M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-245 est présenté par Mme Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et Gontard, Mmes Assassi, Benbassa et Cohen, MM. Collombat, Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Watrin.
L’amendement n° II-313 rectifié est présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Puissat, MM. Cardoux et Chaize, Mme Morhet-Richaud, M. Paccaud, Mme Gruny, MM. Paul, Bonhomme, Bouchet, D. Laurent, Gremillet, Karoutchi et Babary, Mmes Imbert et Garriaud-Maylam, MM. Mouiller, Kennel, Pellevat et Leroux, Mme L. Darcos, MM. Pointereau, J.M. Boyer et Piednoir, Mme Deroche, MM. Husson, Rapin, H. Leroy, Perrin, Raison, Charon et Pierre et Mme Lamure.
L’amendement n° II-531 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° II-245.
M. Éric Bocquet. J’ai le plaisir de présenter cet amendement, dont le premier signataire, Cécile Cukierman, ayant des engagements dans son département, a dû nous quitter. Mais je lui ai annoncé la bonne nouvelle de l’adoption, par le Sénat, de son amendement n° II-649, adoption qui va peut-être nous porter chance maintenant…
Nous allons donc parler du Rhône, le département de Cécile Cukierman.
L’article 41 bis résulte de l’adoption d’un amendement déposé en catimini à l’Assemblée nationale par le député de la majorité du Rhône. Au prétexte que la métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier exerçant des compétences élargies, cet article l’exclut du champ de l’article 89 de la loi de finances pour 2016.
En d’autres termes, il permet à la métropole lyonnaise de bénéficier de ressources dynamiques supplémentaires, en modifiant la quote-part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.
La métropole est tout bonnement exemptée de verser à la région Auvergne-Rhône-Alpes 25 % de la CVAE que cette dernière doit percevoir en 2018 au titre de la compensation du transfert de compétences prévue par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe. La disposition lui permet ainsi d’augmenter ses ressources fiscales, au détriment, bien sûr, de la région Auvergne-Rhône-Alpes et crée un principe d’exception.
Le présent amendement vise à rétablir l’égalité républicaine des territoires et des collectivités. Mais notre préoccupation est également d’éviter la création de métropoles à deux vitesses.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° II-313 rectifié.
M. Daniel Gremillet. L’article 41 bis revient sur les conditions de financement, prévues dans la loi NOTRe, du transfert aux régions de la compétence départementale des transports non urbains. Il instaure un traitement spécial, unique en France, pour la seule métropole de Lyon.
Le financement de ce transfert de compétence départementale vers les régions repose sur un transfert de CVAE de tous les départements vers toutes les régions.
Dans un contexte de baisse drastique des dotations aux régions, on mettrait donc en place un régime dérogatoire pour la métropole de Lyon, alors que durant toutes les discussions portant sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le ministre de l’intérieur a répété qu’il convenait d’écarter tout principe d’exception afin de garder une vision d’ensemble.
C’est ce qui motive cette proposition de suppression de l’article 41 bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II-531.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La spécificité régionale proposée à l’article 41 bis n’est manifestement pas liée à un transfert de compétences. Nous avons donc du mal à trouver la justification de cette mesure, qui, en tout cas, entre en contradiction avec la volonté de renforcer l’échelon régional, en lui attribuant des ressources dynamiques – la CVAE en est une.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que la commission des finances souhaite, elle aussi, la suppression de l’article 41 bis. Je le répète, il crée une bizarrerie, est en contradiction avec l’objectif de donner des ressources dynamiques aux régions et n’est justifié par le transfert d’aucune compétence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Comme vous l’imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis du Gouvernement est défavorable. Nous considérons justifié que la métropole de Lyon, en tant que collectivité à statut particulier exerçant des compétences généralement dévolues aux départements, ainsi que des compétences métropolitaines renforcées, bénéficie d’une répartition spécifique de la CVAE.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, et en suivant cette même logique, je pourrais également proposer d’amender l’article au bénéfice de la métropole du Grand Paris, qui exerce aussi des compétences en matière de transports.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Le discours du Président de la République devant l’Association des maires de France a, entre autres éléments, traduit un engagement en faveur de l’expérimentation, avec la volonté que tout ne vienne pas systématiquement d’en haut de manière uniforme. Les rapprochements éventuels entre les collectivités, ici les métropoles et les départements, doivent pouvoir se faire sur une base volontaire.
Je note simplement que sauf explication contraire, la métropole de Lyon se trouve dans une configuration inédite, à ce stade, sur le territoire national. Elle constitue un cas sui generis d’intercommunalité puisqu’elle exerce, en même temps, la compétence du département.
On ne peut pas plaider sans cesse pour une autonomie croissante dans l’organisation des territoires et considérer chaque innovation comme une rupture d’égalité !
Je comprends la remarque de M. Bocquet sur les deux vitesses, mais je ne partage pas son avis. Que l’on mette en œuvre des dispositifs un peu différents sur un territoire, que l’on expérimente, et l’on se fait aussitôt taxer de créer des territoires à deux vitesses. Il y a, dans ce type de discours, une certaine contradiction.
Je sais que la métropolisation du pays suscite des interrogations et des débats. Mais il faut tout de même, quand cela se justifie, en tirer les conséquences en matière d’organisation, notamment financière et administrative.
Il s’agit d’une adaptation locale, préfigurant un dispositif dans lequel une fiscalité un peu plus souple, un peu plus adaptée au territoire pourrait aussi voir le jour, sans que cela, bien sûr, ne s’impose à toutes les autres métropoles ou à toutes les autres collectivités.
Pour répondre à votre argument, monsieur le rapporteur général, on peut faire du cas par cas, évidemment sous réserve d’évolutions éventuelles sur d’autres territoires.
Rien ne nous interdit de tirer, dans le cadre d’une expérimentation, les conséquences d’un cas particulier sur les territoires concernés, sauf à refuser, en réalité, toute expérimentation.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je veux féliciter M. Bargeton et lui dire à quel point la vision à double vitesse du Gouvernement sur l’expérimentation suscite mon admiration. Dans le cas présent, il n’y a pas de problème à expérimenter, mais ce matin, lorsque Françoise Gatel et moi-même défendions un amendement sur le dispositif Pinel, tendant précisément à mettre en place une expérimentation, on nous expliquait que c’était impossible. Je trouve cela pour le moins étonnant !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je voterai bien sûr ces amendements et je m’étonne, au passage, qu’on n’ait pas fait d’exception pour la région d’Île-de-France. Dans celle-ci, certains départements n’exerçant pas la compétence transports se sont tout de même vu prélever leur ressource de CVAE qui leur est rétrocédée sur la base 2016. Ils ont perdu la dynamique de la recette, alors que leurs dépenses, notamment dans le domaine social, elles, sont dynamiques. Soit il y a possibilité d’exception pour tous, soit il n’y en a pour personne !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-245, II-313 rectifié et II-531.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 41 bis est supprimé.
Article additionnel après l’article 41 bis
M. le président. L’amendement n° II-674, présenté par Mme Taillé-Polian et MM. Iacovelli et Roger, est ainsi libellé :
Après l’article 41 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du b du 2 du G du XV de l’article 59 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est supprimé.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. La loi NOTRe a institué, lors de la création de la métropole du Grand Paris, la MGP, une neutralité financière entre les villes, les établissements publics territoriaux – ou EPT – et ladite métropole.
À cette fin, dans le cadre de la relation entre les EPT et la MGP, une dotation d’équilibre a été créée. Sur l’ensemble de la métropole, le montant des dotations d’équilibre atteint 924,6 millions d’euros.
Je ne vais pas rentrer dans le détail du calcul de cette dotation d’équilibre, détail présenté dans l’objet de cet amendement. J’indiquerai simplement qu’un des éléments de ce calcul est la dotation d’intercommunalité perçue par les anciens établissements publics de coopération intercommunale – dits EPCI – en 2015.
Dans son article 59, la loi NOTRe limite aussi dans le temps cette neutralité financière.
Notre amendement tend à supprimer cette limite afin d’assurer la continuité des ressources des EPT.
Il est bon de rappeler que l’équilibre financier de ces établissements doit être assuré par les villes membres, afin de garantir une continuité des services publics qui sont offerts.
Pour l’EPT 12, par exemple, qui regroupe vingt-quatre villes, trois anciens EPCI et 700 000 habitants, cela représente un montant de 14,8 millions d’euros par an. Il y a donc un risque de déséquilibrer le budget pour 2018, qui est en cours d’élaboration.
Tout le monde le sait, une réforme du périmètre de la métropole du Grand Paris est annoncée – on a parlé du mois de janvier. Un nouveau bouleversement institutionnel est donc attendu, qui pourrait toucher jusqu’aux frontières de la région d’Île-de-France.
Dans l’attente de ces annonces, il nous semble raisonnable de ne pas déstabiliser les équilibres existants. Il sera temps, dans le cadre de la réforme annoncée, de les revoir au regard du nouveau périmètre des différentes institutions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce sujet, très complexe, donne toujours lieu à des discussions à l’infini. En 2015, la loi NOTRe a fixé les modalités de financement de la métropole du Grand Paris. Peut-on modifier l’équilibre trouvé alors au détour d’un amendement ? Cela n’a pas paru très raisonnable à la commission, qui est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-674.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 42
I. – Le titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa du III de l’article 244 quater C, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 6 % » ;
2° Les articles 199 ter C et 220 C, le c du 1 de l’article 223 O et l’article 244 quater C sont abrogés.
II. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 1233-57-3 est supprimé ;
4°(nouveau) Le second alinéa du I de l’article L. 2312-25, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, est supprimé ;
5°(nouveau) Le paragraphe 3 de la sous-section 5 de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 précitée, est abrogé.
III. – Le dernier alinéa de l’article L. 172 G du livre des procédures fiscales est supprimé.
IV. – Les III à V de l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 sont abrogés.
V. – A. – Le 1° du I s’applique aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018.
B. – Le 2° du I et les II à IV s’appliquent aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-465, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 199 ter C et 220 C, le c du 1 de l’article 223 O et l’article 244 quater C du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° II-595 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, M. Tissot, Mmes Taillé-Polian et G. Jourda, M. Tourenne, Mme Préville, M. Vaugrenard, Mmes Tocqueville, Conconne et Lepage, MM. Cabanel et Durain, Mmes Ghali et Jasmin, MM. Marie, P. Joly, Jacquin et Mazuir, Mme Harribey, MM. Iacovelli et Courteau, Mme Monier et M. Todeschini, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 244 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les deuxième à dernière phrases du I sont supprimés ;
2° Après le I sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont, dans la limite de 33 % pour les entreprises de moins de 2 000 salariés et 16 % au-delà :
« a) Les dépenses d’innovation et de recherche et développement ;
« b) Les dépenses liées à la constitution et à la protection de brevets et de certificats ;
« c) Les dépenses liées aux 34 plans industriels prioritaires ainsi désignés par le comité de pilotage installé le 14 mars 2014 ;
« d) Les dépenses d’investissement engagées dans les pôles de compétitivité ;
« e) Les dépenses liées aux économies d’énergie et à la diminution de l’empreinte carbone des activités de l’entreprise ;
« f) Les dépenses de formation affectées au compte personnel de formation des salariés ;
« g) Les dépenses de prospection de nouveaux marchés à l’international et les dépenses liées à l’exportation ;
« h) Les dépenses en matière de modernisation des machines-outils.
« L’entreprise retrace dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt conformément aux objectifs mentionnés au premier alinéa du présent I. Les informations relatives à l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité, l’emploi et la recherche doivent figurer, sous la forme d’une description littéraire, en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes. Le crédit d’impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise. Les organismes mentionnés à l’article 207 peuvent également bénéficier du crédit d’impôt mentionné au présent alinéa au titre des rémunérations qu’ils versent à leurs salariés affectés à leurs activités non exonérées d’impôt sur les bénéfices. Ces organismes peuvent également en bénéficier à raison des rémunérations versées aux salariés affectés à leurs activités exonérées après que la Commission européenne a déclaré cette disposition compatible avec le droit de l’Union européenne. » ;
3° À la fin du premier alinéa du III, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».
II. – Le 3° du I est applicable à compter du 1er novembre 2018 sur les impôts au titre de 2017.
III. – Les salariés des entreprises qui bénéficient du crédit d’impôt mentionné au 3° du I, ou leurs représentants, doivent être consultés et informés chaque année de l’utilisation qui est faite de ce crédit d’impôt.
IV. – Un rapport du Parlement au Gouvernement définit les conditions d’une fusion en 2018 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ainsi reconfiguré et du crédit d’impôt recherche dans un crédit d’impôt pour la compétitivité, l’emploi et la recherche.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous souhaiterions, après les prises de parole fortes du Président de la République sur la volonté de renforcer le rôle du Parlement en termes de contrôle et d’évaluation, que l’on puisse prendre en compte, dans le cadre de l’évolution du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, l’évaluation menée sous l’égide de France Stratégie. Dans ce cadre, un comité de suivi assez pluraliste, avec une sélection par appel d’offres de trois équipes de recherche universitaire indépendantes, a été constitué et il a posé, à l’issue de son travail, un certain nombre de conclusions.
Quelles sont ces conclusions ?
À la question de savoir si le CICE a permis de redresser notre balance commerciale, la réponse est non. Les travaux d’évaluation montrent que le dispositif a eu un effet quasi nul sur le volume d’exportations des entreprises déjà exportatrices.
À la question de savoir si le CICE a permis à des entreprises qui n’exportaient pas de s’orienter vers l’exportation, la réponse est aussi négative, avec cette précision, qui mérite d’être entendue : « la décision d’exporter semble peu sensible au coût salarial unitaire ». Autrement dit, la baisse du coût du travail n’influe pas, de façon majeure, sur la compétition internationale.
À la question de savoir si le CICE a eu un impact positif sur les salaires, le comité semble répondre qu’un effet positif n’est constaté que pour les cadres et les professions intellectuelles.
À la question de savoir si les créations d’emplois espérées se sont réalisées, le comité répond en donnant une estimation des créations d’emplois située dans une fourchette allant de 10 000 à 200 000 emplois sur la période 2013-2015. Le chiffre retenu est de 100 000 emplois sauvegardés ou créés sur toute cette période. Dès lors, mes chers collègues, le calcul est facile à faire, et je vous renvoie à nos récents débats sur les contrats aidés !
Pour une fois, madame la secrétaire d’État, que nous avons prévu une procédure d’évaluation au moment du vote de la loi, et alors que tout le monde demande que la mission d’évaluation du Parlement puisse être davantage mise en œuvre, il me semble indispensable de tenir compte des résultats de cette étude.
Cet amendement tend donc, conformément aux conclusions du comité de suivi du CICE, à faire évoluer le dispositif en le conditionnant à des dépenses utiles pour l’emploi, qui amélioreront la compétitivité de nos entreprises et accentueront l’orientation de notre économie vers une économie plus durable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous connaissez la position de la commission des finances sur le sujet, mes chers collègues : celle-ci n’est absolument pas une fanatique du CICE.
Vous savez aussi pourquoi ce dispositif a été mis en place. Disons clairement les choses, ce sont des raisons budgétaires qui ont motivé le choix : il était préférable de prévoir un crédit d’impôt, avec une année de décalage, plutôt qu’une réduction de charges sociales. Preuve en est, il a fallu inventer des mécanismes d’une complexité extrême, comme la mobilisation des créances fiscales par la banque publique d’investissement, Bpifrance.
La majorité sénatoriale partage donc l’idée qu’il est plus simple de prévoir une baisse des charges. Cette solution est tout à la fois plus lisible, directement ciblée sur le coût du travail, et exempte de tous ces problèmes liés à l’éligibilité ou au devenir du dispositif.
Elle est par ailleurs utile du point de vue des comparaisons internationales. La France affichant un coût du travail élevé, une baisse des charges la rendra plus compétitive. Et les comparaisons entre coût du travail et charges sont très simples.
Pour autant, faut-il carrément supprimer le CICE dès 2018 ?
Évidemment, nous ne pouvons pas souscrire à l’amendement n° II-465, car, je le répète pour être précis, nous approuvons le principe d’un basculement du CICE vers une baisse des charges sociales patronales.
L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, je crains que l’adoption de l’amendement n° II-595 rectifié ter, qui vient d’être présenté, ne conduise à une extrême complexification du dispositif. J’y insiste, il est plus simple, beaucoup plus lisible et sans doute beaucoup plus efficace d’avoir une baisse des charges plutôt qu’un CICE conditionné à l’engagement de dépenses relatives à l’innovation, aux économies d’énergie ou à la formation des salariés.
Donc, au lieu de complexifier à l’envi le CICE, en l’assortissant de conditions dont le suivi ne sera pas forcément évident, il vaut mieux le transformer en baisse de charges, et c’est ce qui va être fait.
L’avis de la commission est par conséquent également défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Comme l’a indiqué M. le rapporteur général, la suppression du CICE constitue déjà une mesure centrale, prévue à l’article 42 du projet de loi de finances pour 2018. Conformément à l’engagement du Président de la République, ce dispositif sera remplacé par un allégement de cotisations sociales, qui sera instauré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et permettra d’accroître l’efficacité du soutien accordé aux entreprises.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° II-465.
La proposition avancée à travers l’amendement n° II-595 rectifié ter est, quant à elle, très complexe.
Elle nous semble inaboutie sur un plan juridique. En effet, elle introduit une nouvelle assiette pour les dépenses de recherche et d’innovation, en laissant subsister l’assiette constituée des rémunérations versées aux salariés jusqu’à 2,5 fois le SMIC, sans que les auteurs de l’amendement se préoccupent de savoir si cela n’aboutirait pas à prendre en compte deux fois les mêmes dépenses.
Le Gouvernement considère en outre qu’une fusion entre le CIR et le CICE à terme n’est pas appropriée. Il faut maintenir des outils différents sur les deux types d’objectifs : d’une part, l’abaissement du coût du travail pour les entreprises et, d’autre part, les incitations aux démarches d’innovation et de recherche et développement.
L’avis est donc également défavorable sur l’amendement n° II–595 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce débat est important, mes chers collègues, car il porte sur l’idée qu’on se fait de la compétitivité française et de notre modèle social.
Vous savez qu’à son lancement, le CICE a fait débat dans notre assemblée comme dans l’opinion publique. On nous a alors expliqué que la baisse du supposé « coût » du travail – je n’aime pas ce terme car, pour moi, le travail est une production plus qu’un coût – serait un élément déterminant de notre compétitivité. Force est de constater que tel n’est pas le cas !
Les analyses portant sur la restauration des marges des entreprises montrent que le phénomène a été similaire dans tous les pays de l’Union européenne et qu’il n’est pas lié au mécanisme du CICE. D’ailleurs, certaines entreprises employant très peu de salariés ont récupéré un volume important de marges.
Nous sommes donc face à un mécanisme à propos duquel le comité de suivi, alors que son travail était le rendez-vous promis pour en mesurer l’efficacité, est plus que circonspect. Non seulement chaque création d’emploi est une ruine, mais en plus nous n’avons rien gagné sur le terrain industriel, qui est pourtant un élément déterminant de notre avenir commun.
Nous avons toujours plaidé, et cet amendement s’inscrit dans cette filiation, pour conditionner et cibler les aides.
Nous proposions notamment un ciblage vers les secteurs menacés par l’exportation et la compétition mondiale ou au bénéfice de la réindustrialisation. Quant aux conditions, nous envisagions un certain nombre de critères, d’ailleurs pas nécessairement la création d’emplois. En effet, nous avons conscience que la robotisation, la modernisation de l’outil productif et l’amélioration de notre compétitivité, si elles vont parfois, hélas, à rebours de l’emploi, peuvent être aussi une garantie pour l’avenir.
Le Gouvernement – nous avons déjà eu ce débat – nous explique qu’il envisage de poursuivre la réduction du coût du travail, ayant, au passage, refusé certaines de nos propositions pour soutenir la robotisation et la modernisation de l’outil productif.
Alors, nous ne sommes pas plus royalistes que le roi !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes socialistes !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je l’assume pleinement, monsieur le rapporteur général. L’expression « plus royaliste que le roi » est une formule, comme vous le savez ; il est difficile de dire « plus républicain que la République », car la République n’est jamais atteinte !
En tout cas, nous ne sommes pas sectaires pour ce qui concerne les méthodes, mais nous constatons que les décisions prises finissent par fragiliser le modèle social, sans créer de compétitivité ou accentuer le rayonnement économique.
Par conséquent, nous avons cherché, à travers cet amendement, à recentrer le dispositif sur certains critères, afin de pouvoir dire : oui, certaines entreprises ont besoin d’être aidées, mais pas toutes et pas n’importe comment, en particulier pas sans ciblage, ni contrepartie !