M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Quelle tristesse ! (Sourires.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Pour les mêmes raisons que celles que je viens d’évoquer s’agissant des dépenses de fonctionnement, le Gouvernement a jugé injuste d’intégrer les budgets annexes dans la consolidation de l’endettement.

Lorsqu’une métropole crée un syndicat d’économie mixte avec le département ou la région de son territoire pour gérer un réseau de transport, ce syndicat a une personnalité morale autonome et son endettement ne saurait être consolidé avec celui de la métropole. À l’inverse, lorsque la métropole de Rennes ou celle de Nantes fait le choix de gérer son réseau de transport en régie, l’endettement apparaît sur un budget annexe.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Je conclus, monsieur le président !

Il est important de rappeler que l’article 24 est profondément modifié, pour ne pas dire supprimé, et que la seule disposition qui subsiste concerne uniquement les 340 collectivités signataires, et non plus les communes de 10 000 à 50 000 habitants ou les intercommunalités de 50 000 à 150 000 habitants.

En outre, les dispositions des contrats relatifs à l’encadrement ou à la maîtrise du reste du ratio de désendettement n’auront pas de caractère prescriptif et ne feront pas l’objet de mesures de reprise par rapport à la rédaction initiale du projet de loi de programmation des finances publiques. L’évolution est certaine et mérite d’être soulignée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Bazin et Bonhomme, Mme Eustache-Brinio et MM. Lefèvre, Paccaud, Paul, Pierre, Reichardt, Saury, Bonne, Sol et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 7, 12 et 14 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Arnaud Bazin.

M. Arnaud Bazin. Cet amendement est relatif à la règle d’or renforcée, mais, monsieur le secrétaire d’État, je ne le défendrai pas.

M. Julien Bargeton. Très bien !

M. Arnaud Bazin. Après les explications du rapporteur général de la commission des finances, j’ai bien saisi le caractère purement incitatif, et non pas prescriptif, de cette disposition. Qui plus est, dans la mesure où la commission va émettre un avis défavorable sur cet amendement, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite obtenir une clarification de la part du Gouvernement par rapport au risque – peut-être n’est-ce qu’un fantasme – d’externalisation de la dette, voire de certaines dépenses.

Très concrètement, si seul le budget principal est concerné, les collectivités n’auront-elles pas la tentation d’externaliser vers des délégations de service public, les DSP, ou autres ? Comment se prémunir du risque de voir une dette devenir une dette cachée ? L’information n’est pas très claire. L’objectif de 1,2 % inclut-il l’ensemble des budgets, y compris les budgets annexes ? A priori, il concerne seulement le budget principal.

Je pourrais aussi prendre l’exemple des participations d’un département ou d’une commune au contingent incendie. Les situations sont extrêmement variables. Dans ces conditions, n’y a-t-il pas lieu de les exclure des dépenses obligatoires ?

À ce stade, des questions restent ouvertes. Je l’ai déclaré devant le Premier ministre et devant le Sénat : la commission des finances n’est pas forcément opposée à la contractualisation ; à titre personnel, je ne le suis pas non plus. Il s’agit d’un mécanisme sans doute plus vertueux et plus honnête que le rabot aveugle que l’on a connu, visant à baisser les dotations.

Néanmoins, il faudra bien préciser le périmètre, car, si l’on ne vise que les budgets principaux, la tentation peut être grande de reporter l’ensemble des dépenses vers des budgets annexes, des contingents ou des participations. La dette peut même être externalisée vers des SEM, voire des DSP, ce qui peut rendre très difficilement lisibles les comparatifs et empêcher la bonne perception non seulement de la dépense publique, mais aussi des dettes.

Quel est donc le périmètre exact, en termes tant de dépenses publiques que de dette ? À mon sens, dans sa rédaction actuelle, le texte ne lève pas toutes les ambiguïtés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, le niveau d’endettement comme les dépenses de fonctionnement ne concernent que les budgets principaux. Vous avez fait remarquer que telle ou telle collectivité pourrait vouloir se lancer dans une forme d’optimisation, ce dont nous avons conscience.

En effet, dans la période précédente, que vous avez rappelée et dont je prends toute ma part de responsabilité, la contribution au redressement des finances publiques était calculée à hauteur d’environ 2 % des recettes réelles de fonctionnement – je parle des deux années pleines. Le risque d’une optimisation et d’une volonté de diminuer le niveau des recettes réelles de fonctionnement des budgets principaux, puisqu’il ne s’agissait là aussi que des budgets principaux, existait déjà.

Il y a deux différences avec la période que nous allons connaître.

En premier lieu, la contractualisation ne concernera que 340 communes, alors que la contribution au redressement des finances publiques, la CRFP, en concernait 36 000. L’État pourra donc porter un regard plus vigilant et déceler la latitude et – pardonnez ce terme brutal – l’honnêteté des communes qui seraient tentées par cette optimisation.

En second lieu, la création de budgets annexes pour externaliser une partie des dépenses ou des recettes réelles de fonctionnement sera non pas libre, mais soumise à des critères législatifs et réglementaires qu’il conviendra de respecter. Il sera donc facile de procéder à cette vérification pour les 340 collectivités qui contractualisent.

Pour conclure, le Premier ministre l’a déclaré avant moi, le Gouvernement a la volonté de faire confiance. Nous ne baissons pas les dotations ; nous demandons aux 340 collectivités les plus importantes de modérer l’augmentation de leurs dépenses en respectant le taux de 1,2 %, alors que l’on sait que, structurellement, celui-ci oscille plutôt entre 2 % et 2,5 %.

Si cela fonctionne, cela permettra non seulement aux collectivités signataires de ne pas voir leurs dotations baisser, mais aussi aux 36 000 autres collectivités de France de bénéficier de la même stabilité de dotations. Il s’agit donc aussi d’un principe de confiance.

M. le président. Je mets aux voix l’article 24, modifié.

(Larticle 24 est adopté.)

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Article 24
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Article 27 ter

Article 25 bis

I. – Les critères utilisés pour calculer les attributions et prélèvements dont font l’objet les collectivités territoriales, leurs groupements et les ensembles intercommunaux sont mis à la disposition du public.

La publication prévue au premier alinéa du présent I porte sur chaque concours financier de l’État mentionné à l’article 13 de la présente loi ainsi que sur chaque dispositif de péréquation.

Elle porte sur le montant attribué ou prélevé ainsi que sur chaque critère individuel utilisé pour calculer l’attribution ou le prélèvement ainsi que, le cas échéant, chaque indice, fraction ou critère intermédiaire utilisé.

II. – Les données individuelles relatives à la base, au taux, au produit et au nombre d’assujettis de chaque imposition directe ou indirecte locale versée à chaque collectivité territoriale ou groupement sont également publiées. Il en est de même pour le montant et le nombre de bénéficiaires de chaque dégrèvement d’impôt local.

III. – Ces données sont mises à la disposition du public sur internet, avant le 1er septembre de l’année de répartition, dans un document unique par échelon de collectivité territoriale et par année, sous une forme susceptible d’être exploitée grâce à des logiciels de traitement de base de données. – (Adopté.)

Chapitre IV

Autres dispositions

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Article 25 bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Article 28

Article 27 ter

Les dépenses fiscales dont le coût figurant à l’annexe prévue au 4° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est supérieur à 2 % du coût total des dépenses fiscales pour au moins trois exercices consécutifs font l’objet d’une évaluation bisannuelle indépendante visant à déterminer leur efficacité et leur efficience. Les évaluations sont transmises au Parlement avant le 1er juillet de chaque année. – (Adopté.)

Article 27 ter
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Article 29

Article 28

(Non modifié)

L’article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005 est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Les cinq derniers alinéas sont remplacés par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Cette annexe présente également les données d’exécution, portant sur les trois derniers exercices, relatives :

« 1° Aux crédits ou impositions affectées aux opérateurs ;

« 2° À leurs ressources propres ;

« 3° Aux emplois rémunérés par eux ainsi qu’aux emplois sous plafond ;

« 4° À leur masse salariale ;

« 5° À leur trésorerie ;

« 6° À la surface utile brute de leur parc immobilier ainsi qu’au rapport entre le nombre de postes de travail et la surface utile nette du parc.

« Cette annexe donne la liste des opérateurs supprimés ou créés au cours de l’année précédant le dépôt du projet de loi de finances de l’année. Elle comporte également, pour chaque opérateur dont les effectifs sont supérieurs à dix personnes, la somme des dix plus importantes rémunérations brutes totales. » – (Adopté.)

Article 28
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 29

À l’exception de l’article 12, des articles 26 et 28 et des articles 31, 32 et 34, la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 est abrogée. – (Adopté.)

Article 29
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité
Discussion générale (suite)

Adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité

Adoption en procédure accélérée du projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (projet n° 105, texte de la commission n° 162, rapport n° 161).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité
Article 1er

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Philippe Bonnecarrère, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons, à l’occasion de cette session parlementaire automnale particulièrement chargée pour le ministère de l’intérieur, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

Délibéré lors du conseil des ministres du 22 novembre dernier, le texte dont nous débattons aujourd’hui a pour objet de transposer deux directives et de tirer les conséquences d’une décision.

Il s’agit tout d’abord de transposer la directive du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union européenne. Mon collègue Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, vous en présentera dans quelques instants l’économie générale. Le terme de transposition de cette directive, fixé au 9 mai 2018, commandait l’urgence de l’examen parlementaire de ce projet de loi.

Il s’agit ensuite de transposer la directive du 17 mai 2017 modifiant la directive de 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes.

Il s’agit enfin de transposer la décision du 25 octobre 2011 relative aux modalités d’accès au service public réglementé offert par le système mondial de radionavigation par satellite issu du programme Galileo.

S’agissant de la directive du 17 mai 2017, dont le terme de transposition est fixé au 14 septembre 2018, elle a été prise sur l’initiative de la France, à la suite des attentats de Paris au mois de janvier 2015. Son fil conducteur est le renforcement du contrôle de la circulation et du commerce des armes à feu, notamment des plus dangereuses, ainsi que de la coopération intraeuropéenne sur les flux d’armes à feu. Elle a donc pour finalité le renforcement de la sécurité publique.

Cette directive supprime tout d’abord la catégorie D des armes à feu, qui correspondait au régime administratif de l’enregistrement. Désormais, toutes les armes à feu devront au moins relever de la catégorie C, soumise à une déclaration, à l’exception des armes historiques et de certaines reproductions de ces dernières.

La directive surclasse par ailleurs certaines armes, qui étaient jusqu’alors soumises à autorisation, pour les faire passer sous un régime d’interdiction. Cependant, le projet de loi ouvre, comme l’autorise la directive, des dérogations pour la pratique du tir sportif et la sécurité privée, selon des modalités qui seront précisées par décret.

À ce stade de mon propos, je tiens à rappeler que la directive prévoyait également la possibilité d’une troisième exception pour les collectionneurs, dans laquelle nous n’avons pas souhaité nous engager, là aussi, pour des raisons de sécurité publique.

La directive impose, pour les ventes d’armes à distance, une vérification, préalable à la livraison, de l’identité et du titre de détention de l’acquéreur. En pratique, les ventes entre particuliers devront faire l’objet d’une vérification par un professionnel, préalable à la livraison, pour s’assurer de l’identité de l’acquéreur et du fait qu’il n’est pas interdit de détention de port d’armes.

Enfin, le projet de loi permet aux armuriers de refuser, légalement, de conclure des transactions d’armes ou de munitions qu’ils pourraient raisonnablement considérer comme suspectes, leur assurant ainsi une protection juridique qui fait aujourd’hui défaut.

Ces dispositions sont toutes guidées par le souci de renforcer les contrôles sur la circulation et le commerce des armes, dans un but exclusif de sécurité publique. Je ne m’étendrai pas sur la nécessité et l’urgence d’insérer au plus vite de telles dispositions dans notre droit au regard du contexte que connaît notre pays, comme d’autres pays européens, depuis 2015.

J’en viens aux dispositions du titre III du projet de loi qui concernent Galileo et rappelle qu’il s’agit d’un projet européen d’importance stratégique consistant en un système de positionnement par satellites entré en service le 15 décembre 2016. Depuis lors, le lancement de nouveaux satellites se poursuit : pas plus tard que le 12 décembre dernier d’ailleurs, quatre satellites supplémentaires ont été mis sur orbite.

Outre les services « ouverts » destinés au grand public, qui sont d’ores et déjà partiellement accessibles, le système Galileo émet un signal sécurisé de haute précision, le service public réglementé, dit « PRS », exclusivement réservé aux utilisateurs autorisés par décision gouvernementale. Ce signal chiffré, protégé contre le brouillage et le leurrage, est destiné à des utilisations nécessitant une grande fiabilité du signal et qui sont contrôlées par les États.

À cet égard, le projet de loi nous dote des outils juridiques nécessaires à la mise en œuvre des mesures de contrôle de l’accès à ce signal sécurisé. Il prévoit notamment qu’une autorisation est obligatoire pour développer, fabriquer et exporter les récepteurs spécifiques du signal PRS ou la technologie et les logiciels associés à ce matériel. Il fixe des sanctions administratives et pénales en cas de manquement à la loi.

Ces mesures permettront à la France d’assurer un haut niveau de sécurité du service public réglementé PRS, dont les applications, notamment en matière de sécurité et de défense, contribueront à assurer en toutes circonstances la protection des citoyens. Elles sont aussi le moyen de sortir de la dépendance à des systèmes de positionnement satellites étrangers, dont le contrôle échappe totalement aux pays européens.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales dispositions de ce projet de loi. Je conclurai en saluant le travail réalisé par votre commission des lois sur le texte. Fidèle à sa tradition d’excellence juridique, elle a, sur la proposition de son rapporteur, procédé à un important travail de précision et d’amélioration de la rédaction de certaines dispositions, auquel le Gouvernement est favorable.

Qu’il me soit cependant permis, à ce stade de mon propos, de relever une petite divergence – une différence, une discordance ? (Sourires) – d’appréciation sur le régime juridique des reproductions d’armes historiques, sur laquelle je reviendrai lors de l’examen de l’article 16.

Sous cette réserve, très légère, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous invite bien évidemment à adopter ce projet de loi, très important pour notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé du numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une tradition désormais bien ancrée de la Haute Assemblée que d’être en pointe sur les sujets relatifs au numérique. Le précédent grand rendez-vous – c’était pour moi une première – a eu lieu voilà quelques semaines, à l’occasion du débat sur l’intelligence artificielle. Vous êtes l’assemblée du numérique, la première à développer ces sujets !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Très bien !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire dÉtat. Déjà, en 2012, le Sénat avait été le premier à publier un rapport d’information sur la cyberdéfense, élaboré par Jean-Marie Bockel. À l’époque, c’était le rapport le plus riche sur les sujets de cybersécurité, et il a continué à influencer toute la réflexion française de ces dernières années sur ces questions.

C’était il y a plus de cinq ans. Or, dans le monde du numérique, cinq ans, c’est une éternité : les règles que nous avions définies à l’époque et la façon que nous avions alors d’appréhender les risques sont radicalement transformées, tout comme ont changé les menaces et les usages. Les menaces sont nouvelles, la façon dont le numérique s’est diffusé dans l’intégralité des espaces de notre vie a évolué à une rapidité extrême.

Je me réjouis donc de l’échange que nous allons avoir – c’est à chaque fois un moment riche – sur des sujets qui sont nouveaux pour les Français, mais qui les intéressent de plus en plus.

Il ne faut surtout pas envisager ces sujets comme des questions techniques, mais considérer que, quand on parle techniquement de ces sujets, on parle de questions très politiques et très importantes pour nos entreprises et nos concitoyens.

Je tiens à saluer particulièrement le travail tout à fait remarquable qui a été accompli par la commission des lois, son président, Philippe Bas, et son rapporteur, Philippe Bonnecarrère.

J’ai lu l’intégralité du rapport. J’y tenais, car c’est le premier texte que je viens défendre, et il était donc intéressant pour moi d’apprécier le travail de la commission : j’ai pu en mesurer la richesse et l’exhaustivité et je vous remercie du travail accompli.

Pour l’avoir comparé avec le texte d’origine que nous avions proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que constater que vous l’avez amélioré, rendu plus clair à de nombreuses reprises, et que vous en avez parfois corrigé les erreurs. C’est tout à votre honneur, et je vous en remercie.

M. Jean-Claude Requier. C’est le Sénat !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire dÉtat. Nous partageons le souci de mieux défendre nos concitoyens contre les attaques informatiques. Ceux-ci ont compris – ils en parlent de plus en plus – qu’il s’agit d’un sujet essentiel de leur vie.

À l’époque, le risque cyber était confiné à l’espace numérique : quand un dispositif était « hacké », c’était l’ordinateur qui tombait en panne. Aujourd’hui, les conséquences pour l’entreprise ou pour n’importe quelle structure sont réelles et physiques.

Désormais, une entreprise ne doit pas se contenter de protéger ses ordinateurs et ses réseaux, elle doit protéger aussi ses fournisseurs et ses clients et limiter l’impact que l’attaque aura sur notre économie. Le niveau de sécurité n’est plus le même. Le risque est potentiellement catastrophique.

Dès 2013, le législateur français a fixé des exigences en matière de sécurité informatique aux systèmes d’informations les plus critiques pour les opérateurs d’importance vitale, les OIV, avec une liste très restrictive.

L’objectif était avant tout de maintenir la capacité minimale de la société en cas de crise majeure, par la protection des systèmes d’information concernés. Les acteurs pour lesquels nous avions un niveau d’exigence très élevé étaient peu nombreux, et nous avions su définir un cadre d’exigences pour faire respecter ce niveau de sécurité.

Cette initiative a essaimé partout en Europe, et la France fait figure d’exemple. Cette discussion a conduit à élargir le périmètre des OIV à l’ensemble des services non seulement vitaux, mais même essentiels à la société. Cela a été tout l’objet des débats européens sur la définition des services essentiels à la société.

Cette occupation répond à la multiplication d’attaques de grande ampleur, mais d’intensité moyenne, qui sont capables de toucher durement notre société. Prenons l’exemple de l’attaque WannaCry : il s’agissait d’une attaque non de grande ampleur, mais moyenne, qui visait certes des organisations moyennes, mais en très grand nombre. Pris individuellement, l’impact était faible, mais la somme de ces impacts a eu un fort retentissement sur nos sociétés.

Ainsi, au Royaume-Uni, près d’une dizaine d’hôpitaux ont été touchés par l’attaque WannaCry. Ces établissements n’auraient pas été protégés dans le cadre des OIV. C’est la raison pour laquelle nous devons nous interroger sur les conséquences d’une telle attaque et être capables d’élargir ce périmètre.

Il s’est agi non pas d’une attaque ciblée, mais d’une attaque par reproduction. Cela signifie que de nombreuses cibles ont été touchées, sans que quiconque ait eu la volonté de cibler chacune d’entre elles. Ce type d’attaque est encore plus dangereux, car il signifie qu’il faut se protéger non pas d’un seul ennemi, mais d’un système. Il faut donc augmenter le niveau global de sécurité et de résilience des réseaux les plus essentiels. Telle est la philosophie du texte.

La transposition de la directive NIS nous offre la possibilité, l’espoir, de mieux nous protéger collectivement. Si les opérateurs de services essentiels, qui seront désignés par le Premier ministre, se protègent mieux, c’est globalement toute la France qui sera mieux protégée.

Les règles de sécurité qui seront imposées à ces opérateurs seront définies par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Elles devront être réalistes, c’est-à-dire applicables à des coûts maîtrisables par ces organisations, mais accroître le niveau de sécurisation et de résilience global de notre société, pendant ou après une attaque. C’est à l’aune de ces critères que devra être évaluée cette loi dans quelques années.

Ces règles ont été définies à l’échelle européenne. Elles seront également applicables aux plus grands fournisseurs de services. C’est le deuxième volet de ce texte.

Les fournisseurs de services numériques, du fait de l’ampleur de leurs services, parce qu’ils comptent de très nombreux clients, ont une responsabilité particulière. Si l’un de ces fournisseurs de services est défaillant ou si sa sécurité est défaillante, ce sont des milliers de clients qui sont affectés. C’est pour cela que l’on distingue d’un côté les opérateurs, et, de l’autre, les fournisseurs de services, car ils sont les nœuds de la diffusion et de la sécurité de nos réseaux.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a déposé deux amendements, après de nombreux échanges. Il s’agit d’amendements rédactionnels, visant à clarifier une formulation. Nous avions fait une proposition, vous en aviez fait une autre. L’amendement que nous proposons est une fusion intelligente de ces deux propositions. Il s’agit de trouver le meilleur moyen de progresser sur la voie de la sécurité numérique.

L’augmentation de la sécurité numérique est un enjeu pour tous les Français. Plus globalement, elle est la condition essentielle de la confiance des Français dans la transformation numérique que nous sommes en train de vivre, dans ses volets à la fois économique et public. Il n’y aura pas de transformation numérique de l’État, des services publics et de l’économie, pas d’émergence de start-ups et de PME si les Français n’ont pas l’assurance que l’État a augmenté le niveau de sécurité.

Ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, n’est pas seulement technique, il est également économique et sociétal. Peu de journalistes m’ont interrogé à ce sujet jusqu’à présent, mais je suis certain que, très bientôt, les gens poseront tous des questions sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)