M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. le secrétaire d’État vient de déclarer que quelques dispositions de l’article relevaient du domaine de la loi… J’en déduis que beaucoup sont de nature réglementaire !
M. le président. Je mets aux voix l’article 46 ter, modifié.
(L’article 46 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 46 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-479 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-666 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Taillé-Polian, MM. Tissot, Durain, Kerrouche et Tourenne, Mmes Préville et G. Jourda, MM. Marie, Jomier, Cabanel et Iacovelli, Mme Ghali, M. Courteau, Mmes Lubin, Monier, Meunier et Grelet-Certenais, MM. Dagbert, Devinaz, Temal, Montaugé et P. Joly, Mme Tocqueville, M. Vaugrenard, Mmes Harribey, Conconne, Lepage et Jasmin, MM. Leconte, Jacquin, Mazuir et Duran, Mme Blondin, MM. Fichet et Raynal, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 46 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209… ainsi rédigé :
« Art. 209… – I. – Les bénéfices ou revenus positifs de personnes morales qui sont domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A, lorsqu’ils sont liés à l’exercice d’une activité de vente de biens ou de service en France, sont réputés constituer un revenu imposable en France dans la proportion où ils sont générés par le biais de personnes morales domiciliées ou établies en France et contrôlées directement ou indirectement par elles, ou qui se situent sous leur dépendance économique, sauf à ce que le débiteur apporte la preuve que cette structuration correspond à des opérations réelles et qu’elle ne présente pas un caractère anormal ou exagéré.
« 1. Une personne morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France est réputée pour les besoins du présent article disposer d’un établissement stable en France lorsqu’un tiers, établi ou non en France, conduit en France une activité pour la vente de ses produits ou services et que l’on peut raisonnablement considérer que l’intervention de ce tiers a pour objet, éventuellement non exclusif, d’éviter une domiciliation de la personne morale concernée en France.
« Le présent alinéa ne s’applique pas aux personnes morales et aux tiers qui entrent dans la définition des petites et moyennes entreprises prévue à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ni à celles dont le chiffre d’affaires annuel lié à la France est inférieur pris ensemble à 10 millions d’euros, ou dont les charges annuelles liées à la France sont inférieures prises ensemble à 1 million d’euros.
« 2. Une opération est notamment réputée présenter un caractère anormal ou exagéré lorsqu’elle entraîne pour les personnes morales qui y sont parties un bénéfice d’imposition supérieur au revenu positif raisonnablement attendu pour la personne établie ou domiciliée en France à l’époque de sa conclusion.
« 3. Le montant des revenus réputés imposables en France dans le cadre du présent article correspond au bénéfice lié à l’activité en France qui aurait été réalisé si l’opération avait été structurée sans que les considérations liées à l’impôt ne jouent aucun rôle et compte tenu de charges attribuables à cette activité conformes au premier alinéa de l’article 238 A.
« 4. L’impôt acquitté localement par l’entreprise ou l’entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l’impôt établi en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés et, s’il s’agit d’une entité juridique, dans la proportion mentionnée au premier alinéa du présent I.
« II. – Le I ne s’applique pas lorsque la personne morale établie hors de France démontre que les opérations conjointes avec les personnes morales établies ou réputées établies en France ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° II-479.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement tend à mettre à contribution les grands noms de l’internet et de ce que l’on peut appeler le « commerce électronique », l’offre commerciale existant sur les sites internet, qui n’est pas tout à fait la même chose que le e-commerce.
Évidemment, on pourrait se demander une fois encore s’il convient de faire peser la TVA sur l’utilisateur final, sur le cédant ou l’intermédiaire. Cette controverse existe dans d’autres matières fiscales.
Les membres de notre groupe considèrent que l’imposition des revenus tirés de l’exploitation d’une plateforme d’échanges électroniques doit être « réservée », si l’on peut s’exprimer ainsi, à l’exploitant de ladite plateforme.
Les géants d’internet – Apple, Google, Yahoo, et j’en passe – parsèment leurs pages d’accueil de bannières et autres messages surgissants. Ces offres commerciales défilent en permanence, sans que l’on puisse toutes les assimiler. Nous avons pu constater que ces sociétés n’étaient pas trop mises à contribution sur les recettes publicitaires qu’elles tirent de ces offres.
Le présent amendement est raisonnable. D’ailleurs, en commission des finances, les membres étaient unanimes sur la nécessité de veiller à éviter de mettre en place une sorte de tactique fiscale qui mettrait en difficulté soit les enseignes de proximité, soit les usagers cédant des biens d’occasion, dont je rappelle qu’ils sont a priori exonérés de TVA à hauteur de 3 000 euros par an.
Au bénéfice de ces observations, nous proposons de mettre à contribution les géants de l’internet et les possibilités offertes par l’accélération de l’offre commerciale sur les pages des grands groupes.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° II-666 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà voté cet amendement en 2015. J’avais alors eu l’occasion, avec M. Karoutchi, de montrer au gouvernement de l’époque qu’il s’agissait d’une solution raisonnable pour taxer les multinationales, en particulier les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de définir ce qu’est un établissement stable en France – grosso modo, les entreprises ayant plus de 10 millions de chiffre d’affaires.
Cette mesure est-elle raisonnable ? À l’époque, le Gouvernement nous avait dit privilégier sa méthode, qui devait permettre de récupérer de l’argent de Google. Nous lui avions rétorqué que la France risquait de perdre si la décision était attaquée devant le tribunal administratif. Hélas, nous avions raison, comme l’a montré une décision de 2017.
Cet amendement s’inspire d’une méthode choisie par nos collègues britanniques, même s’il ne la reprend pas exactement, notre Constitution nous empêchant de taxer et de surtaxer de façon comparable. Cependant, la logique est la même.
Son dispositif est-il contraire aux règles de l’OCDE ? Non ! L’OCDE est justement en train de fixer le cadre de l’« établissement stable ». Elle prépare une circulaire, dont nous ignorons la date de publication, parce qu’il faut bien que les États se mettent tous d’accord.
Cependant, comme l’a très bien dit M. Karoutchi en 2015, l’OCDE fonctionne au rapport de force. Ainsi, si la France et la Grande-Bretagne, par exemple, plaident dans le même sens, on peut penser que leur définition de l’établissement stable pourrait être reprise dans les hypothèses de l’OCDE. Sinon, nous aurons toujours tout loisir, le moment venu – moment indéterminé pour l’instant –, de modifier notre règle.
Cet amendement est-il contraire aux règles de l’Union européenne ? Non ! La mesure existe déjà en Grande-Bretagne.
Il n’est pas non plus contraire à l’action menée par le Gouvernement afin de faire avaliser par l’Union européenne le principe d’une taxation fondée sur le chiffre d’affaires.
Nous proposons, quant à nous, de retenir le chiffre d’affaires non comme base – il faudrait, pour cela, l’unanimité des États membres de l’Union européenne –, mais comme déclencheur de la reconnaissance de la qualité d’établissement stable.
Mes chers collègues, considérant que l’adoption de cet amendement permettrait à la France d’engranger des recettes immédiates et d’envoyer un signal politique, en passant à l’offensive sur tous les terrains pour taxer les GAFA, je vous suggère de renouveler le vote de 2015.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà eu ce débat.
D’abord, je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit au sujet des GAFA.
Les amendements ne sont pas limités, dans leur objet, aux seules entreprises du numérique ; leur champ d’application est bien plus large. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Pascal Savoldelli le confirment.)
Le sujet est absolument majeur.
En effet, la mesure n’est pas antinomique avec l’idée, défendue par le Gouvernement, d’une taxe sur le chiffre d’affaires qui est peut-être l’une des solutions – j’ignore si c’est la solution idéale, mais il faut s’y atteler.
La mesure proposée est-elle contraire au droit de l’Union européenne ? Je n’en sais rien. En revanche, je sais qu’elle est contraire aux conventions fiscales internationales signées par la France, raison pour laquelle nous ne pouvons y adhérer. En effet, les articles 5 et 7 de ces conventions fiscales définissent d’ores et déjà la notion d’établissement stable, qui suppose une présence physique des employés, une activité réelle, etc. La France étant liée par un certain nombre de conventions fiscales, on ne peut malheureusement pas décider unilatéralement de modifier cette notion. Au reste, il faudrait sans doute inventer l’établissement stable pour les entreprises du numérique.
Loin de moi l’idée d’évacuer le sujet, qui, j’y insiste, est véritablement majeur : l’OCDE y travaille, et le Gouvernement aussi, avec sa proposition de taxer le chiffre d’affaires.
Toutefois, on ne peut ignorer les conventions fiscales qui lient la France aux autres pays et qui définissent systématiquement, dans leurs articles 5 et 7, l’établissement stable. Ces amendements me paraissent y contrevenir, et nous ne pouvons donc, à notre grand regret, qu’émettre un avis défavorable. Cela dit, le Gouvernement n’en fait peut-être pas la même analyse.
Quant au dispositif britannique, madame Lienemann, il semblerait qu’il s’agisse d’un dispositif anti-abus. Ce n’est pas exactement ce que vous proposez.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est fondé sur la même logique !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme Lienemann a évoqué l’adoption de cette disposition par le Sénat en 2015 et le fait que, depuis, un certain de choses se sont passées, notamment l’ouverture d’une procédure opposant la France à Google et la décision du tribunal administratif intervenue dans ce cadre.
Mais d’autres événements sont intervenus, qui m’amènent à dire que la France est impliquée de manière très active dans le lancement et la conduite du projet de lutte contre l’optimisation fiscale de l’OCDE, le plan d’action BEPS. Par ailleurs, elle a signé le 7 juin 2017, avec plus de 70 autres pays, la convention multilatérale qui traduira les conclusions de ces travaux dans les conventions fiscales bilatérales de la France et des autres signataires.
L’une des dispositions de cet accord vise notamment à lutter contre les montages de commissionnaires visés par ces amendements. Cet objectif sera donc traduit dans les conventions fiscales bilatérales de la France à la suite de la signature de l’accord.
Par ailleurs, vous proposez de reprendre, en France, la taxe instituée au Royaume-Uni en 2015. À cet égard, il nous faut insister sur le fait que le droit français comporte déjà des dispositifs qui offrent à l’administration fiscale des moyens équivalents, sinon plus efficaces. On peut citer l’abus de droit, prévu à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui permet de remettre en cause les montages dépourvus de substance économique et qui est assorti d’une pénalité de 80 %.
De plus, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve pour la déduction de la totalité des dépenses réalisées en direction d’un territoire à faible fiscalité, tel que défini à l’article 238 A du code général des impôts.
Enfin, nous disposons également d’une procédure qui permet d’imposer les bénéfices d’un établissement stable non déclaré sur notre territoire.
Nous considérons qu’il ne faut pas doublonner ces outils ni, surtout, remettre en cause leur utilisation et la traduction de l’accord du 7 juin 2017.
Enfin, concernant la fiscalité du numérique et des activités conduites sur internet, nous considérons que les niveaux européen et mondial sont plus adaptés. C’est à ces échelons qu’agit le Gouvernement.
La France a récemment obtenu une accélération décisive, à l’occasion du conseil ECOFIN informel de Tallinn, qui s’est tenu les 15 et 16 septembre, puis le 5 décembre dernier, avec des conclusions sur une approche commune des ministres en matière de fiscalité du numérique. Cette approche commune, arrêtée le 5 décembre, servira de base à l’élaboration du projet de directive européenne et du rapport d’étape demandé par le G20 à l’OCDE.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait des deux amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Notre méthode ne serait jamais la bonne et, chaque fois, de nouveaux arguments nous sont opposés. Pourtant, il y a trois ans, la France était déjà liée par des conventions fiscales ! Au reste, le Gouvernement finit par nous dire que les conventions fiscales sont en train d’être modifiées…
On a peut-être fait tout ce qu’il faut, mais j’observe que, pour l’instant, on ne touche pas un kopeck !
On nous dit que la convention fiscale est le seul obstacle, mais on peut considérer que l’adoption de ces amendements donnerait mandat au Gouvernement pour renégocier les conventions fiscales.
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous, je souhaiterais une décision immédiate de l’OCDE. Sauf que l’on ne connaît aucun délai ! On ne sait même pas quand sortira la circulaire interprétative. Comme vous, je souhaiterais une décision de l’Union européenne, mais on sait que l’unanimité est requise.
Il me semble que l’on peut, en attendant, prendre une mesure qui soit de nature à donner un signal politique. Le dispositif anti-abus qui existe en Grande-Bretagne est un peu comparable à ce que nous proposons. Or, pour l’heure, le droit constitutionnel français ne permet pas de le faire.
J’y insiste, mes chers collègues : nous devons donner ce signal fort et discuter sérieusement. Sinon, dans deux ans, dans cinq ans, nous en serons exactement au même point !
Mme Françoise Laborde. Elle a raison !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je peux vous assurer que cette méthode a été travaillée par des experts dont les sensibilités politiques et les compétences juridiques sont diverses. En votant ces amendements, il me semble que l’on marquerait un acte politique fort et même que l’on créerait un système beaucoup plus opérationnel que ce que vous préconisez, monsieur le secrétaire d’État. Je vous rappelle en effet que, dans l’affaire de la fraude de Google, la France a perdu !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je ne vois pas pourquoi les conventions bilatérales qui lient la France empêchent d’aller dans cette direction, alors qu’un autre pays, la Grande-Bretagne, dont les conventions sont certainement très proches des nôtres, l’a déjà fait.
Bien entendu, en vertu de la hiérarchie des normes, les conventions bilatérales s’imposent, mais ce n’est pas une raison pour ne pas changer la loi.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
M. Jean-Yves Leconte. De fait, si la loi impose désormais de faire évoluer les conventions fiscales bilatérales dans tel ou tel sens, le Gouvernement devra bien en tenir compte !
Sur le même sujet, j’ai déposé un amendement, que nous examinerons un peu plus tard.
Mes chers collègues, le fait qu’ils entrent aujourd’hui en en collision avec un certain nombre de conventions fiscales bilatérales ne doit pas nous empêcher de voter ces deux amendements. À l’exécutif de faire évoluer les conventions fiscales pour qu’elles s’adaptent à l’évolution de l’économie !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait référence aux accords qui ont été conclus cette année au sein de l’OCDE. On peut les saluer, mais ceux-ci mériteraient d’être traduits dans une convention, qui nécessite une ratification pour s’imposer.
Je ne vois donc pas pourquoi nous ne pourrions pas aujourd’hui faire évoluer la loi sur ce sujet. Nous pourrions ainsi montrer au Gouvernement l’évolution que nous attendons sur la taxation des GAFA.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il y a longtemps que je ne suis plus révolutionnaire,… (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’avez-vous même été ? (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi. … si je l’ai jamais été un jour. Mais on voit parfois, avec l’âge, des reconversions inattendues ! (Mêmes mouvements.)
Effectivement, à la fin de l’année 2015, nous avons déjà voté déjà un amendement comparable.
J’ai eu l’honneur de représenter la France auprès de l’OCDE pendant deux ans. Il est très clair que la prise de décision à l’OCDE, qui regroupe aujourd’hui une trentaine d’États, est, par définition, compliquée : il faut que les décisions soient prises à l’unanimité.
Cependant, je vous le dis très tranquillement, monsieur le secrétaire d’État, les ambassadeurs n’y font que traduire la demande de leur gouvernement. Dès lors, si la France propose un certain nombre d’évolutions au secrétaire général de l’OCDE, il n’y a aucune raison que les choses n’évoluent pas. A contrario, si tout le monde doute, l’hésitation perdurera !
Les choses sont simples, monsieur le secrétaire d’État : ce qu’on a voté à la fin de 2015 a probablement eu quelque effet sur la politique du gouvernement en 2016 et en 2017, notamment sur les différents éléments que vous avez rappelés. Pour autant, nous sommes bien obligés de constater qu’une décision du tribunal administratif dit, en gros, que l’État est bien gentil, mais que, pour le moment, c’est « non » tant que la loi n’aura pas évolué sur la définition de l’établissement fixe et d’un certain nombre de normes.
Qui, à gauche ou à droite, peut trouver juste qu’une entreprise moyenne ou plus importante paie l’intégralité de ses impôts en France et que certaines entreprises y échappent ? Personne !
Je soutiendrai ces amendements, monsieur le secrétaire d’État, parce que je considère que le Parlement doit faire son travail. Le Gouvernement doit faire avancer les choses au niveau international et affirmer la voix de la France, aussi bien auprès de l’Union européenne que de l’OCDE. Ce qui est juste en France est tout aussi juste hors de nos frontières.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vais aussi soutenir ces amendements, qui portent sur un sujet que nous avons déjà évoqué la semaine dernière à propos de la publicité en ligne. Il faut que le Sénat adresse un signal.
Roger Karoutchi l’a très bien dit : on ne peut avoir à la fois des entreprises petites et moyennes supportant une fiscalité complète et des géants de l’internet qui parviennent à une évasion complète.
Je crois qu’un ambassadeur du numérique vient d’être nommé.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un ambassadeur thématique !
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur général, vous aurez remarqué que je vieillis : je n’ai pas ressorti mon marronnier habituel… (Sourires.)
Les Danois ont nommé un ambassadeur auprès des GAFA pour travailler directement avec eux sur les modalités de leur fiscalité.
C’est un sujet qui est appelé à évoluer, et le Sénat doit marquer sa volonté de ne pas en rester là. Ces amendements me semblent donc tout à fait légitimes et à leur place dans ce projet de loi de finances. Ils auront le destin que voudront bien leur laisser l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire. En attendant, les gens qui suivent nos débats sauront que la question de la taxation des GAFA ne nous est pas indifférente.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je ne voudrais pas qu’on puisse croire que le RDSE n’est pas favorable à ces amendements. Je vous confirme donc que nous les voterons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-479 et II-666 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 46 ter.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-323 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Boutant, Courteau, Dagbert, Daunis et Duran, Mmes Ghali et Grelet-Certenais, MM. Houllegatte, Iacovelli et Jacquin, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lienemann et Lubin, M. Marie, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 46 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209-0 B du code général des impôts, il est inséré un article 209-0… ainsi rédigé :
« Art. 209-0… – I. – 1. Une personne morale établie en France et redevable de l’impôt sur les sociétés, qui exploite des magasins de commerce de détail ou des établissements de vente établis en France, et qui détient directement ou indirectement des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique établie ou constituée hors de France, qu’il s’agisse d’une personne morale, d’un organisme, d’une fiducie ou d’une institution comparable ou d’une entreprise, qu’il s’agisse d’une succursale ou d’un établissement stable, est considérée comme ayant indirectement transféré des bénéfices ou revenus positifs à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente avec ces entreprises ou entités établies à l’étranger, soit lorsque les entreprises ou entités établies à l’étranger perçoivent des commissions non justifiées ou des redevances excessives ou sans contrepartie par un fournisseur établi en France ou par une entreprise ou entité liée établie ou constituée hors de France, lorsque ces prix, commissions ou redevances sont afférents à des produits commercialisés sur le territoire français.
« Les bénéfices ou revenus indirectement transférés, issus de ces prix, commissions ou redevances, doivent être réintégrés dans le bénéfice imposable de la personne morale française.
« Lorsqu’ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient directement ou indirectement.
« 2. – Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne morale établie en France mentionnée au 1 du présent I s’entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l’intermédiaire d’une chaîne d’actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote.
« La détention indirecte s’entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement :
« a) Par les salariés ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale établie en France mentionnée au même 1 ;
« b) Par une personne physique, son conjoint, ou leurs ascendants ou descendants lorsque l’une au moins de ces personnes est directement ou indirectement actionnaire, porteuse de parts, titulaire de droits financiers ou de droits de vote dans cette personne morale ;
« c) Par une entreprise ou une entité juridique ayant en commun avec cette personne morale un actionnaire, un porteur de parts ou un titulaire de droits financiers ou de droits de vote qui dispose directement ou indirectement du nombre le plus élevé de droits de vote dans cette entreprise ou entité juridique et dans cette personne morale ;
« d) Par un partenaire commercial de la personne morale dès lors que les relations entre cette personne morale et ce partenaire sont telles qu’il existe entre eux un lien de dépendance économique.
« 3. – Les dispositions du présent article sont également applicables aux personnes morales définies audit 1 qui sont parties à un ou des accords d’achats groupés tels que définis à l’article L. 462-10 du code de commerce avec des entreprises ou entité juridiques établies à l’étranger.
« 4. – La personne morale mentionnée au même 1, qui exploite des magasins de commerce de détail ou établissements de vente établis en France, est redevable de l’impôt sur les sociétés sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence de liens entre elle et l’entreprise ou l’entité juridique établie à l’étranger au sens des 1 et 2 du présent I, s’il s’agit d’une entreprise ou entité située dans un pays à fiscalité privilégiée au sens de l’article 238 A du présent code ou un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A.
« 5. – Le bénéfice ou les revenus positifs de l’entreprise ou entité juridique mentionné au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l’exercice de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code à l’exception des dispositions prévues à l’article 223 A et à l’article 223 A bis.
« 6. – L’impôt acquitté localement par l’entreprise ou l’entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l’impôt établi en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés.
« 7. – Lorsque les produits ou revenus de l’entreprise ou de l’entité juridique comprennent des dividendes, intérêts ou redevances qui proviennent d’un État ou territoire autre que celui dans lequel l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée, les retenues à la source auxquelles ont donné lieu ces dividendes, intérêts ou redevances sont imputables sur l’impôt sur les sociétés dû par la personne morale établie en France. Cette imputation est toutefois subordonnée à la condition que l’État ou le territoire d’où proviennent ces dividendes, intérêts ou redevances soit la France ou un État ou territoire qui est lié à la France par une convention d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus et qui n’est pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A, auquel cas l’imputation se fait au taux fixé dans la convention.
« II. – Le I du présent article n’est pas applicable :
« – si l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, et,
« – si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entité juridique par la personne morale passible de l’impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.
« III. – En dehors des cas mentionnés au II, le I ne s’applique pas lorsque la personne morale établie en France démontre que les opérations de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
« Cette condition est réputée remplie notamment lorsque l’entreprise ou l’entité juridique établie ou constituée hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l’État de son établissement ou de son siège.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les modalités permettant d’éviter la double imposition des bénéfices ou revenus effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de la personne morale. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.