M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, près de 815 millions de personnes dans le monde sont sous-alimentées. Chaque jour, 16 000 enfants meurent avant d’avoir pu vivre, faute d’accès aux soins.
Malgré la mise en œuvre des objectifs du millénaire pour le développement, requalifiés en objectifs de développement durable, beaucoup reste à faire. La perspective démographique de 9 milliards d’hommes d’ici à 2050, conjuguée à celle d’un changement climatique certain, invite la communauté internationale à se mobiliser encore davantage en faveur de la lutte contre la pauvreté.
Nous ne pouvons le nier, le développement constitue aussi un enjeu géopolitique fort. La crise migratoire touchant l’Europe depuis plusieurs années rappelle cette réalité. L’afflux de réfugiés inquiète un grand nombre de citoyens européens, dont certains pensent à tort qu’embrasser l’idéologie des extrêmes aux élections nationales et locales ouvrirait la voie à des solutions.
Le président Macron l’a rappelé mardi dernier, au Burkina Faso, l’Europe a peur d’être « submergée de migrants au risque de la xénophobie ».
Cette crise offre un avant-goût de ce que pourrait être notre lendemain, au sein de l’Union européenne : une vague de réfugiés climatiques issus de pays concernés par le réchauffement qui n’ont pas les moyens ni le niveau de développement suffisant pour retenir leurs populations.
Déjà, en 1981, à Paris, à l’occasion d’une conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés, le président François Mitterrand disait ceci : « Qui pense encore à la croissance harmonieuse d’une moitié du monde sans se préoccuper de l’autre ? » Oui, trente-six ans plus tard, plus que jamais aujourd’hui, c’est une évidence : ce qui se passe là-bas nous impacte ici.
Aussi les pays les plus riches doivent-ils porter des politiques de développement ambitieuses. Au niveau mondial, l’effort est indéniable. En effet, avec un montant de 142 milliards de dollars en 2016, l’apport global des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE a connu son plus haut niveau historique. Mais qu’en est-il de la France ?
Nos collègues rapporteurs de la mission ont donné tous les chiffres, mais permettez-moi, néanmoins, d’en rappeler quelques-uns. La France, cinquième contributeur, tient ses engagements. Mais avec 0,4 % pour 2017, le fameux objectif d’une aide au développement fixé à 0,7 % du revenu national brut n’est pas atteint.
Nous pourrions le regretter si le projet de loi pour 2018 ne replaçait pas les crédits dédiés au développement sur une trajectoire ascendante. C’est une bonne chose. Et le chef de l’État a d’ailleurs confirmé l’ambition de porter le montant de l’aide au développement à 0,55 % du RNB en 2022, lors de son récent déplacement en Afrique. C’est un message fort.
Nous le savons, la majeure partie des crédits de cette mission est consacrée justement à l’Afrique. Et cette priorité, je la fais totalement mienne.
Elle suscite une approbation partagée, tant cette région du monde concentre tous les défis – démographiques, économiques, sociaux, culturels. Nous devons y porter toute l’attention qu’exige notre avenir commun.
J’observe toutefois que l’effort apporté aux pays les moins avancés n’est pas encore conforme aux objectifs pourtant réaffirmés par le plan d’action d’Addis-Abeba de 2015 et par l’Agenda 2030.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, remplacer les dons par les prêts, c’est faire peu de cas de la capacité de ces pays à lever des ressources domestiques ou à attirer des investisseurs étrangers.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Bien évidemment !
M. Jean-Noël Guérini. Ne le nions pas, les pays les moins avancés sont dépendants de l’aide publique. Et l’Agence française de développement devrait veiller à un meilleur fléchage de ses projets.
Enfin, j’ajouterai que la France contribue également au développement par son action extérieure. À cet égard, le sommet Union africaine-Union européenne qui s’est tenu la semaine dernière à Abidjan envoie un signal fort, avec l’ambition affichée par le président de la Commission européenne de mettre en œuvre un plan d’investissement de plus de 44 milliards d’euros destiné à l’Afrique d’ici à 2020. Reste à en connaître les modalités.
Monsieur le ministre, malgré les réserves que je viens de formuler, parce que les crédits consacrés à l’APD sont orientés à la hausse et parce que l’aide publique au développement n’est qu’une part du soutien que la France et ses partenaires apportent aux pays les plus fragiles, le groupe du RDSE votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. –M. Robert del Picchia applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par les temps qui courent, voir une augmentation de 11 % sur un programme budgétaire n’est pas monnaie courante !
C’est bien pourtant ce que représente la hausse de 100 millions d’euros budgétisée pour le programme 209. Sommes-nous en train de nous positionner sur une trajectoire nous permettant d’atteindre le jalon international de 0,7 % du revenu national brut consacré à la solidarité internationale ? Pas du tout, hélas !
Un décryptage des chiffres s’impose, pour ne pas persister dans l’insincérité budgétaire.
Alors qu’Emmanuel Macron présente son premier projet de loi de finances, rappelons-nous le précédent quinquennat : François Hollande avait fait de l’augmentation de l’aide publique au développement une promesse de campagne. C’est pourtant durant son quinquennat que l’aide de la France a le plus baissé, tombant même en dessous de la moyenne des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE.
M. Antoine Lefèvre. Nous sommes tombés bien bas, en effet !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’APD représente aujourd’hui 0,38 % de notre revenu national brut, alors qu’elle « pesait » encore 0,50 % en 2010. Laisserons-nous l’histoire se répéter ?
Emmanuel Macron s’est engagé, y compris devant l’Assemblée générale des Nations unies, à porter l’APD à 0,55 % du revenu national brut d’ici à 2022 – cet objectif est déjà loin d’être ambitieux, alors que six de nos partenaires européens ont, eux, atteint l’objectif onusien de 0,7 %.
Or le premier budget qu’il présente ne place pas clairement la France sur une trajectoire permettant d’atteindre cet objectif. Six milliards d’euros supplémentaires seraient nécessaires d’ici la fin du quinquennat ; ce n’est donc pas de 100 millions d’euros par an qu’il faudrait augmenter ce budget, mais de plus d’un milliard. (M. le ministre le conteste.)
On est donc très loin du compte ! De surcroît, cette hausse de 100 millions d’euros qui nous est annoncée est trompeuse, car elle intervient alors que le budget de l’aide au développement a été coupé de 136 millions d’euros durant l’été ! La hausse des crédits pour 2018 est ainsi inférieure au montant annulé en 2017…
Le projet de budget triennal 2018-2020 est trop modeste pour rétablir la trajectoire ; il serait nécessaire, pour que nous tenions nos engagements, de doubler notre APD entre 2018 et 2020. N’est-ce pas irréaliste ? Monsieur le ministre, il me semblerait utile que soit publiée une feuille de route dans laquelle serait anticipée, sur cinq ans, une montée en puissance qui pourrait permettre à la France de tenir ses engagements.
La taxe sur les transactions financières est un levier important. Dans le contexte du Brexit, je comprends qu’il faille ménager l’attractivité de la place de Paris. Mais augmenter le taux de taxation de la TTF de 0,3 à 0,5 % ne ferait que placer la France à égalité avec le Royaume-Uni ! Par ailleurs, augmenter la fraction des recettes de cette taxe allouées à l’APD ne nuirait en rien à la finance française, et aurait un impact significatif sur le financement du développement.
Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissante de bien vouloir clarifier la position du Gouvernement en matière de montée en puissance de la TTF comme levier pour financer notre APD.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je me contenterai d’aborder encore deux questions.
D’abord, s’agissant de l’autonomisation des femmes dans le pilotage de notre aide au développement – des engagements, là encore, ont été pris –, 28 % de cette aide, en 2016, intégrait le genre. Il faudrait que ce taux passe à 50 % !
Enfin, concernant les mesures contre l’évasion fiscale, on sait que pour 1 euro d’aide accordé aux pays du Sud, dix euros s’en échappent vers des paradis fiscaux. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)
M. le président. La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’emblée me montrer très honnête : l’aide publique au développement française n’est pas à la hauteur, et ce depuis longtemps. Elle n’a même cessé de baisser de 2010 à 2016, jusqu’au rebond du budget pour 2017, rebond réel, salué comme tel, mais rebond tardif et insuffisant.
Il n’est donc pas question, ici, a fortiori pour moi, de faire la leçon au Gouvernement. Pour autant, comment ne pas pointer le décalage entre les discours du Président de la République, aux Nations unies en septembre, en Afrique la semaine dernière, et la réalité du budget que vous nous présentez ?
Décalage il y a, en effet, puisque le président Macron a annoncé – mes collègues, avant moi, l’ont beaucoup dit – que d’ici la fin de son quinquennat, l’APD française serait portée à 0,55 % du revenu national brut.
Or – cela a été dit par plusieurs des orateurs qui m’ont précédé – le budget pour 2018 n’inscrit pas la France dans cette trajectoire. Pour atteindre les 0,55 %, il faudrait en effet faire passer notre aide de 8,6 milliards d’euros à près de 15 milliards d’euros, soit 1,2 milliard d’euros de plus par an pendant cinq ans.
C’est dire si nous en sommes loin, comme nous sommes aussi très loin, et depuis trop longtemps, des fameux 0,7 %, ce chiffre qui fait consensus au niveau international et que d’autres pays européens, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark ou la Norvège, ont déjà atteint.
Au-delà du budget lui-même, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite ajouter quelques éléments structurels sur notre politique d’aide au développement, qui n’ont pas à voir avec vos décisions – vous êtes en place depuis six mois seulement –, mais qui correspondent à des travers qu’il faut continuer à essayer de corriger dans les années qui viennent.
D’abord, concernant la répartition entre les prêts et les dons, on sait par exemple que l’AFD, sur un montant de 9,4 milliards d’euros d’engagements chaque année, ne consacre aux dons que 290 millions d’euros. Or, nous le savons, les prêts profitent surtout aux pays à revenu intermédiaire, et bénéficient davantage au secteur productif qu’aux secteurs sociaux et éducatifs, sur lesquels a insisté à juste raison le président Cambon.
Les pays les plus pauvres, eux, ne bénéficient que d’un quart de l’aide française, les autres destinataires étant notamment des pays émergents comme la Chine, le Brésil ou encore l’Afrique du Sud.
La faiblesse de la part des dons dans l’APD française oriente non seulement cette aide vers les pays les plus solvables, mais elle obère nos capacités d’intervention dans les situations de crise ou de post-crise, malgré le travail remarquable accompli par le centre de crise et de soutien.
Il est donc plus nécessaire que jamais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de continuer à essayer de rééquilibrer notre aide en faveur des dons.
Deuxième élément structurel sur lequel je souhaiterais attirer votre attention : la question de l’aide bilatérale et de l’aide multilatérale. Je connais l’inclination des parlementaires français en faveur de la première. Pour autant, je considère, comme d’autres, que les deux sont utiles et complémentaires.
Le problème – d’autres l’ont dit avant moi – est que nous ne disposons pas d’un véritable pilotage coordonné et centralisé des aides multilatérales, certaines étant gérées par Bercy, d’autres par le Quai d’Orsay.
Le Royaume-Uni, lui, a beaucoup investi dans l’aide multilatérale, mais s’y investit aussi beaucoup. Il dispose d’un pilotage coordonné et centralisé qui rend son aide multilatérale plus visible, plus « traçable », si j’ose dire, et plus efficace.
Un mot, maintenant, sur l’aide humanitaire.
Elle reste dramatiquement trop faible en France : 2 % de notre APD lui sont consacrés, soit environ 60 millions d’euros en 2017, alors que l’Allemagne lui consacre 4,4 % de son APD, et le Royaume-Uni plus de 10 %.
Quant aux financements innovants, c’est-à-dire les deux fameuses taxes sur les billets d’avion et sur les transactions financières, il s’agit sans doute, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de la plus grande déception de votre budget.
D’abord, vous voulez plafonner leur produit à 1 milliard d’euros.
En outre, vous ne prévoyez pas d’augmenter le taux de la TTF, qui est en France de 0,3 %, contre 0,5 % au Royaume-Uni.
La troisième déception vient de votre refus d’allouer 100 % du produit de la TTF à l’aide au développement.
Enfin, la plus grande déception est due à votre décision de revenir sur la mesure votée l’an dernier par le Parlement, consistant à taxer les opérations intrajournalières, les fameuses transactions intraday, à partir du 1er janvier 2018 : vous renoncez ainsi à des recettes qui auraient pu atteindre jusqu’à 4 milliards d’euros par an.
Au-delà de cet aspect financier, qui n’est pas négligeable, vous renoncez ainsi à une mesure symboliquement très forte, puisqu’elle consiste à taxer la spéculation financière pour financer la solidarité internationale.
Un mot, pour conclure, sur les associations, les fameuses ONG, autrement dit la société civile : elles sont des acteurs irremplaçables de l’aide au développement.
Elles prennent des risques, elles sont réactives, elles innovent, elles agissent là où d’autres ont du mal à intervenir. L’aide française aux ONG n’est pas suffisante. Le président de la République précédent avait pris l’engagement d’augmenter beaucoup l’aide publique au développement transitant par les ONG ; je ne doute pas que vous aurez à cœur de tenir cet engagement. La part de l’APD française qui transite par les ONG est de 3 % environ ; la moyenne des pays de l’OCDE est de 16 %.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, depuis 2012, des efforts ont été engagés ; ils sont insuffisants, je le répète. J’espère vraiment que le gouvernement auquel vous appartenez continuera dans cette voie. Pour l’heure, le budget que vous nous présentez ne nous semble pas inscrire notre pays dans la trajectoire conduisant aux 0,55 % du RNB en 2022.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste – nous le regrettons, monsieur le ministre – s’abstiendra sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un principe au moins, nous sommes tout à fait d’accord – certains orateurs l’ont dit, et je partage complètement leur analyse – : l’aide publique au développement est un instrument de solidarité, mais aussi un instrument d’influence, et un instrument de gestion globale des crises. Constatons-le ensemble !
Deuxième remarque, à titre d’introduction – là encore, beaucoup l’ont dit – : notre rang parmi les acteurs du développement sur la scène internationale est remis en question, en raison d’une baisse continue de nos moyens, qui se poursuit depuis longtemps – M. Vallini l’a dit tout à l’heure.
Il importe donc d’inverser la tendance.
C’est précisément le sens de l’acte important annoncé par le Président de la République, conforme, d’ailleurs, à son engagement de campagne, consistant à porter l’aide publique au développement de 0,38 à 0,55 % du PIB d’ici à 2022.
Cet engagement a été pris devant l’Assemblée générale des Nations unies, pas n’importe où, donc. Il a été répété la semaine dernière, à Ouagadougou et à Abidjan, avec beaucoup de fermeté et de conviction. Il faut donc désormais nous atteler à la tâche, ce qui signifie en effet – certains d’entre vous l’ont souligné, mesdames, messieurs les sénateurs – faire passer notre aide publique au développement de 8,5 milliards d’euros en 2016 à près de 15 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ces chiffres correspondant à l’aide global, et non au seul budget relevant de mon ministère.
Nous devons nous préparer à cet horizon. C’est ce que nous commençons à faire, certes modestement, mais la courbe est inversée avec le budget que je vous présente pour 2018 au nom du Gouvernement.
Pour arriver à ce montant et à ce niveau, il faut définir une trajectoire. Je suis assez sensible à l’idée, développée tout à l’heure par le rapporteur spécial Yvon Collin, de créer quelque chose qui pourrait ressembler à une loi de programmation permettant de valider la trajectoire, en tout cas de marquer les étapes nous menant à ce résultat.
Il importe aujourd’hui, quoi qu’il en soit, que nous prenions la responsabilité d’une telle augmentation ; à défaut, en effet, notre place dans le monde risque d’être progressivement relativisée, et notre message ne portera plus, puisque nous ne pourrons plus être au rendez-vous de nos engagements.
Toujours est-il que ce budget pour 2018 inverse l’évolution récente et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’en avoir pris acte.
Je voudrais faire quelques observations sur les propos tenus par les différents intervenants. Notre aide publique au développement obéit bel et bien à une vision stratégique, articulée autour de priorités. Ces priorités sont tenues, même si, pour chacune d’entre elles, des incertitudes demeurent et des corrections restent à apporter.
La priorité géographique, d’abord – elle a été rappelée par plusieurs orateurs –, est accordée aux 17 pays les plus pauvres, les pays les moins avancés, en particulier depuis le CICID de novembre 2016 – M. Vallini s’en souvient.
La seule difficulté est que les dispositifs mis en œuvre pour accorder cette priorité sont relativement pervers : pour pouvoir assurer cette priorité d’ordre géographique envers les 17 pays les plus pauvres, il faudrait faire davantage de dons que de prêts. Or notre situation, aujourd’hui, est devenue paradoxale : les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement française sont des pays à revenu intermédiaire, comme la Colombie, le Maroc, la Turquie, le Brésil et l’Inde, et non pas les pays les plus pauvres, qui ne peuvent plus emprunter et ne peuvent donc être bénéficiaires que des dons.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Eh oui ! Absolument !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il importe donc d’inverser cette logique ; c’est un des objectifs de la trajectoire 2018-2022 que je serai amené à présenter.
Nos priorités sont d’ordre géographique, mais aussi thématique.
L’action humanitaire, d’abord : plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont souligné son insuffisance. C’est la raison pour laquelle ce budget propose une augmentation des fonds de 20 % dans le domaine humanitaire.
C’est une amorce, mais une amorce significative, l’objectif étant que nous soyons au rendez-vous des différents événements. Par exemple, le fonds de stabilisation destiné à gérer les situations immédiatement postérieures à une crise est dès aujourd’hui mobilisé pour intervenir à Raqqa, aussitôt que Daech en a été extirpé. Quant au fonds d’aide alimentaire, il est utilisé en ce moment même pour compenser, autant que faire se peut, la situation dramatique que vit le Yémen.
Autre priorité thématique : le réchauffement climatique, évidemment, avec la mise en œuvre de l’accord de Paris. Pour répondre en partie à Mme Perol-Dumont, je précise que le fonds commun à la Caisse des dépôts et consignations, et à l’Agence française de développement, auquel elle a fait référence, servira aussi à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris – c’est l’une de ses orientations, et vous avez bien voulu signaler, madame la sénatrice, la nouveauté de ce dispositif.
Au titre des priorités thématiques, il faut aussi mentionner la réponse à la situation globale de fragilité en Afrique – cette priorité est d’ordre à la fois géographique et thématique –, avec le lancement de l’Alliance pour le Sahel –Jean-Marie Bockel soulignait l’importance de cette zone. Nous avons décidé de dégager un financement annuel, pour cette initiative, de 35 millions d’euros, en utilisant la « facilité vulnérabilité » issue du Fonds de solidarité pour le développement. Cette “facilité vulnérabilité” est un outil tout à fait efficace pour engager ce type de politiques.
Enfin, dernier thème – je réponds ainsi aux préoccupations du président Cambon – : notre action pour l’éducation et pour la santé, c’est-à-dire pour les deux vecteurs où la qualité française et la spécificité de nos interventions sont généralement au rendez-vous. Ce thème sera placé au cœur de la réunion du Partenariat mondial pour l’éducation qui se tiendra à Dakar le 8 février prochain, coparrainée par le président Macron et par le président Macky Sall.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ces priorités étant posées, il existe plusieurs cadres d’action – ils ont été identifiés par les différents orateurs ; je les répète.
Concernant le cadre bilatéral, d’abord, je rectifie les chiffres qui ont été annoncés tout à l’heure : le ministère alloue 480 millions d’euros à l’Agence française de développement pour financer les dons, ce qui correspond à une augmentation de 80 millions d’euros des autorisations d’engagement pour 2018. C’est le signe de l’inversion que nous voulons mettre en œuvre.
Je tenais à le souligner, même si – nous en sommes d’accord – il importe de renforcer la part du bilatéral par rapport au multilatéral. Je précise néanmoins que dans l’aide multilatérale, la part communautaire est très importante : notre contribution au Fonds européen de développement s’élève à 850 millions d’euros, soit une hausse de 107 millions d’euros cette année.
C’est essentiel, mais ce n’est pas contradictoire – vous avez raison de le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs – avec l’aide bilatérale : la volonté de la France est d’œuvrer à une bonne articulation entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale, singulièrement lorsqu’il s’agit d’aide multilatérale dans le domaine communautaire. Cette dernière constitue un instrument puissant pour nous aider à promouvoir les priorités sectorielles que nous avons identifiées, en particulier l’Afrique, comme cela a été rappelé lors du sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, à Abidjan, il y a quelques jours. Nous voulons être acteurs dans la définition des orientations du FED, afin que la conjugaison de l’aide multilatérale, communautaire en particulier, et de l’aide bilatérale puisse servir nos objectifs de développement.
Je fais deux observations supplémentaires, dont la première porte sur Expertise France, puisque cette question a été soulevée : je rejoins l’appréciation positive que l’on peut porter sur cette agence. Elle a réussi la fusion des huit opérateurs qui lui préexistaient ; il reste à poursuivre et à consolider ce travail pour qu’il soit parfaitement achevé, mais je remarque avec beaucoup d’attention et de plaisir que le Sénat, par la voix de ses différents intervenants, s’accorde avec moi sur ce point.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. C’est nous qui avons créé cette agence !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. S’agissant enfin de la TTF, je voudrais rappeler que nous avons souhaité la mise en place d’une telle taxe au niveau européen, l’idée étant que nous ne soyons pas seuls dans ce domaine. Cet objectif est toujours affiché, défendu, réclamé auprès de nos partenaires par le Président de la République. Il importe que nous travaillions, dans cette démarche, de manière solidaire avec nos voisins. Si une telle disposition était instaurée, un engagement supplémentaire serait pris au niveau communautaire.
Quant à la TTF française et à la taxe sur les billets d’avion, elles seront vraisemblablement intégrées à la trajectoire 2018-2022 de l’aide au développement, que je serai amené à proposer assez rapidement au Président de la République.
Nous disposerons ainsi d’un socle complet et diversifié, qui nous permettra d’être au rendez-vous des engagements pris par le Président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pu constater que ces orientations avaient le soutien quasi unanime de votre assemblée ; je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, sur certaines travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
aide publique au développement
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
2 684 031 153 |
2 700 619 532 |
Aide économique et financière au développement |
840 500 721 |
961 413 997 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
1 843 530 432 |
1 739 205 535 |
Dont titre 2 |
165 334 981 |
165 334 981 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 49 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Aide publique au développement
Article 49 quater (nouveau)
Au premier alinéa du III de l’article 68 de la loi de finances rectificative pour 1990 (n° 90-1169 du 29 décembre 1990), le montant : « 2,040 milliards d’euros » est remplacé par le montant : « 2,070 milliards d’euros ». – (Adopté.)
compte de concours financiers : prêts à des états étrangers