour à peine plus de voyageurs que sur la branche de Cergy.
Madame la ministre, ma question porte donc sur l’état d’avancement des travaux sur le RER A : quand la SNCF et la RATP auront-elles enfin rattrapé trois décennies de sous-investissement ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Arnaud Bazin. Je souhaite également savoir si le tabou de la répartition de l’offre de RER entre Cergy, Poissy et Saint-Germain-en-Laye sera un jour levé.
Mme la présidente. Mes chers collègues, même si nous nous approchons du terme de ce débat, je vous demande vraiment de veiller à respecter les temps de parole.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous avez souligné à juste titre l’importance du trafic assuré par le RER A, la ligne la plus chargée d’Europe.
J’ai évoqué la situation de certaines métropoles, dans lesquelles on est loin d’être passé à un mode d’exploitation de type RER. Sur le RER A, il y a un train toutes les deux minutes ou deux minutes trente sur le tronçon central. C’est dire s’il s’agit d’un outil de déplacement extrêmement puissant, mais dont on doit pouvoir assurer la robustesse.
Tel est l’objectif des programmes de rénovation des voies et du ballast – un travail qui n’avait pas été fait depuis la création du RER – et de l’ensemble des travaux menés par la SNCF et la RATP sur cette infrastructure.
Vous avez rappelé – je ne l’avais peut-être pas assez souligné en réponse à la question sur l’horizon auquel les voyageurs verront des améliorations – que, si les améliorations de l’infrastructure et le rattrapage de décennies de sous-investissement prennent du temps, les voyageurs peuvent heureusement voir les matériels financés par Île-de-France Mobilités, qui changent tout de même la vie, même si l’objectif est évidemment qu’ils roulent sur des infrastructures robustes et fiables.
Je ne suis pas en mesure de me prononcer, vous l’imaginez, sur la répartition des dessertes entre Poissy et Cergy et entre cette branche et celle de Saint-Germain-en-Laye. La construction d’EOLE est en cours, et ce chantier énorme a entraîné des désagréments importants sur le RER A, comme vous l’avez souligné. Je pense que l’enjeu de la desserte de la partie ouest de la région d’Île-de-France pourra être réexaminé après la mise en service d’EOLE, qui desservira aussi ce territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Éblé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est utile. Bon nombre d’orateurs ont souligné que le choix du tout-TGV, en absorbant les capacités d’investissement, a fait prendre un retard considérable dans la modernisation du réseau des transports franciliens, qui véhicule pourtant plus de passagers quotidiens que l’ensemble de nos lignes nationales.
Avec le Grand Paris Express, une dynamique a été enclenchée en Île-de-France pour relier un certain nombre de territoires périphériques sans passer par Paris.
Résultat d’un accord historique entre l’État et les collectivités territoriales, le Grand Paris Express, entièrement financé par des ressources exclusivement apportées par les contribuables franciliens, porte une ambition de développement sans équivalent. Cet engagement doit être tenu !
Ses atouts ? Desservir les territoires de petite et, en partie, de grande couronne – je pense aux lignes 16, 17, 18 et au Barreau de Gonesse, portes d’entrée dans la métropole qui complètent une offre de transports défaillante dans des territoires souvent socialement défavorisés. Ouvrir à l’urbanisation partielle et à l’aménagement des réserves foncières : triangle de Gonesse, plateau de Saclay, environnement de Roissy - Charles-de-Gaulle. Favoriser le développement économique en reliant les clusters et en confortant de véritables pôles de compétitivité, tout en améliorant l’accessibilité des emplois.
Si nous voulons que ce nouveau réseau soit pleinement efficace et tout simplement utile, la mise en connexion avec les lignes déjà existantes est fondamentale.
Nous ne pouvons pas, madame la ministre, dépenser des milliards pour réaliser un manège forain en double boucle, que les usagers des transports urbains d’Île-de-France, singulièrement les centaines de milliers venant quotidiennement de grande couronne – dont je suis –, ne pourraient pas emprunter, faute d’interconnexion avec les lignes radiales. Ils seraient en effet condamnés à se rendre toujours jusqu’à Paris intra-muros, même lorsque leur destination finale est en banlieue…
Je pense particulièrement aux gares d’interconnexion, par exemple, pour la Seine-et-Marne, celles de Vert-de-Maisons et Bry-Villiers-Champigny avec la future ligne 15. Pour la première, il n’y a pas de financement. Pour la seconde, il n'y a ni solution technique ni financement !
Leur défaut de financement, et donc de réalisation, serait très préjudiciable aux habitants de la grande couronne, qui seraient exclus de fait de ces nouvelles modalités de transports, alors qu’ils en sont financeurs, jusqu’à La Ferté-Alais, Château-Landon, Houdan ou Magny-en-Vexin. Cela n’est pas acceptable !
Madame la ministre, le précédent gouvernement avait pris de sérieux engagements pour que les deux gares d’interconnexion que j’ai citées soient réalisées en même temps que les travaux du Grand Paris Express. Pouvez-vous nous indiquer vos intentions sur ce point ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous soulignez à juste titre que la capacité à interconnecter le nouveau réseau avec le réseau existant est une dimension fondamentale du projet. C’est ainsi que les nouvelles lignes pourront bénéficier au plus grand nombre de territoires en Île-de-France.
S’agissant en particulier des projets que vous avez mentionnés, l’interconnexion avec le RER D est bien prévue à Vert-de-Maisons.
La question qui se pose est celle de savoir comment on pourrait réaliser l’interconnexion avec la ligne R, qui, aujourd’hui, suppose un investissement supérieur à 250 millions d’euros. Quant à l’interconnexion Bry-Villiers-Champigny, la configuration qui a été retenue aujourd’hui entraîne des coûts très élevés. Comme vous le savez, il y a des débats entre l’État et la région sur le mode de financement de cette dernière interconnexion.
En tout cas, pour ne pas retarder et mettre en péril la réalisation de ces gares d’interconnexion, les études ont été engagées, ce qui permettra à l’État de poursuivre la discussion avec les collectivités sur les modalités de financement.
Monsieur le sénateur, sachez que je partage complètement votre avis : l’enjeu est bien de réaliser un réseau interconnecté. Je voudrais rappeler à cet égard que sur les soixante-huit gares du Grand Paris, quarante-quatre sont en interconnexion avec le réseau existant. On peut donc se rassurer, nous n’aurons pas un métro qui tourne en boucle sur lui-même sans être interconnecté avec le réseau en place. Il faut faire le maximum dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dominati. Je voudrais d’abord remercier le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour car, à quelques minutes de son terme, il montre l’état du service public en Île-de-France. Je n’ai en effet entendu aucun orateur, quelques que soient les travées sur lesquelles il siège, exprimer de la satisfaction. Tel est donc l’état du service public dans les transports en Île-de-France. C’est une réalité !
Malgré tout le talent de Mme Cohen et même si je ne partage pas du tout ses idées, je me permets de vous rappeler, madame la ministre, que celle-ci vous a posé une question à laquelle vous n’avez pas répondu : pourquoi mener cette politique libérale ? Vous auriez dû lui répondre qu’il n’existe aucun endroit en Europe ou en France où l’État intervient d’une manière aussi pesante dans le domaine des transports collectifs et où il existe aussi peu de liberté qu’à Paris et dans sa région !
La région Île-de-France est une exception française : en effet, quand on dit que l’État finance le système avec l’argent des contribuables, on parle en réalité non pas de l’ensemble des contribuables – à l’exception peut-être du projet Charles-de-Gaulle Express pour lequel on demande enfin la mise en place d’une taxe sur les billets d’avion pour tous les usagers de l’aéroport –, mais des contribuables franciliens, des entreprises franciliennes et des milieux économiques de la région.
Le système actuel résulte de la « politique du salami » menée depuis des années. En réalité, madame la ministre, ce n’est pas vous qui êtes en cause. L’un de mes collègues a salué votre courage. Il a raison, puisque vous tenez le même discours que celui que les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, nous assènent depuis des décennies : lorsqu’une société publique n’a plus d’argent, on en crée une deuxième, puis une troisième, comme Réseau ferré de France – RFF –, puis une quatrième, telle la Société du Grand Paris. Bientôt, on créera la société du Charles-de-Gaulle Express, et ainsi de suite.
On n’écoute pas les besoins des usagers et des élus : en fait, il faut décentraliser et libéraliser la politique en matière de transports, et engager un certain nombre de projets. Le gouvernement français a été le seul à demander une dérogation à Bruxelles. On pourrait déjà faire en sorte que le réseau de surface de la RATP soit immédiatement privatisé et que les lignes soient mises en concurrence. Après tout, à un moment donné, le Président de la République alors ministre de l’économie s’est intéressé aux bus sur un plan national. Pourquoi garder un tel monopole aussi longtemps ? Tel est le sens de ma question.
Enfin, s’agissant du pass Navigo, c’est à cause de la connivence entre Mme Hidalgo et M. Huchon que les Parisiens payent aujourd’hui beaucoup trop cher le service rendu dans les transports collectifs du centre de l’agglomération. (Mme Céline Boulay-Espéronnier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, tout d’abord, je voudrais rappeler que les transports en Île-de-France sont totalement décentralisés. La responsabilité des transports est en effet confiée depuis maintenant de nombreuses années au Syndicat des transports d’Île-de-France, désormais appelé Île-de-France Mobilités, organisme dans lequel l’État n’a plus sa place.
Vous avez résumé notre débat à une insatisfaction générale dirigée contre les transports en Île-de-France. Je comprends tout à fait que nos concitoyens, qui font tous les jours de longs déplacements, comme c’est le cas en Île-de-France et, malheureusement, de plus en plus dans les autres agglomérations, puissent attendre une meilleure qualité de service.
M. Philippe Dominati. Il n’y a pas que les usagers !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cependant, par respect pour les salariés de la RATP, de la SNCF et des autres entreprises de transport, je ne peux pas non plus laisser dire que le service serait à ce point dégradé. Je rappelle que si notre réseau de transport est certes très centré sur Paris, nous disposons tout de même de la densité de transport la plus élevée au monde. On ne peut jamais se satisfaire des difficultés, on doit toujours se montrer exigeant et rester totalement conscient de ce que vivent les voyageurs, mais on ne peut quand même pas ne pas se rendre compte que nous avons aussi un très beau réseau de transport au cœur de l’agglomération parisienne.
Le défi auquel nous sommes confrontés consiste à faire en sorte que ce réseau de transport, que nous allons nous efforcer de faire fonctionner au mieux, profite également aux habitants plus éloignés du cœur de l’agglomération.
Je voudrais enfin rappeler que ce sont 12 millions de voyageurs qui empruntent tous les jours ce réseau – il y a peu d’équivalents dans le monde. Cela peut aussi expliquer les difficultés effectivement rencontrées dans les transports, mais également la détermination du Gouvernement à investir toujours plus dans l’entretien et la régénération des réseaux de transport de la vie quotidienne.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains.
M. Vincent Éblé. Encore un Seine-et-Marnais ! (Sourires.)
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, au risque de répéter moi-même certains propos et de vous faire répéter des choses déjà dites, je voudrais rappeler – car le sujet est tout de même très important – que les Franciliens consacrent chaque jour près de quatre-vingt-douze minutes en moyenne à leurs déplacements. Les trajets de banlieue à banlieue concernent à eux seuls près des trois quarts de ces flux.
Je voudrais tout d’abord préciser que la ligne 17 du Grand Paris Express, c’est tout de même 5 000 voyages prévus par jour et 1 100 emplois qui devraient être créés dans un rayon de 1 kilomètre autour de la gare terminus du Mesnil-Amelot, qui se situe au cœur de la Seine-et-Marne. Cette ligne est donc vitale pour près de 420 000 habitants !
Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises la nécessité que ce dernier tronçon soit réalisé avant 2030, dans la continuité de la tranche Le Bourget RER – Charles-de-Gaulle terminal 2, ou que l’ensemble des infrastructures soient finalisées dès 2025. La ligne 17 sera la garantie d’une certaine cohérence dans le réseau du Grand Paris Express.
Madame la ministre, je vous rappelle avec insistance que la réalisation de ce réseau est envisagée pour l’accueil des jeux Olympiques en 2024. Or la Cour des comptes fait part aujourd’hui de sérieuses interrogations sur la capacité à respecter les échéances olympiques. Il me semble donc inenvisageable de sacrifier cette ligne au profit du projet CDG Express dont le but unique est de relier l’aéroport de Roissy à Paris. Ce projet reviendrait à abandonner la France des mobilités quotidiennes au profit des mobilités internationales.
Madame la ministre, quel est l’état d’avancement des promesses du Président de la République et où en est-on de l’engagement de l’État ?
Ensuite, je souhaite évoquer les interconnexions : celles-ci doivent non seulement permettre l’accès au Grand Paris Express à l’ensemble des Seine-et-Marnais via les RER et Transilien, mais aussi faciliter l’accès des Franciliens à la Seine-et-Marne. Je pense notamment à l’interconnexion au Vert-de-Maisons qui a été évoquée il y a quelques instants par Vincent Éblé. Le métro du Grand Paris Express sans ces interconnexions amplifierait les écarts de croissance, de développement économique et urbain entre petite et grande couronne. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !
Madame la ministre, vous savez enfin que les défaillances répétées sur le réseau méritent des réponses de votre part quant à l’entretien et la modernisation du réseau.
J’attends vos réponses…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Cuypers. … sur ces sujets qui tiennent à cœur aux Franciliens et, en particulier, aux Seine-et-Marnais.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous redire que le Gouvernement accorde la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux.
Je souhaite rappeler qu’avec 800 millions d’euros investis dans le réseau ferré national en Île-de-France, nous allons tripler le montant consacré à la modernisation du réseau par rapport à ce qui se faisait il y a une dizaine d’années. Je veux aussi rappeler que le schéma d’ensemble du Grand Paris n’est pas remis en cause et que l’on doit travailler sur un phasage réaliste.
Je souhaite enfin redire la volonté du Gouvernement de s’engager sur des calendriers crédibles, tout comme sa volonté d’arrêter de promettre des infrastructures sur l’ensemble du territoire national alors que personne ne sait comment elles seront financées.
S’agissant du CDG Express, il ne faut vraiment pas opposer la réalisation de ce projet au réseau du Grand Paris et à l’amélioration des transports du quotidien.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pourtant pas la même chose !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je le répète : le CDG Express se fait sans concours publics, sous la forme d’une concession – je peux vous l’expliquer si vous le souhaitez, madame Cohen – qui sera financée par les billets et une taxe sur les passagers aériens.
Mme Laurence Cohen. Et le prêt de 1,7 milliard d’euros, alors ?
Mme Éliane Assassi. Oui, ça, on le sait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Une autre solution aurait consisté à payer des frais financiers élevés aux banquiers, à qui l’opération aurait profité. Je m’étonne que, sur ces travées (Mme la ministre regarde les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), l’on prône ce type de financement. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas du tout ce que nous prônons ! Nous voulons la suppression du CDG Express !
M. Philippe Dominati. Allez voir gare de l’Est !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement a pensé qu’il était plus raisonnable de faire un prêt du Trésor. Je le répète : il s’agit d’un prêt. Il sera donc remboursé.
M. Pascal Savoldelli. Et les millions d’usagers du RER B ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce prêt du Trésor permet d’éviter de devoir donner toutes sortes de garanties et de payer des intérêts plus élevés aux banquiers.
Le projet du CDG Express n’est absolument pas en concurrence avec les projets…
Mme Éliane Assassi et Mme Laurence Cohen. Si !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce projet qui ne bénéficie d’aucune subvention mais d’un prêt du Trésor public n’est en concurrence avec aucun des investissements dont nous avons parlé jusqu’à présent. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pascal Savoldelli. Et l’entretien du RER B ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nicole Duranton. Madame la ministre, pour clore ce débat, rendons-nous en Normandie !
Au Moyen Âge, la voie romaine Beauvais–Chartres desservait déjà la ville de Gisors dans l’Eure. Aujourd’hui, la voie romaine a disparu, les Capétiens et les Plantagenêts ne se mènent plus une guerre acharnée et Gisors est devenue une ville de près de 12 000 habitants.
La question des transports reste un élément essentiel et central pour son développement. Gérée par Île-de-France Mobilités, la ligne J du réseau francilien dessert plusieurs villes de l’Eure, notamment Gisors et Vernon. La ligne J est en crise.
Pour préparer mon intervention, j’ai échangé avec Alexandre Rassaërt, maire de Gisors, afin de faire un point précis sur la situation de cette ligne. Il me disait que les voyageurs venaient régulièrement à sa rencontre pour égrener leurs tracas. Et la liste est longue ! Il m’a dressé un tableau calamiteux de la situation : trains régulièrement en retard, rames mal ou peu entretenues, toilettes condamnées, horaires aléatoires. Bref, il s’agit d’un cocktail bien connu et, malheureusement, il n’est pas spécifique à la ville de Gisors.
Les nouveaux horaires mis en place depuis le mois de décembre dernier, censés améliorer la ponctualité et la fréquence des trains, n’arrangent rien à la situation et ne font que l’empirer.
La ligne J voit passer chaque jour près de 110 000 voyageurs, dont 1 300 Gisorsiens qui, pour beaucoup, ont fait le choix de s’installer en Normandie pour une raison simple : la proximité de Paris, leur lieu de travail. Imaginez la difficulté que cela engendre pour ces usagers à qui l’on avait promis un réseau de transport de qualité, gage de développement, qui permettrait d’attirer particuliers et entreprises dans cette belle région qu’est le Vexin normand.
Pire, il semble que les élus des villes et communes hors de l’Île-de-France soient purement et simplement méprisés par les services chargés de gérer le réseau de transports. Le manque de considération à leur égard ne fait que renforcer un sentiment d’abandon de la province bien présent chez nos élus : celui du sacrifice des gares normandes sur l’autel des intérêts franciliens ! (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Madame la ministre, ma question est simple : comment comptez-vous améliorer la desserte des villes hors de l’Île-de-France par le réseau de transports francilien ? Pouvez-vous nous garantir que le Gouvernement se battra contre la suppression des gares provinciales et rappellera le nécessaire besoin de concertation avec les élus locaux de nos territoires ruraux ? (Mme Céline Boulay-Espéronnier et M. Philippe Dominati applaudissent.)