compte rendu intégral
Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Élections de sénateurs
Mme la présidente. En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 17 décembre 2017, M. Yves Bouloux a été proclamé sénateur de la Vienne, Mme Évelyne Perrot a été proclamée sénatrice de l’Aube et Mme Dominique Verien, sénatrice de l’Yonne.
Le mandat de nos collègues a débuté ce lundi 18 décembre à zéro heure.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le second projet de loi de finances rectificative pour 2017 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Ordonnance créant l’établissement public Paris La Défense
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense (texte de la commission n° 145, rapport n° 144).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous y trompons pas : c’est un vrai texte de décentralisation que nous examinons, après l’accord survenu en commission mixte paritaire, la semaine dernière. Il s’agit de la ratification de l’ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense, qui a été contestée devant le Conseil d’État.
Comme chacun le sait, alors qu’il y avait deux établissements – un établissement de gestion et un établissement d’aménagement –, il n’y en aura désormais plus qu’un seul, l’établissement public Paris La Défense. Je le disais, c’est un vrai texte de décentralisation, parce que cet établissement public sera dominé par les représentants du département des Hauts-de-Seine.
La Défense est le premier quartier d’affaires d’Europe. Il était donc important de concentrer les responsabilités dans un seul établissement public, pour que de nouvelles étapes de son développement puissent être franchies, notamment au moment où la Grande-Bretagne se retire de l’Union européenne, ce qui peut être l’occasion de créer de nouvelles opportunités pour la place de Paris.
L’ordonnance que nous devons ratifier aujourd’hui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2018. Son contenu a été amélioré au cours de la navette et en commission mixte paritaire. Je tiens à rendre hommage à notre collègue Mathieu Darnaud, qui a fourni un travail considérable, mais aussi à Isabelle Florennes, rapporteur de ce texte pour l’Assemblée nationale.
Sur l’initiative du Sénat, la propriété des parkings a été octroyée à cet établissement public, ce qui lui permettra de disposer de ressources pour l’exercice de ses missions. Sur l’initiative cette fois de l’Assemblée nationale, les compétences de l’établissement public en matière de sécurité des biens et des personnes ont été élargies, notamment avec la mise en place d’un système de vidéoprotection, ainsi qu’en matière de circulation routière et de propreté des voies et espaces publics, pour mieux répondre aux attentes des usagers, particuliers comme entreprises.
Un accord a été trouvé en commission mixte paritaire pour, selon le souhait du Sénat, permettre à l’établissement public de créer des filiales ou de participer à des sociétés publiques locales dans le cadre de sa mission de promotion du site de la Défense et pour lui donner des moyens d’attirer de nouvelles entreprises et de nouveaux investisseurs. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de ratification de l’ordonnance du 3 mai 2017. (M. Julien Bargeton applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, nous revenons devant la Haute Assemblée après une commission mixte paritaire conclusive. Je veux à mon tour saluer le travail des deux rapporteurs, Mathieu Darnaud pour le Sénat et Isabelle Florennes pour l’Assemblée nationale, qui ont œuvré ensemble pour parvenir à cette solution consensuelle.
À la suite d’une ordonnance signée le 3 mai 2017 par le précédent gouvernement, quelques jours avant l’élection présidentielle, nous avons repris ce dossier qui avait été déjà très largement engagé sous le quinquennat précédent.
Comme vient de le relever à juste titre le président de la commission des lois, il s’agit d’une opération de simplification et de regroupement de deux entités, l’EPADESA et DEFACTO, pour donner plus d’efficacité au développement du quartier d’affaires Paris La Défense, qui est aujourd’hui le plus important d’Europe. En outre, dans le contexte du Brexit, nous avons tous – Nation, République, acteurs – la volonté de conforter encore davantage ce quartier d’affaires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. Le sujet est important. L’expérience de ces dernières années a révélé des difficultés récurrentes en matière de gestion de Paris La Défense – la question des dalles et des parkings a notamment été souvent à l’ordre du jour. Il s’agit à la fois d’avoir une meilleure visibilité et, dans un processus que le président de la commission des lois a qualifié de « décentralisation »,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. … de permettre aux collectivités locales d’assurer la responsabilité pleine et entière de la gestion et du développement de ce quartier d’affaires.
Bien sûr, l’État gardera un œil sur ce dossier, mais un œil bienveillant.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tant mieux !
M. Jacques Mézard, ministre. Il est en effet justifié que l’État puisse le suivre, même si, et c’est sa caractéristique essentielle, le dossier est remis entre les mains du conseil départemental des Hauts-de-Seine, des communes qui sont directement concernées par ce projet et du conseil régional.
J’ai également entendu – mais il m’eût d’ailleurs été impossible de ne pas les entendre ! – les inquiétudes de certaines communes directement impactées qui craignent précisément de ne plus être suffisamment entendues sur des dossiers qui relèvent de leur territoire. Je ne doute d’ailleurs pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’un d’entre vous relaiera ces inquiétudes dans un instant.
Je tiens à rappeler que, de toute manière, l’État veillera à l’équilibre général et que, dans le cadre d’une opération d’intérêt national, le rôle du préfet est déterminant, notamment en matière d’autorisations d’urbanisme. Par conséquent, tous doivent pouvoir considérer que les intérêts de chacun seront préservés.
Je me réjouis que les deux assemblées aient pu parvenir à un texte consensuel, ce que méritait le sujet, au regard de son importance.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions essentielles auxquelles nous sommes parvenus, dans un souci commun de faire avancer ce dossier qui a souvent généré beaucoup trop de complexité. Un certain nombre de difficultés justifiaient que l’on élabore une gouvernance spécifique, en particulier les questions d’entretien, de surveillance à l’intérieur du périmètre et aussi de développement.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement, par ma voix, indique son accord sur les conclusions de la commission mixte paritaire en invitant la Haute Assemblée à voter en faveur du texte issu de ses travaux. (MM. le président de la commission des lois et Julien Bargeton applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, saluons ensemble la qualité du travail parlementaire qui a été ici réalisé, dans la clarification des périmètres d’intervention du nouvel établissement public Paris La Défense, dans la prise en compte des difficultés liées à l’insuffisance des investissements au cours des dernières années et dans le tracé des lignes de démarcation mettant au clair les responsabilités de l’État aménageur et des collectivités territoriales gestionnaires. Quand on veut se mettre d’accord, on peut !
Aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, tous ont reconnu la nécessité de regrouper dans une structure décentralisée les deux établissements chargés de l’aménagement et de la gestion de La Défense, afin de constituer un pilotage unifié du quartier d’affaires propre à pérenniser son activité et son attractivité. Ce postulat a fondé la nécessité d’une coopération territoriale approfondie, laissant une latitude appréciable aux collectivités concernées pour assurer, demain, les modalités pratiques de gouvernance du nouvel établissement. Leur capacité à moderniser et à sécuriser le quartier historique, à rénover ses accès et à l’ouvrir sur les territoires environnants constituera leur combat prioritaire.
Nous apprécierons les résultats du nouveau dispositif essentiellement à la lumière de la réussite de cette mission, d’autant que, cette fois, une stratégie de développement pluriannuel a été élaborée. C’est un plan d’investissement, financé à hauteur de 360 millions d’euros au moins, sur dix ans, par les collectivités territoriales qui viendra désormais épauler la gestion coopérative de ce territoire d’intérêt national.
À cet égard, la volonté du législateur est doublement satisfaite : par l’intégration de nouveaux instruments nécessaires au développement de cette place financière, mais aussi par le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales dans l’esprit de la décentralisation. Nous ne pouvons pas sans cesse réclamer davantage de décentralisation et la contester lorsqu’elle advient.
Quant aux dispositions qui pouvaient potentiellement créer des points de blocage – je pense notamment à la définition des périmètres d’intervention, modifiables par décret, ou à la possibilité de créer des filiales et d’acquérir des participations dans des sociétés publiques locales –, elles ont fait l’objet d’un accord entre nos deux assemblées.
En définitive, c’est un texte de consensus, ce consensus qui a pu être dégagé en commission mixte paritaire, notamment grâce à l’esprit constructif de notre rapporteur, Mathieu Darnaud, que nous ne manquons pas féliciter pour l’important travail qu’il a abattu.
C’est cet esprit qui est à l’origine de la modification de l’article 3 du projet de loi, afin de donner la possibilité à l’établissement public Paris La Défense, dans un cadre bien défini et sous certaines conditions, de recourir à des filiales pour engager une politique d’attractivité sur ce territoire.
Par conséquent, chers collègues, c’est animés du souhait que nous partageons tous de répondre aux fortes attentes exprimées par nos territoires, malgré certaines divergences qui ne manqueront pas d’être évoquées lors de ce débat, que les sénateurs du groupe La République En Marche souhaitent que le texte qui nous est soumis soit adopté et l’ordonnance ratifiée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons a pour objet de ratifier une ordonnance prise par le Président de la République François Hollande le 3 mai 2017.
Déposé le 10 mai 2017 sur le bureau du Sénat, soit quatre jours avant la fin de la mandature présidentielle, il a pour conséquence de décentraliser totalement la gestion du quartier d’affaires de La Défense et procède à la fusion de l’établissement chargé de la gestion de son cœur historique et de l’établissement chargé de son aménagement et de celui d’une zone plus vaste, composée notamment du site d’opérations d’intérêt national Seine-Arche, couvrant un tiers du territoire de la commune de Nanterre.
Cette gestion unique met fin à une pluralité d’intervenants que le Gouvernement a jugé préjudiciable au bon fonctionnement du quartier d’affaires et de l’aménagement de sa périphérie, lors du comité interministériel du Grand Paris, qui s’est tenu le 15 octobre 2015. L’objectif du Gouvernement, tel qu’il l’avait exposé au mois de mai 2016, était de confier la responsabilité principale de son pilotage et de son financement aux collectivités locales. Reprenant les conclusions d’un rapport rendu par les préfets de l’Île-de-France et des Hauts-de-Seine, ce texte avait pour ambition de « réinventer le modèle de la Défense pour rassembler tous les acteurs ».
Mes chers collègues, le texte soumis à notre approbation s’éloigne considérablement de cette première intention. En effet, le conseil départemental des Hauts-de-Seine disposera seul de la majorité des sièges du conseil d’administration du nouvel établissement public. Sans même attendre la promulgation de ce projet de loi, le conseil départemental a désigné ses neuf membres, qui appartiennent uniquement à son exécutif.
Cette gouvernance confiée exclusivement au conseil départemental des Hauts-de-Seine pose plusieurs problèmes, d’ordre juridique, politique et économique.
Le nouvel établissement disposera de droits exclusifs sur les 160 hectares du quartier d’affaires historique. Or il reçoit aussi les attributions exercées par l’EPADESA, l’établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche, dans un vaste territoire de 400 hectares se trouvant essentiellement sur la commune de Nanterre. Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, le présent texte ne définit pas les formes de la collaboration qui devra nécessairement se mettre en place entre le département des Hauts-de-Seine et la commune de Nanterre pour gérer un espace représentant pourtant un tiers de sa superficie totale.
En droit, dans la rédaction actuelle du texte, tout se passe comme si la commune de Nanterre était subordonnée à une autre collectivité territoriale sur son propre territoire. Autrement dit, l’État a transféré ses prérogatives régaliennes à une seule collectivité, aux dépens d’une autre. Cette exclusivité nous semble discutable. À tout le moins, il eût été de bonne politique d’encadrer la relation de ces deux collectivités par des règles juridiques claires.
Sur un autre plan, à l’échelle régionale et nationale, le quartier d’affaires de La Défense, au quatrième rang mondial par son importance, est considéré comme le « fer de lance de l’attractivité de la région-capitale ».
La sortie probable du Royaume-Uni de l’Union européenne confère au quartier d’affaires une importance supplémentaire et impose de s’interroger sur sa capacité à accueillir de nouvelles activités. Cette réflexion est l’un des volets qui animent un débat plus général sur l’organisation de la métropole urbaine parisienne, sa gouvernance et son développement économique.
Le Président de la République devrait annoncer prochainement ses propositions sur ce dossier. Il est donc surprenant que, sans attendre la clôture de ce débat, le présent texte ait fait le choix de confier au seul département des Hauts-de-Seine la gestion d’un quartier d’affaires dont tout le monde convient qu’il joue un rôle décisif dans le fait métropolitain.
Par ailleurs, on peut se demander, cum grano salis, ce qu’il adviendrait de ce texte dans le cas d’une disparition des départements de la petite couronne ou de la fusion des Hauts-de-Seine et des Yvelines, sur laquelle le Gouvernement aura très prochainement à donner un avis.
M. Philippe Dallier. C’est un leurre !
M. Pierre Ouzoulias. De façon plus générale, un examen comparatif des situations mondiales montre que les solutions adoptées pour la gestion des grands quartiers d’affaires reposent plutôt sur la coopération des collectivités principalement engagées dans la gestion du fait métropolitain. Dans de nombreux espaces métropolitains, ce rôle de coordination incombe plutôt aux entités régionales.
Mme la présidente. Il faut conclure mon cher collègue.
M. Pierre Ouzoulias. Je conclus, madame la présidente.
On peut légitimement se demander si le département est le bon échelon pour assumer toutes les obligations qu’impose une telle responsabilité.
Nous ne comprenons pas l’empressement à sceller le destin de ce quartier d’affaires, alors qu’un débat est en cours. Il est parfois urgent d’attendre. En l’occurrence, il aurait été plus juste de mieux équilibrer les pouvoirs des différentes collectivités. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, tout commence en 1956, quand l’architecte Bernard Zerfhuss conçoit le Centre national des industries et des techniques, dont la vocation reste encore hypothétique, mais dont l’acronyme, CNIT, restera lors de l’inauguration par le général de Gaulle, au mois de septembre 1958. Au même moment était créé l’établissement public pour l’aménagement de La Défense, l’EPAD ; La Défense tire son nom de l’action du 19e régiment de marche qui, en 1870, résista à l’avancée prussienne venant de Rueil-Malmaison.
C’était avant.
En 1982, après donc, le président François Mitterrand lance le projet de l’Arche de la fraternité, nom oublié par l’usage et remplacé par celui de « Grande Arche », un monument que vous pouvez toujours voir depuis la place de l’Étoile, dans cette belle et grande perspective. (M. Pierre Ouzoulias s’exclame.)
Aujourd’hui, soixante ans après, La Défense est le quatrième quartier d’affaires mondial et le premier quartier d’affaires européen, avec un bassin d’emploi de un million et demi de personnes. Il s’agit donc d’un dossier extrêmement important.
Pendant soixante ans, sous tous les gouvernements, l’État aménageur n’a pas fait son devoir. Les infrastructures en attestent : les quatorze tunnels qui passent sous le site ne sont pas aux normes de la directive européenne de 2004, la dalle est très fragilisée, le sous-sol est une friche non aménagée, comportant des espaces abandonnés et squattés, les conduites de fluides ne sont pas toutes identifiées, la desserte automobile est un labyrinthe inorganisé et instable, l’accès en sous-sol des tours est parfois décourageant. Je vous conseille de prévoir plusieurs jours pour retrouver un bureau à La Défense, tant l’accès est compliqué… (Sourires.)
Il fallait donc décentraliser.
Le succès de la commission mixte paritaire est une bonne nouvelle, beaucoup l’ont rappelé, pour l’attractivité de la région-capitale et de la métropole. Avec le Brexit, il est en effet important que la place de Paris puisse demeurer une référence.
Bien sûr, La Défense attire : 250 000 mètres carrés sont disponibles et 250 000 mètres carrés sont en construction – des tours pour des grandes sociétés telles que Saint-Gobain ou Total. D’autres grands groupes financiers européens, qui pourraient s’installer dans d’autres capitales économiques – Francfort, Londres, Berlin –, choisissent Paris. Or, ce qui est bon pour La Défense est aussi bon pour la région et bon pour notre pays, et pas seulement pour le site lui-même.
C’est également une bonne nouvelle pour la décentralisation. Dans ce dossier, l’État a montré qu’il pouvait être un bon initiateur, avoir une bonne vision, aménager et construire. Reste que l’État est un piètre gestionnaire et un piètre développeur. Aujourd’hui, en confiant la gestion aux collectivités locales – on dira qu’elles ont beaucoup reçu et qu’elles peuvent un peu donner –, des investissements sont attendus. Le levier donné au conseil départemental des Hauts-de-Seine avec les autres collectivités qui l’entourent permettra ces investissements et la rénovation nécessaire. En effet, La Défense n’est pas seulement un lieu de travail et d’emploi ; il va falloir transformer ce site pour que l’on y trouve des loisirs, de la culture, du logement, de l’aménagement, pour, en d’autres termes, en faire un lieu de vie qui attire à l’extérieur. À mon sens, les collectivités pourront le faire.
J’ai entendu les préoccupations de mon collègue Pierre Ouzoulias s’agissant de Nanterre. Je suis convaincu que les collectivités territoriales concernées sauront s’entendre, elles sont au sein de la même intercommunalité. Au demeurant, quand il a fallu construire la U ARENA et le nouveau siège du conseil départemental, la ville de Nanterre a su trouver le chemin du conseil départemental et faire naître un accord. Par conséquent, je ne doute pas que, demain, d’autres discussions pourront avoir lieu avec l’ensemble des collectivités.
Pour toutes ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec satisfaction que le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à nous prononcer sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense. Nous parlons ici du premier centre d’affaires européen, La Défense représentant en effet 150 000 emplois et 3,2 millions de mètres carrés de bureaux.
À l’aube du Brexit, La Défense doit faire l’objet d’une réforme en profondeur, d’autant plus que, depuis quelques années, nous faisons face à des difficultés liées à la répartition complexe des compétences des deux établissements. La gouvernance bicéphale, confiée, d’un côté, à un établissement aménageur, l’EPADESA, et, de l’autre, à un établissement gestionnaire, DEFACTO, est à bout de souffle, et le bon fonctionnement de La Défense en est affaibli.
Cette réforme doit lui permettre à la fois d’être innovante et de consolider son rang de premier centre d’affaires européen. Soyons clairs, l’enjeu du premier centre d’affaires européen n’est pas seulement départemental : il est métropolitain, régional, national ! Reste que nous ne pouvons pas sacrifier sur l’autel de l’efficacité toute notion de démocratie et de concertation. Pour garantir la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse, nous devons ainsi prendre le temps de la réflexion et associer tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les communes.
Or, à la lecture du projet que nous sommes appelés à voter, on constate une remise en cause complète de la démocratie dans ce que deviendra l’établissement public Paris La Défense. Nous exprimons plusieurs désaccords avec le texte qui nous est aujourd’hui soumis. Nous avions d’ailleurs déposé deux amendements lors de la réunion de la commission mixte paritaire, mais, bien sûr, ils ont été rejetés.
Le premier point de désaccord porte sur l’article 4, relatif à la composition du conseil d’administration. Il nous semble en effet primordial que le pluralisme soit respecté. Or, sur les dix-sept membres du conseil d’administration, neuf sont issus du conseil départemental et nous nous étonnons que pas même un siège ne soit attribué à l’opposition. Ce n’est pas acceptable.
Le second point de désaccord est encore plus important et porte sur l’article 2, qui donne à l’établissement public Paris La Défense la possibilité d’intervenir en dehors de son périmètre historique d’intervention.
Contrairement à ce qu’avait annoncé le précédent gouvernement dans un communiqué de presse du 27 mai 2016, l’établissement public n’aura pas l’obligation de passer des conventions d’aménagement avec les communes concernées. Je cite le communiqué : « Au-delà de ce périmètre, l’établissement disposera d’une compétence non exclusive d’aménagement et de gestion, définie par voie de conventions, notamment afin de garantir la poursuite par le nouvel établissement des opérations déjà engagées par l’EPADESA ».
Or le texte que nous sommes appelés à voter prévoit le contraire. Il n’impose pas d’obligation de conventionner entre l’établissement public Paris La Défense et les communes, mais prévoit simplement un avis consultatif des acteurs concernés, et on connaît le sort de ces avis…
Je tiens à rappeler que le périmètre non exclusif de la gouvernance de l’établissement Paris La Défense concerne un tiers du territoire de la ville de Nanterre. Dès lors, pourquoi ne pas revenir à l’ambition initiale, à savoir une obligation de convention entre l’établissement public et la commune ?
Mes chers collèges, nombre d’entre vous ont été responsables d’exécutifs locaux. Qui est à même de se rendre compte de la réalité de nos territoires mieux que notre chambre ? Tel est d’ailleurs le rôle que la Constitution nous confère. Nous demandons simplement que la ville ait son mot à dire sur son territoire.
Notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, l’a d’ailleurs parfaitement rappelé sur Public Sénat : « Au Sénat, nous considérons que les communes restent la cellule de base de la démocratie. »
Dès lors, comment accepter qu’un établissement public puisse contrôler un tiers d’une commune sans même être obligé de passer des conventions avec elle ? Quel maire accepterait une telle situation ?
Mes chers collègues, le Président de la République avait annoncé lors de la campagne présidentielle une réforme territoriale d’envergure. Il avait indiqué : « Nous supprimerons au moins un quart des départements, là où ils peuvent être rapprochés de l’une de nos grandes métropoles. […] En concertation avec les élus, nous simplifierons l’administration territoriale en confiant aux services des métropoles les compétences des conseils départementaux où elles se situent. »
Or nous allons voter un texte qui confie la gestion du premier pôle financier non pas à la métropole, mais au département, contrairement à la vision exposée par le Président de la République lors de la campagne présidentielle !
Par ailleurs, nous allons voter un texte dans la précipitation – à cet égard, je rappelle que la Cour des comptes a estimé que la décentralisation du quartier se faisait de manière trop rapide –, alors que la réforme territoriale qui pourrait intervenir dans les mois à venir serait susceptible de conduire à la suppression du département à qui on vient de confier la compétence de l’établissement public !
Si les départements étaient supprimés, monsieur le ministre, quelle entité serait alors chargée de la gestion de cet établissement public ?