Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous attirez l’attention de la ministre du travail sur les conséquences, pour l’exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales remis en avril 2013, suivi d’une note en juillet 2015, a permis de constater que les mises à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales s’inscrivaient dans un cadre juridique fragile et peu clair, fondé sur la notion d’usage. S’y ajoutaient des questions parfois complexes d’attribution des locaux et de répartition des charges d’entretien.
C’est pourquoi un cadre juridique clair a été instauré en 2016. Ainsi, les articles L. 1311-18 et L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales précisent que les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande. Cette mise à disposition peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité et l’organisation syndicale.
Par ailleurs, il revient désormais au maire, au président du conseil départemental, au président du conseil régional, au président d’un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou au président d’un syndicat mixte de déterminer les conditions dans lesquelles l’usage de ces locaux peut être proposé aux organisations syndicales.
À cet égard, le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d’administration de l’établissement ou du syndicat mixte détermine, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
En outre, l’organisation syndicale peut bénéficier d’une indemnité spécifique lorsque la collectivité territoriale lui retire le bénéfice d’un local mis à disposition pendant au moins cinq ans sans lui proposer un autre local.
Mme la présidente. La parole est Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, vous le soulignez, les collectivités territoriales « peuvent » décider d’apporter leur concours ; mais elles peuvent aussi décider du contraire, notamment en mettant fin à une utilisation de locaux qui était pourtant importante pour les salariés et les organisations syndicales.
Effectivement, une indemnité est prévue en cas de retrait du bénéfice de l’usage de locaux mis à disposition depuis au moins cinq ans, mais la vie des organisations syndicales s’inscrit aussi dans le temps long.
Les collectivités territoriales peuvent aussi choisir de mettre un terme à leur concours parce qu’elles se trouvent dans une situation financière complexe. Elles peuvent avoir besoin de recouvrer l’usage d’un patrimoine mis à disposition il y a longtemps.
Il faut aller plus loin en aidant les organisations syndicales à garder un pied au sein des territoires. Il ne faut pas leur retirer des moyens qui sont essentiels, notamment pour permettre aux salariés qui, au sein de leur entreprise, n’ont pas la chance de pouvoir s’appuyer sur des représentants syndicaux, d’accéder à leurs droits. C’est extrêmement important pour la liberté syndicale et la défense des salariés.
traitement du « nœud » ferroviaire de la gare de marseille saint-charles
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 105, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Mireille Jouve. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la saturation préoccupante de la gare Saint-Charles de Marseille.
Pour remédier à cette situation, la construction d’une gare souterraine sous le plateau ferroviaire déjà existant et la création d’une quatrième voie dans l’est marseillais sont une impérieuse nécessité. La remise en cause de ces projets d’aménagement porterait fortement atteinte au futur développement économique et urbain de la métropole Aix-Marseille-Provence.
La montée en puissance des transports ferrés du quotidien au sein de cette aire et, plus largement, de l’ensemble des Bouches-du-Rhône répond à une attente forte des usagers et des élus locaux, eu égard à la saturation de nombreux axes routiers. Toutefois, un report modal ambitieux ne saurait s’envisager sans le traitement du « verrou » que représente la gare Saint-Charles.
Alors que le Gouvernement procède actuellement à une réévaluation de l’ensemble des grands projets d’infrastructures de transport, la mise en œuvre du projet stratégique de traitement du « nœud » ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles demeure-t-elle une priorité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à vous confirmer le souhait du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement du « nœud » ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles et d’offrir aux usagers des liaisons régionales plus régulières et plus fiables sur l’ensemble de la ligne de Marseille à Nice.
Le projet de ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur a été conçu dans cette perspective. Les études préalables à l’enquête publique ont été menées, et des approfondissements sont attendus, s’agissant notamment des conditions de passage sous tunnel dans la vallée de l’Huveaune.
Néanmoins, comme vous le savez, ce projet est très coûteux : le coût des deux sections prioritaires, autour de Marseille et de Nice, est estimé à près de 7 milliards d’euros, alors que près de 35 milliards d’euros de projets ferroviaires sont à financer dans l’ensemble de la France.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a mis en place une méthode particulière pour les grands projets d’infrastructures de transport. Avec les assises de la mobilité, menées depuis septembre et qui se clôtureront prochainement, le 13 décembre, puis la loi d’orientation sur les mobilités qui sera discutée au début de l’année prochaine, c’est une nouvelle politique de mobilité que nous souhaitons mettre en place : une politique plus à l’écoute des besoins de nos concitoyens, plus réaliste et, surtout, plus sincère au regard de nos finances publiques.
Les débats sur ce projet y auront toute leur place. Il convient toutefois de rechercher dès maintenant les optimisations possibles des réseaux existants, pour redonner rapidement de la régularité et de la capacité à nos services de transports.
En ce qui concerne le « nœud » ferroviaire marseillais, SNCF Réseau est mobilisé pour rechercher les moyens d’optimiser non seulement les conditions d’accès au plateau de Saint-Charles, mais aussi les pratiques actuelles d’exploitation et les investissements pertinents à différents horizons : 2024, d’abord, année des jeux Olympiques et Paralympiques, puis 2030 et même au-delà, en fonction des phasages possibles de la ligne nouvelle. Ces réflexions permettront d’éclairer les décisions qui seront prises dans le cadre de la future loi d’orientation sur les mobilités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces précisions.
La métropole Aix-Marseille-Provence, en pleine construction, attend beaucoup de l’État, en particulier dans le domaine des transports. En effet, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet, mais les quatre-vingt-douze communes qui constituent notre métropole n’auront pas un budget suffisant pour mener à bien ces grands projets.
Vous l’avez rappelé à juste titre, nous devons travailler aussi en vue de l’accueil des jeux Olympiques de 2024, dont certaines épreuves de voile se dérouleront à Marseille !
ligne ferroviaire carcassonne-quillan
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 057, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Roland Courteau. Soutenus par les quarante-deux conseils municipaux de la haute vallée de l’Aude et l’association pour la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan, élus et populations ont décidé de s’opposer à la fermeture du tronçon ferroviaire Limoux-Quillan.
Si nous nous réjouissons de la régénération du premier segment, Carcassonne-Limoux, la menace de fermeture du second, Limoux-Quillan, soulève la plus totale réprobation. Cette ligne doit absolument rester un véritable outil de développement du territoire et un levier économique ! Il ne sera donc pas accepté – je pèse bien mes mots – que le tronçon ferroviaire Limoux-Quillan soit remis en cause.
Madame la secrétaire d’État, sachez que le conseil régional a voté, en juillet dernier, le financement de 610 000 euros d’études préalables à la réalisation des travaux. Ces études viennent de débuter.
Les populations considèrent que cette ligne doit continuer à relever de l’échelon national, afin de maintenir un réseau garantissant l’unité et la continuité du territoire, ainsi que l’égalité d’accès aux transports. L’abrogation du décret portant sur les contrats de performance passés qui excluent de l’entretien et de la maintenance courants les lignes de catégories UIC 7 à 9, dont la ligne précitée, est donc demandée. J’insiste d’ailleurs pour que SNCF Réseau mette à niveau l’entretien de base, afin de rétablir et de garantir les performances, en termes de temps de parcours, sur l’ensemble de la ligne.
Le conseil régional s’est engagé, sans la moindre ambiguïté, pour l’inscription au prochain contrat de plan État-région des travaux de rénovation du tronçon Limoux-Quillan. Madame la secrétaire d’État, qu’en est-il des intentions du Gouvernement et, partant, de SNCF Réseau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous m’interpellez sur l’avenir de la ligne ferroviaire reliant Carcassonne, Limoux et Quillan, dans l’Aude.
Comme vous le savez, l’état dégradé de cette infrastructure a conduit à la mise en place de limitations de vitesse sur plusieurs sections de l’axe, afin de maintenir un haut niveau de sécurité. La réalisation de travaux de renouvellement était dès lors nécessaire pour rétablir les niveaux de performance.
Les études menées dans le cadre du contrat de plan État-région 2007-2013 ont permis de définir les besoins de régénération et les travaux à réaliser en priorité pour assurer la pérennité de cette ligne. L’État et la région ont ainsi validé la mobilisation d’une enveloppe de 11 millions d’euros, entérinant un engagement fort de traiter la section entre Carcassonne et Limoux, sur laquelle circulent le plus grand nombre de trains. Les travaux ont commencé au début de 2017 et se poursuivront l’année prochaine.
La section Limoux-Quillan présente, quant à elle, en plus d’un état de vieillissement avancé, une configuration géographique complexe, qui impose des mesures garantissant la sécurité de circulation.
À ce stade, dans un contexte budgétaire contraint pour l’ensemble des acteurs, la priorité donnée aux parties structurantes du réseau ne permet pas à SNCF Réseau d’investir seul dans la pérennisation du réseau secondaire, ni à l’État d’y consacrer en priorité ses moyens. L’avenir des lignes peu fréquentées, comme Carcassonne-Quillan, ne peut donc se construire qu’en partenariat avec la région, dans le cadre du contrat de plan État-région.
Les états généraux du rail et de l’intermodalité organisés par la région Occitanie sont allés dans ce sens ; ils ont permis de définir les priorités en termes de mobilité durable à l’échelle régionale. Il a été décidé de rechercher le maintien de la ligne dans tout son linéaire. Une étude préliminaire de ligne sur la section Limoux-Quillan va ainsi être lancée rapidement pour déterminer les conditions du maintien de ce service.
diminution des budgets des agences de l'eau
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 098, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-François Longeot. Ma question a trait à la baisse annoncée des budgets des agences de l’eau.
Depuis la loi de finances pour 2015, l’État ampute chaque année le fonds de roulement des agences de l’eau de près de 175 millions d’euros pour financer son propre budget, sans compter la diminution drastique et imposée des effectifs de ces agences. Ces prélèvements se font, bien entendu, au détriment des collectivités territoriales et de l’exercice par les agences de l’eau de leurs missions, pourtant sans cesse élargies et renforcées.
À l’heure où l’État demande aux collectivités territoriales de réorganiser les compétences eau et assainissement sur leur territoire et de mettre en œuvre la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, cette diminution prévue des budgets des agences de l’eau, si elle était entérinée, mettrait à mal les investissements prévus par les collectivités territoriales pour accompagner la transition écologique.
De fait, nombreux sont les maires qui se demandent comment ils pourront financer, par exemple, la mise aux normes de réseaux ou de stations d’épuration.
Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer s’il est dans les intentions du Gouvernement de préserver l’autonomie financière et administrative des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre d’État Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire ; ne pouvant malheureusement pas être au Sénat ce matin, il m’a chargée de vous répondre.
Depuis sa prise de fonction, Nicolas Hulot a rencontré à deux reprises l’ensemble des présidents de comité de bassin et des directeurs d’agence de l’eau. La conviction du ministre d’État est que la gouvernance par bassin a du sens et qu’elle doit être respectée et préservée.
Les agences de l’eau constituent un formidable outil au service des politiques de l’eau, mais également de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique. Toutefois, il nous semble que certaines évolutions sont devenues nécessaires.
Ainsi, les agences de l’eau doivent avoir un rôle de pilier dans le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité. C’est dans cet esprit qu’elles financeront désormais entièrement les opérateurs de la biodiversité : l’Agence française pour la biodiversité, les parcs nationaux et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. En effet, un lien évident unit la gestion de l’eau et celle des écosystèmes.
S’agissant des moyens des agences de l’eau, ils restent très importants. Ainsi, au titre du onzième programme des agences de l’eau, nous prévoyons plus de 12,6 milliards d’euros de recettes fiscales sur six ans. Cette somme est intermédiaire au regard des montants engagés pour les neuvième et dixième programmes, qui s’étaient vu allouer respectivement 11,4 milliards d’euros et 13,6 milliards d’euros.
Pour l’année 2018, le plafond des redevances qui pourront être collectées au profit des agences de l’eau devait être abaissé. Il a été relevé à 2,28 milliards d’euros, à la demande des députés. En contrepartie de cette hausse du plafond, le Gouvernement a reconduit un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau, à hauteur de 200 millions d’euros. Ces 200 millions d’euros doivent être rapportés au montant du fonds de roulement : 760 millions d’euros à la fin de 2016. Ils correspondent approximativement à la hausse que le fonds de roulement a connue entre 2014 et 2016, malgré les prélèvements opérés pendant cette période.
Par ailleurs, l’amélioration de l’état et de la gestion des réseaux d’eau représente un enjeu majeur. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé, à l’occasion du Congrès des maires, la tenue d’assises de l’eau.
Ces assises seront lancées par le ministre d’État Nicolas Hulot l’année prochaine. Elles permettront d’étudier dans le détail les besoins d’investissement dans ces réseaux, que nous savons importants.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Sachez en tout cas que nous veillerons à permettre à chaque agence de l’eau d’exercer pleinement ses missions dans le cadre du onzième programme. Cette priorité est partagée par les présidents de comité de bassin.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’entends bien que des évolutions sont nécessaires, et nous y participerons. Reste que, si l’on veut associer la gestion de l’eau et celle des écosystèmes, il faut mobiliser des moyens. Or nous nous heurtons aujourd’hui, au sein de nos collectivités territoriales, à un véritable manque de moyens dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Les enjeux majeurs liés aux réseaux d’eau seront donc abordés dans le cadre d’assises de l’eau, mais, dans ce domaine, il importe avant tout de faire confiance aux collectivités, qui, jusqu’à présent, ont géré l’eau d’une façon remarquable. Cela signifie aussi leur donner des moyens. Puissent les assises de l’eau à venir nous permettre d’en trouver pour les accompagner dans leur action !
Les prélèvements sur le fonds de roulement des agences de l’eau sont pratiqués depuis des années. Il n’en faut pas moins rappeler que la redevance payée par les consommateurs d’eau a vocation à servir au financement de la gestion de l’eau, et non à abonder un autre budget, quel qu’il soit…
situation du personnel enseignant
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, auteur de la question n° 100, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Mme Laure Darcos. Dans un rapport consacré à la gestion des enseignants, la Cour des comptes a déploré le caractère imprévisible et illisible de la politique de recrutement de l’État.
Les gouvernements précédents ont mis en œuvre des mesures manquant de cohérence au regard de la nécessaire stabilité à long terme de l’éducation nationale. Ainsi, les effectifs des enseignants et la démographie des élèves ont évolué différemment, en particulier dans le second degré, comme le souligne la Cour des comptes.
Pour les étudiants envisageant d’exercer ce métier, ces incohérences ont eu un effet dissuasif incontestable, le taux de candidats présents aux concours n’ayant cessé de diminuer entre 2012 et 2015.
En outre, tous les postes ouverts n’ont pas été pourvus, dans l’enseignement primaire comme dans le secondaire, ce qui a eu pour effet d’aggraver la situation dans un certain nombre d’établissements.
Le manque d’attractivité du métier d’enseignant a aussi des causes plus profondes. En effet, la faiblesse des rémunérations en début de carrière, l’insuffisance de la formation professionnelle continue et l’imparfaite procédure d’affectation des enseignants incitent fréquemment les jeunes à se tourner vers le secteur marchand, qui offre de meilleures perspectives de carrière et des rémunérations plus attrayantes.
Les conséquences de cette situation sont lourdes pour les établissements scolaires. Toutes les filières – la filière générale, la filière technologique et la voie professionnelle – sont affectées par la faible capacité de séduction de l’éducation nationale.
Dans certaines disciplines, comme les sciences et les mathématiques, on connaît de réelles difficultés de recrutement, au point qu’il est parfois nécessaire de recourir à des enseignants contractuels pour assurer la continuité des cours et pallier un absentéisme qui pénalise les élèves.
Dans mon département, l’Essonne, il manque des enseignants spécialisés dans certains établissements. J’en veux pour preuve la situation du lycée de l’Essouriau, aux Ulis, qui a recherché, jusqu’aux vacances de la Toussaint, des profils très technologiques. Cette situation est évidemment très dommageable pour des élèves préparant leur future orientation professionnelle.
Monsieur le ministre, ma question sera précise : si les premières mesures prises par le Gouvernement semblent aller dans le bon sens, comment comptez-vous relever le défi du recrutement des enseignants et donner à nos enfants les moyens de réussir leur scolarité et leur insertion professionnelle ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, le recrutement est l’enjeu crucial pour tout le système éducatif.
La crise dont vous parlez concerne surtout le second degré. Dans le premier degré, les 13 000 postes proposés au concours – le recrutement conservera cet ordre de grandeur dans les années à venir compte tenu des postes que nous créons dans le primaire – sont pourvus. On pourrait discuter de l’attractivité de la fonction de professeur des écoles, mais elle ne connaît pas de crise grave.
En revanche, dans le second degré, nous faisons face à une crise importante, qui a à la fois une dimension mondiale et une dimension française.
Sur le plan mondial, on observe que la fonction professorale manque d’attractivité dans certaines disciplines, en particulier les mathématiques et les disciplines scientifiques et technologiques. Il faut mesurer la dimension structurelle de ce phénomène pour tenter d’y remédier.
La crise a aussi une dimension proprement française, peut-être liée aux problèmes de gestion que vous avez mentionnés.
À la dimension structurelle de la crise, la réponse la plus importante est le prérecrutement. Nous devons être capables, au cours des prochaines années, d’inciter des jeunes qui ont des dons et le désir de faire carrière dans l’enseignement, notamment, des mathématiques, des sciences ou des technologies, à s’orienter vers le professorat, au travers de mesures tant matérielles qu’immatérielles.
Sur le plan immatériel, qui est peut-être le plus important, il s’agit de valoriser dans notre société la fonction de professeur. C’est ce à quoi je m’emploie tous les jours. Le professeur doit être au centre de la société française. Il doit être valorisé, dans tous les sens du terme.
D’un point de vue plus pratique, en matière de prérecrutement, nous allons développer les bourses et faire évoluer la fonction d’assistant d’éducation, afin de diriger davantage d’étudiants vers la fonction professorale.
Dans le futur, la mise en œuvre de cette politique doit se traduire par une augmentation du nombre et de la qualité des candidats aux concours. Par le passé, trop souvent, la barre d’admission a été placée bas, sans que cela permette, pour autant, de pourvoir tous les postes : 80 % le sont en moyenne, mais, dans les disciplines que j’ai mentionnées, le taux peut être inférieur.
Restaurer l’attractivité de la fonction permettra de rehausser progressivement le niveau d’exigence : ainsi s’enclenchera un cercle vertueux, ce qui permettra d’améliorer la qualité du système français d’enseignement. Nous avons commencé ce travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie, monsieur le ministre, et je suis de tout cœur avec vous. Je pense que la représentation nationale vous soutiendra dans votre action et j’espère que vous resterez ministre de l’éducation nationale pendant cinq ans : c’est, me semble-t-il, la durée minimale pour que vous puissiez mener à bien vos réformes !
réseaux d'éducation prioritaire
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 114, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, votre administration utilise de nombreux critères et indicateurs pour classer les établissements ; c’est ainsi qu’elle identifie ceux qui doivent appartenir aux réseaux d’éducation prioritaire, les REP, ou aux réseaux d’éducation prioritaire renforcée, les REP+.
Sachez que ces critères sont aussi utilisés par les collectivités territoriales, notamment les départements, pour ajuster les moyens alloués aux établissements en fonction de vos classements. Ils ont donc un double usage, ce qui, parfois, provoque des effets de levier importants.
Sur le terrain, nous avons quelquefois l’impression que l’évolution du classement des établissements ne correspond pas tout à fait à la réalité sociologique telle que nous, élus, la percevons subjectivement.
Ainsi, dans mon département, les Hauts-de-Seine, j’ai demandé à plusieurs reprises communication des critères utilisés, pour essayer de comprendre le décalage entre le classement opéré par le ministère et ma perception. On m’a répondu que ce n’était pas possible, que les critères étaient propres au ministère et que je n’avais pas à y accéder.
Sur le fond, ce n’est plus aujourd’hui une façon de faire acceptable. Je crois d’ailleurs, monsieur le ministre, que nous partageons la même opinion sur ce point : qu’il s’agisse de critères ou d’algorithmes, la seule façon de bien les protéger est de les rendre publics et d’en discuter de façon politique. Quand pourrons-nous donc obtenir communication de ces critères ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, quid de l’extension de l’application de ces critères aux établissements privés sous contrat ? En tant que politiques, nous avons besoin d’évaluer la part que ces établissements, que nous subventionnons, prennent à la lutte contre le décrochage scolaire, laquelle passe aussi par une plus grande mixité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je vous remercie de cette question. L’éducation prioritaire est, en effet, un sujet essentiel pour notre pays.
Depuis l’émergence de la notion d’éducation prioritaire, au début des années quatre-vingt, l’éducation nationale a développé un savoir-faire en matière d’élaboration de critères. Le résultat auquel nous arrivons est, dans l’ensemble, assez satisfaisant, même si je vous accorde volontiers qu’il ne l’est pas pleinement.
Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne la nécessaire transparence des critères. Nous allons l’instaurer dans peu de temps, et je partage d’autant plus votre préoccupation que nous devons viser une cohérence entre les politiques publiques de l’éducation prioritaire et les politiques publiques sociales en général. Nous devons faire de l’établissement le pivot des politiques sociales ; je pense notamment aux relations avec les familles, à l’aide aux familles et à la parentalité, qui sont intimement liées aux parcours des élèves dans le premier et le second degré dans les territoires les plus défavorisés. En liaison avec la représentation nationale, nous pouvons tout à fait progresser en la matière.
Plus largement, nous devons progresser dans notre conception de l’éducation prioritaire. Celle-ci a, certes, une dimension territoriale, mais on trouve aussi des élèves défavorisés aussi en dehors des territoires relevant de l’éducation prioritaire. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.) Nous devons donc avoir à la fois une approche sociale territoriale et une approche sociale plus individualisée. C’est le sens des évolutions que nous vous proposerons dans quelque temps. Sur ce sujet aussi, nous nous rejoignons.
Quant à l’application de la notion d’éducation prioritaire à l’enseignement privé, c’est une idée très intéressante, car l’enseignement privé sous contrat participe de manière réelle et volontariste aux enjeux de mixité sociale, sans toutefois que cette participation soit partout la même. Nous devons donc être attentifs à cette question. Je discuterai des évolutions souhaitables dans ce domaine avec les partenaires sociaux et de l’enseignement privé.
En tout cas, votre remarque me semble aller dans la bonne direction, puisqu’il y a une volonté, de la part de l’État mais aussi des acteurs concernés, d’accroître la mixité sociale et de renforcer le soutien aux élèves les plus socialement défavorisés.