Sommaire
Présidence de Mme Valérie Létard
Secrétaires :
Mme Mireille Jouve, M. Guy-Dominique Kennel.
2. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées
Amendement n° II-237 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Adoption.
Amendement n° II-363 de M. Claude Bérit-Débat. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-445 de Mme Cécile Cukierman. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-364 de M. Claude Bérit-Débat. – Retrait.
Amendement n° II-446 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.
Amendement n° II-365 de M. Claude Bérit-Débat. – Retrait.
Amendement n° II-289 de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Articles additionnels après l’article 51
Amendement n° II-451 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° II-447 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° II-453 de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Amendement n° II-449 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
3. Modification des horaires de la séance du jeudi 14 décembre 2017
4. Communication d’un avis sur un projet de nomination
5. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
M. Fabien Gay ; Mme la présidente ; M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial
Suspension et reprise de la séance
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
7. Loi de finances pour 2018 – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
Cohésion des territoires (suite)
Amendement n° II-475 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° II-575 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-143 rectifié septies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Retrait.
Amendement n° II-190 rectifié de M. Jean-Pierre Moga. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-187 de M. Jean-Pierre Vial. – Non soutenu.
Amendement n° II-437 de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-433 de M. Victorin Lurel. – Adoption.
Amendement n° II-711 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-142 rectifié octies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Retrait.
Amendement n° II-434 de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-11 de Mme Viviane Malet. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-436 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Amendement n° II-717 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-387 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Retrait.
Amendement n° II-384 de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° II-385 de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° II-386 de Mme Annie Guillemot. – Rejet.
Amendement n° II-390 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° II-440 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Retrait.
Amendement n° II-638 de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
Article 52 (précédemment examiné)
Articles additionnels après l’article 52
Amendement n° II-576 de la commission. – Retrait.
Amendement n° II-577 de la commission. – Retrait.
Amendement n° II-578 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-579 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-580 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° II-435 de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 52 quinquies et 52 sexies (nouveaux) – Adoptés.
Article additionnel après l’article 52 sexies
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
8. Communication relative à une commission mixte paritaire
9. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Action et transformation publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite »
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Amendement n° II-233 de la commission. – Adoption par scrutin public n° 38.
Amendement n° II-232 de la commission
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° II-232 de la commission (suite). – Adoption par scrutin public n° 39.
Amendement n° II-231 de la commission. – Retrait.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.
Article 55 ter (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 55 ter
Adoption des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.
action et transformation publiques
Adoption des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
régimes sociaux et de retraite
Adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.
compte d’affectation spéciale : pensions
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Suspension et reprise de la séance
Mme Sophie Primas ; Mme Françoise Gatel ; M. le président.
Engagements financiers de l’état
Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce
Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État
Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux
Remboursements et dégrèvements
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances ; M. le président.
engagements financiers de l’état
Adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
Amendement n° II-45 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – Retrait.
Amendement n° II-636 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-300 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 55 bis
Amendement n° II-137 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° II-438 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation financières de l’État », figurant à l’état D.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 68
Adoption de l’article.
compte de concours financiers : accords monétaires internationaux
Adoption des crédits de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
Adoption des crédits de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
Adoption des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
remboursements et dégrèvements
Amendement n° II-439 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Mireille Jouve,
M. Guy-Dominique Kennel.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général no 108, avis nos 109 à 114).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 50 et 51).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, j’indique d’emblée que la commission des finances vous recommande d’adopter les 2,5 milliards d’euros de crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Cette recommandation ne s’en accompagne pas moins d’un sentiment mitigé suscité par un projet de budget dont les équilibres sont critiquables sur des points cruciaux. J’en mentionnerai quelques-uns.
Première observation : l’effort financier au bénéfice des anciens combattants tend à se déformer dans le sens d’une accentuation de la part des avantages sélectifs aux dépens des prestations à caractère universel. Cette évolution pose un problème d’équité. Elle résulte notamment des dépenses fiscales. Celles-ci pèsent a minima 751 millions d’euros, soit 31 % des crédits de la mission, et devraient s’alourdir mécaniquement compte tenu de la perspective d’une augmentation de la CSG dont se trouvent exonérées plusieurs prestations versées aux anciens combattants.
Deuxième observation : cette accentuation de la sélectivité s’accompagne d’une sous-indexation chronique des interventions financées par la mission, qui renforce l’acuité des interrogations sur la distribution des transferts qu’elle met en œuvre. Le nombre des anciens combattants baisse, de l’ordre de 5 % par an. Les crédits de transferts baissent de 3,1 %, soit un peu moins, mais ce décalage n’est dû qu’à l’extension en année pleine de revalorisations acquises les deux années précédentes. Il faut encore noter l’impact des deux mesures nouvelles formalisées dans les articles rattachés. Toutefois, avec 6,5 millions d’euros, elles ne présentent pas les mêmes enjeux que le choix de ne pas indexer les différentes prestations, qui dégage une économie de plus de 23 millions d’euros.
Ma troisième observation se déduit de la précédente : le projet de budget adresse un signal négatif aux anciens combattants, celui d’une perte régulière de pouvoir d’achat des prestations qui leur sont adressées et, avec elle, celui d’une dévalorisation de la reconnaissance de la Nation envers eux. Le projet de loi de programmation des finances publiques et sa traduction triennale pour les anciens combattants prolongent cette inquiétude légitime. Il faut rapidement corriger cette impression.
Dans ces conditions, et c’est ma quatrième observation, il est indispensable que le filet de sécurité que constitue l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, fonctionne bien. La préservation des moyens en 2018 et la consolidation des bases juridiques des interventions de l’établissement, opérateur de l’État, qui conduit une restructuration à encourager ne compensent pas tout, mais il faut plutôt s’en féliciter. L’engagement de la transformation de l’Institution nationale des Invalides, l’INI, opérateur de l’État, est également un motif de satisfaction.
Ma cinquième observation me conduit à m’interroger sur les moyens de mieux agencer notre politique de reconnaissance envers les anciens combattants. Outre la préoccupation essentielle de ne pas leur imposer une part disproportionnée dans la contribution au rétablissement de nos comptes publics, je crois qu’il conviendrait de réfléchir à l’adéquation entre notre appareil de reconnaissance et la nouvelle sociologie des combattants. La quatrième génération du feu présente en effet des particularités qu’il faudrait mieux prendre en compte. De la même manière, certaines situations individuelles devraient faire l’objet d’améliorations. Il en va ainsi de celle des forces qui protègent notre territoire contre les actions terroristes dans le cadre de l’opération Sentinelle ou encore des aidants des très grands invalides de guerre. Saluons et encourageons aussi les bénévoles qui animent l’indispensable action de mémoire, dont les porte-drapeaux, toujours très dévoués.
J’achèverai ma présentation en relevant, par une dernière observation, que le projet de budget pour 2018, mais également la mission telle qu’elle est programmée pour les années 2018 à 2020 me semblent faire l’impasse sur des éléments importants. Le service universel obligatoire d’un mois qui pourrait remplacer la Journée défense et citoyenneté n’est pas budgété dans la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que la JDC, qui dure un jour, coûte environ 150 millions d’euros au budget de l’État. La réorientation des missions de réparation des spoliations antisémites financées par le programme 158 vers une politique plus proactive consistant à identifier des œuvres spoliées et les ayants droit des réparations afin de lever les parts réservées des indemnisations ne fait l’objet d’aucune traduction dans le projet de budget et pas davantage dans le projet de loi de programmation pluriannuelle.
Moyennant ces observations en guise d’avertissement, je vous confirme la décision de la commission des finances d’adopter les crédits de la mission.
La France a combattu et la France combat. Elle fait son devoir. Le devoir de tous les Français est de marquer leur reconnaissance envers ses anciens combattants, les jeunes et les moins jeunes. Nous veillerons attentivement à ce qu’il en soit mieux ainsi dans les prochaines lois de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union centriste et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je me substitue ce matin à Bruno Gilles, dont l’état de santé s’améliore chaque jour un peu plus. Les propos que je vais tenir sont donc les siens, madame la secrétaire d’État.
La commission des affaires sociales a émis, la semaine dernière, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Pour autant, même si elle a apprécié les échanges qu’elle a pu avoir avec vous, madame la secrétaire d’État, elle ne peut se satisfaire d’enregistrer purement et simplement le lien mécanique entre le déclin démographique des anciens combattants et le recul du budget.
Chaque année, nous constatons que les anciens combattants de la guerre d’Algérie vieillissent, tandis que les jeunes anciens des opérations extérieures, les OPEX, restent peu nombreux. En 2018, les effectifs des anciens combattants diminuent de près de 5 % et les crédits de la mission, de 3 %. Nous pensons qu’une partie de la substantielle économie réalisée, qui s’élève à 76 millions d’euros, aurait pu être mise à profit pour corriger certaines des iniquités qui persistent dans l’application du droit à réparation. M. Bruno Gilles en a identifié deux dans son rapport, liées à la guerre d’Algérie.
Il y a, tout d’abord, la question de l’attribution de la carte du combattant pour quatre mois de service en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Alors que 627 d’entre eux y ont été reconnus « morts pour la France », comment est-il possible de refuser la qualité de combattant aux hommes qui ont servi durant cette période ?
Il n’est pas ici question d’ouvrir un débat historique sur la guerre d’Algérie ou de venir perturber les relations entre nos deux pays. Au contraire, il faut plutôt considérer qu’il s’agissait là d’une opération extérieure. Le coût de cette mesure serait de l’ordre de 18 millions d’euros par an ; elle pourrait donc être financée dans le projet de loi de finances pour 2019.
Il convient aussi de mettre un terme à l’injustice dont sont victimes les anciens supplétifs de statut civil de droit commun, ces pieds-noirs qui ont servi dans les harkas et les autres formations supplétives sans que leur engagement soit reconnu jusqu’à ce jour.
Ainsi, le législateur leur a toujours refusé le bénéfice de l’allocation de reconnaissance. Une décision du Conseil constitutionnel leur avait pourtant temporairement donné satisfaction, mais l’administration n’a pas accédé à leurs demandes. Environ 70 personnes seraient concernées, ce qui représente un coût, minime, de 260 000 euros par an. Il faut agir dès cette année, madame la secrétaire d’État, en faveur de ces femmes et de ces hommes, qui vivent souvent dans une situation précaire. C’est l’objet d’un amendement de Bruno Gilles que je vous présenterai dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite aujourd’hui porter la voix des associations représentatives du monde combattant, qui ont toute ma considération et dont j’ai eu plaisir à auditionner les représentants locaux, ces dernières semaines, dans mon département, le Calvados.
Je débuterai mon intervention en soulignant combien ces associations regrettent l’absence d’un secrétariat d’État chargé spécifiquement des anciens combattants et de la mémoire au sein de l’actuel gouvernement.
Le monde associatif représentatif des anciens combattants et des victimes de guerre s’inquiète d’une telle absence. Ces associations estiment très justement que, moralement et symboliquement, les anciens combattants sont un facteur essentiel, aussi bien pour la transmission de la mémoire que pour le bon déroulement des cérémonies patriotiques. Elles estiment également que, pour l’opinion publique, il eût été indispensable que la liste des membres du Gouvernement fasse état, clairement et lisiblement, de leur existence à travers l’affectation d’une personne dédiée à cette fonction spécifique.
Indispensable aussi pour le devoir de mémoire, afin que certains événements historiques tragiques ne se reproduisent plus ; mémoire pour toutes ces victimes, tous ces soldats morts ou blessés pour la France. Jamais les citoyens français ne doivent oublier les sacrifices consentis par leurs aînés hier et par leurs pairs aujourd’hui pour assurer notre droit à vivre libres, égaux et dans la fraternité.
Ce budget 2018 des anciens combattants, de la mémoire et du lien armée-Nation au travers de la jeunesse s’établit à 2,46 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2017. Chaque année, le ministère justifie ces reculs par la diminution du nombre d’anciens combattants. Je note, surtout, que ces réductions budgétaires aboutissent à ce que les différentes générations du feu ne soient toujours pas traitées de la même manière.
Bien sûr, le groupe socialiste et républicain a parfaitement conscience qu’il n’est, hélas, pas possible, dans un contexte budgétaire contraint, de remédier à court terme à toutes les inégalités que subissent nos concitoyens. Néanmoins, nous tenons à souligner que les injustices dont nous débattons aujourd’hui pénalisent depuis des années, voire des décennies, ceux qui, ayant consacré leur vie à la Nation, méritent pourtant des réponses claires.
Nous regrettons tout particulièrement que la hausse du point de retraite, confirmée pour septembre dernier – et qui était une décision du Gouvernement précédent – ne soit pas pérennisée, que rien ne soit prévu pour 2018, alors que cette retraite est modeste puisqu’elle s’élève, je le rappelle, à environ 750 euros.
Plus globalement, nous déplorons un manque d’anticipation. En effet, au-delà de la baisse des effectifs des bénéficiaires des crédits discutés aujourd’hui, l’extension, par exemple, depuis le 1er octobre 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à une OPEX pendant au moins 120 jours va nécessairement engendrer une augmentation légitime du budget, particulièrement quand ces bénéficiaires arriveront à l’âge de la retraite. Rien, dans ce budget, ne semble anticiper cette évolution, ce qui confirme notre crainte d’un effet de ciseaux entre l’entrée de ces nouveaux bénéficiaires et la baisse continue du budget des anciens combattants, obérant la capacité des gouvernements successifs à faire des propositions nouvelles, voire à tenir des engagements pris.
De même, certains sujets auraient mérité de trouver une issue favorable en cette année 2018. Je pense en particulier à l’attribution de la carte du combattant à ceux qui, ayant séjourné en Algérie entre juillet 1962 et 1964, attendent depuis cinquante ans d’être enfin reconnus par la Nation.
Je citerai également le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » entre 1939 et 1945. Je regrette d’ailleurs, je me permets de le souligner, que nous ne puissions discuter aujourd’hui d’un amendement que j’avais déposé, déclaré irrecevable, visant à établir un rapport permettant d’évaluer le coût d’une telle indemnisation.
Je citerai encore l’extension de la campagne double, à attribuer en fonction du temps passé sur un théâtre de guerre et non plus en fonction des actions de guerre, ou encore l’assouplissement du dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire, de façon à en faire bénéficier toutes les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge du décès du conjoint. J’ai été particulièrement alertée par la situation financière de nombreuses veuves, qui subissent une chute de revenus importante après le décès de leur mari, au point, pour certaines d’entre elles, de se retrouver dans un extrême dénuement. Cela n’est pas acceptable.
Je souhaite aussi me faire l’écho des inquiétudes qui s’expriment à propos du budget de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui se veut constant alors que ses missions s’élargissent et qu’un grand nombre d’anciens combattants ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté. L’ONAC-VG doit aujourd’hui accompagner des publics nouveaux, aux demandes plus importantes. De même, si l’Office poursuit sa modernisation, celle-ci doit se faire en préservant les indispensables liens de proximité tissés avec les bénéficiaires et les associations locales représentatives du monde combattant.
L’année 2018 devrait être une année de réflexion sur l’évolution stratégique de l’ONAC-VG qui préparera le contrat d’objectifs et de performance entrant en vigueur en 2019. Il nous paraît essentiel de consolider le réseau territorial actuel. Autrement dit, malgré l’émergence de grandes régions, tout doit être fait, dans les années à venir, pour conserver le maillage départemental de l’ONAC-VG et mieux harmoniser les pratiques entre territoires.
Alors, bien sûr, il y a aussi des points positifs dans ce budget. Je note, en lien avec le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, la hausse de près de 25 % des moyens dédiés à la politique de mémoire : 8 millions d’euros seront versés à la mission du centenaire et plus de 10 millions d’euros seront consacrés à l’entretien et à la rénovation des sépultures, et ce en lien avec le projet d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité des sites funéraires et mémoriels de la Grande Guerre.
Je pense également aux articles 50 et 51 du projet de loi de finances, rattachés à cette mission. Le premier prévoit une revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance versée aux harkis, ainsi que de l’allocation viagère en faveur de leurs conjoints survivants. À cela s’ajoute, avec l’article 51, une mesure d’équité permettant le calcul des pensions d’invalidité et des pensions de réversion antérieures à 1962 au taux du grade, et non plus au taux forfaitaire du soldat.
Avec ces deux articles rattachés, les choses vont dans le bon sens, mais doivent toutefois être relativisées au regard du faible nombre de personnes concernées.
Loin de toute polémique, ce qui ne serait pas à la hauteur du monde combattant, et malgré quelques regrets et réserves, madame la secrétaire d’État, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités, voteront les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », afin de soutenir les quelques avancées de ce budget et de témoigner de notre profond respect envers ceux qui ont tant donné à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cœur des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, je rends ici hommage à nos militaires vétérans et à leurs familles pour les sacrifices consentis à la défense de la France, sur son sol et ailleurs. La patrie se doit de leur montrer sa reconnaissance.
Dans cette optique, je salue la décision du Gouvernement de stabiliser les crédits et les emplois de cette mission, la diminution de l’ordre de 3 % des crédits s’expliquant en partie par la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires des différents dispositifs.
Le programme 167 est en hausse de 4,5 millions d’euros. La croissance importante du budget en faveur de la mémoire pour l’année 2018 est une nécessité pour faire du centenaire de la Grande Guerre un événement de rassemblement national et de souvenir collectif majeur. La fin du cycle des commémorations de 14-18 doit être l’occasion de remettre au centre de notre politique la transmission à notre jeunesse d’une pédagogie renouvelée sur notre politique de défense, et c’est ce qui apparaît dans ce budget.
Le programme 169 est, quant à lui, en baisse de 80,6 millions d’euros. Cette tendance est confirmée par le projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022. La décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires ne prend pas en compte des mesures qui auront une incidence budgétaire à moyen terme, comme l’extension, depuis le 1er octobre 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à une OPEX pendant au moins 120 jours.
Alors, que retenir principalement de ce budget ?
L’augmentation de deux points de la retraite du combattant représente un effort qui était nécessaire.
Le budget de l’action sociale de l’ONAC-VG, maintenu à 26,4 millions d’euros, permettra de soutenir les anciens combattants, conjoints survivants, la quatrième génération du feu et les victimes d’actes de terrorisme.
Nous nous réjouissons également de l’investissement sur cinq ans de 50 millions d’euros de rénovation des bâtiments de l’Institution nationale des Invalides. Nous saluons les initiatives concernant l’entretien et la valorisation des monuments et hauts lieux de la mémoire nationale et le tourisme mémoriel.
Nous approuvons les mesures prises pour corriger des inégalités connues de longue date, comme la revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance versée aux harkis et l’alignement des pensions militaires d’invalidité.
Malgré ces mesures attendues et justes, quelques interrogations demeurent. Je pense notamment à la carte « 62-64 » qui n’est toujours pas accordée aux anciens combattants d’Algérie restés après les accords d’Évian. Qu’attendons-nous pour réparer cette injustice ?
Je pense encore à la révision de l’indemnisation des pupilles de la Nation dont les parents sont morts pour la France durant la Seconde Guerre mondiale, ou bien à la revalorisation de la pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre.
Je pense également à la situation des supplétifs de statut civil de droit commun. Il est regrettable que certains aient vu leurs droits reconnus en justice quand d’autres ont été déboutés pour des questions de forme. Il s’agit de mettre fin à une rupture d’égalité qui a d’ailleurs été dénoncée par le Conseil constitutionnel et qui ne devrait pas avoir d’incidence financière importante au regard du nombre peu élevé de personnes concernées, soit 150.
Ce budget, madame la secrétaire d’État, est satisfaisant malgré la baisse des crédits. Il conforte les dispositifs de reconnaissance et de réparation, et corrige plusieurs inégalités, même si certaines demeurent. Il accompagne, par des crédits supplémentaires, le cycle du centenaire et la modernisation des opérateurs du monde combattant, et ce dans un contexte de réduction du déficit public, nous en sommes tous conscients.
Nous prenons acte des efforts engagés et espérons que d’autres avancées nécessaires, dont celles que je viens d’évoquer, verront le jour au cours de la législature, pour le respect, la dignité et la reconnaissance que nous devons aux combattants et à leurs familles.
Tous ces éléments vont dans le bon sens et, pour cela, madame la secrétaire d’État, mon groupe votera ces crédits.
Néanmoins, dans cette mission plus que dans toute autre, il s’agit, au fond, de réfléchir à ce qui fait de nous une Nation, aux valeurs qui justifient le combat, les blessures, le sacrifice ultime de nos soldats. Comme le disait très justement Simone Veil : « Je n’aime pas l’expression de devoir de mémoire. Le seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, cher Marc, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le budget 2018 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Le budget total de cette mission, pour 2018, s’élève à 2,46 milliards d’euros.
Ce budget, vous le savez, traduit la reconnaissance et la solidarité de la Nation à l’égard des anciens combattants. Il témoigne non seulement de l’hommage rendu par la Nation à ceux qui lui ont sacrifié une part d’eux-mêmes, mais aussi de la volonté de l’État de transmettre la mémoire de notre histoire et d’affermir les liens entre la Nation et son armée.
Ce budget préserve et consolide intégralement les droits des anciens combattants, dans la mesure où l’ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux est maintenu.
Ce budget comprend deux mesures nouvelles, qui répondent à des impératifs d’équité et d’amélioration des dispositifs en vigueur : l’article 50, tout d’abord, qui prévoit une revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance et de la rente viagère versées aux anciens membres des formations supplétives ; l’article 51, ensuite, qui instaure, à compter du 1er janvier 2018, un alignement des pensions militaires au taux du grade, corrigeant une inégalité de traitement entre les titulaires de ces pensions.
Alors que le centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis a été commémoré en 2017, l’année 2018 marquera la fin du cycle mémoriel consacré au centenaire de la Grande Guerre.
Le budget de la politique mémoire a été largement augmenté. À cet égard, je tiens à saluer l’initiative du Gouvernement d’accroître de 5,3 millions d’euros le budget consacré aux commémorations de la Grande Guerre, afin de permettre aux opérateurs d’organiser toutes les cérémonies prévues à ce titre. Le représentant de la Meuse que je suis y est très sensible, et je pense que les élus de mon territoire, au regard de l’historique bataille de Verdun, le seront aussi.
Par ailleurs, je me réjouis de l’affectation de 11,2 millions d’euros à l’entretien, à la rénovation et à la valorisation de nos monuments et lieux de mémoire.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » joue aujourd’hui un rôle essentiel, permettant la réconciliation de différentes générations autour de notre bien commun : la Nation et son histoire.
Ce budget est marqué par le souci de la transmission de la mémoire, notamment à la jeunesse. Elle est, à mon sens, primordiale. Bien menée, elle permet aux jeunes de s’approprier leur histoire, tout en associant les différentes générations de Français autour de la Nation.
Une réflexion doit être menée afin de rendre le devoir de mémoire plus audible pour les jeunes générations. Il faut donner une nouvelle dimension, une nouvelle dynamique aux activités destinées à pérenniser le devoir de mémoire. La direction du patrimoine, de la mémoire et des archives me semble être la structure la plus à même de remplir cette mission.
Pour terminer, je souhaiterais m’attarder quelques instants sur les perspectives d’avenir du monde combattant contemporain. Celui-ci regroupe les Français et les personnels des anciennes colonies ayant participé à la Seconde Guerre mondiale, aux guerres d’Indochine et d’Afrique du Nord, mais également aux opérations extérieures. Il est également composé des victimes de guerre et du terrorisme.
Aujourd’hui, la génération des opérations extérieures n’adhère que trop faiblement au monde combattant. À moyen terme, il serait important que ces combattants intègrent les associations patriotiques et le monde combattant, afin que les actions de reconnaissance ne se limitent pas aux acquis des générations précédentes. En effet, les participants aux opérations extérieures, les victimes de guerre et du terrorisme sont les représentants du monde combattant contemporain.
Pour préparer l’avenir, des mesures doivent être prises. Je pense notamment aux soldats engagés en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 pour assurer le transfert de nos installations. Pour cette période, ils ne pouvaient plus bénéficier du statut d’ancien combattant puisque le conflit était achevé, et le système d’attribution au titre des opérations extérieures n’a été créé que postérieurement.
Il serait souhaitable qu’ils puissent obtenir la carte du combattant et la croix du combattant, au même titre que les forces engagées dans les OPEX, et qu’ils puissent ainsi bénéficier de la retraite du combattant, sans effet rétroactif – je ne demande pas l’impossible !
Madame la secrétaire d’État, il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur le sujet, afin de combler le vide juridique sur ce dossier et d’attribuer à ces hommes la reconnaissance qu’ils méritent.
Pour conclure, Verdun étant le symbole de la Première Guerre mondiale, l’inscription de ce champ de bataille au patrimoine de l’UNESCO serait à mon sens le plus parfait des aboutissements du centenaire de cette guerre.
Le groupe du RDSE soutient l’action du Gouvernement et votera en faveur de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, cette première mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du quinquennat tient la double promesse du Gouvernement de maîtriser les finances publiques tout en renforçant les dispositifs et les projets de cette mission, avec un budget de 2,46 milliards d’euros.
Des trois programmes qui composent la mission, le troisième, le programme 158, relève de la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et rassemble trois dispositifs en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Son budget de 100,8 millions d’euros, inchangé par rapport à 2017, est consacré, pour 46,4 millions d’euros, à l’indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes spoliées par les législations antisémites de l’Occupation et, pour 54,3 millions d’euros, à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
Le programme 169, quant à lui, concentre la quasi-totalité des crédits de la mission, avec 2,32 milliards d’euros. La baisse de 3,3 % en autorisations d’engagement pour 2018 est le reflet d’une diminution progressive du nombre des bénéficiaires des différents dispositifs, malgré l’arrivée de la quatrième génération du feu, avec les combattants des opérations extérieures.
Pour autant, plusieurs des prestations ont été ou vont être revalorisées au profit des anciens combattants.
Tout d’abord, la hausse de deux points de la retraite du combattant est entrée en vigueur le 1er septembre 2017. En 2018, pour porter la retraite annuelle à 750 euros, 30 millions d’euros seront consacrés à cette fin.
Le présent projet de loi de finances contient également une nouvelle mesure de calcul des pensions de réversion des conjoints de militaires rayés des contrôles avant le 3 août 1962. Le calcul se fera désormais sur la base du grade, pour un coût de 6 millions d’euros.
Enfin, une mesure spécifique du budget pour 2018 revalorise de 100 euros les deux allocations versées aux anciens membres des formations supplétives, allocations qui progresseront respectivement de 4,2 % et 5,5 %. Cette mesure est un renforcement bienvenu de la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis et de leurs familles.
Le programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », rassemble les crédits consacrés à la mémoire combattante et ceux qui sont dédiés au lien entre l’armée et la Nation.
La forte progression des crédits de ce programme correspond à la dernière année du cycle mémoriel du centenaire de la Première Guerre mondiale, notamment la commémoration du 11 Novembre, qui donnera lieu à une cérémonie internationale : 8 millions d’euros seront versés à la Mission du centenaire.
De plus, une enveloppe de 12,4 millions d’euros sera consacrée à la valorisation du patrimoine de mémoire, des sépultures et hauts lieux de la mémoire nationale. Le développement du tourisme de mémoire, qui connaît un regain avec le centenaire, doit bien entendu être poursuivi, notamment avec l’implication des collectivités locales.
L’année 2018 sera également une année importante pour la stratégie ministérielle globale en direction des jeunes. La direction du service national et de la jeunesse est désormais chargée de coordonner l’ensemble des actions du ministère liées à la politique du service national, à l’insertion et à la lutte contre les exclusions. Elle disposera d’un budget de 14,6 millions d’euros.
Chaque année, 800 000 jeunes participent à la journée défense et citoyenneté, ou JDC, un jalon essentiel de leur parcours citoyen. La JDC leur apporte une information sur les enjeux de la sécurité nationale, mais représente également une opportunité de prolonger cette prise de conscience par diverses formes d’engagement, de la réserve opérationnelle au service civique. Fidèle à sa mission de cohésion sociale, la JDC permet aussi de repérer et d’apporter un soutien ciblé aux jeunes décrocheurs, qui peuvent se voir proposer de rejoindre un centre de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, ou le service militaire volontaire, dont les premiers résultats prometteurs justifient pleinement la reconduction jusqu’au 31 décembre 2018.
Pour approfondir et renforcer encore le lien entre les jeunes Français et les armées, le Président de la République souhaite la création d’un service national universel. La réflexion en cours permettra d’associer toutes les parties prenantes de la communauté nationale, tant il est vrai que le ministre des armées ne peut, seul, porter ce projet structurant.
Madame la secrétaire d’État, les crédits de cette mission montrent que 2018 sera une année charnière, avec de nombreux projets en cours que vous nous avez exposés avec beaucoup de clarté lors de votre audition par la commission des affaires sociales. Je vous remercie sincèrement de la qualité de votre écoute.
C’est là une heureuse marque de fabrique de l’action conduite par le Gouvernement et sa majorité, sous l’impulsion du chef de l’État.
Le groupe La République En Marche votera ces crédits, bien entendu, et vous accompagnera sur le chemin des réformes à venir, madame la secrétaire d’État. À titre plus personnel, je vous remercie d’être venue à la commémoration au Hartmannswillerkopf, par un grand froid, et espère vous accueillir de nouveau l’année prochaine, mais cette fois sous un beau soleil… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toutes choses, je souhaite dénoncer les pratiques déshonorantes des différents gouvernements, y compris de celui qui est en place actuellement, qui visent à spéculer sur la baisse démographique, et donc sur la mort de ceux qui ont combattu pour la France, de ces femmes et de ces hommes à qui nous devons beaucoup.
Nous ne pouvons parler des anciens combattants sans regretter la suppression du secrétariat d’État qui leur était dédié. Cette décision en dit long sur la place qu’occupent ces femmes et ces hommes dans l’esprit du Gouvernement et du Président de la République.
Aujourd’hui, la réalité est là : les anciens combattants ne sont plus qu’un dossier parmi d’autres au ministère des armées, et l’on continue de faire des économies sur le dos de personnes qui ont tant donné !
La baisse constante du budget depuis plus de dix ans ne permet pas de répondre aux demandes récurrentes et au droit à réparation du monde combattant.
Les iniquités et les frustrations persistent, mais nous considérons, au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qu’elles peuvent être résolues par des chiffrages actualisés et précis, surtout s’ils sont suivis d’une concertation tripartite entre le Gouvernement, les parlementaires et les associations d’anciens combattants, concertation ardemment demandée par ces associations.
Évidemment, nous pouvons nous féliciter de la revalorisation de la pension versée aux harkis, forces supplétives de l’armée française lors de la guerre d’Algérie. Cette revalorisation ne peut toutefois cacher les manques de ce budget.
On relève ainsi des injustices entre les différentes générations d’anciens combattants. Pourtant, comme l’a très bien souligné mon collègue André Chassaigne à l’Assemblée nationale, « celui qui a combattu a combattu, celui qui est mort est mort, et l’on ne doit pas faire de différence ». Or, aujourd’hui, les coupes budgétaires de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’expliquent par une différenciation entre ces derniers.
Pouvons-nous évoquer l’urgence d’une concertation sur la prise en charge des pupilles de la Nation dont les parents sont morts pour la France, sur la revalorisation de la pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre, ou encore sur la demande des harkis de souche européenne de bénéficier de l’allocation de reconnaissance, en dépit du refus réitéré opposé par le Conseil constitutionnel ?
Pouvons-nous également évoquer l’inquiétude qui plane sur le budget de l’ONAC, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ? Cet organisme conserve un budget semblable aux années précédentes, alors qu’il se voit confier de plus en plus de missions, notamment celle de l’assistance aux victimes de terrorisme.
Pouvons-nous aussi évoquer le fait que le statut d’ancien combattant ne soit toujours pas accordé aux militaires français déployés en Algérie entre 1962 et 1964 ? Ceux qui ont perdu la vie pendant cette période ont droit à l’appellation « mort pour la France », les autres à un titre de reconnaissance de la Nation, et si l’État français accorde ce titre, c’est bien qu’il reconnaît le climat de dangerosité qui régnait en ces temps en ce lieu.
Comment peut-on imaginer que celui qui est arrivé sur place le 1er juillet 1962 obtienne la carte du combattant, mais pas celui qui est arrivé le 3 juillet 1962, alors que ces deux militaires se trouvaient dans le même peloton et y ont effectué, ensemble, les mêmes missions, les mêmes jours, aux mêmes horaires ?
L’excuse selon laquelle la guerre a pris fin le 2 juillet 1962 n’est pas justifiable.
Aussi, je veux maintenant aborder le sujet des psychotraumatismes, notamment des troubles différés, dont souffrent des milliers de combattants et d’anciens combattants qui ont survécu, et qui vivent dans une insupportable détresse. Aujourd’hui, rien n’est prévu pour prendre en charge ces blessures morales. Il n’existe aucune structure de proximité, aucun expert… Nous devons donc travailler à l’élaboration d’une loi qui permette réparation, mais qui permette aussi d’éviter que de tels troubles et de tels désordres ne puissent se reproduire.
Enfin, j’aurai un mot pour les veuves, des femmes qui ont eu la douleur, mais apparemment aussi le tort de perdre leur mari avant que ce dernier atteigne l’âge de 74 ans, puisqu’elles sont privées de la demi-part fiscale… Sommes-nous conscients que cette décision est une double peine ?
Je pense aussi aux veuves de grands invalides qui, du fait de l’état de dépendance de leur époux, se sont consacrées à lui en permanence au détriment d’une carrière professionnelle et qui, au décès de ce dernier, n’ont pu bénéficier que d’une très modeste pension de réversion. Nous devons agir à leur égard.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la liste des inquiétudes est encore longue…
Face à cette situation, l’État a le devoir de ne pas se défiler, car il est de son ressort qu’il n’y ait aucun oublié de la République.
Je terminerai mon intervention en disant que le présent projet de loi de finances va creuser davantage les inégalités, car la baisse du budget des anciens combattants accompagne aussi la baisse des APL et la hausse brutale de la CSG, des dispositions qui vont impacter durement nos retraités dans les années à venir, y compris les retraités victimes de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, j’ai en cet instant une pensée particulière pour M. le rapporteur pour avis, Bruno Gilles.
Cela dit, ce débat est un moment fort de nos discussions sur le projet de loi de finances et présente, en somme, des enjeux majeurs. En effet, il constitue une étape importante qui traduit l’engagement de la France vis-à-vis de son passé, mais aussi, dans un certain sens, de son avenir.
Car, au fond, c’est bien de cela qu’il est question aujourd’hui : la reconnaissance de la Nation pour ses combattants, toutes générations confondues, et la transmission de ce témoin de l’Histoire aux générations futures.
Comme le dit si bien cette formule faisant référence à Simone Veil, à qui je veux rendre hommage : « Transmettre la mémoire de l’Histoire, c’est apprendre à se forger un esprit critique et une conscience ».
Alors, tout d’abord, je ne vous cacherai pas notre déception concernant ce texte. La volonté est là, mais les moyens déployés demeurent en deçà des objectifs fixés.
Année après année, majorité après majorité, les gouvernements successifs s’entêtent dans la baisse des crédits alloués à cette mission, pourtant si fondamentale.
Ainsi, le budget pour 2018 s’établit à 2,46 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3,1 %. Si l’on en croit la loi de programmation des finances publiques, la baisse cumulée sera de 11,4 % en 2020.
Cette situation est inacceptable pour nos combattants d’hier et d’aujourd’hui, leurs conjoints et leurs descendants. Ces soldats ont participé à l’effort de guerre en payant parfois un lourd tribut. Ils méritent donc plus de considération et ne doivent pas être une simple variable d’ajustement des comptes publics.
Alors, si cette baisse dégage des économies pour l’État, elle n’en est pas moins ressentie comme un renoncement, voire une résignation.
C’est notamment le cas pour le programme 169, destiné à la reconnaissance et à la réparation en faveur du monde combattant. Ses crédits diminuent eux aussi de 3,4 %.
Cette évolution peut s’expliquer par la réduction du nombre de bénéficiaires. Nous entendons et comprenons cet argument. Toutefois, la dynamique démographique ne justifie pas tout.
En effet, les défis à relever sont multiples, et les demandes nombreuses.
Conscients de ce changement, nous vous demandons, non pas d’augmenter ces crédits, mais de les maintenir à leur niveau actuel.
Pour ainsi dire, nous regrettons l’absence de mesures fortes.
Comme l’indique le rapporteur pour avis dans son rapport, ce budget « ne corrige en aucun cas les insuffisances du droit à réparation et les inégalités que son application engendre. » Nous aurions aimé que des solutions soient apportées aux pertes de pouvoir d’achat.
Si l’extension en année pleine de la revalorisation de la retraite du combattant s’inscrit dans le bon sens – nous tenons à le souligner –, les mesures demeurent encore trop insuffisantes.
Par ailleurs, je veux attirer votre attention sur deux sujets importants, relayés par de nombreuses associations.
Le premier concerne l’attribution du titre de reconnaissance de la Nation pour les personnels engagés dans l’opération Sentinelle. Ces femmes et ces hommes exercent leur devoir dans des conditions difficiles, parfois même déplorables : temps de repos, hébergement, logistique, problèmes de matériel, etc. Nous ne pouvons pas rester insensibles à cette situation.
Ces héros de la République risquent chaque jour leur vie et sont régulièrement la cible de fanatiques. Par conséquent, il serait souhaitable de les considérer comme des combattants à part entière et, de manière générale, de revoir ce dispositif pour les missions intérieures.
Le second sujet concerne l’octroi de la carte du combattant au titre d’une OPEX pour les opérations de sécurité conduites sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962, en application des accords d’Évian. Il s’agit non pas de travestir l’Histoire, mais de rétablir des faits.
Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée en ce sens à l’Assemblée nationale, en 2012, par… M. Gérald Darmanin. Nous comptons donc sur le Gouvernement pour pallier cette injustice.
N’attendons pas qu’il n’y ait plus d’anciens combattants pour prendre en considération ce qu’ils demandent depuis tant d’années !
Aussi, nous saluons le choix fait d’augmenter les crédits pour la politique de mémoire.
Les différentes commémorations prévues, notamment celles qui sont liées à la Première Guerre mondiale, témoignent de cette volonté forte de nos institutions de renforcer les liens entre les citoyens et les armées. Nous nous en réjouissons.
La quatrième génération du feu sera également mise à l’honneur, notamment lors du quarantième anniversaire de la force intérimaire des Nations unies au Liban.
L’actualité au Proche-Orient nous rappelle l’importance de l’amitié franco-libanaise, mais aussi le rôle déterminant de notre pays dans le concert des nations.
Par ailleurs, nous rejoignons l’avis du rapporteur spécial sur l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle mérite en effet de « recevoir un nouvel élan ».
Concernant la journée défense et citoyenneté, il paraît nécessaire de la recentrer sur sa vocation première : l’esprit de défense.
L’impact financier du service national universel changera considérablement les choses. C’est une mesure attendue, qui, j’en suis sûre, fera l’objet d’un débat parlementaire à la fois riche et constructif. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’intervenir sur ce sujet dès le mois de janvier 2018.
Pour terminer, nous soutenons le Gouvernement s’agissant des deux articles rattachés.
La revalorisation de 100 euros des deux allocations versées aux anciens membres des formations supplétives et l’harmonisation des pensions militaires d’invalidité versées aux ayants droit des militaires rayés des contrôles avant le 3 août 1962 constituent une évolution positive.
À ce propos, le temps est venu d’ouvrir un débat apaisé, de mettre enfin des mots sur une période difficile, complexe et si douloureuse pour nos compatriotes harkis. Ils ont connu les pires atrocités ; nous aspirons pour eux à plus de justice et de reconnaissance.
Par conséquent, le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de la présente mission. En effet, voter contre consisterait à s’opposer aux avancées contenues dans ce projet de loi de finances. Nous refusons cette hypothèse.
En revanche, nous rappelons au Gouvernement la nécessité d’aller plus loin, et nous l’invitons à ne pas relâcher les efforts.
Surtout, derrière les chiffres et les discussions budgétaires se cachent avant tout des noms, des visages et des vies consacrées. Ne les oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, honorer nos combattants, honorer leur engagement, honorer leur mémoire, nous le faisons lors des différentes manifestations patriotiques et des remises de décorations. Mais nous ne devons surtout pas oublier de le faire aussi chaque année à l’occasion de l’examen du budget des anciens combattants, pour respecter le droit à la reconnaissance et à la réparation.
Madame la secrétaire d’État, les budgets des anciens combattants se suivent et se ressemblent. Ils sont en baisse régulière. La diminution pour 2018, de l’ordre de 3 %, est une nouvelle fois justifiée par la baisse naturelle des bénéficiaires, mais surtout par la rigueur budgétaire. Nos anciens combattants doivent-ils subir et être l’otage de la rigueur budgétaire ? Personnellement, je ne le pense pas.
Il est vrai que, une fois de plus, vous n’avez pu obtenir de Bercy le bénéfice d’un budget constant. Si tel avait été le cas, cela vous aurait permis de prendre en compte les principales revendications maintes fois soulevées depuis plusieurs années par le monde des anciens combattants.
Dans ce contexte budgétaire difficile, vous avez tenu à maintenir l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation.
Vous avez également tenu à honorer les engagements pris par le précédent gouvernement en finançant, en année pleine, l’augmentation de la retraite décidée l’année dernière.
Vous avez aussi tenu à prévoir dans le budget les crédits nécessaires pour marquer les événements qui vont clore le cycle mémoriel du centenaire.
Vous avez enfin tenu à mettre en œuvre plusieurs mesures nouvelles : l’harmonisation des pensions de réversion des conjoints de militaires, la revalorisation des droits des anciens membres des forces supplétives, l’amélioration des dispositifs de réparation en faveur des harkis.
Malgré ces mesures appréciées du monde des anciens combattants, il reste encore plusieurs dossiers qui sont souvent évoqués lors des rencontres avec les représentants de ces derniers.
Ce fut le cas récemment lorsque les membres de l’Union départementale des associations de combattants, l’UDAC, des Deux-Sèvres a réuni les parlementaires du département. Philippe Mouiller et moi-même avons entendu leurs requêtes maintes fois réitérées depuis plusieurs décennies.
M. Philippe Mouiller. C’est vrai !
M. Jean-Marie Morisset. Ils demandent depuis longtemps que la valeur du point servant de calcul à plusieurs dispositifs, et déterminée selon le rapport constant, puisse être actualisée.
Ils demandent que le bénéfice de la campagne double soit attribué en fonction du temps passé sur un territoire de guerre, et non plus des actes de feu.
Ils demandent le bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire pour les veuves dont le mari est décédé avant 74 ans.
Ils demandent l’extension de la carte du combattant aux militaires engagés et déployés en Algérie du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964 – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point à travers un amendement. S’opposer à cette requête pour des raisons financières n’est moralement plus acceptable à mes yeux. Convenons ensemble de rendre hommage à ces anciens combattants et ne les frappons pas chaque année d’un peu plus d’indignité.
Ils demandent le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus morts pour la France.
Ils demandent une harmonisation des procédures pour les aides sociales. Le dispositif qui a remplacé l’aide différentielle est appliqué de manière différente selon les départements. En conséquence, certaines personnes en difficulté restent en dessous du seuil de pauvreté.
Ils demandent enfin le maintien des offices départementaux en tant qu’échelon de proximité. Vous nous avez rassurés sur ce point, madame la secrétaire d’État, mais veillons à ce que les services ne soient pas réorganisés à partir des périmètres des nouvelles grandes régions. Gardons la proximité pour nos anciens combattants.
Je sais que toutes ces demandes ne pourront être prises en considération dans les prochaines années. À l’occasion de votre audition du mercredi 8 novembre, vous nous avez proposé une démarche réaliste nous permettant d’avoir une visibilité sur le quinquennat. C’est, me semble-t-il, une bonne chose.
Vous nous avez proposé d’évaluer l’impact budgétaire de toutes les mesures que nous avançons année après année, d’engager une démarche permettant d’avoir une visibilité sur l’ensemble des demandes et de lancer, avec le monde combattant et la représentation nationale, un plan sur quatre ans tenant compte des problèmes juridiques et de la question budgétaire.
À titre personnel, je vous suivrai sur cette proposition et cette démarche.
La discussion du prochain projet de loi de finances sera l’occasion de faire le point sur cette feuille de route. D’ici là, je souhaite que vous puissiez convaincre Bercy de vous octroyer des moyens supplémentaires pour financer, dès l’année prochaine, l’une ou l’autre des mesures prioritaires.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, vous le savez, le monde des anciens combattants ne demande pas de récompense ; il demande simplement un droit à la reconnaissance et une juste réparation. Nous comptons sur vous pour ne pas le décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail réalisé par M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
J’ai une amicale pensée pour Bruno Gilles, mon collègue des Bouches-du-Rhône actuellement hospitalisé, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement et que nous espérons retrouver très vite dans cet hémicycle.
En ma qualité de membre du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, j’avais exprimé dès le mois de mai le malaise de bon nombre d’associations qui avaient fait part, dans nos territoires, de leurs interrogations en l’absence d’un ministère de plein droit qui leur soit dédié.
Aussi, madame la secrétaire d’État, si votre nomination auprès du ministre des armées est une bonne chose, des signes de reconnaissance doivent être envoyés par le Gouvernement et ceux qui sont transmis par le budget 2018 sont en demi-teinte.
C’est d’autant plus regrettable que l’année 2018 viendra clore le cycle mémoriel consacré à la Grande Guerre. Et vous savez combien les symboles sont importants en matière de lien entre la Nation et son armée à l’heure où la République doit promouvoir les valeurs de la citoyenneté.
Il y a beaucoup à dire sur un budget en perpétuelle diminution – la baisse est de 3 % par rapport à 2017 –, dans lequel, malheureusement, les injustices perdurent et les prestations à caractère universel sont dévalorisées au profit d’avantages plus sélectifs.
Bien sûr, le nombre de bénéficiaires est à la baisse. Pour autant, de nombreux points restent encore en suspens : la revalorisation significative de la retraite, la demi-part part fiscale pour les veuves ayant perdu leur conjoint avant 74 ans, l’octroi de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, la reconnaissance de la Nation envers les pupilles, la situation des conjoints survivants des grands invalides, les supplétifs de statut de droit commun.
Je tiens à souligner le travail effectué sur les territoires par les associations, ainsi que par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui tisse des liens et des passerelles.
Dans un contexte qui s’est beaucoup modifié ces dernières années, je m’interroge toutefois sur notre organisation actuelle.
En effet, avec la prise en charge, d’une part, des opérations extérieures et de la quatrième génération du feu et, d’autre part, des victimes d’actes de terrorisme, les missions et les besoins ont considérablement évolué.
Pour m’être rendue, voilà quelques jours, au 4e régiment de chasseurs de Gap à l’occasion de la dissolution du Groupement tactique blindé Edelweiss, je sais combien certaines situations sont préoccupantes et combien elles nécessitent attention, bienveillance et accompagnement.
C’est pourquoi nous devons veiller à prendre en compte la situation des blessés, qu’ils le soient physiquement ou psychologiquement. Ces hommes et ces femmes doivent être accompagnés sur le chemin de la guérison, mais aussi sur celui de la réinsertion professionnelle.
Un effort doit également être fait en direction des aidants, notamment des grands invalides de guerre.
J’espère que nos discussions nous permettront d’avancer sur tous ces sujets, même si nous savons que certains points font actuellement l’objet de rapports qui devront être étudiés ultérieurement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai toutes et tous écoutés avec attention et je tiens, tout d’abord, à vous remercier sincèrement.
Vous portez au monde combattant le respect et la reconnaissance que nous devons tous collectivement lui témoigner.
Je veux tout d’abord vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs : je suis pleinement chargée de ce dossier. Mon secrétariat d’État a certes la charge du monde combattant, de la mémoire et de la jeunesse, et plus particulièrement du lien entre l’armée et la Nation. Mais le monde combattant est bien sûr prioritaire dans les missions qui m’ont été confiées par Florence Parly et par le Premier ministre.
J’ai bien entendu les arguments que vous avez développés sur ce budget. Certes, il s’inscrit en baisse de 3 %, ce qui équivaut à 76 millions d’euros sur 2,5 milliards d’euros de crédits. Je rappelle toutefois que, sur ces dix dernières années, ce budget a baissé en moyenne de plus de 100 millions d’euros par an.
C’est pourquoi il me semble que la baisse de cette année correspond tout de même à un budget dynamique. En effet, en accord avec Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, je propose un certain nombre de mesures nouvelles, qui me paraissent importantes pour les anciens combattants. Il s’agit de mesures d’équité, que vous avez été nombreux à relever.
Tout d’abord, la pension militaire d’invalidité sera calculée de manière unique, qu’elle ait été attribuée avant 1962 ou après. Les veuves seront très concernées par ce dispositif. Il est évident que le mode de calcul qui perdurait depuis toujours n’avait aucun sens.
Ensuite, nous améliorons l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis. Ces combattants, qui ont tant donné pour la France, ont été accueillis dans des conditions difficiles, voire indignes, et cette situation a duré de très nombreuses années. C’est pourquoi nous souhaitons poursuivre le plan Harkis, décidé en 2014 par le gouvernement précédent.
Par ailleurs, nous connaissons tous les demandes des associations – vous les avez relayées : la carte 1962-1964, le rapport constant, la demi-part fiscale, la situation des conjoints survivants des grands invalides de guerre…
Toutes ces demandes, à la fois récurrentes et importantes pour le monde combattant, sont régulièrement reprises par les députés et les sénateurs qui sont quotidiennement au contact des associations sur leur territoire.
J’étais moi-même une élue locale et je connais très bien la relation de proximité des élus avec le monde combattant – elle est essentielle.
Je constate aussi que ces différentes demandes sont anciennes, puisqu’elles datent souvent de plusieurs dizaines d’années. Vous voudrez bien me faire grâce du fait que je ne peux pas régler tous ces problèmes en un seul exercice budgétaire.
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas faux !
Mme Pascale Gruny. C’est dommage !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. J’ai d’ailleurs proposé au Parlement, en particulier à la commission des affaires sociales du Sénat, d’élaborer un véritable plan donnant une visibilité, sur le quinquennat, des mesures de reconnaissance que nous pouvons mettre en œuvre en faveur du monde combattant.
M. Jean-Pierre Grand. Ils seront morts !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. J’ai d’ores et déjà demandé une évaluation très précise du nombre des bénéficiaires éventuellement concernés par l’ensemble de ces requêtes et de l’impact budgétaire de ces dernières. Ce bilan est indispensable, car, nous le voyons tous les jours, les chiffres sont totalement discordants. Cette discordance apparaît nettement dans les amendements que nous allons examiner ensuite – ce fut aussi le cas à l’Assemblée nationale –, par exemple en ce qui concerne la carte 1962-1964.
Nous avons besoin d’avoir une vue plus juste de ce qu’il est possible de réaliser. C’est ensuite seulement que, avec les associations et le Parlement, nous pourrons engager un véritable travail de programmation sur les quatre ans à venir. Je signale toutefois que nous sommes, vous le savez tous, dans un contexte de prudence financière, qui entraîne une grande responsabilité, pour chacun des ministres, dans l’élaboration du budget.
Je souhaite vraiment réaliser ce travail avec vous, afin que nous soyons clairs sur nos engagements et que nous les mettions effectivement en œuvre.
Nous devons aussi réfléchir, de manière plus générale, à l’évolution du monde combattant, qui va se transformer au fil des années avec l’arrivée des soldats qui servent aujourd’hui en opération extérieure. Nous devons nous préparer à cette évolution de façon concrète, car ces soldats formeront, dans les années à venir, la majorité du monde combattant.
Autre sujet important que je souhaite évoquer : la prise en charge des blessés, que ce soit d’un point de vue psychologique ou en termes de reconversion et de réinsertion dans la société. Plusieurs acteurs jouent un rôle essentiel sur cette question : je pense à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre – l’ONAC – et à l’Institution nationale des invalides – l’INI –, mais aussi au service de santé des armées, dont j’ai également la responsabilité – vous le voyez, les missions que m’a confiées Florence Parly sont complémentaires.
Nous devons accorder une attention toute particulière au parcours des blessés et à leur avenir. Il est essentiel de prendre en charge ce problème difficile.
Plusieurs intervenants ont évoqué l’opération Sentinelle. Je rappelle que les soldats de cette opération, qui vont tous en opération extérieure, peuvent obtenir la carte du combattant à partir du moment où ils servent en opération extérieure durant 120 jours. Il n’y a donc pas de souci à se faire sur ce sujet.
Je vous le répète, je suis bien consciente des demandes du monde combattant ; je souhaite que nous les étudiions précisément et que nous puissions donner un cap pour les quatre prochaines années.
En ce qui concerne les questions de mémoire, l’année 2018 sera effectivement un moment important, et il faut y inclure le soixante-quinzième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance comme le quarantième anniversaire de l’intervention française au Liban et de la force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL.
Durant cette très riche année, nous devrons poursuivre le travail de soutien aux actions menées par les collectivités en faveur de la mémoire, par exemple pour l’entretien des lieux de mémoire. Le budget que nous vous proposons le permet.
Ainsi, nous devons continuer d’œuvrer avec force en faveur du tourisme de mémoire. Je rappelle qu’il a permis de créer, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, une véritable dynamique dans de très nombreux territoires ruraux.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » concerne aussi la jeunesse – cela a été évoqué –, puisqu’elle inclut le financement de la journée défense et citoyenneté.
Certains brocardent cette journée et je pense qu’ils ont tort, car elle est importante. Le taux de satisfaction relevé auprès des jeunes qui y participent est d’ailleurs excellent : plus de 80 % d’entre eux ont le sentiment non seulement d’avoir appris des choses, mais aussi d’avoir acquis de véritables notions sur l’esprit de défense et sur l’idée de nation, ce qui constitue un objectif important de la journée défense et citoyenneté.
Pour ce qui concerne le service national universel, nous sommes en train d’évaluer les rapports rédigés par les inspections générales. La représentation nationale sera évidemment associée aux réflexions.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite, en conclusion, vous remercier de votre implication sur les questions qui concernent le monde combattant et le travail de mémoire. Vous connaissez les demandes formulées par les associations ; j’ai le sentiment que vous avez compris les difficultés de tous ces sujets et que vous souhaitez nous accompagner dans les réflexions que nous allons conduire.
Je qualifierai de nouveau ce budget de dynamique, bien qu’il diminue, tout simplement parce que nous sommes parvenus à mettre en œuvre des mesures nouvelles. Je souhaite qu’il en soit de même dans les années à venir et je compte sur votre aide pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
2 460 517 265 |
2 461 153 844 |
Liens entre la Nation et son armée |
42 844 421 |
42 681 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
2 316 874 662 |
2 317 674 662 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
100 798 182 |
100 798 182 |
Dont titre 2 |
1 755 981 |
1 755 981 |
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-237 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller, Morisset, Duplomb, Grand, D. Laurent, Nougein, Bonnecarrère, Perrin, Raison et Lefèvre, Mmes Di Folco et Garriaud-Maylam, MM. Reichardt, L. Hervé et de Legge, Mme Bruguière, MM. Savin et Meurant, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, MM. Bazin et Henno, Mme Micouleau, M. Danesi, Mme Deromedi, MM. Daubresse, Leleux, Charon, Détraigne et Paccaud, Mme Guidez, MM. Kennel, Bansard et Brisson, Mme Lopez, M. Pierre, Mme Doineau, MM. Longuet et Cuypers, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Pillet et Longeot, Mme Estrosi Sassone, M. Courtial, Mme Berthet, M. Priou, Mmes Imbert et F. Gerbaud, MM. Poniatowski et Bas, Mmes Lassarade et Lherbier, MM. Rapin, Hugonet et Dufaut, Mme Billon, MM. Gremillet, Revet, Allizard et B. Fournier et Mme Raimond-Pavero, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la Nation et son armée |
|
18 000 000 |
|
18 000 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
18 000 000 |
|
18 000 000 |
|
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Au sein de la troisième génération du feu, qui a servi en Algérie, une dernière inégalité persiste dans l’attribution de la carte du combattant. Depuis 2004, celle-ci est attribuée à tous les hommes qui y ont servi quatre mois avant l’indépendance, c’est-à-dire le 2 juillet 1962. Depuis 2014, tous les soldats qui ont servi quatre mois sur ce territoire, dès lors que leur séjour avait commencé avant cette date, peuvent la recevoir – c’est ce qu’on appelle la carte « à cheval ».
Cela ne prend pas en compte la situation des militaires qui, en application des accords d’Évian, ont été affectés dans ce pays nouvellement indépendant jusqu’en 1964, dont l’effectif total est estimé à plus de 150 000 hommes. Durant cette période, 627 d’entre eux ont été reconnus morts pour la France, ce qui témoigne de la dangerosité de leur mission.
Il convient aujourd’hui de réparer cette injustice.
Comme vous l’avez relevé, madame la secrétaire d’État, des estimations divergentes sur le versement de la retraite du combattant, donc du coût de cette mesure, ont été avancées. Pour le Gouvernement, il représenterait plus de 100 millions d’euros, mais ce calcul est basé sur l’hypothèse que l’ensemble des soldats concernés n’en bénéficient pas aujourd’hui et la percevront dès l’an prochain. Or un nombre important de ces hommes avait déjà servi en Algérie durant la guerre et touche la retraite du combattant à ce titre.
Il est plus raisonnable d’estimer qu’environ 25 000 personnes seraient concernées, soit le nombre de titres de reconnaissance de la Nation décernés pour les services en Algérie entre 1962 et 1964 – environ 36 000 –, duquel est soustrait le nombre de cartes « à cheval » attribuées depuis 2014 – 11 000.
Le coût serait donc d’environ 18 millions d’euros par an, ce que le déclin démographique des anciens combattants permet de financer à budget constant.
Par ailleurs, il n’est pas question en l’occurrence de rouvrir le débat sur la guerre d’Algérie et ses bornes temporelles. Le maintien de forces françaises sur ce territoire indépendant après le 2 juillet 1962 s’apparente plutôt à une opération extérieure.
Or, depuis 2015, les anciens combattants des OPEX peuvent bénéficier de la carte du combattant après quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations. Ces OPEX ne sont pas toutes postérieures à la guerre d’Algérie : dans la liste, fixée par arrêté, on compte par exemple Madagascar entre mars 1947 et octobre 1949.
En théorie, l’intervention du législateur ne serait donc même pas nécessaire, si le Gouvernement prenait ses responsabilités. Il lui suffirait en effet de modifier cet arrêté.
En raison des règles propres à la recevabilité des amendements au projet de loi de finances, cet amendement prévoit le transfert de 18 millions d’euros de l’action n° 02 vers l’action n° 01.
Mme la présidente. L’amendement n° II-363, présenté par M. Bérit-Débat et Mme Féret, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Liens entre la Nation et son armée |
16 500 000 |
16 500 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
16 500 000 |
16 500 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
||||
TOTAL |
16 500 000 |
16 500 000 |
16 500 000 |
16 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. M. Mouiller a développé un certain nombre d’arguments que nous partageons. Je serai donc rapide.
Cet amendement vise à réparer une injustice au détriment des combattants présents en Algérie, à la suite des accords d’Évian, entre le 2 juillet 1962 et 1964.
Cette mesure, évoquée depuis fort longtemps, a fait l’objet de multiples interventions parlementaires. Je pense par exemple à la proposition de loi déposée par M. Darmanin, qui est aujourd’hui ministre de l’action et des comptes publics.
C’est une mesure que toutes les associations d’anciens combattants – l’UNC, la FNACA… – attendent que les parlementaires adoptent.
Chaque quinquennat connaît une avancée en matière d’anciens combattants et j’ai bien entendu, madame la secrétaire d’État, votre proposition de travailler sur un plan couvrant la durée de celui qui commence.
Cependant, la mesure, dont il est question dans cet amendement et dont je ne nie pas le coût budgétaire, est attendue depuis très longtemps. C’est pourquoi voter cette avancée, qui mettrait fin à l’injustice qui frappe ceux qui ont été appelés en Algérie après le 2 juillet 1962, permettrait de corriger une situation qui n’est plus acceptable depuis de nombreuses années.
Mme la présidente. L’amendement n° II-445, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, MM. Bocquet, Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Benbassa et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la Nation et son armée |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme cela a été dit, la demande dont nous discutons est malheureusement récurrente. Beaucoup de choses ont déjà été dites et j’en ai moi-même parlé dans mon intervention générale.
En adoptant ces amendements, nous offririons au Président de la République la possibilité de tenir l’une de ses promesses de campagne : en effet, le 25 avril 2017, il s’est adressé aux associations du monde combattant, en se déclarant « favorable à l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 ».
Certes, cet engagement, que nous permettrions au Président de réaliser, a été fait par d’autres avant lui… Si le premier amendement présenté, dont l’impact financier diffère du nôtre, était adopté, nous ne pourrions que nous en féliciter, même si le nôtre devenait alors caduc !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je souhaite tout d’abord remercier les différents intervenants de leurs témoignages sur cette grande cause.
De manière générale, s’agissant de ces trois amendements comme de ceux qui suivront sur les crédits de la mission, la commission des finances et moi-même sommes naturellement sensibles aux intentions de leurs auteurs, car ils souhaitent finalement prendre en compte des situations qui sont mal couvertes depuis de nombreuses années et encore aujourd’hui.
Il s’agit en particulier de surmonter les effets injustement défavorables pour les anciens combattants du rapport constant, lorsque la politique salariale du Gouvernement se fait rigoureuse, c’est-à-dire en l’absence de revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
Les trois amendements présentés évoquent des chiffres différents – 18 millions d’euros, 16,5 millions et 10 millions – et, si nous partageons collectivement le même constat, ils ne peuvent qu’appeler une demande de retrait. La commission adoptera la même position pour les amendements suivants.
Je perçois en effet deux difficultés.
Tout d’abord, les réductions de crédits proposées conduiraient à remettre en cause en profondeur des actions que tout un chacun juge par ailleurs souhaitables.
Ensuite – c’est un point déterminant –, le vote de tels amendements n’aurait pas de portée pratique sans l’assentiment du Gouvernement. Nous touchons là un point technique de l’examen des lois de finances. Effectivement, les bases légales et réglementaires des dépenses qu’il s’agit de financer manquent totalement, si bien que l’abondement du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » n’aurait pas d’autre effet que de constituer une réserve de crédits au sein de ce programme, l’emploi des fonds en question n’étant pas autorisée en pratique.
Si le Gouvernement déclarait qu’il répond favorablement à ces demandes, il conviendrait évidemment de revoir la question.
Cela étant, la commission des finances demande, à ce stade, le retrait de ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Nous avons déjà beaucoup parlé de la question de la carte du combattant 1962-1964. Nous le savons, il s’agit d’une demande d’équité de la part du monde combattant, mais vous voyez bien, à la lecture de ces trois amendements, la difficulté dont je parlais tout à l’heure, à savoir l’évaluation du coût de la mesure. Je vous indique d’ailleurs que, au sein du ministère, les évaluations sont encore plus élevées.
C’est pourquoi je renouvelle l’idée que je vous ai soumise : d’abord, évaluer très précisément le nombre de bénéficiaires et le coût de la mesure, puis élaborer des propositions et les discuter avec le monde combattant et le Parlement. Je formulerai la même proposition sur les autres demandes.
C’est dans cet esprit et au bénéfice de ce travail que je vous demande de retirer vos amendements, mesdames, monsieur les sénateurs. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je soutiens l’amendement présenté par Philippe Mouiller, car la société doit trouver un équilibre entre le passé et l’avenir, entre le droit à réparation et le devoir de mémoire.
En ce qui concerne le devoir de mémoire, je profite du temps qui m’est donné pour soutenir le dossier en cours d’examen à l’UNESCO et évoqué par mon collègue meusien. Dans le département de la Meuse se trouvent des sites importants, qui méritent d’être pris en considération.
Vous le savez, je suis élu de la Marne, territoire d’histoire et de mémoire : Attila, le sacre des rois, Valmy, la naissance de la République, la campagne de France et les batailles de la Marne… Nous sommes donc particulièrement attentifs à ces sujets et je vous demande, madame la secrétaire d’État, de soutenir ce dossier qui est particulièrement important.
J’en viens au droit à la reconnaissance de la Nation, donc aux amendements qui ont été présentés. Quand on a un certain âge, on a entendu parler, dans sa famille, de la Première Guerre et de la Deuxième Guerre mondiales comme de la guerre d’Algérie. En tant que pied-noir, j’ai vécu avec l’histoire des événements d’Algérie et je dois dire que la manière dont ces épisodes m’ont été relatés ne correspond pas forcément à ce que j’ai entendu, en tant qu’élu, de la part des associations.
Il est vraiment important d’affirmer cette reconnaissance et nous sommes à un moment où le contexte financier, par la diminution mécanique du budget, le permet. Les chiffres ont été – brillamment – précisés par Alain Milon, qui remplaçait, au nom de la commission des affaires sociales, notre collègue Bruno Gilles : en 2018, les crédits dédiés aux anciens combattants diminuent de 76 millions d’euros.
Nous ne devons absolument plus attendre pour avancer sur la question de la reconnaissance des combattants d’Algérie.
Voilà les raisons pour lesquelles je soutiens l’amendement présenté par Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Sophie Joissains applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je suis certainement le seul dans cet hémicycle à avoir participé à la guerre d’Algérie. C’était entre 1958 à 1960. Comme je suis le vice-doyen de la Haute Assemblée, vous imaginez l’âge de ceux qui sollicitent aujourd’hui l’attribution de la carte du combattant… Pourtant, vous dites à ces anciens combattants, madame la secrétaire d’État, d’attendre encore un peu afin de discuter avec les associations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Loïc Hervé et Mme Sophie Joissains applaudissent également.) Or toutes les associations souhaitent l’adoption de cette mesure. C’est une question de justice !
Évidemment, je comprends les problèmes de relation entre l’Algérie et la France, puisque, en 1962, le conflit était a priori terminé. Mais après juillet 1962, certains, qui n’avaient rien demandé, ont encore passé deux ans là-bas, et je vous rappelle qu’il y a eu plus de 600 morts.
Nous avons donc un devoir de reconnaissance.
J’avais d’ailleurs déposé un amendement, qui – je ne sais pas pourquoi – n’a pas été jugé recevable. Il reprenait la formule des opérations extérieures : puisque nous n’étions plus censés être en guerre, les soldats envoyés en Algérie après 1962 participaient aux opérations de maintien de l’ordre. Ces soldats exerçaient en fait les mêmes responsabilités que ceux qui sont aujourd’hui envoyés à l’étranger en OPEX.
Reconnaissons qu’ils étaient en Algérie au titre d’une OPEX ! Ils pourront alors bénéficier de la carte du combattant.
Ce n’est pas un problème financier, puisque, malheureusement, des combattants disparaissent tous les ans et que, compte tenu de l’âge, les choses n’iront qu’en s’aggravant. De ce fait, les crédits permettent d’accorder à ces combattants ce qu’ils méritent, à savoir la carte du combattant.
C’est une question de justice pour ceux qui ont été engagés là-bas. Je voterai donc l’amendement de Philippe Mouiller, dont je suis cosignataire. Il faut mettre un terme à cette situation dès maintenant et soigner les meurtrissures des soldats, car, si cette mesure est différée, peu d’entre eux seront encore présents pour en bénéficier effectivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. C’est non sans émotion que je prends la parole après Charles Revet. Je n’appartiens pas à la même génération que lui et je souhaite le remercier du travail qu’il accomplit en tant que président du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante qui, dans cette maison, travaille sur les questions qui nous intéressent ce matin.
Madame la secrétaire d’État, je veux d’abord vous remercier de l’ouverture dont vous faites preuve. Cette demande récurrente des associations est légitime, mais elle s’est toujours heurtée à un refus de la part des gouvernements successifs.
Ce matin, sur l’initiative de Philippe Mouiller et de plusieurs autres collègues siégeant sur différentes travées, nous relançons ce débat.
Nous sommes au lendemain de la journée commémorative de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc et le Président de la République est à Alger aujourd’hui même. Nous sommes donc à un moment où la question de l’attribution de la carte du combattant aux soldats français engagés – appelés, pour beaucoup d’entre eux – en Algérie de 1962 à 1964 doit être posée. Les plus jeunes de ces soldats ont aujourd’hui 73 ans.
Beaucoup de soldats professionnels engagés dans des opérations extérieures ont eu gain de cause et ont obtenu cette carte du combattant.
Ces amendements ne visent ni plus ni moins qu’à conférer aux soldats envoyés en Algérie le même statut. Ils sont encore nombreux, les associations que nous rencontrons régulièrement n’ont de cesse de nous le rappeler. Certains présidents d’association, dont celui de l’UNC, sont d’ailleurs présents dans les tribunes du Sénat ce matin.
Pour la réconciliation franco-algérienne, la reconnaissance de l’engagement des soldats français en Algérie après le 2 juillet 1962 mérite une décision rapide.
Je comprends votre demande, madame la secrétaire d’État, de disposer de temps pour évaluer l’engagement financier que cette mesure peut représenter pour le budget de la Nation. Néanmoins, cette affaire dure depuis cinquante ans !
M. Loïc Hervé. C’est vrai, madame la secrétaire d’État, j’en conviens !
Il s’agit maintenant de prendre une décision rapide. Quand il était candidat, le Président de la République a pris un engagement, qui doit être tenu maintenant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, nous voterons en faveur de ces amendements. Nous ne devrions plus être dans une phase d’attente et d’évaluation, en ce qui concerne la réalisation d’une telle promesse.
Aujourd’hui, comme plusieurs intervenants l’ont rappelé, il y a urgence à adopter cette mesure, ne serait-ce que pour éviter qu’elle ne s’applique – malheureusement – qu’à titre posthume…
Encore une fois, cette mesure fait effectivement partie des promesses du candidat Macron et je crois savoir que d’autres promesses n’ont pas tardé, quant à elles, à être mises en œuvre… On l’a bien vu cet été !
Avec ces amendements, nous permettons donc au Président de la République de continuer avec la rapidité, l’efficacité et la modernité qu’il entend incarner dans la gestion de notre pays.
Sur le fond, j’entends les arguments avancés pour demander le retrait des amendements. Tout d’abord, arrêtons de nous la raconter ! Oui, la problématique du débat budgétaire au Parlement est compliquée, car la liberté des parlementaires de modifier réellement le projet de loi de finances tel qu’il est présenté par le Gouvernement est extrêmement limitée.
On peut revenir sur le gage, on peut toujours s’interroger sur les choix faits pour telle ou telle mission et souligner leurs conséquences sur les équilibres budgétaires. J’ai envie de dire qu’il vous appartiendra, en cours d’année, de trouver des solutions. En effet, ces amendements permettent de répondre à la demande du monde combattant sans tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution et sans remettre en cause la qualité de la mission.
Je considère, en tout cas, qu’il serait intéressant que ce signal soit envoyé par le Sénat. Cela nous donnerait ainsi l’occasion de voir sur cette question l’attitude de nos collègues députés, nous permettant d’apprécier si leur mobilisation est sincère et jusqu’au-boutiste !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Charles Revet s’est exprimé très clairement tout à l’heure. Je ne reviendrai pas sur les motivations de ces amendements qui me paraissent assez évidentes.
Les budgets des dernières années le montrent, on peut trouver des solutions pour traiter les sujets et répondre à un certain nombre de priorités, notamment l’amélioration des pensions pour les veuves de guerre. Il subsiste toujours aujourd’hui des marges de manœuvre pour pouvoir progresser sur la question. Leur origine est malheureusement toute simple, le nombre de combattants en vie ne cesse de diminuer ! Ces marges, il faut les utiliser.
Cela a été dit par ma collègue Cukierman, le cadre dans lequel nous pouvons proposer un amendement est très limité. Je pense au respect des règles de recevabilité dont la commission des finances est la garante pour éviter d’aggraver les charges publiques. Tout cela, je le comprends, mais je veux m’en tenir à l’esprit de ces amendements.
Nous avons à nous prononcer sur trois amendements de même nature. Je propose, pour ma part, le retrait de l’amendement n° II-363 du groupe socialiste et républicain au profit de l’amendement n° II-237 rectifié quater, pour lequel nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la secrétaire d’État, le département où j’habite, situé dans le sud de la France, compte encore beaucoup – vraiment beaucoup ! – d’anciens combattants d’Algérie. Le 1er novembre, ils se retrouvent devant le monument aux morts. Et depuis plus de trente ans, on les voit, ils sont là, un peu plus courbés, mais ils sont toujours là !
Si on demande aujourd’hui à ceux qui étaient là-bas jusqu’en 1964 d’attendre encore un petit peu, ils vont comprendre qu’on souhaite, en fait, qu’ils ne soient plus là, ce qui évitera de devoir les prendre encore en compte ! Ne croyez-vous pas, madame la secrétaire d’État, que c’est là faire preuve d’un cynisme hors du temps ? Opposer l’article 40 de la Constitution à ces femmes, à ces hommes, à ces familles, c’est insupportable ! Le seul article qui compte pour eux, c’est celui qui porte l’honneur de la République ! Et il sera enfin au rendez-vous de l’amendement que nous allons voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mon groupe s’associe entièrement aux amendements qui sont en discussion. Sur certains sujets, c’est vrai, les associations ont eu satisfaction. Il n’en demeure pas moins que, entre 1962 et 1964, c’était bel et bien une période de guerre durant laquelle beaucoup de soldats ont malheureusement trouvé la mort. Leur attribuer la croix du combattant relève tout à fait, selon moi, de la justice.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. Sans avoir l’ancienneté de mon collègue Charles Revet, que je remercie de son témoignage, j’instruis de longue date les budgets des anciens combattants – cela doit faire mon vingt-quatrième aujourd’hui !
Depuis vingt-quatre ans que je participe à la discussion des crédits attribués aux anciens combattants, j’entends les représentants successifs du Gouvernement, secrétaires d’État ou ministres chargés du dossier, opposer inlassablement la même réplique, invoquant beaucoup de bonnes raisons, dont l’orthodoxie budgétaire et les problèmes de la non-évaluation.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre démarche : au moins sur ce point-là, qui est effectivement défendu par l’ensemble du monde des anciens combattants, il me paraît urgent et nécessaire de bien arrêter l’évaluation et de donner un éclairage aux présidents des associations d’anciens combattants, quels qu’ils soient. C’est ma première remarque.
J’en viens à ma seconde remarque : vous dites évaluer la mesure à 100 millions d’euros, ce qui vous promet un exercice difficile ! Je trouve dommage que depuis tout ce temps, les services du ministère n’aient pas chiffré avec exactitude l’ensemble de cette mesure. Si votre évaluation de 100 millions d’euros est la bonne, cela ne sera pas simple ! Vous venez de nous dire que votre budget est dynamique, avec une baisse limitée à quelque 70 millions d’euros. Mais l’année prochaine, vous devrez aller demander à Bercy au moins 100 millions d’euros pour financer cette mesure.
Il est des dossiers sur lesquels il faut éviter d’évoquer la rigueur budgétaire. Comment opposer à nos anciens combattants, qui ont 73, 74, 75 ans, la rigueur budgétaire ? Tous les jours, on entend parler de la taxe d’habitation ou de la CSG, ce qui met en cause des sommes vraiment plus importantes que 10 ou 100 millions d’euros !
Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur vous. Au risque d’être désagréable envers M. le rapporteur spécial, je demande à M. Mouiller de maintenir son amendement, afin d’exprimer au moins avec force la volonté de notre assemblée d’apporter un soutien au monde des anciens combattants. Il y va de notre crédibilité face à leurs associations. Nous assistons tous les ans à leurs assemblées générales et nous leur répétons les mêmes choses. Les anciens combattants peuvent douter de notre crédibilité, voire de celle des gouvernements successifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mme Sophie Joissains. Le pragmatisme est évidemment important, surtout en période de crise budgétaire. Néanmoins, si notre politique ne fait pas sens, je ne vois plus la signification réelle du mot « politique ».
Opposer la rigueur budgétaire à ces anciens combattants serait indigne. Comme le disait mon collègue Charles Revet, leur nombre s’amoindrit effectivement de jour en jour et notre pays a envers eux une dette d’honneur.
Lorsqu’il s’est agi, il y a quelques jours, de voter la hausse de la CSG qui risquait de frapper nos anciens, nous avons refusé, au Sénat, et nous avons eu raison. Aujourd’hui, nous devons protéger et honorer nos anciens combattants. Merci pour eux, mes chers collègues, de voter dans ce sens, comme le fera le groupe Union Centriste ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je souhaite m’associer au moment d’émotion qui règne dans cet hémicycle. Je veux le faire au nom de quelques amis, dont Joël Saint-Julien, et de mon grand frère André qui sont membres d’associations patriotiques en Guadeloupe et que je rencontre régulièrement à l’occasion de toutes les commémorations.
Parmi ces amis, certains ont servi avant 1962 et d’autres après. S’ils ont parfois des médailles, ils n’ont pas la même carte du combattant. J’aimerais leur dire que, aujourd’hui, cette assemblée, le Sénat, la représentation nationale en général a fait un grand mouvement et je voterai avec ferveur et enthousiasme ces amendements. Merci à leurs auteurs ! (M. Dominique Watrin et Mme Sophie Joissains applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Je tiens à dire que je suis sensible à ce débat. Vous l’aurez compris, pour moi, la carte 1962-1964, c’est important. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous l’étudiions avec finesse. En ma qualité de membre du Gouvernement responsable et en votre qualité de parlementaires responsables, il faut que nous puissions savoir très précisément où nous allons sur le plan budgétaire. En effet, une telle mesure a toujours des impacts budgétaires au-delà de l’empathie que nous pouvons avoir pour les situations de nos anciens combattants. Je souhaite vraiment que ce travail soit réalisé.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la rhétorique, c’est une chose ! Mais je n’accepte pas très bien le mot « cynisme » ! Je le prends d’autant plus mal que le cynisme me paraît venir de ceux qui me reprochent – à moi ! – de n’avoir pas fait en six mois ce qui aurait dû être fait depuis des années, puisque cette demande est formulée par le monde combattant depuis de très nombreuses années ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
J’essaie d’avoir une approche pragmatique, humaine des demandes. Je souhaite que chacun reconnaisse que le travail n’a pas été fait auparavant ! (Mêmes mouvements.)
Mme Sophie Joissains. Vous avez raison !
M. Charles Revet. C’est vrai que les procédures sont longues !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je vais maintenir mon amendement. Madame la secrétaire d’État, nous avons entendu votre message du cœur quant à votre position sur cette carte du combattant. Nous entendons, à travers votre propos, votre avis favorable – en tout cas, sur le principe.
Votre interrogation est d’ordre budgétaire. Le coût de cet amendement s’élève à 18 millions d’euros sur une ligne globale qui dépasse les 2 milliards d’euros. À mon avis, vous pouvez le gérer à travers l’évolution budgétaire au cours de l’année.
Je vous propose de faire aujourd’hui un acte politique fort en adoptant cet amendement. Par la suite, nous aurons l’occasion, au fil des discussions budgétaires à venir, notamment des projets de loi de finances rectificative, de voir les évolutions nécessaires. La somme de 18 millions d’euros, qui est importante pour le monde des anciens combattants, reste relative par rapport à l’ensemble des crédits budgétaires de la mission.
Je poursuis ma démarche, qui reçoit, me semble-t-il, le soutien quasi unanime du Sénat. Nous enverrons ainsi un signe important au monde des anciens combattants. Nous avons perçu, à travers votre intervention, votre capacité à porter ce message. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-237 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos II-363 et II-445 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° II-364, présenté par M. Bérit-Débat et Mme Féret, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la Nation et son armée |
6 000 000 |
6 000 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
6 000 000 |
6 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
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TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement concerne la situation des anciens combattants qui, contrairement à leurs veuves, ne peuvent bénéficier d’une aide complémentaire, de sorte que certains se retrouvent dans une situation de grande précarité.
Nous proposons d’apporter une réponse concrète à cette problématique en suggérant de flécher, dès aujourd’hui et dans le cadre de ce projet de loi de finances, les crédits nécessaires à l’octroi d’une aide complémentaire aux anciens combattants les plus modestes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Sur le fond, je suis complètement d’accord avec mes collègues, qui soulignent la nécessité de toutes ces avancées.
Je précise toutefois que l’adoption de l’amendement précédent aboutit à la suppression de 18 millions d’euros, qui sont pris, non sur les 2,3 milliards d’euros, mais sur le programme 167, plus précisément l’action n° 02, Politique de mémoire, dont on a beaucoup parlé, et qui est dotée de 28 millions d’euros. La précision valait d’être donnée !
Nous avons tous, dans nos départements, beaucoup de respect pour le monde combattant et tous les bénévoles qui participent à leurs associations.
La position de la commission des finances que j’exprime est non pas sévère, mais technique. Il en ira de même sur les amendements à venir qui tendront à amoindrir les crédits de 28 millions d’euros attribués à la politique de la mémoire.
Je demande, au nom de la commission, le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. L’action sociale de l’ONAC est financée dans ce projet de loi de finances à hauteur de 26,4 millions d’euros. Il apparaît que cette somme est suffisante pour couvrir tous les dispositifs mis en œuvre à l’intention des plus fragiles, qu’il s’agisse d’anciens combattants ou de veuves de guerre. Il n’y a donc pas lieu d’augmenter ce budget.
En revanche, un travail est en cours. Je pense que vous en serez satisfaits. Ainsi, une circulaire harmonisant les critères d’attribution entre les départements pour soutenir les anciens combattants et les veuves de guerre prendra effet au 1er janvier 2018. C’est plus un travail qualitatif que quantitatif qui est à faire pour l’action sociale de l’ONAC. Je m’y emploie à l’heure actuelle.
Je demande le retrait du présent amendement. Sinon, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Féret, l’amendement n° II-364 est-il maintenu ?
Mme Corinne Féret. J’ai entendu les arguments de Mme la secrétaire d’État. Pour donner plus de force encore au vote précédent et souligner l’importance que nous lui attachons, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-364 est retiré.
L’amendement n° II-446, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Benbassa, MM. Collombat et Gay, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Savoldelli, Ouzoulias et Gontard, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la Nation et son armée |
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4 787 483 |
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4 787 483 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
4 787 483 |
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4 787 483 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
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TOTAL |
4 787 483 |
4 787 483 |
4 787 483 |
4 787 483 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit, au travers de cet amendement, de financer une extension de l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
Un consensus existe au sein de la représentation nationale, mais nous devons maintenant le rendre effectif. En l’an 2000, le Gouvernement a en effet reconnu le droit à indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et racistes pendant la guerre de 1939-1945.
Dès la fin 2001, le Gouvernement a été sollicité pour que d’autres orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie puissent bénéficier des mêmes indemnisations que les victimes de la Shoah.
À l’époque, le secrétariat d’État chargé des anciens combattants avait organisé la mise en place d’une commission pour répondre à cette nouvelle demande, ce qui avait abouti à la publication du décret de 2004, lequel s’adresse aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance ou pour des faits politiques.
Une troisième catégorie de pupilles de la Nation, souvent déboutée dans le cadre des décrets de juillet 2000 et de juillet 2004, sollicite la reconnaissance de la part de l’État, celle dont les parents résistants sont morts les armes à la main et sont reconnus par la mention marginale portée sur les registres d’état civil « Mort pour la France ».
Il s’agit, à travers cet amendement, de permettre à toutes et tous cette reconnaissance de pupille de la Nation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Même si je partage nombre de propos qui ont été tenus, je suis malheureusement obligé, dans la continuité de mes positions précédentes, de demander le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Je demande moi aussi le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Cette question me paraît tranchée par la nature du dispositif, lequel a été mis en œuvre pour des situations très particulières d’orphelins de parents morts en déportation, ainsi que d’orphelins de parents qui auraient subi la barbarie nazie dans les camps de déportation, les camps de la mort. La cible est tout à fait nette.
À l’heure actuelle, il n’est pas prévu d’étudier une extension de ce dispositif qui, je dois le dire, risque de dénaturer le sens qu’a voulu donner le législateur à cette indemnisation au caractère très spécifique.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° II-446 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Je maintiens cet amendement et je vais m’en expliquer. Je crois qu’il ne s’agit nullement de dénaturer quoi que ce soit. La Seconde Guerre mondiale a provoqué, pour des raisons parfois différentes, la mort de milliers et de millions d’hommes et de femmes. Un orphelin reste un orphelin !
La dureté de cette guerre a été de frapper de façon différente : rappelons l’extermination, dans l’ignominie la plus totale et la plus déshumanisée, et les camps de la mort, alors que des faits et actes délictueux ont provoqué la mort de celles et ceux qui se battaient pour la libération de notre pays. Il ne s’agit surtout pas d’opposer les uns et les autres.
Je ne suis certainement pas la seule à avoir eu le malheur d’avoir perdu des membres de ma famille. Ils exerçaient des responsabilités de natures diverses et ont donc été les victimes de différentes catégories, si je puis dire.
Les victimes de cette Seconde Guerre mondiale sont toutes des victimes. Les orphelins sont tous des pupilles de la Nation.
Il nous faut continuer à réfléchir sur le sujet et essayer de trouver des solutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je voterai l’amendement n° II-446. Il faut, à un moment donné, prendre en compte ce problème des pupilles de la Nation et des orphelins. J’avais déposé un amendement après l’article 50. Déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, c’était un amendement d’appel visant à faire un recensement des pupilles de la Nation.
J’ai bien noté, madame la secrétaire d’État, que vous allez travailler avec le monde combattant. Comme cela a été indiqué tout à l’heure, je crois qu’il faut mettre une solution en place. Vous l’avez dit à juste titre, on ne peut pas vous reprocher, à vous, de ne pas avoir fait en six mois ce qui aurait dû être fait depuis de nombreuses années. Il me paraît important que l’on puisse aujourd’hui se prononcer sur cette prise en compte des orphelins pupilles de la Nation.
Le présent amendement est aussi un amendement d’appel, mais l’adoption d’une telle mesure devient urgente !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La réponse de Mme la secrétaire d’État me laisse un peu perplexe. L’amendement de Mme Cukierman est intéressant. Il ouvre un débat qui nous ramène en arrière, au moment de la commission Mattéoli. La question était de savoir si nous reconnaissions ou non la défaillance de l’État français. Quelle est sa responsabilité vis-à-vis des crimes de la barbarie nazie ?
Les interventions laissent à penser qu’il y a encore aujourd’hui deux catégories de victimes : les orphelins de parents – souvent le père – morts pour la France au titre de leur mission de soldat et dans le cadre de la défense du territoire et du pays, lors d’une guerre, que ce soit en 1940 ou après, pour les troupes engagées volontaires dans les forces de libération de la France, et les victimes de ce que l’on appelait – c’est un débat d’historien que je ne vais pas rouvrir en cet instant – la défaillance de l’État français avec sa part de responsabilité. C’est d’ailleurs cette séparation en deux catégories de victimes qui a conduit à la mise sur pied, à l’époque, d’un nouveau statut
La demande de Mme Cukierman me paraît intéressante. Ne pourrait-on pas, plus de soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, essayer d’unifier les mémoires et de faire en sorte que les orphelins de guerre soient traités au même niveau que les victimes de la défaillance de l’État français ? C’est ce que je voulais clarifier dans cette explication de vote. Je voterai l’amendement de Mme Cukierman.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Nous nous associons à ce que vient de dire M. Longuet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je tiens à préciser que comme mon collègue M. Longeot, j’avais déposé un amendement qui a été malheureusement déclaré irrecevable. Il concernait la situation des pupilles de la Nation et visait à faire un état des lieux précis.
Mon groupe votera l’amendement de Mme Cukierman.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Le montant figurant dans cet amendement est très précis, il s’élève à 4 786 483 euros. Madame Cukierman, pourriez-vous nous éclairer ?
Mme Cécile Cukierman. Ce chiffre a été fourni par les associations !
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Comme pour les amendements précédents, je peux naturellement comprendre le bien-fondé réel de celui-ci. Mais, il y a la technique budgétaire. La mutation de crédits se fait aux dépens de l’action n° 02, Politique de mémoire du programme 167, « Liens entre la Nation et son armée ».
Même si, sur le fond, je suis complètement d’accord avec ce qu’a dit Mme Cukierman, je ne peux que confirmer l’avis de la commission.
M. Jean-Pierre Grand. Merci !
Mme la présidente. L’amendement n° II-365, présenté par M. Bérit-Débat et Mme Féret, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Liens entre la Nation et son armée |
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2 000 000 |
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2 000 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
2 000 000 |
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2 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
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TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement concerne l’allocation différentielle qui était versée aux veuves de guerre, remplacée par une aide complémentaire. Nous nous inquiétons quant au montant disponible qui pourrait être accordé dans différents services départementaux de l’ONAC. Il s’agit de renforcer de 10 % le budget consacré, soit 2 millions d’euros supplémentaires, pour assurer la budgétisation de toutes ces prestations complémentaires réparties sur l’ensemble de nos départements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Dans la même optique de ce que j’ai exprimé précédemment, je demande malheureusement le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Même avis ! Je me suis exprimée tout à l’heure sur le sujet.
Les fonds alloués sont totalement suffisants. Toutes les indemnisations des veuves par l’ONAC selon le nouveau dispositif sont supérieures à ce qu’elles étaient auparavant.
Mme la présidente. Madame Féret, l’amendement n° II-365 est-il maintenu ?
Mme Corinne Féret. Il s’agit d’un amendement d’appel, que je retire après avoir entendu, madame la secrétaire d’État, les éléments que vous avez avancés.
Mme la présidente. L’amendement n° II-365 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-289, présenté par M. Gilles, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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Liens entre la Nation et son armée |
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260 000 |
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260 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
260 000 |
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260 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
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TOTAL |
260 000 |
260 000 |
260 000 |
260 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis. L’amendement déposé par M. Bruno Gilles porte sur une somme beaucoup moins élevée que tous les amendements précédents : 260 000 euros seulement.
Il vise à corriger une injustice qui persiste, à savoir la différence de traitement entre les harkis en fonction du statut juridique qui s’appliquait à eux en Algérie. La plupart d’entre eux étaient d’origine musulmane et relevaient donc du statut civil de droit local. Toutefois, un petit nombre de pieds-noirs, de statut civil de droit commun, se sont également engagés dans les formations supplétives et ont connu exactement les mêmes conditions de vie et d’engagement que leurs camarades musulmans.
Pourtant, plus de 55 ans après les faits, l’allocation de reconnaissance leur est toujours refusée, bien qu’ils aient bénéficié, entre 2011 et 2013, de décisions de justice en leur faveur. Selon les associations, moins de 70 personnes seraient actuellement concernées, ce qui correspond à un coût très faible de 260 000 euros par an. Ce coût serait d’ailleurs immédiatement compensé par le déclin démographique global du nombre de bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance : on dénombre 209 allocataires de moins en 2017 qu’en 2016.
Bruno Gilles nous offre aujourd’hui la possibilité de mettre un terme à cette discrimination entre frères d’armes. Je vous invite donc, madame la secrétaire d’État, à exprimer un avis favorable sur cet amendement, et vous, mes chers collègues, à saisir cette occasion.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-235 rectifié quater est présenté par Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bas, Husson, Chatillon, Grand, Daubresse et Allizard, Mmes Deroche et Primas, M. Babary, Mme Lassarade, MM. Bouchet, Mayet, Grosdidier et Dallier, Mmes Di Folco, Eustache-Brinio et Gruny, MM. Danesi, Rapin, Leleux, Paccaud, Savin et Paul et Mme Garriaud-Maylam.
L’amendement n° II-308 rectifié ter est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Duplomb et de Legge, Mme Deromedi, M. Dufaut, Mmes Imbert et Lanfranchi Dorgal, M. Houpert, Mme Lamure et MM. Revet, Kennel, Gremillet, Pierre, Longuet et Bonhomme.
L’amendement n° II-309 rectifié bis est présenté par MM. H. Leroy, Morisset, Pemezec, Piednoir, Sol et Meurant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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Liens entre la Nation et son armée |
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256 410 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale dont titre 2 |
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TOTAL |
256 410 |
256 410 |
256 410 |
256 410 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° II-235 rectifié quater.
Mme Brigitte Micouleau. La Nation a un devoir de justice envers les membres de nos forces supplétives en Algérie, quel que soit leur statut.
Cet amendement vise à octroyer l’allocation de reconnaissance de la Nation, pour la période qui s’étend entre le 4 février 2011 et le 19 décembre 2013, aux membres de nos forces supplétives ayant combattu pendant la guerre d’Algérie qui, en raison de leur nationalité, de leur statut civil de droit commun et de différentes décisions juridiques, n’y ont pas eu droit. Malgré des décisions favorables prises à leur égard par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, leur situation n’est toujours pas réglée.
Du fait de leur âge avancé – ils ont en moyenne 80 ans –, les supplétifs de statut civil de droit commun sont de santé précaire. Ils perçoivent une pension de retraite très faible ; la plupart d’entre eux ne vivent que du minimum vieillesse. Si l’on se fonde uniquement sur la période que j’ai mentionnée, seuls 70 supplétifs de statut civil de droit commun pourront prétendre à l’allocation de reconnaissance.
La rente annuelle s’élevant à 3 663 euros par bénéficiaire, le coût total de cette mesure serait, pour l’année 2018, de 256 410 euros.
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2017 consacré à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, aujourd’hui secrétaire d’État, indiquait : « il est nécessaire de parachever la reconnaissance de la Nation envers l’ensemble des anciens supplétifs en tenant compte de la situation spécifique de ceux dont le statut civil, en Algérie, relevait du droit commun et non du droit local […] Votre rapporteur pour avis […] estime que la République s’honorerait à reconnaître leur engagement et à réparer le sacrifice qu’ils ont consenti pour elle. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° II-308 rectifié ter.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement, comme les précédents, a pour objet de corriger l’injustice qui persiste pour les membres supplétifs de statut civil de droit commun qui s’étaient engagés sous les drapeaux français.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Leroy, pour présenter l’amendement n° II-309 rectifié bis.
M. Henri Leroy. Mon amendement est identique aux deux précédents. Je dirai tout simplement, pour faire écho à notre vice-doyen, Charles Revet : n’attendons pas d’accorder aux supplétifs la reconnaissance de la Nation à titre posthume ! Il s’agit seulement de 265 000 euros, somme qui pourrait largement être compensée par la disparition de nombreux anciens combattants. Il n’y aurait donc aucun changement financier réel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je remercie mes collègues qui ont présenté ces amendements : M. le président de la commission des affaires sociales, qui est intervenu au nom de M. Bruno Gilles, à l’attention de qui j’envoie moi aussi un message d’amitié, Mme Micouleau, Mme Morhet-Richaud et M. Leroy. Je comprends tout à fait que cette somme de 260 000 euros est fort minime, et ces revendications légitimes. Malheureusement, pour des raisons techniques, il me faudra émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces amendements, si leurs auteurs ne consentent pas à les retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Aucune différence n’existe entre des soldats qui combattent pour une même cause ; je suis bien d’accord sur ce point avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Néanmoins, il est vrai que les harkis de statut civil de droit commun sont éligibles, au même titre que les harkis qui relevaient du droit local, à la carte du combattant et à tous les services de l’ONAC, s’ils ont besoin de son soutien. En outre, une différence nette existe en faveur des premiers : eux seuls ont eu accès à des droits ouverts aux rapatriés. C’est pour les harkis de statut civil de droit local que le dispositif spécifique de l’allocation de reconnaissance a été institué ; il a d’ailleurs été confirmé l’an dernier.
Je veux par ailleurs vous faire savoir que le Président de la République s’est engagé auprès des différentes associations de harkis à mener un important travail sur la réparation. Une commission sera mise en place dans les prochaines semaines, et comprendra des représentants des associations, mais également des membres qualifiés. Elle sera spécifiquement chargée de travailler sur la reconnaissance et la réparation des harkis.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer ces amendements, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour explication de vote.
Mme Brigitte Micouleau. Je ne retirerai pas mon amendement. En effet, à mes yeux, nous défendons en l’espèce l’égalité de traitement et la reconnaissance que doit montrer la République envers tous ceux qui se sont battus pour elle. Il n’est nullement question ce matin de juger l’Histoire ; il s’agit simplement de remédier à l’injustice qui existe, pour leur traitement, entre les anciens supplétifs selon que leur statut civil était de droit commun ou de droit local.
Ce débat n’a que trop duré au regard de l’âge de ces anciens combattants, dont l’état de santé se dégrade. Tous les élus ont été sollicités à ce sujet, et ce depuis des années. Il est temps, à mon avis, de clôturer ce chapitre et, surtout, de refermer les plaies incompatibles avec la volonté d’apaisement nécessaire à toute politique de mémoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Les distinctions réelles qui existent, encore aujourd’hui, entre anciens supplétifs devraient disparaître. La très grande majorité des harkis relevaient du statut civil de droit local. Toutefois, des pieds-noirs, de statut civil de droit commun, se sont engagés à leurs côtés dans les différentes formations supplétives. Le législateur leur a toujours refusé le bénéfice de l’allocation de reconnaissance.
Une décision du Conseil constitutionnel de 2011 leur a donné satisfaction, mais l’administration n’a pas accédé à leurs demandes et une loi de 2013 les a de nouveau exclus du dispositif.
Environ 70 personnes seraient concernées, ce qui représente un coût, minime, de 260 000 euros par an. C’est pour nous une question de justice de garantir l’égalité entre ces anciens compagnons d’armes. C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera pour l’amendement n° II-289.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.
M. Henri Leroy. Je maintiens mon amendement. Le retirer reviendrait à accepter qu’on attende que ces anciens combattants disparaissent pour enfin les honorer.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. À n’en pas douter, Mme la secrétaire d’État et MM. les rapporteurs sont bien conscients des manques qui existent et veulent les réparer. Des problèmes financiers se posent aussi, bien sûr, mais il me semble que l’amendement n° II-289 vise à corriger une discrimination vis-à-vis de certains harkis. Nous voterons donc en sa faveur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Le groupe Union centriste se joindra à l’ensemble des soutiens de ces amendements. En effet, nous vivons aujourd’hui un moment assez particulier. Mme la secrétaire d’État a rappelé à raison que rien n’a été fait jusqu’à présent pour remédier à certaines des injustices auxquelles nous nous attaquons ce jour. Nous comprenons bien également sa très forte volonté d’y travailler.
Cela dit, aujourd’hui, nous voyons tous, au pied des monuments aux morts, de jeunes générations arriver en nombre croissant pour soutenir ce devoir de mémoire. Envers ces jeunes qui viennent avec nous commémorer ces guerres, nous avons un devoir de sincérité et un devoir de justice. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir l’ensemble des amendements qui ont été défendus à ce propos, quand bien même nous reconnaissons la bonne volonté de Mme la secrétaire d’État. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos II-235 rectifié quater, II-308 rectifié ter et II-309 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 50 et 51, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Article 50
I. – Le I de l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « à l’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) » sont remplacés par les mots : « aux I et I bis de l’article 47 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « 3 515 € à compter du 1er janvier 2017 » sont remplacés par les mots : « 3 663 € à compter du 1er janvier 2018 » ;
3° Au troisième alinéa, les mots : « 2 422 € à compter du 1er janvier 2017 » sont remplacés par les mots : « 2 555 € à compter du 1er janvier 2018 ».
II. – Au premier alinéa du I de l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, les mots : « 3 515 € à compter du 1er janvier 2017 » sont remplacés par les mots : « 3 663 € à compter du 1er janvier 2018 ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50.
(L’article 50 est adopté.)
Article 51
À compter du 1er janvier 2018, sont calculées sur la base du dernier grade détenu par les ayants droit les pensions militaires d’invalidité :
1° Des militaires radiés des cadres ou rayés des contrôles avant l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1962 (n° 62-873 du 31 juillet 1962) ;
2° Des ayants cause des militaires mentionnés au 1° ou décédés avant l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1962 (n° 62-873 du 31 juillet 1962). – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 51
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-451, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Benbassa, MM. Collombat et Gay, Mme Gréaume et MM. Gontard, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard quatre mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’information portant sur l’attribution de la carte du combattant aux militaires français déployés sur le territoire de l’Algérie après le 2 juillet 1962, l’actualisation du rapport constant et l’augmentation du point d’indice pour les pensions militaires et la retraite du combattant et les conditions d’octroi de la demi-part supplémentaire pour les veuves de titulaires de la carte de combattant.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je retire cet amendement au profit de l’amendement n° II-447, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-451 est retiré.
L’amendement n° II-447, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Benbassa, MM. Collombat, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard quatre mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à réparer les inégalités et les injustices portant sur l’attribution de la carte du combattant aux militaires français déployés sur le territoire de l’Algérie après le 2 juillet 1962, l’actualisation du rapport constant et l’augmentation du point d’indice pour les pensions militaires et la retraite du combattant et les conditions d’octroi de la demi-part supplémentaire pour les veuves de titulaires de la carte de combattant.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, comme d’autres, vise à demander la remise d’un rapport au Parlement, ce qui est toujours quelque peu compliqué. Cela fait aussi écho à mes propos antérieurs : ces demandes sont en quelque sorte les seuls outils qui nous restent pour interroger le Gouvernement sur des questions budgétaires et faire bouger les lignes.
Nous avons déjà beaucoup débattu de l’attribution de la carte du combattant aux militaires français déployés sur le territoire d’Algérie après le 2 juillet 1962. Nous demandons, à travers cet amendement, que le Gouvernement nous remette un rapport sur l’actualisation du rapport constant, sur l’augmentation du point d’indice pour les pensions militaires et la retraite du combattant et sur les conditions d’octroi de la demi-part supplémentaire pour les veuves de titulaires de la carte du combattant, afin que nous puissions disposer de l’ensemble de ces éléments.
Mme la présidente. L’amendement n° II-453, présenté par M. Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard au 1er septembre 2018, un rapport portant sur les effets et l’impact financier de l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire, telle que prévue au f du 1 de l’article 195 du code général des impôts, aux veuves, âgées de plus de 74 ans, de titulaires de la carte du combattant ou d’une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, quel que soit l’âge du décès du conjoint.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Il est vrai que toujours moins de témoins directs des événements qui inspirent nos débats depuis ce matin sont présents parmi nous. Néanmoins, les décisions que nous prenons sont lourdes de conséquences pour ceux qui restent. Tel est vraiment l’objet de cet amendement.
Une demi-part fiscale supplémentaire a été octroyée aux anciens combattants par la loi de finances pour 2016. Depuis la loi de finances pour 2017, l’âge minimal d’ouverture du droit à cette demi-part a été ramené de 75 à 74 ans. Les veuves d’anciens combattants peuvent également bénéficier de cette demi-part à une double condition : elles doivent être âgées de plus de 74 ans et leur conjoint doit être décédé après son soixante-quatorzième anniversaire.
Désormais, la très grande majorité des anciens combattants, notamment ceux d’Algérie, de Tunisie et du Maroc, ainsi que 85 % des bénéficiaires de la retraite du combattant sont effectivement âgés de plus de 75 ans.
Néanmoins, il demeure une injustice majeure entre les veuves d’anciens combattants. En effet, celles dont le mari est décédé tôt, avant 74 ans, sans avoir donc pu bénéficier de cette demi-part, ne peuvent dès lors en bénéficier. Cela concerne 40 % des veuves d’anciens combattants.
Dans le passé, les services déconcentrés des finances publiques appliquaient la réglementation avec souplesse et humanité et pouvaient parfois accorder la demi-part supplémentaire à ces veuves.
C’est pourquoi le présent amendement vise à demander la remise au Parlement, avant l’examen du prochain projet de loi de finances, d’un rapport sur les effets qu’aurait la généralisation de l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire à toutes les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge du décès de leur conjoint.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. J’ai bien noté, madame la secrétaire d’État, votre réelle volonté de rendre plus objectif l’ensemble de ces dispositifs et de prendre en compte les demandes des grandes associations d’anciens combattants. Vous entendez également associer à cette démarche les parlementaires, sénateurs et députés. Je tiens à saluer ce travail collectif, car il est l’occasion de faire passer des messages importants.
C’est pourquoi, compte tenu de vos engagements, et sous réserve de leur confirmation, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Je suis défavorable, par principe, aux demandes de rapport, tout simplement parce que ce n’est pas l’objet d’une loi de finances, donc de la discussion d’aujourd’hui.
J’ai pris devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le rappeler M. le rapporteur spécial, l’engagement d’étudier les sujets en question. Cela sera fait dans les semaines et les mois qui viennent, afin de pouvoir déterminer au plus vite un cap pour le prochain budget. Bien sûr, le Sénat sera associé à cette réflexion.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer ces amendements ; sinon, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-449, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Benbassa, MM. Collombat et Gay, Mme Gréaume et MM. Gontard, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant le bilan du retard du point de pension militaire d’invalidité depuis 1990 et étudiant les possibilités de rattraper ce retard.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La retraite du combattant va être portée à 748 euros. Néanmoins, il demeure un contentieux non négligeable relatif aux droits à réparation des anciens combattants et des victimes de guerres. Vous avez eu raison de rappeler, madame la secrétaire d’État, que la responsabilité de ce contentieux ne peut être imputée uniquement à ce début de quinquennat.
Au premier rang de ce contentieux est le retard de la valeur du point de pension militaire d’invalidité. Ce point sert au calcul non seulement du montant de cette pension, mais aussi à celui de la pension de retraite du combattant ainsi que du plafond majorable des rentes de la retraite mutualiste du combattant. L’ensemble des ressortissants de l’ONAC est donc concerné, soit un peu plus d’un million de titulaires de la retraite du combattant, auxquels il faut ajouter les pensionnés militaires.
J’ai bien entendu vos arguments, madame la secrétaire d’État. J’ai envie de dire que votre jurisprudence sur les demandes de rapport n’est pas nouvelle : trop de rapports pourraient tuer les rapports ! En revanche, il me semble que vous avez pris des engagements ce matin devant nous. Nous sommes dans le cadre d’un projet de loi de finances. Certaines décisions qui y figurent nous conduisent à nous interroger ; en tout cas, elles nécessitent des études complémentaires. Il faut disposer d’éléments précis et donc d’études d’impact pour évaluer les décisions qui ont été prises ou, plus précisément, qui le seront lors du vote définitif de ce projet de loi de finances pour 2018.
C’est pourquoi, pour en revenir à la problématique du contentieux relatif au retard du point de pension militaire d’invalidité, nous souhaiterions recevoir un rapport qui présente les retards calculés. Il s’agit aussi de nous donner la possibilité, à travers ce rapport, d’étudier de façon tripartite les possibilités de réduire ces inégalités une bonne fois pour toutes et de régler le problème de ce contentieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je suis quelque peu désolé pour Cécile Cukierman et ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, mais il s’agit d’une demande de rapport. Dès lors, et au vu de l’engagement pris par Mme la secrétaire d’État, il me faut malheureusement faire part du même avis que sur les autres demandes de rapport : je vous prie, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi la commission lui sera défavorable.
Je profite aussi de l’occasion pour remercier l’ensemble de mes collègues, ainsi que le personnel de notre institution, de leur engagement au service de cette séance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° II-449 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. J’ai entendu vos propos, madame la secrétaire d’État. Je ne juge pas a priori. Tout comme nos collègues des autres groupes, nous sommes à votre disposition pour travailler avec les associations du monde combattant et réfléchir à ces questions.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de savoir si cette réflexion doit se concrétiser par la remise d’un rapport ou sous toute autre forme : l’important est de pouvoir utiliser l’année 2018 pour réellement étudier ces sujets et apporter des réponses et des solutions.
Dès lors, puisqu’il s’agit du dernier amendement en discussion ce matin, je vais le retirer en prenant acte de vos déclarations. De toute façon, si vos actes ne suivaient pas, nous nous retrouverions l’an prochain, au même jour et à la même heure, pour ainsi dire, et cette fois-là je défendrais un amendement identique et le maintiendrais, avec peut-être beaucoup plus de force encore ! (M. le rapporteur spécial applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-449 est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Modification des horaires de la séance du jeudi 14 décembre 2017
Mme la présidente. Mes chers collègues, en raison de la tenue de la Conférence nationale des territoires, et en accord avec les commissions concernées et le Gouvernement, le début de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, initialement prévu jeudi 14 décembre, à dix heures trente, devrait être fixé le même jour, à dix-huit heures trente. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte resterait fixé à dix heures trente.
En conséquence, la discussion de la proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat, serait inscrite à l’ordre du jour du matin, à dix heures trente.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable – vingt-neuf voix pour, zéro voix contre et trois bulletins blancs – à la reconduction de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
5
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2018.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Cohésion des territoires
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 52, 52 bis, 52 ter, 52 quater, 52 quinquies et 52 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » et « Politique de la ville ». Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les crédits d’une nouvelle mission, « Cohésion des territoires », qui regroupe les crédits de deux précédentes missions, « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Cela a au moins pour mérite que les crédits consacrés à la politique du logement figurent de nouveau dans la même mission que ceux de la politique de la ville.
Compte tenu du temps assez restreint dont je dispose, je ne présenterai pas dans le détail les crédits de la mission et vous renvoie à la lecture du rapport. Je me contenterai d’aborder quelques points saillants, et il y en a cette année !
La mission constitue tout d’abord l’un des principaux postes d’économie du budget général, puisqu’elle connaît la plus forte baisse de crédits de paiement en un an, soit 1,7 milliard d’euros. Cette tendance se poursuivra également sur le plan triennal 2018-2020, avec une diminution de 8,3 % en valeur, tandis que les crédits du budget général augmenteront parallèlement de 3 %.
Cette baisse en 2018 de la dépense publique de l’État est principalement supportée par le programme 109, qui finance les aides personnelles au logement, les APL, et voit son enveloppe se réduire de 1,9 milliard d’euros. Pour cela, vous proposez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, des mesures à l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 qui ne nous convainquent ni dans leur version initiale ni dans celle qu’ont adoptée nos collègues députés. La réduction de loyer de solidarité que vous proposez n’est notamment pas exempte de critiques.
Surtout, nous aurons l’occasion d’y revenir longuement lors de l’examen de cet article, derrière une prétendue mesure en faveur du pouvoir d’achat des locataires, qui sera dans les faits très minime, malgré des effets d’aubaine pour certains, et une réforme de structure des organismes de logement social, vous proposez en réalité une mesure de rendement budgétaire permettant de réduire la dépense publique. Toutefois, vous n’en aviez probablement pas mesuré toutes les conséquences néfastes lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2018. Il faut donc espérer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que nous parviendrons à une solution de compromis plus soutenable pour les bailleurs sociaux, et qui ne remette pour autant pas en cause la bonne dynamique constatée en matière de construction depuis de nombreux mois, après plusieurs années d’atonie.
La baisse des aides personnalisées au logement porte aussi les conséquences de l’abattement forfaitaire de cinq euros décidé par le Gouvernement à l’été dernier. Cette mesure, initialement prise pour équilibrer le budget pour 2017, s’applique également pour l’avenir et permet une économie de 400 millions d’euros en année pleine.
Plus globalement, le pilotage par le Gouvernement de la politique du logement ne manque pas de me laisser perplexe. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté votre « stratégie » pour le logement alors qu’était déposé parallèlement un projet de loi de finances pour 2018 qui envoie des signaux contradictoires, sinon négatifs, au secteur de l’immobilier.
Pour revenir à la mission, vous opérez un rebasage bienvenu concernant l’hébergement d’urgence et je ne peux, sur le programme 177, que partager votre priorité donnée à l’accès au logement, votre recherche d’une meilleure maîtrise des coûts et vos efforts pour restructurer le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion. Pour autant, nous savons que, encore une fois cette année, vous manquerez de crédits face à une dépense souvent inéluctable. Par ailleurs, comment comptez-vous concrétiser le plan Logement d’abord dans votre budget ? Pour l’heure, je n’y vois trace.
C’est désormais un fait : l’État se désengage complètement du financement des aides à la pierre, avec seulement 50 millions d’euros de crédits budgétaires inscrits. À la place, il est demandé aux bailleurs sociaux de financer davantage le Fonds national des aides à la pierre, le FNAP.
Plus de crédits pour les aides à la pierre donc, en revanche, le budget de l’État fait son grand retour en tant que financeur de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Ainsi, 110 millions d’euros sont inscrits pour le programme Habiter mieux en 2018 et une enveloppe de 1,2 milliard d’euros est annoncée sur le quinquennat dans le cadre du Grand Plan d’investissement. Ces crédits viennent prendre le relais des crédits du programme d’investissements d’avenir qui s’achèvent. Le budget de l’ANAH reste cependant soumis à l’aléa du cours des cessions de quotas carbone, mais paraît toutefois davantage sécurisé que par le passé, ce dont je ne peux que me réjouir.
Enfin, les crédits de la politique de la ville se trouvent globalement sanctuarisés. Les acteurs de cette politique publique ne sont toutefois pas rassurés, après la forte mesure de régulation budgétaire opérée au mois de juillet 2017 et ayant conduit à l’annulation de crédits remontés des territoires.
Par ailleurs, le Gouvernement affiche de fortes ambitions en termes de rénovation urbaine, avec une enveloppe portée à 10 milliards d’euros pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU.
Si la situation financière de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, paraît plutôt assurée à court terme, de même que le financement global du NPNRU – nous verrons avec les bailleurs sociaux –, plusieurs interrogations restent toutefois en suspens. Monsieur le ministre, comment comptez-vous couvrir l’impasse de trésorerie identifiée, non à court terme, mais sur le moyen ou le long terme ?
Je terminerai mon propos en revenant sur l’article 52, qui, il faut bien l’avouer, a focalisé notre attention et nos échanges au cours des dernières semaines, et jusque tard dans la nuit ! (Sourires.)
À partir des mesures qui étaient proposées par le Gouvernement, nous avons mené, avec la commission des affaires économiques, mais aussi avec des sénateurs de divers groupes du Sénat, un important travail de concertation en vue d’un compromis. Nous sommes déjà parvenus, lors de l’examen de la première partie, à l’adoption d’un relèvement du taux réduit de TVA à 10 % pour les constructions et les travaux réalisés dans les logements sociaux, pour un rendement de 700 millions d’euros. Une première étape a été franchie.
Nous abordons désormais la seconde étape, notamment avec un amendement de la commission des finances, dont l’adoption non seulement permettrait une économie pour l’État de 850 millions d’euros, incluant une baisse de la dépense publique de 400 millions d’euros, mais est aussi une solution bien plus soutenable pour les bailleurs sociaux et sans montée en charge. En effet, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’un projet de loi au printemps prochain doit permettre de réformer le secteur du logement social, pourquoi n’attendez-vous pas que la démarche soit engagée ?
En conséquence, la commission des finances a demandé l’examen de l’article 52 en priorité. Cela nous permettra ensuite d’examiner en connaissance de cause les crédits de la mission que la commission des finances vous proposera d’adopter en fonction de ce que nous aurons décidé sur cet article et dès lors que le Gouvernement aura présenté l’amendement annoncé lors de l’examen de l’article d’équilibre visant à inscrire 700 millions d’euros supplémentaires sur le programme 109, « Aide à l’accès au logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État ». Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Philippe Dallier vient de s’exprimer sur une partie importante de la mission « Cohésion des territoires », en particulier sur ce qui concerne le logement. Pour ma part, j’aborderai les programmes 112 et 162, spécifiquement dédiés à l’aménagement du territoire.
Je tiens à insister sur plusieurs dispositions qui me semblent manquer de cohérence ou ne pas répondre aux besoins des territoires, voire marquer un recul par rapport à 2017.
Premièrement, deux outils financiers, les contrats État-métropoles et les contrats de ruralité, ont été transférés vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Alors que l’ancienne mission « Politique des territoires » rassemblait en 2017, dans une cohérence d’ensemble, les quatre outils financiers de contractualisation avec les territoires – les contrats de plan État-région à l’échelle régionale, les pactes État-métropoles, les contrats de ville et les contrats de ruralité –, à compter de 2018, deux seront inscrits sur la mission « Cohésion des territoires » et deux sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
D’un côté, on fusionne deux missions, ce qui est cohérent et que nous approuvons, de l’autre, on entache cette cohérence retrouvée en dispersant les outils de contractualisation sur deux missions. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer à quelle logique répond ce changement ?
Deuxièmement, les crédits consacrés aux contrats de ruralité diminuent et perdent en lisibilité.
Ces contrats, nous les réclamions depuis longtemps, et j’avais moi-même proposé en 2016 dans un rapport d’information sur le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qu’ils puissent être créés pour accompagner les stratégies de développement local des territoires ruraux. Ils étaient donc attendus dans le monde rural et ont trouvé une traduction budgétaire dans la loi de finances pour 2017. Quatre cents contrats étaient déjà signés à la fin du mois de septembre dernier, ce qui montre bien l’intérêt de ce dispositif pour les élus locaux.
Le projet de loi de finances pour 2018 conserve le dispositif, ce dont nous sommes satisfaits. Toutefois, en dehors des 44 millions d’euros de crédits de paiement prévus sur le programme 112 pour honorer les engagements de la seule année 2017, aucun crédit n’est réellement dédié aux nouveaux contrats de ruralité.
Alors que, dans la loi de finances pour 2017, 216 millions d’euros en autorisations d’engagement étaient inscrits et vraiment fléchés vers les contrats de ruralité au programme 112, 62 millions d’euros ont été annulés dans le décret d’avance du mois de juillet. Pour 2018, seule figure une indication de 45 millions d’euros à prélever sur la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », alors même que 150 millions d’euros devraient être consommés en autorisations d’engagement d’ici à la fin 2017, pour la première année de mise en œuvre de ces contrats.
Cela signifie donc qu’il n’y aura pas réellement de crédits disponibles pour financer de nouveaux contrats en 2018, sauf à consommer les crédits de droit commun inscrits sur la DSIL au détriment d’autres projets. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si de nouveaux contrats pourront être signés en 2018 et, si oui, avec quels crédits et pour quels montants ?
Troisièmement, la prime à l’aménagement du territoire est une aide directe aux petites et moyennes entreprises qui vise à soutenir l’emploi dans les territoires les plus fragiles.
En 2017, les crédits alloués à cette prime s’élevaient à 20 millions d’euros. Le projet de loi de finances initial pour 2018 ramenait cette somme à 10 millions d’euros, mais l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale en a porté le montant à 15 millions d’euros. Or, nous le savons, 20 millions d’euros, c’est le minimum nécessaire pour accompagner les entreprises dans ces territoires, d’autant qu’une part importante de cette enveloppe sera consommée dans le cadre des engagements pris par l’État pour faciliter la reprise du site de Whirlpool à Amiens.
Nous présenterons par conséquent un amendement visant à rétablir l’enveloppe de 20 millions d’euros. Monsieur le ministre, accepterez-vous notre proposition en faveur des petites et moyennes entreprises des territoires fragiles ?
Quatrièmement, devant les maires de France, le Président de la République a indiqué que l’agence nationale de la cohésion des territoires devait jouer le rôle de facilitateur des projets des territoires. S’agira-t-il d’une structure pilotée par le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, ou d’un nouvel opérateur sur le modèle de l’ANRU ? Pour ma part, je considère que cette agence devrait s’appuyer sur le CGET, dont l’expertise n’est plus à démontrer dans l’accompagnement des territoires. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous en dire davantage sur la forme que pourra prendre cette instance ?
Cinquièmement, pour la première fois, depuis 2009, au sein du programme « Interventions territoriales de l’État », est créée la nouvelle action Plan littoral 21 concernant la région Occitanie. Ce plan est doté de 1 million d’euros, mais devrait monter largement en puissance dans les prochaines années, au fur et à mesure qu’il se déploiera. Je suis heureux que l’on puisse faire évoluer le programme précité avec l’inscription d’une nouvelle action.
En revanche, concernant le plan sur le marais poitevin, le projet de loi de finances prévoit une réduction importante des crédits qui – je le sais pour avoir visité ce site – peut remettre en cause le programme engagé et fragiliser les équilibres trouvés pour ce site dont les enjeux dépassent largement le cadre régional. Je pense qu’il conviendrait, là aussi, de donner de la lisibilité aux nombreux acteurs locaux en les accompagnant mieux vers la sortie annoncée du dispositif.
Finalement, sur plusieurs points, ce projet de budget marque un recul par rapport à celui de 2017 ; je le regrette. Bien entendu, nous devons voter les crédits de la mission dans leur ensemble, mais, compte tenu des enjeux particuliers autour de la question du logement cette année, je me rallierai à la position de Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, à l’issue de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits des programmes 177, 109 et 135 diminuent pour atteindre 15,8 milliards d’euros pour 2018. Le Gouvernement a en effet décidé que la politique du logement participerait de façon importante à la baisse de la dépense publique.
Ainsi, les crédits du programme 109 relatifs aux APL diminuent de 12 %. Le Gouvernement a absolument tenu à afficher une économie de 1,7 milliard d’euros sur les dépenses publiques, dont 1,5 milliard d’euros résultent de la création à l’article 52 d’une réduction de loyer de solidarité, la RLS, et à la baisse des APL qui en résulte.
Certes, il faut faire des économies et la rigueur budgétaire s’impose à tous, mais cette mesure a été décidée brutalement et sans concertation, ni avec les bailleurs sociaux ni avec les élus. Le coût financier est important pour les bailleurs, bien au-delà de 1,5 milliard d’euros, car la RLS peut s’appliquer à des locataires « non APLisés », dont le Gouvernement ne peut chiffrer le nombre. De même, il faut ajouter les coûts de gestion supplémentaires qu’implique la RLS, ainsi que le coût du gel des loyers et le gel des barèmes de calcul des APL.
Ces mesures coercitives auront nécessairement un impact en termes de construction et d’emploi dans les territoires ; elles fragiliseront un peu plus les collectivités territoriales par le biais des garanties d’emprunt en cas de défaillance des bailleurs sociaux.
De plus, je reproche au Gouvernement de segmenter la réflexion. Or fragiliser l’un des maillons de la chaîne du logement menace l’ensemble d’un secteur qui marche.
Philippe Dallier, Sophie Primas, Valérie Létard, d’autres collègues et moi-même avons cherché une solution de compromis qui permette de réaliser des économies budgétaires et qui soit moins douloureuse pour les bailleurs sociaux. Ainsi, en complément de l’augmentation du taux de TVA estimée à 700 millions d’euros, j’ai proposé d’augmenter les cotisations à la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, afin de pouvoir alimenter le Fonds national d’aide au logement, le FNAL, à hauteur de 850 millions d’euros. J’ai également proposé de maintenir l’APL-accession.
Je ne nie pas la nécessité pour le secteur de devoir se restructurer. Il nous faudra, mes chers collègues, commencer à y travailler rapidement, afin d’être force de proposition lors de l’examen du projet de loi Logement.
Sur le programme 135, les crédits diminuent également. En contradiction avec sa stratégie quinquennale censée créer un choc d’offres, l’État se désengage des aides à la construction, notamment des aides à la pierre. Ainsi, il ne contribuera au FNAP qu’à hauteur de 50 millions d’euros, alors qu’il oblige dans le même temps les bailleurs sociaux à augmenter leur contribution pour qu’elle atteigne 375 millions d’euros.
Les aides aux maires bâtisseurs sont supprimées, le dispositif Pinel et le PTZ, prêt à taux zéro, sont recentrés. Je salue en revanche l’engagement du Gouvernement à financer l’ANAH.
Sur le programme 177, les crédits de la politique d’hébergement d’urgence augmentent de 12 %. Toutefois, nous pouvons légitimement nous interroger sur leur sous-budgétisation.
En conclusion, la commission des affaires économiques s’en remet à la sagesse du Sénat sur les crédits des programmes 177, 109 et 135. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le programme « Politique de la ville ». Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits du programme 147, « Politique de la ville » sont en diminution de 16 % en autorisations d’engagement en raison de la baisse des crédits de l’État dédiés au NPNRU, mais demeurent stables en crédits de paiement.
Rappelons que le Gouvernement s’est engagé à sanctuariser pendant le quinquennat les crédits dédiés à la politique de la ville et à ne pas procéder à des coups de rabot. Monsieur le ministre, nous veillerons au respect de ces deux engagements.
Le Président de la République s’est également engagé à maintenir les dotations pour les communes en politique de la ville et a rappelé l’importance de « ramener le droit commun dans les quartiers, afin que chacun ait accès aux mêmes services ». Cela va dans le sens des préconisations que Valérie Létard et moi-même avons formulées, lors de notre mission d’information sur l’évaluation de la loi Lamy.
S’agissant du NPNRU, le Gouvernement s’est engagé à porter le montant du programme à 10 milliards d’euros, dont un milliard d’euros seraient versés par l’État. Ainsi, l’État participera au financement du NPNRU à hauteur de 200 millions d’euros pendant le quinquennat, mais seulement de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2018. Je considère que c’est un mauvais signal qui est envoyé pour l’année prochaine.
Par ailleurs, 2 milliards d’euros seront financés par Action Logement et 2 milliards d’euros supplémentaires par les bailleurs sociaux. Néanmoins, le rejet par ceux-ci de la réforme des APL prévue à l’article 52 a entraîné le retrait de cette proposition de financement. Je regrette vivement cette situation dont nous allons une nouvelle fois débattre tout à l’heure. Comme Dominique Estrosi Sassone, je dénonce la brutalité de cette mesure.
Les nouvelles marges de manœuvre financières qui résultent de l’augmentation des crédits du NPNRU doivent permettre les adaptations du règlement du NPNRU, que Valérie Létard et moi-même avions préconisées ; je pense au scoring ou au montant des aides accordées aux bailleurs sociaux pour les démolitions.
Il ne faut pas oublier les questions de peuplement, j’insiste sur ce point. Si nous mettons autant d’argent public dans les quartiers en difficulté, c’est pour favoriser une plus grande mixité sociale, qui constitue l’un des critères d’évaluation de l’ANRU. Je serai attentive aux effets du plan gouvernemental relatif au logement d’abord, qui devrait conduire les organismes d’HLM à loger plus encore de personnes démunies, alors même qu’ils gèrent déjà de nombreux logements sociaux situés en quartiers Politique de la ville.
Le programme 147 consacre 106 millions d’euros au développement économique et à l’emploi.
En outre, le Gouvernement a souhaité rétablir les emplois francs tout en en assouplissant les conditions. Je m’interroge sur l’effet d’aubaine pour les entreprises, qui embaucheront des jeunes diplômés à moindres frais, alors même qu’il faudrait soutenir les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Pour ces derniers, les contrats aidés sont une bonne solution, contrairement à ce que nous pouvons entendre ; sur ce sujet, une évaluation serait bienvenue.
En conclusion, la commission des affaires économiques s’en remet à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits du programme 147 et émet un avis favorable sur l’adoption de l’article 58 sexies, qui porte le montant du NPNRU à 10 milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et « Aide à l’accès au logement ». Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne dispose que de trois minutes pour vous donner l’avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177, qui finance les dispositifs d’hébergement et de logement adapté.
Ce programme est le réceptacle des insuffisances et des échecs de différentes politiques sociales et économiques, et chacun d’entre nous constate au quotidien combien la question du « sans-abrisme » a pris ces dernières années, et jusqu’à ces derniers jours, une acuité croissante.
Face à la progression du nombre de sans-abri, les solutions sont notablement insuffisantes, alors que le droit à l’hébergement est inscrit dans le code de l’action sociale et des familles. Un chiffre, fourni par les annexes budgétaires, illustre cette insuffisance : en 2017, seuls 21 % des demandes d’hébergement et 1 % des demandes de logement adressées aux services intégrés d’accueil et d’orientation ont pu être satisfaites.
Au-delà des alternances politiques, les constats que je dresserai devant vous s’inscrivent malheureusement dans la continuité des exercices précédents.
Comme chaque année, les crédits du programme 177 augmentent nettement. La progression était de 15 % l’année dernière, elle est de 12 % cette année, soit 212 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Néanmoins, comme chaque année, les crédits qu’il nous est demandé de voter sont inférieurs à ceux qui auront réellement été consommés en 2017, compte tenu des dotations supplémentaires qui ont été nécessaires pour faire face à l’urgence.
La sous-budgétisation récurrente et l’insincérité chronique de ce programme, dénoncées non seulement par le Sénat, mais également par la Cour des comptes, persistent donc. À la différence des années précédentes toutefois, le Gouvernement a annoncé sa volonté de ne pas recourir à des décrets d’avance en 2018 et tablerait par conséquent sur une baisse effective des dépenses du programme.
Cette volonté n’est pas tenable, à moins de consentir à une augmentation drastique du nombre de personnes et de familles laissées à la rue. Il s’agit donc certainement d’un vœu pieux, qui accentuera les difficultés de trésorerie des opérateurs locaux.
Cette insuffisance manifeste des crédits du programme 177 est à replacer dans le contexte de l’annonce par le Président de la République d’un plan quinquennal pour le logement d’abord. Il s’agit de recentrer les dispositifs d’hébergement sur la réponse à l’urgence et la mise en œuvre du droit inconditionnel à l’hébergement et de rechercher une intégration rapide dans le logement, couplée à un accompagnement social renforcé.
Ces orientations font consensus. Elles ne sont pour autant pas nouvelles. D’autres avant vous, monsieur le ministre, ont cherché à les mettre en œuvre. Toutefois, la réussite d’un tel plan nécessiterait d’y consacrer des moyens nettement supérieurs à ceux que prévoit le projet de loi de finances pour 2018.
Favoriser l’accès direct au logement suppose par ailleurs de développer l’offre de logements très sociaux, et l’article 52 suscite un certain nombre d’inquiétudes quant à la capacité des bailleurs à réaliser les investissements nécessaires.
La commission des affaires sociales considère donc que les crédits du programme 177 témoignent, comme chaque année, d’une sous-budgétisation et d’une insincérité préoccupante. S’agissant de l’adoption des crédits de l’ensemble de la mission, elle a émis un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 juillet dernier, le Gouvernement s’est engagé dans une dynamique positive en faveur de la ruralité lors de la première Conférence nationale des territoires. Cinq mois plus tard, nous regrettons que les crédits dédiés à l’aménagement du territoire dans la mission examinée aujourd’hui ne traduisent pas fidèlement cette ambition.
Comme l’a souligné Bernard Delcros, rapporteur spécial, le transfert des contrats de ruralité hors du programme 112 vers la dotation de soutien à l’investissement local est un premier signal négatif. Davantage qu’un simple ajustement technique, ce choix ne s’accompagne d’aucune garantie quant aux crédits d’engagement dédiés aux contrats de ruralité pour 2018.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donc exprimé de réelles inquiétudes quant à l’avenir de cet outil, pourtant apprécié par les acteurs locaux lors de sa première année de mise en service. Il s’agit en effet d’un instrument pertinent pour soutenir des projets transversaux de développement local qui contribue à la reconnaissance des problématiques spécifiques de la ruralité, à l’instar des contrats de ville pour certains territoires urbains.
Nous avons par ailleurs relevé que plusieurs éléments constants du programme 112 continueront de diminuer en 2018. La commission a particulièrement souligné la nécessité de maintenir à un niveau suffisant les crédits de la prime d’aménagement du territoire compte tenu de son utilité pour soutenir l’activité économique dans certains territoires en difficulté.
Elle s’est également interrogée sur la compatibilité entre le projet de création d’une agence nationale de la cohésion des territoires et une nouvelle baisse des ressources du Commissariat général à l’égalité des territoires. Amplifiée par la diminution des ressources du CEREMA, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, cette situation nous semble peu favorable à un véritable renforcement de l’ingénierie mise à disposition des collectivités, ingénierie que nous appelons de nos vœux. Nous avons toutefois salué l’effort décidé en faveur du développement des maisons de services au public, compte tenu de l’importante contribution de cette politique au maintien d’une offre de services publics de qualité et de proximité dans les territoires.
La commission a par ailleurs relevé la création d’une nouvelle action au sein du programme 162, dédiée à la revitalisation du littoral occitan. Si les crédits demeurent très limités pour 2018, l’intervention de l’État contribue à une mise en cohérence et à une dynamisation de la contribution des autres partenaires du plan en cause.
Au final, ce budget étant en retrait par rapport à celui de l’année précédente et dépourvu d’éléments forts pour 2018, la commission a considéré qu’il n’était pas à la hauteur des difficultés et des besoins identifiés, en particulier dans les territoires fragiles. Rien ne prouve aujourd’hui que la fracture territoriale diminuera.
Pour ces différentes raisons, et dans l’attente de propositions concrètes, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits relatifs à la cohésion des territoires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Decool. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » correspond à une politique importante, du fait de la transversalité des sujets évoqués et des actions menées. Toutefois, son budget reste mineur en termes financiers. Il ne représente en effet que 3 % des crédits de la politique d’aménagement du territoire, soit 7,7 milliards d’euros en 2018.
À l’heure où les disparités entre les territoires s’aggravent, permettez-moi de commencer mon intervention en déplorant le manque d’intérêt des pouvoirs publics pour cette question, pourtant essentielle au développement équilibré de notre pays. Si nous n’investissons pas aujourd’hui dans un projet de cohésion globale de nos territoires, la France perdra demain son équilibre.
À l’heure actuelle, deux programmes concourent à la politique de cohésion des territoires. Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État » est le premier d’entre eux. Il comporte notamment les crédits du Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, le FACÉ. En 2018, les crédits de ce programme seront en baisse de 4,5 % et ne s’élèveront qu’à 360 millions d’euros. Ce n’est pas une décision anodine. Mon groupe s’inquiète, au moment où le Gouvernement encourage une révolution énergétique à grande vitesse, qu’il réduise parallèlement les crédits accordés à l’extension et au renforcement des réseaux de distribution d’électricité dans nos campagnes.
Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » subit, quant à lui, une baisse encore plus drastique de ses moyens, les autorisations d’engagement étant réduites de 58 %, à 191 millions d’euros. Cette diminution résulte essentiellement, cela a été dit par le rapporteur pour avis, du retrait du programme des contrats de ruralité. La force de la France, c’est pourtant la diversité de ses territoires.
Les contrats de ruralité sont unanimement salués comme des outils pluriannuels de développement de notre territoire. Ainsi, 786 intercommunalités sont déjà engagées dans environ 500 contrats de cette nature, les objectifs étant d’améliorer l’accès aux soins, de revitaliser les centres-bourgs, ou encore d’accroître l’attractivité territoriale. Nous partageons l’inquiétude de nombre de nos collègues concernant l’isolement de ces contrats à l’extérieur du programme 112.
Quelques avancées notables au sein de ce même programme méritent cependant d’être saluées : le maintien de la prime d’aménagement du territoire, un des derniers régimes d’aide directe aux entreprises autorisés par l’Union européenne, le régime réformé des zones de revitalisation rurale, en faveur duquel mon groupe s’est déjà prononcé lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et au cours de précédentes discussions sur le présent projet de loi de finances, ou encore la dynamique d’innovation portée par les pôles d’attractivité.
Toutes ces initiatives contribuent à recréer de l’emploi dans nos territoires et doivent être accompagnées par un maillage territorial resserré. C’est pourquoi mon groupe félicite le Gouvernement de sa décision d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits accordés aux maisons de services au public. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement visant à évaluer le manque de services publics ou parapublics dans les zones rurales et les quartiers défavorisés.
Mon groupe s’inquiète en revanche de la mesure antisociale prévue à l’article 52 du projet de loi de finances, à savoir la réduction de 1,5 milliard d’euros des aides personnalisées au logement. La progressivité de cette réduction entre 2018 et 2020, votée par l’Assemblée nationale, atténue temporairement la saignée des ménages modestes, mais cette seule mesure nous conduit à rejeter les crédits de cette mission.
Pour finir, je dirai un mot, si vous me le permettez, sur la couverture numérique du territoire. La couverture mobile et internet de nos territoires est essentielle à leur attractivité. Le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux dans le courant du mois de septembre : bon haut débit pour tous dès 2020, très haut débit pour tous dès 2022 et couverture mobile de qualité généralisée d’ici à 2020. Nous soutenons ces objectifs, mais nous ne croyons pas que le niveau actuel des crédits de cette mission permettra de mettre en œuvre de telles ambitions.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, parce qu’il regrette le manque d’attention portée à la question de l’aménagement du territoire dans ce budget et qu’il s’inquiète de la baisse drastique des APL, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre les crédits de cette mission.
M. François Patriat. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, porter la mission « Cohésion des territoires », laquelle subit la plus forte baisse de crédits au sein du projet de loi de finances pour 2018, et mener de front la réforme du logement dont nous avons tant besoin, compte tenu de la situation urgente dans laquelle se trouvent 4 millions de nos concitoyens mal logés, n’est pas un exercice aisé. Je le conçois volontiers, monsieur le ministre. Cette tâche est d’autant plus complexe et sensible que nous touchons en l’espèce à l’un des besoins les plus fondamentaux : le droit de chacun de vivre dignement dans un logement décent.
Nous partons du constat que la politique du logement est inefficiente et coûteuse pour nos finances publiques puisque 40 milliards d’euros y sont consacrés chaque année, soit 2 % du produit intérieur brut de la France.
Le programme 109, « Aide à l’accès au logement » concentre 82 % des crédits de la mission pour un montant de 13,6 milliards d’euros. Sur le principe, nous sommes nombreux à considérer que les aides de cette nature méritent d’être réformées, afin de renforcer leur efficacité.
Toutefois, nous aurions souhaité que la baisse des aides au logement prévue à l’article 52 intervienne de manière plus équitable, dans le cadre d’une réforme globale, indépendamment des considérations purement budgétaires, puisque cette mesure permet de réaliser une économie de 1,5 milliard d’euros.
Si j’entends l’argument selon lequel les APL auraient un effet inflationniste, bien que celui-ci soit difficile à évaluer avec exactitude, leur baisse prévue dans le présent projet de loi aura avant tout des effets sur le logement social, c’est-à-dire le secteur où les loyers sont contrôlés. Or c’est dans le secteur privé que les loyers demeurent excessifs. Je rappelle en outre que la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté réside dans le parc privé et paie des loyers de 40 % à 50 % plus élevés, comme l’a souligné la Cour des comptes en février dernier.
J’en viens aux effets de l’article 52 sur la capacité de financement des bailleurs sociaux, dont la situation financière globale est certes confortable. Le problème est que cet article frappe indistinctement leur capacité d’autofinancement, alors qu’ils ne font pas tous partie des structures ayant rentabilisé leur patrimoine sans pour autant avoir investi dans la construction ou l’amélioration du parc social.
Frappés par la réduction de loyer de solidarité, ils devront par ailleurs contribuer au doublement du nouveau programme national de renouvellement urbain. Nous espérons que le dispositif de péréquation et le mouvement de restructuration permettront de résoudre ces difficultés.
Le Sénat devrait parvenir à proposer une solution intermédiaire, après l’adoption en première partie de la hausse de la TVA sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux.
D’autres leviers seront bienvenus. Je pense à la prise en compte des revenus de l’année en cours pour les bénéficiaires des APL, laquelle devrait s’appliquer en 2019, ou encore à la réflexion sur une meilleure application du supplément de loyer de solidarité.
Au-delà de la polémique, il est essentiel de s’interroger sur le modèle du logement social, qui devrait être réservé en priorité aux ménages modestes et défavorisés. Or le taux de rotation reste faible, ce qui exclut de fait ces derniers.
Il convient, en parallèle, d’accélérer le développement de l’offre de logements à des prix accessibles dans les zones tendues pour mettre fin au cercle vicieux dans lequel la dépense publique ne cesse d’augmenter pour répondre imparfaitement aux dysfonctionnements du marché immobilier.
L’accession à la propriété doit faire l’objet d’une plus grande attention. Il faut faire en sorte que plus de locataires deviennent propriétaires au lieu de concentrer uniquement les efforts sur l’investissement locatif. Il ne me semble pas en effet que la majorité de nos concitoyens aspirent à rester locataires toute leur vie.
Les ménages modestes doivent pouvoir acquérir leur logement. D’après le rapport de la commission des finances, le taux de propriétaires parmi les 25-44 ans a diminué de 53 % entre 1973 et 2013, alors qu’il a augmenté dans les mêmes proportions chez les ménages aisés. Le groupe du RDSE soutiendra ainsi le rétablissement des APL-accession.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Guillaume Arnell. Par ailleurs, j’évoquerai brièvement, en raison du peu de temps qui m’est imparti pour évoquer une si vaste mission, l’augmentation des crédits relatifs à l’hébergement d’urgence, programme qui était frappé par une sous-budgétisation chronique.
Je tiens donc à saluer l’objectif très ambitieux du Gouvernement qui vise à ce que plus personne ne dorme dans la rue.
Monsieur le ministre, je sais avec quelle fermeté vous défendez l’égalité des territoires, alors que de fortes disparités demeurent. Or, lorsque les territoires sont isolés, la cohésion prend une tout autre dimension : l’abandon n’est pas qu’un simple sentiment. Tous les territoires doivent bénéficier de cette solidarité, a fortiori ceux qui, comme Saint-Martin, la Guyane ou Mayotte, subissent de plein fouet des handicaps structurels. J’espère que vous nous apporterez des précisions sur la stratégie du Gouvernement en matière d’aménagement du territoire.
Les quelques interrogations et réserves, monsieur le ministre, que nous avons exprimées n’altèrent en rien l’admiration et le respect que nous vous portons et ne remettent nullement en cause la confiance que nous avons en vos qualités d’écoute, de discernement et en votre pouvoir de persuasion. (Sourires.) Ainsi, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE porte un regard bienveillant sur le travail de concertation que vous engagez et fera confiance à votre sens de l’équité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les objectifs de la réflexion sur le logement aujourd’hui sont de réduire la dépense publique, …
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas n’importe comment !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Curieuse façon de présenter les choses !
M. François Patriat. Monsieur le rapporteur spécial, vous parlez tous les jours d’économies !
Il s’agit donc de réduire une dépense publique dont l’usage est aujourd’hui contesté, et ce sans léser les locataires et sans entraîner un effondrement de la construction.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ce serait bien !
M. François Patriat. Il s’agit également de conduire une grande réforme du secteur.
Cette mission et ses articles rattachés ont suscité, je l’ai entendu, de nombreuses interrogations, l’article 52 ayant été au centre de l’attention médiatique et parlementaire.
En ces temps de discussion et de négociation, le Gouvernement a fait preuve d’ouverture et d’écoute, tout en présentant une ligne claire et exigeante sur ce sujet à la fois technique et important pour le quotidien des Français.
Quelles sont les bases de ce débat ?
La politique du logement en France représente 42 milliards d’euros d’investissements pour l’État, soit un montant élevé. En conséquence, l’État est dans son bon droit lorsqu’il décide de rectifier les manques de cette politique. En bref, comment dépenser mieux en dépensant moins ?
Tout d’abord, l’inflation des loyers est complètement déconnectée des autres déterminants économiques, notamment le niveau des salaires. Les loyers ont ainsi augmenté de 2,8 % par an dans le secteur social, ce taux étant d’ailleurs encore plus élevé que celui du secteur privé.
Ensuite, le taux d’effort des ménages connaît lui aussi une progression alarmante. On constate un décrochage entre les dépenses réelles et les aides au logement.
Enfin, le mal-logement, au centre des activités de la Fondation Abbé Pierre, repose sur des critères simples et forts : l’absence de logement, la qualité et la stabilité du logement. Au total, la France compte 4 millions de mal-logés ! Cette réalité doit nous pousser à agir. C’est ce chantier qu’entame aujourd’hui le Gouvernement.
Mes chers collègues, il faut bien avoir en tête la volonté du Gouvernement que partage la majorité présidentielle : elle est bien de défendre le modèle du logement social français. Et pour ce faire, il faut améliorer ce modèle, le rendre plus efficace pour les locataires et pour les organismes. Il y a beaucoup à faire. Je pense que nous pouvons être fiers de la réflexion engagée par le Gouvernement.
Permettez-moi de rappeler la philosophie de cette réforme : il s’agit bien de permettre une baisse des loyers. Je sais que c’est une préoccupation que vous partagez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et M. Longuet l’a évoquée en commission.
Comment le Gouvernement entend-il parvenir à cette baisse ? Par la péréquation et par la progressivité. Prenons un exemple concret. Pour une personne qui bénéficie d’une APL d’un montant de 40 euros, la réduction de loyer de solidarité conduit à un gain net de 10 euros par mois, soit plus de 100 euros par an. Voilà encore une mesure en faveur du pouvoir d’achat prise par la majorité !
Par ailleurs, le groupe La République En Marche est bien conscient des craintes qu’expriment les bailleurs sociaux. Nous avons en effet auditionné l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, ainsi que plusieurs représentants d’organismes ayant un rayon d’action plus local, afin d’entendre et de comprendre l’ensemble des acteurs de la filière.
Tout le monde aura noté les avancées lors du débat parlementaire : une stabilisation du taux du livret A qui entraînera un gain de 700 millions d’euros, mais aussi des facilités de prêts. Au total, c’est un paquet financier inédit pour le logement social, qui ne bénéficie pas des taux extrêmement faibles que l’on connaît.
Le Gouvernement a aussi acté une diminution des dépenses sur trois ans, quand un an était initialement prévu : les loyers diminueront de 800 millions d’euros en 2018, de 1,2 milliard d’euros en 2019 et de 1,5 milliard d’euros par an à l’horizon 2020.
Enfin, le Gouvernement avait envisagé un mécanisme via la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, mais les organismes ont mis en avant leur préférence pour une hausse du taux de la TVA sur la construction et la rénovation. Une augmentation de ce taux de 5,5 % à 10 % rapporterait 700 millions d’euros. Le Sénat a voté en faveur de cette hausse de TVA. C’est un premier pas, mais il faut aller jusqu’au bout et ne pas en rester à cette demi-mesure.
Quant à l’article 52, il est l’exemple d’un texte construit en bonne intelligence et avec méthode. Il a rassemblé toutes les parties prenantes, le Parlement ayant pris une bonne part à ce succès collectif. Je rends notamment hommage au Premier ministre, ainsi qu’au ministre et au secrétaire d’État ici présents. Ils ont mené cette concertation depuis l’été, en rencontrant les bailleurs sociaux. Ils sont largement responsables de ce compromis, qui devrait aboutir dans les jours qui viennent.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je pense qu’il faut que le Sénat adopte le texte tel qu’il résulte de ces négociations et rejette les amendements proposés par la commission des affaires économiques et par la commission des finances.
M. Dominique de Legge. Ben voyons !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Carrément !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Allons-y gaiement !
M. François Patriat. Dans les deux cas, on en restera au statu quo : soit il n’y aura pas de baisse des loyers, soit elle sera insignifiante.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas vrai !
M. François Patriat. Nous en sommes tous d’accord, et l’idée est désormais acceptée : le secteur HLM doit se réorganiser. Le parc est actuellement géré par 732 organismes, ce qui ne favorise pas l’optimisation de la construction, de l’occupation et de la mobilité.
Je pourrais citer plusieurs indicateurs assez parlants, comme l’ancienneté moyenne des locataires du parc social, qui est de treize ans contre sept ans dans le parc privé, ou encore l’insuffisance de petits logements, autrement dit l’inadéquation entre la demande et l’offre, et enfin, une liste d’attente sur laquelle figurent près de 1,5 million de demandeurs.
Dans tous les cas, le débat sur le logement n’est pas achevé, celui sur l’organisation du secteur locatif social non plus.
L’objectif du Gouvernement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, est bien une meilleure utilisation de l’argent public. Alors que la France est l’un des pays qui dépensent le plus au monde pour sa politique du logement, nous ne pouvons plus continuer ainsi, en estimant que tout va bien, comme certains d’entre vous, mes chers collègues, ont tendance à le croire.
Une réforme d’ampleur aura lieu. Un projet de loi sur le logement sera déposé au début de l’année 2018. Il sera l’occasion d’un véritable débat sur une transformation profonde du secteur.
À cet égard, je salue votre action, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et vous assure de notre confiance. Nous soutiendrons la position d’origine du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cœur de l’été, que certains ont qualifié de « meurtrier », le ton était donné, annonciateur des choix budgétaires de la majorité : annulation de crédits pour la politique de la ville et du logement et baisse des APL de cinq euros. Ces deux décisions reflètent bien les deux volets de la politique du logement de ce gouvernement : une externalisation de ses financements et une politique au rabot guidée par l’objectif de réduire les dépenses publiques.
Cette politique refuse, en quelque sorte, de répondre à la crise du logement, qui pourtant s’aggrave. La France compte ainsi plus de 4 millions de mal-logés et plus de 15 millions de personnes souffrant à des degrés divers du mal-logement. En outre, 1,9 million de personnes sont dans l’attente d’un logement social.
Pour toutes les personnes vivant ces situations personnelles douloureuses, le coup de rabot de cinq euros sera extrêmement difficile à assumer. Nous soutenons donc le collectif Vive l’APL, qui fédère tous les opposants à cette décision inique.
Loin d’être révolutionnaire, ce budget pousse la logique de désengagement à son paroxysme et risque d’accroître les difficultés sociales en portant atteinte au modèle économique du logement social dans notre pays, alors qu’il devrait jouer un rôle en faveur du droit au logement, de l’exigence de performance sociale, énergétique et écologique, de l’innovation architecturale.
M. François Patriat. Vous êtes donc pour une hausse des loyers ?
Mme Cécile Cukierman. Non, monsieur Patriat ! Vous savez très bien que la réduction des APL sera répercutée sur les locataires, qui paieront en fait beaucoup plus, car on est en train de dégrader le logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) In fine, avec toutes les propositions du Gouvernement, ce sont eux qui trinqueront ! Monsieur Patriat, nous ne sommes pas d’accord, mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
Nous déplorons que les aides à la pierre diminuent cette année encore. Les crédits engagés en 2017 ont été revus à la baisse. Alors qu’ils devaient initialement s’élever à 180 millions d’euros pour le FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, seuls 80 millions d’euros ont été réellement versés. Pour l’année prochaine, 50 millions d’euros seulement sont prévus. C’est ridiculement bas, alors que le montant de ces aides était de 500 millions d’euros en 2012. Conjugué à la baisse des dotations, ce désengagement de l’État ne peut avoir qu’un effet très négatif sur la construction publique de logements à loyers abordables.
Le FNAP, dont nous avons dit à plusieurs reprises qu’il serait l’outil du désengagement de l’État, est dorénavant financé à titre principal par les bailleurs sociaux, à hauteur de 86 % de son budget. Ce sont donc les locataires qui le financent. La boucle est bouclée !
Enfin, les aides à la pierre spécifiques destinées aux maires bâtisseurs sont purement et simplement supprimées, alors qu’elles ont représenté 179 millions d’euros entre 2015 et 2017.
Les bailleurs sont sommés de financer non seulement le FNAP, mais aussi le plan de rénovation urbaine à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires, selon les dernières annonces concernant le doublement du NPNRU. Leur taux de cotisation à la CGLLS a été augmenté pour leur permettre de financer le FNAP. Ils sont aussi censés compenser la baisse des loyers dans le secteur public concomitante à la baisse des APL à hauteur de 1,5 milliard d’euros, comme le prévoit l’article 52. Enfin, ils seront très certainement taxés sur la vente des logements sociaux. Et je ne parlerai pas de l’augmentation de la TVA votée lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances.
Toutes ces mesures concourent à faire des bailleurs, du 1 % logement et des collectivités les principaux contributeurs au financement du logement public. Contrairement à ce qu’a déclaré le Président de la République, le secteur HLM n’a pas de bas de laine. Cette politique risque donc très clairement de menacer l’emploi dans le secteur du BTP. Ainsi, selon les comptes de l’USH, 146 000 emplois seraient menacés à l’échelle de notre pays.
Ces mesures risquent également de menacer l’équilibre de certaines opérations, voire de conduire à la faillite un certain nombre de bailleurs, sans parler des collectivités qui en sont aujourd’hui les garantes. Selon l’USH, cela signifierait 54 000 logements en moins et la non-réhabilitation de 103 000 logements.
À l’inverse, le secteur dit libre n’est nullement affecté par ce projet de loi de finances, qui ne prévoit pas d’enrayer la spéculation foncière et immobilière ayant entraîné des niveaux de loyers toujours plus inabordables. Quant aux niches fiscales, elles restent à un niveau anormalement élevé. Il serait bon de les recentrer, afin qu’elles gagnent réellement en efficacité.
Le projet de loi sur le logement qui est annoncé pour le printemps prochain risque d’aggraver encore la situation en remettant en cause la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et en instaurant une précarité très forte des baux locatifs.
La cohésion territoriale ne passant pas uniquement par une réforme du logement, nous devons concevoir et promouvoir un développement qui ne stigmatise pas les territoires à faible démographie. Il faut au contraire en faire des exemples en matière de développement durable, de cohésion sociale, de vivre ensemble, de culture et d’éducation. Le développement équilibré de nos territoires ne se fera pas sans une complémentarité entre l’urbain et le rural, et ce sans hiérarchie ni condescendance. La ruralité est un socle de savoir-faire, de savoir-être et d’initiatives porteuses. Ainsi, le renforcement des coopérations entre tous les territoires sera le fondement d’un futur favorisant la transition écologique, économique et sociale.
Malgré les différentes évolutions qui pourraient avoir lieu cet après-midi, nous ne voterons pas les crédits de la mission tels qu’ils nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » rassemble désormais les programmes précédemment rattachés aux missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ».
Pour cette mission, qui comporte six programmes, 16,4 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et 16,5 milliards d’euros en crédits de paiement.
Globalement, le budget de la mission « Cohésion des territoires » est en baisse : les autorisations d’engagement diminuent de 11,45 % et les crédits de paiement de 9,5 %.
Quant aux crédits du programme 147, « Politique de la ville », ils sont en diminution de 16 % en autorisations d’engagement, mais demeurent stables en crédits de paiement.
Le Gouvernement s’est toutefois engagé à porter les crédits du NPNRU de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur la durée du programme. Cet engagement est inscrit à l’article 52 sexies. Nous y sommes favorables.
Nous ne pouvons en effet que nous réjouir du fait que certaines des recommandations émises par nos collègues Annie Guillemot et Valérie Létard dans le rapport d’information qu’elles ont remis en juillet dernier aient finalement été suivies.
Toutefois, certaines interrogations demeurent.
Ainsi, si le présent projet de budget acte le retour de l’État dans le financement du renouvellement urbain aux côtés d’Action Logement et des bailleurs sociaux, ce retour reste balbutiant. L’État participera au financement du NPNRU à hauteur de 1 milliard d’euros sur la durée du programme, dont 200 millions d’euros pendant le quinquennat.
Or comment compte-t-il tenir cet engagement alors que, pour 2018, seuls 15 millions d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ?
Il est difficile de ne pas se montrer sceptique quant à la réalisation des engagements de l’État. Il ne faut en effet pas oublier que, cet été, le décret d’avance du 27 juillet 2017 a annulé les 100 millions d’euros inscrits en autorisations d’engagement ainsi que les 15 millions d’euros de crédits de paiement inscrits dans le budget pour le NPNRU – soit l’intégralité des budgets pour l’année 2017 !
Au total, ce sont 130,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 46,5 millions d’euros de crédits de paiement qui ont été annulés, ce qui est considérable. Par ailleurs, si l’article 52 sexies porte le NPNRU à 10 milliards d’euros, se pose encore la question du financement de cette augmentation.
Comment l’État va-t-il trouver les 4 milliards d’euros qui manquent pour financer le NPNRU ?
Ne l’oublions pas non plus, en parallèle à ces mesures, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 impose, en contrepartie de la baisse des APL dans le logement social, une réduction des loyers de solidarité finalement étalée sur trois ans. Pour l’année 2018, la baisse des loyers correspondra à une perte de pas moins de 822 millions d’euros, qui devra être absorbée par les 254 offices publics de l’habitat qui détiennent 2,5 millions de logements.
À cela s’ajoutent plusieurs autres mesures qui vont peser principalement sur les bailleurs comme la hausse de leur participation au Fonds national des aides à la pierre. Ces mesures, qui interviennent en pleine négociation du futur NPNRU 2018-2024, vont directement impacter la capacité d’autofinancement des organismes d’HLM, et nécessairement fragiliser la politique locale en faveur du logement social.
C’est l’ensemble des projets de rénovation urbaine déjà engagés ou simplement prévus qui pourraient être remis en cause. Un accord a été trouvé le 21 novembre dernier avec Action Logement, qui financera 2 milliards d’euros supplémentaires. Le financement du NPNRU sur l’ensemble du quinquennat n’est cependant pas encore bouclé.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu’être inquiets sur l’avenir du logement social et la concrétisation des contrats de ville qui ont été signés et qui préfigurent la conclusion des conventions pluriannuelles de renouvellement urbain.
La brutalité de l’ensemble de ces mesures et l’absence de concertation laissent à penser que la seule ligne directrice du Gouvernement est la réalisation de 1,7 milliard d’euros d’économies, et ce sans véritable politique du logement et de la mixité sociale.
Tout en saluant le relèvement du taux de TVA à 10 % comme premier élément positif, le groupe Les Républicains s’en remet à l’issue des discussions à venir conformément à la proposition de M. le rapporteur spécial Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’irai droit au but sur le logement, puisque les questions relatives à la ville ont été présentées par Annie Guillemot, qui a largement rappelé combien, concernant les crédits de cette mission budgétaire, les objectifs étaient clairs.
Une mesure adoptée à l’Assemblée nationale vise à augmenter de 5 à 10 milliards d’euros le passage du NPNRU dans sa nouvelle génération et à donner les moyens de mener véritablement cette politique. À ce stade, j’attire votre attention sur le fait que cette augmentation, avec 1 milliard d’euros de l’État, souffrirait – pour ne pas dire plus – de l’application stricte de l’article 52 tel que l’a adopté l’Assemblée nationale. Nous y voilà !
Vous imaginez bien que, lorsque l’opérateur principal de la rénovation, l’organisme de logement social, qui assure la réhabilitation ou la reconstruction de logements, verra son autofinancement diminuer de 1,7 milliard d’euros, il devra forcément opérer des choix sur les investissements.
M. Antoine Lefèvre. Il y a des chances !
Mme Valérie Létard. L’ANRU pourrait en être l’une des victimes collatérales.
Voilà pourquoi le travail collectif engagé depuis plusieurs semaines au Sénat et visant à trouver une solution commune dans l’intérêt général nous paraît essentiel. En effet, M. le rapporteur spécial Philippe Dallier et Mme le rapporteur pour avis Dominique Estrosi Sassone ont rappelé le travail qui a déjà été mené en première partie, aboutissant au vote des 700 millions d’euros de TVA.
Aujourd’hui, au travers de leurs deux amendements – le groupe centriste a déposé un amendement identique à celui de Mme Dominique Estrosi Sassone –, nos deux rapporteurs nous donnent le champ des possibles pour cette discussion.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, faut-il espérer de la part du Gouvernement l’aboutissement d’un compromis sur la baisse de 800 millions d’euros des loyers dès 2018, allant jusqu’à 1,5 milliard d’euros en 2020, telle que l’a votée l’Assemblée nationale au risque de mettre à bas le monde du logement social, mais aussi avec son lot de conséquences sur les collectivités, avant même l’examen de la loi qui doit arriver au printemps et dont l’objet est d’établir une véritable réforme du logement partagée ?
Faut-il plutôt saisir la main tendue par le Sénat au travers des amendements de M. Philippe Dallier et de Mme Dominique Estrosi Sassone, sous réserve qu’ils soient sécurisés par les représentants du Gouvernement ?
La mesure budgétaire proposée par l’État, si elle peut se comprendre sur le fond, n’est pas acceptable quant à la méthode, trop brutale et sans concertation. Où sont les collectivités dans ce débat ? PLH, cofinancement des aides à la pierre, stratégies de peuplement, garanties d’emprunt, NPNRU, article 55 : l’ensemble de ces sujets devront être assumés par les collectivités, et toutes les décisions qui seront prises dans ce budget vont entraîner de lourdes conséquences pour ceux-ci. La politique locale de l’habitat peut être complètement détruite en fonction des choix que nous ferions !
Impact économique sur les territoires, équilibre entre les zones tendues et détendues, baisse des aides à la pierre, rezonage et critères de la loi Pinel pour le PTZ : bref, vous l’aurez compris, nous avons ici, au Sénat, la possibilité de trouver une voie de passage. Sécurisez-la, bâtissez-la avec nous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais laissez la possibilité aux collectivités, aux organismes et à nous, parlementaires expérimentés, de vous aider à aller au bout de votre réforme, de votre volonté, au rythme nécessaire afin de ne pas tout faire exploser, et en prenant les précautions requises pour réussir cette ambition partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Valérie Létard. Suivez cette méthode : écoutez la voix des différents territoires que nous représentons ; il ne faut pas les oublier ! Tel est le message que nous voulons vous adresser aujourd’hui. Partagez vos décisions, construisez-les avec nous, mettez les choses dans le bon ordre. On commence la maison par les fondations, pas par le toit. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce budget pour 2018 est malheureusement marqué du sceau de l’incohérence. Je dis bien : « malheureusement ». En effet, en septembre dernier, lorsque vous présentiez la stratégie du Gouvernement pour le logement, j’y ai trouvé des ambitions que nous pouvions avoir en partage.
Ces ambitions s’inscrivent dans une logique de justice comme la volonté de favoriser l’accession à la propriété dans le cadre d’un parcours résidentiel efficace, comme la volonté d’accélérer la rénovation ou de relancer la construction de logements. Nous les partageons d’autant plus facilement que ce « choc de l’offre », nommé ainsi par vos soins, nous l’avions réalisé lors du quinquennat précédent avec des résultats probants,…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C’est un peu gonflé !
M. Xavier Iacovelli. … puisque, en 2017, 400 000 logements ont été construits, dont 130 000 dans le parc social.
Ces ambitions partagées, dans un contexte où le système redémarre, vous risquez de les détruire avec votre méthode exclusivement guidée par une logique comptable. Ce que vous présentez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, va à l’encontre des ambitions que vous prétendez poursuivre, car force est de constater que les choix budgétaires du Gouvernement montrent que vous aggraverez la situation du logement et des moins aisés.
Mesurez les effets de cette baisse de 1,5 milliard d’euros supportés par les bailleurs sociaux. Les coupes opérées sont bien des coupes claires et non des coupes sombres, comme l’aurait précisé Jean d’Ormesson. (Sourires.)
M. François Grosdidier. Bonne référence !
M. Xavier Iacovelli. Par cette décision, vous obérez d’une manière irréversible et inacceptable le modèle économique du logement social avec des effets dévastateurs sur la construction de logements, sur la réhabilitation des logements, et après avoir organisé le plus grand plan social par la remise en cause des contrats aidés, vous continuez votre forfait sur l’emploi dans ce secteur, avec plus de 140 000 emplois concernés.
Cette perte de recettes de 1,5 milliard d’euros, c’est 70 % de la capacité d’investissement des organismes d’HLM, c’est 54 000 logements qui ne seront pas construits, c’est plus de 100 000 logements qui ne seront pas réhabilités.
Nous ne sommes pas dogmatiques : faire des économies n’est pas un problème en soi.
M. Philippe Pemezec. C’est nouveau !
M. Xavier Iacovelli. Je vous le confirme, monsieur le sénateur : nous ne sommes pas dogmatiques, contrairement à vous ! (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il a de l’humour !
M. Xavier Iacovelli. Encore faut-il éviter de casser l’écosystème dans sa globalité. Dans le cadre d’une conférence de consensus, nous ne sommes d’ailleurs pas opposés à une évolution de ce modèle. Et le Sénat, dans sa grande sagesse, sur toutes ses travées, avait accepté la recherche d’un compromis qui, notamment, prenait la forme d’une augmentation de la TVA applicable aux opérations réalisées dans le logement social, un compromis qui tenait compte des revendications de l’Union sociale pour l’habitat, un compromis qui intégrait même votre cadre budgétaire de 1,5 milliard d’euros, mais qui préservait le modèle économique du logement social en France.
Ce compromis, vous tenterez de le balayer dans quelques instants en faisant porter vos réductions de crédits par une baisse des loyers irréversible de 800 millions d’euros sur la RLS, comme l’indique l’amendement que vous avez déposé à treize heures.
Que reste-t-il d’une stratégie politique lorsqu’elle est animée par une logique budgétaire ? Quelle est votre vision pour permettre à tous de vivre dans un logement décent et abordable ? Vous diminuez les aides à la personne, avec la baisse des APL, la suppression de l’APL-accession, et, dans le même temps, les aides à la pierre, avec le désengagement de l’État à hauteur de 75 % du Fonds national aux aides à la pierre, avec la suppression de l’aide aux maires bâtisseurs qui entraînera inévitablement un frein à la construction de logement. Peut-être avez-vous une vision ? Peut-être, après la destruction de ce modèle, souhaitez-vous lui substituer un autre système ? Dans ce cas-là, dites-le-nous, dites-le aux bailleurs, dites-le aux professionnels de la construction et aux Français en général. Vous leur devez de la transparence. (M. François Patriat proteste.)
À l’écoute de tous les acteurs du secteur du logement, nous sommes face à vous pour porter des propositions afin de lui redonner de la justice et de la solidarité, pour rendre une cohérence économique à la politique du logement présentée dans cette seconde partie du projet de loi de finances.
Par amendement, le groupe socialiste et républicain défendra la suppression de l’article 52, le rétablissement de l’aide aux maires bâtisseurs et l’augmentation de la contribution de l’État à l’aide à la pierre pour maintenir le niveau d’engagement de 2017.
Face à vous, nous prenons notre place de défenseurs de ce modèle qui protège les ménages les plus modestes, grâce à un modèle économique et social qui les a notamment protégés lors de la crise de 2008.
Permettez-moi une dernière remarque : il est des choix qui ont le mérite de clarifier toutes les ambiguïtés. En supprimant l’ISF, vous avez fait un cadeau de 3,5 milliards d’euros aux plus fortunés,…
M. Philippe Pemezec. Tiens, tiens, tiens…
M. Xavier Iacovelli. … et en demandant, dans le même temps, aux plus modestes de se serrer la ceinture en baissant les APL, vous faites le choix des inégalités. Eh bien, nous, socialistes, nous avons fait le nôtre, nous choisissons la justice sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Bories. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement le ministre de l’économie durant la discussion générale. Il disait : « La France qui trompe, c’est fini ! » Pourtant, au regard de vos ambitions en matière de cohésion des territoires et du budget prévu pour y faire face, j’ai bien peur que nous soyons confrontés à un double langage. Car, malheureusement, l’instauration d’un ministère spécifique et la volonté de créer une agence des territoires ne s’accompagnent pas des crédits nécessaires. Si quelques bonnes dispositions figurent dans votre budget, le sentiment général est proche de la déception.
La mise en place de la conférence des territoires avait suscité des attentes de la part des élus et des citoyens qu’ils représentent. Je rappelle que le Président de la République avait, en juillet, indiqué : « Ce que demande la ruralité […], c’est d’avoir les mêmes chances de réussir. »
La création d’une agence des territoires, telle l’ANRU, devait être porteuse de ce souffle nouveau. Mais au regard des chiffres, notamment la forte baisse des crédits dédiés au Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, le souffle est inexistant.
Au-delà des chiffres, il y a bien un sentiment d’abandon, je dirai même de défiance, de la part des ruraux. Lors du dernier congrès des maires de France, ce sentiment est remonté jusqu’à vous. En effet, les motifs de préoccupation sont nombreux : fin de la dotation d’action parlementaire, suppression de 209 millions d’euros de crédits consacrés à la DETR, réforme de la taxe d’habitation, objectif de baisse de 13 milliards d’euros sur les dotations de l’État aux collectivités, absence de réforme de ces dotations, qui pénalise les communes rurales, réduction du nombre d’élus locaux et de parlementaires. Bref, la ruralité est inquiète, et votre budget en matière de cohésion des territoires ne pourra pas la rassurer.
Mais revenons au projet de loi de finances, plus précisément aux programmes 162 et 112.
D’abord, j’aimerais indiquer que les changements de périmètre de la mission n’ont pas facilité la compréhension de votre politique.
Concernant le programme des interventions territoriales de l’État, le PITE, les crédits sont en légère hausse. Je ne peux que m’en réjouir, car cela touche directement ma région et mon département avec le plan Littoral 21. L’État se grandit d’avoir une continuité sur des projets environnementaux d’envergure. Nous serons néanmoins vigilants dans l’application réelle de vos ambitions.
En revanche, sur l’autre programme, le 112, celui qui concerne directement la politique d’aménagement du territoire, on assiste à un désengagement. Les crédits sont en net retrait par rapport aux budgets antérieurs, déjà faiblement dotés. En décidant de réduire de 58 % les autorisations d’engagement pour ce programme, vous désincarnez toute une politique qui a fait ses preuves.
Au sujet des contrats de ruralité, les projets à venir ne trouveront pas les crédits nécessaires. Dans le Gard, le représentant de l’État a signé, à grand renfort médiatique, six contrats de territoire. Ces accords-cadres, portés notamment par les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, risquent ainsi de devenir des coquilles vides. Je le regrette, car au-delà de la déception des élus, des projets d’avenir visaient des territoires en difficultés.
La ruralité peut être une terre de croissance et de développement, si on lui en donne les moyens. Mais ceux-ci manquent terriblement à votre budget. Le Gouvernement aura beau indiquer que ces contrats seront financés autrement, cette confusion ne grandit pas vos ambitions en matière territoriale. À cela s’ajoute la division par deux, depuis cinq ans, de la dépense fiscale consacrée aux ZRR et le flou persistant pour les communes rurales intégrées à de grands EPCI.
Dans mon département, une bonne partie des communes cévenoles sont rattachées à la communauté d’agglomération d’Alès qui compte 73 communes depuis les fusions imposées par la loi NOTRe. Si elles perdent le bénéfice du classement en ZRR, ces communes, dont certaines sont en grande souffrance, verraient leur attractivité réduite.
Bien qu’il ne relève pas de cette mission, j’aurais pu aussi parler du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dont les crédits sont en baisse. La présence de services à la personne, comme celle des services publics, est la condition sine qua non du développement de la ruralité.
Ainsi, je me réjouis que vous décidiez d’accroître légèrement les financements des maisons de services au public. Néanmoins, cette évolution ne doit pas être le bras armé de la dévitalisation des secrétariats de mairie, qui sont la première interface, et souvent la seule, pour nos concitoyens.
Mme Sophie Primas. Absolument !
Mme Pascale Bories. La question du maintien des services publics en zone rurale est un vrai sujet, et nous serons vigilants.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mis à part quelques évolutions positives, la mission n’a, dans son ensemble, pas de dynamique ni même de sens. C’est profondément décevant.
Je reprendrai ainsi les recommandations du rapport élaboré par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Maurey, et le rapporteur pour avis, M. de Nicolaÿ. Il faut absolument « simplifier et rendre plus équitables et transparentes les dotations et subventions aux collectivités territoriales ».
Plus largement, je regrette que l’État ne soit plus stratège et n’ait plus aucune ambition en matière d’aménagement du territoire en zone rurale. En effet, au-delà de la baisse des crédits, il faut souligner l’absence de vision et de grands projets publics ruraux.
Pour toutes ces raisons de fond, mais aussi de forme, je voterai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, contre la validation de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits consacrés à l’aménagement du territoire au sein de la mission « Cohésion des territoires » sont, pour 2018, en légère augmentation en crédits de paiement – de 2 % exactement –, mais en très nette baisse en autorisations d’engagement – leur montant sera inférieur de 53 % aux autorisations d’engagement votées pour 2017.
Pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, cette division par deux des crédits pour les années à venir n’est évidemment pas un bon signe ; nous en sommes extrêmement inquiets.
Certes, on peut trouver des explications à cette situation, en particulier le transfert des crédits des contrats de ruralité vers un autre programme. Toutefois, cette évolution de périmètre ne comporte aucune garantie sur le maintien d’une enveloppe dédiée aux contrats de ruralité pour les années à venir dans le cadre de cette autre mission.
De nombreux territoires se sont organisés pour faire appel à cet instrument, mis en place voilà à peine plus d’un an. Je le rappelle, près de 500 contrats sont conclus ou en cours de négociation aujourd’hui. Cette incertitude n’est pas acceptable, car les élus ont besoin d’une stabilité du cadre et des règles qui leur sont applicables.
Mon groupe est d’autant plus sensible à cette question qu’il a été à l’origine de la réflexion sur ces contrats, inspirés des contrats de ville, mais adaptés au monde rural. Je vous rappelle en effet la proposition de loi de Pierre Jarlier, reprise par Bernard Delcros et rapportée par Annick Billon devant notre commission voilà deux ans. À l’époque, le Gouvernement s’était montré défavorable à cette idée, pour la reprendre ensuite à son compte un an plus tard.
Nos autres interrogations sur votre budget, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, rejoignent celles qui ont été exprimées par notre excellent rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, que je salue.
Il s’agit d’abord de la baisse de moitié de ce qui restait de la prime d’aménagement du territoire, heureusement légèrement amoindrie lors du débat à l’Assemblée nationale.
Il s’agit ensuite de l’avenir très incertain de la dynamique des pôles de compétitivité dont la troisième phase doit s’achever en 2018. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, si vous allez poursuivre cette politique qui a eu un rôle structurant pour le développement d’écosystèmes régionaux, et selon quelles priorités.
Il s’agit enfin de la politique des centres-bourgs, un sujet majeur pour les territoires et pour le Sénat, et sur lequel un groupe de travail piloté par Rémy Pointereau et Martial Bourquin doit réfléchir au cours des prochains mois.
Mais, nous le savons tous, il ne peut y avoir de politique d’aménagement du territoire digne de ce nom si les deux priorités de nos concitoyens et des élus locaux sur les territoires ne sont pas mieux traitées : la couverture numérique et l’accès aux soins.
Sur l’accès au numérique par les réseaux fixes et mobiles, qu’il s’agisse du haut débit fixe, du très haut débit fixe ou de la téléphonie mobile, le Gouvernement a fixé des objectifs. Nous les partageons. Malheureusement, les moyens concrets de leur mise en œuvre nous paraissent pour le moins incertains.
Je redis ce que j’ai déjà dit en commission et dans cet hémicycle, je suis malheureusement convaincu, et cela sera gravé dans le marbre du Journal officiel, que l’objectif de couvrir 100 % de la population en téléphonie mobile en 2020 ne sera pas tenu. Cela créera, une fois de plus, la déception et la colère des territoires.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Hervé Maurey. Sur l’accès aux soins, il devient lassant d’entendre sans arrêt les gouvernants successifs faire un constat et annoncer des plans qui se limitent à des mesurettes totalement inutiles. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Malheureusement, ce gouvernement est dans la droite ligne de ses prédécesseurs. Le plan qui a été annoncé par Mme Buzyn voilà maintenant quelques semaines n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Là aussi, je fais le pari, inscrit au Journal officiel, que le plan de la ministre de la santé en matière de déserts médicaux ne réglera rien du tout.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même l’avons clairement dit dans notre rapport intitulé Aménagement du territoire, plus que jamais une nécessité : nous attendons le retour d’un État stratège. Or nous n’avons pas le sentiment que ce budget s’inscrit dans cette perspective. C’est pourquoi nous ne pourrons pas voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, rétrospectivement et hors PNRU, la remarquable stabilité des crédits du programme 147 atteste que le Gouvernement inscrit son action dans le prolongement de la refondation opérée en 2014 par la loi Lamy et, en 2017, par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Pour l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, l’efficience doit être le maître mot de l’action publique dans les quartiers, au service des habitants et avec eux, dans la conception de l’agenda qui les concerne directement et dans l’évaluation, avec eux toujours, de l’action menée. Les acteurs de la politique de la ville ont besoin de visibilité et de garanties. Le chef de l’État a pris des engagements à Tourcoing. Nous serons vigilants sur leur respect.
Dans le peu de temps qui m’est imparti, je voudrais aborder les conditions d’engagement du NPNRU dont les crédits d’engagement ont été portés à 10 milliards d’euros sur la durée du programme 2014-2024.
Au-delà de la participation de l’ANRU au financement de ces programmes, la capacité contributive des collectivités locales interroge, tant leur contribution forte au rétablissement des comptes publics réduit incontestablement leur niveau d’intervention. Le modèle national du logement social étant également mis à mal par les mesures de baisse des loyers et des APL, les organismes d’HLM s’interrogent aussi sur leur propre engagement dans la durée.
Dans ce contexte de difficulté et d’incertitude, les 200 millions d’euros de crédits de paiement prévus sur le quinquennat apparaissent comme insuffisants pour créer auprès des autres partenaires l’effet de levier nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous proposons un amendement portant à 100 millions d’euros les crédits de paiement pour 2018 de l’action n° 04, Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie, du programme 147.
En conséquence, trois mesures apparaissent indispensables pour que le NPNRU s’engage dans un cadre partenarial efficace et durable : d’abord, la révision du calcul de la participation de l’ANRU, le fameux scoring, pour tenir compte objectivement de la situation des collectivités qui veulent s’engager ; ensuite, la redéfinition des règles de participation des bailleurs sociaux, notamment pour les démolitions ; enfin, dernier point lié aux deux autres, le relèvement de la participation financière de l’ANRU qui devrait se situer au même niveau que celle d’Action Logement.
L’efficience de la politique de la ville sera aussi fonction de la pertinence des stratégies territoriales développées en matière de logement et de peuplement. Dans un contexte sociologique et culturel aujourd’hui très différent, et souvent plus compliqué, ne répétons pas les erreurs d’hier que nous tentons aujourd’hui de corriger avec des moyens somme toute considérables.
Concrètement, les ménages les plus pauvres ne doivent pas être systématiquement orientés vers les quartiers engagés dans un programme de renouvellement urbain. La politique de peuplement doit être définie à l’échelle de territoires d’habitat dépassant largement le périmètre des quartiers et des villes abritant ces quartiers. C’est à ce prix que la mixité sociale pourra prendre une dimension spatiale et géographique adaptée aux enjeux de long terme.
M. Philippe Pemezec. Tout à fait !
M. Franck Montaugé. Les politiques du logement et de la ville doivent donc être liées par la problématique du peuplement.
Pour ces raisons, nous pensons que le plan gouvernemental Logement d’abord doit aussi être mis en œuvre dans le cadre d’une stratégie de peuplement globale et cohérente avec celle des quartiers. Une part des crédits de l’action n° 03, Stratégie, ressources et évaluation, doit donc être consacrée à la définition et à la mise en œuvre, toujours propre à chaque territoire, de stratégies de peuplement marquées du sceau des valeurs de la République.
Pour conclure, compte tenu des incertitudes relatives aux capacités contributives effectives des partenaires financeurs et à la pertinence des stratégies de peuplement, nous émettrons un avis de sagesse sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mai 2017, juste avant d’être élu Président de la République, Emmanuel Macron déclarait : « Je suis maoïste (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), un bon programme, c’est un programme qui marche ». Moi, je ne suis pas maoïste (Nouveaux sourires.),…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ça nous aurait étonnés !
M. Marc-Philippe Daubresse. … mais j’ai bien peur que, si le Gouvernement n’accepte pas l’ensemble des propositions qui sont faites par notre majorité et les compromis que nous ont expliqués M. Dallier et Mmes Estrosi Sassone et Létard, nous ne fassions un grand bond en arrière sur la politique du logement.
En septembre, le Gouvernement a annoncé un choc de l’offre de logements. Nous sommes évidemment prêts à soutenir cet objectif. Mais les mesures que vous nous présentez, si elles ne sont pas amendées dans la loi de finances, vont provoquer un contre-choc sur l’offre de logements. Oui, nous avons besoin de construire 450 000 logements environ par an pour répondre aux problématiques de la natalité, de la décohabitation des couples et de l’allongement de l’espérance de vie.
Contrairement à ce que j’ai entendu dans votre bouche et dans celle du Président de la République quand il est venu à Lille, nous avons déjà élaboré des projets qui marchent, comme dirait Mao Tsé-Toung, notamment du temps de Jean-Louis Borloo, en 2005. D’ailleurs, cette Haute Assemblée n’avait pas émis un seul vote défavorable sur le programme en question : tous les groupes politiques ont déposé des amendements qui ont été retenus.
Nous avons essayé de construire un programme avec les parlementaires et les représentants des collectivités locales. Cela a marché, avec le quadruplement de l’accession sociale à la propriété, le doublement du financement social du logement, l’augmentation de 50 % de l’offre de construction, avec, au final, 5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires par rapport aux dépenses, y compris les APL, et avec une martingale gagnante : la confiance, dans les acteurs du logement et dans les collectivités locales sans lesquelles on ne peut rien, la confiance pour bâtir ensemble et atteindre ces 450 000 logements par an dont nous avons besoin.
C’est la faille de votre programme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, au-delà des réductions purement comptables sur lesquelles je ne reviens pas : vous ne faites pas confiance aux acteurs du logement, en particulier aux bailleurs sociaux.
À ce titre, j’évoquerai trois points.
Le premier point est la réforme et le recentrage du dispositif Pinel et du prêt à taux zéro, le PTZ.
Je l’ai déjà dit dans cet hémicycle : même si ces dispositifs sont prorogés dans les zones tendues, même si l’on ne fait qu’abaisser la quotité du PTZ, les choix opérés à cet égard aboutiront mécaniquement à la destruction de plusieurs milliers de logements dans les zones rurales et dans les villes moyennes.
Or ces territoires représentent quand même 12 millions d’habitants. J’ajoute que, pour accéder à la propriété ou pour se loger, les jeunes couples qui y vivent bénéficient uniquement de ces dispositifs fiscaux, que nous avons inventés au fil du temps et qui permettent la sécurisation de leur parcours d’accès au logement. Pour ces jeunes couples, de tels projets n’ont rien d’évident.
Selon moi, plus de 15 000 primo-accessions dans le logement neuf vont être perdues en 2018 au sein de ces territoires. Très certainement, plus de 20 000 emplois y seront détruits à l’horizon de 2019 et ce chiffre sera doublé à l’horizon de 2020.
Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, je vous renouvelle ma proposition : plutôt que de conserver un prêt à taux zéro, pourquoi ne concevez-vous pas un prêt à taux réduit ?
Quand Pierre-André Périssol a créé le PTZ, les taux d’intérêt atteignaient 9 %. Quand j’ai instauré le PTZ +, ils s’élevaient à 4,5 %. Aujourd’hui, ils sont à 1,6 %. Si vous accordez un prêt à un taux de 1 %, vous pouvez obtenir 600 millions d’euros d’économies.
Monsieur Patriat, je suis d’accord avec vous, il faut baisser la dépense publique. Mais prenons garde : on risque d’empêcher l’acquisition de logements dans toutes les villes moyennes, dans tous les territoires ruraux de notre pays.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est pour cela qu’il faut différer !
M. Marc-Philippe Daubresse. D’ailleurs, demandez aux ministres de Bercy ce qu’ils en pensent : les taux d’intérêt pourraient bien remonter. Dès lors, le prêt à taux réduit, grâce auquel on n’aurait pas coupé l’accès au logement, serait peut-être une bonne mesure… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Marc-Philippe Daubresse. Le deuxième point est la situation des bailleurs sociaux. Je n’y reviens pas : les précédents orateurs l’ont remarquablement exposée. Si l’on agit brutalement, comme le Gouvernement veut le faire, en procédant à la baisse des loyers, on privera les 255 offices publics d’HLM, qui gèrent 2,5 millions de logements, d’un total de 800 millions d’euros. Dès lors, on provoquera des faillites en série. De petits offices d’HLM vont dégringoler. Des collectivités territoriales seront appelées en garantie.
Mme Cécile Cukierman. Exact !
M. Marc-Philippe Daubresse. En définitive, tout le circuit du logement sera démantibulé. Évidemment, tout le circuit du bâtiment, qui se raccroche à celui du logement, se trouvera touché. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Marc-Philippe Daubresse. Les petits artisans seront eux aussi frappés.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exact !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut donc bien y réfléchir : il ne s’agit pas d’une simple mesure comptable. C’est tout un système que l’on s’apprête à détruire. De grâce, monsieur le ministre, retenez le compromis que nous vous proposons !
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue.
M. Marc-Philippe Daubresse. Enfin, ne touchez pas à l’APL d’accession sociale : dans les zones ANRU, la politique que M. Macron a exposée d’une voix vibrante et engagée en vue d’un grand bond en avant ne tiendra jamais la route si vous démantibulez l’APL-accession ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après ce concert de louanges, j’ai toujours autant de plaisir à m’exprimer devant le Sénat de la République ! (Sourires et exclamations.)
Mme Françoise Gatel. C’est remarquable !
M. Jacques Mézard, ministre. Je vous le dis avec conviction : vous savez combien je suis attaché à la Haute Assemblée…
M. Jean-Claude Requier. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas assez encore ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Mézard, ministre. Si d’aucuns, il y a quelques années, l’avaient été davantage, peut-être que le Sénat s’en serait trouvé mieux… (Murmures.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je porte la politique de cohésion des territoires : si cet intitulé a un sens, si un ministère l’a pris pour titre, c’est parce que notre pays connaît des déséquilibres territoriaux. Et, si cette situation existe, nous en sommes tous responsables : sur toutes les travées de cet hémicycle, je dis bien : « Sur toutes les travées ». Tous les groupes politiques, depuis 1997, ont participé aux gouvernements successifs de la République, y compris le groupe que j’ai représenté. Voilà la réalité.
Nous avons donc, les uns et les autres, depuis vingt ans, assumé des politiques qui ont aggravé les déséquilibres territoriaux. Voilà le constat.
Je ne dis pas que, par un coup de baguette magique, nous allons révolutionner les choses et que le bonheur va aussitôt inonder nos territoires. Je dis simplement que cette situation ne remonte pas au mois de mai 2017. Aujourd’hui, ce qui est nécessaire, c’est que la politique mise en œuvre ait des résultats concrets pour nos concitoyens.
Certes, nous avons également engagé un processus de maîtrise des dépenses budgétaires : c’est une réalité, et je l’assume, comme mes collègues du Gouvernement. Je peux entendre ceux pour qui tel ou tel chapitre n’a pas suffisamment de crédits. Mais je n’aurai pas le mauvais goût de revenir aux programmes présidentiels des uns et des autres : je n’en connais pas beaucoup qui aient proposé l’accumulation de nouvelles dépenses…
M. François Patriat. Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. Au titre de ce budget, que j’assume avec les difficultés qui en découlent, nous avons pris un certain nombre de mesures qui permettront d’avancer de manière positive dans les années qui viennent.
Cette mission représente 16,5 milliards d’euros de crédits budgétaires et 18 milliards d’euros de dépenses fiscales, qu’il ne faudrait pas oublier. Elle regroupe pour la première fois les soutiens financiers de l’État à la politique d’aménagement du territoire, à la politique de la ville et au logement.
C’est vrai, à la demande du Président de la République, nous avons engagé une réforme profonde de la politique du logement dans notre pays.
Oui, certaines décisions sont d’ordre budgétaire : je les assume. Et, par mes précédents propos, je n’entends pas faire le procès de celles et ceux qui, en la matière, ont été chargés des ministères successifs. Il est normal que le ministre Daubresse défende la politique qu’il a menée au Gouvernement. D’autres, dans cet hémicycle, ont d’ailleurs été responsables de ces questions : je pense notamment à Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais je suis critique de ma propre action !
M. Jacques Mézard, ministre. Je le répète, je ne suis pas là pour faire le procès de ce qui a été fait avant moi : je suis là, simplement, pour dire que nous avons encore des difficultés – si tel n’était pas le cas, cela se saurait !
Si nous avons engagé cette réforme profonde de la politique du logement, c’est non seulement pour faire face aux contraintes budgétaires, mais aussi parce que, dans le système actuel, malgré 40 milliards d’euros de dépenses assumées chaque année par l’État, plus de 4 millions de personnes restent mal logées en France.
Voilà pourquoi il est nécessaire d’opérer une réforme structurelle ; dans l’ensemble, ce constat fait d’ailleurs l’objet d’un large consensus.
Un certain nombre d’entre vous dénoncent la brutalité de la méthode employée. Toutefois, Julien Denormandie et moi-même avons toujours privilégié le dialogue, que ce soit avec les professionnels, avec les bailleurs sociaux ou avec les acteurs du monde de la construction. J’entends parfois qu’il n’y aurait eu aucun dialogue : or nous avons consacré plusieurs centaines d’heures à la concertation, ce qui est tout à fait légitime. Je peux vous dire que nous avons tenu compte des avis des uns et des autres.
À ce titre, je tiens à remercier très clairement le Sénat de la contribution qu’il a apportée et qu’il continue d’apporter sur ce dossier du logement. Le Sénat et le Gouvernement pourront ainsi, dans quelques jours, engager conjointement une conférence de consensus sur le logement. À mon sens, c’est une excellente chose. Au demeurant, de tels exemples démontrent la volonté du Gouvernement d’être à l’écoute du Sénat de la République.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis également que cette conférence de consensus puisse être coanimée avec le président du Sénat, avec vous toutes et vous tous.
J’insiste : quand on consacre plus de 40 milliards d’euros à une politique, il n’est pas raisonnable de se contenter de résultats considérés, globalement, comme négatifs – et je nous mets tous dans le même sac ! La nécessité de changer les choses est aussi une affirmation courageuse.
Nous avons effectivement proposé de réduire le montant des loyers de solidarité dans le parc social, pour les locataires les plus fragiles. Parallèlement, nous proposons de baisser les APL pour les mêmes locataires : ainsi, l’ensemble de cette politique restera neutre pour leur pouvoir d’achat.
Cela étant, j’ai siégé longtemps parmi vous et j’ai très souvent entendu parler des « dodus dormants ». Je n’en déduis pas que tout va bien, que tous les organismes de logement disposent de trésoreries considérables ! Mais ces cas de figure existent, et nous le savons : je l’ai entendu de la bouche de nombre d’entre vous.
Si nous allons vers une réforme structurelle, c’est parce que notre pays en a besoin. Certains secteurs ont déjà engagé ce travail : en la matière, il est grand temps de le faire, et nous le ferons dans le dialogue. Encore aujourd’hui, je ne désespère pas que nous arrivions à la solution la plus consensuelle possible. Y compris dans ce secteur, nombre d’intervenants considèrent qu’il est nécessaire d’évoluer.
Le budget alloué aux aides au logement traduit cet objectif : l’État y consacrera 13,6 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront une participation des employeurs et les concours des collectivités territoriales en faveur de l’accès et du maintien des ménages dans leur logement. Au total, la dépense publique d’aide au logement s’établira à 16,4 milliards d’euros.
Il est nécessaire de réformer le secteur, d’opérer des mutualisations, de regrouper des organismes. Ainsi, ces derniers atteindront une taille suffisante pour disposer des moyens de construire mieux. Des économies d’échelles seront dégagées et l’organisation du secteur sera simplifiée.
Toutefois, je vous ai entendus et, à cet égard, j’ai le même avis que vous : je veillerai à ce que cette réforme n’entre pas en opposition avec la nécessaire préservation de la proximité. Je pense en particulier aux territoires ruraux : il ne serait pas bon d’aboutir à des organismes éloignés du terrain. Sachez que je serai particulièrement attentif à cette question.
Cette réforme sera déployée au cours des trois prochaines années. Bien sûr, elle doit être mise en cohérence avec la réforme financière des aides au logement que nous avons engagée.
Nous sommes venus devant vous avec un texte voté par l’Assemblée nationale ; je considère que cette rédaction peut encore évoluer, et je ne m’en suis jamais caché. Vous avez commencé à apporter diverses modifications. À cet égard, je remercie tout particulièrement Philippe Dallier et Dominique Estrosi Sassone du travail considérable qu’ils ont accompli pour faire évoluer l’article 52.
Nous ne sommes pas au bout du processus. Vraisemblablement, ce dernier ne sera pas totalement achevé ce soir. Le travail accompli au Sénat n’en était pas moins indispensable, et il va dans le bon sens.
J’indique en particulier que, à titre personnel, le choix de recourir à la TVA pour financer les actions de l’article 52 m’a toujours paru une bonne chose : je suis heureux qu’il soit revenu au Sénat de mettre cette idée dans le circuit !
Bien sûr, nous discuterons plus longuement de l’article 52 en débattant des amendements que vous avez soumis à la Haute Assemblée.
Pour l’heure, je n’ajouterai qu’une précision. Tout le monde a essayé de réformer ce pays. D’ailleurs, tous les gouvernements l’ont fait au cours des dernières années. Or j’ai rarement vu des réformes mises en œuvre sans provoquer un certain nombre de réactions. C’est légitime, c’est la vie démocratique. Mais ce n’est pas une raison pour multiplier les marques d’inquiétude, en déclarant que le monde des bailleurs sociaux va s’écrouler, que des organismes vont finir en cessation de paiement : nous l’avons dit, nous ferons le nécessaire.
En particulier, nous sommes en train de travailler à la question de la péréquation. Parallèlement au projet mis sur la table, nous avons prévu un certain nombre de concours en faveur des bailleurs sociaux. J’y reviendrai éventuellement dans la suite de la discussion : je songe notamment au concours de la Caisse des dépôts et aux prêts de haut de bilan, qui, joints à la péréquation, préviendront la casse que d’aucuns nous annoncent. Au demeurant, une telle issue ne serait dans l’intérêt ni du pays ni de la République.
Ne serait-ce qu’à cet égard, plus de 6 milliards d’euros de prêts bonifiés seront proposés au secteur : ce n’est quand même pas neutre. Et je ne parle pas de la stabilisation du taux du livret A.
Pour ce qui concerne le budget de la cohésion des territoires, je l’ai dit, nous aurons à débattre dans quelques semaines du projet de loi relatif au logement. J’espère que la concertation menée à ce titre, avec le Sénat, sera la plus positive et la plus constructive possible.
Certains d’entre vous ont parlé du PTZ et du dispositif Pinel. J’entends les propositions qu’ils formulent. Mais quelle est la situation que nous avons trouvée ? En vertu du projet de loi de finances pour 2017, ces aides disparaissaient totalement au 31 décembre 2017. Voilà quelle était la réalité !
Nous avons pris la décision de prolonger ces dispositifs pour quatre années, sauf exception, c’est-à-dire pour presque tout le quinquennat. Ce choix assure aux professionnels de l’immobilier une lisibilité et une visibilité.
Le dispositif Pinel sera concentré sur les zones tendues ; mais, si mes souvenirs sont bons, il n’a compris les zones non tendues que pour l’année 2017, et, dans les faits, seules quelques dizaines de logements ont été concernés à ce titre. Voilà aussi quelle est la réalité.
Quant au PTZ, n’inversons pas les faits : sur la base des mesures annoncées par le Président de la République, nous avons fait évoluer le projet de loi de finances initial. Le PTZ sera maintenu pour quatre ans pour les logements neufs dans les zones tendues ; dans toutes les zones non tendues, il sera également maintenu pour deux ans, certes à un taux un peu réduit pour les logements neufs, mais pour quatre ans, et au taux habituel, pour l’ancien. À mon sens, ce choix est davantage une avancée qu’un recul au regard de la situation que nous avons trouvée.
En outre, d’aucuns l’ont rappelé, et je les en remercie : nous avons renforcé les crédits de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Nous en avons bien besoin pour lutter contre les passoires thermiques. Chacun, dans cet hémicycle, s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un enjeu prioritaire. L’effort accompli témoigne de la volonté du Gouvernement d’avancer sur ce front.
D’autres chapitres qui relèvent non de mon ministère, mais du ministère de la transition écologique et solidaire, mettent en œuvre des crédits importants dans ce domaine, qui concerne aussi le logement.
Cela étant, pour ce qui est de l’ANAH, le programme « Habiter mieux », qui sera doté de 1,2 milliard d’euros à l’échelle du quinquennat, est une initiative très positive. Cette action va dans le bon sens.
Bien sûr, au titre du projet de loi relatif au logement, nous veillerons aussi à faciliter l’offre. Un dispositif exceptionnel sera déployé pour réduire l’imposition des plus-values immobilières pendant trois ans et favoriser la cession du foncier.
J’en viens à une question que plusieurs d’entre vous ont également abordée : l’hébergement d’urgence et, plus spécifiquement, le plan quinquennal pour le Logement d’abord.
Tous les gouvernements successifs ont dû faire face au problème de l’hébergement d’urgence. J’étais aux côtés du Président de la République, à Toulouse, en septembre dernier, lorsqu’il a fait cette annonce : la politique du Logement d’abord sera préservée, quoi qu’il arrive, dans le cadre de ce budget.
Cet effort prendra des mois, et même des années. Mais le Logement d’abord est le seul moyen d’éviter que la question des sans-abri ne devienne chaque année plus préoccupante.
Depuis des années, quels que soient les gouvernements, les budgets consacrés à l’hébergement d’urgence ont été insincères : c’est une réalité. D’ailleurs, la situation dans laquelle nous nous trouvons démontre la difficulté que représente la question du logement en France.
Notre pays compte plus de 120 000 sans-abri : cela ne remonte pas au mois de mai dernier, c’est une responsabilité collective. Cette situation est encore aggravée par de nouveaux flux migratoires, qui posent les problèmes que l’on connaît et face auxquels on ne peut rester les yeux fermés. Voilà quelle est la vérité !
En la matière, nous avons besoin d’augmenter les crédits : c’est ce qu’assure le budget que nous vous proposons. Cet effort ne résoudra pas tout. Je sais que des difficultés persisteront. Je sais que, malheureusement, cet hiver, des hommes et des femmes sont déjà décédés dans la rue. Ce gouvernement fait ce qu’il peut, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles. Je le dis comme je le pense : peut-être devrions-nous faire plus. C’est là un aspect fondamental du respect que nous devons à nos concitoyens, quelles que soient les sensibilités que nous représentons ici.
Cette stratégie du Logement d’abord, nous y tenons, le Président de la République y tient, et toutes les associations du secteur l’ont saluée : c’est bien la preuve que nous avons retenu la bonne formule, même s’il ne s’agit pas d’un enjeu facile.
Pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, d’aucuns ont trouvé que nous n’en faisions pas assez. Certes, on ne fait jamais assez en la matière, surtout quand on hérite d’une situation comme celle que nous avons trouvée ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Là aussi, j’assume ma part de responsabilités, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, tant s’en faut…
M. Roland Courteau. Quand même !
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur Courteau, il y a une différence entre nous : j’assume le fait d’avoir voté les budgets du dernier quinquennat…
M. Roland Courteau. Nous aussi !
M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est peut-être pas ce que j’ai fait de mieux, mais je l’ai fait ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Antoine Lefèvre. Au moins, c’est honnête !
M. Jacques Mézard, ministre. Toutefois, monsieur Courteau, lorsque la politique de l’ancien gouvernement ne me convenait pas, j’ai aussi eu le courage de vous le dire en face. Voilà pourquoi je prends vos propos, qui n’étaient pas nécessairement des félicitations ou des encouragements, comme un exemple de l’expression démocratique qui honore notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Toujours en matière d’aménagement du territoire, on me dit : « Vous avez beaucoup parlé des contrats de ruralité. » Mais si quelqu’un est concerné par la ruralité, c’est bien moi ! Un seul exemple illustre la situation du département dont je suis issu : vendredi dernier, mon excellent ami député du Cantal a battu le record de la liaison Paris-Aurillac par avion. Son trajet a duré vingt et une heures trente ! On a donc encore des marges de progression… (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. Comme disait Chirac, c’est beau, mais c’est loin ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Notre gouvernement aurait pu se contenter de dire : pour les contrats de ruralité en cours, nous honorons la parole de l’État, et nous nous en tenons là. Ce n’est pas la décision que nous avons prise.
Cette mesure n’a pas été suffisamment rappelée à mon goût, mais je peux comprendre pourquoi. Il n’en est pas moins vrai que les diverses dotations, comme la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, ont été maintenues au plus haut niveau,…
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. … ce qui n’était pas forcément évident.
Si nous avons pris la décision d’inclure le programme 112 dans le chapitre relatif à la DETR et à la DSIL, c’est parce que nous avons bien la volonté de maintenir la politique de contrats de ruralité : je le dis avec force !
À l’intention de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, ont voté l’augmentation du nombre de métropoles, j’ajoute que cette dernière mesure représente un coût de 90 millions d’euros supplémentaires. Si j’ai bien compris, ces fonds n’iront pas forcément vers la ruralité… (Mme Éliane Assassi rit.)
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Il ne faudrait pas non plus l’oublier.
Je tiens également à vous dire que nous engagerons, dans les semaines qui viennent, une politique contractuelle dédiée aux villes moyennes. Ne nous dites pas que nous n’avons pas d’ambition à ce titre : vous verrez qu’il s’agit d’un vrai plan. Voilà bien longtemps que nous avons besoin d’une telle initiative. Nombre de villes moyennes ont été délaissées,…
Mme Sophie Primas. C’est vrai !
M. Jacques Mézard, ministre. … à l’instar des territoires ruraux qui les entourent.
En la matière, nous allons coordonner les politiques menées par le Gouvernement, par la Caisse des dépôts et consignations et par Action Logement, avec qui j’ai signé un protocole d’accord il y a quelques jours : ainsi, Action Logement a pris l’engagement de déployer, au cours du quinquennat, 1,5 milliard d’euros en faveur des villes moyennes.
Ce plan ne résoudra pas tout, mais il permettra aux villes moyennes de trouver une nouvelle dynamique. C’est l’un des engagements que je prends au nom du Gouvernement.
Certains d’entre vous l’ont rappelé, nous avons émis un message tout à fait clair et tout à fait favorable quant au financement des maisons de services au public.
J’entends les interrogations qu’inspire la lutte contre la désertification médicale. Dans ce domaine comme dans les précédents, les problèmes ne remontent pas au mois de mai dernier. Certains estiment que le plan annoncé par Mme la ministre des solidarités et de la santé est insuffisant. Nous travaillerons avec elle au cours des mois qui viennent pour améliorer encore l’action entreprise.
Il y a quelques semaines, le Sénat a consacré un débat aux territoires ruraux : je n’ai pas oublié que, sur les vingt et une questions qui m’ont été posées à cette occasion, huit portaient sur la désertification médicale. Ce qui remonte de nos territoires, c’est donc bien qu’il s’agit d’un problème de fond.
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. De toute évidence, nous devons y apporter des réponses plus fortes que les solutions proposées jusqu’à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un mot de la prime d’aménagement du territoire, la PAT. Le présent projet de loi de finances avait fixé son montant à 10 millions d’euros. Lors de la première lecture devant l’Assemblée nationale, j’ai souhaité que cette enveloppe soit augmentée de 5 millions d’euros, c’est-à-dire de 50 %. Si vous proposez davantage encore, je n’émettrai pas nécessairement un avis favorable, mais je n’en serai pas malheureux : il s’agit d’un instrument efficace, sur le territoire, pour un certain nombre d’entreprises. Il permet de débloquer des situations particulièrement difficiles.
Enfin, j’évoquerai la politique de la ville.
À cet égard, nous avons bel et bien tenu à sanctuariser les crédits, rabot inclus – je rassure ceux qui avaient des doutes sur ce point.
Là non plus, les décisions prises ne vont pas résoudre tous les problèmes. Mais M. Daubresse sera heureux d’apprendre que nous travaillons actuellement en concertation avec Jean-Louis Borloo pour faire un bilan d’application de la politique de la ville et formuler, sur cette base, un certain nombre de propositions. En la matière, il faut écouter tout le monde, et c’est ce que nous faisons.
Nous avons pris la décision de doubler le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, pour le porter de 5 à 10 milliards d’euros ; je précise que 1 milliard d’euros proviennent, à ce titre, des subventions de l’État.
Je vous rassure également sur ce point : les 15 milliards d’euros en crédits de paiement prévus pour 2018 correspondent aux demandes formulées par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU. Nous n’avons pas choisi ce chiffre par hasard ou pour réduire tel ou tel coût : nous respectons les engagements pris.
À l’heure actuelle, Action Logement a signé pour 2 milliards d’euros complémentaires. Au total, nous atteignons déjà 8 milliards d’euros. Le projet de loi de finances prévoit 10 milliards d’euros, et je ne doute pas que nous y arriverons. Je précise que 1 milliard d’euros mobilisés à ce titre correspondent à 65 millions d’euros par an : ce programme court jusqu’en 2031.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je voulais vous dire en présentant ce budget de manière synthétique. Je vous ai parlé avec la conviction que, au-delà des expressions et des appréciations diverses, le Sénat est toujours là pour construire avec tous les gouvernements ! (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
Rappel au règlement
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Fabien Gay. Aussi mes collègues du groupe CRCE et moi-même souhaitons faire un rappel au règlement.
À travers l’un de nos amendements, nous demandions, plus particulièrement, la remise au Gouvernement d’un rapport permettant d’évaluer la possibilité de création d’une plateforme nationale de recensement des solutions et initiatives issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Selon nous, cette plateforme nationale pourrait être dénommée « agence des solutions locales ».
Il s’agissait d’évaluer l’opportunité de créer une telle structure pour faciliter le soutien particulier des acteurs économiques, des collectivités territoriales et des services de l’État autour de ces initiatives : à terme, l’enjeu est de développer ces dernières à plus grande échelle.
Nous voyons mal en quoi la rédaction d’un rapport crée une charge nouvelle pour l’État, sauf à considérer le travail de l’administration comme tel. Cette application erronée de l’irrecevabilité financière prive les parlementaires que nous sommes de leur droit d’amendement, qui est pourtant inaliénable : à l’évidence, on voudrait faire de nos assemblées de simples chambres d’enregistrement…
Plus globalement, à travers ces amendements déclarés irrecevables, nous entendions reprendre les préconisations issues de l’appel de Grigny, en date du 16 octobre dernier.
Les quartiers situés en zone de politique de la ville subissent un cumul de handicaps extraordinaire, qui, de surcroît, s’accentuent. La fracture territoriale et la fracture sociale s’aggravent chaque jour. Elles portent un coup terrible au pacte républicain et ouvrent la voie à de terribles maux.
Les difficultés concentrées dans ces quartiers sont nombreuses : chômage de masse, notamment chez les jeunes, problèmes d’accès au logement et à la culture, pauvreté, décrochage scolaire, isolement des mères, etc.
Lors des États généraux de la politique de la ville, les maires et les représentants des associations ont appelé le Gouvernement à un effort constant et permanent.
Des élus de tous bords politiques, animés encore d’espoir et de pragmatisme, se sont réunis le 16 octobre dernier pour lancer cet appel. Ensemble, ils ont construit une plateforme regroupant dix mesures d’urgence à prendre immédiatement dans ce budget pour 2018.
Nous devons tenir compte de cet appel, nous devons l’entendre pour nos territoires. Nous vous demandons de revenir sur l’irrecevabilité opposée à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, cher collègue.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Mon cher collègue, le président de la commission des finances s’étant absenté, permettez-moi de vous répondre à sa place.
Je le sais bien, chaque fois qu’un amendement est déclaré irrecevable à un titre ou à un autre, cela agace, quelles que soient les travées sur lesquelles on siège.
M. Fabien Gay. Cela fait plusieurs fois !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Que cela arrive trois fois, quatre fois ou dix fois, là n’est pas la question !
La commission des finances a mis en place une cellule spécifiquement dédiée à cette question. Les décisions ne sont jamais prises à la légère : les amendements sont analysés par les administrateurs de la commission, puis soumis au président de la commission des finances. Lorsqu’ils sont déclarés irrecevables, c’est toujours pour une bonne raison : soit vous aggravez les dépenses, soit vous réduisez les ressources…
Mme Éliane Assassi. Nous demandons un rapport !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Laissez-moi y venir ! Vous pourrez relire ce que dit exactement la Constitution.
Soit, disais-je, l’amendement que vous avez proposé ne relève pas du domaine de la loi de finances aux termes de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. (M. Fabien Gay et Mme Éliane Assassi font une moue dubitative.)
C’est forcément pour l’une de ces raisons – croyez-moi, je doute beaucoup que ce soit à tort ! – que vos amendements ont été déclarés irrecevables.
Mme Éliane Assassi. Nous pensons le contraire !
Mme la présidente. J’appelle en discussion, par priorité, l’article 52, qui est rattaché pour son examen à la mission « Cohésion des territoires ».
Cohésion des territoires
Article 52 (priorité)
I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 351-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les 1° et le 6° ne sont pas applicables pour les prêts ou les contrats de location-accession signés à compter du 1er janvier 2018. » ;
2° L’article L. 351-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’aide personnalisée au logement est réduit, pour les bénéficiaires concernés par l’article L. 442-2-1, à hauteur d’une fraction fixée par décret, comprise entre 90 % et 98 %, de la réduction de loyer de solidarité prévue au même article L. 442-2-1. » ;
2° bis (nouveau) Après le e de l’article L. 351-7, il est inséré un f ainsi rédigé :
« f) Une fraction des cotisations mentionnées aux articles L. 452-4 et L. 452-4-1 du présent code. Pour 2018 et pour 2019, cette fraction est fixée, respectivement, à 700 millions d’euros et à 300 millions d’euros. » ;
3° et 4° (Supprimés)
5° À l’article L. 441-11, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 100 % » ;
6° Après l’article L. 442-2, il est inséré un article L. 442-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-2-1. – Pour les logements ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement gérés par les organismes mentionnés à l’article L. 411-2, à l’exception des logements-foyers conventionnés en application du 5° de l’article L. 351-2, une réduction de loyer de solidarité est appliquée par les bailleurs aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond fonction de la composition du foyer et de la zone géographique.
« La demande prévue à l’article L. 441-9 permet au bailleur de déterminer si le locataire bénéficie de la réduction de loyer de solidarité.
« Le montant mensuel de la réduction de loyer de solidarité est fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés du logement et du budget, dans la limite des montants fixés de la manière suivante pour l’année 2018 :
« |
(En euros) |
|||
Désignation |
Montant maximal |
|||
Zone I |
Zone II |
Zone III |
||
Bénéficiaire isolé |
50 |
44 |
41 |
|
Couple sans personne à charge |
61 |
54 |
50 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge |
69 |
60 |
56 |
|
Par personne supplémentaire à charge |
10 |
9 |
8 |
« Le zonage appliqué est celui utilisé pour le calcul des aides au logement.
« L’arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent article peut prévoir un montant de réduction de loyer de solidarité spécifique pour les colocations.
« Ces plafonds sont indexés, chaque année au 1er janvier, sur l’indice de référence des loyers défini à l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
« Chaque année au 1er janvier, la revalorisation du montant mensuel de la réduction de loyer de solidarité correspond au moins à l’évolution de l’indice de référence des loyers défini au même article 17-1.
« Les plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la réduction de loyer de solidarité sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés du logement et du budget, dans la limite des montants fixés de la manière suivante pour l’année 2018 :
« |
(En euros) |
|||
Désignation |
Montant maximal |
|||
Zone I |
Zone II |
Zone III |
||
Bénéficiaire isolé |
1 294 |
1 209 |
1 171 |
|
Couple sans personne à charge |
1 559 |
1 474 |
1 426 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge |
1 984 |
1 880 |
1 823 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant deux personnes à charge |
2 361 |
2 239 |
2 173 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant trois personnes à charge |
2 890 |
2 749 |
2 654 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant quatre personnes à charge |
3 334 |
3 173 |
3 069 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant cinq personnes à charge |
3 712 |
3 532 |
3 410 |
|
Bénéficiaire isolé ou couple ayant six personnes à charge |
4 109 |
3 910 |
3 778 |
|
Personne à charge supplémentaire |
400 |
375 |
350 |
« Le zonage appliqué est celui utilisé pour le calcul des aides au logement.
« Ces montants, ainsi que le montant des plafonds de ressources, sont indexés chaque année, au 1er janvier, sur l’évolution en moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages hors tabac, constatée pour l’avant-dernière année précédant cette revalorisation.
« Les ressources mentionnées au premier alinéa du présent article s’entendent comme les ressources prises en compte dans le calcul de l’aide définie à l’article L. 351-3.
« La réduction de loyer de solidarité fait l’objet d’une mention expresse sur la quittance mensuelle délivrée au locataire. » ;
7° Le I de l’article L. 481-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 442-2-1 est applicable aux logements ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement et gérés par les sociétés d’économie mixte, à l’exception des logements-foyers conventionnés en application du 5° de l’article L. 351- 2. » ;
8° Au dernier alinéa de l’article L. 452-4, le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
9° Après le troisième alinéa de l’article L. 452-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle contribue, notamment par ses concours financiers, au soutien des organismes de logement locatif social dans la mise en œuvre des réductions de loyer. » ;
10° L’article L. 452-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une commission de péréquation, dédiée au soutien des organismes de logement social et des sociétés d’économie mixte dans la mise en œuvre des réductions de loyer de solidarité prévues à l’article L. 442-2-1, est placée auprès du conseil d’administration de la Caisse de garantie du logement locatif social. Cette commission statue sur les concours financiers mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 452-1. » ;
11° Au second alinéa de l’article L. 452-2-2, les mots : « ou de la commission de réorganisation » sont remplacés par les mots : « , de la commission de réorganisation ou de la commission de péréquation ».
II. – (Supprimé)
III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 1° du I de l’article L. 542-2, après les mots : « même code ; », sont insérés les mots : « l’allocation n’est pas due pour les prêts permettant d’accéder à la propriété de l’habitation qui sont signés à compter du 1er janvier 2018 ; »
2° Le premier alinéa de l’article L. 831-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa n’est pas applicable aux prêts signés à compter du 1er janvier 2018. »
IV. – A. – La réduction de loyer de solidarité prévue à l’article L. 442-2-1 du code de la construction et de l’habitation est applicable aux contrats en cours.
B. – L’indexation au 1er octobre des paramètres du barème de l’aide personnalisée au logement, de l’allocation de logement familiale et de l’allocation de logement sociale prévue, respectivement, au septième alinéa de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, au deuxième alinéa de l’article L. 542-5 du code de la sécurité sociale et au troisième alinéa de l’article L. 831-4 du même code, n’est pas appliquée en 2018.
C. – À compter du 1er janvier 2018 et jusqu’au 31 décembre 2018, par dérogation aux articles L. 353-9-2, L. 353-9-3 et L. 442-1 du code de la construction et de l’habitation, les loyers et redevances maximaux et pratiqués ne peuvent faire l’objet d’aucune révision. Ces dispositions s’appliquent y compris aux contrats de location en cours.
Mme la présidente. Je suis saisie de nombreuses demandes de parole. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous disposez de deux minutes trente.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 52 a fait l’objet de toutes les attentions, et nous allons encore y porter une attention particulière cet après-midi.
La première version, présentée à l’Assemblée nationale, impactait durement les bailleurs, en leur faisant supporter une baisse importante au titre de l’APL, l’aide personnalisée au logement, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros dès l’an prochain.
Un amendement adopté par l’Assemblée nationale a permis d’étaler la mise en œuvre de cette disposition sur trois ans, sous réserve d’un rehaussement de la participation des bailleurs au Fonds national d’aide au logement au travers de leur cotisation à la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social, qui passe de 3 % à 8 %.
Pour justifier cette mesure, le Gouvernement invoque une hausse exponentielle des sommes consacrées au financement des APL, à hauteur de 18 milliards d’euros, qu’il faudrait d’urgence contenir.
Il est vrai que, depuis les années 1970, les pouvoirs publics ont fait le choix d’attribuer des aides au logement plutôt que des aides à la pierre, nous conduisant à la situation que nous connaissons aujourd’hui : trop peu de logements pour absorber la demande sociale et, donc, des loyers élevés, le marché étant particulièrement déséquilibré.
La démarche de ce gouvernement ne s’inscrit pas dans cette problématique, puisque la baisse des APL ne se conjugue pas avec une hausse des aides à la pierre. La justification politique est totalement erronée.
En effet, comment ne pas voir que la hausse des crédits des APL est imputable non pas aux bailleurs publics, dont les loyers sont réglementés, mais à la hausse des loyers dans le secteur privé, les aides au logement étant alignées sur le niveau de loyers ?
Pour cette raison, nous sommes inquiets de la remise en cause de l’encadrement des loyers, qui risque d’entraîner de fait une dépense publique supplémentaire en matière d’APL, une dépense importante, faute de régulation des pouvoirs publics.
Parlons également du niveau réel de contribution des entreprises au 1 % logement qui finance ce fonds. Elles y contribuent en réalité à hauteur de 0,5 %. Rehausser la participation des entreprises permettrait de compenser la forte demande d’APL. Cette voie ne doit pas être balayée du revers de la main, mais, au contraire, elle doit être considérée.
Sur le fond, la hausse de crédits est imputable non pas aux politiques du logement, mais bien à la pauvreté qui gagne du terrain dans notre pays et à la précarité qui gangrène notre société. Ce n’est donc pas en baissant les APL que nous réglerons cette situation ; c’est en s’attaquant directement aux causes, plutôt qu’aux conséquences. Renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens, c’est agir efficacement pour la baisse du niveau de financement public consacré aux APL, puisque cette aide est fonction des ressources du ménage.
Nous pensons donc que nous nous engageons dans un mauvais débat avec cet article 52 tel qu’il est rédigé. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements pour limiter les conséquences des dispositions prévues. Nous serons attentifs à l’ensemble des discussions qui vont suivre.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Cécile Cukierman. D’une façon générale, sortons de cette logique et redonnons du pouvoir d’achat pour régler cette problématique de dépenses publiques pour les APL ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous parlerai de mon territoire, l’Aisne.
Avec une production annuelle de 230 logements, 90 logements démolis et 50 logements vendus aux locataires, l’office d’HLM de l’Aisne et de Laon, que je présidais encore il y a quelques semaines, est un acteur local indispensable au territoire : 200 logements réhabilités thermiquement par an, 50 millions d’euros d’investissements annuels, plus de 500 emplois non délocalisables.
Or la réforme des APL va transformer un office d’HLM sain en un office d’HLM déficitaire. En ce qui concerne mon office, plus de 6 millions d’euros par an sont en jeu. Le voilà déficitaire et rendu par vos mesures, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, incapable d’investir !
De plus, cette réforme va mettre en difficulté les collectivités qui en sont les garantes.
Ainsi, les offices qui ont joué le jeu en investissant régulièrement pour améliorer la qualité de l’habitat, mais qui ne disposent pas d’une trésorerie illimitée, vont subir la réduction de loyer qui leur sera imposée. Le secrétaire d’État Julien Denormandie a reconnu ici même, lors d’un débat, que mon office avait plutôt des ratios satisfaisants et une bonne gestion.
Or, dans nos territoires ruraux, auxquels le ministre Jacques Mézard est particulièrement attentif, seuls les bailleurs locaux – il le sait bien ! – permettent de moderniser l’habitat de façon visible, notamment dans les centres-bourgs.
C’est pourquoi je mets beaucoup d’espoirs, d’une part, dans le vote de notre majorité au Sénat, en première partie du budget, qui a permis l’augmentation de la TVA sur les constructions et les rénovations de logements des bailleurs sociaux et, d’autre part, dans les propositions de nos collègues rapporteurs Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier, en concertation, me semble-t-il, avec le Gouvernement, les bailleurs sociaux et notre commission des finances, pour sortir – pour vous sortir, monsieur le ministre ! – de ce guêpier, en ne pénalisant pas les offices les plus vertueux, qui sont bien gérés et accueillent une forte proportion de locataires les plus modestes.
Enfin, je rappelle que les offices intervenant au niveau départemental s’intéressaient à la réhabilitation des friches dans les centres-bourgs, mais ce ne sera sans doute plus le cas des gros offices régionalisés qui résulteront d’une restructuration.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, sur l’article.
Mme Nassimah Dindar. M. le ministre a évoqué l’aide destinée à nous permettre de vendre des terrains moins cher afin de faciliter la construction des logements.
Nombre de propriétaires outre-mer, notamment des particuliers, conservent leurs terrains dans l’attente d’une plus-value parfois plus importante et/ou, souvent, d’un impôt sur la plus-value plus faible, la plus-value étant particulièrement exorbitante dans ces territoires.
Pour lutter contre cette rétention foncière et créer un « choc d’offres », la loi prévoira, comme vous l’avez rappelé, que les vendeurs bénéficieront, pendant une période transitoire de trois ans, d’un abattement de 100 % pour la vente d’un terrain à bâtir situé en zone tendue, en vue de construire un logement social ; de 85 % pour la vente d’un terrain à bâtir situé en zone tendue, en vue de construire un logement intermédiaire ; et de 70 % pour la vente d’un terrain à bâtir situé en zone tendue, en vue de construire un logement dans le secteur libre.
Cette disposition va, de toute évidence, monsieur le ministre, booster l’activité immobilière et la construction de logements sociaux ; nous y sommes, pour notre part, très favorables.
Cependant, la loi ALUR, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, n’a pas étendu la définition de la zone tendue aux départements et territoires d’outre-mer.
À La Réunion, par exemple, les ventes de foncier sont souvent bloquées à cause d’une plus-value beaucoup trop élevée entre toutes les taxes : un particulier doit payer 48 % sur sa plus-value. Au final, il préfère souvent ne pas vendre.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : peut-on espérer de manière claire l’extension à tous les DOM et à La Réunion de la mesure très attendue du classement en zone tendue et du bénéfice de l’abattement précité pour la vente des terrains destinés au logement social et au logement intermédiaire afin d’éviter des déséquilibres territoriaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis défavorable à l’adoption de l’article 52, qui constituerait une bien mauvaise surprise, une bien mauvaise nouvelle pour les ménages modestes qui souhaitent devenir propriétaires, en ce qu’il prévoit la suppression du dispositif APL-accession.
Or ce dispositif leur permet de devenir propriétaires de leur résidence principale tout en percevant des aides personnalisées au logement, au travers de deux types de crédit, le prêt d’accession sociale, le PAS, et le prêt conventionné. Les deux prêts permettent de financer jusqu’à 100 % du montant de l’opération envisagée – achat dans le neuf ou dans l’ancien, construction de maison –, pour une durée pouvant aller jusqu’à trente-cinq ans dans certains cas.
En outre, cette aide est directement versée à la banque prêteuse et vient donc réduire la mensualité de crédit payée par l’emprunteur – jusqu’à 50 % dans certains cas –, les banques la prenant en compte dans leurs plans de financement. Cela permet à des ménages dont l’endettement aurait été trop élevé sans aide de devenir propriétaires.
Ainsi, on le voit bien, l’APL-accession est l’une des aides les plus efficaces.
De plus, l’APL-accession, qui représente une part très réduite des APL, à savoir 5 % du budget total des allocations logement, soit 834 millions d’euros, a bénéficié à 447 000 acquéreurs, soit 8 % du total des allocataires en 2016, pour un montant moyen de 155 euros mensuels. L’APL-accession constitue donc un exemple d’utilisation maîtrisée des dépenses publiques et économiques, puisque le montant moyen est inférieur aux APL locatives – environ 260 euros par mois –, ce qu’a par ailleurs confirmé la Cour des comptes dans son rapport public d’octobre 2016, en reconnaissant la pertinence de ce dispositif qui permet de diminuer de 1,7 à 2 points le taux d’effort des ménages accédant à la propriété.
Enfin, il y a, selon moi, une absence de vue du Gouvernement, qui souhaite supprimer ce dispositif, alors même qu’il veut aussi s’attaquer aux « passoires thermiques », ces logements mal isolés énergivores. En effet, les prêts d’accession sociale et les prêts conventionnés peuvent aussi financer certains travaux d’agrandissement ou d’amélioration du logement, d’adaptation aux besoins d’une personne en situation de handicap ou d’économies d’énergie.
C’est pourquoi j’appelle l’ensemble de mes collègues à voter en faveur de l’amendement de suppression de l’article 52. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de l’article 52 de la loi de finances pour 2018 sur les territoires dits détendus, et plus particulièrement sur les territoires ruraux comme celui dont je suis issu, la Nièvre.
Dans ces territoires détendus, la réduction de loyer de solidarité, la RLS, pour les locataires du parc social, corrélée à une baisse du montant de l’APL calibrée de telle façon que la baisse de l’aide soit toujours inférieure à la baisse de loyer, aura un effet antipéréquateur.
Dans nos territoires dits détendus, pour des raisons tant sociales, les locataires ayant de très faibles revenus, qu’économiques – le marché tire vers le bas les loyers au regard de la concurrence entre le secteur public et le secteur privé –, l’APL n’a pas pour effet, à la différence des territoires tendus comme Paris ou la région parisienne, de tirer les loyers vers le haut.
Bien au contraire, sur nos territoires, la mise en œuvre du prélèvement sur les bailleurs sociaux les mettra en plus grande difficulté que ceux qui sont situés sur le reste du territoire.
À titre d’exemple, compte tenu de leurs politiques de loyers actuelles et d’un dispositif RLS reposant sur un montant et non un taux – cela aurait été plus équitable –, la contribution des organismes d’HLM nivernais sera plus proche de 14 % de leurs recettes annuelles que d’une moyenne nationale de 10 % de pertes environ liées à la RLS.
Ces pertes se cumuleront avec les pertes liées à la vacance de logements, une vacance importante, je le rappelle, dans nos territoires détendus, au regard du besoin de rénovation d’une grande partie du parc de logement social.
De plus, en affaiblissant les capacités d’investissement des organismes d’HLM, cet article met en grande difficulté le secteur économique local du bâtiment. En effet, les pertes en exploitation ne permettront plus aux bailleurs sociaux de dégager un autofinancement indispensable à la mise en œuvre de leurs opérations d’investissement. Selon les données de l’Union sociale pour l’habitat pour la région Bourgogne-Franche-Comté, avec cette mesure, ce seront 4 200 logements qui ne seront pas réhabilités et plus de 420 millions d’euros de travaux qui ne seront pas engagés avec, pour conséquence, 6 000 emplois détruits par an.
En définitive, si le projet de loi de finances pour 2018 n’intègre pas de modalités spécifiques aux territoires ruraux en reconnaissant leurs particularités, les organismes locaux présents sur ces territoires dits détendus seront voués à disparaître au profit d’une concentration et de regroupements dont il n’est pas démontré qu’ils auront une connaissance aussi fine des besoins locaux et qu’ils sauront participer au mieux à la réhabilitation des centres-bourgs et des centres-villes, dont l’urgence est patente.
Monsieur le ministre, est-ce la mort de nos organismes locaux sans discernement sur leur efficacité et la pertinence de leur action qui est ici visée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aucun des orateurs qui m’ont précédé n’a été dans la posture ni dans la caricature : ils ont présenté une argumentation en faveur de la suppression de l’article 52.
Pour ma part, j’aborderai la question sous un autre angle, celui d’un locataire HLM au moment de considérer les effets du projet de loi de finances pour 2018 sur sa situation personnelle.
Depuis le vote de la première partie, il sait déjà qu’il va voir, par la grâce d’un amendement déposé par nos collègues de la majorité sénatoriale, 140 euros de TVA environ ponctionner une partie des loyers qu’il acquitte auprès de son bailleur. Bonne nouvelle ! Ces 140 euros n’iront pas à l’entretien de l’immeuble, encore moins à l’entretien des espaces collectifs et aux services rendus aux locataires.
Et voici que l’article 52 met en question les aides personnelles au logement, qui intéressent la majorité des locataires du parc social, puisque 60 % de ceux-ci disposent de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources.
Dans les faits, les populations les plus modestes, que leur revenu situe dans les 30 % les moins riches de la population, constituent une proportion deux fois plus importante des familles logées en HLM. Autant dire que la mise en place du prélèvement forfaitaire unique ne représente quasiment rien pour elles, pas plus que la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, et la réforme de la taxe d’habitation peut en laisser certains de bois… Par contre, l’article 52 les concerne tout de suite !
Car voilà un article qui, au nom de l’équilibre des comptes publics et du juste partage des efforts, vient demander à des familles très majoritairement modestes, probablement d’ailleurs dispensées du paiement de l’impôt sur le revenu et de tout ou partie de leur taxe d’habitation, d’apporter rien de moins que 720 euros par an au titre de la baisse de l’allocation, soit 1,7 milliard d’euros par an pour le secteur… Le tout en échange d’une baisse quasi artificielle des loyers, dont la conséquence principale sera d’assécher les fonds propres des organismes bailleurs.
Résumons ! Nous avons, d’un côté, une opération de baisse des allocations, une baisse des loyers dans le secteur social conventionné, qui mettra en voisinage des familles allocataires à taux d’effort constant et des familles non allocataires à taux d’effort allégé, et, de l’autre, des organismes bailleurs qui n’auront plus les moyens d’entretenir correctement leur patrimoine ni, surtout, d’autofinancer sur leurs fonds propres quelque opération de réhabilitation de logements ou de construction neuve que ce soit.
Quoi qu’il arrive, le Gouvernement met le secteur du logement social dans la plus grande difficulté quant à sa participation réelle au nouveau programme national de renouvellement urbain.
L’article 52 pose le problème récurrent de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, puisque la baisse des loyers accompagnant celle des allocations profitera autant aux allocataires qu’aux autres. De plus, il crée des conditions de financement des organismes de logement social extrêmement périlleuses pour ces organismes eux-mêmes, mais aussi pour le secteur d’activité du bâtiment – on a parlé de fonds de roulement ; parlons clair : le logement social, c’est des « fonds de roulement » pour le BTP – comme pour les finances locales. Beaucoup ici ont oublié…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Je conclus, madame la présidente.
Beaucoup ici ont oublié, disais-je, que nos collectivités sont appelées à donner leur garantie aux organismes bailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je prendrai aussi quelques exemples concrets pour illustrer l’une des conséquences néfastes du fameux article 52 sur le logement social.
Dans mon département, l’office public départemental de l’habitat perçoit 46,2 millions d’euros de recettes qui ne sont constituées, comme vous le savez, que des loyers payés par les locataires. La capacité d’autofinancement est de 4,1 millions d’euros et la baisse des loyers estimée, à la suite des mesures qui seront prises, s’élèvera à 4,5 millions d’euros. Vous voyez où je veux en venir… La capacité d’autofinancement sera entièrement effacée par le niveau de la baisse des loyers.
Dès lors, comment trouverons-nous les financements nécessaires au lancement de nouveaux programmes ? Comment poursuivrons-nous l’amélioration de l’existant ? Comment répondrons-nous aux milliers de foyers inscrits sur nos listes d’attente ? Ce ne sont pas des mots ni des propos de tribune prétendument alarmistes ; ce sont des faits, uniquement des faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, un budget, c’est un choix politique. Baisser les APL à hauteur de 1,5 milliard d’euros et faire payer l’essentiel par le mouvement HLM, donc les locataires et les collectivités – des personnes ou des territoires en situation de difficulté –, alors que l’on pouvait trouver des recettes, même dans le secteur du logement ! Et 1,5 milliard, c’est la moitié de la baisse de l’ISF !
Tout d’abord, je vous rappelle que j’ai déposé un amendement visant à ponctionner très faiblement les transactions immobilières de plus de 10 000 euros par mètre carré. Mes chers collègues, 10 000 euros par mètre carré, c’est hyper-minoritaire, vous le voyez bien ! Mais cela représente des recettes à hauteur de 400 millions d’euros, des recettes que nous n’avons pas voulu avoir.
En revanche, on a doublé la valorisation des stock-options, et on a doublé l’amélioration des aides fiscales pour les impatriés des multinationales.
Oui, ce sont des choix. Et 1,5 milliard d’euros en touchant l’APL et le logement social, c’est un mauvais choix républicain pour le pays et pour son activité, avec un impact sur le bâtiment.
Non, les APL ne sont pas inflationnistes ! Elles l’ont été dans les années 1995 à 2000 ; mais elles ne le sont plus aujourd’hui. Les APL inflationnistes sont dans le secteur privé. Or, sur les 18 milliards, on tape justement sur les 8 milliards des HLM, donc du secteur régulé, qui ne peuvent pas être inflationnistes.
Ce n’est même pas pour lutter contre la hausse des loyers. D’ailleurs, bien d’autres mesures seraient à prendre, mais c’est là un autre débat.
On veut baisser les dépenses en matière de logement, mais les aides au logement ne représentent que 0,9 % du PIB depuis 1996. Ce qui a dérapé dans les dépenses, ce n’est pas l’APL ! Ce sont les aides fiscales, toute une autre série d’aides qui méritent d’être évaluées.
Oui, pas d’immobilisme ! Oui, il faut repenser une autre politique du logement ! Sans doute y a-t-il de la déperdition ici ou là ? Mais c’est un débat que l’on engage sur un texte relatif au logement. On ne le traite pas comme cela en donnant un mauvais coup pile-poil sur le seul secteur régulé, en lien avec les collectivités territoriales et dont le caractère social est le plus marqué.
Oui, monsieur Patriat, je me préoccupe du loyer de nos concitoyens ! Mais je me préoccupe surtout de la quittance de loyer de nos concitoyens. Car il n’y aura quasiment pas de gain de loyer. En revanche, vous privez les organismes d’HLM de moyens pour réussir à améliorer la performance énergétique, ce qui serait de nature à faire baisser les quittances de tous les locataires et nous permettrait de relever le défi de la COP21. C’est un mauvais coup que vous portez là ! Il n’est pas bon économiquement, il est injuste socialement et il est inégalitaire dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je consacrerai moi aussi mon propos à l’APL-accession, que le Gouvernement envisage de supprimer au travers de l’article 52.
Avec l’APL-accession, 450 000 ménages modestes ont pu acquérir leur logement, pour une enveloppe de 800 millions d’euros par an. L’étude toute récente du Crédit foncier rappelle que ces ménages ont acheté pour 33 % d’entre eux dans le neuf et 77 % dans l’ancien, et ces acquisitions ont concerné majoritairement les zones détendues.
L’APL-accession permet donc l’accès à la propriété de ménages aux revenus modestes, particulièrement dans les centres-bourgs et parfois dans des zones où il n’y a pas d’offre locative adaptée pour ces familles.
Dans de nombreux cas, le projet d’acquisition n’aurait pu être possible sans le soutien de l’APL-accession, qui intervient comme un réel déclencheur, même s’il est moindre que celui du prêt à taux zéro.
Par ailleurs, l’APL-accession est souvent nécessaire pour conforter un prêt aidé. Pour les ménages du premier quartile bénéficiant d’un prêt à taux zéro, elle permet de réduire d’un quart les mensualités de remboursement. En termes d’économies budgétaires, l’intérêt de la suppression de cette aide est nul : sans APL-accession, les ménages se maintiennent dans le parc locatif et continuent donc de bénéficier de l’APL locative.
La suppression voulue par le Gouvernement est bien contre-productive, car elle aura pour effet de bloquer la mobilité des ménages les plus modestes, sans créer, pour autant, d’économies importantes pour l’État.
Elle n’est pas non plus cohérente avec les objectifs énoncés par le Président de la République, à savoir rendre 40 000 locataires de logements sociaux propriétaires de leur habitation. Comment voulez-vous rendre 40 000 ménages propriétaires sans aides, alors que, pour la plupart d’entre eux, ils n’en ont pas les moyens ?
Enfin, en soutenant ces ménages, on soutient l’activité du bâtiment, qui se serait sans doute effondrée dans certains territoires sans les aides publiques.
Vouloir supprimer l’APL-accession est donc une grave erreur, car cela aura des répercussions à long terme, non seulement sur les familles, mais aussi sur l’activité économique de nos départements. Et je doute que le Gouvernement les ait bien mesurées avant de prendre une telle décision ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, sur l’article.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le mouvement HLM est profondément déstabilisé par la soudaineté et la brutalité des mesures non concertées de ponction directe sur les recettes des organismes annoncées par l’État.
La mobilisation de l’ensemble des acteurs du logement est forte pour protester contre les conséquences désastreuses de cette politique sur le développement de l’habitat social, les politiques locales de l’habitat et l’emploi local.
Les pertes de recettes pour les bailleurs sociaux dans la région des Hauts-de-France sont estimées à 233 millions d’euros par an, ce qui les conduirait inéluctablement à stopper leurs investissements : 1,4 milliard d’euros de travaux en moins, 13 500 logements rénovés en moins et 19 200 emplois directs et indirects menacés dans la région des Hauts-de-France.
Sera particulièrement touché dans mon département du Pas-de-Calais le patrimoine minier : des logements mis à disposition des mineurs et de leurs familles au temps de l’exploitation charbonnière et repris aujourd’hui par un bailleur qui n’a de cesse de les rénover et de les rendre plus confortables pour les proposer à nos populations.
Il en est de même pour le premier bailleur social de mon département, Pas-de-Calais habitat, dont la politique de rénovation et de construction de logements sera fortement ralentie, mettant en péril la qualité de l’offre locative et l’emploi induit dont a cruellement besoin notre territoire.
Ce n’est pas au logement social et à l’APL, cœur de la solidarité nationale, de contribuer, en première ligne, à cet effort. Vous attaquez, une fois de plus, les classes moyennes et populaires, alors même que vous supprimez l’impôt sur la fortune.
Des compensations sont, certes, en discussion, mais il est à craindre que ces compromis ne soient ni satisfaisants ni efficaces et qu’ils ne permettent pas d’atteindre les objectifs du Gouvernement : choc de l’offre, moins de sans-abri, moins de frais de gestion.
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression pure et simple de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’économie générale de l’article 52 : nous sommes presque tous d’accord ici pour dire qu’il n’est pas bon tel qu’il est rédigé. S’il devait être maintenu en l’état, il ne rencontrerait pas l’agrément des différents groupes de la Haute Assemblée.
C’est la raison pour laquelle de nombreux collègues ont déposé des amendements, notamment en commission des finances, pour tenter de manière transpartisane de le faire évoluer. C’est en ce sens que le groupe socialiste et républicain a déposé un certain nombre d’amendements, qui ont eu le bonheur d’être acceptés de manière consensuelle.
L’article 52, sans revenir sur tous les propos qui ont été tenus précédemment, a aussi le grand tort d’avoir totalement oublié les outre-mer. Je le rappelle à mes collègues, même si c’est éloigné, et si cela est inscrit dans le droit commun, les APL ne s’appliquent pas dans les outre-mer. Et pourtant, cet article les intègre dans le dispositif de mutualisation financière. Cela signifie que les populations les plus défavorisées – je ne mentionne pas les indicateurs socio-économiques – vont participer à l’effort de ceux qui sont déjà un peu mieux lotis.
Par ailleurs, nous allons devoir payer une taxe sur le surloyer, le supplément de loyer de solidarité, le SLS, alors que nous n’en avons pas le bénéfice. Vous le savez, le SLS alimente le Fonds national des aides à la pierre, mais nous n’en bénéficions pas. C’est là une double peine. C’est pour cette raison que nous demandons que l’article soit modifié.
Enfin, la taxe qui porterait sur les ventes de logements HLM nous pose aussi problème. C’est pourquoi nous nous sommes tous accordés pour la remplacer par une taxe sur les plus-values. Je m’associe à ma collègue Nassimah Dindar, ce serait mesure d’équilibre et de sagesse que d’extraire de l’assiette le supplément de loyer de solidarité, car nous avons toujours les fameuses taxes sur les plus-values. Il y a une urgence mobilisatrice, irais-je même jusqu’à dire, à modifier l’article 52. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, sur l’article.
M. Daniel Dubois. Je suis tout à fait d’accord avec les orateurs précédents s’agissant des conséquences dramatiques qui surviendraient si aucun compromis n’était trouvé sur l’article 52 ; je n’insisterai donc pas sur ce point.
Je m’étonne de l’obsession du Gouvernement sur le coût du logement pour l’État : il ne voit cette politique que comme une charge, en niant que la construction de logements est aussi une source d’apports ! Elle apporte en termes d’investissement, de croissance et d’emploi ; elle apporte aussi en termes d’aménagement du territoire ; elle apporte, enfin, en termes de fiscalité.
Tout cela a-t-il été chiffré ? Non, bien sûr, puisqu’on ne nous donne jamais de chiffres et qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée. Comme il n’y a pas eu d’étude d’impact, il ne faut pas s’étonner que nous n’ayons que des chiffres négatifs et aucun positif ! (Mmes Catherine Morin-Desailly et Élisabeth Doineau applaudissent.) Quant à obtenir des chiffres auprès de Bercy, je crois que certains s’y sont essayés ; c’est quasiment impossible…
Donc, l’Union sociale de l’habitat nous en a communiqué quelques-uns, que je vais, si vous le permettez, vous livrer.
La construction d’un logement HLM représente environ 140 000 euros de travaux, 30 000 euros en rénovation moyenne. En ponctionnant 1,5 milliard d’euros sur les HLM, notre pays va se priver d’environ 10 milliards d’euros de travaux ! Je ne pense pas que ce soit le moment…
On estime le nombre d’emplois directs et indirects dans le bâtiment à treize équivalents temps plein par million d’euros investi, et vingt en rénovation. Une réduction des travaux de 10 milliards d’euros, ce sont 140 000 emplois menacés. Sans compter la perte de recettes fiscales, d’environ 600 millions d’euros.
Je puis comprendre la volonté de réforme du Gouvernement ; à titre personnel, je n’y suis pas hostile.
Mais, enfin, pas comme cela ! Pas en s’attaquant, au détour du projet de loi de finances et, je le répète, sans étude d’impact, au loyer, qui, on ne le répétera jamais assez, est la pierre angulaire du système HLM.
C’est pourquoi le Sénat a cherché une solution de compromis, qui permette de réaliser l’économie budgétaire demandée par le Gouvernement sans toucher au loyer et, en conséquence, sans déstabiliser le secteur HLM.
J’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement entendra cette démarche. Qu’il sache que nous sommes disponibles pour participer à un grand débat sur le logement et préparer avec lui une réforme du secteur (Mme Valérie Létard acquiesce.) qui, nous en sommes d’accord, pourrait fonctionner de manière un peu plus efficiente.
Reste que, en l’état actuel des choses, et comme, je pense, la totalité des membres du groupe Union centriste, je ne voterai pas l’article 52 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. L’article 52 a pour conséquence directe de baisser les APL dans le parc public et de mettre en place ce qu’on appelle pudiquement une compensation : en fait, une réduction de loyer appliquée par les bailleurs.
La méthode du Gouvernement pose problème, vraiment. Monsieur le ministre, appelez les choses par leur nom : ne parlez pas de réforme, mais de coupes claires ! Où est la réforme ? On retire 1,7 milliard d’euros aux HLM, voilà tout !
La baisse des APL dans le parc public est imposée brutalement et appliquée sans concertation ni évaluation de son impact sur l’activité du logement social.
J’ai rencontré voilà quelques jours les représentants du secteur ; j’ai rencontré aussi ceux de la Fédération française du bâtiment, qui s’inquiètent vivement de cette coupe budgétaire.
Sur quels critères la mesure est-elle prise ? On parle d’un effet inflationniste des aides au logement, de l’inefficacité de la politique du logement social : il y aurait des marges non réinvesties…
Rappelons tout de même que les taux de loyers appliqués dans le logement social sont réglementés et plafonnés, que le parc public accueille un ménage sur deux en dessous du seuil de pauvreté, que près de 150 000 logements sociaux ont été programmés en 2017 et que les organismes réinvestissent leurs marges dans ces opérations.
Le logement social, ce sont 17 milliards d’euros de travaux, qui ont rapporté à l’État 800 millions d’euros de TVA. C’est autant d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment !
Monsieur le ministre, votre mesure est beaucoup trop lourde pour les organismes HLM, dont l’autofinancement va baisser considérablement et dont la capacité à produire des logements neufs sera aussi très affectée. Plus de 50 % des organismes HLM pourraient se retrouver rapidement dans une grave difficulté financière !
Quant aux collectivités territoriales, qui cautionnent les emprunts, elles se demanderont si, dans ces conditions, elles doivent continuer à le faire.
Mes chers collègues, la décision du Gouvernement est une menace grave et inacceptable pour le modèle économique du logement social. Le groupe socialiste et républicain y est fortement opposé. Nous demandons la suppression de l’article 52 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avant que nous n’entamions l’examen des amendements, ceux qui visent à supprimer l’article 52 et ceux qui tendent à le réécrire, je voudrais poser à M. le ministre et à M. le secrétaire d’État une question. De leur réponse dépendra, à mon avis, la suite des débats.
Mais avant de vous poser cette question, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais rappeler d’où nous venons et où nous en sommes.
Je comprends l’exaspération de nos collègues, dans la mesure où le projet initial du Gouvernement était d’une brutalité sans nom : 1,5 milliard d’euros de baisse des APL, qui équivalaient à 1,7 milliard d’euros de baisse de l’autofinancement des bailleurs, le tout en 2018. C’était absolument inacceptable.
Depuis lors, il y a tout de même eu un peu de changement. À l’Assemblée nationale, l’idée a germé que l’étalement de la mesure sur trois ans pouvait être une piste ; le Gouvernement a fini par l’accepter. L’idée de la TVA, consistant à couper la poire en deux – 600 ou 700 millions d’euros sur la TVA, environ 800 millions d’euros sur la baisse des loyers – a été mise sur la table. C’est ainsi que le texte nous est parvenu.
Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons obtenu satisfaction en ce qui concerne la TVA. Ceux qui étaient en séance le mardi après-midi de la semaine dernière se souviennent de l’épisode, un peu particulier, mais au terme duquel le Gouvernement a dit : d’accord. Nous avons donc 700 millions d’euros.
Les mesures de TVA sont compensées par des prêts de haut de bilan et des prêts à taux préférentiel ; une enveloppe de 4 milliards d’euros est prévue. Reste donc à trouver 800 millions d’euros. Tel est l’enjeu de ce débat.
Faut-il réduire les loyers, comme le souhaite le Gouvernement ? Faut-il que la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, intervienne pour tout, auquel cas il n’y aurait pas un euro de baisse de la dépense publique ? La solution est-elle à mi-chemin, comme je l’ai proposé au nom de la commission des finances ?
Ce qui bloque, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous n’avez pas répondu à la question que j’annonçais il y a quelques instants. Il est vrai que je ne vous l’ai pas posée à la tribune… La voici donc : oui ou non, le Gouvernement accepte-t-il d’abandonner la progressivité pour monter à 1,5 milliard d’euros ?
On a bien compris que, en 2018, on serait sur 800 millions d’euros. J’ai même entendu dire que le Gouvernement accepterait que, en 2019, on soit sur la même somme. À présent, nous vous demandons : puisqu’un texte est prévu pour le printemps et que même les bailleurs sont d’accord pour se lancer dans la réforme structurelle, pourquoi ne vous donnez-vous pas le temps de voir ce que devient ce texte et comment la réforme structurelle est engagée ? C’est là un vrai problème politique.
Si vous choisissiez d’agir ainsi, nous pourrions rouvrir le débat à l’automne 2019 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Vous auriez désamorcé la bombe politique que vous avez malencontreusement amorcée. Et, au Sénat, nous pourrions avancer pour trouver la solution que nous appelons de nos vœux, en liaison avec la commission des affaires économiques.
Seulement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, si vous ne nous dites pas : d’accord, on abandonne la progressivité, on prend les 800 millions d’euros sur 2018 et 2019 et on se revoit après l’engagement de la réforme structurelle, je crains que nous n’en sortions pas !
À ce moment-là, toutes les heures que nous avons passées pour essayer de trouver un compromis, Dominique Estrosi Sassone, Sophie Primas, Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann – si je puis la citer sans la compromettre… –, moi-même et d’autres encore, auront été passées en pure perte, ce qui serait dommage… En effet, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que, au Sénat, nous étions en mesure de vous sortir de l’impasse dans laquelle vous vous êtes engagés.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut abandonner l’idée de progressivité, avec une clause de revoyure. Et si vous nous dites oui, c’est oui définitivement – ce qui signifie que l’Assemblée nationale ne fait pas ce qu’elle veut… Nous avons besoin de votre réponse pour poursuivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Valérie Létard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Dans ma vie, j’ai toujours eu la volonté de faire en sorte que ce que je dis de bonne foi – il arrive aussi qu’on se trompe de bonne foi – ait une application.
M. le rapporteur spécial me pose une question : je n’y répondrai pas positivement, parce que je ne puis pas aujourd’hui m’engager sans risquer de tromper le Sénat.
Toujours est-il que le travail déjà accompli par le Sénat, en concertation avec le Gouvernement et grâce à un certain nombre de sénateurs qui connaissent bien ce sujet, ne l’a pas été en vain. J’ai souhaité que l’on puisse introduire de la TVA dans le système, parce que j’étais convaincu depuis le début que c’était une bonne initiative – comme on pouvait aussi réfléchir sur la question des charges et un certain nombre d’autres sujets. Nous avons donc déjà avancé ensemble, vers un objectif commun.
Pour ce qui est de la question du rapporteur spécial, je répète que je ne m’engagerai pas sans être sûr de pouvoir tenir mon engagement. C’est une question de loyauté républicaine !
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, à ce stade des débats, je vous demande une suspension de séance, qu’il vous appartient, discrétionnairement, de m’accorder ou de me refuser.
J’assure le ministre Jacques Mézard de ma compassion tout aussi républicaine (Rires.) et je remercie Philippe Dallier pour l’excellente synthèse qu’il vient de nous présenter.
Sur quelques travées que nous siégions, nous avons maintenant besoin de faire le point pour éclairer la suite des débats.
J’ai rarement vu des oppositions en réalité aussi constructives. En effet, nous voulons déminer une impasse dans laquelle le Gouvernement s’est lui-même enfermé, non pas avec le souci d’aider le Gouvernement ou de lui nuire, mais avec celui du bien supérieur de la Nation.
Seulement voilà : le ministre Jacques Mézard n’a pas le mandat pour prendre l’engagement que nous lui demandons pour pouvoir nous-mêmes nous engager. Le Sénat tend la main au Gouvernement, mais, si celui-ci ne prend pas la main que nous lui tendons, un certain nombre de travaux que nous avons menés durant de nombreuses semaines sont remis en question.
Dans ces conditions, madame la présidente, je sollicite de votre bienveillance une suspension d’une vingtaine de minutes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° II-91 rectifié est présenté par Mme Joissains et M. Détraigne.
L’amendement n° II-238 est présenté par Mme Duranton.
L’amendement n° II-240 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-388 rectifié bis est présenté par Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mmes Lienemann et Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis, Duran, Montaugé, Tissot, Guillaume et Marie, Mmes Tocqueville, Taillé-Polian, Van Heghe et Perol-Dumont, MM. Sueur, Roux, Daudigny et P. Joly, Mme Lubin, MM. Kerrouche, Tourenne et Vaugrenard, Mme G. Jourda, MM. Durain, Devinaz et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II-431 est présenté par M. Pemezec.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° II-91 rectifié.
M. Yves Détraigne. L’article 52 réformerait de manière drastique les aides au logement et les loyers dans le parc social. En effet, plus le bailleur social logerait de personnes modestes, plus il serait taxé ; plus la famille serait nombreuse, plus la taxe serait élevée. Cette mesure est contraire à l’esprit du logement social. Nous proposons donc de supprimer l’article 52.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° II-238.
Mme Nicole Duranton. Cet amendement vise à supprimer l’article 52, relatif à la réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social.
Nous reprochons à cet article de prévoir une baisse drastique des crédits alloués à la politique du logement, baisse qui serait supportée par les bailleurs sociaux, dont certains sont déjà en grande difficulté. Je relaie en particulier l’inquiétude des organismes bailleurs de mon département, qui connaissent de graves difficultés.
Alors que chacun partage le constat du besoin urgent d’une réforme globale des aides au logement, le Gouvernement fait le choix d’un changement à la marge qui risque de pénaliser durement les bailleurs.
La baisse annoncée des APL sera répercutée directement sur les bailleurs, qui devront baisser d’autant leurs loyers. Ces mesures vont engendrer un affaiblissement évident des bailleurs sociaux ; elles auront probablement un impact sur le nouveau programme national de renouvellement urbain et mettront en péril les engagements financiers des bailleurs pour prendre en charge la réhabilitation et la construction de nouveaux logements.
À cela s’ajoute la suppression des APL-accession, qui réduira nécessairement la capacité des ménages à accéder à la propriété.
Nous faisons également observer que la décision d’appliquer le surloyer de solidarité dès le premier euro de dépassement du plafond pénalisera, une fois de plus, les bailleurs. Plutôt que de remplir le rôle compensatoire, il aura l’effet inverse. En cas de départ d’un locataire pour cause de supplément de loyer de solidarité, il sera remplacé par un locataire bénéficiaire des APL dont la baisse sera compensée par bailleur.
Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à supprimer l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° II-240.
M. Fabien Gay. Cet article a fait couler beaucoup d’encre… Et pour cause ! Il s’agit purement et simplement d’une remise en cause du modèle de financement du logement social dans notre pays.
Ainsi, sous couvert de réduire la part de l’État dans le financement des APL, l’article 52 en transfère la charge sur les bailleurs sociaux. Or ceux-ci sont particulièrement sollicités, par ailleurs, pour le financement de la politique de la ville – à hauteur de 2 milliards d’euros selon les dernières annonces faisant suite au doublement du nouveau programme national de renouvellement urbain – ou celui des aides à la pierre, à travers le Fonds national des aides à la pierre et leur cotisation à la CGLLS. Autant d’éléments qui traduisent un désengagement patent de l’État de la politique du logement !
Certes, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un amendement visant à rendre progressives les baisses de loyer appliquées par les bailleurs sociaux ; mais, en contrepartie, cet amendement ouvre la voie à une modulation plus forte de la cotisation prélevée par la CGLLS, afin d’en affecter une fraction au Fonds national d’aide au logement et de garantir dès 2018 une réduction de 1,5 milliard d’euros des crédits alloués par l’État à ce fonds.
Enfin, le Sénat a adopté une augmentation de la TVA sur la construction de logements sociaux qui devrait rapporter à l’État plus de 600 millions d’euros.
Ces mesures vont directement pénaliser la construction et la réhabilitation de logements sociaux, d’une manière ou d’une autre. Demain, ce sont les bailleurs, donc les locataires, qui financeront pour partie les aides au logement, ce qui ne correspond pas à notre vision de la solidarité nationale.
À l’inverse, et alors que les loyers du secteur privé s’envolent, vous ne faites rien pour limiter le poids public des APL. Deux poids, deux mesures…
En outre, cette politique va mettre en péril l’équilibre financier des bailleurs et le secteur du BTP. Ainsi, l’article 52 amputera de plus de 75 % l’autofinancement global d’un secteur qui le réinvestit pourtant intégralement dans la production et la réhabilitation de logements locatifs sociaux.
S’agissant des contreparties que vous proposez, monsieur le ministre, elles sont inquiétantes. Vous proposez en effet aux offices HLM d’emprunter toujours plus. Vous leur proposez également de vendre le patrimoine, au moment même où la file des demandeurs de logement ne cesse de s’allonger, ce qui ne nous semble pas responsable.
Nous proposons donc la suppression pure et simple de cet article !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour présenter l’amendement n° II-388 rectifié bis.
Mme Annie Guillemot. Revenons un peu aux fondamentaux et à quelques chiffres : 4,2 millions de logements HLM sont occupés par plus de 10 millions de personnes ; 15 % des ménages, dont la moitié sont en dessous du seuil de pauvreté ; avec un loyer moyen de 390 euros, contre 570 euros dans le parc privé, les organismes HLM répondent à une demande sociale forte.
Outre la brutalité de la mesure proposée, il est difficile d’accepter que l’effort de réduction budgétaire continue à toucher les plus pauvres. C’est totalement contradictoire avec la volonté affichée du Gouvernement de demander aux offices HLM de loger encore plus de personnes démunies, comme en témoigne votre projet Logement d’abord.
Faut-il rappeler que le résultat d’exploitation des organismes HLM, 2,2 milliards d’euros annuels, est intégralement réinvesti dans la production de logements et la rénovation du parc, avec des effets démultiplicateurs en termes d’activité, d’emplois directs et indirects et de TVA à hauteur de 800 millions d’euros ?
La baisse des APL revient à prélever sur les organismes HLM 1,7 milliard d’euros en 2018, amputant ainsi leur capacité d’investissement de 75 %. Plus d’une centaine d’organismes HLM seront mis en péril, alors que plus d’une centaine d’autres connaîtront les plus grandes difficultés. Ces organismes sont présidés par des élus locaux, notamment des maires, ce que l’on ne saurait oublier.
Que signifiera, concrètement, la baisse des APL ?
La baisse de loyer serait de 50 euros pour un célibataire, de 60 euros pour un couple ou une personne seule avec un enfant à charge et de 10 euros de plus par personne à charge supplémentaire. En d’autres termes, plus un bailleur social loge de personnes modestes, plus il sera taxé ; plus il loge des familles nombreuses, plus la taxe sera forte ; plus il loge des femmes seules avec enfant, plus il sera taxé, étant donné que les revenus de ces femmes sont généralement faibles ; et s’il construit des logements PLAI, il sera systématiquement taxé. Voilà la réalité !
La baisse des APL et la réduction de loyer de solidarité ne sont pas des solutions de compromis : elles pèsent sur les organismes qui accueillent le plus de ménages bénéficiaires des APL – dans ce domaine, nous n’arrivons pas à obtenir de chiffres précis. Elles sont en outre très complexes, coûteuses à mettre en œuvre et, bien sûr, évolutives à la hausse par l’effet de paupérisation des locataires des quartiers dont on connaît la réalité au sein du parc public. Plus le parc se paupérisera, plus les offices HLM seront taxés !
C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain propose la suppression de l’article 52. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour présenter l’amendement n° II-431.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas contre la réforme, au contraire : j’aurais rêvé que d’autres avant vous aient le courage de réformer. Je ne suis pas non plus contre les économies, bien au contraire : je souhaite, comme nous tous, je pense, que l’on redresse les comptes de notre pays. Seulement, dans cette affaire, vous êtes en train de casser les jouets.
Supprimer la taxe d’habitation, bien sûr, fera plaisir aux classes moyennes. Jusqu’à ce qu’elles se rendent compte qu’elles n’ont plus de services, parce que les villes, qui seront, à plus ou moins long terme, privées de ressources, ne pourront plus fournir aux populations les services qu’elles attendent.
En baissant les loyers, bien sûr, vous ferez plaisir aux locataires dans un premier temps. Jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que les offices, totalement étranglés, ne peuvent plus mener les travaux de rénovation et de réhabilitation, ou le gros entretien courant, ou la remise en état des logements à l’arrivée d’un nouveau locataire. On va donc paupériser le logement social ! Je ne pense pas, monsieur le ministre, que telle puisse être votre ambition. Vous êtes donc à contre-courant de ce qu’il faut faire, et nous-mêmes sommes à contre-courant de nos idées.
Je peux comprendre que vous ne puissiez pas prendre de décision aujourd’hui. En tout cas, de notre côté, nous ne voterons pas cet article.
Monsieur le ministre, il faut surtout revenir à la raison ! Ma ville comprend 40 % de logements sociaux : les gens ne comprendraient pas que nous ne soyons brusquement plus en mesure d’effectuer les travaux leur permettant d’accéder au mieux vivre et au bien-être au quotidien. Je ne comprends pas votre logique. Nous sommes tous ici favorables à la suppression de cet article.
M. François Patriat. Pas nous !
M. Philippe Pemezec. Pourquoi refusez-vous de nous entendre ? Pourquoi restez-vous sourd à nos appels ? C’est tout simplement parce que vous vous inscrivez dans une logique comptable ! Ce n’est pas possible, ce n’est pas acceptable : reprenez-vous, monsieur le ministre ! (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable à ces amendements, dans la mesure où elle est à la recherche d’un compromis.
Personne ne souhaite conserver l’article 52 tel que l’Assemblée nationale l’a transmis. D’ailleurs, nous avons déjà avancé pour faire évoluer cette rédaction. Je suis toujours étonné d’entendre des commentaires qui ne correspondent plus exactement à la réalité du moment et du sujet que nous sommes en train de traiter.
Dans cette quête d’un compromis, mes chers collègues, différents amendements vont vous être présentés. Ils vous offrent des options différentes qui vous permettront de faire un choix. Pour ma part, je considère qu’il faut mettre le Sénat sur la piste du compromis qui se dessine. C’est le seul travail utile à faire !
Je comprends bien que le chemin soit difficile, mais nous ne pouvons pas supprimer l’article 52 purement et simplement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Un beau geste, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le ministre Karoutchi, je vous ai souvent demandé de faire de beaux gestes quand vous étiez au Gouvernement ! (Rires.)
M. Roger Karoutchi. Mais j’en ai fait !
M. Jean-François Husson. Pas assez ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Bien entendu, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Je vous ai attentivement écouté, monsieur Pemezec : vous nous avez dit qu’il fallait faire des économies et restructurer, mais pas comme cela. Je suis sûr malheureusement que les mêmes propos auraient été tenus, et avec une parfaite bonne foi, quelle que fût la réforme engagée par le Gouvernement. Il est toujours difficile de changer les choses et, d’ailleurs, on peut se tromper ! Je connais des gouvernements qui se sont trompés par le passé.
En ce qui me concerne, je ne dis pas que nous sommes parfaits ni que nous ne le resterons. Je demande que l’on nous juge sur pièces. J’ai très tôt et clairement assumé mon souhait de faire évoluer l’article 52. Je l’ai peut-être dit dans une certaine solitude, mais je l’ai dit ! Et si je l’ai dit, c’est que je le pensais et que je le pense toujours ! Du reste, la rédaction de cet article a effectivement évolué et continue d’évoluer.
Le rapporteur spécial Philippe Dallier connaît parfaitement le dossier du logement, tout comme Mme Dominique Estrosi Sassone : avec certains d’entre vous, ils ont beaucoup travaillé à modifier la rédaction de cet article et à trouver une solution. Un compromis n’est jamais une compromission. Il est avant tout question d’œuvrer ensemble pour faire avancer les dossiers.
Si le Gouvernement est défavorable à ces amendements, c’est précisément parce que nous avons avancé ensemble sur la voie du compromis. C’est d’ailleurs le Sénat qui a défendu la compensation de ces mesures par le biais d’un relèvement du taux de TVA pour certaines opérations. Il s’agit d’une évolution très importante, qui facilite les choses. C’est aussi un bon signe de notre part.
D’ici à la fin des débats sur ce texte, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, nous proposerons également un dispositif de péréquation pour éviter de laisser certains organismes et certains offices de logement social dans la difficulté.
Enfin, je dirai un mot de l’APL-accession, puisque ce sujet a été évoqué. Depuis le début, je suis attentif, là encore, à vos arguments en faveur du maintien de ce dispositif. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que nous intégrons de fait ce sujet dans les négociations en cours avec le secteur HLM, mais que cette question ne peut pas être dissociée de l’ensemble des points en discussion. Dans ce contexte, je veillerai personnellement à ce que la question de l’APL-accession soit de nouveau posée en nouvelle lecture, à l’issue de nos discussions avec les bailleurs sociaux. Il s’agira également d’un moyen d’avancer de manière positive, je le souhaite en tout cas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je veux réagir aux propos de M. le ministre.
J’ai entendu sur toutes les travées de cet hémicycle, quelle que soit la sensibilité politique de l’orateur, que l’article 52 était un mauvais article. Or le ministre nous dit qu’on va tenter ensemble de le réaménager !
Je souhaiterais tout de même insister sur un ou deux points.
Tout d’abord, nous assistons à la paupérisation du logement social, c’est-à-dire à une ghettoïsation accentuée, parce que la mixité sociale dans les logements recule depuis vingt ans. Dans mon département, on compte 86 000 personnes en attente de logement !
Avec mon collègue Pascal Savoldelli, nous avons rencontré les représentants de tous les organismes publics de logement social, qui sont unanimement opposés à l’article 52. L’adoption d’un tel article, que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, avec ou sans compromis, sera synonyme d’une baisse des logements construits et des réhabilitations, et donc d’une ghettoïsation. Notre groupe juge cet article inacceptable !
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Dans la réponse de M. le ministre, je n’ai pas entendu parler du sort réservé aux outre-mer. J’aime pourtant ce doux mot d’outre-mer !
Je n’ai pas eu l’occasion de cosigner l’amendement n° II-388 rectifié bis présenté par mon groupe. Je m’y associe bien entendu, puisque tout compromis me semble avoir été refusé et que l’article 52 n’est pas acceptable en l’état. Cependant, j’attends avec impatience la réponse du ministre sur la situation des outre-mer. En tout cas, le sort qui leur est infligé n’est pas acceptable ! (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet, pour explication de vote.
Mme Viviane Malet. Mon intervention va dans le même sens que celle de mon collègue Victorin Lurel.
À la Réunion, la suppression de l’APL-accession se traduirait par la disparition de près de 600 projets individuels d’accession très sociale et d’amélioration lourde de l’habitat, ainsi que de 300 ventes de logements locatifs à leurs locataires par an.
Cette mesure affecterait fortement le BTP, secteur déjà très en crise, et donc les emplois, avec une baisse de 45 millions d’euros d’investissement par an. Elle aurait également des effets négatifs considérables sur toutes les thématiques d’aménagement urbain durable, sur les objectifs d’acquisition urbaine de la nouvelle politique de la ville, sur les projets d’action sociale de mixité et de diversité de l’habitat, sur la lutte contre l’habitat indigne et insalubre, et sur le maintien de la solidarité des familles et la stabilité sociale à la Réunion.
Aussi irai-je dans le même sens que mes collègues.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je n’interviens pas pour explication de vote. Je souhaite simplement retirer mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° II-91 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour explication de vote.
Mme Nicole Duranton. Je retire également mon amendement, madame la présidente ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-238 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-240, II-388 rectifié bis et II-431.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 95 |
Contre | 245 |
Le Sénat n’a pas adopté.
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de la commission de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et de l’enfance de l’Assemblée nationale vietnamienne, conduite par son président, M. Phan Thanh Binh. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre de la cohésion des territoires et M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, se lèvent.) La délégation est accompagnée de notre collègue Catherine Deroche, présidente du groupe d’amitié France-Vietnam.
La France et le Vietnam s’apprêtent à célébrer en 2018 un double anniversaire : quarante-cinq ans de relations diplomatiques bilatérales et cinq ans de partenariat stratégique. La France a été l’un des premiers pays occidentaux à soutenir la politique de rénovation du Vietnam et à accompagner le développement et l’ouverture de ce pays.
La délégation échangera demain avec plusieurs sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication présidée par Mme Catherine Morin-Desailly, pour évoquer les coopérations universitaires et scientifiques entre nos deux pays et la préparation des Jeux de l’Asie du Sud-Est que le Vietnam accueillera en 2021, alors que Paris accueillera les jeux Olympiques en 2024.
En votre nom, mes chers collègues, je leur souhaite de fructueux travaux, espérant que ce séjour permette de renforcer encore nos relations avec le Vietnam, et de donner un nouvel élan à la francophonie, au sein de la jeunesse en particulier. (Applaudissements.)
7
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Cohésion des territoires (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Article 52 (priorité) (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion de l’article 52, rattaché pour son examen à la mission « Cohésion des territoires » et appelé en priorité, nous en sommes parvenus à l’amendement n° II-475.
L’amendement n° II-475, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Cukierman et Gréaume, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 834–1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
a) Au 1°, le taux : « 0,1 % » est remplacé par le taux : « 0,2 % » ;
b) Au 2°, le taux : « 0,5 % » est remplacé par le taux : « 0,9 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Je vais revenir sur une petite confusion assez habituelle : sous le terme d’APL, on trouve souvent les aides à la personne versées aux locataires de logements sociaux, ce qui correspond à l’APL stricto sensu, mais aussi les aides versées aux locataires du privé, les ALS, allocations de logement à caractère social.
Le chef de l’État a pointé le caractère inflationniste de ces allocations sur les loyers, ce qui n’est pas faux dans le cas du secteur privé. Il a également annoncé une diminution du montant de l’ensemble des APL de 5 euros par mois. Il en a ensuite appelé à la générosité et au civisme des propriétaires privés – je reprends ses termes – pour qu’ils répercutent cette baisse sous la forme d’une baisse des loyers, et ce sans aucun succès, ce qui était assez prévisible.
La baisse de 5 euros des APL pour tous s’applique depuis le mois d’octobre. Toutefois, sous la pression de Bercy, on est passé de l’annonce d’une baisse de 50 euros des allocations à l’annonce d’une baisse de 60 euros pour les seuls locataires d’HLM, c’est-à-dire le secteur dans lequel les locataires sont les plus fragiles, les loyers sont les plus bas et, surtout, l’APL ne peut pas avoir aucun effet à la hausse sur les loyers, puisque ceux-ci sont fixés par l’État – on le sait tous ici – au travers de conventions courant entre trente et soixante ans. La réforme n’a plus aucune cohérence par rapport au discours d’origine !
Si les loyers du secteur locatif social sont soumis à des plafonds, n’oublions jamais que les loyers du secteur privé font au mieux l’objet de conventions à loyer maîtrisé. C’est le cas des loyers des logements rénovés, avec l’aide de l’Agence nationale de l’habitat notamment. Les autres sont soumis à un encadrement défini par la loi. D’ailleurs, même si je ne suis pas sûr que cela fasse plaisir à tous mes collègues, je ferai observer qu’une récente décision de justice rend inopérant cet encadrement des loyers à Paris. L’examen de cet amendement nous donne l’occasion de revenir sur cette question de l’encadrement des loyers, qu’il nous sera cependant loisible d’examiner plus en détail dans le cadre de l’examen des articles non rattachés au projet de loi de finances.
Le présent amendement vise à compenser la perte de recettes enregistrée par l’État en cas de suppression de l’article 52. Aussi proposons-nous une augmentation des contributions auxquelles sont assujetties les entreprises qui cotisent au Fonds national d’aide au logement, le FNAL, en relevant deux taux différents qui s’appliquent sur les rémunérations versées. Il s’agit d’un amendement responsable, qui n’est pas maximaliste, puisqu’il tend à relever l’un des taux de 0,1 % à 0,2 %, et l’autre de 0,5 % à 0,9 %. Vous l’avez saisi, mes chers collègues, notre amendement a été rédigé dans l’intention de trouver des recettes pour l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » et « Politique de la ville ». Monsieur le sénateur, votre intention consiste surtout à faire payer les entreprises !
Mme Éliane Assassi. Mais non ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Au moins, nos collègues du groupe communiste ont de la constance, puisqu’à chaque problème correspond une taxe, et qui dit taxe dit entreprises. Nous estimons pourtant qu’il ne s’agit certainement pas de la bonne façon de régler les difficultés.
M. Pascal Savoldelli. Si ce n’est pas de la caricature !...
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur Savoldelli, permettez-moi de m’exprimer parfois avec une pointe d’humour !
M. Pascal Savoldelli. Ah voilà ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Il n’en reste pas moins que, pour régler ce problème, vous proposez non pas de créer une taxe, mais de doubler la contribution existante et de faire payer la note aux entreprises ! (Nouveaux sourires.)
Nous avons suffisamment débattu ici de la nécessaire relance de la compétitivité de nos entreprises. Nous ne partageons manifestement pas le même point de vue à ce sujet, monsieur le sénateur.
C’est pourquoi la commission des finances a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Savoldelli, je crains que le Gouvernement ne soit également défavorable à votre amendement.
Le rapporteur Philippe Dallier a parlé de constance. Moi, je salue la fidélité à vos convictions. Vous proposez de remplacer la diminution des aides au logement par le relèvement de la contribution des entreprises qui cotisent au FNAL. Cette proposition est dans la ligne de ce que votre groupe défend depuis, je n’ose pas dire, un « temps immémorial ».
Cela étant, je tiens à rappeler que les entreprises subissent déjà une augmentation de 2,7 milliards d’euros de leur contribution par rapport à 2017. Alors, effectivement, au moment où il travaille à relancer la compétitivité des entreprises, le Gouvernement ne peut qu’être en désaccord avec votre proposition et être défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-285 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-452 est présenté par M. Marseille, Mme Létard, M. D. Dubois et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Pour 2018, cette fraction est fixée à 850 millions d’euros.
III. – Alinéas 10 à 26
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéa 27
Remplacer le taux :
8 %
par le taux :
7 %
V. – Alinéas 28 à 32
Supprimer ces alinéas.
VI. – Alinéas 34 à 37
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-285.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’amendement que je vous présente s’inscrit dans la recherche d’une solution de compromis entre le mouvement HLM et le Gouvernement, qui est défendue par le Sénat. Il vise également à réaliser des économies budgétaires.
Monsieur le ministre, j’ai bien conscience qu’avec cet amendement, nous ne proposons pas de baisser les dépenses publiques. En revanche, nous permettons bien de réaliser des économies budgétaires.
Nous avons souhaité entendre les critiques émises par le mouvement HLM et tenir compte, en particulier, des conséquences graves que pourrait entraîner le dispositif actuel de l’article 52 en termes de production de logements, de réhabilitation des logements, mais également d’emploi dans nos territoires, si vous n’étiez pas en mesure de faire évoluer votre position sur cet article.
C’est la raison pour laquelle le Sénat a voté dans la première partie du projet de loi de finances une augmentation de 5,5 % à 10 % du taux de TVA sur les investissements réalisés par les bailleurs sociaux sur les constructions et les rénovations de logements sociaux. Le rendement de cette mesure a été estimé par le Gouvernement à 700 millions d’euros.
Aussi, en complément, le présent amendement a pour objet d’affecter au Fonds national d’aide au logement une fraction des cotisations versées par les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social, et cela à hauteur de 850 millions d’euros. Nous porterions ainsi le taux de la cotisation dite « cotisation principale » à 7 %.
Par ailleurs, l’article 52 auquel vous avez fait référence, monsieur le ministre, supprime le dispositif d’APL-accession, au motif que ce dispositif serait peu pertinent et peu attractif. Or je me permets de vous rappeler que la Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2016 sur les aides de l’État accordées pour l’accession à la propriété, a souligné que c’est parce que les conditions d’accès à l’APL-accession sont devenues particulièrement restrictives qu’elles excluent, de fait, un nombre important d’accédants, alors même que leur effet solvabilisateur est utile aux ménages.
Je rappelle également que les économies attendues de la suppression du dispositif APL-accession sont particulièrement faibles : 50 millions d’euros. En outre, cette disposition n’intègre pas du tout les coûts supplémentaires liés au fait que certains ménages qui pourraient ne pas accéder à la propriété continueraient de fait à recevoir les aides personnelles au logement.
Le Sénat, vous le savez, s’est déjà opposé à une telle suppression de l’APL-accession lors de l’examen du projet de loi de finances en 2015. En 2016, le Sénat avait soutenu le rétablissement de ce dispositif en loi de finances. C’est pourquoi nous proposons de réaffirmer notre position et de maintenir l’APL-accession avec cet amendement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° II-452.
Mme Valérie Létard. Cet amendement est identique à celui de la commission des affaires économiques, puisqu’il est le fruit d’un travail mené collectivement au cours de longues semaines, comme l’a rappelé Dominique Estrosi Sassone.
Le présent amendement correspond à la synthèse que nous avions proposée au départ d’une réflexion qui a continué à cheminer, comme l’a rappelé Philippe Dallier. Ce travail a permis d’élargir le champ des possibles. Nous avons obtenu un certain nombre de précisions de la part de MM. Mézard et Denormandie, ce qui nous conduit maintenant à devoir trancher entre ces possibles.
Pour nous, cet amendement traduit la nécessité de ne pas mettre en œuvre trop rapidement une mesure qui viserait à baisser sensiblement les loyers, sans aucune possibilité de retour en arrière, et avant même que la future loi Logement ne soit examinée. C’est ce que l’Assemblée nationale avait imaginé.
En revanche, je remercie de nouveau M. le ministre et M. le secrétaire d’État, car nous savons qu’ils ont tout autant œuvré que nous ces dernières semaines, qu’ils ne sont pas seuls à trancher ces dossiers et que la situation n’est pas si simple que cela !
Cet amendement et le travail conduit par Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier illustrent notre conviction qu’il faut avancer pas à pas, et peut-être plus lentement que ce qu’envisageait initialement le Gouvernement. Un compromis consiste toujours à faire un pas vers l’autre.
Si Philippe Dallier avait obtenu quelques garanties sur la non-progressivité des mesures, nous aurions reconnu tout l’intérêt de ce cheminement et de son amendement. Mais parce que vous ne pouvez pas vous engager sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État – encore une fois, vous n’êtes pas sur le banc des accusés ; bien au contraire, nous savons combien vous vous battez pour avancer ! –, notre devoir, ici au Sénat, est de défendre un amendement qui élargit le champ des possibles.
Nous espérons vraiment que ce dossier continuera à avancer dans la suite de nos travaux, à l’Assemblée nationale comme au Sénat avec les conférences de consensus. Toutefois, à ce stade, parce qu’un compromis nécessiterait évidemment davantage que ce que vous êtes en mesure de garantir, nous défendons ces amendements avec fermeté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-575, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Pour 2018, cette fraction est fixée à 450 millions d’euros.
III. – Alinéa 14, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
«
(En euros) |
|||
Désignation |
Montant maximal |
||
|
Zone I |
Zone II |
Zone III |
Bénéficiaire isolé |
13 |
11 |
10 |
Couple sans personne à charge |
16 |
14 |
13 |
Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge |
18 |
16 |
14 |
Par personne supplémentaire à charge |
2 |
2 |
2 |
IV. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
troisième
V. – Alinéas 17 et 18
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces montants, ainsi que le montant de la réduction de loyer de solidarité sont indexés, chaque année au 1er janvier, sur l’indice de référence des loyers défini à l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
VI. – Alinéa 27
Remplacer le taux :
8 %
par le taux :
5,5 %
VII. – Alinéas 34 à 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Mes chers collègues, vous aurez le choix, puisque vous avez à la fois un amendement présenté par la commission des affaires économiques et un amendement présenté par la commission des finances.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Vous pourriez vous demander pourquoi nous ne sommes pas parvenus à un amendement commun.
Tout d’abord, les amendements ont été rédigés à une semaine d’intervalle. Celui de la commission des affaires économiques a été rédigé pour le mercredi suivant l’examen de la première partie de la loi de finances au cours duquel nous avions connu quelques difficultés à obtenir les 700 millions d’euros de TVA.
Puis, il s’est passé une semaine et ce n’est que le mardi suivant que j’ai présenté cet amendement en commission des finances. Pourquoi ai-je la faiblesse de croire que celui-ci est meilleur ? C’est parce que je suis persuadé qu’il est sur le chemin du compromis qui finira par être trouvé ! Qu’est-ce qu’un compromis ? Il s’agit d’une solution qui n’est parfaite pour personne et qui finit par être acceptable pour tout le monde, parce que tout le monde a lâché quelque chose !
Le Gouvernement a déjà accepté de passer d’une économie de 1,5 milliard d’euros à 800 millions d’euros en deuxième partie, grâce aux 700 millions d’euros issus du relèvement des taux de TVA. Ce n’est pas rien ! Il a également accepté d’étaler ce dispositif dans le temps. Bien sûr, nous souhaiterions qu’il n’y ait pas de montée en charge car, je le répète, monsieur le ministre, cela nous pose un problème !
Mais le Gouvernement a déjà bougé, et je suis sûr qu’il bougera encore, parce que le problème politique est tel que, si ça coince à Matignon, peut être que dans la semaine qui vient, à un niveau supérieur, on se dira qu’on ne peut pas faire exploser le monde HLM et que l’on a besoin de tout le monde pour éviter une baisse du nombre de logements construits !
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je suis persuadé que nous finirons par trouver une solution, grâce à la diminution du montant de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, d’une part, et grâce à l’affectation au FNAL d’une fraction des cotisations versées par les bailleurs sociaux à la CGLLS, d’autre part.
Cette solution contribue quand même à faire baisser les dépenses publiques…,
Mme Valérie Létard. Eh oui !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. … ce qui n’est pas le cas de l’amendement de la commission des affaires économiques.
Mes chers collègues, après tout ce que nous avons dit sur la nécessaire baisse de la dépense publique, est-il préférable de s’engager sur la voie du compromis en adoptant mon amendement, ou alors de montrer, quelque part, la défiance du Sénat vis-à-vis du Gouvernement, parce que le ministre ne se serait pas engagé sur la question de la progressivité du dispositif ? C’est le choix que vous aurez à faire !
Je vous le dis, mes chers collègues, je n’en fais pas une affaire personnelle. La décision vous appartient, mais je me devais, à cet instant, de vous exposer l’argumentaire que j’ai déjà défendu devant la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-81 est présenté par M. Daubresse.
L’amendement n° II-241 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-478 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Guillotin et Jouve.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2, 3 et 34 à 36
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° II-81 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° II-241.
Mme Cécile Cukierman. À travers cet amendement, nous demandons le maintien des APL-accession.
Tout à sa volonté de réduire la dépense publique, le Gouvernement a fait le choix contestable de supprimer ces aides bien particulières. Celles-ci, estimons-nous, constituent un outil efficace – certes pas le seul – de soutien aux parcours résidentiels.
L’APL-accession représente une part très réduite des APL : 5 % des 18 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros par an. Elle concerne environ 450 000 ménages, pour un montant moyen de 155 euros par mois. Chaque année, ce sont 35 000 familles qui en bénéficient pour la première fois, et un nombre légèrement supérieur qui quitte le dispositif, démontrant ainsi le caractère non inflationniste de cette aide au logement.
Dans un rapport rendu public en novembre 2016, la Cour des comptes reconnaissait la pertinence de ce dispositif, qui permet de diminuer de 1,7 à 2 points le taux d’effort des ménages.
Cette suppression nuira donc grandement à la capacité des ménages aux revenus modestes et moyens d’accéder à la propriété, tout en aggravant, à court terme, le déficit public.
En effet, si l’effet déclencheur de l’APL-accession est moindre que celui du PTZ, il est réel, et aura d’autant plus d’importance que le présent projet de loi de finances tend à réduire, à plus ou moins long terme, les périmètres géographiques d’application du PTZ.
Ainsi, 65 % des bénéficiaires de l’APL-accession résidant en zone 3, l’équivalent de la zone C pour le parc privé, soit la zone où le PTZ sera supprimé. Chaque année, 23 000 ménages pourraient donc être privés, non seulement de la solution de l’accession sociale, mais aussi du prêt à taux zéro dans ces mêmes zones C.
Ce sont, au final, autant d’opérations qui ne seront probablement pas réalisées, ce qui représentera une perte de recettes pour l’État nettement supérieure aux 65 millions d’euros d’économies annuelles attendues par la suppression du dispositif pour les nouveaux entrants.
Cette mesure, au-delà de son inefficacité économique, aura pour effet de bloquer dans le parc social des ménages qui, autrement, auraient eu un parcours vers la propriété. Elle réduira ainsi la mutation dans le parc social et la mobilité, que le Gouvernement appelle pourtant de ses vœux.
Le présent amendement tend donc à la supprimer.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° II-478 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Le présent amendement vise à rétablir les aides personnalisées au logement en matière d’accession à la propriété, les APL-accession, que le projet de loi tend à supprimer à compter du 1er janvier 2018.
En réduisant leur taux d’endettement, ces aides soumises à des conditions de revenus permettent à des ménages modestes de devenir propriétaires de leur résidence principale, alors qu’ils ne pourraient pas souscrire un prêt immobilier autrement.
Ces aides ne sont pas inefficaces. La Cour des comptes leur en a en effet reconnu, dans un rapport publié en novembre 2016, un réel effet redistributif, bien qu’elle recommande une nécessaire rationalisation des aides de l’État en matière d’accession à la propriété.
La suppression de ces aides pour une économie annuelle de 50 millions d’euros est, notamment, un mauvais signal donné à la jeunesse, qui peine à accéder à la propriété. Au lieu d’être définitivement écarté, ce dispositif mériterait d’être renforcé.
Mme la présidente. L’amendement n° II-143 rectifié septies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Karoutchi, Paul, Brisson et Morisset, Mmes Di Folco, Procaccia et Lopez, MM. Bazin et Babary, Mmes Deromedi et Bories, MM. Grand, Paccaud et B. Fournier, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Charon, Mmes Malet et Garriaud-Maylam, MM. Revet et Genest, Mme Lherbier et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je retire cet amendement, ainsi que l’amendement n° II-142 rectifié octies, au profit de l’amendement n° II-575 de M. le rapporteur spécial.
Mme la présidente. L’amendement n° II-143 rectifié septies est retiré.
L’amendement n° II-190 rectifié, présenté par MM. Moga, Longeot et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après la référence :
L. 351-2
insérer les mots :
et des logements dont le loyer est inférieur à 5 euros par mètre carré de surface utile
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. L’article 52 du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement tend à mettre en place une réduction de loyer de solidarité, dite RLS, pour les locataires du parc social, établie en fonction de la composition du ménage et s’appliquant pour les ménages en deçà d’un certain plafond de ressources. La RLS compenserait une diminution de l’aide personnalisée au logement pour les bénéficiaires locataires du parc social, diminution équivalente à une fraction comprise entre 90 % et 98 % de cette APL.
Cette réduction de loyer de solidarité pénaliserait lourdement les organismes majoritairement détendeurs d’un parc à bas loyer construit avant la création des allocations personnalisées au logement de 1977. En effet, ce parc requiert des investissements très lourds en matière de réhabilitation, en raison de sa vétusté.
Aussi, il faut préserver les recettes des organismes sur ce patrimoine, afin que ceux-ci puissent procéder aux importantes opérations de réhabilitation qui s’imposent à eux.
Par ailleurs, il n’est pas pertinent de soumettre l’offre nouvelle à bas loyer à cette baisse de l’APL et à cette RLS. L’offre en prêts locatifs aidés d’intégration dans le neuf, dont les loyers sont calculés en optimisant les loyers plafonds APL, doit être exemptée de ces mesures, car elle est nécessaire à la mise en œuvre de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pour déspécialiser les quartiers fragiles.
Dans un parc à bas loyer, dans l’ancien comme dans le neuf, l’exonération de la baisse des APL et, donc, de la RLS permettra de ne pas fragiliser les offices qui accueillent le plus grand nombre de ménages modestes. Ces organismes pourront ainsi mettre en œuvre une politique de rééquilibrage des locataires, qui les incitera à produire davantage de logements destinés à l’accueil des ménages modestes.
La stabilité des recettes provenant des loyers est à la base du modèle de gestion du logement social, et cela afin d’amortir l’ensemble des emprunts souscrits. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-187, présenté par M. Vial, n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-437, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
8° Le dernier alinéa de l’article L. 452-4 est ainsi rédigé :
« Le taux de cotisation, qui ne peut excéder 8 % pour les organismes mentionnés à l’article L. 411-2 gérant les logements mentionnés à l’article L. 442-2-1 et qui ne peut excéder 2,5 % pour les organismes de logements sociaux des départements et collectivités d’outre-mer, sauf en ce qui concerne le supplément de loyer de solidarité dont le taux maximal est de 100 %, et le montant des réductions précisées aux alinéas précédents sont fixés par arrêté des ministres chargés du logement, de l’économie et des finances. » ;
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement, ainsi que l’amendement n° II-433, vise à retirer du dispositif de péréquation, donc de mutualisation financière, les organismes de logements sociaux des départements et collectivités d’outre-mer.
Je rappelle au Gouvernement, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues, que nous n’avons pas de système d’APL outre-mer et que nous cotisons à la Caisse de garantie du logement locatif social sans véritablement en bénéficier. La hausse du taux de cotisation de 2,5 % à 8 % ou, dans certains amendements, à 7 %, constituerait une double peine, dès lors que nous n’avons pas le bénéfice du dispositif. Il convient donc de bloquer le taux de cotisation à 2,5 % sur nos territoires.
Je rappelle également, parce que tout est dans tout, que dans les zones tendues B1 des outre-mer, le plafond pour être éligible aux aides est plus faible. Un célibataire qui souhaiterait profiter du dispositif commencerait à payer un surloyer dès 18 111 euros de revenus, contre 20 123 euros dans l’Hexagone ; pour une famille de trois enfants, ce même plafond s’élèverait à 32 316 euros ici, mais à 29 084 euros dans les outre-mer.
En d’autres termes, non seulement vous allez payer beaucoup pour ne bénéficier de rien, mais en plus vous allez payer plus tôt, aidant ainsi celles et ceux qui sont déjà mieux lotis que vous !
Soyons cohérents, mes chers collègues, retirons les outre-mer du champ du dispositif !
Mme la présidente. L’amendement n° II-433, présenté par M. Lurel et ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 452-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les organismes des départements et collectivités d’outre-mer, le taux de cotisation ne peut excéder 2,5 %. » ;
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° II-711, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 28 à 33
Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :
9° Après le deuxième alinéa de l’article L. 452-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la mise en œuvre des réductions du loyer de solidarité prévues à l’article L. 442-2-1, elle accorde des concours financiers au soutien des organismes d’habitation à loyer modéré prévus à l’article L. 411-2 et aux sociétés d’économie mixte prévues à l’article L. 481-1 afin d’accompagner les fusions et les regroupements de ces organismes. » ;
10° À l’article L. 452-2-1, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
11° Après l’article L. 452-2-1, il est inséré un article L. 452-2-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 452-2-1-1. – Une commission de péréquation statue sur les concours financiers précisés au troisième alinéa de l’article L. 452-1. » ;
12° Au second alinéa de l’article L. 452-2-2, le mot : « ou » est remplacé par les mots : « , de la commission de péréquation ou » ;
13° L’article L. 452-4 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le taux de la cotisation des organismes bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 365-2 et des logements à usage locatif et des logements-foyers situés dans les départements d’outre-mer, hors supplément de loyer de solidarité, ne peut excéder 2,5 %. » ;
b) Est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Pour lisser l’impact des réductions de loyers de solidarité prévues à l’article L. 442-2-1, une modulation de la cotisation est appliquée sur la base d’une majoration et d’une réduction ainsi mises en œuvre :
« a) La majoration du taux de la cotisation hors supplément de loyer de solidarité défini au septième alinéa est appliquée aux organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481-1. Cette majoration, qui prend en compte l’impact prévisionnel des réductions prévues à l’article L. 442-2-1, s’applique à la part de l’assiette correspondant aux loyers des logements mentionnés au même article ;
« b) La cotisation des organismes d’habitations à loyer modéré et des sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481-1 est réduite d’un montant égal au montant des réductions de loyer de solidarité prévues à l’article L. 442-2-1 appliquées au cours de la période de référence multiplié par un coefficient de variation du montant de la réduction de loyer de solidarité prévu l’année de la contribution.
« Le taux de majoration mentionné au a, qui ne peut excéder de plus de 10 % le taux de cotisation défini au septième alinéa, et le coefficient de variation de la réduction mentionnée au b sont fixés par arrêté des ministres chargés du logement, de l’économie et des finances, afin que la somme totale des réductions et majorations prévues dans le cadre de la modulation soit nulle.
« Lorsque pour un redevable, le montant de la réduction est supérieur au montant de la cotisation avant application de ladite réduction, la caisse lui verse la différence. » ;
14° Les deux dernières phrases du dernier alinéa de l’article L. 452-4-1 sont supprimées ;
15° Les deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 452-5 sont ainsi rédigées : « Elle est déclarée et payée à des dates fixées par arrêtés des ministres chargés du logement, de la ville, de l’économie et des finances. Ces arrêtés fixent les durées des campagnes de déclaration et de paiement, qui ne peuvent être inférieures, respectivement à trente et à dix jours. »
II. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
D. – Le sixième alinéa du 13° du I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2019.
E. – En 2018, le sixième alinéa du 13° du I est ainsi rédigé :
« b) La réduction de la cotisation correspond à un montant unitaire multiplié par le nombre de bénéficiaires des aides prévues à l’article L. 351-1 du présent code logés dans des logements mentionnés à l’article L. 442-2-1. Le nombre de bénéficiaires s’apprécie au 31 décembre 2017 et le montant unitaire prévu à la phrase précédente est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l’économie et des finances. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’amendement n° II-711 tend à instaurer un schéma de péréquation.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les bailleurs sociaux se trouvent dans des situations très différentes selon les territoires. Ces différences s’expliquent notamment par le nombre de bénéficiaires des APL résidant dans les différents logements sociaux.
Cet amendement dit de péréquation comprend plusieurs volets.
Nous proposons tout d’abord une mesure d’équité. Il s’agit de s’assurer que deux bailleurs sociaux qui ne totaliseraient pas le même nombre de bénéficiaires des APL et, par conséquent, ne subiraient pas le même impact en termes de diminution de loyer – la fameuse RLS – pourront contribuer de la même manière à la réforme.
Pour cela, l’amendement tend à instaurer un système de péréquation entre bailleurs sociaux. Il y aurait transfert du bailleur qui, comptabilisant moins de bénéficiaires des APL, serait relativement peu touché par la RLS et celui qui, en comptabilisant beaucoup, serait très fortement affecté par la RLS.
Comme je l’indiquais précédemment, c’est une mesure d’équité.
Par ailleurs, notre amendement vise à permettre à la CGLLS d’intervenir lorsqu’un bailleur social, malgré le dispositif de péréquation présenté à l’instant, se trouve en difficulté. Aujourd’hui, la CGLLS n’a pas la possibilité d’intervenir de manière ponctuelle pour aider un bailleur social qui connaîtrait une telle situation.
Nous proposons donc une extension des capacités d’intervention de cette dernière.
Enfin, l’amendement tend à exclure de la mesure de péréquation, à la fois, les bailleurs ultramarins, qui ne sont pas concernés par la RLS, et les maîtres d’ouvrage d’insertion – je pense notamment aux acteurs de la politique du Logement d’abord. Eux non plus ne sauraient être impactés.
Mme la présidente. L’amendement n° II-142 rectifié octies, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Procaccia et Di Folco, MM. Morisset, Brisson et Paul, Mme Lopez, MM. Bazin et Babary, Mmes Deromedi et Bories, MM. Grand, Paccaud, B. Fournier et Charon, Mmes Garriaud-Maylam, Lanfranchi Dorgal et Malet, M. Revet, Mme Lherbier et MM. Genest et Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéas 34 à 36.
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° II-434, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Avant les mots :
l’allocation
insérer les mots :
à l’exception des départements et collectivités d’outre-mer,
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement, qui, me semble-t-il, serait satisfait par le dispositif tout juste présenté par le Gouvernement, est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-11, présenté par Mme Malet, est ainsi libellé :
Alinéas 35 et 36
Compléter ces alinéas par les mots :
sauf dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. Cet amendement vise à maintenir les APL-accession dans les départements d’outre-mer. Ces aides représentent, pour ces départements, un des principaux leviers de solvabilisation des ménages les plus modestes en vue d’une accession à la propriété et de l’amélioration de leur habitat. Il faut donc les préserver.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je ne vais pas revenir sur l’amendement n° II-285 de la commission des affaires économiques. Au moment où la commission des finances s’est prononcée, elle a souhaité que cet amendement soit retiré au profit du sien.
Vous êtes maintenant parfaitement éclairés, mes chers collègues. J’ai posé une question au ministre, qui ne m’a pas répondu – plus exactement, il m’a répondu, mais pas dans le sens que j’aurais souhaité !
Mme Françoise Laborde. Ce n’est pas la même chose !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Il vous appartient désormais de décider, étant précisé que l’amendement n° II-452 est identique.
Mme la présidente. Pouvez-vous nous préciser l’avis de la commission sur ces amendements, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je répète que la commission des finances, au moment où elle s’est exprimée, a demandé que l’amendement de la commission des affaires économiques soit retiré au profit de l’amendement n° II-575.
J’ai ensuite interrogé M. le ministre pour savoir si l’on pouvait nous garantir qu’une solution issue du Sénat serait considérée comme quasi définitive et exclurait de fait une montée en charge. Celui-ci m’a répondu qu’il ne pouvait prendre aucun engagement sur ce point et, depuis, la commission ne s’est pas réunie.
J’espère être suffisamment clair pour mes collègues. Le suis-je pour vous, madame la présidente ?
Mme la présidente. Vous l’êtes, monsieur le rapporteur spécial. Veuillez poursuivre…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Les amendements suivants nos II-241 et II-478 rectifié, qui visent au maintien des APL-accession, sont satisfaits, que ce soit par l’amendement de la commission des affaires économiques ou par celui de la commission des finances. Vous n’avez pas de crainte à avoir, mes chers collègues, d’autant que le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises que ce dossier était clos et que, indépendamment de la solution retenue à l’arrivée, ces APL-accession seraient maintenues.
L’amendement n° II-190 rectifié vise à exclure de l’application de la RLS les logements dont le loyer est inférieur à 5 euros par mètre carré. Voilà une vraie question, qui mérite d’être posée ! Cela étant, nous craignons que la mécanique à mettre en œuvre pour concrétiser cette proposition ne soit extrêmement compliquée. La commission des finances souhaiterait donc entendre l’avis du Gouvernement sur le sujet.
S’agissant des amendements nos II-437 et II-433 concernant l’outre-mer, nous comprenons parfaitement la préoccupation exprimée par notre collègue Victorin Lurel.
Le cas des outre-mer est effectivement très particulier. Ces territoires cotisent à la CGLLS, mais uniquement pour la partie caisse de garantie, et ne bénéficient pas des APL. Notre collègue souhaiterait donc que les bailleurs d’outre-mer soient, en quelque sorte, dispensés de toutes les mesures rattachées à cet article 52.
La commission des finances est plutôt favorable à ces amendements. Elle souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur la question, mais, à nouveau, considère la demande formulée à travers ces amendements parfaitement justifiée.
Le mécanisme de péréquation proposé par le Gouvernement à l’amendement n° II-711 a dû être très difficile à élaborer, puisque l’amendement nous est parvenu seulement cet après-midi, à quatorze heures. Autant dire que nous n’avons pas pu l’expertiser autant que nous l’aurions souhaité et que la commission des finances n’a émis aucun avis.
Pour autant, cette proposition nous semble aller dans le bon sens. L’amendement repose sur une part de réduction de loyer ; si telle était la solution retenue à l’issue de la navette, il serait bienvenu dans la loi. L’avis de la commission des finances serait donc plutôt favorable.
Enfin, nous suggérons le retrait des amendements nos II-434 et II-11, au motif qu’ils sont satisfaits.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Pour les raisons que j’ai déjà développées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos II-285 et II-452.
La solution avancée, cela a d’ailleurs été rappelé par M. le rapporteur spécial, n’engendre aucune baisse de la dépense publique. Un accord a été trouvé sur la prise en compte de la TVA et, sous cet angle, l’articulation proposée correspond au consensus. En revanche, les 850 millions d’euros mis sur la CGLLS nous posent problème.
J’en viens à l’amendement n° II-575 présenté par M. Philippe Dallier au nom de la commission des finances, sur lequel, en l’état, l’avis sera également défavorable.
Il est ici question, non plus de 850 millions d’euros sur la CGLLS, mais d’un partage avec la RLS. Je n’arbitrerai pas entre la commission des affaires économiques et la commission des finances, mais cette solution engendre tout de même une baisse de la dépense publique.
S’agissant des amendements nos II-241 et II-478 rectifié, je vais reprendre l’argumentation que j’ai déjà eu l’occasion de développer sur la question de l’APL-accession.
J’ai entendu ce qu’ont pu exprimer les uns et les autres, mais j’ai bien expliqué, y compris à l’Assemblée nationale, que le sujet de l’APL-accession ne serait pas dissocié de l’ensemble des sujets en discussion dans le cadre de l’article 52, qui touche autant à la mixité sociale qu’à la politique des loyers et à la réforme du secteur HLM. Mais je veillerai, et je le dis très clairement devant le Sénat, à ce que la question de l’APL-accession soit à nouveau posée dans la suite de la navette, à l’issue de nos discussions avec les bailleurs sociaux.
L’avis est donc défavorable, mais je serai attentif à ce que nous puissions faire évoluer favorablement le dossier.
L’amendement n° II-190 rectifié vise à exonérer le parc à bas loyer de la baisse des APL et, donc, de la réduction de loyer de solidarité pour, si j’en crois l’objet de l’amendement, ne pas « fragiliser les organismes dont la vocation sociale est la plus marquée » et aboutir à un « rééquilibrage du peuplement en incitant les organismes à produire des logements destinés à l’accueil des ménages modestes ».
Si le Gouvernement, et je le dis aussi très clairement, partage l’objectif de protéger les bailleurs les plus sociaux, en leur donnant les moyens suffisants, deux mesures proposées par nos soins vont déjà dans ce sens. La première est l’exclusion de l’ensemble des logements-foyers et des organismes de maîtrise d’ouvrage d’insertion du champ de l’article 52 – c’était souhaitable, et nous l’avons fait – ; la seconde, qui vient d’être défendue par M. le secrétaire d’État, est la mise en place d’une péréquation entre les bailleurs.
Ces propositions me paraissent mieux répondre aux préoccupations formulées par les auteurs de cet amendement. L’avis est donc défavorable.
Par ailleurs, je demande le retrait des amendements nos II-437 et II-433, au profit de l’amendement du Gouvernement, qui, comme nous venons de l’expliquer, tend à écarter également les outre-mer.
Je propose aussi le retrait des amendements nos II-434 et II-11 concernant le dispositif APL-accession dans les départements d’outre-mer, dans l’attente de la fin des discussions. Sans cela, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais d’abord saluer l’effort déployé par le Sénat, dans sa diversité, pour tenter de trouver une issue à cette crise politique autour de la question du logement social.
Je rappelle que nous sommes la voix des territoires, et la réaction de l’Association des maires de France et de très nombreux élus locaux, au-delà même du mouvement HLM, ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre.
C’est l’idée que l’on peut se faire d’un certain modèle républicain du logement social qui nous a conduits à considérer cet article 52 comme étant de nature à déstabiliser gravement et pour une part, sans doute, irréversiblement notre système.
Nous avons donc cherché, avec une lucidité, une solution. En effet, nous n’aurions pas forcément opéré les mêmes choix politiques, mais une contrainte nous était fixée : pour pouvoir peser dans le débat, le Sénat devait trouver la somme de 1,5 milliard d’euros que l’État prétendait pouvoir économiser.
De nombreuses propositions ont été avancées. Parmi celles-ci, figure celle de Mme Dominique Estrosi Sassone, et je ne serai pas aussi affirmative que certains commentateurs sur le fait qu’elle n’engendre aucune baisse de la dépense publique.
Au-delà des questions de formalisme, je rappelle que la cotisation à la CGLLS n’est pas un prélèvement obligatoire au sens des critères de Maastricht – un prélèvement maastrichtien, comme l’on dit.
Je ne suis pas du tout certaine que l’augmentation de la cotisation à la CGLLS et le reversement d’une partie dans le Fonds national d’aide au logement, le FNAL, ne constituent pas une baisse de la dépense publique, car l’abondement de l’État au FNAL sera amoindri.
Mais, même à supposer que ce soit le cas, tout cela est très formel. En réalité, par le biais du monde HLM, on allège la dépense de l’État. RLS ou pas, cela revient au même : les organismes HLM paient plus d’un côté et l’État paie moins de l’autre !
Mme Sophie Primas. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On peut trouver tous les entortillements possibles sur un plan technique… Soit il y a, derrière tout cela, une intention politique autre ; soit ce n’est qu’une question de présentation ! Je pense, mes chers collègues, que nous pouvons trouver une solution, notamment dans le cadre de la prochaine loi sur le logement.
Mme Valérie Létard. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais à l’étape où nous en sommes, qu’est-ce qui importe sur le plan politique ? Pour l’instant, le Gouvernement n’a fait aucun pas significatif,… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … si ce n’est sur la TVA, dont, je vous le rappelle, l’augmentation n’a pas été votée de gaîté de cœur par le groupe socialiste et, sans doute, par beaucoup d’autres ici.
J’ai bien entendu les propos de M. le ministre. Pour avoir été parfois à sa place, je peux dire que nous comprenons le deuxième degré. Nous savons que les principaux blocages ne sont pas du fait du ministre du logement ou de son ministère.
Mme la présidente. Concluez, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. le rapporteur spécial a raison de croire que nous pouvons encore faire progresser le dossier. Mais si nous voulons peser dans les discussions, si nous voulons pousser le Gouvernement à avancer, peut-être à négocier avec le mouvement HLM, nous devons montrer la force du Sénat.
Mme Valérie Létard. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous devons le faire en cohérence avec la grande mobilisation des territoires, autour d’une stratégie qui n’est pas irresponsable en termes de dépense publique – en tout cas de budget public – et qui pourrait nous permettre de sortir de l’impasse actuelle. C’est un pis-aller, mais cette solution est bien meilleure que ce qui nous est proposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Effectivement, une volonté a animé l’ensemble des élus et des groupes du Sénat pour chercher et apporter des solutions. En effet, en s’attaquant ainsi au logement social dans notre pays, l’article 52 du projet de loi de finances s’en prend à un bien indispensable à toutes et tous, l’accès à un logement digne.
Cependant, dans l’ensemble, la rédaction proposée par l’amendement reste dans la même logique d’acceptation du principe de réduction de la dépense publique aux dépens du logement social, au lieu de prendre le problème à l’envers, si je puis dire, en estimant qu’il s’agit d’un réel investissement, d’une aide publique au logement dont les retombées sont bien plus importantes – même s’il ne s’agit pas de « ruissellement » ! –, y compris dans la construction budgétaire des années à venir.
Je note également que cet amendement, s’il était adopté, remettrait sur la table la question de l’APL-accession. Nous réaffirmions, dans un amendement suivant qui pourrait tomber, notre soutien à l’APL-accession.
Donc, en l’état, afin de reconnaître le travail qui a été réalisé, nous ne nous opposerons pas à l’amendement proposé par Mme Estrosi Sassone au nom de la commission des affaires économiques : nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. L’article 52 est important, nous y sommes tous attachés, mais par-dessus tout, nous vivons un moment rare de la vie parlementaire où des oppositions, de natures pourtant très différentes, tentent de trouver une solution face à un gouvernement qui s’est enferré, cet été, dans des propositions expéditives. Le Sénat, je l’affirme, sur l’ensemble des travées, a recherché et recherche encore un compromis.
Mme Valérie Létard. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Le Sénat n’a jamais été, et vous le savez bien, monsieur Mézard, une chambre du refus. Nous recherchons un compromis, parce que l’article 52 conjugue trois enjeux fondamentaux pour les sénateurs : l’enjeu territorial pour les collectivités, l’enjeu de l’emploi dans le secteur du logement et l’enjeu pour nos compatriotes les plus fragiles.
Pour trouver ce compromis, nous sommes allés le plus loin possible. Sur notre initiative, le Sénat a adopté une augmentation de la TVA de 700 millions d’euros. Par l’amendement de Dominique Estrosi Sassone, nous avons proposé une augmentation du taux de cotisation à la CGLLS. Dans la version de Philippe Dallier, nous avons été encore plus audacieux en prévoyant un effort de 400 millions d’euros de baisse des loyers.
Nous avons donc été au maximum de ce que nous pouvions faire et nous n’irons pas au-delà. Pourquoi ? Parce que, pour trouver un accord, mes chers collègues, il faut être deux ! Et aujourd’hui, nous constatons l’absence de volonté – ou, en tout cas, de mandat – du ministre d’accepter la main que nous lui tendons.
Au sujet du relèvement du taux de TVA, je voudrais vous rappeler que, quelques heures seulement avant le vote, Bercy nous affirmait que celui-ci rapporterait 350 millions à 400 millions d’euros. Nous nous sommes fâchés et, deux heures après, Bercy reconnaissait que nous avions raison et qu’il représentait en fait 700 millions d’euros. Preuve qu’il n’y avait pas de réelle volonté conciliatrice… Désormais, lorsque Philippe Dallier demande au Gouvernement s’il accepte de faire un geste sur la progressivité, Jacques Mézard lui répond qu’il n’a pas le mandat pour le faire, puisque les clés sont à Bercy. Enfin, monsieur le ministre, vous venez de donner un avis défavorable.
Comment voulez-vous que nous acceptions un compromis dans sa forme la plus exigeante, celle proposée par Philippe Dallier, si le Gouvernement ne cède rien ? Nous voterons donc l’amendement présenté par Dominique Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, et pas un autre. Franchement, c’est une occasion manquée inquiétante, à quelques jours…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. … de la conférence de consensus sur le logement voulue par le président Larcher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je n’ai rien à soustraire aux interventions de mes différents collègues puisque le Sénat a fait de la politique au sens noble du terme, en essayant de trouver une solution, en lien avec le Gouvernement, branché, heure après heure, avec l’ensemble du monde du logement, dans l’intérêt général. Au détour d’une mesure budgétaire, certes nécessaire, nous avions le sentiment qu’il existait des voies de passage différentes, associant l’ensemble des acteurs qui peuvent apporter leur pierre à l’édifice, selon des propositions qui pouvaient cheminer en respectant la logique du Gouvernement, dans un timing différent. L’éventail des solutions allait des amendements identiques de Dominique Estrosi Sassone et de mon groupe jusqu’à l’amendement de Philippe Dallier, auquel nous avons d’ailleurs contribué en accompagnant sa réflexion.
Nous attendions de ce débat la main tendue du Gouvernement. Il est vrai que l’amendement de Philippe Dallier est une bonne synthèse, mais il nous fallait des garanties que vous ne pouviez pas nous offrir aujourd’hui. Comprenez bien que nous ne puissions pas nous engager sur des dispositions avancées, comme l’a souligné à juste titre Marie-Noëlle Lienemann, si elles ne construisent pas une position solide qui pourrait prospérer, qui aurait pu être utilement complétée par l’amendement du Gouvernement, mais à condition qu’elle soit respectée par l’Assemblée nationale. Il faut prendre le temps du débat en 2018, le temps du vote de la loi et de l’atterrissage sur le terrain.
À ce stade du débat, nous avons cherché une voie de passage et nous sommes tenus de comprendre que le Gouvernement ne souhaite pas de compromis, ne désire pas entendre la voix du Sénat. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement, identique à celui de Dominique Estrosi Sassone. S’il ne règle pas les problèmes, il est indispensable pour rappeler combien il est important de poursuivre le travail. Nous espérons que ce vote sera un signal pour que les choses changent dans les heures et les jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Nous sommes à un moment important du débat, qui tient en deux mots : respect et responsabilité.
Je voudrais redire, après Marie-Noëlle Lienemann, que le groupe socialiste s’oppose à la baisse des aides au logement dans le parc social. Il regrette que le Gouvernement continue sa politique d’économies sur le logement social. En baissant drastiquement le montant des aides au logement du parc social, le Gouvernement affaiblit les organismes HLM.
Le groupe socialiste est d’autant plus fortement opposé à cette mesure que, dans le même budget, on supprime l’ISF. Nous avons demandé au Gouvernement de renoncer à cette menace sur le modèle français du logement social, mais notre amendement n’a pas été adopté.
Le groupe socialiste, comme il l’a fait en commission des affaires économiques, votera l’amendement n° II-285 de Mme Estrosi Sassone déposé au nom de la commission. Il s’agit de responsabilité, même si nous maintenons la position que j’ai énoncée au début de mon intervention.
Cet amendement, rappelons-le, a été adopté unanimement en commission des affaires économiques la semaine dernière. Il correspond, après la hausse de la TVA de 5,5 % à 10 % que nous avons adoptée en première partie du projet de loi de finances, à la seconde étape du compromis proposé par le Sénat. Cependant, comme l’a dit Bruno Retailleau, il faut être deux pour trouver un compromis !
Aujourd’hui, nous considérons malheureusement que c’est la seule alternative envisageable à la décision du Gouvernement de baisser de 1,5 milliard d’euros les APL dans le parc public et de mettre en place, en compensation, une réduction du loyer de solidarité appliqué par les bailleurs.
Nous le répétons, pour nous, la baisse des APL et la réduction du loyer de solidarité ne sont pas des solutions de compromis. L’amendement n° II-285 est le seul amendement qui correspond au compromis tel que nous l’avons envisagé lors de la première partie. Il permet d’éviter la menace inacceptable et irréversible que fait peser l’article 52 dans sa version actuelle sur le modèle du logement social en France. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je serai très brève, notre président de groupe ayant excellemment repris tous les arguments.
Je voudrais vous dire, mes chers collègues, que je suis fière du travail que nous avons accompli au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Ce que nous avons fait n’est pas habituel et montre la voie vers un système de réflexion commune dans l’intérêt général de la Nation. Je regrette néanmoins que nous ne puissions pas aller jusqu’au bout de ce travail en adoptant unanimement le système proposé, avec l’accord du Gouvernement.
Oui, le Gouvernement était coincé par une baisse des APL trop rapidement annoncée, par la diminution des dépenses de l’État, mais je suis d’accord avec Marie-Noëlle Lienemann sur l’augmentation de la contribution à la CGLLS, qui ne constitue peut-être pas techniquement une dépense publique, même si la mécanique n’est pas admise par Bercy.
La baisse des loyers que vous appelez de vos vœux est certes populaire auprès des Français, comme l’est évidemment la suppression de la taxe d’habitation, mais tout cela n’est pas responsable. Ce ne sont pas les sénateurs qui se sont exprimés au Sénat, c’est la voix des territoires, des offices que nous présidons et qui sentent aujourd’hui le vent du boulet.
Je regrette que nous n’allions pas jusqu’au bout, mais je vous le répète, mes chers collègues, si nous votons l’amendement présenté par Dominique Estrosi Sassone, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires économiques, je suis fière du travail qui a été réalisé au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Les responsables du groupe socialiste se sont exprimés et je me range naturellement à leur position. J’ai déposé quelques amendements personnels qui ont fait l’objet, au-delà des clivages, d’une discussion transpartisane.
Monsieur le ministre, j’ai passé quinze ans sur les bancs de l’Assemblée nationale, où je n’ai jamais vécu ce que nous sommes en train de vivre. Vous êtes vous-même issu du Sénat et vous reniez votre culture du compromis, qui n’est pas celle de la compromission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Je suis assez étonné, je l’avoue, moi qui pensais acquérir ici un brin de sagesse, de constater une fermeture. Pourquoi cette peur obsidionale qui est la vôtre ?
Nous participions, Valérie Létard et moi-même, à la convention nationale d’Action Logement, où vous vous êtes livré à un bel exercice de séduction, annonçant que vous attendiez un arbitrage et une évolution sur l’article 52. Dix-sept jours plus tard, vous n’avez toujours pas évolué ! Peut-être faut-il un arbitrage interministériel, faire appel au Premier ministre ou au Président de la République ? Je ne comprends pas cette inertie. Lorsque j’étais au gouvernement, nous étions plus rapides, même si nous avons pu nous tromper.
Je maintiens mes amendements, sauf peut-être l’amendement n° II-434. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Étant l’un des seuls à ne pas voter cet amendement, permettez-moi de m’exprimer à mon tour…
J’entends parler de compromis que le Sénat serait seul en mesure de trouver, mais le Gouvernement cherche aussi un compromis (Protestations sur plusieurs travées), que plus de la moitié des organismes sociaux ont déjà signé ! Vous proposez un compromis qui ne répond en rien aux objectifs de dépenses de l’État, et vous parlez au nom des organismes, mais pas des locataires.
Les locataires, les territoires : j’entends le débat d’ici ! Il est toujours d’un effet grandissime d’invoquer la défense des territoires, mais nous parlons tous au nom des territoires, mes chers collègues, pas seulement une partie de l’assemblée !
Le Gouvernement a déjà fait beaucoup dans la négociation avec les bailleurs, nul ne l’a rappelé ici. Il a introduit une progressivité sur trois ans pour atteindre l’objectif de 1,5 milliard d’euros. C’est une première concession.
Au-delà des compensations de l’ordre de 700 millions d’euros, les 800 millions d’euros restants doivent être trouvés par des économies de gestion et de restructuration sur trois ans. Une stabilisation du taux du Livret A correspondant à une baisse des charges financières de l’ordre de 700 millions d’euros par an, une enveloppe additionnelle de 2 milliards d’euros de prêts à des taux de bilan bonifiés, un allongement de la maturité des prêts aux bailleurs sociaux qui devrait produire un gain de trésorerie de 250 millions d’euros en 2018 et de 750 millions d’euros en 2019, et vous trouvez que le Gouvernement n’a pas fait d’efforts pour trouver de compromis ? Personne ne les a cités, mais les faits sont là !
Le groupe La République En Marche ne pourra pas voter cet amendement (Exclamations sur de nombreuses travées) pour une raison simple : il ne respecte pas l’objectif de 1,5 milliard d’euros et le Premier ministre sera inflexible sur la progressivité dans la baisse des loyers demandée aux bailleurs sociaux. Nous cherchons également le compromis, mais nous pensons que cet amendement ne répond pas à l’objectif fixé.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Cher président Retailleau, j’ai été très sensible à votre argumentation, surtout quand vous avez rappelé que le Sénat de la République n’avait jamais opposé de refus dans l’intérêt de la Nation. Vous représentez le mouvement gaulliste : heureusement qu’à une époque le Sénat de la République s’est opposé au Gouvernement ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. La forfaiture ? Je ne suis pas allé jusque-là ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Parce que nous ne commettons pas, nous, de forfaiture et respectons la Constitution, ce qui n’était pas forcément le cas ; le président Monnerville avait bien raison à l’époque.
D’ailleurs, ensemble, cher président Retailleau, nous avons opposé un refus ferme au groupe socialiste et au gouvernement socialiste ne serait-ce que sur la fusion des régions. Il n’y a rien d’anormal à une expression politique dans une assemblée parlementaire, je le conçois parfaitement pour l’avoir toujours personnellement exprimé avec conviction.
Cela étant, j’entends et je comprends parfaitement votre position, l’objectif recherché et le but ultime, qui est aussi respectable.
Je serai moins indulgent pour M. Lurel, n’ayant pas le sentiment d’avoir été souvent entendu par lui, en tant que président de groupe au Sénat, lorsqu’il était ministre. Avant de donner des leçons, il faut balayer devant sa porte !
M. Martial Bourquin. C’est inadmissible !
M. Jacques Mézard, ministre. Cela étant rappelé, je suis également fier du débat parlementaire. Le Sénat a effectivement beaucoup travaillé, formulé des propositions qui ont permis au texte d’avancer dans le bon sens. Vous avez rappelé ce qui a été fait sur la TVA, mais le Gouvernement, le président Patriat l’a évoqué avec le talent que nous lui connaissons, a également déployé des efforts considérables, je le souligne pour y avoir participé. Nous avons voulu construire une proposition qui permette, non pas de sortir de l’impasse, je n’aime pas l’expression, mais de transformer, de restructurer le système du logement dans notre pays, dont tout le monde s’accorde à reconnaître l’inadéquation.
Je reçois les bailleurs sociaux depuis des mois et ils ne sont pas tous univoques, c’est le moins que l’on puisse dire, les rapporteurs ne me contrediront pas. En ce qui concerne l’utilisation de la CGLLS, les bailleurs sociaux sont partagés, très partagés.
Aujourd’hui, la proposition qui nous est faite par le Sénat ne peut pas correspondre à l’objectif que nous avons fixé, même si je reconnais, je l’ai dit, des avancées constructives.
Le débat parlementaire va se poursuivre et j’espère – je m’y emploierai en tout cas de manière active – que nous déboucherons sur une proposition qui recevra votre assentiment. Nous avons fait des propositions très avantageuses aux bailleurs sociaux, et vous le savez, puisqu’une bonne partie des bailleurs sociaux est d’accord avec les propositions du Gouvernement. C’est une réalité, l’avenir proche le démontrera.
Je salue le travail du Sénat. Le Gouvernement a exprimé ses objectifs ; il y tient. Nous avons entendu l’expression parlementaire. Sachez que je suis très heureux que nous ayons pu travailler de cette manière, et nous continuerons à le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-285 et II-452.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 285 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
En conséquence, les amendements nos II-575, II-241, II-478 rectifié, II-190 rectifié, II-437, II-711, II-434 et II-11 n’ont plus d’objet.
Reste en discussion l’amendement n° II-433, sur lequel la commission avait émis un avis favorable, mais souhaitait connaître l’avis du Gouvernement, dont l’avis est finalement défavorable. La commission maintient-elle son avis favorable sur cet amendement ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, si mes mots et ma tonalité vous ont blessé, je suis prêt à les retirer. Vous semblez d’une grande placidité, mais vous êtes plus sensible que je ne le pensais.
Je vous rappellerai simplement que, lorsqu’il m’arrivait de hanter cette belle maison, vous étiez là. Toutes les lois que j’ai portées, en tant que ministre ou en tant que rapporteur, ont été adoptées à l’unanimité (Mme Éliane Assassi proteste)… La plupart des lois, notre collègue Darnaud peut en témoigner, et je n’ai pas le souvenir d’une question que le sénateur Mézard m’aurait posée. Je tiens donc à lui dire – veuillez pardonner la tonalité, mais c’est vrai – que, si je m’étonne de la fermeture ou du caractère obsidional de sa position, l’emploi de tels termes ne constitue pas une agression.
Je remercie la commission des finances de son avis favorable et nous aimerions que le Gouvernement nous aide. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-436 rectifié, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… ° La première phrase des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 est complétée par les mots : « au titre des logements situés en France métropolitaine » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour la Caisse de garantie du logement locatif social du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un autre point tout aussi important : extraire de la cotisation principale, dont le produit est versé à la Caisse de garantie du logement locatif social, le supplément de loyer de solidarité dont ne bénéficient pas les organismes de logement social ultramarins. Je rappelle, et il faut le marteler, que le surloyer est prélevé très tôt, les plafonds étant plus faibles dans les outre-mer, et que nous continuerons bien entendu à participer à l’effort national par les 2,5 % s’appliquant sur les loyers.
Nous vous demandons par conséquent de revoir le périmètre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne des précédents. Notre collègue s’inquiète que les bailleurs puissent être mis à contribution outre-mer pour des services dont ils ne bénéficient pas.
La commission des finances souhaite connaître l’avis du Gouvernement. À ce stade, elle penche plutôt pour un avis de sagesse favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne sais pas si la sagesse correspond toujours à un avis favorable… Quoi qu’il en soit, le mien sera plutôt défavorable, et je ne me lancerai pas dans une polémique inutile avec Victorin Lurel.
Je n’ai pas souvenir de tous les votes que j’ai émis quand vous étiez ministre, monsieur le sénateur. Mais vous avez vous-même rappelé que j’avais vraisemblablement dû voter pour les textes que vous présentiez. Cela prouve mon ouverture d’esprit, et c’est peut-être d’ailleurs ce qui nous sépare… (Sourires.)
En l’état, je suis effectivement défavorable à cet amendement, qui exclut de l’assiette de la cotisation principale versée par les bailleurs à la CGLLS le supplément de loyer de solidarité perçu par les organismes ultramarins.
Ce produit vient aujourd’hui alimenter la CGLLS, et non directement le Fonds national des aides à la pierre, le FNAP. Or les cotisations à la CGLLS ne visent pas seulement à financer les aides à la pierre.
Des dispositifs d’aide en faveur des organismes sont toutefois mis en œuvre par la CGLLS, et les organismes HLM ultramarins en bénéficient, qu’il s’agisse des protocoles d’aide aux organismes en difficulté ou des garanties accompagnant les opérations de construction.
Il semble donc justifié, au regard de cette constatation purement technique, qu’une partie du produit du SLS, y compris outre-mer, alimente le budget de la CGLLS, étant précisé que le taux pratiqué actuellement est de 85 %.
Je suis sensible, monsieur Lurel, aux arguments que vous avez défendus en présentant l’amendement n° II-433, lequel vise à plafonner la hausse du taux de cotisation principale à la CGLLS.
L’amendement n° II-711 du Gouvernement répondait aussi à ce souci, mais, comme il est devenu sans objet, il ne peut plus apporter de solution à la situation particulière des organismes de logement social ultramarins.
Toutefois, dans la suite du débat et dans les échanges qui interviendront avec l’Assemblée nationale, nous pourrons vraisemblablement trouver une solution positive.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous voulions connaître l’avis du Gouvernement. L’amendement est peut-être mal rédigé, en effet.
S’il résulte de cet amendement que les bailleurs ultramarins ne cotisent plus pour la part de garantie à laquelle ils ont droit, nous ne sommes plus dans l’esprit des amendements que vous avez défendus tout à l’heure, monsieur Lurel.
Dans ce cas, je retire mon avis de sagesse favorable et je me range plutôt à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. En toute modestie, je ne crois pas que l’amendement soit mal rédigé. La cotisation principale à la Caisse de garantie est assise à la fois sur les loyers, avec un taux maximum de 2,5 %, et sur le supplément de loyer de solidarité, avec un taux maximum de 100 %. Cette cotisation principale alimente à 85 % la Caisse, et à 15 % la garantie. On continuera à participer au financement de l’effort national et de garantie, et je ne perçois donc pas le bénéfice d’un retrait.
La commission des finances, au-delà de sa prudence, a été bien avisée de demander l’avis du Gouvernement. Mais on sent une difficulté à bouger, à faire le moindre geste et une volonté de s’en remettre à l’Assemblée nationale.
Dans le droit fil de l’esprit transpartisan et de compromis qui nous a animés tout à l’heure, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir voter cet amendement, même si c’est sans le soutien du Gouvernement pour le moment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-436 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Mon intervention porte sur l’organisation de nos travaux, mes chers collègues. Il ne reste que quarante minutes environ avant l’interruption du soir, et nous avons ensuite des engagements avec des ministres pour l’examen de nouvelles missions à la reprise de nos travaux. Si nous ne parvenions pas à terminer l’examen des articles et amendements restant en discussion sur cette mission avant la suspension, il nous faudrait reprendre l’examen de cette mission vendredi matin à neuf heures trente.
J’invite donc chacun d’entre vous à être concis dans ses explications.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bonne idée !
Mme la présidente. Nous reprenons le cours normal de la discussion.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Cohésion des territoires |
16 474 820 761 |
16 527 136 044 |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
1 953 693 863 |
1 953 693 863 |
Aide à l’accès au logement |
13 556 200 000 |
13 556 200 000 |
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
308 077 968 |
308 077 968 |
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire |
194 316 866 |
253 232 149 |
Dont titre 2 |
20 102 791 |
20 102 791 |
Interventions territoriales de l’État |
33 908 465 |
27 308 465 |
Politique de la ville |
428 623 599 |
428 623 599 |
Dont titre 2 |
19 966 354 |
19 966 354 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-717, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
||||
Aide à l’accès au logement |
700 000 000 |
700 000 000 |
||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
||||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
||||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
TOTAL |
700 000 000 |
700 000 000 |
||
SOLDE |
+ 700 000 000 |
+ 700 000 000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Le présent amendement vise à tirer les conséquences, sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », de l’adoption, à l’article 52, de l’amendement n° II-285.
Par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, cet amendement majore les recettes affectées au Fonds national d’aide au logement de 150 millions d’euros et augmente les dépenses du Fonds de 850 millions d’euros, dont 400 millions d’euros liés à une moindre économie due à la réduction de loyer de solidarité et 50 millions d’euros au maintien de l’APL-accession.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je distinguerai le texte de l’amendement de son objet… Sinon, nous sommes repartis pour un long débat !
Nous avons craint un instant de ne pas voir arriver cet amendement. La commission des finances n’a pas pu l’examiner, mais, à titre personnel, j’émets bien évidemment un avis favorable sur cet amendement, qui tire les conséquences des votes intervenus en première partie en augmentant les crédits pour l’aide à l’accès au logement. Cette remise à niveau était nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° II-387 rectifié, présenté par Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Lienemann, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
75 000 000 |
75 000 000 |
||
Aide à l’accès au logement |
||||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
150 000 000 |
150 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
75 000 000 |
75 000 000 |
||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
TOTAL |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Je serai brève, étant déjà intervenue sur ce sujet.
Il s’agit d’un amendement d’appel sur le Fonds national des aides à la pierre.
Nous déplorons le désengagement de l’État et demandons que sa contribution revienne à son niveau antérieur, soit 200 millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Nous allons examiner une série d’amendements qui visent à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ils posent évidemment des difficultés et je ne peux leur être favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Il est également défavorable.
Nous avons recherché un équilibre. Il est prévu qu’Action Logement finance le FNAP à hauteur de 50 millions d’euros. L’Assemblée nationale a par ailleurs introduit dans ce projet de loi de finances, sur proposition du Gouvernement, un nouveau mode de financement des aides à la pierre par prélèvement d’une partie du produit des cessions de logements réalisées par les organismes HLM et les SEM. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais ce dispositif m’apparaît être pour l’avenir le meilleur moyen de financer le FNAP. C’était l’objectif du vote émis par l’Assemblée nationale.
Je précise toutefois, notamment aux acteurs du logement, que le financement par l’État du secteur du logement social reste important, le maintien des aides fiscales représentant plus de 3,7 milliards d’euros.
Mme la présidente. Madame Guillemot, l’amendement n° II-387 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie Guillemot. Comme je l’ai indiqué, il s’agissait d’un amendement d’appel, madame la présidente. Je note toutefois que le Gouvernement baisse en même temps les aides à la pierre et les aides à la personne. Si c’est cela, la nouvelle politique du logement, je le regrette profondément !
Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-387 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-384, présenté par M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé et Tissot, Mme Lienemann, MM. Kanner, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Agence des solutions locales
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
||||
Aide à l’accès au logement |
||||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
||||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
Agence des solutions locales |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Il s’agit aussi d’un amendement d’appel.
Les maires des villes fortement engagées dans la politique de la ville se sont réunis lors d’états généraux en octobre dernier. Ils ont dressé un constat sur les urgences qui menacent aujourd’hui un certain nombre de quartiers prioritaires. Ils ont aussi proposé un projet commun avec des politiques correctives et des moyens financiers dédiés.
« L’appel de Grigny » lancé au Président de la République a donc été l’occasion d’alerter sur la situation critique des quartiers et de leurs habitants, mais aussi de proposer des mesures d’urgence.
La création d’une plateforme nationale des initiatives issues des quartiers, d’un réseau accélérateur de ces initiatives et d’un fonds de développement de 100 millions d’euros figure parmi les dix mesures d’urgence à mettre en œuvre.
Le Président de la République veut faire des quartiers de la politique de la ville de « grands territoires gagnants ». Il s’est engagé dans son discours de Tourcoing, le 16 novembre dernier, à encourager l’ensemble des acteurs et les associations qui jouent un rôle fondamental dans les quartiers : il a annoncé la mise en place d’une plateforme mettant en ligne les bonnes initiatives et permettant de les financer pour les démultiplier dans tous les territoires où elles sont pertinentes.
Les associations locales font souvent mieux que les pouvoirs publics et c’est le rôle de l’État de contribuer à leur financement.
Le Président de la République a parlé de « plan de bataille ». Allons-y : les quartiers sont prêts et n’attendent que cela !
Nous proposons 100 millions d’euros pour lancer cette bataille, pour redonner confiance et espoir aux 5 millions d’habitants qui vivent dans les quartiers les plus en difficulté, 100 millions d’euros pour asseoir la crédibilité du discours du Président de la République et contribuer à la grande mobilisation nationale annoncée.
Nous suggérons au Gouvernement la création sans délai d’une plateforme nationale intitulée Agence des solutions locales. L’objectif est d’accorder le soutien des acteurs économiques, des collectivités et des services de l’État aux initiatives locales participant à l’amélioration de la vie des habitants.
Notre amendement prévoit de doter cette agence, dès 2018, de 100 millions d’euros de crédits dédiés au portage des initiatives issues des quartiers.
Au regard des engagements pris par le Président de la République de soutenir les projets innovants à forte utilité sociale et compte tenu de l’urgence à intervenir, il apparaît nécessaire que les crédits de la mission soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort à un autre programme de la mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Vous allez très vite, ma chère collègue : ces idées ont été mises sur la table au mois d’octobre, et vous proposez leur traduction budgétaire à peine quelques semaines plus tard. Nous allons écouter l’avis de M. le ministre, mais, en l’état, la commission des finances ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Vous voulez créer une Agence des solutions locales… J’ai récemment rendu hommage au travail accompli par mes prédécesseurs ministres de la ville, dont votre collègue Patrick Kanner. Mais que n’avez-vous créé cette agence des solutions locales dans les cinq années précédentes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Les difficultés des quartiers prioritaires de la politique de la ville ne remontent pas au mois de mai !
Pour autant, le Gouvernement a la responsabilité d’agir. Le Président de la République s’est exprimé très fortement à ce sujet. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure à Marc-Philippe Daubresse, nous travaillons avec Jean-Louis Borloo pour faire le bilan de ce qui a fonctionné et de ce qui a moins bien fonctionné. D’ici au mois de février ou de mars, nous ferons des propositions pour rééquilibrer certains de ces quartiers, qui en ont bien besoin.
Je le répète, beaucoup de travail a été fait, mais, malheureusement, les déséquilibres se sont aggravés par endroits.
Vous proposez de prélever 100 millions d’euros sur plusieurs chapitres : 80 millions d’euros sur la réglementation, la politique technique et la qualité de construction, mais aussi 20 millions d’euros sur l’urbanisme et l’aménagement, au programme 135, ce qui réduirait très fortement les moyens mobilisés par l’État pour la rénovation énergétique et la lutte contre les passoires thermiques. Ce transfert ne serait pas opportun à mes yeux.
Mme la présidente. Madame Artigalas, l’amendement n° II-384 est-il maintenu ?
Mme Viviane Artigalas. À la suite des annonces du Président de la République, je voulais rappeler l’importance de ce sujet pour nos quartiers prioritaires. Il me paraît urgent que le Gouvernement réfléchisse à la solution que nous proposons, ainsi qu’à d’autres.
Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-384 est retiré.
L’amendement n° II-385, présenté par M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot, Kanner, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
||||
Aide à l’accès au logement |
||||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
85 000 000 |
85 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
||||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
85 000 000 |
85 000 000 |
||
TOTAL |
85 000 000 |
85 000 000 |
85 000 000 |
85 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. L’enveloppe financière du deuxième plan national de renouvellement urbain, le NPNRU, est doublée pour atteindre 10 milliards d’euros, avec une contribution de l’État à hauteur de 1 milliard d’euros. On ne peut que se féliciter de cette mesure.
Mais, attention : le projet de renouvellement urbain s’étale dans la durée, alors qu’il nous faut répondre sans délai aux préoccupations des habitants des quartiers de la politique de la ville, notamment en matière d’emploi, de sécurité, d’offre éducative et d’équipements…
Or le budget pour 2018 prévoit pour le financement de l’ANRU 15 millions d’euros en crédits de paiement et 15 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cela signifie qu’il ne se passera rien en 2018 et en 2019 ! Deux années perdues, monsieur le ministre ! Les habitants des quartiers ne vont pas le comprendre.
Même si nous sommes encore en phase de préfiguration pour le NPNRU, il y a des actions à engager sans délai dans les quartiers, notamment la construction de crèches, de bureaux de poste et de locaux pour accompagner la montée en puissance du dédoublement des classes.
Cet amendement vise donc à augmenter de 85 millions d’euros les crédits de paiement et les autorisations d’engagement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, pour atteindre 100 millions d’euros dès 2018.
Au regard des engagements pris par le Président de la République envers les quartiers et leurs habitants dans le cadre de la grande mobilisation annoncée dans son discours de Tourcoing, il apparaît nécessaire que le Gouvernement majore les crédits de l’ANRU sans faire supporter cet effort à un programme de la mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je comprends que certains puissent s’inquiéter de l’avenir de l’ANRU. Le nouveau programme a été porté de 6 milliards d’euros à 10 milliards d’euros. Les bailleurs sociaux doivent contribuer à hauteur de 2 milliards d’euros, ce qui suscite quelques préoccupations.
En tant que rapporteur spécial, j’étais un peu inquiet, voilà quelques semaines, sur la trésorerie de l’ANRU. Toutefois, les dernières informations qui nous ont été communiquées permettent de dissiper les inquiétudes pour l’année 2018.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il faudra néanmoins rester vigilant sur la trésorerie de l’ANRU à moyen et long terme.
La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne me semble pas nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis est évidemment défavorable.
J’ai vérifié dans le projet de loi de finances : les 15 millions d’euros correspondent au financement des dépenses programmées. Pour l’heure, seuls quatre contrats ont été signés au titre du nouveau programme.
Nous avons budgété les crédits correspondant aux demandes du directeur général et des présidents successifs de l’ANRU, en estimant qu’il n’était pas nécessaire de prévoir davantage de moyens – on a vu d’ailleurs ce qu’il en était pour le budget de 2017.
Le programme NPNRU connaîtra en revanche très certainement une accélération dans les années qui viennent. Le projet de loi de finances voté à l’Assemblée nationale a acté 10 milliards d’euros affectés au NPNRU jusqu’en 2031. Ce doublement des financements prévus pour l’ANRU donnera beaucoup plus de latitude aux collectivités pour réaliser les travaux de restructuration et d’aménagement dont les quartiers ont besoin.
Mme la présidente. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° II-385 est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. J’ai entendu les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur. Je rejoins complètement M. Dallier sur la vigilance dont il faudra faire preuve à partir de 2019. Pour 2018, la trésorerie devrait en effet être suffisante.
Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-385 est retiré.
L’amendement n° II-386, présenté par Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Lienemann, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Aide aux maires bâtisseurs
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
||||
Aide à l’accès au logement |
||||
Aide aux maires bâtisseurs |
45 000 000 |
45 000 000 |
||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
45 000 000 |
45 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
||||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
TOTAL |
45 000 000 |
45 000 000 |
45 000 000 |
45 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Pour revenir un instant sur l’ANRU, ses crédits se limiteraient à 15 millions d’euros, car seuls quatre contrats ont été signés. Je voudrais quand même que l’on s’interroge sur ce faible nombre de signatures, alors que nombre de maires souhaitaient avancer beaucoup plus vite.
Lors du précédent quinquennat, le Gouvernement avait mis en place, dans le cadre de sa politique de soutien aux maires bâtisseurs, une aide de l’État versée aux communes qui font partie d’une zone tendue et qui mènent un effort particulier en matière de construction.
Cette aide, mise en place dès 2015, répondait à une demande forte de l’ensemble des élus locaux, notamment de l’Association des maires de France.
Le Gouvernement vient de supprimer cette aide. Soutenir les communes qui font les efforts nécessaires pour améliorer l’accès au logement de nos concitoyens nous paraît pourtant essentiel.
Cet amendement prévoit donc de rétablir pour 2018 les crédits de l’aide aux maires bâtisseurs à hauteur de 45 millions d’euros.
Comme il faut bien financer cette demande par une diminution à due concurrence d’autres enveloppes, nous avons choisi de réduire celle de l’hébergement et de la réglementation.
Mais nous devons avoir ce débat : les crédits pour le logement nous semblent nettement insuffisants et il serait opportun que le Gouvernement abonde les crédits de l’aide aux maires bâtisseurs, sans pour autant faire supporter cet effort au programme 135.
Je le dis d’emblée, madame la présidente, nous ne retirerons pas cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. J’allais justement vous demander de retirer cet amendement, madame la sénatrice, mais j’ai bien entendu votre réponse !
Je l’ai déjà dit un certain nombre de fois dans cet hémicycle : j’aurais aimé qu’il existe, un jour, un vrai programme d’aide aux maires bâtisseurs. Cela n’a jamais été le cas, le dispositif temporaire qui avait été instauré, me semble-t-il, en 2015 et 2016, étant franchement insuffisant. Non seulement l’enveloppe était très restreinte, mais il fallait aussi avoir un potentiel financier extrêmement bas pour pouvoir bénéficier de cette aide, dont la dimension était surtout symbolique.
L’amendement que vous proposez va, selon moi, dans la même direction : il ne sera pas efficace et s’apparente surtout à une mesure d’affichage. Si, de surcroît, vous « déshabillez » le programme servant à financer l’ANAH, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° II-390, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis, Duran, Montaugé, Tissot, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
14 000 000 |
14 000 000 |
||
Aide à l’accès au logement |
||||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
14 000 000 |
14 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
||||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
TOTAL |
14 000 000 |
14 000 000 |
14 000 000 |
14 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est aussi un amendement d’appel, mais j’aimerais que cet appel puisse se concrétiser par d’autres voies.
Nous avons finalement très peu de marges de manœuvre dans ces programmes, l’essentiel de la politique du logement passant par des aides fiscales.
Dès que nous voulons porter un sujet important, même modeste financièrement, nous sommes obligés de prélever sur les dépenses d’hébergement ou sur d’autres postes. Le travail parlementaire s’en trouve donc très fortement limité.
Je pense toutefois que vous serez sensible à mes arguments, monsieur le ministre. Vous le savez, le précédent gouvernement avait lancé des appels à projets pour des opérations de « logement social accompagné ». Dans l’esprit du Logement d’abord, le but était que les organismes HLM accueillent de façon durable des personnes fragiles, avec des difficultés lourdes – personnes souffrant de troubles psychiatriques, jeunes en difficulté, femmes ou hommes victimes de violences conjugales…
Pour relever ce défi, il faut à la fois des moyens pour construire des logements adaptés et de l’accompagnement social.
Jusqu’à présent, on a lancé un programme pour construire 10 000 logements – il me semble d’ailleurs que la commune d’Aurillac et votre département du Cantal ont été très imaginatifs dans quelques projets de cette nature, monsieur le ministre.
Nous avons maintenant une expérience sur ce qui marche ou non. Nous souhaiterions sortir de l’appel à projets, qui nécessite la réunion de beaucoup de comités et autres instances avant de voir ces opérations se concrétiser.
Nous devons davantage jouer la carte de la décentralisation et fixer un objectif de 10 000 logements accompagnés par an sur 3 ans, en commençant par 4 000 cette année, pour une dépense de 14 millions d’euros. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, ce n’est pas une ruine pour l’État !
Jusqu’à présent, ces opérations ont été financées par un système un peu scabreux, pour partie par la CGLLS, pour partie par le Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, le FNAVDL – c’est-à-dire les amendes DALO, dont le produit sert à financer les actions d’insertion. Ce financement est assez instable, et les préfets n’ont pas toujours à leur disposition un schéma de financement très clair.
Même si vous êtes défavorable à cet amendement en raison de la baisse des dépenses d’hébergement, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous essayiez de trouver une solution financière permettant de prolonger et, surtout, de développer ces belles expériences.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Le dispositif de ces logements HLM accompagnés nous semble intéressant.
Nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement, mais nous solliciterons a priori le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je partage vos arguments, madame Lienemann, même si je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Je connais les efforts que vous avez accomplis dans ce domaine, d’autant que nous avons travaillé ensemble sur un certain nombre d’expériences innovantes, y compris dans le département que j’ai eu l’honneur de représenter.
Les moyens dégagés en 2018 vont permettre de répondre à l’ambition du plan Logement d’abord. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, il est hors de question d’utiliser les crédits dédiés à l’hébergement d’urgence pour financer ce plan.
Nous pourrons le mener à bien sans qu’il soit nécessaire d’augmenter la contribution de l’État au FNAP.
Dans le travail que nous mènerons à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au logement, nous pourrons aller encore plus loin dans cette direction, qui me paraît extrêmement pertinente.
Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° II-390 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-390 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-79 rectifié sexies est présenté par Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Micouleau et Di Folco, M. D. Laurent, Mme Deromedi, M. Bas, Mme Morhet-Richaud, M. Kennel, Mmes L. Darcos et Imbert, MM. Morisset, Mouiller, Rapin, Lefèvre et Savary, Mme F. Gerbaud, M. de Nicolaÿ, Mme Bories, MM. Savin, Retailleau, Brisson, Pillet et Pointereau, Mme Chauvin, MM. H. Leroy, Pierre, Duplomb, Gremillet, Mayet, Babary, Pemezec, Cuypers, Raison, Perrin, Longuet, B. Fournier, Paccaud, Bouchet, Revet, Milon, Bizet, Bonhomme et Husson, Mme Canayer et MM. Bonne, Laménie, Daubresse et Courtial.
L’amendement n° II-397 est présenté par M. Decool.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
||||
Aide à l’accès au logement |
||||
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
5 000 000 |
|||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
5 000 000 |
|||
Interventions territoriales de l’État |
||||
Politique de la ville dont titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l'amendement n° II-79 rectifié sexies.
M. Antoine Lefèvre. La prime d’aménagement du territoire est une aide directe à l’investissement, destinée à promouvoir l’implantation et le développement d’entreprises porteuses de projets créateurs d’emplois et d’activités durables dans les zones prioritaires.
Le présent amendement vise à transférer une partie des crédits de l’action n° 07, Urbanisme et aménagement, du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », à hauteur de 5 millions d’euros, vers l’action n° 01, Attractivité économique et compétitivité des territoires, du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ».
Cette augmentation des autorisations d’engagements allouées en 2018 à la prime d’aménagement du territoire permettra de revenir au même budget alloué à la prime d’aménagement du territoire qu’en 2017, soit 20 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° II-397.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, vise à augmenter de 5 millions d’euros les autorisations d’engagement allouées en 2018 à la prime d’aménagement du territoire pour revenir au même budget que celui de 2017, soit 20 millions d’euros. En pratique, il augmente de 5 millions d’euros l’enveloppe du programme 147 au bénéfice de l’action n° 01 et propose de compenser ce mouvement par un prélèvement sur les crédits de l’action n° 04 du programme 135.
Mme la présidente. L’amendement n° II-440 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Henno, Kern et Luche, Mmes Férat et Loisier, M. Le Nay, Mmes Joissains et Billon, M. Laugier, Mme Doineau, MM. Moga, Cadic, Canevet, D. Dubois, Médevielle, Longeot, Janssens, Delahaye et Mizzon, Mme Dindar, M. Cigolotti, Mmes Vullien et de la Provôté, M. Détraigne et Mme C. Fournier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
|
1 500 000 |
|
1 500 000 |
Aide à l’accès au logement |
|
2 500 000 |
|
2 500 000 |
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
|
|
|
|
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Interventions territoriales de l’État |
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1 000 000 |
|
1 000 000 |
Politique de la ville dont titre 2 |
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|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement a également pour objet de remonter le niveau des crédits destinés à la PAT à hauteur de 20 millions d’euros.
Je vous donne deux exemples récents issus de ma région, les Hauts-de-France. Pour Whirlpool à Amiens, l’accompagnement de la PAT, outre les interventions des collectivités territoriales, a permis le maintien de 230 salariés. Pour l’entreprise SNF à Gravelines, qui a bénéficié de 1 million d’euros, la PAT a permis de créer 194 emplois permanents sur les trois années à venir. Bref, il est facile de comprendre que, pour des territoires en profonde reconversion économique et industrielle, ce type d’intervention est absolument indispensable.
Cela étant, je me rallierai à l’amendement que la commission des finances a déposé – elle dispose de davantage d’outils que nous pour faire les choses intelligemment. Cet amendement produira le même effet que celui que nous recherchons, mais il sera moins douloureux pour les autres programmes de la mission, auxquels nous sommes également attachés. En effet, je ne souhaite pas amputer des lignes budgétaires qui sont tout aussi essentielles que la PAT.
Notre objectif est d’appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de maintenir le niveau des crédits de la PAT et de trouver les voies et moyens d’y parvenir.
Mme la présidente. L’amendement n° II-638, présenté par M. Delcros, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
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+ |
- |
+ |
- |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
|
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Aide à l’accès au logement |
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Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
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2 500 000 |
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Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
5 000 000 |
|
|
|
Interventions territoriales de l’État |
|
2 500 000 |
|
|
Politique de la ville dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
|
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SOLDE |
0 |
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La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État ». Tous ces amendements ont le même objet : remonter le niveau de la prime d’aménagement du territoire. On ne parle pas d’une somme considérable – c’est seulement 5 millions d’euros –, mais ça a des conséquences très importantes pour les territoires. C’est une aide directe versée aux petites et moyennes entreprises implantées dans les territoires les plus fragiles. Je pourrais moi aussi, comme Valérie Létard, citer un certain nombre d’exemples qui montrent que cet outil est extrêmement efficace.
Dans le budget pour 2017, la prime d’aménagement du territoire atteignait 20 millions d’euros. Le projet de loi de finances initiale pour 2018 prévoyait de la ramener à 10 millions d’euros, et l’Assemblée nationale a adopté un amendement pour la porter à 15 millions d’euros.
Les trois amendements déposés par nos collègues visent à ajouter 5 millions d’euros afin de rester au niveau atteint en 2017, ce qui me paraît très important. Seulement, ce qui est pris là doit être enlevé ailleurs. On a donc regardé sur quoi étaient prélevés ces 5 millions d’euros. Or, à notre avis, il existe une autre voie, c’est celle qu’a choisie la commission des finances, pour ne pas toucher à l’hébergement d’urgence ou à la veille sociale, qui sont des sujets sensibles. On a ainsi recherché les actions et les programmes qui, chaque année, sont sous-réalisés, si bien qu’une réduction de leurs crédits ne viendra pas les pénaliser. Voilà pourquoi la commission des finances propose de prélever ces 5 millions d’euros sur les programmes 135 et 162.
Au sein du programme 135, l’effort serait réalisé sur les autorisations d’engagement allouées aux contentieux de l’urbanisme. On s’aperçoit en effet que 4,3 millions d’euros sont inscrits en 2018 sur cette ligne, un niveau proche de celui de 2017, mais que, chaque année, la consommation atteint plutôt 2 millions d’euros environ. L’effort porterait aussi sur les observatoires locaux des loyers, où on constate les mêmes ordres de grandeur : environ 4 millions inscrits pour 2 millions à 2,5 millions d’euros de consommés.
Au sein du programme 162, il nous semble possible de prélever 2,5 millions d’euros sur l’action n° 04, Programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse. Cette action est importante, mais nous ne la pénalisons pas : il est prévu de l’augmenter en 2018 de 24 %, alors que, les deux dernières années, ses crédits n’ont été consommés qu’à un peu plus de 50 %.
Avec l’amendement n° II-638, nous allons dans le sens des trois amendements qui ont été présentés, mais nous proposons de faire porter la réduction de 5 millions d’euros sur des actions régulièrement sous-consommées – ce mouvement ne les pénalisera donc pas.
La commission des finances propose donc aux auteurs des amendements identiques nos II-79 rectifié sexies et II-397 et de l’amendement n° II-440 rectifié bis de se rallier à celui qu’elle a décidé, à l’unanimité, de déposer.
Nous serions heureux, monsieur le ministre, que vous acceptiez le basculement des 5 millions d’euros en faveur de la prime d’aménagement du territoire, car cette aide permet de soutenir l’emploi dans les territoires les plus fragiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Guillemot. Favorable, bien sûr !
Mme Françoise Gatel. Allez, un bon geste !
M. Jacques Mézard, ministre. Je vous entends, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’émets tout de même un avis défavorable. (Marques de déception sur diverses travées.) Je connais néanmoins l’importance de la prime d’aménagement du territoire ; j’en ai vu l’utilité sur le terrain, lorsque j’étais sénateur.
Mme Létard, qui a beaucoup et bien plaidé pour la prime d’aménagement du territoire, sait que sa région a consommé une bonne partie des crédits.
Mme Valérie Létard. Pour faire face à de grands besoins !
M. Jacques Mézard, ministre. Tout à fait ! J’ai d’ailleurs eu le plaisir de signer les autorisations correspondantes, qui portaient sur des montants considérables.
J’émets un avis défavorable, et le Sénat fera ce qu’il a à faire…
Mme la présidente. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° II-79 rectifié sexies est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Oui, madame la présidente.
Mme Valérie Létard. Je retire mon amendement au profit de celui de la commission des finances !
Mme la présidente. L’amendement n° II-440 rectifié bis est retiré.
Monsieur Decool, l’amendement n° II-397 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Decool. Non, madame la présidente, je me rallie à l’amendement de la commission des finances et je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-397 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-79 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il nous reste très peu de temps avant la suspension de séance. Je crains fort que nous ne puissions terminer l’examen des amendements ce soir. Nous allons poursuivre nos travaux encore une quinzaine de minutes, mais nous n’irons pas au-delà.
J’appelle donc en discussion les articles 52 à 52 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Article 52 (précédemment examiné)
Mme la présidente. Je rappelle que l’article 52, appelé par priorité, a été précédemment examiné.
Articles additionnels après l’article 52
Mme la présidente. L’amendement n° II-576, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’aide garantit un taux d’effort minimal du bénéficiaire, net de l’aide versée et tenant compte de sa situation de famille, de ses revenus et de son loyer ou des charges de remboursement du prêt contracté pour l’acquisition ou l’amélioration de son logement. Le niveau et les modalités de calcul du taux sont déterminés par décret. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 542-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’allocation garantit un taux d’effort minimal du bénéficiaire, net de l’allocation versée et tenant compte de sa situation de famille, de ses revenus et de son loyer ou des charges de remboursement du prêt contracté pour l’acquisition ou l’amélioration de son logement. Le niveau et les modalités de calcul du taux sont déterminés par décret. »
2° Après le premier alinéa de l’article L. 831-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’allocation garantit un taux d’effort minimal du bénéficiaire, net de l’allocation versée et tenant compte de sa situation de famille, de ses revenus et de son loyer ou des charges de remboursement du prêt contracté pour l’acquisition ou l’amélioration de son logement. Le niveau et les modalités de calcul du taux sont déterminés par décret en Conseil d’État. »
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er octobre 2018 et s’applique aux prestations dues à compter de cette date.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Si vous le permettez, madame la présidente, pour nous faire gagner du temps, je présenterai les amendements nos II-577 et II-578 à la suite de celui-ci.
Mme la présidente. Très bien !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. L’amendement n° II-576 reprend un dispositif qui a déjà été adopté par le Sénat il y a deux ans. Il a pour objet de mettre en place un taux d’effort minimum pour les allocataires de l’APL.
Je vous rassure, monsieur le ministre, il n’est pas question avec cette proposition de compenser l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros correspondant à la baisse des allocations. Simplement, quand on regarde les chiffres – il y en a dans l’objet de l’amendement –, on s’aperçoit que près de 10 % des allocataires ont un taux d’effort net inférieur à 5 % et que, pour 17 % des allocataires, ce taux se situe en dessous de 10 %. La question n’est pas de savoir si ça rapporte des sommes importantes ; c’est juste un problème d’équité.
Mme la présidente. L’amendement n° II-577, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le loyer, la redevance ou les charges de remboursement des prêts contractés pris en compte pour le calcul de l’aide sont également plafonnés au-delà d’une surface du logement par unité de consommation définie par voie réglementaire. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 542-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le loyer, la redevance ou les charges de remboursement des prêts contractés pris en compte pour le calcul de l’allocation sont également plafonnés au-delà d’une surface du logement par unité de consommation définie par voie réglementaire. »
2° Avant l’avant-dernier alinéa de l’article L. 831-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le loyer, la redevance ou les charges de remboursement des prêts contractés pris en compte pour le calcul de l’allocation sont également plafonnés au-delà d’une surface du logement par unité de consommation définie par voie réglementaire. »
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er octobre 2018 et s’applique aux prestations dues à compter de cette date.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à mettre en place un mécanisme de plafonnement des aides personnalisées au logement au-delà d’une surface par unité de consommation. Nous avons déjà abordé ce sujet à de nombreuses reprises.
On le sait, certaines personnes restent seules dans de très grands appartements. En théorie, il existe des mécanismes permettant aux bailleurs de leur proposer des solutions de repli. Au bout du compte, s’il n’y a pas de solution de repli, la rupture du bail n’intervient que dans de rares cas. C’est peut-être une bonne chose, mais si, en plus, les APL contribuent au maintien dans les lieux, je pense qu’on peut se poser la question.
Mme la présidente. L’amendement n° II-578, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2018 concernant la création d’une base de données interministérielle relative au logement des allocataires, permettant notamment de connaître la surface de logement occupée par le bénéficiaire d’une aide personnelle au logement et de lutter contre la fraude.
Il évalue également l’opportunité et la faisabilité technique de l’introduction d’un plafonnement de loyer au mètre carré dans le calcul de l’aide, notamment au regard de sa compatibilité avec la dégressivité des aides au-delà de certains plafonds de loyers déjà mise en place.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet amendement peut contribuer à l’application du mécanisme de plafonnement que je viens d’évoquer, puisqu’il vise à la mise en place de la fameuse base de données relative au logement, dont on parle depuis tant d’années.
Nous avons besoin de cette base de données, dont la mise en place – nous dit-on – ne pose pas de difficulté technique. Et pourtant, elle n’est toujours pas opérationnelle ! Voilà pourquoi – j’en suis désolé – nous sommes contraints de demander au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur ce sujet avant le 1er juillet 2018. Ce délai de six mois devrait vous permettre, monsieur le ministre, de nous dire quand cette base sera enfin disponible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Si j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-576, c’est parce que je considère, monsieur le rapporteur spécial, qu’il s’agit d’un sujet qui pourra être abordé lors de la conférence de consensus et du prochain projet de loi Logement. Nous avons déjà discuté un certain nombre de fois de ce taux d’effort, et nous devons effectivement travailler sur le sujet.
Je le dis comme je le pense, votre proposition soulève de véritables questions : la politique des loyers pratiquée par les bailleurs sociaux, qui pourra faire l’objet d’échanges dans le cadre de la conférence que nous allons mettre en place, ou l’évolution des ressources prises en compte pour le calcul des APL, au sujet desquelles une réforme structurelle est annoncée pour 2019.
J’ai la même position sur l’amendement n° II-577. Votre proposition doit être étudiée en lien avec la stratégie relative au logement. Sachez que nous serons ouverts à la discussion.
Enfin, sur l’amendement n° II-578, j’émets un avis favorable, parce que, vous avez raison, il est indispensable de présenter un rapport concernant la création de cette base de données. On m’a dit qu’il fallait reporter au 1er janvier 2019, mais je ne suis pas d’accord avec ce qu’on m’a dit. Je suis donc totalement d’accord avec ce que vous proposez.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. M. le ministre sollicite un retrait de mes deux premiers amendements, sauf que les sujets soulevés doivent être traités dans une loi de finances en raison de leur impact budgétaire. Malgré tout, je veux bien les retirer, en espérant que nous aborderons le sujet d’ici au printemps ; sinon, nous les représenterons à l’automne prochain…
Mme la présidente. Les amendements nos II-576 et II-577 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° II-578.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 52.
Article 52 bis (nouveau)
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les centres remplissent annuellement une enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, dont le contenu et les modalités de recueil des données sont définis par voie réglementaire. »
II. – Les établissements mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles complètent l’enquête nationale de coûts au plus tard le 31 mars 2018 pour le recueil des données relatives à l’année 2016. En l’absence de transmission de ces données, l’autorité compétente de l’État peut procéder à une tarification d’office de l’établissement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-579 rectifié, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
les centres remplissent
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
chaque année, une enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, pour le recueil des données relatives à l’année précédente. En l’absence de transmission de ces données, l’autorité compétente de l’État procède à une tarification d’office de l’établissement. Le contenu et les modalités de recueil des données sont définis par voie réglementaire. »
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II bis – Après l’article L. 322-8 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 322-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-8-1. – Chaque établissement qui est ouvert plus de neuf mois dans l’année remplit une enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion chaque année, pour le recueil des données relatives à l’année précédente. Toute convention conclue pour financer un établissement prévoit que le versement d’une partie de la subvention est subordonné au fait d’avoir rempli l’enquête nationale de coûts précitée. Le contenu et les modalités de recueil des données sont définis par voie réglementaire. »
III. – Alinéa 2
1° Première phrase
Après le mot :
mentionnés
insérer le mot :
soit
et remplacer le mot :
complètent
par les mots :
soit à l’article L. 322-1 du même code intervenant dans le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion et ouverts plus de neuf mois dans l’année remplissent
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
En l’absence de transmission de ces données, l’autorité compétente de l’État procède à une tarification d’office de l’établissement mentionné à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles ou ne verse pas la partie de la subvention subordonnée au fait d’avoir rempli l’enquête nationale de coûts à l’établissement mentionné à l’article L. 322-8-1 du même code.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous en venons à la fameuse enquête nationale de coûts, qui doit vous permettre peut-être un jour – enfin ! –, monsieur le ministre, de rationaliser les sommes attribuées aux organismes qui s’occupent de l’hébergement d’urgence.
On le voit, certaines associations ne mettent pas toute la bonne volonté qu’il faudrait pour répondre à cette enquête. Or la moindre des choses quand on bénéficie d’argent public, c’est de faire preuve d’un minimum de transparence.
Grâce à ces données, l’État pourrait comparer le coût de toutes les structures, essayer d’harmoniser les choses autant que faire se peut et, si possible – pourquoi pas ? –, dégager des économies, ce qui permettrait d’ouvrir des places d’hébergement supplémentaires ; on en a bien besoin !
Cet amendement vise non pas à rendre l’enquête de coûts obligatoire, mais, lorsque des associations ne jouent pas le jeu, à faire varier une partie de la somme qui leur est versée. C’est un amendement à caractère incitatif, pas trop fort, mais un peu quand même…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 52 bis, modifié.
(L’article 52 bis est adopté.)
Article 52 ter (nouveau)
I. – L’article L. 351-2-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière en application de l’article 964 du code général des impôts, ne sont pas éligibles à l’aide personnalisée au logement. Cette condition d’éligibilité est appréciée pour chacun des membres du ménage. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 542-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière en application de l’article 964 du code général des impôts, ne sont pas éligibles à l’allocation de logement familiale. Cette condition d’éligibilité est appréciée pour chacun des membres du ménage. » ;
2° L’article L. 831-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière en application de l’article 964 du code général des impôts, ne sont pas éligibles à l’allocation de logement sociale. Cette condition d’éligibilité est appréciée pour chacun des membres du ménage. »
III. – L’article 143 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° II-580, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2018 relatif aux modalités de prise en compte des revenus et du patrimoine des parents pour le calcul des aides personnelles au logement des particuliers qui sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents.
Ce rapport évalue également les conditions dans lesquelles il pourrait être mis fin au cumul des aides personnelles au logement avec le bénéfice pour les parents d’une demi-part fiscale au titre du quotient familial de l’impôt sur le revenu, sans méconnaître leur lieu de résidence au regard d’un centre universitaire et le nombre d’enfants concernés dans le foyer.
Le rapport évalue enfin l’incidence budgétaire de ces deux pistes de réforme.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport, avant le 1er juillet 2018, sur les aides personnalisées au logement versées aux étudiants.
C’est un sujet que les gouvernements successifs n’ont jamais eu le courage de regarder en face et calmement. Il faut dire que la question est sensible : si jamais un gouvernement décidait de supprimer l’APL pour les étudiants, même si cette suppression était conditionnée aux ressources des parents, ça pourrait déclencher des manifestations. Cela étant dit, est-il normal que, dans tous les cas de figure, les parents bénéficient d’une demi-part fiscale tandis que leurs enfants étudiants touchent l’APL ? Nous devons vraiment nous poser cette question.
À force de ne pas ouvrir le dossier, l’Assemblée nationale a fini par adopter l’an dernier des mesures un peu étonnantes, comme celle qui prévoyait qu’un étudiant dont les parents étaient redevables de l’ISF ne pouvait pas toucher d’APL. Cette mesure ne permettait évidemment pas d’aller au bout du sujet. Avec la disparition de l’ISF et la création de l’IFI, c’est encore pire !
M. Xavier Iacovelli. Alors, il faut conserver l’ISF !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Dorénavant, si vous avez 4 millions d’euros en lingots dans un coffre, vous n’êtes pas taxé à l’IFI et votre enfant étudiant peut toucher l’APL. Si la même somme est investie dans l’immobilier, vous êtes assujetti à l’IFI et votre enfant est exclu de l’APL. Cela n’a strictement aucun sens !
Je pense qu’il est temps, mes chers collègues, d’avoir le courage d’ouvrir ce débat et d’en tirer les conclusions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je sollicite le retrait de cet amendement.
Comme Philippe Dallier, je connais cette problématique, qui a déjà donné lieu à plusieurs rapports. À l’Assemblée nationale, le rapport du député Pupponi conclut que la mise en place d’un nouveau système reposant sur la part fiscale pourrait apporter des économies à hauteur de 200 millions d’euros environ. Je ne pense pas que la situation ait beaucoup évolué depuis la publication de ce rapport parlementaire ou de celui de la Cour des comptes.
Je rappelle que le Gouvernement va présenter un projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, qui visera notamment à apporter une réponse globale et structurée aux difficultés que connaissent les étudiants. Ce projet de loi abordera vraisemblablement la problématique soulevée par le rapporteur spécial, et il me semble que le débat devrait avoir lieu à ce moment-là.
Mme la présidente. Monsieur Dallier, l’amendement n° II-580 est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. Oui, je le maintiens, madame la présidente. En effet, si cet amendement a pour objet de demander un rapport, il vise aussi à supprimer, par la même occasion, la disposition introduite par l’Assemblée nationale, selon laquelle seuls les enfants des parents soumis à l’IFI sont privés du bénéfice de l’APL.
Je ne plaide pas pour telle ou telle solution, mais celle qui nous est proposée ici est complètement incohérente. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de suivre la position de la commission des finances.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 52 ter est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, si vous souhaitez que nous terminions aujourd’hui l’examen de cette mission budgétaire, je vous demande un effort de concision exceptionnel.
Article 52 quater (nouveau)
Le livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° La première phrase du 1° du II de l’article L. 435-1 est complétée par les mots : « et de la taxe prévue à l’article L. 443-14-1 » ;
2° Après l’article L. 443-14, il est inséré un article L. 443-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 443-14-1. – Il est institué une taxe sur le produit des cessions réalisées au cours du dernier exercice clos par les organismes d’habitations à loyer modéré et par les sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481-1.
« La taxe est assise sur le produit total des cessions de logements intervenant dans le cadre de la présente section, à l’exception des cessions intervenant dans le cadre des cinquième et septième alinéas de l’article L. 443-11. Son produit est versé à la Caisse de garantie du logement locatif social. Les articles L. 452-5 et L. 452-6 sont applicables à cette taxe.
« Le montant de la taxe est calculé en appliquant à l’assiette un taux, qui ne peut excéder 10 %, fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de la ville, de l’économie et des finances, après avis de l’Union sociale pour l’habitat regroupant les fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré, de la fédération des entreprises publiques locales et des représentants des organismes bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 365-2. » ;
3° À la première phrase des premier et second alinéas de l’article L. 443-15-2-1, la référence : « de l’article L. 443-14 » est remplacée par les références : « des articles L. 443-14 et L. 443-14-1 » ;
4° À l’article L. 443-15-2-2, après la référence : « L. 443-14 », est insérée la référence : « , L. 443-14-1 » ;
5° L’article L. 452-3 est complété par un h ainsi rédigé :
« h) Le produit de la taxe versée en application de l’article L. 443-14-1. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-242 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-389 est présenté par Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis, Duran, Montaugé, Tissot, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° II-242.
Mme Cécile Cukierman. Je serai brève, madame la présidente.
L’article 52 quater préconise la taxation de la vente des logements sociaux, afin de financer le Fonds national des aides à la pierre. Je relève que cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale, n’a fait l’objet d’aucune évaluation.
Nous proposons de supprimer cet article, qui revient finalement à prendre de l’argent aux bailleurs pour qu’ils construisent. Il s’agit donc d’une opération blanche, d’un simple jeu d’écriture.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour présenter l’amendement n° II-389.
Mme Annie Guillemot. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de ces amendements au profit des amendements identiques nos II-442 rectifié et II-581, déposés respectivement par la commission des affaires économiques et la commission des finances.
Comme je l’ai dit précédemment, nous préférons mettre en place un dispositif qui taxe les plus-values plutôt que les produits de la vente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis est défavorable.
Contrairement aux auteurs de ces deux amendements, je crois que nous devons favoriser la vente des logements sociaux à leurs occupants. C’est le moyen de relancer la construction dans le parc social. Dans le même temps, il faut bien évidemment prendre des mesures pour protéger les intérêts des locataires.
Dans le cadre du protocole d’accord que j’ai signé avec Action Logement, nous avons affirmé clairement notre volonté d’aboutir à une augmentation de ces ventes, qui n’atteignent que 0,2 % du parc dans notre pays.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° II-242 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, madame la présidente.
Mme Annie Guillemot. Oui, je le maintiens également, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-242 et II-389.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-442 rectifié est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-581 est présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
et
insérer les mots :
du produit
II. – Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 443-14-1. – I. – Il est institué une taxe sur les plus-values réalisées à l’occasion des cessions de logements opérées au cours du dernier exercice clos par les organismes d’habitation à loyer modéré et par les sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481-1.
« Cette taxe est assise sur la somme des plus-values réalisées lors des cessions de logements intervenant dans le cadre de la présente section, à l’exception des cessions intervenant dans le cadre des cinquième et septième alinéas de l’article L. 443-11. Le produit de cette taxe est versé à la Caisse de garantie du logement locatif social. Les articles L. 452-5 et L. 452-6 sont applicables à cette taxe.
« II. – 1. La plus-value résulte de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du logement par le cédant, actualisé pour tenir compte de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie pendant la durée de détention du bien.
« 2. Le prix de cession s’entend du prix réel tel qu’il est stipulé dans l’acte. Lorsqu’une dissimulation de prix est établie, le prix porté dans l’acte doit être majoré du montant de cette dissimulation.
« Le prix de cession est majoré de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article 683 du code général des impôts. Les indemnités d’assurance consécutives à un sinistre partiel ou total d’un immeuble ne sont pas prises en compte.
« Le prix de cession est réduit, sur justificatifs, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée et des frais, définis par décret, supportés par le vendeur à l’occasion de la cession.
« 3. Le prix d’acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu’il est stipulé dans l’acte. Lorsqu’une dissimulation du prix est établie, le prix porté dans l’acte doit être majoré du montant de cette dissimulation. À défaut de prix stipulé dans l’acte, le prix d’acquisition s’entend de la valeur vénale réelle du bien à la date d’entrée dans le patrimoine du cédant.
« Le prix d’acquisition peut être majoré, sur justificatifs :
« a) Des charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article 683 ;
« b) Des frais afférents à l’acquisition à titre onéreux définis par décret, que le cédant peut fixer forfaitairement à 7,5 % du prix d’acquisition ;
« c) Des dépenses issues de travaux supportées par le cédant et réalisées par une entreprise.
« III. – Le montant de la taxe est calculé en appliquant à l’assiette un taux, qui ne peut excéder 10 %, fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de la ville, de l’économie et des finances, après avis de l’Union sociale pour l’habitat regroupant les fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré, de la fédération des entreprises publiques locales et des représentants des organismes bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 365-2. »
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 443-14-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction résultant du présent article, s’applique aux plus-values constatées au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2017.
La parole est à Mme la rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-442 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Je ne vous cache pas que je suis partagée sur l’instauration de la taxe prévue à l’article 52 quater. Si elle offre l’opportunité de renforcer les ressources budgétaires du FNAP, elle apparaît tout de même quelque peu contradictoire avec votre volonté, monsieur le ministre, d’augmenter les cessions de logements – vous proposez de les faire passer de 8 000 actuellement à plus de 40 000 à la fin du quinquennat.
Dans ce contexte, l’amendement que j’ai déposé propose un compromis : l’assiette de la taxe ne porterait plus sur les prix de cession, mais sur les plus-values réalisées lors de ces cessions. Cette proposition permettrait de ne pas taxer la cession lorsqu’il en résulte une moins-value pour les organismes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-581.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Il est défendu.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-607, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Amendement n° II-581, alinéa 8
Après les mots :
cessions de logements
Insérer les mots :
situés en France métropolitaine
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Ce sous-amendement vise à éviter une double peine. Je crois que la commission des finances a proposé, ce matin, d’émettre un avis favorable sur ma proposition. J’espère que le Gouvernement aura la même position.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-654 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Malet et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Amendement n° II-581, alinéa 9, première phrase
Après les mots :
des cessions de logements
insérer les mots :
situés en France métropolitaine
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Ce sous-amendement a le même objectif que celui qu’a défendu à l’instant M. Lurel. Je précise simplement qu’il vise à rétablir le texte dans sa version initiale de manière à éviter que les outre-mer ne payent cette taxe, alors même que ces territoires ne bénéficient pas du FNAP. J’ajoute que les deux sous-amendements modifient des alinéas différents, mais ils touchent exactement le même sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances est plutôt favorable à ces deux sous-amendements, mais souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements déposés par M. Dallier et Mme Estrosi Sassone. Nous poursuivons en effet le même objectif : conforter le dispositif de vente de logements sociaux. Je rappelle que ces ventes n’atteignent aujourd’hui que 0,2 % du parc. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 1 % à la fin du quinquennat.
Action Logement est prêt à débourser 300 millions d’euros par an pour procéder à des achats en bloc, en confiant la gestion aux organismes d’HLM. C’est donc sans risque pour les locataires. C’est un processus vertueux, qui a déjà été utilisé, de manière plus forte, sur certains territoires ; je pense par exemple à Toulouse, où la mise en œuvre de ce dispositif, qui existe depuis deux ans, se déroule dans de très bonnes conditions.
Je suis convaincu qu’il nous faut développer de telles ventes de logements sociaux et que nous pouvons réussir à le faire.
En ce qui concerne les sous-amendements de MM. les sénateurs Lurel et Magras, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-654 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-442 rectifié et II-581, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° II-435 n’a plus d’objet.
L’amendement n° II-435, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sont exemptés de cette taxe les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte agrées des départements et collectivités d’outre-mer.
Je mets aux voix l’article 52 quater, modifié.
(L’article 52 quater est adopté.)
Article 52 quinquies (nouveau)
Le I de l’article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Pour les opérations d’acquisition réalisées par les organismes de foncier solidaire définis au premier alinéa de l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme. » – (Adopté.)
Article 52 sexies (nouveau)
À la fin du premier alinéa de l’article 9-2 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le montant : « 6 milliards d’euros » est remplacé par les mots : « 10 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros provient de subventions de l’État ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 52 sexies
Mme la présidente. L’amendement n° II-454 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret et Bignon, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’article 52 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2019, un rapport d’information sur l’opportunité de créer un indicateur de performance de la mission « Cohésion des territoires » sur la présence des services publics ou parapublics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les zones rurales. Ce rapport évalue notamment les critères à prendre en compte pour construire cet indicateur afin de mesurer les inégalités territoriales accentuées par le manque de services publics ou parapublics à proximité des populations en ayant le plus besoin.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Je serai bref, madame la présidente.
Chacun le sait, certaines zones de notre territoire national éprouvent un véritable sentiment d’abandon, provoqué par une pénurie de services publics. Cet amendement vise uniquement à commander au Gouvernement un rapport d’information sur l’opportunité de créer un indicateur d’évaluation de la présence des services publics et parapublics dans ces quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans ces zones rurales, ni plus ni moins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Notre collègue Emmanuel Capus nous propose un rapport supplémentaire. La tendance est plutôt à limiter le nombre de rapports.
M. Emmanuel Capus. Je propose de créer un indicateur !
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Cela étant, l’intégration dans les documents budgétaires de critères de performance sur les services publics en milieu urbain, dans les quartiers sensibles ou en milieu rural nous paraît intéressante. La commission, dans sa bienveillance, s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. À regret, je n’émettrai pas un avis favorable. Certes, précédemment, j’ai accepté que des rapports soient remis au Parlement, mais on ne peut quand même pas les multiplier !
En matière de politique de la ville, je rappelle que de précédents gouvernements ont créé l’Observatoire national de la politique de la ville. Nous avons d’ailleurs assisté ces dernières années à la création de quantité d’observatoires – nous ne cessons d’être observés dans ce pays (Sourires.) –, sans compter les Hautes Autorités diverses et variées. Donc, cet observatoire existe…
En ce qui concerne les territoires ruraux, le CGET et l’INSEE ont élaboré des outils indicateurs, des cartes des données territoriales, qui permettent d’estimer la disponibilité des services et le temps d’accès de la population.
Je veux bien qu’on commande un nouveau rapport, mais reste à savoir s’il sera déposé. Le Parlement a souvent commandé des rapports, qu’il attend toujours…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 52 sexies.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense est parvenue à l’adoption d’un texte commun, ce qui n’est pas si fréquent. (Sourires.)
9
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Crédits non répartis
Action et transformation publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et article 55 ter), « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l’État. L’administration fiscale et l’administration des douanes représentent les trois quarts de cet ensemble, le reste étant composé de diverses structures transversales ou d’états-majors.
Les crédits de la mission sont stables en 2018, à environ 11 milliards d’euros. D’une manière générale, les dépenses sont maîtrisées, la programmation budgétaire est sincère et l’évaluation de la performance s’améliore. Après tout, ce sont les domaines où Bercy doit donner l’exemple.
La masse salariale représente à elle seule 80 % des crédits de la mission. C’est donc sur ce point que portera l’essentiel de mes remarques.
Cette année encore, ce sont les ministères économiques et financiers qui contribuent le plus fortement à la réduction du nombre d’agents publics, avec la suppression de 1 450 emplois. Je rappelle, par comparaison, que les suppressions nettes sur l’ensemble du périmètre de l’État atteindront 1 600 emplois. Toutefois, cet effort s’est atténué depuis deux ans. Auparavant, le schéma d’emplois était plus proche de 2 000 emplois temps plein par an. Cette inflexion a deux raisons principales.
Du côté de l’administration fiscale, comme l’année dernière, 500 postes seront « préservés » afin de préparer la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Je rappelle qu’il s’agit d’une réforme très complexe – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi de la décaler à 2019.
Du côté de l’administration des douanes, l’exercice 2018 verra la création de 200 postes supplémentaires, qui font suite aux créations de 2016 et de 2017. C’est d’abord la réponse à une série de crises ponctuelles : les attentats de 2015, puis le Brexit – en effet, 85 % des liaisons routières entre le Royaume-Uni et le continent passent par la France. Plus fondamentalement, c’est aussi l’aveu que les défis de notre époque – la sécurité des biens et des personnes, la lutte contre les trafics, la croissance des échanges – requièrent une administration des douanes moderne et bien équipée. Le cycle de renouvellement des moyens aéromaritimes touche d’ailleurs à sa fin.
Cela étant, pour l’administration fiscale comme pour la douane, il y a pour ainsi dire deux mouvements parallèles qui sont à l’œuvre : d’un côté, les nouvelles priorités dont je viens de parler, qui justifient les créations de postes ; de l’autre, un chantier de plus longue haleine, celui de la rationalisation de leur réseau territorial.
La DGFiP compte plus de 4 000 implantations, et les regroupements se sont accélérés depuis deux ans : 55 centres des impôts et 125 trésoreries rurales trop fragiles devraient faire l’objet d’une fusion l’année prochaine. Il en va de même pour les quelque 840 brigades et bureaux de douane. Un service ne peut pas fonctionner correctement avec moins de quatre ou cinq agents !
Cependant, si cette évolution est nécessaire, la concertation avec les acteurs locaux reste trop souvent défaillante. Chaque administration a tendance à prendre ses décisions seule « de son côté », de sorte qu’un territoire peut perdre plusieurs services publics à la fois. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous prendre à cet égard quelques engagements ? Je vous suggère, au minimum, de ne pas arrêter de décision avant le vote des schémas départementaux d’amélioration et de l’accessibilité des services au public prévus par la loi NOTRe. Vous pourriez aussi vous engager à assurer une certaine prévisibilité lorsque les évolutions seront évidentes ; je pense, par exemple, aux trésoreries hospitalières ou à l’adaptation à la nouvelle carte intercommunale.
J’évoquerai rapidement la mission « Crédits non répartis ».
Cette mission comprend deux dotations prévues par la LOLF, afin de couvrir des dépenses qui ne peuvent être réparties au moment du vote de la loi de finances. Son montant atteint 124 millions d’euros, compte tenu de l’amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale. Quant à la dotation « Provision relative aux rémunérations publiques », elle n’est plus budgétisée. Le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est, pour sa part, majoré de 100 millions d’euros par rapport à 2017. Le Gouvernement justifie cette majoration par l’objectif de compenser partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %. Si cette réduction de la mise en réserve s’inscrit dans un plus grand respect de l’autorisation parlementaire des dépenses,…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. … l’augmentation des crédits de cette mission, qui échappe au principe de spécialité des dépenses, appelle toutefois cette remarque : nous serons vigilants, monsieur le secrétaire d’État, quant à l’exécution des crédits non répartis au cours de l’année 2018.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, s’agissant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je souhaiterais, pour ma part, appeler l’attention du Gouvernement sur deux points particuliers.
Le premier est l’organisation interne des services de la DGFiP. L’année prochaine, plusieurs réformes majeures auront un impact systémique sur le travail des agents : le prélèvement à la source, la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique de l’impôt sur la fortune immobilière ou encore la suppression, en 2019, du CICE. À ce stade, nous constatons peu d’anticipation et un certain attentisme sur les conséquences de ces décisions, mais peut-être pourrez-vous nous rassurer sur les orientations prévues, monsieur le secrétaire d’État ?
Le deuxième point porte sur les grands chantiers informatiques, qui font, cette année, l’objet d’investissements importants. Les ministères économiques et financiers représentent 15 % des projets informatiques de l’État et 20 % des dépenses. Il faut le souligner, ceux-ci n’accusent pas, ou plus, de surcoûts ou de retards excessifs par rapport aux autres ministères. Cela dit, c’est avant tout parce que les projets les plus importants sont terminés… ou qu’ils ont échoué. Je vous rappelle à cet égard le précédent de l’opérateur national de paye, mené en pure perte avant d’être interrompu en 2014. Plusieurs projets actuels, notamment en matière de gestion des ressources humaines, visent seulement à « réparer » les conséquences de cet « accident ».
Pour réussir les grands projets informatiques de demain, les pistes sont claires : une gouvernance renforcée au niveau interministériel, une meilleure mutualisation des projets, une réduction de la dépendance aux prestataires extérieurs et, corrélativement, une meilleure expertise en interne.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les conséquences du décret du 20 novembre 2017 relatif à la direction interministérielle de la transformation publique et à la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État ?
L’un des grands enjeux pour l’avenir concerne d’ailleurs la capacité de recruter – et de fidéliser – des profils de haut niveau dans les métiers du numérique. Je présenterai deux amendements permettant d’aborder cette question essentielle pour l’État et les administrations de réseau de la mission.
Le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ne représente que 10 % de la dépense immobilière de l’État, le reste étant porté par les différentes missions du budget général, soit quarante-quatre programmes. Il incarne pourtant l’État propriétaire et constitue le vecteur budgétaire de la direction de l’immobilier de l’État. Il participe du principe essentiel de distinction entre l’État propriétaire et les ministères occupants. Sur ce sujet, je ferai deux remarques.
D’abord, un constat : l’intégration des dépenses d’entretien lourd de l’ancien programme 309 a pu se traduire par une modification de la dépense du compte. La part des dépenses de fonctionnement a certes progressé au détriment des dépenses d’investissement, mais celles-ci diminuent de 30 % en 2018 par rapport à 2017. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, connaître votre analyse sur cette évolution.
Ensuite, un décryptage : la stabilité des crédits du compte par rapport à 2017 est en trompe-l’œil en raison d’une opération exceptionnelle prévue en 2018. Les établissements d’enseignement supérieur déménageant vers le plateau de Saclay feront exception à la mutualisation des produits de cessions, décidée lors d’une précédente loi de finances. L’intégralité sera donc reversée au ministère de l’enseignement supérieur. Ainsi neutralisés, les crédits immobiliers effectivement disponibles sur le compte diminuent de 12 % par rapport à 2017. Ce recul contraste avec les nouvelles orientations dont la politique immobilière a besoin.
Avec notre ancien collègue, Michel Bouvard, nous avions proposé une feuille de route pour renouveler la gestion de l’immobilier de l’État. Dix ans après la création du compte, il nous faut évoluer de la rationalisation initiale à la recherche d’une meilleure valorisation du patrimoine immobilier, pas forcément par des cessions, d’ailleurs.
Plusieurs éléments semblent annoncer une nouvelle orientation après la création de la direction immobilière de l’État. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais connaître vos projets en la matière.
Je terminerai mon propos en évoquant le Grand Plan d’investissement. La participation du compte d’affectation spéciale est artificielle, dès lors qu’il s’agit de crédits qui étaient déjà prévus les années précédentes. Tel n’est pas le cas pour la nouvelle mission du budget général « Action et transformation publiques ». L’intégralité de ses crédits doit participer au Grand Plan d’investissement, au titre de la rénovation des cités immobilières et du fonds pour la transformation de l’action publique. Un montant de 1,7 milliard d’euros est prévu pour les cinq prochaines années. Cependant, la démarche demeure, à ce stade, principalement programmatique, puisque l’essentiel des crédits devrait être ouvert à compter de 2020. Surtout, en vertu du principe de réallocation des crédits du Grand Plan d’investissement, les crédits prévus dans la programmation pluriannuelle pourront être réalloués entre les différentes actions.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Je conclus, monsieur le président.
La commission des finances vous propose, mes chers collègues, l’adoption des crédits de la mission, en précisant que nous resterons vigilants sur les évolutions à venir. À titre personnel, compte tenu des modifications adoptées par la majorité de la commission, je ne pourrai les adopter.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je relève le défi de vous présenter un rapport qui retrace un compte de 65 milliards d’euros en cinq minutes ! La mission « Régimes sociaux et de retraite » est dotée de 6,3 milliards d’euros versés par l’État pour équilibrer certains régimes spéciaux – SNCF, RATP, marins, mines, etc. – et le compte d’affectation spéciale « Pensions », doté de 58,4 milliards d’euros, comprend notamment les pensions civiles et militaires de retraite.
Je commencerai par les régimes spéciaux. Le nombre de cotisants étant très inférieur au nombre de retraités, la contribution de l’État pour en assurer l’équilibre a fortement augmenté entre 2006 et 2012, puis a baissé entre 2015 et 2017.
En 2018, la contribution augmente de 0,4 % sous l’effet, en année pleine, de la revalorisation des pensions début octobre. Le ratio démographique de la SNCF et de la RATP se dégrade encore, et le déficit sera supérieur aux économies des régimes fermés, mais sans tenir compte d’un éventuel retour de croissance.
La subvention d’équilibre de l’État représente 68 % du financement des retraites des régimes spéciaux. Pour mémoire, l’ensemble des régimes spéciaux compte 500 000 actifs pour 1,1 million de pensionnés, et le régime général compte 18 millions d’actifs pour 15 millions de pensionnés.
Les régimes spéciaux ne se singularisent pas seulement par le déséquilibre démographique ; des différences institutionnelles et économiques persistent également. Ainsi de l’âge de départ à la retraite, fixé à cinquante ans, puis à cinquante-deux ans pour le personnel roulant de la SNCF et de la RATP, et à cinquante-cinq ans, puis à cinquante-sept ans pour les autres personnels de ces entreprises, alors que l’âge légal est de soixante-deux ans.
En dehors de toute réforme, le déséquilibre des régimes spéciaux se serait quand même réduit pour la SNCF : il serait passé de 4 milliards à 2,5 milliards d’euros par an d’ici à 2050 ; les réformes successives de ces dernières années l’atténuent, mais le déficit perdure et l’appel à la solidarité nationale est toujours nécessaire. C’est l’une des questions auxquelles devra répondre la prochaine réforme : le financement, mais aussi l’équité. C’est aussi une question économique, puisque beaucoup dépendra de la capacité de la SNCF à relever le défi de l’ouverture à la concurrence.
Le compte d’affectation spéciale « Pensions » porte sur 58,4 milliards d’euros ; 93,5 % de cette somme est affectée aux pensions civiles et militaires de la fonction publique de l’État, 3,3 % aux ouvriers des établissements industriels de l’État et 3,2 % aux pensions militaires d’invalidité et aux victimes de guerre et du terrorisme. Les dépenses sont en très forte hausse depuis vingt-cinq ans : elles seront passées de 19,1 milliards d’euros en 1990 à 58,4 milliards d’euros en 2018. Le nombre de bénéficiaires a doublé. Le niveau des pensions des entrants est globalement supérieur aux pensions en cours, mais le taux de remplacement tend à baisser sous l’effet des réformes successives.
Pour 2018, le Gouvernement ne revalorisera pas les pensions ; l’économie sera de 137 millions d’euros environ. En cas de reprise de l’inflation, l’économie sera encore supérieure. Les pensions brutes vont perdre en pouvoir d’achat, et les pensions nettes plus encore, car la CSG va augmenter, à hauteur de 1 milliard d’euros pour les seuls fonctionnaires de l’État.
Du côté des recettes, l’État a décidé le gel indiciaire et le report du protocole du PPCR. Cela soulagera la masse salariale, mais se traduira par de moindres recettes pour le compte d’affectation spéciale : environ 243 millions d’euros de recettes ne sont pas budgétés.
Le solde excédentaire cumulé du compte d’affectation spéciale atteindrait 7,6 milliards d’euros à la fin de 2018, somme très supérieure aux besoins de trésorerie. Rappelons que la Cour des comptes trouvait déjà ce solde excessif à 1,6 milliard d’euros. Le ministère des finances a renoncé à expliquer qu’il s’agit de financer les déficits prévisionnels à court terme, puisque le solde cumulé devrait atteindre plus de 25 milliards d’euros vers 2030.
Hors bilan, les engagements financiers de l’État au titre des retraites ont été brusquement relevés dans le compte général de l’État : ils sont passés de 1 535 milliards d’euros à la fin de 2015 à 2 139 milliards d’euros actuellement en raison du changement de modèle de prévision et du taux d’actualisation, qui devient négatif. Je m’interroge sur la cohérence de cette évolution avec le scénario de retour à la croissance.
En conclusion, je voudrais exprimer quelques interrogations.
D’abord, faut-il continuer de sur-financer le CAS, en abaissant le niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population, et valider une baisse très significative des taux de remplacement ?
Ensuite, réformer les retraites suppose de réformer la politique des ressources humaines de l’État. « Très employeur », il doit devenir « mieux employeur » si l’on veut que travailler plus longtemps ait du sens.
Enfin, puisque le processus de réforme est en cours, il faut souhaiter que le Parlement soit pleinement informé de l’avancée des travaux de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial. L’idée d’une égalisation des rendements des cotisations est populaire, mais je rappelle que, globalement, cette égalisation a beaucoup progressé si l’on compare les différentes générations. Les écarts qui demeurent sont principalement liés à des conditions de travail inégales ou à des situations de vie différentes, comme pour les gendarmes ou, plus généralement, les militaires. Il sera compliqué de vouloir un rendement de cotisations égal pour un effort inégal.
M. le président. Merci, chère collègue ! Je pense qu’il faut vous arrêter, sinon on va trop déborder !
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial. La commission des finances vous propose donc d’adopter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention vient opportunément compléter celle de notre collègue Sylvie Vermeillet. Pour ma part, j’interviens au nom de la commission des affaires sociales, et non de la commission des finances, j’appuierai donc mon discours sur des propositions plus que sur des chiffres.
Le compte d’affectation spéciale « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » portent sur 68 milliards d’euros, une somme modeste comparée à l’ensemble des retraites obligatoires, qui représentent une dépense de plus de 238 milliards d’euros ; si l’on y ajoute les retraites complémentaires, cette somme monte au-dessus de 310 milliards d’euros. Ce sont quand même des sommes significatives. Le montant de 68 milliards d’euros ne couvre d’ailleurs ni l’ensemble des dépenses des régimes de retraite de la fonction publique ni même l’ensemble des autres régimes spéciaux. Des masses financières importantes, comme la CNRACL, pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, ou encore le régime des industries électriques et gazières, ne sont pas concernées par ces missions budgétaires.
Alors que la réforme annoncée promet qu’à terme 1 euro cotisé devra rapporter la même chose quel que soit le statut du cotisant ou le régime dans lequel il a été versé, ces régimes spéciaux soulèvent trois questions.
Premièrement, quel avenir pour les règles de départ à la retraite qui demeurent éloignées du droit commun ? Si elles semblent indissociables de la carrière de militaire, elles apparaissent toujours contestables pour les assurés des régimes de la SNCF et de la RATP, par exemple.
Deuxièmement, quel avenir pour le mécanisme de contribution employeur au sein des régimes de la fonction publique ? Ce mécanisme ne permet pas, actuellement, de distinguer entre la part « patronale » de l’employeur public, la compensation au déséquilibre démographique de ces régimes et, enfin, le financement de dispositifs de retraite dérogatoires. Si 1 euro cotisé doit toujours rapporter la même somme, il ne peut subsister de différence dans le niveau de la participation de l’employeur, ce qui implique d’avoir des taux de rendement similaires entre tous les régimes de retraite. Ce point sera déterminant pour la prochaine réforme des retraites.
Enfin, troisièmement, quel avenir pour le paysage si morcelé des retraites, qui comprend quelque trente-cinq régimes de base, alors que le coût de gestion des 310 milliards d’euros de prestations s’élevait, en 2016, entre 5 milliards et 6 milliards d’euros ?
C’est le défi qui nous attend en 2018 avec cette réforme : il faut comprendre la complexité du système de retraites pour mieux le réinterroger en profondeur. Quels dispositifs de solidarité souhaitons-nous conserver et comment les valoriser en termes de points ou d’euros alimentant les futurs comptes notionnels ?
En attendant le lancement de cette réflexion, à laquelle le Sénat participera pleinement, la commission des affaires sociales a émis, tout comme la commission des finances, un avis favorable à l’adoption des crédits de ces deux missions budgétaires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Fonction publique ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de présenter rapidement le programme 148, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse sur la gestion de la masse salariale de l’État.
Le Président de la République a annoncé sa volonté de supprimer 120 000 équivalents temps plein durant son quinquennat, dont 50 000 dans la fonction publique de l’État et 70 000 dans la fonction publique territoriale. Or ce PLF prévoit une suppression nette de 1 600 équivalents temps plein dans la fonction publique de l’État, dont seulement 324 dans les ministères, ce qui est très insuffisant pour respecter cet engagement. Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur la méthode envisagée par le Gouvernement pour respecter les objectifs fixés.
En ce qui concerne la fonction publique territoriale, l’État n’a pas vocation à dicter le schéma d’emplois des collectivités territoriales. Cependant, force est de constater qu’une réduction des dotations de l’État aux collectivités les oblige à réorganiser leurs services, voire à diminuer les services au public. Il sera intéressant de suivre les travaux du Comité Action publique 2022, qui est chargé d’examiner les pistes d’évolution du service public et de ses effectifs.
Le programme 148, « Fonction publique », ne concerne que la fonction publique de l’État et comprend trois actions interministérielles qui complètent les initiatives ministérielles : la formation, l’action sociale et le développement de l’apprentissage. Il est doté de 239,11 millions d’euros, soit une baisse de 0,43 % par rapport à 2017.
Les crédits alloués à la formation interministérielle s’établissent à 84,40 millions d’euros, soit une augmentation de 4,12 % à périmètre constant. Près de 90 % de ces crédits sont destinés à l’ENA et aux IRA. La subvention à l’ENA baisse de 2,75 % par rapport à 2017. En revanche, la subvention aux cinq IRA progresse de plus de 10 % pour poursuivre les efforts entamés à la rentrée de 2017 et satisfaire les besoins de recrutement d’attachés d’administration des ministères : 98 élèves supplémentaires ont été accueillis à la rentrée de 2017.
De plus, un effort significatif est consenti pour les actions spécifiques de formation interministérielle : on observe une hausse de plus de 24 % de ces crédits par rapport à 2017.
Les plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines, situées dans les préfectures de région, jouent un rôle essentiel pour développer et coordonner ces actions de formation. J’avais, l’an passé, préconisé le renforcement de leur visibilité et la clarification de leurs missions et de leur gouvernance.
Les fonds alloués à l’action sociale sont réduits de 3,5 %. Les crédits de l’action Appui ressources humaines et apprentissage progressent d’environ 6,5 % du fait de l’ajout de quatre nouvelles mesures destinées à l’appui RH. Néanmoins, les crédits consacrés au développement de l’apprentissage baissent de près de 3 millions d’euros, ce qui est en contradiction avec l’objectif d’atteindre le seuil de 10 000 apprentis recrutés dans la fonction publique de l’État.
Le Fonds d’innovation RH, créé en 2017, est pérennisé à hauteur de 1 million d’euros afin de soutenir les initiatives innovantes des ministères en matière de management ou de gestion des ressources humaines.
Deux nouveaux fonds pilotés par la DGAFP sont créés : le fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail, doté de 1 million d’euros, et le fonds des systèmes d’information RH, doté de 1,83 million d’euros, qui vise à ouvrir aux agents publics le portail informatique du compte personnel d’activité.
Concernant ce dispositif, le compte personnel de formation clarifie la formation et permet aux agents de construire un parcours professionnel cohérent. Toutefois, sa réussite dépendra de la manière dont les agents publics se l’approprieront. Or on constate qu’ils ont parfois des difficultés à actionner leurs droits à formation. Les employeurs publics sont donc appelés à jouer un rôle majeur dans sa mise en œuvre.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Néanmoins, ils manquent d’informations sur son fonctionnement.
Monsieur le secrétaire d’État, il me semble urgent d’organiser et de coordonner des actions de sensibilisation au plus près des employeurs et des agents publics. Sans cet effort de pédagogie, le compte personnel d’activité pourrait connaître les mêmes difficultés que le droit individuel à la formation.
En conclusion, j’indique que la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 148. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les missions que nous examinons à présent portent sur la politique de l’État employeur, par le biais de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite », ainsi que sur la politique de l’État propriétaire, par le biais du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Avec près de deux millions de fonctionnaires, l’État est un employeur de premier plan ; la gestion de son personnel est d’une importance cruciale, car elle a des implications pour l’efficacité de l’administration, la qualité des services publics et le développement économique.
Si le Gouvernement prévoit une réduction des effectifs en 2018, elle demeurera tout de même limitée, en dessous de 2 000 suppressions de postes. Les grandes masses d’effectifs par ministère resteront stables : les trois quarts de la fonction publique de l’État seront toujours dans les ministères de l’éducation nationale, de l’intérieur et des armées. Des ministères connaîtront toutefois de fortes baisses d’effectifs, par exemple les ministères du travail, de la santé ou du logement.
L’analyse de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des fonctionnaires appelle plusieurs commentaires.
Si les retraites des régimes spéciaux restent encore subventionnées dans des proportions importantes, le besoin de subventionnement tend à décroître, et la situation de ces régimes, au demeurant très diversifiés, tend à converger avec celle du régime général. De son côté, le solde du compte d’affectation spéciale « Pensions » est nettement excédentaire. Même si cet excédent se réduit en 2018, sa situation paraît satisfaisante au regard de celle du régime général.
En revanche, le rapport spécial met en lumière des insuffisances et des points à améliorer dans la gestion des ressources humaines de l’État. Ainsi, les déploiements de programmes informatiques créent souvent des difficultés importantes. Les difficultés rencontrées dans leur mise en place, comme l’échec du logiciel de paie des armées, Louvois, entraînent des retards et des surcoûts parfois importants. Il apparaît donc essentiel d’améliorer la situation des administrations dans ce domaine. Cela passe aussi par des organisations repensées et par une meilleure gestion des ressources humaines et des carrières, ainsi que par une meilleure utilisation des compétences au sein des services et une meilleure négociation des contrats de fourniture et de service avec les prestataires extérieurs, donc de la fonction « achat » de l’État.
D’autres risques ont été soulignés. Ils sont liés à la mise en œuvre, par la Direction générale des finances publiques, des réformes prévues dans ce projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons prochainement : nouvel impôt sur la fortune immobilière venant en remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune, prélèvement à taux unique sur les revenus d’épargne, révision des bases locatives et, surtout, mise en place du prélèvement à la source. Le pilotage de ces réformes, lorsqu’elles auront été votées, sera déterminant dans le succès de leur mise en œuvre.
J’en viens maintenant à la politique de l’État propriétaire. Les informations budgétaires relatives au patrimoine de l’État sont retracées dans le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». La gestion de ce patrimoine est confiée à la direction de l’immobilier de l’État, qui est rattachée à la DGFiP.
Parmi les principales évolutions qui prendront place en 2018, on relève d’abord la contribution du compte d’affectation spéciale au Grand Plan d’investissement décidé par le Premier ministre. Par ailleurs, l’État trouvera des recettes dans la cession du patrimoine immobilier des établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui quittent leurs anciennes implantations pour rejoindre le plateau de Saclay.
Au-delà de ces nouveautés, le principal enjeu de la gestion du patrimoine de l’État est la définition d’une stratégie patrimoniale à long terme. L’État doit répondre à un double impératif : d’une part, préserver et valoriser un patrimoine historique de grande valeur, qui représente une richesse incomparable pour la nation ; d’autre part, rénover et développer le patrimoine pour un usage optimal pour les administrations qui les occupent. Ainsi, la rénovation des cités administratives sur l’ensemble du territoire est une priorité. Des bâtiments de qualité, fonctionnels et écologiques auront également un impact positif sur le travail des administrations.
Tel est l’objet de la mission « Action et transformation publiques », que nous examinons conjointement avec les missions et comptes précités. Cette mission porte en particulier sur la rénovation des bâtiments administratifs. Le programme 348 finance ainsi la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l’État ou de ses opérateurs.
La mission comporte également, au programme 349, le fonds pour la transformation de l’action publique, qui sera chargé de financer le coût supplémentaire initial de l’engagement de réformes. Le Gouvernement a affirmé sa volonté de moderniser le fonctionnement de l’administration par le projet Action publique 2022, qui n’est pas sans rappeler les projets des gouvernements précédents – RGPP ou MAP. La réforme de l’État est probablement aussi ancienne que l’État lui-même. Toutefois, j’accueille favorablement cette initiative, à condition qu’elle associe pleinement les fonctionnaires et l’ensemble des acteurs publics.
Enfin, les crédits non répartis concernent les dépenses accidentelles et imprévisibles, telles que la compensation partielle de la hausse de la CSG dans la fonction publique, à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce geste en faveur des fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat stagne depuis plusieurs années, apparaît bienvenu.
En conclusion, sur ces quatre missions et ces deux comptes spéciaux, dont les enjeux, s’ils sont importants, restent assez techniques et difficiles à détailler en quelques minutes de discussion, ainsi que sur l’article 55 ter rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », j’indique que le vote des membres du groupe du RDSE sera globalement favorable.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous examinons les crédits de missions qui ne comptent pas parmi les moins passionnées, à commencer par la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui comprend notamment le programme « Fonction publique ». Je souhaite m’arrêter sur ce budget, moins pour commenter les chiffres – les rapporteurs l’ont déjà bien fait – que pour insister sur les orientations du Gouvernement en la matière, qui me semblent aller dans la bonne direction.
Le groupe La République En Marche soutient pleinement un gouvernement qui a fait de la sincérité budgétaire l’un de ses aiguillons. Dès l’été dernier, la Cour des comptes a mis en évidence que le plan de revalorisation des carrières des fonctionnaires n’était pas financé. Dès lors, que faire ? Faut-il laisser filer les déficits publics – je ne reviendrai pas sur les enjeux politiques d’un passage durable du déficit sous le seuil de 3 % du PIB – ou en reporter l’application ? Je ne dis pas que la gestion des carrières des agents de la fonction publique est négligeable, mais je conteste l’attitude consistant à faire des promesses non financées à celles et ceux qui font vivre nos services publics. Les perspectives de carrière, décidément, n’ont jamais fait bon ménage avec les impasses budgétaires.
J’ai bien entendu les griefs que certains, notamment en commission des finances, adressaient au Gouvernement sur le rythme, jugé trop timide, de la réduction des effectifs, mais je m’étonne de ne pas avoir entendu de propositions précises sur ce sujet, notamment en matière de fonction publique territoriale.
Nous saluons les mesures courageuses prises par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, à savoir le gel du point d’indice et l’instauration, à l’article 48 du projet de loi de finances pour 2018, d’un jour de carence pour les agents publics. Sur le point d’indice, au-delà du gel, le Gouvernement pose la question de la centralisation sans doute excessive de la rémunération des fonctionnaires, mais aussi de la prise en compte du mérite. Quant au jour de carence, ce dispositif avait été mis en place entre 2012 et 2014 ; il s’agit d’une mesure d’égalité avec les salariés du secteur privé, mais aussi d’un dispositif de lutte contre l’absentéisme, qui peut nuire à la qualité du service public et qui n’est pas neutre pour les finances publiques.
J’assume de reconnaître que certains dispositifs dérogatoires – je ne parle pas du statut – ne sont plus adaptés et doivent être, sinon réformés, au moins évalués, à commencer par notre haute fonction publique. L’action publique ne se transforme pas par saccades. Le Gouvernement a donc décidé, au mois d’octobre, d’innover à travers le Comité Action publique 2022. Une triple exigence s’imposera : qualité du service public pour les usagers, amélioration des conditions de travail des agents publics et maîtrise des dépenses publiques, et donc des prélèvements obligatoires pour les contribuables. En tant que parlementaires, nous avons un rôle à jouer tant comme parties prenantes que comme « passeurs » chargés de faire connaître cette initiative dans nos territoires.
Jusqu’au mois de mars 2018, c’est le temps du diagnostic ; à partir d’avril, ce sera le temps de la mise en œuvre opérationnelle. J’insiste sur la méthode originale, qui impliquera notamment, dans le Forum de l’action publique, agents publics et usagers, et qui permettra de faire remonter les préoccupations et les propositions du terrain. On ne réforme plus l’État comme en 1967 ou 1997, car les Français ont changé et ont des aspirations légitimes de participation et d’évaluation de leurs services publics sur internet.
S’agissant d’internet, je salue le volet consacré à la transformation numérique de l’administration, qui traduit des engagements du Président de la République. L’objectif de dématérialiser 100 % des démarches administratives d’ici à 2022, le développement d’un État plateforme développant de nouveaux services numériques de qualité ou encore la conduite d’une utilisation optimale des données publiques sont d’excellentes nouvelles. La dématérialisation n’est pas un recul du service public. Au contraire, elle traduit un engagement, au plus haut niveau de l’État, de faire en sorte que l’égalité des Français devant le service public soit une réalité : plus d’efficacité, moins de dépense publique et moins de stress et de migraines pour les Français. Ces mesures devraient selon moi nous rassembler sur l’ensemble de nos travées.
Je ne détaillerai pas plus avant le programme ambitieux du Gouvernement, ce que vous ferez sans nul doute, monsieur le secrétaire d’État. Le Sénat peut pleinement vous accompagner dans cette démarche de transformation à travers des missions d’information et des consultations locales, ainsi que des rencontres avec les usagers, les élus et les agents. Cette maison, que je suis en train de découvrir, est en pointe sur les innovations technologiques et techniques, et cette expertise pourrait être un appui précieux pour le Gouvernement. Le groupe La République En Marche se prononcera donc en faveur de l’adoption des crédits des missions en discussion commune.
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, contrairement aux budgets précédents, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une discussion commune des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Régimes sociaux et de retraite », ce qui n’est pas obligatoirement des plus judicieux.
Concernant l’évolution, pour 2018, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », la réduction des crédits des régimes spéciaux suit la baisse du nombre de cotisants. La contribution de l’État au rééquilibrage des comptes spéciaux est également en légère diminution.
Enfin, les négociations des conventions d’objectifs et de gestion 2018-2021 poursuivent la réduction de 15 % des dépenses de fonctionnement et la diminution annuelle de 2,5 % des effectifs, au détriment de la qualité du service public et des conditions de travail des personnels, ce que nous condamnons.
Alors que la refonte des régimes spéciaux de retraite était annoncée pour 2018, il semblerait que le Gouvernement ait reculé son projet en attendant la future réforme des retraites annoncée pour 2018 et finalement décalée en 2019. Toujours est-il que la pension moyenne des fonctionnaires civils et des militaires a diminué.
À cela s’ajoute la décision du Gouvernement de décaler la date de revalorisation des pensions, créant ainsi une année blanche pour les fonctionnaires en matière de revalorisation pour 2018 et aggravant par conséquent la baisse de leur pouvoir d’achat. Lequel pouvoir d’achat est encore grevé par la hausse de la CSG de 1,7 point ; les mesures de compensation de cette hausse annoncées par le ministre sont toujours aussi opaques concernant les fonctionnaires.
Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’inscrivent dans cette logique. Dix ans après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le Gouvernement poursuit les coupes budgétaires et les suppressions massives de postes.
Alors que les « Paradise papers » ont révélé l’importance de renforcer les moyens de l’administration fiscale et douanière pour lutter contre la fraude et contrôler l’optimisation fiscale, le Gouvernement maintient les services concernés en situation de sous-effectif chronique. N’avez-vous pas assuré, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est possible « de transformer le pays et d’assurer un meilleur service public avec moins d’agents, mais avec des services informatiques et numériques plus performants » ? N’oublions pas que la fermeture des guichets physiques, pour motif d’économies, laisse encore beaucoup de personnes au bord de la route et peut donc être un nouveau facteur d’exclusion sociale.
Le Défenseur des droits, dans son rapport sur l’accès aux droits, a mis en exergue quelques statistiques établissant un lien entre la non-maîtrise du numérique et les difficultés d’accès au service public. La vigilance s’impose.
Enfin, je conclurai par l’adoption, par l’Assemblée nationale, de l’amendement visant à rétablir la journée de carence pour les arrêts maladie des fonctionnaires.
Non seulement une note publiée le 10 novembre dernier par l’INSEE a démontré que l’existence de ce dispositif dans la fonction publique entre 2012 et 2014 n’a pas significativement modifié la proportion d’agents de la fonction publique de l’État absents pour raison de santé, mais cette mesure s’est encore avérée contre-productive. En effet, si les absences pour raison de santé de deux jours ont diminué, les absences d’une semaine à trois mois ont augmenté durant cette période.
Le rétablissement du jour de carence a été justifié comme une mesure d’équité entre secteur privé et secteur public. Pourtant, les deux tiers des employés du secteur privé bénéficiaient d’une couverture totale des jours de carence en 2009.
En conclusion, je veux dire que le Gouvernement s’attaque à notre modèle de fonction publique et à la logique même de service public en réduisant ses moyens et ses effectifs ainsi qu’en rapprochant ses règles de celles du privé. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de ces deux missions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons trois missions ce soir : « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Action et transformation publiques » et « Régimes sociaux et de retraite ».
Les évolutions liées à la première de ces missions nous semblent aller dans le bon sens. La maîtrise des effectifs des ministères économiques et financiers est réelle et doit être saluée. Cet effort doit être un exemple pour les autres ministères et pour la sphère publique dans son ensemble : un service public diligent et de qualité est possible avec moins de fonctionnaires. C’est l’occasion de saluer ici le sens du service de notre fonction publique : c’est son honneur que d’avoir traversé les réformes successives, de la RGPP à la MAP, en adaptant son action pour servir avec la même efficacité et le même dévouement. Des effectifs réduits n’enlèvent rien à cette excellence, bien au contraire.
Le groupe Les Indépendants soutient donc le Président de la République dans sa démarche de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires sur la durée du quinquennat. Nous espérons néanmoins que la trajectoire de maîtrise des effectifs sera en phase avec cet engagement. Les prévisions de l’année 2018 semblent d’ores et déjà trop timides pour que les objectifs de masse salariale fixés par le Gouvernement puissent être atteints.
La diminution de postes de fonctionnaires doit s’accompagner d’une réflexion d’ampleur sur les secteurs de l’action publique que nous entendons sanctuariser ou renforcer – sécurité, défense, justice –, sur les dépenses inefficientes ou peu utiles, sur la nature de l’État que nous voulons : ses missions essentielles, son périmètre, ses modes d’action.
Nous formons le vœu que la nouvelle mission « Action et transformation publiques » obtienne des résultats à la hauteur de son intitulé volontariste. Il serait extrêmement décevant qu’elle se limite à soutenir une revue de dépenses, comme nous en connaissons depuis quelques années, à l’efficacité plus que discutable.
Le Comité Action publique 2022, que vous pilotez, monsieur le secrétaire d’État, devra être ambitieux dans son approche de la révision des politiques publiques. Il devra surtout s’affranchir d’un certain nombre de tabous qui ont vidé de leur substance les initiatives des précédents gouvernements. Ainsi, il ne pourra faire l’économie d’une réforme d’envergure de la fonction publique et du statut des fonctionnaires, ainsi que de la simplification des normes et des procédures dans le domaine de la mobilité, des instances de représentation, de la grille salariale et des retraites des fonctionnaires. La Cour des comptes rappelle d’ailleurs régulièrement le nécessaire rapprochement du régime des retraites du secteur public avec celui du secteur privé.
Les retraites sont justement l’objet des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », que nous examinons également aujourd’hui. Ces crédits correspondent aux subventions d’équilibre que l’État verse à divers régimes spéciaux de retraite, dont l’autofinancement est rendu impossible par un déséquilibre démographique de plus en plus insoutenable. Ces subventions s’élèvent à 6,3 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018, ventilées principalement entre les régimes des transports terrestres, des marins et des mineurs.
Nous devrons réfléchir à une refonte profonde de ces régimes spéciaux de retraite, dont l’équilibre financier est rompu depuis l’origine et dont le modèle n’est pas tenable à long terme. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à mener à bien une réforme d’ampleur des régimes de retraite avec l’instauration d’un système universel : nous soutiendrons ces efforts vers la mise en place d’un système plus équitable, plus juste et plus solide financièrement.
Pour conclure, j’indique que le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra le Gouvernement dans sa volonté d’améliorer les services publics, de renforcer notre fonction publique et de moderniser l’action de l’État au service de nos concitoyens. Nous voterons donc les crédits de ces missions, en portant un regard particulièrement vigilant sur les résultats concrets du processus Action publique 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aborder un budget de cette ampleur dans un temps à peine supérieur à deux chansons de feu Johnny Hallyday relève du défi. Nous débattons aujourd’hui de missions qui font ou feront l’objet de chantiers de transformation importants : la gestion des finances publiques et des ressources humaines ainsi que les régimes sociaux et de retraite.
La première de ces missions comprend l’essentiel des moyens de fonctionnement et d’investissement des ministères économiques et financiers, qui, il faut le souligner, semblent stables par rapport à 2017. Nous saluons l’effort du Gouvernement d’assumer une réduction des effectifs tout en accompagnant la modernisation des équipements. La Direction générale des finances publiques et la Direction générale des douanes et droits indirects, qui sont les deux principales directions concernées, assument leurs missions avec 1 450 effectifs en moins. Cet effort est particulièrement important pour la Direction générale des douanes et droits indirects, qui se trouve confrontée à de nouvelles missions à la suite du rétablissement des contrôles induit par la menace terroriste. Elle concourt à l’objectif de maîtrise de l’emploi public grâce au redéploiement des moyens humains et à la transformation numérique.
Nous saluons également la rupture avec la logique précédente du rabot. Le Gouvernement engage une réflexion qui nous paraît plus pertinente, en interrogeant en profondeur l’ensemble du périmètre de l’action publique. L’État doit se poser les bonnes questions : quelles missions doivent aujourd’hui être exercées par la puissance publique ? Comment ? Avec quels moyens ?
Il existe un panel de solutions et, contrairement à certains de nos collègues, nous estimons que le Gouvernement a d’ores et déjà fait preuve d’un certain courage en réintroduisant le jour de carence pour les personnels du secteur public. Notre groupe défend depuis des années cette réforme qu’il faut considérer comme un gage d’équité entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public.
Quelques questions demeurent aujourd’hui. Quelle sera la trajectoire de diminution du nombre d’agents de la fonction publique ? Pour nous, la maîtrise de la masse salariale exige une réforme d’envergure de la fonction publique. En parallèle, les crédits d’investissement visant à conduire les projets informatiques et numériques nécessaires à la modernisation de l’administration sont en hausse de 52 millions d’euros. Ce sont 700 millions d’euros, dont 200 millions dès 2018, que le Gouvernement consacre à la transformation numérique des services publics.
Je formule tout de même une mise en garde : la dématérialisation ne doit pas créer de fractures territoriales ou accentuer celles qui existent déjà. N’oublions pas les administrés les plus vulnérables, qui vivent parfois la numérisation comme une déshumanisation du service public. Malgré cette réserve, nous voterons les crédits de cette mission.
J’en viens aux crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui font chaque année l’objet d’importants débats sur les régimes spéciaux. Je veux avant tout remercier Sylvie Vermeillet de son rapport, comme d’ailleurs l’ensemble des rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis de leurs travaux très éclairants.
Cette mission finance principalement le régime de retraite des agents de la SNCF, le régime des marins, le régime des anciens mineurs, en leur attribuant une subvention d’équilibre nécessaire du fait du déséquilibre démographique. Les crédits évoluent de manière plutôt stable dans l’ensemble, même si l’examen au cas par cas des régimes révèle des dynamiques variables. Si les régimes en extinction – mines, SEITA – voient logiquement leurs crédits baisser du fait d’une démographie en forte baisse, les régimes de la SNCF et de la RATP voient, quant à eux, leur besoin de financement augmenter assez sensiblement. Seul le régime des marins connaît une relative stabilité.
Le Gouvernement a annoncé une réforme des retraites en 2019, mais nous formulerons le souhait que cette réforme soit enfin celle qui permette d’assurer définitivement la pérennité de notre système de retraite et de garantir plus de justice entre les cotisants. Cette réforme devra conduire à la mise en place d’un système universel de retraite capable de prendre en compte les spécificités de chaque métier.
La fin des régimes spéciaux ne signifie évidemment pas l’égalitarisme. Pourquoi certains bénéficieraient-ils de conditions très favorables quand d’autres doivent travailler des années de plus pour bénéficier de droits parfois bien moins avantageux ? Comme l’a souligné notre rapporteur pour avis, nous ne pouvons accepter que la réforme de l’âge de départ à la retraite votée en 2010 commence seulement à s’appliquer à la SNCF ou à la RATP.
Le Gouvernement a engagé un cycle de discussions avec les partenaires sociaux afin de proposer une loi-cadre. Nous nous donnons donc rendez-vous dans les prochains mois pour aborder cette question, qui est au cœur de la vie de nos concitoyens. En attendant, notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’attarderai principalement sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et salue une nouvelle fois le travail de notre rapporteur pour avis, Catherine Di Folco, malgré nos divergences d’appréciation sur ce sujet.
Comme socialistes, nous sommes bien placés pour connaître la difficulté qu’il y a à concilier une politique de ressources humaines ambitieuse dans un contexte budgétaire tendu, que connaissent également les collectivités territoriales. Nos élus ont d’ailleurs accompli des efforts importants dans ce domaine dans nombre de collectivités.
Nous partageons certains objectifs du Comité Action publique 2022 installé par le Gouvernement, notamment la mise en œuvre d’un environnement de travail modernisé ainsi que le souci marqué de la simplification. Nous craignons toutefois une approche exclusivement comptable, qui n’est pas sans rappeler la défunte révision générale des politiques publiques, la RGPP. Par ailleurs, je ne partage pas l’avis de la rapporteur pour avis sur le jour de carence.
Tout d’abord, comme le rappelait M. Macron quand il était ministre, l’inégalité avec le secteur privé est aujourd’hui discutable, puisque bon nombre de conventions collectives prennent en charge ce jour de carence, ce qui démontre que l’utilité de cette mesure est limitée ou contestable.
Surtout, le récent rapport de l’INSEE apporte des éléments tangibles pour discuter l’efficacité de la mesure. Si l’on n’est pas dans l’idéologie et que l’on se montre pragmatique, on peut observer des faits qui sont indiscutables. Certes, la prévalence des absences de deux jours aurait diminué de plus de 50 % en raison de l’application du jour de carence entre 2012 et 2014 – je sais que cela suffit à convaincre plusieurs de nos collègues et de nombreux élus locaux, par ailleurs employeurs territoriaux –, mais, la principale leçon de ce rapport, c’est l’augmentation de 25 % de la prévalence des absences d’une semaine à trois mois. Certains y voient la traduction d’un esprit de revanche, notamment chez les agents de la fonction publique territoriale. La crédibilité de cette hypothèse me semble fragile et son impact éventuel limité.
Certains se félicitent de ce report des absences courtes vers les absences longues ; ce n’est pas mon cas. Cela facilite peut-être la réorganisation du travail, mais je ne suis pas en mesure de conclure qu’il s’agit d’une bonne nouvelle pour les finances publiques ou pour la santé des agents publics.
Au-delà de cette épineuse question, nous connaissons les réticences exprimées par les syndicats de la fonction publique sur le report du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations – le poétique PPCR (Sourires) – et la compensation prévue pour la hausse de la CSG, qui ne permettra pas une augmentation du pouvoir d’achat. Les collectivités territoriales attendent d’être pleinement rassurées sur la mise en place de cette compensation et ses effets sur leurs finances.
Enfin, on peut se féliciter de l’augmentation des crédits de formation et de l’effort consenti pour l’apprentissage.
Monsieur Dussopt, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous doutiez encore, vous aviez cru utile d’interroger le Gouvernement sur la compensation de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité pour les collectivités. Le niveau de compensation dépendra de la proportion d’agents bénéficiaires de la suppression de la CES qu’elles comptent dans leurs effectifs. Ainsi, la compensation pourra varier selon la répartition des effectifs entre les catégories A, B et C ; les collectivités ayant le plus d’agents relevant de la catégorie C seront nécessairement perdantes. Pouvez-vous nous garantir la neutralité de l’augmentation de la CSG pour les employeurs, maintenant que vous êtes « en marche » ?
Je profite également de votre nouvelle casquette, monsieur Dussopt, pour réinterroger le Gouvernement sur les salaires versés aux enseignants pour rémunérer les activités périscolaires, lesquels subiront, eux aussi, la hausse de la CSG. Comment sera-t-elle compensée ? De même, les contractuels bénéficieront-ils d’une baisse de leur taux de cotisation URSSAF, comme dans le privé, de manière à compenser cette hausse ?
Vous aurez compris que le groupe socialiste porte un avis pour le moins réservé sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et a choisi, par conséquent, de voter contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, au regard du peu de temps qui m’est imparti, je n’entamerai pas ici un débat sur les retraites. Si la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » nous donne l’occasion de débattre de la situation des personnels de l’État et des retraites de la fonction publique de l’État, elle nous donne également l’occasion d’évoquer – guère plus ! – les régimes spéciaux. Ceux-ci obéissent à des règles souvent très complexes, parfois avantageuses, dont les déséquilibres démographiques, voire financiers obligent à une intervention de l’État.
Nous savons tous que ces régimes sont issus de notre histoire. Ils sont antérieurs à la création de la sécurité sociale en 1945. Ils ont été créés pour compenser la pénibilité de certains métiers ou pour répondre à des motivations diverses, comme la nécessité de fidéliser un personnel qualifié ou la volonté de récompenser ceux qui exercent un métier vital pour la nation.
Nous sommes conscients que le statu quo n’est pas le meilleur moyen de relever les défis de demain. Si l’universalisation est bel et bien l’objectif, il sera nécessaire de poursuivre la réflexion sur les critères de pénibilité qui devront prendre en compte l’héritage des régimes spéciaux. À l’heure où le haut-commissaire à la réforme des retraites commence à rencontrer les partenaires sociaux, il nous paraît essentiel d’adopter un discours de vérité et de ne pas opposer les différents régimes entre eux. En effet, faire passer les cheminots pour des privilégiés est une gageure.
Les dernières déclarations du Gouvernement tendent à proposer une réforme étalée dans le temps afin de ne pas bouleverser les parcours de vie. Cette période de transition pourrait permettre une unification en douceur des régimes, le temps de faire converger les différents taux de cotisation.
Ces cotisations ne doivent pas être considérées comme un impôt ou des « charges » : elles constituent en réalité une épargne qui donne droit à un revenu, oserais-je dire, « universel », différé et garanti par l’État. Ce qui nous paraît essentiel, c’est d’assurer la justice et la pérennité de notre système de retraite dans son ensemble. Vous le savez, nous sommes très attachés au système par répartition. Il va sans dire que le groupe socialiste sera extrêmement vigilant sur cette question.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Action et transformation publiques », « Crédits non répartis » et du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ont fait l’objet de deux rapports spéciaux de la commission des finances par MM. Nougein et Carcenac, que je remercie de leurs observations.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les moyens de fonctionnement et d’investissement des ministères économiques et financiers. Les crédits qui y sont inscrits financent en particulier le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses de l’État ainsi que les activités douanières, les fonctions d’état-major, d’expertise, de conseil et de contrôle, mais aussi les politiques de formation des fonctionnaires, d’action sociale interministérielle et d’apprentissage. Avec presque 11 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018, les crédits de la mission sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
Qu’il me soit permis de commencer par les sujets relatifs à la fonction publique. Comme cela a été souligné, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » contribue de façon importante à la maîtrise des effectifs de la fonction publique de l’État, puisque les effectifs du ministère diminueront de 1 450 équivalents temps plein travaillé en 2018, ce qui représente un taux d’effort de plus de 1,1 %. J’appelle votre attention sur le fait que le ministère de l’action et des comptes publics, plus particulièrement la DGFiP, a beaucoup contribué à la réduction du nombre d’agents publics, grâce à un mouvement très important de numérisation, notamment pour le paiement en ligne. Il le fait sans sacrifier à ses missions essentielles, notamment grâce au redéploiement des moyens humains là où ceux-ci sont nécessaires. Je pense notamment au renforcement des effectifs de la Direction générale des douanes et droits indirects, en particulier dans le cadre du rétablissement des contrôles induits par le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Je souhaite à cet égard rassurer MM. les rapporteurs spéciaux et la Haute Assemblée sur la compatibilité de cette trajectoire des emplois avec les réformes fiscales importantes que conduisent les services du ministère. La réforme du prélèvement à la source est ainsi préparée depuis l’été 2015, en mode projet, avec une implication au plus haut niveau, et cette gouvernance est déclinée jusqu’aux niveaux les plus opérationnels.
La DGFiP se prépare à plusieurs niveaux. Au niveau juridique : tous les textes d’application ont été publiés. Au niveau informatique : le prélèvement à la source a été préparé dès l’été 2016. Au niveau de l’accompagnement du changement des agents : un correspondant « prélèvement à la source » a été nommé dans chaque direction à la fin de l’année 2016. Une campagne de formation a été engagée.
S’agissant d’autres réformes, comme l’impôt sur la fortune immobilière, la taxe d’habitation ou le prélèvement forfaitaire unique, la DGFIP a été associée en amont aux réflexions et aux travaux législatifs, ce qui a permis d’anticiper les travaux informatiques et organisationnels. Les éléments de calculs de l’IFI et du PFU pourront ainsi être déclarés en même temps que les revenus au printemps 2018 et seront pris en compte dans les avis de l’été 2018. La réforme de la taxe d’habitation sera prise en compte dans les avis qui seront transmis aux usagers à l’automne 2018.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’ont analysé en détail vos rapporteurs, la DGFiP et la direction des douanes et droits indirects ont conduit et continuent à mener une vaste restructuration de leur réseau territorial, visant à accompagner les mutations socioéconomiques et l’organisation politico-administrative et à s’assurer que les implantations locales du ministère ont bien la taille critique pour offrir le meilleur service aux usagers, aux entreprises et aux collectivités publiques.
Ces projets de restructuration reposent sur une concertation large avec l’ensemble des interlocuteurs concernés. La DGFiP a mené des concertations dès l’été dans chaque territoire, avec l’ensemble des élus concernés, avant que les décisions de fermeture de structures ne soient prises. Par ailleurs, la rationalisation du réseau et la réduction du nombre de structures sont systématiquement conçues en fonction de la carte intercommunale. La plupart des fermetures prévues pour 2018 s’effectueront ainsi en fonction du regroupement des EPCI.
Enfin, nous nous efforçons de trouver des solutions concrètes pour assurer toutes les transitions par des permanences aux moments clés pour l’accueil du public, notamment lors des campagnes d’impôt sur le revenu, mais aussi par des permanences régulières au sein des maisons de services au public.
À ceux d’entre vous qui évoquent un risque d’affaiblissement du contrôle fiscal, il faut rappeler que l’action de la DGFiP sur l’ensemble du territoire en matière de contrôle fiscal participe à l’égalité des citoyens devant l’impôt et est assurée indépendamment de l’implantation géographique des services. Par ailleurs, l’examen de comptabilité, qui constitue un nouvel outil au service du contrôle fiscal, n’a pas vocation à remplacer les contrôles sur place : il ouvre la voie à de nouvelles modalités de contrôles, à distance et plus rapides.
Enfin, le renforcement du rôle des directions du contrôle fiscal à périmètre interrégional dans le pilotage du contrôle fiscal répond à la nécessité de disposer d’une vision plus large des problématiques fiscales des entreprises, de mutualiser les compétences des agents et d’adapter les contrôles aux pratiques des contribuables.
La DGFiP s’est également dotée, en 2013, d’un service d’analyse de données pour améliorer la programmation des contrôles fiscaux, avec pour objectif d’être à l’origine d’environ 20 % des contrôles. Ce service est par ailleurs chargé de travaux visant les fraudes des particuliers dans le prolongement de l’avis de la CNIL du 20 juillet 2017.
Vous avez été nombreux à souligner les difficultés pour recruter des profils particuliers, comme des spécialistes en droit immobilier ou des data scientists. Ces difficultés sont réelles. Pour autant, des possibilités de recrutement spécifique pour les métiers en tension, en particulier dans le numérique, existent et ont été récemment rappelées par une circulaire du Premier ministre. Le niveau de la rémunération au regard des standards du marché peut constituer une difficulté. Néanmoins, l’administration doit être en mesure de développer d’autres facteurs d’attractivité, notamment au regard de l’intérêt des tâches confiées.
J’insiste sur le fait que, pour permettre l’ensemble de ces actions de modernisation et de réorganisation, les crédits de fonctionnement du ministère sont maintenus. Les crédits hors masse salariale s’élèvent ainsi à 2,175 milliards d’euros et progressent de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Les crédits d’investissement qui permettent de conduire les projets informatiques et numériques porteurs de simplification et de meilleurs services sont aussi en forte hausse, de l’ordre de 38 %.
En matière de transformation, les ministères économiques et financiers sont engagés depuis déjà de nombreuses années dans la dématérialisation des relations entre l’usager et l’administration. Chacun peut voir que l’administration fiscale en a fait des outils particulièrement performants, qui mériteraient d’être pris comme modèle dans beaucoup d’actions de l’État.
Voilà qui m’amène à la nouvelle mission intitulée « Action et transformation publiques », qui est composée de deux programmes, le programme 349 et le programme 348, et qui aura pour objet de transformer durablement l’action publique. En particulier, le fonds pour la transformation de l’action publique, doté de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2018, modifiera la façon d’envisager les réformes structurelles. L’objectif est d’investir aujourd’hui pour économiser demain.
Ces projets devront donc permettre un retour sur investissement en termes d’économies pérennes de fonctionnement et d’usage des investissements. Ce fonds, non pérenne, financera donc, sur la base d’appels à projet, des réformes générant des économies pérennes, mais justifiant un surcoût d’investissement transitoire. Les projets sélectionnés pourront notamment être issus du programme de réforme engagé par le Gouvernement, Action publique 2022. Les travaux du Comité Action publique 2022 permettront non seulement d’identifier des réformes structurelles, mais aussi de réaliser des économies significatives et durables sur l’ensemble du champ des administrations publiques. Ils déboucheront sur la mise en œuvre opérationnelle des plans de transformation à partir de 2018.
Action publique 2022 pourra compter également sur la professionnalisation de la politique immobilière de l’État, mission confiée au ministère de l’action et des comptes publics, qui mobilise les moyens financiers du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », doté de 582 millions d’euros, soit une hausse de 11 %. Ce compte d’affectation spéciale permet d’affecter les produits de cessions de biens immobiliers et, depuis 2017, certaines redevances de nature immobilière pour contribuer au financement de la politique immobilière de l’État. Avec la proposition de création du programme 348, dédié à la rénovation des cités administratives et doté de 1 milliard d’euros pour la durée du quinquennat, le Gouvernement marque sa volonté d’augmenter encore plus la dépense immobilière consacrée à l’investissement et la responsabilité de la direction de l’immobilier de l’État, en lui confiant la qualité de responsable de ce programme.
Je relève avec satisfaction que vous avez bien voulu souligner les progrès dans la politique immobilière de l’État avec la création de la direction de l’immobilier de l’État, la réforme de la gouvernance matérialisée par la création de la CNIP, la meilleure intégration des outils budgétaires. Je tiens également à vous rassurer sur l’inachèvement de la réforme. La charte de gestion a été diffusée l’été dernier, la circulaire sur la politique immobilière de l’État est en cours d’examen, le devenir des loyers budgétaires a été débattu et continue à faire l’objet de travaux, le dispositif de suivi de la performance est sans cesse amélioré.
Je souhaite évoquer maintenant les crédits que l’État consacrera aux pensions de retraite.
La commission des finances du Sénat a confié à Mme Sylvie Vermeillet, que je remercie de ses observations, un rapport spécial sur les régimes sociaux et de retraite.
L’État prend en charge les 55 milliards d’euros que le régime de retraite des fonctionnaires de l’État versera en 2018 à ses deux millions de retraités. Il versera en outre 6,3 milliards d’euros de subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite. L’État finance ainsi 20 % des dépenses du système de retraite français, ce qu’il faut souligner.
La démarche de transparence du ministère de l’action et des comptes publics vis-à-vis des représentants de la nation se traduit en outre par une documentation plus riche pour les différents régimes de retraite.
Sans pouvoir être exhaustif, compte tenu du temps qui m’est imparti, je conclurai en évoquant la mission « Crédits non répartis » pour vous confirmer, mesdames, messieurs les rapporteurs, que la provision qui avait été inscrite au titre des rémunérations a été répartie, lors de l’examen à l’Assemblée nationale, sur les titres 2 des différentes missions budgétaires, afin de permettre l’instauration d’une prime de compensation de la hausse de la CSG.
Cette compensation prendra plusieurs formes : la suppression de la CES pour les agents publics qui y sont assujettis et la provision de 290,5 millions d’euros inscrite dans ce projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, qu’il vous est demandé de bien vouloir confirmer pour permettre le versement d’une prime de compensation. En outre, depuis le 30 novembre dernier, le Conseil national d’évaluation des normes a été saisi d’un décret permettant l’abaissement de la cotisation employeur maladie de 11,5 % à 9,9 %. Ainsi, d’un point de vue macroéconomique, l’intégralité des coûts liés à la hausse de la CSG seront compensés et les employeurs seront en mesure de la compenser pour chacun des agents.
En écho aux propos de M. Durain et pour répondre à sa question sur les doutes qui peuvent habiter les uns ou les autres, je souligne que, dans un passé récent, alors même que nous partagions systématiquement les mêmes votes, nous aurions été l’un et l’autre très heureux de voir les coûts salariaux des employeurs territoriaux, notamment pour la mise en œuvre des activités périscolaires, être compensés de la même sorte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jérôme Durain applaudit ironiquement.)
gestion des finances publiques et des ressources humaines
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines |
10 910 971 752 |
10 876 963 595 |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
8 125 483 138 |
8 067 953 138 |
Dont titre 2 |
6 951 717 897 |
6 951 717 897 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
984 978 737 |
1 003 581 499 |
Dont titre 2 |
500 829 682 |
500 829 682 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
1 561 893 433 |
1 566 812 514 |
Dont titre 2 |
1 226 067 948 |
1 226 067 948 |
Fonction publique |
238 616 444 |
238 616 444 |
Dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
M. le président. L’amendement n° II-233, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local dont titre 2 |
|
216 000 000 216 000 000 |
|
216 000 000 216 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
|
|
|
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
216 000 000 |
|
216 000 000 |
SOLDE |
-216 000 000 |
-216 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement annuel sur les jours de carence, généralement défendu par le rapporteur général de la commission des finances.
L’article 48 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit la réinstauration d’un jour de carence dans la fonction publique. Cet amendement vise à porter ce délai à trois jours, par mesure d’équité et d’égalité avec les salariés du secteur privé, qui sont soumis à ce même délai, et de tirer les conséquences de la modification proposée par le Sénat à l’article 48.
L’économie liée à la réinstauration d’un jour de carence s’élèverait pour la seule fonction publique de l’État à 108 millions d’euros et à 270 millions d’euros pour l’ensemble des administrations publiques. Porter ce délai à trois jours se traduira donc, par hypothèse, par une économie supplémentaire de l’ordre de 216 millions d’euros.
Cette réduction est imputée sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dans un souci de clarté des débats parlementaires et de lisibilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur la proposition de porter de un à trois le nombre de jours de carence en cas d’arrêt maladie ordinaire pour les agents de la fonction publique. Le rétablissement du jour de carence dans le projet de loi de finances pour 2018 a été adopté par l’Assemblée nationale et proposé au vote de la Haute Assemblée. Nous notons que, à l’exception du groupe communiste républicain citoyen et écologiste du Sénat et du groupe La France insoumise de l’Assemblée nationale, aucun groupe parlementaire n’a proposé de revenir sur la disposition proposée par le Gouvernement.
Nous considérons que le rétablissement d’une journée de carence est suffisant. En outre, la comparaison avec la situation des salariés du secteur privé souffre d’un défaut qui tient au fait que, si l’indemnisation par la sécurité sociale ne prend effet qu’au quatrième jour d’arrêt maladie, certains employeurs complètent ce dispositif, la plupart du temps dans le cadre de conventions collectives, et limitent la portée du délai de carence.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite rétablir le jour de carence, comme cela a été inscrit dans le projet de loi de finances, sans aller au-delà.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez présenté cet amendement comme étant un amendement classique porté chaque année par le rapporteur général. On a connu soutien plus consistant !
Cela étant, vous avez raison, vous êtes chargé ce soir de défendre un vieux marronnier de la majorité sénatoriale, qu’il convient de traiter comme tel. Je pense qu’il s’agit d’une simple provocation et que, sur le fond, cet amendement ne mérite pas un ample développement. Ce qui serait bien, c’est qu’on évitât de présenter ce type d’amendement chaque année. Certes, nous y avons échappé l’année dernière, mais c’est parce que nous n’avons pas examiné la deuxième partie du PLF. Ce fut donc une année de repos. Alors que nous voyons revenir aujourd’hui deux vieux marronniers, faisons en sorte que ce soit la dernière fois !
Mme Sophie Primas. Absolument ! Votez l’amendement, et on n’en parlera plus !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. La fonction publique est marquée par des années de révision générale des politiques publiques, de transferts de charges et d’effectifs, de gel du point d’indice, de blocage des promotions et de précarisation des personnels. Notre collègue du groupe Les Républicains nous propose de réduire encore les budgets en faisant porter à nouveau l’effort sur les fonctionnaires.
Le dépôt de l’amendement n° II-233 s’appuie sur le fait que porter de un à trois le nombre de jours de carence des fonctionnaires permettrait de réaliser 216 millions d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses de personnels de l’État et d’aligner cette durée sur celle des salariés du privé. Notre collègue omet toutefois de rappeler que les trois jours de carence des salariés du privé sont, pour les deux tiers d’entre eux, pris en charge par les entreprises.
L’amendement n° II-232 s’inscrit dans la même logique. Il repose sur l’idée selon laquelle les fonctionnaires ne travailleraient pas autant que les salariés du privé et qu’il conviendrait de porter leur temps de travail effectif de 35 heures à 37,30 heures, ce qui permettrait de réaliser une économie de 2,2 milliards d’euros.
Ce que veut notre collègue, c’est non seulement que le traitement des fonctionnaires ne connaisse aucune progression, alors que le point d’indice est gelé depuis pratiquement 2010, mais également qu’ils se voient imposer deux jours de carence et deux heures trente de travail hebdomadaire supplémentaires non rémunérées. Fonctionnaires, travaillez plus et gagnez moins ! Telle est la philosophie de ces amendements. Nous voterons contre !
Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec le Gouvernement. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je dirai à notre éminent collègue Claude Raynal que le meilleur moyen de ne plus voir refleurir ce marronnier est d’adopter l’amendement !
Après ce trait aimable à destination de Claude Raynal, je tiens à dire qu’il ne s’agit pas de caricaturer la fonction publique, car nous ne considérons pas que les fonctionnaires ne travaillent pas assez. Ceux qui ont géré une collectivité reconnaissent tous la capacité et le sens aigu du service public des fonctionnaires.
En revanche, il n’est pas tout à fait vrai que l’ensemble des entreprises privées compensent les jours de carence. Par équité, je suis donc assez favorable à cet amendement, qui n’est pas une marque de mépris ou de discrimination vis-à-vis des fonctionnaires.
Cela étant, je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez décidé de marcher doucement.
Je n’exprimais là qu’un avis personnel…
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. On peut certes considérer ce sujet comme un marronnier. Pour autant, il me semble légitime de réinstaurer un jour de carence. Nous n’avons jamais compris pourquoi Mme Lebranchu avait absolument voulu le supprimer alors que la preuve avait été faite de son intérêt. Des études ont en effet clairement démontré que l’absentéisme dans l’ensemble de la fonction publique avait significativement diminué lorsqu’un jour de carence avait été instauré. Pour des raisons d’équité, comme vient de le dire Françoise Gatel, il serait donc anormal de ne pas le réinstaurer.
On ne peut pas gérer les ressources humaines dans la fonction publique sans outil. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je souhaite non pas rassurer Mme Gatel sur le rythme de ma marche, mais apporter une précision en réponse aux propos de Mme Cohen.
Vous avez eu raison de rappeler, madame la sénatrice, que le point d’indice avait été gelé de 2010 à 2016 et qu’il avait fait l’objet d’un dégel de deux fois 0,6 point en 2016, avec une application en 2017.
La reconduction du gel du point d’indice pendant les six années que j’ai évoquées – ce sera également le cas en 2018 – ne s’est pas nécessairement traduite par une stagnation totale de la rémunération des fonctionnaires. En effet, en 2017, compte tenu du décalage de six mois des deux légères revalorisations du point d’indice, de l’application d’un certain nombre de mesures catégorielles et de la mise en œuvre des premiers éléments du PPCR pour les années 2016 et 2017, la rémunération mensuelle moyenne des agents publics a augmenté de 4 %, soit un niveau d’évolution largement supérieur à l’intégralité des dix ou quinze années précédentes. Il y a donc eu une progression du pouvoir d’achat des fonctionnaires, même si chacun peut évidemment regretter qu’elle n’ait pas été plus forte.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-233.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 203 |
Contre | 133 |
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° II-232, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local dont titre 2 |
|
2 200 000 000 2 200 000 000 |
|
2 200 000 000 2 200 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
|
|
|
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
2 200 000 000 |
|
2 200 000 000 |
SOLDE |
-2 200 000 000 |
-2 200 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Selon l’enquête « emploi » de l’INSEE, la durée habituelle de travail des salariés du secteur privé serait proche de 37,5 heures par semaine.
Dans son enquête sur la masse salariale de l’État réalisée en 2015, la Cour des comptes estimait qu’une augmentation de 1 % du temps de travail dans la fonction publique se traduirait par une économie de 700 millions d’euros pour l’ensemble de la fonction publique, soit 5,4 millions d’agents.
L’alignement de la durée du travail dans le secteur public sur le temps de travail habituel dans le secteur privé permettrait par conséquent de réaliser un gain de 5 milliards d’euros. Rapportée à la seule fonction publique de l’État, c’est-à-dire à 2,4 millions d’agents, cette économie s’élèverait à 2,2 milliards d’euros.
Tel est l’objet de cet amendement, qui a vocation, s’il était adopté, à s’appliquer à l’ensemble de la fonction publique de l’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. M. le rapporteur spécial me le pardonnera, mais j’émets une nouvelle fois un avis défavorable.
D’un point de vue formel, cet amendement vise à faire porter au seul programme 156, soit à la DGFiP, une économie d’un montant considérable, calculée pour l’ensemble du périmètre de l’État. S’il était adopté, la masse salariale de la Direction générale des finances publiques serait alors amputée de 32 %, ce qui entraînerait un risque évident d’insoutenabilité de la mesure.
Vous indiquez dans l’objet de votre amendement que les économies correspondantes devront être réparties sur l’ensemble des missions du budget général. C’est malheureusement méconnaître le fait que la répartition des crédits votés par le Parlement dans chaque programme ne peut être modifiée qu’à la marge et dans des conditions précises, encadrées par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, notamment par son article 12.
Sur le fond, nous ne souscrivons pas à votre analyse. Dans un rapport de 2015, qui s’appuie sur les chiffres de l’enquête « emploi » de 2012, la Cour des comptes révèle que la durée hebdomadaire de travail dans la fonction publique de l’État est légèrement supérieure à celle du secteur privé.
Les économies que vous proposez supposent plusieurs dizaines de milliers de suppressions de postes supplémentaires et feraient peser par ailleurs un risque de rupture de la continuité du service public au sein des administrations de l’État.
Je l’ai indiqué précédemment en réponse à un certain nombre d’interrogations, nous avons lancé le programme Action publique 2022. Dans ce cadre, nous avons mis en place un comité d’experts, chargé de cinq chantiers transversaux portés par différents ministères, treize forums de l’action publique et un comité de suivi associant les organisations syndicales. L’objectif est de proposer des pistes de réforme et de modernisation de nos administrations afin d’offrir la même qualité de service tout en interrogeant le niveau des effectifs.
La suppression massive et, pardonnez-moi de le dire ainsi, brutale de milliers de postes à laquelle aboutirait l’amendement que vous proposez s’il était adopté n’est pas compatible avec cette méthode de concertation préalable.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je ne vais pas reprendre le même qualificatif pour dire que c’est un amendement que nous avons déjà examiné les années passées… Je vais parler du fond.
M. le secrétaire d’État l’a dit, il faut être extrêmement prudent sur la question du temps de travail. Nous sommes tous ici d’anciens responsables de collectivité territoriale – je sais bien que l’amendement s’appliquerait à la fonction publique de l’État et non à la fonction publique territoriale, mas on peut faire un parallèle. Nous savons donc que la question du temps de travail n’est jamais posée en ces termes. Nous avons tous en tête des agents de la fonction publique territoriale effectuant très largement plus que leurs horaires sur le papier. Lorsque survient un pépin dans une commune, comme une inondation, on appelle, et tout le monde arrive, sans jamais réclamer le paiement d’heures supplémentaires. En tout cas, pour ma part, je ne l’ai jamais vu.
Je trouve qu’il est très maladroit de réduire cette question à des chiffres, à des principes, qui ne sont pas toujours vrais d’ailleurs. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que, si on gère mal sa fonction publique, si le management n’est pas un peu positif, si on n’est pas capable de travailler en commun avec les agents, cela peut donner lieu à des positions de retrait et de recul sur le strict minimum.
C’est à nous tous finalement qu’il appartient de mettre en œuvre des conditions de travail positives qui rendent les agents heureux d’exercer dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique de l’État. Nous devrions nous investir dans ces sujets au lieu de nous en tenir à des visions comptables, qui n’ont pas leur place dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre collègue Claude Raynal a fort bien exprimé ce que je voulais dire.
Le rapporteur spécial a présenté cet amendement, comme le précédent, d’une manière très désincarnée. Il ne se fonde que sur une gestion comptable, laquelle ne correspond pas à la réalité des conditions de travail.
Je voudrais apporter une précision. Lorsque j’ai dit que nous étions d’accord avec le Gouvernement, c’était pour refuser de porter de un à trois le nombre de jours de carence. Il est bien évident que nous n’avons pas changé de position : nous sommes absolument opposés au jour de carence, qu’il y en ait un, deux, trois ou plus. Tous mes collègues ayant été très attentifs à mes propos, je tenais à préciser les choses afin de lever toute ambiguïté à cette heure tardive.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je sollicite une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.
M. le président. Cinq minutes maximum, ma chère collègue, car l’heure est déjà bien avancée, et il nous reste encore une mission à examiner.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Merci, monsieur le président !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’amendement n° II-232.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° II-231, présenté par M. Carcenac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local dont titre 2 |
700 000 |
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
1 400 000 1 400 000 |
|
1 400 000 1 400 000 |
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
700 000 |
|
700 000 |
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. La révolution numérique touche bien évidemment les administrations de réseau que sont la DGFiP et la Direction générale des douanes et droits indirects. Il est essentiel de leur permettre de recruter, en tant que contractuels, une vingtaine de data scientists et de data analysts disposant d’un haut niveau de compétences en matière d’analyse et d’exploitation de données de masse.
Ces compétences sont aujourd’hui devenues cruciales. Le recours à des algorithmes prédictifs permettrait un meilleur ciblage des risques, une meilleure identification des enjeux et, in fine, un meilleur service public, notamment dans la lutte contre la fraude fiscale, comme l’ont démontré les « Panama papers » et les « Paradise papers ». Or l’administration éprouve des difficultés à recruter et à fidéliser ces profils atypiques. Cet amendement d’appel vise à permettre le recrutement de ce type de personnel grâce à un transfert de 1,4 million d’euros. La question des rémunérations est essentielle, compte tenu du niveau de rémunération dans le secteur privé.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé que la circulaire du Premier ministre ouvrait des possibilités de recrutement. Or, dans les faits, il ne se passe rien. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie M. le rapporteur spécial de cet amendement d’appel. Il traite, d’une part, de l’impact des nouvelles technologies sur les métiers du contrôle, notamment au sein de la DGFiP et de la DGDDI, et, d’autre part, de l’attractivité des métiers du numérique au sein de l’État et de la capacité de l’État à recruter des profils à haut niveau de compétences. J’ai effectivement indiqué qu’une circulaire permettait un certain nombre d’ajustements et que l’État avait d’ailleurs recruté une vingtaine de data scientists.
En ce qui concerne l’exploitation des données de masse, la DGFiP et la DGDDI sont déjà pleinement engagées dans une démarche visant à renforcer, au moyen d’outils numériques performants, la pertinence et l’efficacité du ciblage des contrôles
La DGFiP s’est dotée en 2013 d’un service d’analyse de données pour améliorer la programmation des contrôles fiscaux. Ce service, chargé initialement d’expérimenter de nouvelles techniques et méthodes d’analyse, devra, à partir de 2018, s’intégrer de façon tout à fait opérationnelle dans la programmation du contrôle fiscal des professionnels, avec pour objectif d’être à l’origine d’environ 20 % des contrôles. Il est chargé, par ailleurs, de travaux visant les fraudes des particuliers dans le prolongement de l’avis de la CNIL du 20 juillet 2017, que j’ai évoqué tout à l’heure.
Cette montée en puissance du service nécessite encore certains investissements humains et matériels, dont la rénovation de l’intégralité de l’architecture informatique sur laquelle sont réalisées les analyses, un travail d’appropriation et de développement informatique des travaux de programmation réalisés actuellement dans les services déconcentrés et l’acquisition éventuelle de logiciels d’analyse de données textuelles ou de robots d’intelligence artificielle pour exploiter des données plus massives d’origines diverses, notamment des données extraites d’internet.
En ce qui concerne la DGDDI, l’arrêté du 29 février 2016 crée le service à compétence nationale dénommé service d’analyse de risque et de ciblage, qui est chargé de la production des analyses de risques et des études à vocation opérationnelle en matière de dédouanement et de fiscalité. Il développe notamment des techniques de data mining afin de repérer les schémas de fraude atypiques.
La DGFiP et la DGDDI se sont donc déjà dotées de moyens technologiques, budgétaires et humains destinés à renforcer la pertinence et l’efficacité de leurs contrôles. Des investissements tant humains que matériels doivent encore être réalisés en 2018. Il n’apparaît cependant pas pertinent de les effectuer au détriment de la masse salariale du programme 218, dont certains services, tels que TRACFIN, luttent également contre la fraude fiscale.
Par ailleurs, j’ajoute que, dans le Grand Plan d’investissement, 300 millions d’euros par an ont été fléchés vers la formation afin de former les agents publics à l’exercice de nouveaux métiers, de développer les compétences et d’accompagner les transformations. Les directions de l’État souhaitent aussi se doter de moyens humains capables de répondre à vos préoccupations.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous suggère, monsieur le rapporteur spécial, de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-231 est-il maintenu ?
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Je l’ai dit, il s’agissait d’un amendement d’appel. Vous l’avez vous-même noté, monsieur le secrétaire d’État, il existe une difficulté à recruter, même si vous avez rappelé que certains personnels ont pu être embauchés. Mais, compte tenu des écarts de rémunération avec le privé, ces personnels ne restent pas forcément, ce qui entraîne de très grosses difficultés dans les services, comme l’ont indiqué les directeurs généraux ainsi que le directeur de la DINSIC, que nous avons auditionnés M. Nougein et moi-même.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie de la réponse que vous nous avez apportée. Comme je vais revenir sur ce sujet avec l’amendement suivant, je retire le présent amendement.
M. le président. L’amendement n° II-231 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 55 ter ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 55 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Article 55 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les enjeux relatifs à la préparation du rétablissement d’une frontière douanière avec le Royaume-Uni dans la perspective de la sortie de ce pays de l’Union européenne, les conséquences sur l’organisation des administrations compétentes et les moyens supplémentaires nécessaires, le cas échéant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 55 ter.
(L’article 55 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 55 ter
M. le président. L’amendement n° II-230 rectifié, présenté par M. Carcenac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 55 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité de créer un indicateur de performance de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » rendant compte de l’attractivité de la filière des métiers du numérique et des systèmes d’information et de communication au sein de l’État. Il formule, en outre, des propositions pour faciliter le recrutement et la fidélisation de compétences rares et recherchées. Il fournit également des éléments de comparaison avec les conditions de recrutement et de fidélisation offertes par le secteur privé et par d’autres États, notamment en matière de rémunération, de conditions de travail et d’évolution des carrières.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de mes propos précédents concernant les difficultés à recruter. Il vise à proposer que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer un indicateur de performance de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » rendant compte de l’attractivité de la filière des métiers du numérique et des systèmes d’information et de la communication au sein de l’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, placée sous l’autorité du Premier ministre et qui pilote avec la Direction générale de l’administration et de la fonction publique le plan d’action permettant d’attirer, de recruter et de fidéliser les compétences rares nécessaires à la transformation numérique de l’action publique, ainsi que le rappelle la circulaire du Premier ministre du 21 mars 2017, travaille à améliorer les conditions de l’attractivité de la filière des métiers du numérique au sein de l’État.
De nombreux groupes de travail ont été créés pour se pencher sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, sur les rémunérations, le recrutement et la mobilité, ainsi que sur les formations dans les métiers du numérique au sein des services de l’État. Ils devraient rendre leurs conclusions au cours de l’année 2018. Aussi nous semble-t-il prématuré de lancer une mission sur ce thème : nous préférons consacrer les efforts des services à l’aboutissement de ces travaux, qui déboucheront très prochainement.
Nous ne sommes pas opposés à la publication ou à la production d’un rapport sur la question de l’attractivité. Nous considérons néanmoins qu’il serait plus efficace d’établir ensemble un bilan à l’issue des groupes de travail.
Si vous me le permettez, je suggérerais plutôt que, en lieu et place de rapports gouvernementaux, les parlementaires se saisissent de leurs prérogatives dans le cadre de leur fonction de contrôle, par exemple en créant une mission d’information.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55 ter.
crédits non répartis
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Crédits non répartis |
424 000 000 |
124 000 000 |
Provision relative aux rémunérations publiques |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
424 000 000 |
124 000 000 |
M. le président. Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
action et transformation publiques
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Action et transformation publiques |
220 000 000 |
20 000 000 |
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants |
20 000 000 |
20 000 000 |
Fonds pour la transformation de l’action publique |
200 000 000 |
0 |
M. le président. Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
524 630 641 |
581 700 000 |
Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État |
0 |
0 |
Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État |
524 630 641 |
581 700 000 |
M. le président. Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
régimes sociaux et de retraite
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Régimes sociaux et de retraite |
6 332 220 443 |
6 332 220 443 |
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres |
4 119 817 163 |
4 119 817 163 |
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins |
824 315 764 |
824 315 764 |
Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers |
1 388 087 516 |
1 388 087 516 |
M. le président. Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : pensions
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pensions |
58 411 028 000 |
58 411 028 000 |
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité |
54 626 800 000 |
54 626 800 000 |
Dont titre 2 |
54 624 350 000 |
54 624 350 000 |
Ouvriers des établissements industriels de l’État |
1 921 568 000 |
1 921 568 000 |
Dont titre 2 |
1 913 414 000 |
1 913 414 000 |
Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions |
1 862 660 000 |
1 862 660 000 |
Dont titre 2 |
16 000 000 |
16 000 000 |
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur le président, vous avez indiqué voilà un instant que d’autres missions budgétaires devaient être examinées par votre assemblée. Afin de permettre à ma collègue secrétaire d’État, Mme Gény-Stephann, qui est actuellement à l’Assemblée nationale, de pouvoir vous rejoindre et que je puisse la remplacer à l’Assemblée nationale, je sollicite, au nom du Gouvernement, une suspension de séance de quinze minutes. (Protestations sur de nombreuses travées.)
Mme Laurence Cohen. Oh !
Mme Nathalie Goulet. Non !
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas sérieux !
M. Jackie Pierre. Vraiment pas !
M. Daniel Gremillet. Ah ça, non !
M. le président. Nous n’apprécions pas cette méthode, surtout à cette heure tardive, monsieur le secrétaire d’État. Si j’ai bien compris, le Sénat passe après l’Assemblée nationale…
Mes chers collègues, je vais donc suspendre la séance pour quinze minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à minuit.)
Mme Sophie Primas. Compte tenu de l’heure tardive, je tiens à faire un rappel au règlement.
M. Dussopt est parti précipitamment à l’Assemblée nationale pour vous remplacer, madame la secrétaire d’État. N’y voyez pas une attaque personnelle, mais, dans la mesure où quatre ministres s’occupent de cette mission et où il existe un secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, ce qui vient de se passer est inadmissible : cela fait une demi-heure que nous attendons dans l’hémicycle pour parler de la dette de la France, qui n’est pas le plus petit sujet de ce projet de loi de finances !
Nous sommes très remontés face à cet incident de séance. (Applaudissements.)
Mme Françoise Gatel. Je m’associe aux propos de notre collègue Sophie Primas.
Madame la secrétaire d’État, nous sommes heureux de vous accueillir au Sénat, malgré l’heure tardive. Ne prenez pas mes propos comme une attaque personnelle, car vous n’y êtes pour rien, mais je tiens à dire que le Sénat mérite du respect, de la considération – et la dette de la France encore plus ! Nous ne pouvons que regretter le fait que les sénateurs et, partant, la dette de la France aient été abandonnés pendant une demi-heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chères collègues.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Engagements financiers de l’État
Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce
Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État
Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux
Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Investissements d’avenir
Remboursements et dégrèvements
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » (et articles 55 et 55 bis), des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », « Participations financières de l’État » (et articles 68 et 69), des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux », et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que des missions « Investissements d’avenir » et « Remboursements et dégrèvements ».
La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de l’État ». Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » recouvre essentiellement les crédits alloués au paiement de la charge de la dette, qui représente plus de 99 % des crédits dont je suis rapporteur.
Je voudrais d’emblée saluer la démarche de nos collègues députées, Bénédicte Peyrol et Dominique David, qui m’ont associée à leurs travaux à l’Assemblée nationale, ce qui est assez inédit et plutôt agréable.
En 2017, les pays de l’OCDE ont emprunté 9 200 milliards de dollars. La faiblesse des taux d’intérêt a conduit, une fois de plus, à ce que la charge de la dette diminue, alors même que notre endettement continue à progresser. Cette situation faussement rassurante ne doit pas nous leurrer : la hausse des taux d’intérêt est inéluctable, et il faut s’y préparer. D’après l’Agence France Trésor, une hausse de 1 point des taux d’intérêt en 2018 nous coûterait 14 milliards d’euros en 2024, ce qui serait absolument insoutenable pour nos finances publiques.
Cette hausse a déjà commencé. En 2017, pour la première fois depuis six ans, nous devons rouvrir des crédits en cours d’année pour payer la charge de la dette. Notre situation est d’autant plus préoccupante que notre niveau d’endettement est très élevé et que le programme de financement des années à venir est particulièrement lourd.
Par ailleurs, le montant à amortir concernant les dettes à moyen et long terme – vous avez bien fait de rester, mes chers collègues, car vous allez pouvoir compter les zéros – passerait de 127,6 milliards d’euros à 140,3 milliards d’euros entre 2017 et 2018, soit une hausse de 10 %.
Les amortissements progressent en raison de l’arrivée à échéance des volumes de dettes importants émis lors de la crise économique des années 2000. Il s’agit d’un point de tension supplémentaire sur le programme de financement de l’État.
Le niveau de la dette publique française est un problème évident pour la France. C’est aussi un problème pour l’Europe, puisque nous ne respectons pas les critères de Maastricht. Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, que cette mission mériterait mieux que dix minutes bâclées à minuit dans cet hémicycle.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Bref, au rythme annoncé de désendettement, il faudra quarante ans pour rattraper l’Allemagne.
Je donnerai plusieurs pistes d’amélioration, parce que, personne n’en parle, mais il va bien falloir un jour diminuer cette dette et la rembourser.
Première piste : un ou plusieurs fonds sectoriels abondés par les États membres, qui refinanceraient certaines dettes de façon mutualisée, par exemple pour la dette de la défense ; c’est une idée que défend Thierry Breton.
Deuxième piste : la création d’emprunts mutualisés de la zone euro, mais nos amis allemands n’y sont pas tellement favorables.
Troisième piste : la participation du mécanisme européen de stabilité au paiement des intérêts des dettes des États les plus fortement endettés en contrepartie d’un engagement durable et crédible dans un processus de redressement de leurs finances publiques.
De toute façon, il vaut mieux devoir que ne pas pouvoir rendre. Pour l’instant, on promet sans pouvoir tenir.
Toutes ces règles conduisent à renforcer l’interdépendance entre les émetteurs de la dette souveraine et les banques. Il faut donc réfléchir aux évolutions possibles.
Je vois qu’il me reste peu de temps pour parler de ce sujet technique aux enjeux colossaux. Cependant, même si nous sommes tous fatigués et que vous venez d’arriver, madame la secrétaire d’État, je vais vous soumettre quelques questions auxquelles j’aimerais que vous répondiez dans le cadre de votre intervention, parce que, encore une fois, nous discutons de 1 750 milliards d’euros, c’est-à-dire du budget le plus important de l’État, et nous le traitons vraiment par-dessus la jambe !
Pourquoi la mission ne pourrait-elle pas faire l’objet de plafonds limitatifs et non évaluatifs ? Que pensez-vous des mesures de désendettement qui pourraient être mises en œuvre au niveau européen ? Concernant le traitement prudentiel de la dette souveraine, car il va aussi falloir prendre des garanties, quelles sont les pistes qui devraient être privilégiées ?
J’ajouterai que nous avons auditionné longuement les agences de notations : l’ensemble de nos politiques publiques et des promesses que nous faisons, notamment en matière d’emplois, sont scrutées, de telle sorte que les promesses non tenues pénalisent notre pays.
En conclusion, j’indique que la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et des comptes spéciaux qui y sont associés. Cela étant, je souhaiterais que, dans le cadre de l’organisation de nos travaux l’année prochaine, nous disposions d’un peu plus de temps pour débattre de façon éclairée et moins soporifique de ce poste budgétaire extrêmement important. (Applaudissements sur les travées du groupe Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis assez inédit sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » : elle a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat. Nous comptons en effet sur le Gouvernement pour nous éclairer.
Les participations de l’État, les titres possédés dans diverses entreprises, s’élèvent à 140 milliards d’euros, dont 100 milliards d’euros pour l’APE, l’Agence des participations de l’État, 15 milliards d’euros pour la BPI et le reste, 25 milliards d’euros, pour la CDC. Vous le savez, ce compte doit être présenté à l’équilibre – c’est le cas depuis de longues années, sauf l’an dernier –, d’où une programmation conventionnelle de 5 milliards d’euros. Le solde annuel cumulé ne peut en aucun cas être déficitaire.
L’exercice qui nous est demandé peut s’apparenter à un exercice de style : on nous demande de donner une autorisation – c’est le rôle du Parlement –, mais, ensuite, le Gouvernement fait ce qu’il veut, de façon totalement discrétionnaire et libéré des contraintes de la loi organique. Il nous faut, nous, parlementaires, attendre la loi de règlement, qui intervient six mois après l’adoption de la loi de finances initiale, pour voir ce que l’État a fait de l’autorisation qui lui a été accordée. En fait, et c’est pourquoi nous avons décidé à l’unanimité de nous en remettre à la sagesse de notre assemblée, c’est un véritable blanc-seing qui est délivré au Gouvernement. À bien y regarder, il a peu de contraintes.
En janvier 2014, le gouvernement de l’époque s’était assigné une doctrine d’intervention, une philosophie de l’État stratège. Depuis lors, la situation a beaucoup évolué. On a l’impression que la doctrine a disparu. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé avec STX et Alstom, où nous avons eu affaire à deux philosophies différentes, voire contradictoires. Nous aimerions bien comprendre.
Par ailleurs, l’État nous a indiqué très clairement dans les documents que nous avons tous reçus qu’il fallait financer l’innovation. Celle-ci est déjà financée par le programme 192, par la BPI, la CDC et que sais-je encore. Bref, il y a un foisonnement de programmes et d’actions pour financer l’innovation dite « de rupture ». Apparemment, ce n’est pas suffisant. Un fonds de 10 milliards d’euros sera donc créé. Cette somme serait placée et devrait rapporter 200 millions à 300 millions d’euros d’intérêt.
Entre le moment où la commission des finances a émis son avis et maintenant, ce fonds a évolué. Ce n’est plus seulement un fonds pour l’innovation, c’est aussi un fonds pour l’industrie, et donc pour la politique d’intervention de l’État et de gestion de son patrimoine. Cela appellerait quelques précisions.
Le Premier ministre a bien voulu nous apporter quelques éclairages le 20 novembre dernier, lors d’un discours prononcé au Conseil national de l’industrie, en disant que tout est stratégique, même le yaourt. Dès lors qu’il porte le label France, l’État interviendrait.
On a l’impression que, depuis la doctrine d’intervention définie en janvier 2014, selon laquelle l’État devait se recentrer sur ses fonctions régaliennes, comme la défense ou la sécurité, on est maintenant passé – pourquoi pas ? – aux produits de l’agroalimentaire. Nous aimerions donc obtenir du Gouvernement quelques lumières au sujet de ce fonds pour l’industrie et l’innovation.
Nous souhaiterions également que le Gouvernement nous explique comment il compte parvenir à obtenir ces 10 milliards d’euros pour pouvoir dégager 200 millions d’euros en 2018. Désormais, ce sera non plus 10 milliards d’euros, mais 2 milliards d’euros immédiatement, puis 8 milliards d’euros qui vont être cédés ou prêtés, mais ce n’est pas dit…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Je vais conclure.
On aimerait aussi comprendre, compte tenu de quelques étrangetés que nous aimerions voir éclaircies ce soir, pourquoi ne pas modifier la loi organique, qui veut que les dividendes payés en numéraire alimentent le budget général et que les dividendes payés en titre soient gérés par l’APE ? Nous comptons sur le Gouvernement pour nous éclairer et permettre à notre assemblée de statuer. (M. Martial Bourquin applaudit.)
M. le président. Je demande à chacun de respecter son temps de parole pour éviter que notre séance ne déborde.
La parole est à Mme la rapporteur spécial. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Investissements d’avenir ». Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt : il semble donc normal que le Sénat parle des investissements d’avenir à une heure des plus matinales !
Mme Françoise Gatel. Bravo !
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Cette mission a été instituée dans le cadre de la loi de finances pour 2017 afin d’y faire figurer l’enveloppe budgétaire consacrée au troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3, soit 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement qui s’ajoutent aux 47 milliards d’euros des deux programmes précédents, engagés en 2010 et en 2014.
En 2017, cette mission avait pour particularité de bénéficier uniquement d’autorisations d’engagement, sans aucun crédit de paiement. Cette astuce de budgétisation, notamment mise en exergue par Albéric de Montgolfier, alors rapporteur spécial de la mission, permettait d’éviter que le PIA 3 ne pèse sur le déficit budgétaire dès 2017.
L’avenir du PIA 3 pouvait paraître incertain l’été dernier, mais son intégration dans le Grand Plan d’investissement, le GPI, le conforte : le PIA 3 représente 10 des 57 milliards d’euros du GPI. Cependant, on notera que l’effort financier est reporté sur la fin du quinquennat. En effet, pour 2018, seuls 1,08 milliard d’euros sont inscrits en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent 4 milliards d’euros sur le triennal 2018-2020. Il reste donc 6 milliards d’euros à financer au-delà.
L’inscription de crédits de paiement est un mieux. Pour autant, le rythme de décaissement de ces fonds et leur nature ne peuvent que susciter quelques inquiétudes.
Tout d’abord, la trajectoire des décaissements est réalisée en cohérence avec les perspectives globales des finances publiques. Ce n’est donc pas le rythme d’avancement des actions du PIA qui détermine l’inscription des crédits, mais la simple contrainte budgétaire. Il y a là une véritable rupture par rapport aux PIA 1 et 2. La gestion des crédits par les opérateurs est, de ce fait, rendue plus complexe.
Ensuite, les crédits inscrits en 2018 correspondent pour une large part à des prises de participation, à savoir des fonds propres, qui présentent l’avantage certain de ne pas avoir d’impact sur le déficit maastrichtien, au contraire des autres modes d’intervention du PIA. Ainsi, les fonds propres représentent 70 % de l’enveloppe de crédits pour 2018. Un tiers seulement des avances remboursables, subventions et dotations décennales seront disponibles sur le triennal 2018-2020.
Enfin, certains opérateurs s’interrogent, et nous avec eux, sur la possibilité de trouver suffisamment de projets à financer par fonds propres. Ce risque est d’autant plus patent que l’enveloppe du PIA n’inclut pas de soutien aux dépenses d’ingénierie pendant la phase de définition des projets.
Sur la forme, l’inscription dans le GPI n’a en rien modifié la structure du PIA : les programmes et les actions financés, la répartition des autorisations d’engagement, la répartition entre les différents modes de financement et les opérateurs chargés de la mise en œuvre demeurent. Les critiques émises en 2017 par le Sénat demeurent donc également.
Le recours à un sous-opérateur doit être circonscrit, car il est source de complexité pour les porteurs de projet et risque de dédoubler les activités d’opérateur, alors même que la gestion des PIA mobilise déjà près de 180 agents à la Caisse des dépôts et consignations.
Le versement des crédits aux opérateurs ainsi que leur décaissement vers les bénéficiaires continuent de ne pas être intégrés dans les normes de dépense, contrairement à la recommandation formulée par la Cour des comptes dans son rapport public de décembre 2015.
Enfin, le risque pour le Gouvernement de procéder à des débudgétisations reste également important.
Sur le fond, certaines actions s’inscrivent dans les axes définis par le Gouvernement, notamment toutes celles relatives à la qualification de la main-d’œuvre, à l’innovation ou à la transition écologique. Néanmoins, le coup d’arrêt brutal, à quelques jours de la remise des offres, de l’appel à projets « nouveaux instituts hospitalo-universitaires » illustre la volonté du Gouvernement de revoir certaines orientations.
Si l’on peut comprendre que le Gouvernement souhaite redéfinir certaines actions en fonction de ses priorités, il convient d’éviter que des appels à projets soient subitement interrompus ou que des projets essentiels soient remis en cause.
Interrogé par la commission des finances, le ministre de l’éducation nationale n’a pas été en mesure de décrire le contenu du nouveau plan numérique à l’école, contenu dans l’action n° 07 du programme 421.
Enfin, nous ne manquons pas de nous interroger sur le contenu de l’action n° 09, Grands défis, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises ». Ces atermoiements expliquent certainement le retard pris pour la signature des conventions entre l’État et les opérateurs : à ce jour, seules huit des trente conventions attendues sont signées.
Si nous approuvons tous l’objectif de maîtrise globale des dépenses publiques, il nous semble qu’utiliser les PIA comme variables d’ajustement, en créant une dissociation forte entre autorisations d’engagement et crédits de paiement, risque d’annihiler tous les effets positifs de cet outil spécifique. Pourtant, le PIA finance des projets utiles pour l’investissement dans notre pays. J’invite donc ce soir – enfin, ce matin – le Sénat à voter les crédits inscrits pour cette année, tout en vous indiquant, madame la secrétaire d’État, que nous serons très vigilants quant à leur utilisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Remboursements et dégrèvements ». Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » représente 115,2 milliards d’euros de crédits. Il s’agit du montant le plus important atteint depuis que cette mission existe. Cela en fait la plus importante mission du budget de l’État, en hausse de 6 % par rapport à l’évaluation 2017 révisée.
Cette hausse significative s’explique notamment par l’augmentation des dépenses au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et des crédits d’impôt sur le revenu et, s’agissant des impôts locaux, par la mise en place de la première tranche du dégrèvement de taxe d’habitation décidée par la majorité présidentielle.
Au total, en 2018, les remboursements et dégrèvements constituent un manque à gagner budgétaire à hauteur de 28,5 % des recettes fiscales brutes. Ce taux a augmenté de 5 points depuis 2013, ce qui traduit une politique fiscale reposant de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale. Or ces dispositifs se juxtaposent à une mutation considérable du modèle de l’entreprise, qui tend à la financiarisation de notre économie.
La diminution de la taxe d’habitation ne peut laisser ignorer que d’autres mesures prises auparavant réduisent fortement les recettes de l’État et celles des collectivités territoriales.
Je m’arrête un instant sur les impôts d’État.
Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État continuent de bénéficier à 80 % aux entreprises. La montée en puissance progressive du CICE se traduit ainsi dans ce projet de loi de finances par un montant record de 20 milliards d’euros. En additionnant ce dispositif au CIR, on arrive à la somme rondelette de 27 milliards d’euros.
J’observe que l’information relative à la répartition géographique des bénéficiaires du CICE n’est pas accessible. Cette absence de dispositif de traçabilité et de contrôle est regrettable et même inquiétante d’un point de vue démocratique, d’autant plus qu’aucun effet certain du CICE n’est démontré. Le dernier rapport d’évaluation du comité de suivi conclut même que ce dispositif n’a eu d’impact mécanique ni sur les investissements, ni sur la recherche et le développement, ni sur les exportations, ni sur l’emploi.
Madame la secrétaire d’État, le CICE appelle au moins deux questions. Premièrement, que fait-on du solde positif des entreprises ? Deuxièmement, l’utilisons-nous pour répondre aux besoins de développement de notre économie ou pour satisfaire les appétits en dividendes des actionnaires ? Pour le moment, il y a une donnée que l’on connaît avec certitude, c’est que 56 milliards d’euros de cadeaux ont été offerts aux actionnaires l’année dernière. Pendant ce temps, tel ou tel expert a l’idée géniale de geler le SMIC !
Les dégrèvements d’impôts locaux appellent, eux aussi, plusieurs observations.
Tout d’abord, la décision du Conseil constitutionnel relative aux modalités de calcul du dégrèvement barémique coûtera 450 millions d’euros en 2018 à l’État. Les contentieux qui seront engagés par les entreprises se traduiront par un coût de 300 millions d’euros en 2017 et de 150 millions d’euros en 2018, tandis que la hausse du coût du dégrèvement pour 2018 atteindra 300 millions d’euros supplémentaires.
J’en viens au dégrèvement de taxe d’habitation, que le Sénat a supprimé sur proposition de la commission des finances.
On observe que le bénéfice de cette mesure sera variable selon la localisation du contribuable. Ainsi, à revenus équivalents, le montant de l’allégement pourra être très différent.
Pour ma part, je considère que la solution retenue par le Gouvernement n’est pas satisfaisante. Elle crée notamment un risque sur les ressources des communes et de leurs groupements.
M. Franck Menonville. Non !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Elle ne résout pas la question de la vétusté des valeurs locatives. Or j’estime qu’il est nécessaire de mener la révision des valeurs locatives. Il aurait également été préférable d’aller plus loin et d’étendre, même progressivement, en procédant à une expérimentation, le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction des revenus.
N’oublions jamais que les contribuables à la taxe d’habitation n’ont, en général, pas la possibilité de la déduire de leur impôt sur le revenu, contrairement aux entreprises, qui peuvent déduire la contribution économique territoriale qu’elles acquittent de la base de calcul de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu.
L’avis de la commission des finances doit évidemment dominer mon propos.
La commission vous propose d’adopter les crédits de cette mission, en les minorant de 3,2 milliards d’euros, par cohérence avec les amendements adoptés au titre de la première partie.
Mes chers collègues, permettez-moi un petit mot personnel, avec, en débouché, une question et un constat.
La question est la suivante : dans leur ensemble, à qui les dispositifs dont nous parlons sont-ils favorables ?
Le constat, c’est que, depuis cinq ans, on accentue des mécanismes qui n’ont pas fait leurs preuves et qui avantagent, sans contrepartie aucune, la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire les actionnaires et pas les salariés. Ces dispositifs avantagent la minorité qui accapare les richesses de notre pays, mais pas l’immense majorité qui les crée. Voilà pourquoi, à titre personnel, je vous proposerai de ne pas adopter ces crédits. (Mme Laurence Cohen et M. le président de la commission applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos seront ceux d’Alain Chatillon. Ils rejoindront ceux que Victorin Lurel vient de prononcer au sujet des participations de l’État.
Il nous paraît indispensable et urgent d’ouvrir avec le Gouvernement une discussion visant à redéfinir les modalités du contrôle parlementaire sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », sans s’interdire, le cas échéant, de modifier sur ce point la loi organique relative aux lois de finances.
Je constate que les modalités de ce contrôle ne sont pas satisfaisantes sous leur forme actuelle. Chaque année, il est demandé au Parlement de se prononcer sur des crédits dont on sait qu’ils sont très largement hypothétiques. De fait, les sommes inscrites en dépenses et en recettes sur ce compte dans la loi de finances initiale sont toujours très éloignées des sommes constatées dans la loi de règlement.
L’incertitude porte également sur la nature des opérations qui seront réalisées dans l’année, puisqu’on ne sait évidemment pas à l’avance quels titres vont être achetés ou vendus par l’Agence des participations de l’État.
L’embarras du Parlement face à la présentation des crédits du compte d’affectation spéciale est encore plus marqué cette année, dans la mesure où le Gouvernement a fait deux annonces qui vont fortement peser sur le fonctionnement de ce compte. Il s’agit, d’une part, de la redéfinition de la doctrine de l’État actionnaire, dont M. Lurel a parlé, et, d’autre part, de la création d’un fonds de financement de l’innovation de rupture doté de 10 milliards d’euros grâce à des cessions du portefeuille géré par l’Agence des participations de l’État. Il s’agit d’un projet encore très flou, dont nous ne saisissons pas la logique financière et dont la réalisation risque d’obérer fortement les capacités d’intervention futures de l’État dans le capital d’entreprises stratégiques.
Demander au Parlement de voter les crédits de ce compte en sachant que le montant des enveloppes est purement conventionnel, que les décisions opérationnelles de cession et d’achat sont couvertes par un principe de confidentialité et que les grands principes qui guident ces décisions vont être redéfinis en cours d’année nous paraît assez curieux. Je le souligne à mon tour : on ne demande pas au Parlement d’exercer son contrôle, mais d’accorder un blanc-seing. La commission des affaires économiques a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
En outre, madame la secrétaire d’État, Alain Chatillon souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le dossier de l’aéroport de Toulouse. L’État conserve à ce titre une participation de 10 % du capital, qu’il aura la possibilité de céder à partir du 18 avril 2018. Or l’actionnaire chinois qui détient déjà 49,9 % des parts s’est montré jusqu’à présent plus intéressé par la recherche de dividendes que par le développement du territoire, où il n’a peut-être bien jamais mis les pieds…
Mme Françoise Gatel. Ah !
Mme Annick Billon. C’est bien possible !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. Cette situation explique l’inquiétude qu’éprouvent les chambres de commerce, la région et le département. L’État devra en tenir compte et préciser ses intentions. Alain Chatillon précise qu’il est totalement défavorable à une cession à CASIL Europe. Il demande que des solutions de substitution soient trouvées. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un esprit constructif…
Mme Françoise Gatel. Ah !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Ça, c’est beau !
M. Jean-Marc Gabouty. … que je vais aborder les trois missions « Engagements financiers de l’État », « Investissements d’avenir » et « Remboursements et dégrèvements », ainsi que le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », dont le contenu est pour l’essentiel la conséquence de la politique menée au cours des dernières années, voire des dernières décennies.
Ces missions ne suscitent pas de critiques majeures de la part du groupe du RDSE. Nous approuverons donc les crédits dont il s’agit, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par certains amendements. Cela étant, ils méritent quelques remarques et inspirent un certain nombre d’interrogations.
Les engagements financiers de l’État relèvent essentiellement de la charge de la dette, qui représente la quasi-totalité des crédits. Celle-ci peut être considérée comme stabilisée, à 41,593 milliards d’euros. Elle enregistre même une légère baisse de 0,76 %. Cette stabilisation a bien entendu pour origine des taux d’intérêt excessivement bas.
Toutefois, l’encours de la dette continue de progresser. Il devrait atteindre 96,8 % du PIB en 2018, alors que la zone euro et en particulier l’Allemagne connaissent une trajectoire inverse, à la baisse.
Le besoin de financement progresse également en raison de cette majoration et de l’arrivée à échéance d’un certain nombre de titres émis lors de la crise financière de 2008-2009. Cette situation fait peser sur nos finances publiques un certain nombre de risques, dont le plus alarmant, véritable épée de Damoclès, est une possible et sans doute probable remontée des taux d’intérêt dans les années à venir. Il est donc nécessaire, madame la secrétaire d’État, de poursuivre et d’accentuer les efforts pour engager un réel désendettement.
Il est vrai que ce dernier mot est curieusement utilisé dans les documents budgétaires : certaines sommes sont affectées au désendettement de l’État, alors qu’en réalité celui-ci n’existe pas. Il serait préférable de parler de contribution au remboursement de la dette ou, éventuellement, de décélération de l’augmentation de l’endettement. Mais il ne s’agit certainement pas de désendettement : lorsque la dette augmente, cette notion ne correspond pas à la réalité !
La présentation choisie est donc pour le moins trompeuse : le terme est a minima impropre.
La mission « Investissements d’avenir », qui trouve ses origines dans les travaux d’une commission présidée, il y a une décennie, par Alain Juppé et Michel Rocard, illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir de manière dynamique et sélective les actions porteuses d’avenir pour notre économie. Elle souligne en même temps la difficulté de mettre en œuvre rapidement les mesures d’incitation ou d’accompagnement sélectionnées dans différents programmes.
Les trois programmes d’investissements d’avenir ont été réunis au sein d’un grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros. Ce dernier, dans le budget pour 2018, se traduira par l’inscription de 1,08 milliard d’euros de crédits de paiements avec une prévision, pour la période 2018-2020, de 4 milliards d’euros de crédits de paiement. Ces montants sont relativement modestes et ne paraissent pas à la hauteur de l’ambition affichée de doter notre pays d’une économie performante. On ne peut pas réduire une logique de projet à une stricte logique budgétaire : cette réflexion vient compléter l’analyse, plus détaillée, fournie par notre rapporteur spécial.
La mission « Remboursements et dégrèvements », qui recouvre 115 milliards d’euros de crédits, est en forte hausse : elle augmente de 12 milliards d’euros par rapport à 2017. C’est notamment la conséquence de la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et de la mise en place du dégrèvement sur la taxe d’habitation.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif concernant la taxe d’habitation, qui a fait l’objet de nombreux débats et échanges au cours des dernières semaines. Apparemment, il sera encore débattu dans quelques instants, au titre d’un des amendements déposés.
J’évoquerai, en revanche, le CICE. Certes, le comité de suivi a du mal à se prononcer sur les effets réels de ce dispositif, faute de pouvoir les mesurer. Toutefois, le CICE renforce incontestablement la capacité de nos entreprises à se développer. Il faut le considérer comme une condition nécessaire, mais pas suffisante pour que les entreprises puissent investir et créer des emplois.
Lors de sa mise en place, le CICE a été fortement critiqué, voire caricaturé, pour des raisons différentes à droite et à gauche. En janvier 2019, il va laisser la place à un dispositif de baisse des charges sociales : on passera ainsi d’une mesure au caractère conjoncturel et fragile à un statut structurel et permanent. Le monde économique bénéficiera dès lors d’une meilleure visibilité.
Contrairement à ce que disent certains détracteurs, cette mutation ne va pas se traduire par une augmentation du coût du travail. Pour soutenir une telle interprétation, il faudrait faire preuve d’une méconnaissance totale de la comptabilité et de l’analyse des coûts. La base de l’impôt sur les sociétés s’en trouvera effectivement majorée, mais cette conséquence d’autant moins pénalisante pour les entreprises que, en parallèle, conformément aux engagements du Gouvernement, le taux de l’impôt sur les sociétés devrait être abaissé progressivement de 33 % à 25 %.
Enfin, j’évoquerai le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». C’est le support budgétaire de l’État actionnaire. Sa particularité est de présenter une programmation conventionnellement à l’équilibre afin de préserver la confidentialité des opérations de cession ou d’acquisition à venir.
Afin d’améliorer la sincérité de la démarche, j’adhérerai à la proposition du rapporteur spécial d’inscrire dans le bilan du compte un chiffre correspondant à la moyenne des cessions des trois derniers exercices. Ainsi, on disposerait au moins d’un repère.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Jean-Marc Gabouty. Je conclus.
Mais, à ce titre, la vraie question est la suivante : quelles sont la ligne directrice du Gouvernement en matière de participation de l’État au capital de certaines grandes entreprises et son implication, ou non, dans les filières stratégiques ? Il faut bien reconnaître que des signes contradictoires nous ont été donnés au cours des derniers mois dans deux dossiers sensibles, ceux de STX et d’Alstom.
M. le président. Merci !
M. Jean-Marc Gabouty. Quant au fléchage du produit des cessions, 10 milliards d’euros sont annoncés en direction d’un fonds pour l’innovation de rupture, ainsi que pour l’industrie et même pour le désendettement de l’État à hauteur de 1 milliard d’euros. À cet égard, permettez-moi de renouveler mon scepticisme. J’avoue même mon opposition à ce type d’affichage, qui peut être présenté comme une démarche de clarté, mais qui, comme je l’ai dit précédemment, devient plutôt un facteur de confusion.
En conclusion, au-delà de notre approbation et de la confiance que j’accorde dans ce domaine au Gouvernement, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez répondre dans les mois à venir aux interrogations que je viens d’exprimer. (M. Franck Menonville applaudit.)
M. le président. Mon cher collègue, je me dois de vous dire que vous avez dépassé votre temps de parole de manière assez significative…
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. En effet !
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d’État, même si vos débuts au Sénat vous paraissent peut-être un peu rudes – j’éprouve moi-même un peu de l’énervement exprimé par mes collègues –, je vous adresse néanmoins tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions.
Nous devons examiner ce matin trois missions et douze programmes. Tous ont été présentés, peut-être rapidement, mais avec un esprit de synthèse et avec brio par les rapporteurs successifs.
Je m’arrêterai tout d’abord sur le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État ».
Le niveau d’endettement public, c’est-à-dire le montant de dette publique rapporté au produit intérieur brut, a augmenté jusqu’à s’approcher du seuil de 100 %. D’après la programmation pluriannuelle, il est de 96,8 % en 2017.
Alors que notre pays s’était engagé à maintenir un ratio de dette inférieur à 60 % du PIB et un déficit inférieur à 3 points de PIB, la France a laissé filer son déficit et sa dette, en contradiction avec les règles élémentaires de politique économique contracyclique. Ainsi s’est-elle privée de marges de manœuvre, notamment lors de la crise de 2007. Je rappelle que, avant la crise, donc en haut de cycle, l’endettement public était d’un peu plus de 64 %.
En réalité, les gouvernements successifs ont fait le choix de laisser se dégrader le niveau d’endettement, pour des raisons diverses, mais qui n’échappent pas au citoyen, notamment quand il constate le sort réservé, par le Sénat, au projet de loi de financement de la sécurité sociale – je rappelle, à ce titre, le creusement de 7 milliards d’euros de déficit ! – ou quand il observe la longue liste d’intérêts particuliers dont beaucoup ici se sont fait rapporteurs.
Toutefois – la rapporteur spécial l’a indiqué –, les crédits alloués à la charge de la dette sont, malgré la progression de l’endettement public, relativement stables. Pour être précis, ils sont même en légère baisse et s’élèvent à 41,593 milliards d’euros.
Si la charge de la dette est stable, c’est bien parce que les taux auxquels la France emprunte sont à un niveau historiquement faible.
En commission des finances, le rapporteur général a pointé le risque que ferait courir la hausse des taux sur la soutenabilité de la dette publique. Ce risque mérite néanmoins d’être tempéré.
Tout d’abord, la France a profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour allonger l’échéance de sa dette : la dette publique présente aujourd’hui une maturité assez longue, et une hausse des taux d’intérêt ne devrait donc pas se traduire immédiatement par une hausse des intérêts à verser.
Mon propos repose sur une étude menée par Olivier Blanchard, ex-chef économiste au FMI, et Jeromin Zettelmeyer, au nom du Peterson Institute. Les auteurs de cette étude publiée en juillet dernier s’appuient sur l’exemple du Japon. Ce pays affiche un déficit primaire de 4 %, une dette publique dépassant les 200 % du PIB, et pourtant les taux d’intérêt des obligations publiques japonaises continuent d’être parmi les plus bas au monde.
Blanchard et Zettelmeyer montrent que seul l’équivalent de moins de 30 % du PIB viendra à échéance en 2017. Dans ces conditions, « une hausse de 200 points de base des taux d’intérêt se traduit par une hausse des paiements d’intérêts de 0,6 % de PIB la première année et de 1 % sur les deux premières années. »
Ensuite, vous le savez, les taux d’intérêt augmentent si la croissance et l’inflation augmentent. En pareil cas, l’accroissement du PIB nominal réduira mécaniquement les ratios d’endettement. Non seulement la politique monétaire de la Banque centrale européenne continue d’être accommodante, mais les prévisions de la croissance française nous conduisent à rejeter l’hypothèse d’un écart entre la croissance française et les taux d’intérêt.
Quoi qu’il en soit, les pistes évoquées dans le rapport spécial sur la mission « Engagements financiers de l’État » sont toujours d’actualité. Je pense notamment à la mutualisation d’une partie de la dette des États membres de la zone euro pour éviter tout écart entre les taux de croissance et les taux d’intérêt de la BCE.
C’est par ailleurs au sein de cette mission que le programme 336 assure la dotation en capital du mécanisme européen de stabilité, pour un total de 16,3 milliards d’euros répartis en trois versements. Ce mécanisme permanent, qui a pris la suite du Fonds européen de stabilité financière, s’appuie sur le capital fourni par les États membres pour emprunter sur les marchés financiers, avec une capacité d’intervention portée à 700 milliards d’euros. S’il a prouvé son utilité comme mécanisme de gestion de crise, il faut désormais évoquer sa transformation en un fonds monétaire européen. C’est en tout cas le souhait du Président de la République, qui, à cet égard, est en ligne avec les recommandations de Jean-Claude Juncker et de la Commission européenne.
Il s’agirait de sortir de la logique assurantielle du mécanisme européen de stabilité pour assurer enfin une coordination macroéconomique à l’échelle de la zone euro. Une telle proposition part d’un constat simple : une politique insoutenable dans un État membre déstabilise l’ensemble de la zone.
Ce fonds monétaire européen permettrait également de clarifier l’architecture actuelle des organes qui interviennent dans la politique économique de la zone euro.
Enfin, il s’agirait d’aligner les politiques économiques sur les exigences contemporaines d’économies à la frontière technologique.
Sans transition, tel est aussi l’objectif de la mission « Investissements d’avenir », que nous examinons aujourd’hui. Créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, cette mission traduit budgétairement le troisième programme d’investissements d’avenir et ses trois priorités. C’est l’objet des programmes de la mission. Contrairement à l’an passé, cette dernière se voit dotée de crédits de paiements : il ne s’agit plus d’affichage politique, mais d’action.
Le programme d’investissements connaît par ailleurs une réorientation. Ainsi, il prend place dans le Grand Plan d’investissement présenté le 25 septembre dernier.
M. le président. Il faut songer à conclure !
M. Didier Rambaud. Le but est de créer un choc d’offre et de doper la croissance du PIB. Cet objectif se décline en diverses priorités.
À mon sens, s’il est un point commun aux douze programmes que nous examinons, c’est bien la prise en compte des besoins d’une économie à la frontière comme est celle de la France !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la ligne d’émission autorisée pour 2018 est de 195 milliards d’euros en dette de moyen et long terme, dont 120 milliards d’euros vont être mobilisés pour amortir la dette existante. Je ne parle même pas ici des émissions de bons du Trésor destinés à assurer les dépenses courantes, bons du Trésor dont le taux d’intérêt moyen est d’ailleurs, depuis quelque temps, assez proche de zéro.
Comment expliquer cette dette de moyen et long terme, que je qualifierai de sorte de rente perpétuelle des marchés financiers sur la France ? Qu’est-ce qui fait le déficit cette année ? Ce dernier atteint 27 milliards d’euros, composés de 21 milliards d’euros pour le CICE et de 6 milliards d’euros pour le CIR. La suppression de l’impôt sur la fortune va coûter 4 milliards de mieux, et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique y ajoutera 1,3 milliard à 1,4 milliard d’euros.
Tout laisse à penser, hélas ! que la facture sera plus élevée. Je pense notamment à la bagatelle de 30 milliards d’euros d’allégements de cotisations patronales qui alourdiront encore la charge. Même si ces dépenses sont gagées, pour un tiers environ, par la hausse mécanique de l’impôt sur les sociétés, nous avons, en ajoutant les mesures les unes aux autres, rien moins que 50 milliards à 55 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales.
Le problème est bien là : ce n’est pas pour le développement du patrimoine collectif de la nation que l’État s’endette, c’est pour conforter et renforcer des patrimoines privés. Les impôts de tous sont mis au profit de quelques-uns : c’est un hold-up d’un nouveau style !
Si ces mesures fiscales diverses, destinées à la compétitivité des entreprises et de notre économie, avaient encore un tant soit peu d’efficacité, cela se saurait. Mais je crains que le spectacle accablant des inégalités sociales grandissantes dans notre pays, de la précarisation du travail, du sous-emploi chronique et des bas salaires n’apporte la démonstration éclairante de l’échec des politiques suivies jusqu’à présent.
La dette en soi, cela n’a rien de répréhensible. Qu’on le veuille ou non, il n’y a pas d’économie sans crédit ! Rappelons que, si la dette publique pèse aujourd’hui environ 100 % du PIB, la dette privée, celle des entreprises et des ménages, se situe entre 140 % et 150 %, et elle pose autant de questions !
Tout doit être fait dans notre pays pour que la préemption de la finance sur l’activité économique soit la plus limitée possible, qu’il s’agisse de l’État, des entreprises et même de nos concitoyens. Oui à l’intermédiation financière, mais sans épuiser ou capter toute la valeur ajoutée !
Cela étant posé, quand un pays s’endette pour réaliser telle ou telle infrastructure porteuse d’avenir – ce peut être une ligne ferroviaire à grande vitesse ou un canal fluvial essentiel à la transition écologique et à l’amélioration des flux de transport de marchandises dans notre pays –, il choisit une dette « porteuse » de futures sources de progrès et de développement. Quand il s’endette pour payer la suppression de l’impôt sur la fortune, l’allégement de la fiscalité du capital et, surtout, pour amortir des décisions budgétaires antérieures, nous ne sommes plus dans une logique vertueuse. Qui peut nous dire à quoi serviront demain les 4 milliards d’euros perdus au titre des recettes de l’ISF ?
Il est temps de faire un grand effort pour engager une réflexion citoyenne dans notre pays : un audit citoyen de la dette, en toute transparence, pour séparer le bon grain de l’ivraie et nous libérer de la soumission à la loi des marchés financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est paradoxal et un peu triste que nous examinions conjointement les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et ceux de la mission « Investissements d’avenir ».
Le montant des crédits dédiés à la première révèle le poids du passé qui obère aujourd’hui nos politiques publiques et pèsera, demain, sur les épaules de nos enfants. Le montant des crédits de la seconde témoigne d’un effort salutaire, mais modeste en comparaison, pour préparer l’avenir de notre économie et de notre société.
Le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État », qui représente la quasi-totalité des crédits de la mission, contient la charge d’intérêts de la dette souveraine.
Dans un contexte de taux très faibles, comme cela a déjà été rappelé, ces crédits sont en légère baisse : ils atteindront tout de même 41,6 milliards d’euros en 2018, soit le deuxième poste budgétaire de l’État. Cela correspond à six fois le budget de la justice ou encore à 10 milliards d’euros de plus que le budget de la défense.
Cette diminution conjoncturelle de la charge de la dette ne doit pas masquer un fait inquiétant : la dette française continue de s’accroître inexorablement, alimentée par des déficits qui ne se résorbent que trop lentement.
Les efforts consentis par le Gouvernement vont dans le bon sens, mais ils nous paraissent insuffisants pour combler notre retard sur les autres pays de la zone euro, en particulier sur l’Allemagne.
Notre trajectoire de désendettement, par exemple, est nettement en deçà de celle de nos voisins. En 2016, la dette publique française représentait 96,3 % du produit intérieur brut, contre 68,3 % pour l’Allemagne, soit un écart de 28 points de PIB. En 2022, selon les estimations de la commission des finances du Sénat, l’écart sera de 39 points de PIB avec l’Allemagne, approchant les 50 % d’endettement.
Ce différentiel sera sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. Il ne doit pas être sous-estimé. Il augure une perte d’influence durable de la France face à des partenaires ayant des marges de manœuvre plus importantes pour agir et, par conséquent, pour décider.
Si nous ne parvenons pas à maîtriser plus sérieusement les dépenses de l’État, qui ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016 ; si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits effectifs et structurels de façon plus volontaire ; et si, enfin et en conséquence, nous ne parvenons pas à diminuer le stock de notre dette de manière forte, c’est bien notre stature politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s’agit pas ici que de chiffres, mais il s’agit bel et bien de la capacité du politique à agir encore au service des Français et des valeurs de la République.
Pour conclure sur cette dimension, madame la secrétaire d’État, je tiens à dire que nous ne pouvons vous reprocher le niveau actuel d’endettement de l’État, car il n’est pas de votre fait ; cet endettement est bien une plaie française qui dure depuis trente ans. Nous pouvons seulement vous conseiller d’adopter une démarche plus volontaire, alors qu’une fenêtre d’opportunité existe et risque peut-être de se refermer prochainement. Profitons de la conjoncture favorable pour assainir en profondeur nos finances publiques et relancer notre économie !
Nos voisins européens le font, vous le faites plus timidement ; nous souhaitons vous aider à agir plus fortement encore. Car il y va de l’avenir de notre société et de notre économie ; il y va également de la qualité de vie que nous léguerons à nos enfants. À ce sujet, les crédits de la mission « Investissements d’avenir » nous rendent plus optimistes : ils regroupent les programmes du même nom, que nous devons à l’intelligence de deux hommes, Alain Juppé et Michel Rocard, qui ont œuvré ensemble, dans le rapport qu’ils ont corédigé, pour préparer la France aux défis de demain.
Les programmes d’investissements d’avenir ont précisément pour objet d’augmenter la croissance potentielle de la France, en misant sur l’économie de l’intelligence, l’innovation et la recherche. Ils seront intégrés au Grand Plan d’investissement voulu par le Président de la République. La montée en gamme, tant quantitative que qualitative, des investissements doit être saluée, mais ces derniers gagneraient à être mieux articulés avec les initiatives européennes en la matière, comme le plan Juncker.
Dans un grand nombre de domaines, la masse critique requise d’investissements viendra en effet d’une Europe plus solidaire et plus volontaire, à l’architecture renouvelée. C’est ce que François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, appelle l’« Union de financement et d’investissement », qu’il nous reste à bâtir ensemble.
Le groupe Les Indépendants votera les crédits de ces missions pour saluer l’orientation défendue, tout en espérant, madame la secrétaire d’État, avoir encore plus de raisons de les voter l’année prochaine. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marc Gabouty et Didier Rambaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré l’heure tardive, il s’agit de l’examen de missions particulièrement importantes en termes de volume financier et aussi parce que, à la fois, elles traitent du passé de la gestion de nos finances publiques et préparent l’avenir. Il est donc essentiel que nous nous attardions quelques instants sur ces crédits.
Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à ce que nous ayons la gestion la plus rigoureuse possible de nos finances publiques. La manière dont ont été gérées nos finances publiques au cours de ces dernières années trouve sa traduction dans l’état de la dette. Tout le monde connaît parfaitement la situation : une dette de plus de 2 200 milliards d’euros, dont près de 1 800 milliards à la charge directe de l’État, un seuil proche de 100 % du PIB. Il importe donc que nous agissions très rapidement pour la réduire. En tout cas, madame la secrétaire d’État, il faudra, dès 2018 et dans les budgets à venir, s’attacher à réduire le déficit public, car c’est la seule façon de réduire la dette.
Or, on le sait bien, le déficit public pour 2018 sera largement supérieur à celui qui est prévu en 2017 : d’un montant de 70 milliards d’euros dans la loi de finances initiale, il passera à 76 milliards, pour atteindre 83 milliards l’année prochaine. C’est dire les efforts qu’il convient de réaliser. Les recettes supplémentaires qui peuvent découler du retour de la croissance ne suffiront pas pour atténuer ce déficit. Aussi, il faut faire des efforts pour réduire la dépense publique qui est, je le rappelle, la plus élevée ou parmi les plus élevées, au sein de l’Union européenne. Le chemin sera long !
Quelques pistes ont déjà été esquissées dans le budget pour 2018 pour ce qui concerne le logement et les contrats aidés dans la mission « Travail et emploi » notamment, mais elles ne seront pas suffisantes.
Parmi nos sujets d’inquiétude figure la dette. Les intérêts de la dette, je le rappelle, représenteront un peu plus de 40 milliards d’euros l’année prochaine. Paradoxalement, quand on regarde leur évolution depuis 2014, ils ont diminué malgré l’augmentation de l’encours de la dette. Nous avons pu profiter de taux d’intérêt extrêmement bas, mais, chacun le sait bien, la situation risque de ne pas durer. Aussi, il nous faut agir en la matière.
À cet égard, je souligne que, en 2018, la France sera, après l’Italie, le plus gros emprunteur de l’Union européenne sur les marchés. C’est pourquoi nous devons nous assurer de trouver les moyens de financer l’ensemble de notre dette, si l’on veut que notre note financière ne soit pas dégradée. C’est dire là encore le chemin qu’il nous reste à parcourir.
Un autre volet des missions que nous examinons ce soir porte sur la question de l’État actionnaire, un point extrêmement important. On le sait bien, au cours de ces dernières années, l’implication de l’État a permis de maintenir dans notre pays un certain nombre de fleurons.
Le groupe Union Centriste ne plaide pas en faveur d’une intervention forcenée de l’État dans l’économie, mais il importe d’y recourir parfois ou de se séparer de nos participations le moment venu. En effet, l’État n’a pas vocation à conserver des participations. À cet égard, nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, connaître la véritable stratégie de l’État en la matière. Essayer de se procurer des revenus supplémentaires au travers des dividendes ? Ou avoir simplement des participations stratégiques pour maintenir des fleurons économiques dans notre pays ?
Un autre point sur la question de l’État actionnaire taraude le groupe Union Centriste : la cohérence de l’intervention publique en matière d’actionnariat.
Aujourd’hui, l’actionnariat des entreprises est partagé entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et l’Agence des participations de l’État. Selon nous, il est extrêmement important que la participation soit réalisée de façon cohérente, avec une vraie stratégie, une unité définie. Travaillons pour nous assurer que l’ensemble des outils mis à la disposition de l’État répondent à une démarche parfaitement cohérente. Il importe de définir la stratégie.
Un autre point a été évoqué précédemment par Mme la rapporteur spécial Christine Lavarde, je veux parler de la mission « Investissements d’avenir ».
Nous nous sommes réjouis de constater que le Président de la République avait, dans son programme, des intentions fortes concernant les investissements et le soutien aux investissements dans notre pays. Encore faudrait-il, madame la secrétaire d’État, en trouver la traduction dans les projets de budget qui nous sont présentés. En l’espèce, nous déplorons que les crédits de paiement soient extrêmement limités au regard des engagements du PIA 3. Cela signifie qu’il faudra consentir des efforts extrêmement importants dans le cadre des exercices à venir. Or, on le sait, en termes de recherche, nous avons encore beaucoup d’efforts à faire, puisque nous sommes loin de l’objectif défini par la stratégie de Lisbonne en 2000.
Enfin, concernant la question de dégrèvements, qui est aussi importante, je veux rappeler l’attachement du groupe Union Centriste à la notion de crédit d’impôt recherche. Nous considérons qu’il s’agit là d’un outil absolument essentiel…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Michel Canevet. … pour encourager les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » s’illustre par l’incertitude et la confidentialité qui l’entourent. Cette incertitude et cette confidentialité conduisent progressivement à dessaisir le Parlement de son pouvoir de contrôle sur la stratégie de l’État.
Le chiffre annoncé de 5 milliards d’euros au titre des recettes de ce compte d’affectation spéciale, à l’instar de ces dernières années, est plus qu’hypothétique. Cependant, nous pouvons constater un infléchissement qui nous paraît extrêmement préoccupant.
Cet infléchissement est doublement perceptible : à la fois dans les déclarations du ministre de l’économie et des finances, mais surtout, dans ses dernières décisions. Ainsi, Bruno Le Maire déclarait au mois de juillet dernier : « À partir du mois de septembre, nous allons céder des participations non stratégiques de l’État dans un certain nombre d’entreprises publiques. » Encore faut-il, madame la secrétaire d’État, avoir la même définition du terme « stratégique » et permettre un véritable débat démocratique au sein du Parlement ! En effet, le recentrage du portefeuille des participations de l’État implique que le Gouvernement précise sa conception de l’État stratège. Or toute redéfinition du périmètre de l’État actionnaire ne saurait intervenir sans un véritable débat au Parlement, sauf à ce que le pouvoir de contrôle du Parlement soit complètement mis sous tutelle.
Ces cessions, selon le ministre, devraient atteindre 10 milliards d’euros pour permettre le financement de l’innovation et, plus précisément, de l’innovation de rupture.
À cet égard, permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de souligner ici un premier aspect de cette stratégie. Cela reviendrait en effet à céder 10 % du portefeuille de l’État pour abonder un dispositif qui représenterait 2 % des montants consacrés chaque année à l’innovation. De même, ce serait ignorer que ces cessions consistent pour l’État français à se priver de dividendes qui, entre 2012 et 2016, s’élevaient à 3,26 milliards d’euros, versés au budget général. À titre de comparaison, les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2018 pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’élèvent à 3,66 milliards d’euros.
Le ministre a récemment décidé de céder le 5 septembre dernier 4,5 % du capital d’Engie, puis le 2 novembre dernier 4,73 % du capital de Renault. Ces cessions ont été présentées comme les premières étapes du plan de cession d’actifs.
Une première question peut se poser : si 1,5 milliard d’euros provient de ses deux récentes cessions, il reste à savoir où trouver les 8,4 milliards pour alimenter ce fonds pour l’innovation. Ce sont des entreprises publiques qui risquent d’être directement visées. Aussi, nous voudrions en savoir plus avant de voter ce chapitre important du budget de la nation.
Outre ce fonds, l’un des autres objectifs est le désendettement de l’État. Le rapporteur pour avis Alain Chatillon a indiqué que cela représentait une charge annuelle de 2,5 %. Or les participations ont une rentabilité courante de 3,5 %. Cela reviendrait à une absurdité financière. On perdrait de l’argent ! Avec cette stratégie, l’État perdrait de l’argent ! Alors que cette décision pourrait paraître d’une logique financière extrêmement douteuse, elle correspond surtout à une menace – et là est l’essentiel – sur la capacité de réaction de l’État face aux difficultés sectorielles, en la soumettant aux contingences budgétaires annuelles à rebours d’une vision à long terme. L’industrie ne peut pas reposer que du court terme ! Elle doit aussi se fonder sur du moyen et du long terme.
Permettez-moi de revenir sur un épisode de notre histoire industrielle. En 2012, PSA enregistrait une perte historique de 5 milliards d’euros. Son action en bourse passa alors de 80 euros à 5 euros. L’État a agi, en investissant dans le capital de PSA aux côtés de Dongfeng. Aujourd’hui, la société est redressée.
Qu’a fait Barack Obama lorsque l’entreprise automobile américaine General Motors était en difficulté ? Il a nationalisé en partie le secteur, qui s’est relevé.
C’est en ce sens que notre interrogation est entière. Quelle place aujourd’hui réservez-vous à l’État stratège dans la politique du Gouvernement ?
Concernant la fusion Alstom-Siemens, le refus du Gouvernement d’entrer au capital empêche l’État de jouer un rôle stratège, le privant d’exercer tout contrôle direct sur le nouveau groupe qui va se constituer. Il aurait certainement mieux valu que Siemens ait moins de 51 % des parts et que l’État français ait un droit de regard pour pouvoir agir sur cette fusion, en vue d’en faire un EADS du ferroviaire.
Telles sont nos interrogations. Quand le ministre Bruno Le Maire a été interrogé sur ces questions, il nous a répondu que la politique de l’État consistait avant tout à prévoir des baisses de charges. Il nous a très peu parlé de cette vision de l’État stratège, une vision qui, de la Libération à Charles de Gaulle jusqu’à aujourd’hui, implique que l’État français entend jouer un rôle dans l’économie : l’État doit pouvoir jouer tout son rôle pour aider une entreprise lorsque celle-ci rencontre des difficultés ou pour mettre en œuvre sa volonté de doper un secteur industriel. J’ai l’impression que cette vision purement financière à court terme risque de se traduire par une conception de l’État stratège rabougri. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai tout d’abord par vous assurer de mon plein respect pour vos débats et nos discussions dans cet hémicycle. J’aurais bien aimé, moi aussi, examiner ces missions dans de meilleures conditions, à une heure moins tardive, mais ce n’est pas de mon fait. Soyez assurés, je le répète, de mon plein respect pour nos débats.
Je commenterai successivement les différentes missions, les programmes et les comptes spéciaux qui sont à l’ordre du jour de vos travaux ce soir.
La mission « Engagements financiers de l’État », qui fait l’objet d’un rapport spécial de Mme le sénateur Nathalie Goulet, au nom de la commission des finances, recouvre les crédits nécessaires à l’État pour assurer son financement en toutes circonstances. L’essentiel des crédits de la mission concerne le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », pour 41,2 milliards d’euros.
Avec Mme le rapporteur spécial, plusieurs d’entre vous se sont exprimés sur l’évolution de la dette publique, et je vous remercie de votre appel à la vigilance collective quant au niveau de la dette et à l’évolution des taux d’intérêt.
La période de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, dont notre pays bénéficie depuis plusieurs années, sous l’effet d’une politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne ne durera pas éternellement. La BCE s’est engagée au cours des derniers mois dans un resserrement monétaire progressif, même si le rythme de ce resserrement reste tributaire de l’affermissement de la croissance en Europe et du retour graduel de l’inflation. Dans ce contexte, notre estimation de la charge des intérêts de la dette intègre, de façon prudente et raisonnable, cette remontée des taux à moyen terme.
Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, le projet de loi de finances pour 2018 constitue une première étape dans l’affermissement de la crédibilité budgétaire et financière de la France.
Ce renforcement de notre crédibilité passe, en premier lieu, par la mise en œuvre des réformes structurelles indispensables à notre économie et permettant une modernisation de nos services publics. Il passe, en second lieu, par la réduction du poids de la dépense publique et la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et les ménages. À cet égard, la progression ininterrompue de la dette publique depuis la crise de 2008 connaîtra un coup d’arrêt l’an prochain, avant une inversion de tendance nette prévue sur l’ensemble du quinquennat. Sur cinq ans, la dette publique serait ainsi ramenée à 91,4 % du PIB en 2022, contre 96,8 % prévus pour la fin de l’exercice de 2017.
Pour répondre aux questions posées sur la dette publique par Mme le rapporteur spécial, j’apporterai les compléments d’information suivants.
S’agissant de la mutualisation des dettes européennes, elle n’est pas politiquement acceptable, comme l’a affirmé le Président de la République, ni pour la France ni pour les autres États membres, car elle correspond à des engagements pris séparément.
S’agissant du traitement prudentiel des titres souverains, nous sommes opposés à toute évolution de nature à renforcer les exigences en capital associé aux détentions de dettes souveraines.
Quant à notre position à l’égard des agences de notation, je veux, sur ce point, vous rassurer : au second semestre de 2017, les trois principales agences de notation que sont Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s ont confirmé la notation AA ou Aa2 de la France. Ces notations témoignent de la qualité de la signature française et, depuis l’automne 2016, elles sont associées à une perspective stable.
J’en viens aux quatre autres programmes de la mission « Engagements financiers de l’État ».
Tout d’abord, j’aborderai le programme 114, « Appels en garantie de l’État ».
Mme le rapporteur spécial a évoqué le sujet des engagements hors bilan. J’observe que le travail mené depuis la mise en œuvre de la LOLF de 2006 en matière de recensement des engagements hors bilan a significativement contribué à la sincérité des comptes de l’État.
Aujourd’hui, la France dispose en matière d’engagements hors bilan d’une information riche et fiable. Pour autant, les enjeux et montants mis en valeur par la comptabilité générale incitent à adopter une logique de surveillance active, ainsi que le recours systématique aux règles de l’actuariat.
Grâce à la gestion active des engagements, les crédits du programme 114 sont en réduction continue. Pour 2018, ils augmentent sous l’effet de l’inscription de 63 millions d’euros au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur, qui n’avaient pas fait l’objet d’une inscription de crédits en 2017 dans le cadre du transfert à Bpifrance Assurance Export de la mission précédemment assurée par la Coface. Cette réforme, qui fait de la BPI l’interlocuteur public privilégié des entreprises pour leur financement, va dans le sens d’une meilleure efficacité et d’un moindre coût, tant pour les entreprises que pour les finances publiques.
Le programme 145, « Épargne », retrace les primes d’épargne logement versées par l’État lors de la mobilisation de comptes épargne logement ou de la clôture de plans d’épargne logement. Le Gouvernement parachève cette année la réforme de ce dispositif.
Le programme 168, « Majoration de rentes », retrace les crédits destinés au remboursement partiel des majorations de rentes légales de rentes viagères pour 141,8 millions d’euros. Après soixante-cinq ans de remboursement des majorations de rentes par l’État aux débirentiers, les objectifs de politique publique ayant justifié initialement cette dépense sont atteints, et il est proposé de mettre un terme au dispositif, proposition de bonne gestion qui a reçu le soutien de votre commission des finances, laquelle a proposé un amendement tendant à améliorer le dispositif.
Enfin, le programme 344, « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », est destiné au financement du Fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés et instruments financiers sensibles. Le Gouvernement n’est pas favorable, madame la rapporteur spécial, à la réouverture de ce guichet.
S’agissant maintenant des comptes spéciaux, j’évoquerai brièvement le compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». L’engagement de ces crédits se fera dans un cadre européen, en fonction de l’issue du troisième programme grec, qui court jusqu’à l’été 2018.
Le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » enregistre ce qu’il est convenu d’appeler les avances du Trésor. Pour l’essentiel, il s’agit du préfinancement des aides communautaires de la PAC avant leur remboursement par l’Union européenne. Celles-ci sont neutres pour le déficit.
J’en viens maintenant au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui a fait l’objet de nombreuses remarques et d’un rapport spécial du ministre Victorin Lurel, au nom de la commission des finances, et d’un rapport pour avis du sénateur Alain Chatillon, au nom de la commission des affaires économiques. Je les remercie ainsi que l’ensemble des intervenants pour leurs observations.
Depuis 2015, l’État actionnaire a fortement fait respirer son portefeuille, en menant une politique particulièrement dynamique en matière de cessions et d’investissements. Cette politique était orientée vers la protection des intérêts essentiels de notre économie. Il s’agit, par exemple, de la restructuration de secteurs stratégiques avec les recapitalisations récentes d’EDF ou d’Areva ; de peser dans les négociations permettant de préserver le savoir-faire et l’emploi en France, avec l’entreprise STX, ou encore d’avoir une action stratégique dans le domaine ferroviaire, avec un rapprochement européen de premier plan entre Alstom et Siemens.
S’agissant de l’aéroport de Toulouse, qui a été évoqué, je veux préciser qu’aucune décision n’a été prise à ce jour concernant l’exercice par l’État de son option de vente. L’État prendra sa décision au cours des prochains mois en recherchant le meilleur intérêt de l’ensemble des parties prenantes à ce dossier.
Je sais que la représentation nationale exprime de fortes attentes sur les orientations du Gouvernement en matière d’actionnariat public et de stratégie de l’État actionnaire.
Dans une période où il faut gérer avec parcimonie les deniers publics et relever les défis des transitions économiques, industrielles, technologiques et écologiques, il est sans doute nécessaire d’être plus sélectif en matière d’actionnariat public.
Aussi le Gouvernement souhaite-t-il que le portefeuille de l’État soit désormais recentré sur trois axes prioritaires : les entreprises stratégiques contribuant à la souveraineté de notre pays, en particulier dans les domaines de la défense et du nucléaire ; les entreprises participant à des missions de service public ou d’intérêt général au sein desquelles l’État ne détient pas de leviers non actionnariaux suffisants pour préserver les intérêts publics ; les interventions dans des entreprises en cas de risque systémique.
Une respiration du portefeuille de l’Agence des participations de l’État est ainsi envisagée, afin de répondre aux mutations qui viennent bousculer le monde économique et notre tissu industriel. Nous aurons l’occasion de préciser ces grandes orientations en temps utile, et la représentation nationale sera bien entendu associée à cette réflexion.
Les cessions d’actifs serviront à doter un fonds pour l’innovation à hauteur de 10 milliards d’euros, conformément à l’engagement du Président de la République. Ce fonds préparera l’avenir de notre économie en investissant sur des innovations où l’État est à même, en partenariat avec des investisseurs privés, d’assumer une partie des risques technologiques de long terme qu’il convient de prendre pour réussir. Nous travaillons aux mécanismes et dispositifs qui permettront, d’un point de vue technique et juridique, d’en faire un instrument utile.
Ce fonds doit être opérationnel au début de l’année prochaine. Pour commencer, il sera alimenté en numéraire, par une part du produit des récentes cessions de participations dans ENGIE et Renault. Le solde sera constitué de participations publiques n’ayant pas vocation à être cédées, mais procurant des dividendes réguliers ; ces participations seront retirées du fonds à mesure que l’abondement en numéraire tiré des cessions montera en puissance.
Le rendement annuel de ce fonds, de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros par an, sera sanctuarisé pour garantir notre effort annuel en matière d’innovation. En effet, il nous faut retrouver le temps long nécessaire, notamment, pour les innovations dites de rupture.
Pour flécher ces ressources vers les projets les plus prometteurs, le Gouvernement a sollicité trois personnalités issues d’univers très différents : Stéphane Distinguin, président-directeur général de l’agence d’innovation Fabernovel, Jacques Lewiner, directeur scientifique honoraire de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris, et Ronan Stephan, directeur scientifique de Plastic Omnium. Ils doivent rendre leurs conclusions en janvier.
D’investissement dans l’innovation, dans l’économie de la compétence et dans la transition écologique il est également question avec la mission « Investissements d’avenir », qui a fait l’objet d’un rapport spécial de votre commission des finances. À cet égard, je rappelle que le troisième programme d’investissements d’avenir a été lancé avec l’ouverture de 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en loi de finances pour 2017. Le projet de loi de finances pour 2018 ouvre les premiers crédits de paiement, à hauteur d’un peu plus de 1 milliard d’euros.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, il serait bon de conclure rapidement, car nous devons examiner plusieurs amendements.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Ce troisième programme d’investissements d’avenir est une composante essentielle du Grand plan d’investissement, dont il finance le volet « compétitivité par l’innovation ».
Pour terminer, j’aborderai la mission « Remboursements et dégrèvements ». L’enveloppe de crédits globale des deux programmes est très importante : environ 100 milliards d’euros pour le programme 200, environ 15 milliards d’euros pour le programme 201. Ces programmes connaissent des hausses de crédits importantes, de l’ordre de 4,5 et 22 % respectivement, du fait du dégrèvement de taxe d’habitation décidé par le Président de la République.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué la réforme de cette taxe (Mouvements divers.), mais, M. le président m’ayant priée de conclure, et comme j’ai traité l’essentiel des sujets qui ont été abordés par les orateurs, j’achève ici mon discours…
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est maintenant que la demi-heure d’interruption du milieu de soirée va peser un peu lourd sur nos travaux. En effet, nous devrons impérativement nous séparer à une heure trente, compte tenu de la règle des neuf heures d’interruption. Il nous reste donc une dizaine de minutes pour examiner plusieurs articles rattachés avec leurs amendements, quatre comptes spéciaux et deux missions…
C’est donc un peu mission impossible, madame la secrétaire d’État, ce qui explique l’état d’esprit de nombre d’entre nous ce soir. Je crains qu’il ne nous faille terminer l’examen de ces crédits lors d’une prochaine séance, sans doute vendredi. En tout cas, mes chers collègues, je vous invite à une très grande concision dans vos propos, pour que nous puissions avancer le plus possible.
M. le président. Monsieur le président de la commission, nous pouvons nous permettre de prolonger la séance d’un quart d’heure, jusqu’à une heure quarante-cinq, afin de terminer cette nuit.
engagements financiers de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Engagements financiers de l’État |
41 592 883 752 |
41 776 800 514 |
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs) |
41 197 000 000 |
41 197 000 000 |
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs) |
104 090 000 |
104 090 000 |
Épargne |
149 993 752 |
149 993 752 |
Majoration de rentes |
141 800 000 |
141 800 000 |
Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité |
0 |
0 |
Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement |
0 |
0 |
Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque |
0 |
183 916 762 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 55 et 55 bis, ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 55 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».
Engagements financiers de l’État
Article 55
I. – Le VIII de l’article 41 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « la réserve » sont remplacés par les mots : « les réserves » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° Le dernier alinéa est complété par les mots : « ni aux majorations mentionnées à l’article 3 de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions et au second alinéa de l’article 2 de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur ».
II. – L’article 6 de la loi n° 49-1098 du 2 août 1949 portant révision de certaines rentes viagères constituées par les compagnies d’assurances, par la caisse nationale des retraites pour la vieillesse ou par des particuliers moyennant l’aliénation de capitaux en espèces est ainsi modifié :
1° Après le mot : « rentes », la fin du premier alinéa est supprimée ;
2° Le second alinéa est supprimé.
III. – Les I et II entrent en vigueur le 1er janvier 2018. Toutefois, les versements de l’État correspondant aux rentes versées en 2017 par les organismes débirentiers sont effectués le 30 juin 2018.
M. le président. L’amendement n° II-45 rectifié bis, présenté par M. Husson, Mme Bories, M. Charon, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Laménie et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Morisset, Rapin et Dallier et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. L’article 55 supprime un engagement pris par l’État depuis 1949, consistant à majorer légalement certaines rentes viagères de retraite. Il s’agissait, notamment après-guerre, de protéger les assurés bénéficiaires de ces contrats de la forte inflation de l’époque.
L’État rembourse ainsi chaque année une partie des majorations légales de rente viagère versées au cours de l’année précédente par les assureurs. Ce remboursement bénéficie aux personnes physiques ayant souscrit une assurance, et cela pour les rentes viagères avant 1987.
Ce mécanisme de revalorisation consiste, concrètement, à demander aux assureurs de préfinancer les majorations légales auprès des assurés, l’État remboursant ensuite les assureurs. C’est ce remboursement de l’État aux assureurs que supprime l’article.
On lit dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances qu’il s’agirait d’une aide financière apportée aux assureurs pour tenir leurs engagements contractuels. Or ce n’est pas aux assureurs, mais aux assurés, que cette aide financière s’adresse, au nom de la solidarité nationale !
Remarquez que ce système de majoration des rentes viagères a été institué en dehors de toute clause contractuelle et de réglementation du code des assurances. L’article 55 transfère ainsi intégralement aux assureurs une charge publique, destinée à l’origine au financement de mesures de solidarité découlant de l’intérêt général.
Dans une lettre du 21 juillet dernier adressée au ministre de l’économie, la Cour des comptes estime à 1,8 milliard d’euros ce transfert, jusqu’à l’extinction des contrats, sur un nombre réduit d’entreprises d’assurance.
Le déficit des finances publiques justifie, certes, que l’on fasse des efforts ; mais il justifie difficilement ce genre de mesures immédiates et confiscatoires, présentant du reste un risque d’inconstitutionnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement au profit du suivant, qui vise à étaler les provisions sur six ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement, qui souhaite la suppression du dispositif de participation de l’État au financement des majorations de rente viagère, est défavorable à cet amendement. En revanche, il est favorable à l’amendement suivant, du rapporteur général.
M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° II-45 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Husson. Non, monsieur le président, je vais le retirer, en faisant confiance, comme nous le faisons souvent, à l’engagement oral du représentant du Gouvernement. J’espère, madame la secrétaire d’État, que cette parole sera tenue, car c’est une question de confiance.
Je souligne seulement que, lors des débats à l’Assemblée nationale, cette mesure n’avait posé aucun problème. Preuve que, dans la navette parlementaire, il est parfois utile de rappeler un certain nombre de fondamentaux !
Pour les assurés comme les assureurs, je me félicite de la proposition avancée par M. le rapporteur général et acceptée par Mme la secrétaire d’État.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° II-45 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-636 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. – Les organismes débirentiers mentionnés au III peuvent répartir, sur une période de six ans au plus et de façon linéaire, à compter des comptes établis au titre de l’exercice 2017, les effets du I et du II sur le niveau des provisions mathématiques prévues par l’article R. 343-3 du code des assurances. Les modalités de constitution de la provision déterminées par les organismes concernés en application du présent alinéa font l’objet d’une explication dans l’annexe des comptes.
Cet amendement a déjà été présenté au nom de la commission des finances, et Mme la secrétaire d’État a fait connaître qu’elle y est favorable.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, je tiens à protester solennellement contre les conditions dans lesquelles nous sommes en train de travailler.
Je trouve la situation inadmissible : alors que nous sommes épuisés, vous nous demandez d’aller à toute vitesse pour terminer l’examen des crédits cette nuit, avec un quart d’heure de séance supplémentaire.
Ce ne sont pas des conditions pour travailler. De plus, nous sommes très peu nombreux dans l’hémicycle. Tout cela n’est pas digne des législateurs que nous sommes ! (M. Jean-François Husson et Mme Christine Lavarde applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 55, modifié.
(L’article 55 est adopté.)
Article 55 bis (nouveau)
Avant le 1er septembre 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport analysant l’impact budgétaire et économique de la suppression de la prime d’État pour les nouveaux plans d’épargne logement et comptes d’épargne logement.
M. le président. L’amendement n° II-300, présenté par Mme N. Goulet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de la prime d’État
par les mots :
du régime fiscal dérogatoire de l’épargne logement
La parole est à M. Michel Canevet, en remplacement de Mme la rapporteur spécial.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Cet amendement concerne un rapport demandé au Gouvernement sur l’épargne logement. La commission propose d’en élargir le champ à l’ensemble du régime fiscal dérogatoire de cette épargne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 55 bis, modifié.
(L’article 55 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 55 bis
M. le président. L’amendement n° II-137 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Malet et Dindar, MM. Pierre, Paul et Kern, Mme Deromedi, MM. Gilles, Longeot et Morisset, Mmes Gruny, Joissains et Di Folco, MM. Bonhomme, Karoutchi, B. Fournier et Vogel, Mme Deseyne, MM. Canevet, Paccaud, Brisson, Chatillon, Leleux, Husson et Louault, Mmes Garriaud-Maylam et Férat, MM. Bonne, Genest, Piednoir et Revet, Mmes Imbert et Lherbier et MM. Rapin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes physiques titulaires d’un plan d’épargne logement prévu aux articles L. 315-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation peuvent, avant le 31 décembre 2018 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, affecter une fraction de cette épargne exclusivement à l’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel. Ce retrait partiel n’entraîne pas la résiliation du plan. Ce dernier est cependant réputé résilié pour la détermination du droit à versement de la prime d’épargne-logement.
II. – L’article L. 315-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La fraction du prêt d’épargne-logement utilisée pour financer l’acquisition de meubles meublants n’est pas prise en compte pour l’octroi de la prime d’épargne-logement mentionnée à l’article L. 315-4. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Comme le montrent les statistiques publiées par l’INSEE, le marché de l’ameublement est dépendant de celui de l’immobilier. Depuis trois ans, il a ainsi chuté de 10 %, provoquant de nombreux sinistres économiques et sociaux, tant en fabrication qu’en distribution spécialisée d’ameublement.
En l’absence de toute perspective de reprise de l’activité immobilière, les 125 000 salariés de la filière meuble française sont menacés ; pour leur sauvegarde, des mesures concrètes et rapides d’incitation à la consommation de meubles sont nécessaires.
C’est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent, afin de soutenir la consommation française d’ameublement et les emplois induits, d’autoriser les ménages français à prélever une partie de leur épargne logement pour l’achat de meubles. Cette mesure de déblocage temporaire et partiel de l’épargne actuelle des plans d’épargne logement serait une forte incitation à la consommation de meubles et soutiendrait donc la croissance, avec les rentrées fiscales induites, dont celles de TVA.
Je précise que le secteur de l’ameublement domestique serait seul concerné par cette mesure et que des mesures identiques ont été adoptées précédemment, notamment dans la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission sollicite le retrait de cet amendement, dont l’adoption complexifierait trop le dispositif du plan d’épargne logement, alors que nous souhaitons le rendre plus lisible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le plan d’épargne logement est un produit destiné à favoriser une épargne régulière permettant aux ménages de constituer un apport personnel et d’obtenir un prêt à un taux fixé à l’avance dans le cadre d’un projet immobilier. Le fonctionnement de ce produit ne permet pas d’opérer un retrait pour acquérir des meubles meublants à usage non professionnel. Un tel retrait au cours de la vie du plan serait contraire à la logique même du produit.
Dans ces conditions, l’amendement n’est pas opportun. Le Gouvernement en sollicite le retrait et y sera défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° II-137 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° II-137 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-438, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La garantie de l’État est accordée à la Banque de France au titre des prêts que celle-ci consent à partir de 2018 au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » du Fonds monétaire international. Cette garantie porte sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un montant cumulé en principal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux. Cette garantie couvre le non-respect de l’échéancier de remboursement de chaque tirage par le gestionnaire du compte.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Fonds monétaire international, en complément de son activité principale d’appui aux États en situation de crise de balance des paiements, appuie les pays à faibles revenus par des prêts concessionnels. Cette activité, qui s’est fortement développée à la suite de la crise de 2008-2009, est menée, pour l’essentiel, à travers la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, la FRPC.
La contribution française à cet effort prend aujourd’hui la forme de prêts de la Banque de France à la FRPC, garantis par l’État. Le dernier prêt accordé date de 2010, pour 1,3 milliard de droits de tirage spéciaux, soit environ 1,5 milliard d’euros.
Le FMI a sollicité ses États membres pour qu’ils renouvellent et amplifient leur contribution. La France soutient pleinement cet effort en faveur de la promotion du développement et de la lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, il est prévu que la Banque de France accorde à la FRPC un nouveau prêt, d’un montant de 2 milliards de droits de tirage spéciaux, soit environ 2,4 milliards d’euros au taux de change actuel.
L’article additionnel dont le Gouvernement propose l’insertion autorise l’État à apporter sa garantie à ce prêt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55 bis.
compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participation de la France au désendettement de la Grèce |
148 000 000 |
167 300 000 |
Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs |
148 000 000 |
167 300 000 |
Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participations financières de l’État |
5 000 000 000 |
5 000 000 000 |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
4 000 000 000 |
4 000 000 000 |
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 68 et 69, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 68, rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Participations financières de l’État
Article 68 (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information faisant le bilan de la privatisation des autoroutes. Ce rapport précisera notamment les montants de l’envolée des tarifs pour les usagers et ceux des dividendes records pour ces sociétés.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, sur l’article.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je voterai contre cet article, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les sociétés autoroutières, leur rentabilité et les distributions faites à leurs actionnaires.
En 2014 et 2015, Jean-Jacques Filleul et moi-même avions travaillé, à la suite du rapport de M. Lasserre, alors président de l’Autorité de la concurrence, sur le problème des autoroutes. Nous avions décidé de confier à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, le soin de contrôler les autoroutes.
Je ne vois donc pas l’intérêt d’un article de loi prévoyant un rapport au Parlement sur la rentabilité des autoroutes et les distributions de dividendes. Il suffit de demander à l’ARAFER de faire son travail !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Contrairement à notre collègue, nous allons voter en faveur de l’article 68, car il pose une question tout à fait pertinente, celle du devenir des entreprises jadis publiques, en l’occurrence ici, la question de la part détenue par l’État dans les sociétés d’économie mixte de concession autoroutière qui ont été privatisées.
L’opération de privatisation des autoroutes, une fois engagée, a constitué l’une des décisions publiques les plus critiquables et les plus critiquées de ces quinze dernières années. La situation ne s’est d’ailleurs pas arrangée, notamment pour les usagers victimes de la hausse des péages.
L’article 68 est donc parfaitement bienvenu et devrait nous inspirer pour d’autres circonstances, par exemple, les liens plus ou moins ténus entre politique industrielle et maîtrise publique, qui se sont assez largement évanouis dans les opérations de privatisation.
Autre exemple intéressant : quelles ont été les conséquences réelles de la privatisation par tranche de l’opérateur historique de téléphonie Orange et de la libéralisation des télécommunications sur la qualité du service rendu et l’appareil économique du pays, en général ?
Compte tenu de l’heure tardive ou très matinale, mes chers collègues, je vous ferai grâce d’aller plus avant. Nous voterons cet article !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. La commission des finances me semble avoir émis un avis favorable sur l’article 68, son dispositif introduit par l’Assemblée nationale n’ayant pas été remis en cause en commission.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je précise que la commission des finances ne me semble pas s’être prononcée sur cet article, ni dans un sens ni dans un autre.
Je mets aux voix l’article 68.
(L’article 68 est adopté.)
Article additionnel après l’article 68
M. le président. L’amendement n° II-416, présenté par Mmes Taillé-Polian et Lienemann, M. Tissot, Mme G. Jourda, M. M. Bourquin, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’information au moins trente jours avant toute opération concernant les participations financières de l’État qui aurait pour effet de faire perdre à l’État, ses établissements publics ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, la majorité des titres ou des droits de vote d’une société.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. À cette heure tardive ou matinale, il est vrai que notre discussion ressemble davantage à une vente aux enchères qu’à un débat parlementaire ! On essaie de passer très rapidement sur des points importants, et c’est bien dommage ! Malgré tout, je tiens à défendre cet amendement d’appel.
À partir de 2012, l’État s’est doté d’une doctrine de l’État actionnaire, qui a été progressivement confortée avec l’instauration du droit de vote double, par exemple, ou une nouvelle gouvernance des entreprises à participation publique. Or cette doctrine de l’État actionnaire, qui avait l’avantage de donner une ligne claire à l’intervention de l’État dans les entreprises, semble aujourd’hui être remise en cause.
En premier lieu, en renonçant à exercer l’option d’achat des titres à hauteur de 20 % du capital d’Alstom lors du récent rapprochement entre Alstom et Siemens, le Gouvernement a mis en pratique une nouvelle conception du rôle de l’État actionnaire beaucoup plus restrictive que la précédente. Il se prive ainsi de la possibilité d’orienter sur le moyen ou le long terme les choix stratégiques de cette entreprise, qui ont pourtant des incidences sur la préservation de l’emploi.
En second lieu, en décidant de céder 10 milliards d’euros de titres pour alimenter un fonds de financement de l’innovation, le Gouvernement diminue drastiquement les actifs de l’État. Je vous pose la question, madame la secrétaire d’État : au bénéfice de qui aura lieu cette cession massive de titres ?
Je vais citer un ancien ministre interrogé sur la pertinence de s’engouffrer dans la brèche de privatisations qui n’auraient d’autre effet que d’appauvrir l’État actionnaire : « Quand j’entends dire que la situation des finances publiques conduirait l’État à céder des participations, je crains que ce ne soit là un prétexte pour céder à quelques amis des parts de sociétés… » C’est ce même ancien ministre qui faisait remarquer que vendre des participations de l’État ne créait pas de recettes budgétaires.
On le sait, au vu de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt, le rendement du placement de ces 10 milliards d’euros serait bien plus faible que les dividendes qu’ils rapportent aujourd’hui à l’État ! Bref, il est tard, on aimerait y voir plus clair, madame la secrétaire d’État, et, surtout, comprendre la nouvelle doctrine – s’il y en a une – de l’État actionnaire.
Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le ministre de l’économie a en effet déclaré que le rôle que l’on a fait jouer à l’État jusqu’à présent n’était pas le bon. Je suis d’accord, mais le Parlement doit en être informé et ce compte d’affectation spéciale doit nous éclairer davantage sur les choix actuels et à venir et sur la réelle stratégie de l’État actionnaire.
Dans son rapport, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques fait observer…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue ! Dépasser le temps imparti n’est pas acceptable à cette heure avancée !
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, je comprends votre rappel, mais on a quand même accepté une interruption de trente minutes à cause du Gouvernement…
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui invite donc à une discussion un peu plus large sur les conditions dans lesquelles s’effectuent les cessions et la perte de majorité de l’État au capital d’une entreprise publique.
Je rappelle que le cadre légal et réglementaire prévoit déjà que le Parlement doit autoriser la privatisation de la plupart des grandes entreprises. Celui-ci est donc parfaitement impliqué dans la décision. Généraliser une pratique de consultation de la représentation nationale au travers d’un rapport préalable sur les privatisations de tout type d’entreprise détenue majoritairement par l’État, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, n’apparaît pas opportun.
Par ailleurs, vous avez souhaité une clarification sur la stratégie d’intervention de l’État en tant qu’actionnaire des différentes entreprises. Le Gouvernement est assez clair dans ses choix : il cherche à rester actionnaire des entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays et de celles qui participent à des missions de service public ou d’intérêt général. Il tente également de rester au capital d’entreprises qui présentent un risque systémique lorsqu’il n’est pas en mesure de préserver les intérêts publics au moyen de leviers non actionnariaux et qu’il souhaite néanmoins conserver sa capacité d’intervenir.
Compte tenu de ces explications, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Je vous entends, madame la secrétaire d’État. Cependant, nous vous rappelons que, si vous devez récupérer 10 milliards d’euros - encore que le Premier ministre ait évoqué un chiffre moins élevé devant le Conseil national de l’industrie -, il faudrait que l’État cède un tiers de ses participations dites « cessibles ».
Dix milliards d’euros, cela représente 10 % des 100 milliards d’euros de l’APE, l’Agence des participations de l’État. Cela équivaut donc à 10 % du total des participations de l’État ! Sur le périmètre véritablement cessible de ces participations dans le secteur concurrentiel, je le répète, ce montant représenterait même un tiers de l’ensemble. En l’espace d’une année, il ne sera pas possible de céder 10 milliards d’euros, quand bien même ce montant serait réduit aujourd’hui à 8 milliards d’euros à la suite de la déclaration du Premier ministre.
Les cessions se feraient sous la forme de prêts de titres, contractés auprès de je ne sais quelle instance, puisque l’APE ne peut pas se voir verser de dividendes. Je ne sais pas non plus sur quels fonds seraient versés ces dividendes ni quelle ligne budgétaire ou quel programme les retraceraient : il y a là un mystère qu’il faut lever !
Pour trois des entreprises qui pourraient être concernées, le législateur a décidé que l’État ne pouvait pas descendre en deçà d’un seuil de 70 % de détention du capital pour deux d’entre elles, et de 50 % pour la dernière. Pour les autres entreprises, il faudrait que l’État informe le Parlement lorsqu’il envisage de mener des opérations de cession le conduisant à perdre la majorité au sein des conseils ou à perdre en influence lorsqu’il existe un système de droits de vote double.
Madame la secrétaire d’État, de toute façon, la presse en sera informée. En outre, cette disposition ne fait courir aucun risque de délit d’initié. Aucune information sensible qui pourrait, si j’ose dire, « déstabiliser » les cours et, donc, conduire à brader le patrimoine de l’État ne serait ainsi livrée au marché. Il me semble qu’il convient de trouver un compromis raisonnable entre la confidentialité qui doit entourer ces opérations et la nécessaire information dont le Parlement a besoin pour autoriser ces opérations. Il s’agit d’un amendement « borné » !
M. le président. Monsieur Tissot, l’amendement n° II-416 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 68.
Article 69 (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 juin 2018 un rapport d’information sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut de l’Agence des participations de l’État afin que celle-ci soit transformée en opérateur public doté de la personnalité morale, à charge pour cette dernière de verser chaque année un dividende au budget général de l’État correspondant à une part des produits des cessions réalisées et des dividendes qu’elle aurait elle-même perçus.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Si nous approuvions à la lettre l’article 68, nous sommes en revanche en total désaccord avec l’esprit et la lettre de l’article 69. Cet article manque de vision à long terme, ce qui ne peut que manquer d’inquiéter.
Pour aller très vite, nous pensons qu’il s’agit de faire de l’Agence des participations de l’État une sorte de « club d’investissement » dont la seule fonction serait de réaliser des cessions de titres et de réclamer un retour sur investissement sur les titres détenus. En clair, madame la secrétaire d’État, l’APE deviendrait une sorte de boursicoteur public dont la qualité serait mesurée à la hauteur des plus-values enregistrées. Cela rejoint certaines des problématiques abordées tout à l’heure dans la discussion : l’APE ne s’occupera plus de la stratégie à l’œuvre derrière les opérations et se contentera de ramasser les plus-values tirées des cessions et des dividendes remontés des entreprises détenues.
Devenue opérateur de l’État, l’APE pourrait même signer un contrat d’objectifs et de moyens tendant à assurer, entre cessions et rémunération du capital, un niveau donné de recettes non fiscales au budget de l’État. En d’autres termes, on pourrait demander à l’APE de rapporter 4 ou 5 milliards d’euros par an, voire 6 milliards d’euros si les choses fonctionnaient encore mieux, à partir d’un portefeuille de 100 milliards d’euros de titres divers, en valeur boursière ou non. Cette vision de la propriété de titres, parts et actions de sociétés, nonobstant leur nom, leur valeur absolue ou relative, n’est pas la nôtre !
L’APE ne doit pas se contenter d’être un vendeur opportuniste ou, pour plaisanter un peu en cette heure tardive, un « dodu dormant » ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 69.
(L’article 69 est adopté.)
compte de concours financiers : accords monétaires internationaux
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Accords monétaires internationaux |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale |
0 |
0 |
Relations avec l’Union des Comores |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
16 578 540 638 |
16 578 540 638 |
Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune |
16 000 000 000 |
16 000 000 000 |
Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics |
476 300 000 |
476 300 000 |
Avances à des services de l’État |
87 240 638 |
87 240 638 |
Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex |
15 000 000 |
15 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
investissements d’avenir
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Investissements d’avenir |
0 |
1 079 500 000 |
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
0 |
142 500 000 |
Valorisation de la recherche |
0 |
227 000 000 |
Accélération de la modernisation des entreprises |
0 |
710 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
remboursements et dégrèvements
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Remboursements et dégrèvements |
115 367 474 000 |
115 367 474 000 |
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs) |
100 155 474 000 |
100 155 474 000 |
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs) |
15 212 000 000 |
15 212 000 000 |
M. le président. L’amendement n° II-439, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs) |
4 700 000 000 |
|
4 700 000 000 |
|
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs) |
|
3 206 000 000 |
|
3 206 000 000 |
TOTAL |
4 700 000 000 |
3 206 000 000 |
4 700 000 000 |
3 206 000 000 |
SOLDE |
1 494 000 000 |
1 494 000 000 |
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de deux amendements adoptés lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2018.
Il convient de minorer les crédits du programme 201, « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux », de 3,206 milliards d’euros en crédits de paiement tout comme en autorisations d’engagement. En effet, l’amendement n° I-97 a supprimé l’article 3 du projet de loi de finances sur le dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale, ce qui minore les remboursements et dégrèvements du programme 201 de 3,04 milliards d’euros. L’amendement n° I-99 a supprimé, quant à lui, l’article 3 ter, qui prévoyait un dégrèvement pour certains contribuables, ce qui minore les remboursements et dégrèvements du programme 201 de 166 millions d’euros.
Par ailleurs, compte tenu des décaissements anticipés au titre du contentieux sur la taxe de 3 % sur les dividendes, il convient de majorer les crédits du programme 200, « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », de 4,7 milliards d’euros, soit la différence entre les 5 milliards d’euros de décaissements prévus et les 300 millions d’euros initialement provisionnés dans le projet de loi de finances pour 2018.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement de constatation, qui découle de l’adoption de deux amendements de la majorité sénatoriale. Cet amendement n’étonnera donc personne, mes chers collègues : nous avons des heures de débat derrière nous, et chacun s’est efforcé de respecter la légitimité et les arguments des uns et des autres.
Au nom de la commission des finances, j’émettrai un avis favorable sur cet amendement. À titre personnel, en revanche, mon avis est – je vous laisse deviner ! – défavorable.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Engagements financiers de l’État », « Investissements d’avenir » et « Remboursements et dégrèvements », des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État », ainsi que des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».
Mes chers collègues, je vous remercie d’être restés jusqu’à cette heure très tardive - ou très matinale, selon le point de vue où l’on se place !
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd’hui, jeudi 7 décembre 2017, à dix heures cinquante, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV ;
- Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 49, 49 bis et 49 ter) ;
- Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural ;
- Économie (+ articles 54 quinquies, 54 sexies, 54 septies et 54 octies) ;
- Compte de concours financiers : « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » ;
- Outre-mer (+ articles 57 quater, 57 quinquies, 57 sexies et 57 septies) ;
- Recherche et enseignement supérieur (+ articles 57 octies et 57 nonies).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 décembre 2017, à une heure cinquante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD