Sommaire
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Catherine Deroche.
2. Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
3. Candidatures à des organismes extraparlementaires
4. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
Adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
direction de l’action du gouvernement
Adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
budget annexe : publications officielles et information administrative
Adoption des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Corinne Imbert, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
État B
Adoption des crédits modifiés de la mission « Santé », figurant à l’état B.
Articles additionnels après l'article 62 bis
Amendement n° II-206 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
État B
Amendement n° II-205 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-225 de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
Article 64 (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l'article 64
Amendement n° II-147 rectifié bis de M. René-Paul Savary. – Retrait.
Amendement n° II-200 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères
Mme Florence Parly, ministre des armées
État B
Amendement n° II-173 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° II-174 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
Article 52 septies (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 52 septies
Article 52 octies (nouveau) – Adoption.
Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Nomination de membres d’organismes extraparlementaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Catherine Deroche.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein, d’une part, de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, d’autre part, de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-717 du 3-mai 2017 portant création de l’établissement public Paris-La Défense ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe également le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général n° 108, avis nos 109 à 114).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Pouvoirs publics
Conseil et contrôle de l’État
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La parole est à Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Pouvoirs publics ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens au nom d’Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics », retenu par une réunion relative à la Conférence nationale des territoires.
Les pouvoirs publics participent pleinement à l’effort de redressement des comptes publics, comme en attestent les montants de crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances.
Pour l’exercice 2018, les crédits s’élèvent à 991,7 millions d’euros, en stabilité presque parfaite par rapport à 2017, soit exactement + 0,08 %. Dans le détail, cette évolution recouvre une stabilisation des dotations de l’État aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République, une progression de la dotation attribuée à la Présidence de la République et une diminution des crédits du Conseil constitutionnel.
Commençons par la Présidence de la République, dont la dotation est portée de 100 millions d’euros en 2017 à 103 millions l’année prochaine. Cette augmentation de 3 %, qui succède à trois exercices de reconduction à l’identique de la dotation, est justifiée par une mise à niveau des équipements destinés à assurer la sécurité des personnes et des biens. Les charges de personnels progressent de 1,6 million d’euros, soit + 2,3 %, en raison du renforcement des effectifs de sécurité autour du chef de l’État, les effectifs affectés à des missions de sécurité représentant près du tiers de l’ensemble des personnels de la présidence.
Venons-en aux deux assemblées.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, les dotations versées à l’Assemblée nationale et au Sénat s’élèvent à 841,5 millions d’euros, montant inchangé depuis la loi de finances pour 2012. Cette stabilisation, en euros courants, des dotations des deux chambres est associée à la réalisation d’efforts en dépenses qui permettent d’absorber en partie la hausse tendancielle de leurs charges.
Les dépenses de l’Assemblée nationale reculeraient de 34,7 millions d’euros en 2018, soit une baisse de 5,9 %. La dotation de l’État est maintenue à 517,89 millions d’euros, un prélèvement sur les disponibilités financières de l’Assemblée nationale d’un montant de près de 28,5 millions d’euros, contre 62,8 millions d’euros en 2017, permettant d’équilibrer le budget.
La dotation de l’État au Sénat au titre de l’exercice 2018 demeure également au même niveau depuis 2012, soit 323,58 millions d’euros, illustrant la poursuite des efforts engagés depuis 2008. Les dépenses du Sénat diminueraient sensiblement en 2018, en marquant un recul de près de 12 millions d’euros, soit 3,29 %. Comme l’Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2018 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d’un montant de 22,2 millions d’euros.
Pour ce qui est de la chaîne parlementaire, le projet de budget pour 2018 de LCP-Assemblée nationale prévoit une dotation de 16,64 millions d’euros, identique à celle de 2017. La dotation demandée par Public-Sénat est en diminution de 1,1 % en 2018, à 18,05 millions d’euros. Ces dotations sont conformes à la trajectoire définie par le contrat d’objectifs et de moyens signé au mois de décembre 2015 pour la période 2016-2018.
La dotation demandée par le Conseil constitutionnel au titre de 2018 est, quant à elle, en baisse de 1,98 million d’euros et s’élève à 11,7 millions d’euros. La différence correspond au montant prévu en 2017 pour financer les dépenses relatives à l’élection présidentielle. La baisse de 128 000 euros des dépenses de fonctionnement équilibre la hausse du même montant des dépenses d’investissement, consacrées à des équipements informatiques et des travaux de restauration de différents espaces. Alors que la réforme constitutionnelle de 2008, avec l’institution de la question prioritaire de constitutionnalité, a conduit à une forte hausse de l’activité de la juridiction, le budget du Conseil constitutionnel pour 2018 est inférieur de près de 6 % à la dotation accordée en 2009.
J’en viens, pour terminer, à la Cour de justice de la République. À titre de rappel, conformément à l’article 68-1 de la Constitution, la Cour est compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour de justice de la République s’élève à 861 500 euros, soit un niveau identique à celui qui est prévu depuis 2015. Je vous rappelle que le Président de la République, s’exprimant le 3 juillet 2017 devant le Congrès, a indiqué sa volonté de voir supprimée cette institution.
En conclusion, la commission des finances vous propose l’adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » regroupe les crédits de plusieurs institutions : le Conseil d’État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental et le Haut Conseil des finances publiques.
Le budget de cette mission s’élève à 665 millions d’euros en crédits de paiement pour 2018, compte tenu de l’amendement de majoration de 2,1 millions d’euros adopté en seconde délibération à l’Assemblée nationale.
Le montant des crédits alloués au Conseil d’État et aux autres juridictions administratives demeure le plus élevé de la mission, avec 406,7 millions d’euros. Par ailleurs, cette année, les juridictions administratives concentrent l’ensemble des créations d’emplois de la mission. Parmi les cinquante-quatre emplois créés, cinquante et un sont affectés à la Cour nationale du droit d’asile,…
M. Richard Yung. Très bien !
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. … laquelle doit faire face à une augmentation continue du contentieux de l’asile, plus particulièrement en 2017, avec une progression de 30 %.
Les trois derniers emplois créés sont issus des juridictions judiciaires, afin de pourvoir les postes de magistrats de la Commission du contentieux du stationnement payant.
Cette commission, qui verra le jour dès le mois de janvier 2018, aura en elle-même peu d’incidence sur le budget du programme, ses moyens étant principalement retracés dans la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Cependant, le Conseil d’État demeure juge de cassation des décisions de cette commission et pourrait donc connaître une augmentation des affaires entrantes. Cette éventualité est préoccupante au regard de l’accroissement global du contentieux administratif, lequel n’épargne pas non plus les cours administratives d’appel ou les tribunaux administratifs.
Les contentieux de masse occupent toujours une part importante des affaires entrantes, comme le contentieux du droit au logement opposable, soit 7 % du contentieux total, sur lequel je suis assez circonspect, monsieur le secrétaire d’État. En effet, l’ampleur des moyens mis en œuvre pour le traitement du contentieux du droit au logement opposable semble très importante au regard du peu d’effet qu’ont les procédures.
Nous devons enfin veiller à ce que les moyens des juridictions administratives suffisent pour qu’elles respectent leur objectif de délais de jugement raisonnables, ce qui semble le cas pour 2018.
Le budget du Conseil économique, social et environnemental s’élève à 40 millions d’euros en 2018. Cette assemblée des corps intermédiaires poursuit sa modernisation engagée depuis 2015. Le CESE cherche en effet à réaffirmer sa mission consultative, en produisant des avis en lien avec d’autres institutions, comme la Cour des comptes ou le Défenseur des droits, ou en se saisissant de sujets recueillant un grand nombre de pétitionnaires sur internet.
Ce projet de modernisation du CESE pourrait être prolongé avec la réforme, annoncée par le Président de la République au mois de juillet dernier devant le Congrès. Peut-être nous en direz-vous un peu plus, monsieur le secrétaire d’État, sur le calendrier et les contours de cette réforme.
Peu d’évolutions sont attendues sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Les crédits augmentent peu pour 2018 et atteindront 218 millions d’euros. Je m’interroge cependant sur la possibilité, pour ce programme, d’accueillir en son sein les crédits du Haut Conseil des finances publiques sous la forme d’une action. Ces crédits sont, depuis 2014, présentés dans un programme à part, alors que les moyens consacrés au fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques sont de fait issus de la Cour des comptes. Ce programme ayant été créé par une loi organique, il faudrait qu’une modification par ce même canal intervienne. Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous qu’une telle modification pourrait être à l’ordre du jour, à l’heure où nous parlons de plus en plus de réviser notre procédure budgétaire ?
En conclusion, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, en remplacement de M. Michel Canevet, rapporteur spécial.
M. Bernard Delcros, en remplacement de M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Michel Canevet, aujourd'hui retenu à Rennes, qui m’a demandé de le remplacer, ce que je fais avec plaisir.
En 2018, les crédits de paiement de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » sont légèrement inférieurs à 1,5 milliard d’euros. Ils relèvent de trois programmes : le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », le programme 308 assurant le financement de onze autorités administratives indépendantes, et le programme 333 finançant le fonctionnement d’une partie de l’administration déconcentrée de l’État.
Le budget est stable à périmètre constant. Des mesures de périmètre, pour 14 millions d’euros, correspondent notamment à la mutualisation à laquelle participe le Commissariat général à l’égalité des territoires dans le cadre de l’installation de quinze services dépendant du Premier ministre sur le site de Ségur-Fontenoy. Ce projet, d’un coût total de 370 millions d’euros, concerne les locaux de l’ancien ministère de la mer et une partie de l’ancien ministère de la santé. Le Défenseur des droits et la Commission nationale de l’informatique et des libertés s’y sont installés l’année dernière, réalisant ainsi une économie d’un million d’euros par an en loyers. C’est aujourd’hui le tour de différents services dépendant du Premier ministre.
À périmètre courant, les dépenses d’intervention augmentent de 7 millions d’euros, 4 millions d’euros étant prévus pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires et 2,7 millions d'euros pour la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.
Dix-huit créations d’emploi sont prévues, essentiellement dans le programme « Coordination du travail gouvernemental », qui compte 700 millions d’euros de crédits, consacrés pour moitié au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Priorité a été donnée à la lutte contre le terrorisme et au développement du renseignement : les crédits dévolus au SGDSN augmentent, notamment au profit de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, qui agit pour assurer la sécurité informatique de l’État et des opérateurs d’importance vitale. Les moyens augmentent aussi pour le Groupement interministériel de contrôle, le GIC, chargé des opérations d’écoute sur le territoire, hors écoutes judiciaires.
Les crédits des autorités administratives indépendantes sont relativement maîtrisés, à un peu moins de 100 millions d’euros, dont 40 % pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Deux des onze autorités administratives indépendantes obtiennent des crédits supplémentaires pour faire face à une augmentation de leur activité : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont la charge de travail s’est accrue, et la Commission du secret de la défense nationale.
Le regroupement sur le site Ségur-Fontenoy permet une véritable mutualisation, notamment en matière de sécurité et de moyens techniques comme la téléphonie, ce qui devrait permettre de réaliser des économies en dépenses de fonctionnement à hauteur de 7 millions d’euros par an d’ici à 2022. Cela permettra également de céder du patrimoine immobilier, dont la valeur est estimée à 160 millions d’euros environ.
Enfin, en ce qui concerne le programme « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », Michel Canevet rappelle que les systèmes d’information de l’État sont gérés par les services interministériels départementaux des systèmes d’information et de communication, qui regroupent 1 200 agents responsables des parcs informatiques sur le territoire. Le fait que les personnels aient des statuts différents et soient encore rattachés à différents ministères pose toutefois des problèmes de fonctionnement. Il serait sans doute plus efficace de les doter d’un statut unique et de les voir véritablement rattachés aux services du Premier ministre.
Pour le budget annexe, 180 millions d’euros sont prévus pour financer la Direction de l’information légale et administrative, la DILA, qui publie notamment le Journal officiel et dont les recettes couvrent largement les dépenses. Cette direction participe à la transformation numérique de l’État et gère en particulier les sites Légifrance et Service-public.
Michel Canevet constate avec satisfaction les efforts de gestion de la DILA, accentuant une évolution forte vers le numérique, avec une maîtrise des crédits par la réduction des moyens humains. Il souligne la nécessité de poursuivre les mesures de départs anticipés à la retraite au sein de la coopérative datant de deux siècles qui assurait les éditions papier pour le compte de la DILA.
Ainsi, Michel Canevet, comme la commission des finances, propose d’adopter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits du programme 129 progressent de 1,2 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement. Il faut s’en réjouir, car ils portent les moyens de services indispensables à la politique de défense et de sécurité de notre pays. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est déclarée, à l’unanimité, favorable à l’adoption des crédits de cette mission.
Je concentrerai mon propos sur les crédits attribués à la cybersécurité et formulerai plusieurs observations.
Première observation, les personnels de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, représentent 60 % des effectifs du programme et le tiers des crédits, hors titre 2, de l’action n° 02. Pourtant, ils ne font pas l’objet d’une présentation distincte dans le programme annuel de performances, alors que ce serait un moyen de distinguer les efforts en matière de cybersécurité et les moyens dévolus aux autres missions du SGDSN.
La commission demande que l’ANSSI soit, à l’instar du GIC, considérée comme une unité opérationnelle et que la maquette de présentation du programme soit modifiée dans ce sens.
Deuxième observation, tous les indicateurs sont au rouge en matière de cybermenace. L’ANSSI va poursuivre sa montée en puissance, ce qui est une bonne chose. Mais pourquoi ralentir le rythme de moitié, de cinquante créations d’emploi par an à vingt-cinq, et attendre 2022 pour atteindre le niveau optimal des besoins exprimés par l’Agence ? Ses missions vont s’accroître dans le cadre tant de la mise en œuvre de la directive NIS, Network and Information Security, que des mesures qui, on peut le pronostiquer, seront issues de la revue de stratégie Cyber actuellement menée par le SGDSN. Ne peut-on accélérer sa montée en puissance ?
Les problèmes de recrutement qu’a connus l’ANSSI semblent largement résolus, mais il faudra demeurer vigilant, car le vivier des spécialistes recrutables est faible et la concurrence vive.
Notre commission estime que, au-delà de la politique de labellisation, une politique active de développement de filières de formation initiale par une implication plus forte du ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation et des partenaires économiques est indispensable. Le Premier ministre entend-il avancer sur ce terrain ?
Troisième et dernière observation, trois ans après la publication de la circulaire du Premier ministre exposant la politique de sécurité des systèmes d’information de l’État et fixant des règles de protection, le niveau effectif de conformité des systèmes d’information de l’État tarde à atteindre les cibles en adéquation avec les enjeux. Les moyens organisationnels et budgétaires sont insuffisants pour combler ce retard.
Le service interministériel de supervision confié à l’ANSSI se heurte à des contraintes techniques et d’organisation qui ne permettent pas toujours de déployer ses sondes sur les réseaux dans des conditions adéquates, ni de recueillir toutes les informations nécessaires pour assurer une détection optimale.
Cette situation reste insatisfaisante et la commission s’en inquiète. Elle demande qu’une évaluation soit conduite par un corps d’inspection pour identifier les difficultés et proposer un plan d’action. Elle souhaite également que soient étudiés sur les plans juridique et technique les moyens pour l’ANSSI de contraindre les directions des systèmes d’information des ministères et de leur imposer ses préconisations.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission, c’est parce que les crédits de l’action n° 02 du programme 129, Coordination de la sécurité et de la défense, placé sous la responsabilité du Secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale, connaissent une légère augmentation dans un budget général il est vrai très contraint. C’est donc une bonne nouvelle.
Cette action rassemble les crédits de nombreux organismes : le SGDSN, bien sûr, mais aussi l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, le Groupement interministériel de contrôle, le GIC, et l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, ainsi que l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ. Mes observations porteront sur certains d’entre eux.
Le Groupement interministériel de contrôle est devenu le pivot interministériel de gestion de l’ensemble des techniques de renseignement. L’usage de nouvelles techniques, mais surtout la lutte contre le terrorisme entraîne une intensification significative de son activité. Le GIC doit en conséquence poursuivre sa transformation et sa montée en puissance. Son schéma d’emploi a été revu à la hausse et ses effectifs devraient atteindre 243 équivalents temps plein travaillé en 2020 ; le processus se déroule tout à fait normalement.
L’effort budgétaire est maintenu. La commission avait appelé l’attention du Premier ministre sur la nécessité de veiller au bon dimensionnement du GIC pour une mise en œuvre efficace de la loi. Nous saluons cet effort, mais nous réitérons cet appel à la vigilance, notamment sur le volet « investissements », car le GIC doit équiper ses infrastructures pour accueillir ses personnels – des problèmes immobiliers se posent actuellement –, et les exploitants des services, tout en continuant à développer les systèmes qui assurent la conservation et la traçabilité des données.
Deuxièmement, la diminution, si légère soit-elle, des fonds spéciaux après un ajustement sensible en 2017 reste préoccupante. Leur progression devrait accompagner la montée en puissance des services de renseignement, fortement sollicités, vous vous en doutez, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’une recommandation formulée par la commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux, elle est donc d’importance. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que l’exercice 2018 constituera une simple interruption conjoncturelle dans le processus de sincérisation de ces crédits et que l’objectif demeure bien de fixer la dotation à hauteur des moyens nécessaires et prévisibles des services ?
Troisièmement, enfin, les subventions destinées à l’IHEDN et à l’INHESJ sont maintenues à hauteur de 13,8 millions d'euros, après plusieurs années de diminution. Cela devrait constituer le socle minimal permettant le développement de leurs activités, notamment celles qui sont susceptibles de produire des ressources propres. Toutefois, le plafonnement des emplois constitue un frein à la réalisation de cet objectif ; un assouplissement paraît nécessaire. Est-ce envisageable ? La mutualisation des moyens et le développement de synergies entre les deux établissements désormais presque installés sur le site de l’École militaire restent un objectif à parfaire.
Nous saluons à cette occasion la démarche de l’INHESJ, qui aura mené de front, en 2017, la rédaction d’un nouveau plan stratégique et la négociation d’un contrat d’objectifs et de performances avec l’État. Nous nous étonnons toutefois du retard pris dans la rédaction du contrat d’objectifs et de performances de l’IHEDN. Quand sera-t-il soumis au conseil d’administration ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », la commission des affaires sociales examine le budget et l’activité de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, chargée de l’élaboration et du pilotage de la politique gouvernementale dans ce domaine. La commission a émis un avis favorable sur l’adoption de ses crédits, qui s’élèveront à 17,8 millions d’euros l’an prochain, tout en regrettant que leur diminution, qui a débuté en 2013, se poursuive. En effet, les nombreux défis auxquels la France doit faire face en matière d’addictions justifieraient d’y consacrer des moyens bien plus importants.
À la veille de l’élaboration de la prochaine stratégie pluriannuelle gouvernementale, la commission souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur trois points.
Il convient tout d’abord de ne pas répéter les erreurs du plan 2013–2017 et de ceux qui l’ont précédé. Ce plan constituait en effet un catalogue de mesures assez hétéroclites, sur lesquelles étaient saupoudrées des ressources limitées. La multiplication des initiatives n’est pas synonyme d’efficacité, elle souligne au contraire l’incapacité de la puissance publique à identifier les enjeux principaux et à trouver les moyens d’y répondre.
Il est surtout urgent de réformer, dès l’an prochain, la réponse pénale à l’usage simple de stupéfiants. Depuis 1970, celui-ci est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Jamais appliquée, cette peine a perdu tout caractère dissuasif.
La levée de cet interdit, qui reste pleinement justifié par des considérations sanitaires, sociales et d’ordre public, n’est ni souhaitable ni envisageable. Toutefois, l’amélioration de l’efficacité de l’action pénale est indispensable alors que les tribunaux et les services de police sont fortement mobilisés par ce contentieux de masse.
Longtemps controversée, la contraventionnalisation de l’usage fait désormais consensus. Quel dommage que le Gouvernement s’y soit opposé à deux reprises lorsque le Sénat l’a proposée, en 2011 et en 2015 ! Le traitement de l’infraction serait grandement simplifié et accéléré. Si on infligeait une sanction pécuniaire immédiate, dont le montant reste à déterminer, mais devrait être suffisamment dissuasif et proportionné à l’infraction commise, le caractère virtuel de la sanction actuelle disparaîtrait. Les effets en seraient d’autant plus forts chez les jeunes, chez qui il faut absolument faire reculer les conduites à risque.
Enfin, la commission a particulièrement insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte les populations d’outre-mer. Elle souhaite que, dans le cadre de la préparation de la prochaine stratégie gouvernementale, une grande étude soit conduite sur les phénomènes addictifs dans les départements et collectivités d’outre-mer. Sur le fondement de ses résultats, le dispositif de prise en charge des addictions devra être adapté aux spécificités de ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la mission « Pouvoirs publics ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes au régime des trois minutes. Trois minutes,…
M. Antoine Lefèvre. C’est peu…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. … c’est assez peu.
M. Antoine Lefèvre. … surtout pour Jean-Pierre Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Certains pensent d’ailleurs que, moins il y a de débats parlementaires et moins il y a de temps, mieux c’est, finalement. Or, quand on aime le Parlement, on rêve de l’époque où Robert Badinter multipliait par deux son temps de parole sans qu’aucun président de séance n’osât l’interrompre.
M. Antoine Lefèvre. Ça laisse rêveur !
M. Richard Yung. Ces temps sont révolus !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. La force du débat n’est pas toujours déterminée, mes chers collègues, par le chronomètre.
Le budget de l’Élysée, la présidence de la République, s’élève à 103 millions d’euros pour 2018, contre 100 millions d’euros l'année dernière et 109 millions d’euros en 2012. Nous sommes donc passés de 109 millions d’euros en 2012 à 100 millions d’euros en 2017. À cet égard, je rends hommage au président François Hollande (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui a fait preuve d’une vertu, d’une maîtrise des finances qui doit être saluée !
M. Antoine Lefèvre. Pour l’ensemble de ses travaux !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Vous me rétorquerez que les crédits augmentent cette année de 3 millions d’euros. Avec la commission des lois, je soutiens cette augmentation, car elle s’explique exclusivement par des questions de sécurité qui sont dirimantes. Il est très important que les contacts entre l’Élysée et l’ensemble des chefs d’États étrangers soient sécurisés et que, en tout lieu du globe, le chef de l’État puisse avoir des relations avec les forces stratégiques et avec les armées.
Vous le savez, une guerre considérable sévit sur la planète dans le domaine du cryptage et du décryptage. À cet égard, les décisions qui ont été prises, et qui figurent dans le rapport, m’apparaissent absolument responsables et nécessaires. C’est pourquoi nous soutenons le budget de l’Élysée et son augmentation, étant entendu que, dans d’autres domaines, la maîtrise des dépenses se poursuit.
Le budget des assemblées parlementaires reste stable en euros courants, eu égard au fait que chaque assemblée doit faire appel à ce que l’on appelle ses « disponibilités », c'est-à-dire aux réserves, ce qui n’est pas une solution pérenne.
Quant au budget du Conseil constitutionnel, Mme Lavarde l’a dit, il est pratiquement constant par rapport à l’antépénultième exercice. Cette année a été marquée par trois élections nationales – l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales –, lesquelles ont entraîné des dépenses qui n’auront pas lieu en 2018.
Le président du Conseil constitutionnel a développé les relations internationales, notamment avec les pays francophones, la Cour constitutionnelle allemande et les pays de l’Europe du Sud. Nous soutenons ces actions, ainsi que tous les efforts visant à mieux faire connaître l’action du Conseil constitutionnel et l’accès au droit, notamment auprès des jeunes. Nous insistons toutefois sur le fait que ces actions doivent s’inscrire dans le respect du principe de maîtrise des dépenses.
Enfin, monsieur le président, pour ce qui est de la Cour de justice de la République, j’espère que bientôt nous n’en parlerons plus, parce que l’on aura trouvé un meilleur dispositif. Accessoirement, j’indique que le coût des locaux de cette institution reste important.
Mes chers collègues, je n’ai dépassé que très modérément (Rires sur de nombreuses travées.), trop modérément le temps qui m’était imparti. Je comprends dans ces circonstances l’indulgence de M. le président. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En marche. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. Le dépassement est très léger en valeur absolue, mais très élevé en pourcentage ! Tout est relatif…
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Monsieur le président, j’espère que vous serez aussi tolérant avec moi, mais je vous rassure, mon discours étant écrit, il me sera plus facile de respecter mon temps de parole.
Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pour l’exercice 2018, les juridictions administratives et les juridictions financières bénéficient, il faut le constater, d’une hausse de leurs budgets. Je vous invite cependant à ne pas vous arrêter aux apparences, qui pourraient laisser penser que ces juridictions jouissent de situations privilégiées dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons.
Les crédits supplémentaires alloués aux juridictions administratives sont en réalité destinés essentiellement, comme l’a dit voilà quelques instants le rapporteur spécial, à la Cour nationale du droit d’asile, qui est confrontée à une progression importante, pour ne pas dire exponentielle, du nombre de ses entrées. Cette augmentation des effectifs pourrait pourtant être insuffisante, car les 51 nouveaux emplois fléchés permettent la création, ce qui est bien, de deux chambres, soit une capacité de traitement de 7 000 affaires par an. Or, selon la présidente de la Cour nationale du droit d’asile que j’ai rencontré lundi dernier, l’augmentation des entrées pour 2018 représenterait, selon les estimations, 11 000 affaires supplémentaires.
J’évoquerai maintenant les juridictions administratives de droit commun. Les délais de jugement inférieurs à un an qui sont affichés cachent une tout autre réalité. Si l’on retire du calcul les procédures d’urgence, encadrées dans des délais contraints, ces délais sont nettement plus longs en moyenne. Ils sont ainsi de un an, huit mois et vingt-deux jours pour les tribunaux administratifs.
Pour faire face à la pression contentieuse, les juridictions administratives ont engagé de nombreuses réformes de procédure. Tant mieux ! Elles ont ainsi développé les téléprocédures ou multiplié les procédures à juge unique par exemple. Mes chers collègues, il semble difficile d’aller plus loin sans porter atteinte à la qualité des décisions de justice.
La commission des lois vous propose d’autres pistes d’amélioration. Elle propose ainsi d’engager une réflexion sur le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle, dans le prolongement des travaux de notre assemblée sur le redressement de la justice, en veillant cependant, et je pense que vous y serez sensibles, à préserver l’accès à la justice des publics socialement les plus fragiles. La commission propose également le renforcement de l’équipe du magistrat, en s’inspirant du statut des juristes assistants qui interviennent auprès des juges judiciaires de notre pays.
Quant aux crédits alloués aux juridictions financières, ils sont à peine suffisants pour leur permettre d’atteindre le plafond d’emplois fixé depuis 2010, alors même qu’elles assument des missions toujours plus nombreuses. Ces juridictions ont désormais un véritable rôle d’accompagnement des collectivités territoriales, ce qui rend nécessaire l’adaptation de leurs outils de travail. Il serait ainsi pertinent de leur permettre de contrôler des politiques locales thématiques faisant intervenir une pluralité d’entités différentes.
En conclusion, malgré le volontarisme et le professionnalisme que j’ai pu constater et dont font preuve les magistrats et les personnels des juridictions, le constat est sans appel : les gisements de productivité, à effectifs constants, sont épuisés.
Dès lors, aucune nouvelle compétence ne devra désormais être attribuée sans une évaluation sérieuse de ses effets sur l’activité de ces juridictions et sans l’allocation de moyens suffisants, sous peine de mettre leur fonctionnement en péril et de porter atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.
Au bénéfice de ces observations, mais aussi de ces inquiétudes, la commission des lois est favorable à l’adoption des crédits des programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Véronique Guillotin et M. Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative » regroupent trois programmes.
Le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », comprend principalement le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale, le Secrétariat général du gouvernement, le secrétariat général des affaires européennes, ou SGAE, et le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.
Le programme 308, qui est important, regroupe les budgets des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et libertés.
Vient enfin le programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées.
C’est globalement un budget de 1,6 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,5 milliard d’euros en crédits de paiement. Il est proposé dans un souci de maîtrise des finances publiques et tire bénéfice d’un certain nombre de mutualisations. Je pense ainsi aux effets de l’opération immobilière Ségur-Fontenoy, qui a permis depuis deux ans le regroupement progressif d’un certain nombre d’administrations.
Je souhaite maintenant vous inviter à la vigilance sur certains points de ces programmes.
J’évoquerai d’abord l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, intégrée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN. Son rôle est d’accompagner les administrations dans la défense de leurs systèmes informatiques. C’est une priorité vitale pour la France.
Nous l’avons vu cette année, les intérêts vitaux de l’Ukraine ont fait l’objet de cyberattaques. Indirectement, un certain nombre d’entreprises françaises ont été impactées par ces attaques, pour un coût ayant représenté plusieurs millions d’euros. Il est donc important que nous ayons un budget sérieux dans ce domaine.
L’ANSSI a besoin de moyens pour recruter des compétences. Elle doit avoir la capacité d’intervenir dans toutes les administrations. J’ai encore le souvenir douloureux de l’impossibilité pour les Français de l’étranger de voter par internet cette année, la sécurité étant insuffisante. L’ANSSI, dont le budget est en légère augmentation, doit à mon sens être une priorité très importante dans les années à venir.
Le secrétariat général des affaires européennes, le SGAE, dont le rôle sera de défendre les positions françaises au moment du Brexit, doit disposer des moyens adaptés aux ambitions de la France pour l’Europe et en Europe.
J’en viens aux autorités administratives indépendantes, qui sont des contre-pouvoirs indispensables dans une société demandant de plus en plus de technicité.
Je tiens ici à rendre un hommage particulier à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. J’ai voté contre la loi relative au renseignement il y a quelques années, mais cette commission, qui dispose des moyens de travailler correctement, rend crédibles les dispositions mises en place dans cette loi.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, fera l’objet l’année prochaine d’une profonde modification compte tenu de la mise en œuvre du nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, règlement que nous devrons transposer au début de l’année prochaine.
Le Défenseur des droits, essentiel pour lutter contre les discriminations, aura comme rôle nouveau de protéger les lanceurs d’alerte.
Enfin, je n’évoquerai ni le contrôleur général des lieux privatifs de liberté ni le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la réduction du nombre de membres des cabinets ministériels. Certes, il peut sembler intéressant d’un point de vue théorique de créer un lien plus direct entre les ministres et les administrations, mais nous n’avons pas l’impression que cette idée du nouvel exécutif fonctionne réellement bien aujourd’hui, pour les contacts avec les élus, mais aussi, parfois, en interministériel.
Une note du directeur de cabinet du Premier ministre, que j’ai intégrée à mon rapport, encadre quelque peu le nouveau fonctionnement des administrations, lequel diffère un peu de nos traditions. Il faut veiller à ce que l’administration n’évolue pas vers un moindre contrôle politique et ne fonctionne pas un peu trop sur elle-même. Sinon, cela risque de heurter notre histoire et de nuire au contrôle démocratique sur l’administration.
Monsieur le secrétaire d’État, sous ces réserves, la commission des lois a émis un avis favorable sur ces crédits. Elle vous demande de veiller à tous ces points, au budget des administrations des autorités administratives indépendantes et de faire en sorte que la réduction du nombre de membres des cabinets ministériels permette quand même à l’État de fonctionner correctement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les budgets de trois missions et un budget annexe.
Les missions « Pouvoirs publics » et « Conseil et contrôle de l’État » appelleront peu de remarques de ma part. Je relève néanmoins que, si les budgets du Sénat et de l’Assemblée nationale sont stables, celui de la présidence de la République progresse de 3 % pour atteindre 103 millions d’euros, alors qu’il stagnait à 100 millions d’euros les années précédentes. Bien que cette hausse soit justifiée par un renforcement nécessaire de la sécurité et la création de la Task Force, en même temps, je crois aux vertus de l’exemplarité, y compris au plus haut sommet de l’État.
Depuis leur création en 1999, les chaînes parlementaires LCP et Public Sénat figurent également dans la mission « Pouvoirs publics ». Leur fusion, propice à la rationalisation, est une évolution que nous soutenons.
Nous accueillons également favorablement la proposition de suppression de la Cour de justice de la République, annoncée par le Président de la République en juillet dernier. Son budget de 861 000 euros apparaît excessif au regard du faible nombre de décisions rendues. En outre, le maintien d’une juridiction d’exception pour les membres du Gouvernement ne peut plus être aujourd'hui compris par nos concitoyens.
Au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », on observe que l’augmentation des effectifs est concentrée sur les organes de sécurité.
Les autorités administratives indépendantes et les services du secteur de la protection des libertés connaissent cependant une stabilisation, voire une diminution de leurs effectifs, ce que nous regrettons. Ainsi, le Défenseur des droits perd cinq ETP, équivalents temps plein.
J’en viens maintenant à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, qui conserve des effectifs stables. Ses deux opérateurs, le Centre interministériel de formation anti-drogue et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, conservent aussi leurs crédits. Nous en sommes satisfaits.
Mon intervention sera centrée sur cette mission.
La MILDECA a pour objectif, grâce à un dispositif transversal, de coordonner les actions à l’échelle nationale. Il est question bien sûr de budget, mais c’est surtout la situation des addictions en France et son évolution qui nous intéressent tous, je crois.
La liste des produits concernés est consultable sur le site internet de la MILDECA – tabac, alcools, stupéfiants, psycho-actifs –, mais le champ des addictions est plus large et s’étend aux addictions sans produits, comme la dépendance aux jeux – jeux d’argent et jeux de hasard – ou aux écrans. Bref, il s’agit d’un problème de comportement, plus que d’un problème lié à l’objet de la dépendance lui-même.
Je ne reviendrai pas en détail sur le tabac, qui a nourri les débats au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et dont personne n’ignore les effets délétères sur la santé, la mortalité évitable et l’impact des pathologies induites sur les comptes sociaux.
Malgré les plans gouvernementaux successifs, la situation de la France vis-à-vis du tabac reste préoccupante. Il en est de même pour l’alcool. Pour ces deux substances, la France caracole dans le peloton de tête des pays de l’OCDE.
Je suis favorable à la hausse des taxes sur le tabac inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à condition, comme je l’ai déjà dit et comme s’y est engagée Mme la ministre des solidarités et de la santé, qu’elle soit accompagnée de mesures de prévention et de lutte contre la contrebande.
Le cannabis, quant à lui, reste de loin le stupéfiant le plus consommé. Il est encore trop souvent banalisé. Pourtant, il est prouvé qu’il est un produit dangereux, responsable de troubles de l’attention, de la mémoire, de baisse de motivation, et que sa consommation constitue un risque non négligeable de décompensation de pathologies psychiatriques. Il doit rester, à mon avis, un produit illicite.
Force est toutefois de reconnaître que la réponse pénale à l’usage de stupéfiants – je parle bien d’usage – n’est plus adaptée : depuis 1970, la peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende n’est presque jamais appliquée, ce qui donne un sentiment d’impunité aux consommateurs et d’impuissance aux pouvoirs publics. Les résultats, en plus, ne sont pas au rendez-vous.
La contraventionnalisation de l’usage, comme l’a proposé le Président de la République, sans levée de l’interdit, est un débat qui mérite d’être engagé.
Quelques minutes pour évoquer ces trois missions, c’est un peu court pour être exhaustive. Sur la MILDECA, je vous renvoie donc à l’excellent rapport détaillé de Chantal Deseyne, au nom de la commission des affaires sociales, rapport que je partage pour l’essentiel.
Pour conclure, je déplore les baisses de financement qui se poursuivent dans cette mission, lesquelles atteignent 25 % depuis 2012. Ces baisses posent la question des moyens alloués face à l’ampleur des phénomènes d’addiction.
Eu égard aux enjeux, un Grenelle de la prévention remplacerait avantageusement l’empilement des mesures successives relevé par la rapporteur.
Je finirai par une proposition : 90 % du produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogues sont reversés aux services enquêteurs, 10 % seulement sont consacrés à la prévention, via la MILDECA. J’invite le Gouvernement à moduler si possible cette répartition. Ce serait un signal fort en faveur de la lutte contre les dépendances, car, si les équilibres budgétaires et la sécurité sont importants, nous ne le nions pas, la santé de la population l’est tout autant.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Véronique Guillotin. Plus de prévention, c’est in fine moins de soins et des économies réalisées. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Michelle Meunier et Nadia Sollogoub ainsi que MM. Joël Bigot, François Patriat, Richard Yung et Michel Laugier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de regretter la fusion de ses trois missions dans une discussion commune, compte tenu notamment de l’importance des programmes qui composent la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». En cinq minutes, je ne mettrai l’accent que sur certains programmes et ferai bien évidemment l’impasse sur les autres.
J’évoquerai tout d’abord la mission « Pouvoirs publics ». Aujourd'hui, cela a déjà été dit, le Parlement est un peu mis à la diète. Or l’inflation législative et la nouvelle façon envisagée de travailler en commission exigeraient des moyens supplémentaires. De toute évidence, les dotations des petits groupes ne permettent pas – et je sais de quoi je parle ! – un travail à la hauteur des changements en cours et des exigences constitutionnelles. La question des moyens doit être au centre d’une nécessaire revalorisation du Parlement.
J’évoquerai ensuite la dotation de la Cour de justice de la République. Le coût des locaux de cette institution est bien trop élevé, sachant en outre que cette institution est en sursis, comme l’a annoncé le Président de la République lors du Congrès à Versailles au mois de juillet dernier. Pour notre part, nous soutenons la proposition de renvoi des membres du Gouvernement devant les juridictions de droit commun.
J’en viens à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Nous saluons, dans le programme 165, l’augmentation de 2 millions d’euros des crédits de la Cour nationale du droit d’asile et la création de 51 équivalents temps plein. Cet effort budgétaire est nécessaire dans le contexte de la crise migratoire que nous connaissons, bien qu’il soit loin d’être proportionnel à la hausse de 30 % des recours devant cette juridiction.
En revanche, le programme 126, « Conseil économique, social et environnemental », pose question. Les missions actuellement attribuées à cette instance justifient-elles le budget colossal qui lui est dédié et qui est sans cesse abondé ? Nous ne le pensons pas. Une réforme de cette institution semble indispensable. L’idée d’une véritable troisième chambre citoyenne a émergé. Encore faut-il qu’elle mûrisse…
Le programme 340, « Haut Conseil des finances publiques », tire les conséquences de l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance européen, que le groupe CRCE n’a cessé de dénoncer. L’existence même d’une telle instance, quel que soit son budget, pose de sérieuses questions s’agissant du respect des principes démocratiques et de la souveraineté budgétaire du Parlement.
Pour finir, j’évoquerai la mission « Direction de l’action gouvernement ». Parallèlement à l’augmentation des moyens alloués à la sécurité, nous devons avoir l’assurance que les droits et libertés fondamentales seront bien respectés, comme l’indique avec justesse M. Leconte dans son rapport. Contrairement à lui, nous pensons que l’équilibre est loin d’être assuré.
Alors que les effectifs de l’ANSSI et du Groupement interministériel de contrôle, le GIC, sont en hausse, nous déplorons que ne soient pas accordés les quelques ETP que souhaitait le Défenseur des droits. Nous le regrettons amèrement compte tenu de l’importance des travaux de cette autorité du programme « Protection des droits et libertés », de rang constitutionnel. Je rappelle qu’elle regroupe les compétences notamment du Médiateur de la République, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, et du Défenseur des enfants.
Dans le contexte d’état d’urgence répété, et compte tenu du renforcement considérable des pouvoirs administratifs de l’État à la suite de l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, les crédits du Défenseur des droits auraient dû être largement renforcés, d’autant que chaque nouvelle loi lui confie de plus en plus de missions et que son champ d’intervention ne cesse donc de s’élargir.
Or, au contraire, que se passe-t-il ? L’activité au siège du Défenseur des droits pourrait être affectée en raison de la précarité des emplois de huit agents, qui sont mis à disposition de l’institution par d’autres organismes. Ces emplois, qui n’entrent pas dans le plafond, mais qui sont rémunérés par le Défenseur des droits, peuvent en effet prendre fin à tout moment.
D’autres crédits auraient dû être renforcés. C’est le cas, cela a été dit, des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, à l’heure où les enjeux, en termes de santé publique, sont considérables sur l’ensemble de notre territoire. De même, les crédits du Contrôleur général des lieux de privation de liberté auraient pu être augmentés. Le Contrôleur général s’inquiète d’une possible régression des droits, perçus par certains comme un « luxe », et craint par exemple une dégradation des droits des étrangers, y compris des mineurs, dans un futur projet de loi relatif à l’immigration.
Finalement, la course au tout-sécuritaire dans laquelle se trouve piégé le Gouvernement se traduit dans ce budget, notamment dans le déséquilibre des dotations. Le renforcement des crédits pour la sécurité intervient au détriment des droits et libertés fondamentales.
Nous ne soutiendrons donc pas les budgets de ces trois missions.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits dédiés aux missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement ». Ces missions, qui touchent au cœur du fonctionnement des institutions républicaines, sont stratégiques à plus d’un titre.
J’évoquerai tout d’abord la mission « Pouvoirs publics ». Ses crédits n’augmentent que de 0,08 % entre 2017 et 2018. Le budget des deux assemblées est stabilisé, comme c’est le cas depuis cinq ans : 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions d’euros pour le Sénat, soit plus de 80 % des crédits de la mission. Nous saluons cet effort de modération de la dépense publique, qui ne se fait pas au prix d’une qualité de prestation dégradée. Je pense d’ailleurs que la qualité et le dévouement des fonctionnaires qui nous accompagnent, ici au Sénat, nous le démontrent au quotidien.
Nous estimons néanmoins que, pour l’avenir, la fin du cumul des mandats et la baisse attendue du nombre de parlementaires ne devront pas mettre en péril les ressources qui nous sont nécessaires pour agir : le Parlement ne pourra exercer l’ensemble de ses rôles constitutionnels avec rigueur et efficacité que si on lui conserve les moyens de ses attributions.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », nous saluons le rôle fondamental du Haut Conseil des finances publiques, du Conseil économique, social et environnemental, de la Cour des comptes et du Conseil d’État dans la définition, le contrôle et l’analyse des politiques publiques. Les crédits affectés à ces quatre programmes s’établissent à 680 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 665 millions d’euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d’environ 1 % et de 2 %, respectivement.
Cette progression relativement modérée est en continuité avec les lois de finances des années précédentes, mais ne reflète pas à notre sens l’accroissement des missions dont les juridictions administratives, notamment, sont accablées. Le rapport public 2017 du Conseil d’État est à ce titre très instructif. La plus haute juridiction administrative a vu le nombre d’affaires portées devant elle augmenter de 10 % en 2017 par rapport à 2016.
La Cour nationale du droit d’asile a également connu ces dernières années une hausse structurelle de son activité, due à la croissance du contentieux des étrangers. Le Gouvernement a identifié ces points de tension, mais n’y répond que de manière modeste. La crise des migrants et l’inscription de nombreuses dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun nous semblent au contraire appeler un renforcement franc et massif de nos institutions juridictionnelles.
J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Je voudrais, là encore, évoquer plus précisément un service qui contribue de manière importante, bien que méconnue, à la sécurité des Français.
Je veux parler du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui comprend entre autres l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, le Centre de transmissions gouvernemental et le Groupement interministériel de contrôle. La montée en puissance de ces services est réelle ; nous la saluons. Néanmoins, ils demeurent en deçà de leurs homologues britanniques ou allemands, en termes tant d’effectifs que de moyens.
La problématique du recrutement, notamment, est cruciale, comme l’illustre la compétition que doit livrer l’ANSSI avec les géants du web pour attirer les talents dans le domaine de la cybersécurité.
Nous estimons que notre effort de défense passe également par le renforcement de ces agences qui nous permettent de mieux combattre les nouveaux types de menaces, en premier lieu la menace cyber.
Sous réserve de ces quelques interrogations, portant surtout sur les crédits consacrés aux juridictions administratives et aux services de défense rattachés au Premier ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Michèle Vullien ainsi que MM. Yvon Collin et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par la hausse de 3 % du budget de l’Élysée, qui a tout de même animé les débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat, soit 3 millions d’euros. S’agit-il de construire une piscine olympique dans les jardins de l’Élysée ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Non !
M. Richard Yung. S’agit-il de construire un terrain de badminton dans les jardins ? Non !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. C’est la sécurité !
M. Richard Yung. Il s’agit de renforcer la sécurité du Président de la République et de son entourage - vous connaissez le contexte.
Il s’agit de mettre en place la cellule de coordination des services de renseignement.
Il s’agit, enfin, d’améliorer la protection des systèmes informatiques : nous savons tous ce qui s’est produit aux États-Unis.
La députée La France insoumise, en dénonçant le fait que le Président de la République puisse « se servir dans la caisse », a eu un propos outrageux, à la limite de la diffamation. Je sais qu’un nouveau cadre budgétaire doit prochainement être mis en place. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire quelques mots.
Je passe sur la Cour de justice de la République.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », je me réjouis du renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d’asile, que nous demandons depuis des années. La création de cinquante-quatre emplois va permettre à cette juridiction de traiter un plus grand nombre de recours et de réduire de treize à six mois – je n’ai probablement pas les mêmes chiffres que M. Kanner – le délai moyen d’instruction d’une demande d’asile, sauf si, entre-temps, le nombre de demandes augmente très fortement.
Plus largement, je souscris à la proposition du rapporteur spécial de l’Assemblée nationale, M. Daniel Labaronne, député d’Indre-et-Loire et donc quelqu’un de tout à fait respectable, consistant à évaluer l’impact des réformes apportées aux procédures contentieuses en matière de droit des étrangers.
Les juridictions financières restent stables et n’appellent pas de commentaire particulier de ma part.
Enfin, je voudrais vous demander, monsieur le secrétaire d'État, quel est le degré d’avancement de la certification des comptes des collectivités locales, qui est en cours.
La dotation du Conseil économique, social et environnemental est sans doute amenée à évoluer puisqu’il est prévu de faire de cette instance une sorte de holding des think tanks. Peut-être conviendra-t-il, avec cette réforme, de lui octroyer des moyens supplémentaires.
Je me réjouis de voir que les effectifs de l’ANSSI augmentent de vingt-cinq ETP chaque année, entre 2018 et 2022. C’est un point très important, nous le savons tous. Le degré de menace des cyberattaques est élevé. En tant que Français de l’étranger, nous en savons quelque chose puisque nous avons été privés du droit de vote électronique aux élections législatives, l’ANSSI n’étant pas en situation de garantir le produit qu’elle était en train d’élaborer.
En outre, je salue l’achèvement de l’opération de restructuration de l’îlot Fontenoy-Ségur. Je constate avec satisfaction que son enveloppe budgétaire a été à peu près respectée. Le regroupement d’une grande partie des services du Premier ministre et de plusieurs autorités indépendantes au sein de ce centre de gouvernement va permettre de dégager d’indispensables économies de fonctionnement – loyers, masse salariale, etc. D’après le bleu budgétaire, les immeubles naguère occupés par les entités qui ont emménagé dans les bâtiments Ségur et Fontenoy devraient être cédés en 2018. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer à combien est évalué le montant prévisionnel de ces cessions immobilières ?
Enfin, je salue la hausse de la subvention accordée à la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, autrement dit la DILCRAH. Ces moyens supplémentaires lui permettront notamment d’assurer pleinement ses nouvelles missions en matière de lutte contre les LGBT-phobies et contre les actes antisémites, qui perdurent malheureusement dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera ces crédits. (MM. François Patriat et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits budgétaires de ces trois missions traduit une très grande stabilité par rapport à la loi de finances pour 2017.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » n’augmentent que de 0,08 % entre 2017 et 2018. Le budget des deux assemblées parlementaires est donc stabilisé, comme c’est le cas depuis maintenant cinq ans : 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 324 millions d’euros pour le Sénat, soit près de 84 % des crédits de la mission. Seule progresse, finalement, à hauteur de 3 %, la dotation de la Présidence de la République.
Au-delà de ces chiffres, l’enjeu est ici celui de l’efficacité de la dépense publique et du bon fonctionnement de notre Parlement. Ni démagogie, laquelle affaiblirait nécessairement la représentation nationale, ni gabegie ! C’est la seule voie sur laquelle s’engager pour rétablir la confiance et le lien de nos concitoyens avec la représentation nationale.
Les crédits budgétaires de la mission « Conseil et contrôle de l’État » progressent de 2,2 % cette année, à un rythme analogue à celui de l’an dernier où les crédits avaient été relevés de 2 %.
L’augmentation est portée pour les trois quarts par le programme 165, retraçant les crédits des juridictions administratives, et en particulier par la Cour nationale du droit d’asile. Pour amortir la hausse de plus de 30 % du contentieux de l’asile, cinquante et un emplois sont ainsi créés auprès de la CNDA.
La question du maintien au sein de la mission du programme 340 relatif au Haut Conseil des finances publiques reste posée. Se pose surtout, monsieur le secrétaire d'État, la question de l’indépendance de ce Haut Conseil des finances publiques vis-à-vis de l’administration.
Dans son audit de juin dernier, la Cour des comptes a en effet montré que l’évaluation des hypothèses de recettes et de dépenses par le Haut Conseil restait tributaire des informations communiquées par les services de Bercy. La création d’un organisme indépendant, sur le modèle britannique, favoriserait la sincérité des textes budgétaires présentés au Parlement, favorisant du même coup la qualité de nos débats. Est-elle envisagée, monsieur le secrétaire d'État ?
S’agissant, enfin, de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », les moyens budgétaires sont, là encore, stabilisés : 1,48 milliard d’euros en crédits de paiement, en hausse très légère de 0,26 %.
Les priorités sont d’abord financées par des mesures d’économies, et nous nous en réjouissons.
L’effort engagé lors des exercices précédents dans les domaines de la sécurité, du renseignement et de la cyberdéfense est prolongé. Les effectifs sont ainsi rehaussés de dix-huit équivalents temps plein, et nous nous en réjouissons également. L’effort budgétaire est ainsi ciblé sur la sécurité et les services de renseignement, ce qui est une très bonne chose.
Sur la période 2018–2020, la mission contribue à la performance et à la maîtrise de la dépense publique : hors compte d’affectation spéciale « Pensions », ses crédits diminuent de 1 % en volume. Nous nous en félicitons.
Cette efficacité se traduit tout particulièrement par la mise en place du projet immobilier Fontenoy-Ségur, qui permettra de mutualiser les fonctions support de l’ensemble des services du Premier ministre. Le détail de ce projet est désormais documenté. Début 2018, la plateforme accueillera vingt-deux entités, dont deux secrétariats d’État. Le gain escompté de ces mutualisations est estimé à 7 millions d’euros.
À ces efforts d’économies contribuent également les autorités administratives indépendantes, malgré une augmentation globale de leurs crédits de 2 millions d’euros. Cette hausse n’a toutefois pas vocation à être renouvelée, puisqu’elle doit seulement permettre au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, d’assurer l’organisation d’états généraux citoyens en vue de la révision prévue en 2018 des lois de bioéthique de 2011.
Compte tenu de leur cohérence globale, le groupe Union Centriste votera les crédits de ces différentes missions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Daniel Chasseing et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’ai l’honneur de porter la parole du groupe socialiste sur les trois missions d’importance que nous examinons ce matin. Elles sont d’importance parce qu’elles touchent souvent à l’État dans ce qu’il a de plus noble, mais pas forcément de plus populaire auprès des citoyens ! L’Élysée, les assemblées, les cours des comptes, les Autorités administratives, le Conseil économique, social et environnemental, autant d’institutions indispensables à la République, qui mériteraient parfois d’être réformées, je le concède, mais des institutions dans lesquelles les agents publics ne renâclent pas à la tâche. Je tâcherai donc d’être juste et bienveillant pour leur rendre hommage.
Je commencerai par la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Le groupe socialiste et républicain votera les crédits prévus. M. Kanner a su nous convaincre de la pertinence de l’augmentation des crédits dévolus aux programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Le renforcement des effectifs de la Cour nationale du droit d’asile, qui fait face à une hausse importante du nombre des entrées enregistrées, et la nécessité de pourvoir les emplois prévus pour les juridictions financières constituent des objectifs que nous partageons tous.
En ce qui concerne la mission « Pouvoirs publics » – je salue ici M. Jean-Pierre Sueur –, je ne me hasarderai pas à polémiquer sur les moyens prévus pour la sécurité du Président de la République, cela a été dit avant moi, ou pour l’activité de sa compagne. Ces dépenses sont justifiées.
À l’Élysée toujours, on ne peut que se féliciter de la volonté affichée de vouloir contenir le poste « déplacements », notamment en ce qui concerne les déplacements à l’étranger. J’invite cependant l’exécutif à ne pas rogner sur les crédits de climatisation. (Rires sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. M. Xavier Iacovelli applaudit.) Je salue la volonté de mettre en concurrence plusieurs prestataires pour l’engagement des dépenses prévues pour les voyages officiels. Nous imaginons que le Président de la République ne souhaite pas être accusé de privilégier telle ou telle agence de communication.
Toujours dans la mission « Pouvoirs publics », je note la baisse de 1,1 % de la dotation pour Public Sénat. Elle démontre un souci de bonne gestion, à saluer dans la période de débat actuel sur l’utilité de la préservation de deux chaînes parlementaires distinctes.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jérôme Durain. Le budget du Conseil constitutionnel sera en baisse en 2018, en l’absence d’élections à contrôler. Je relève d’ailleurs, même si je n’ignore pas la complexité de la tâche et l’augmentation du nombre de recours cette année, que certaines décisions sur des recours d’importance se font toujours attendre en cette fin d’année 2017.
En ce qui concerne la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’ai dévoré le rapport de M. Leconte. Concernant la réforme de l’État, un des aspects de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », M. Leconte relève avec beaucoup de précision que l’inflation législative n’est pas forcément la conséquence d’une logorrhée sénatoriale. On ajoutera à ses remarques sur l’importance prise par les articles additionnels issus d’amendements gouvernementaux l’existence d’amendements gouvernementaux portés en catimini par des parlementaires !
Le problème n’est peut-être pas dans la lenteur du travail parlementaire et législatif, contrairement à ce que beaucoup veulent nous faire croire. C’est même peut-être l’inverse. Je n’ai pas la sensation que les autres parlements du monde travaillent mieux que le nôtre. Et la volonté d’aller vite contribue sous tous les gouvernements, quelle que soit l’étiquette politique, à légiférer mal. Il faut alors trouver des cordes de rappel, ce qui est normal quand on est premier de cordée (M. Xavier Iacovelli sourit.), avec un amendement gouvernemental, voire avec un amendement gouvernemental porté par un parlementaire s’il s’avère que le rapporteur du projet de loi fait les gros yeux au cabinet du ministre ! Un rythme de travail plus serein nous permettrait sans doute d’éviter ce genre d’impair. Mais non, il faut aller vite ! Pourtant, même les députés En Marche constatent qu’ils n’ont plus le temps de réfléchir…
M. Claude Haut. Oh !
M. Jérôme Durain. Autre exemple de la manière dont l’enfer peut être pavé de bonnes intentions : M. Leconte a relevé les difficultés dans l’application du décret du 18 mai 2017 sur la limitation du nombre de conseillers par cabinet.
M. Claude Haut. Pff !
M. Jérôme Durain. Des conseillers parlementaires, pas les vôtres, monsieur le secrétaire d'État, ont indiqué avoir des difficultés à me répondre en invoquant la petite taille des cabinets. Je ne leur jette pas la pierre, même si leur excuse est difficilement audible. J’ai participé à des débats où je voyais bien que le ministre n’avait pas de réponse précise préparée. J’imagine que l’étau du décret de mai 2017 finira par se desserrer. Il paraît même, selon un hebdomadaire satirique, qu’il est contourné. Si c’est le cas, je m’en félicite !
Je veux revenir, pour terminer, sur le cas de quelques autorités indépendantes : le CSA a un budget stable, mais pourrait voir ses prérogatives augmentées, si l’on en croit le discours du Président de la République de samedi dernier. Je ne suis pas certain de partager le point de vue du Président de la République sur une telle évolution du rôle du CSA, mais je ne demande qu’à être convaincu ! J’ai pu constater l’année dernière, lors d’une mission effectuée pour le compte du précédent gouvernement, que si certains membres ou salariés du Conseil disposaient du bagage nécessaire pour aborder les questions numériques, ils avaient aussi à batailler en interne pour gagner en légitimité. Surtout, quel serait le fondement juridique d’une telle évolution de son rôle ? Le CSA contrôle les contenus télévisés en échange de la mise à disposition des fréquences. Mais quelle serait la logique concernant internet ? Je ne peux pas croire que le Président Macron soutienne une nationalisation de l’espace de liberté que constitue internet. Peut-être souhaite-t-il suivre l’exemple chinois ?
Concernant, enfin, le Défenseur des droits, j’ai bien pris connaissance des éléments sur les fonctions support. Néanmoins, je dois vous avouer que je m’étonne de la baisse de crédits que connaît l’autorité dirigée par M. Toubon. Je n’ai pas particulièrement défendu sa nomination, mais je dois bien reconnaître qu’il incarne à merveille son rôle. Le CSA voit son budget maintenu, mais le Défenseur des droits doit, lui, faire des efforts supplémentaires. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, éclairer la représentation nationale sur ce point ?
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera les crédits des trois missions que nous étudions ce matin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Richard Yung et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tenter de répondre en dix minutes à l’ensemble de vos questions est un exercice difficile. J’ai bien entendu l’invitation de Jean-Pierre Sueur à retrouver les usages, notamment ceux de Robert Badinter, mais permettez au modeste secrétaire d'État que je suis,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Pas si modeste !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … ancien député, de ne pas oser cette comparaison, surtout lorsque l’on sait que Robert Badinter a fini son engagement politique sur vos travées, au Sénat. J’aborderai donc les seules questions sur lesquelles je peux apporter des éléments de réponse.
Je commencerai par dire à Mme Assassi, par exemple, que je ne me prononcerai pas sur la « faiblesse des moyens dévolus aux chambres, Sénat et Assemblée nationale », tout simplement parce que nous sommes sur des sujets où votre indépendance implique que le Gouvernement, par compétence liée, ne se prononce pas.
Je voudrais vous remercier de la qualité de vos travaux, de la modération de vos propos. S'agissant de sujets aussi sérieux que le bon fonctionnement de l’État, il nous faut pouvoir balayer la réalité de ce que nous vivons. Les dotations de la mission « Pouvoirs publics », notamment, vous l’avez dit, se caractérisent par une grande stabilité par rapport à l’exercice précédent.
Je rebondis sur la question de l’augmentation des moyens dédiés à la Présidence de la République. À cette occasion, vous avez évoqué, messieurs Richard Yung et Jean-Pierre Sueur, l’effort financier réalisé sous la présidence de François Hollande, effort qui méritait effectivement d’être souligné.
Chacun l’a rappelé, les 3 millions d’euros de crédits supplémentaires sont dédiés à la sécurité physique du Président de la République, de ses proches, de ses collaborateurs, mais aussi à la sécurité numérique, qui est essentielle. Ces mesures vont, je le crois, dans le bon sens.
Cependant, sur ces sujets comme sur d’autres, il est fondamental que nous soyons transparents. Cette transparence accrue, sur laquelle M. le sénateur Richard Yung m’a interpellé, se décline à la fois dans la Charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État, mais aussi par l’adoption, conformément au rapport et aux préconisations de la Cour des comptes, d’un nouveau cadre budgétaire et comptable transposant à la Présidence de la République les règles de la gestion budgétaire et comptable publique de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité du pouvoir public constitutionnel.
S’agissant du Conseil constitutionnel, sa dotation est quasi stable par rapport à 2017. Il est important de le préciser, certains s’étant interrogés sur une baisse. Or la baisse est simplement visible mais pas réelle. M. Jean-Pierre Sueur a rappelé pourquoi cette dotation, hors dépenses exceptionnelles liées aux augmentations de 2016 et 2017 pour préparer les campagnes présidentielle et législatives et les contrôles sur l’élection présidentielle, est en légère augmentation. Toutefois, cela a été dit, l’augmentation du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité doit être entendue, parce qu’elle implique des moyens, une ingénierie, une expertise supplémentaires.
S’agissant de la Cour de justice de la République, une dotation est inscrite au projet de loi de finances afin de lui permettre d’instruire et de juger les requêtes qui lui sont adressées, mais chacun sait qu’une évolution constitutionnelle est envisagée. Nous verrons ce qu’il en adviendra. Vous m’avez interrogé sur les coûts fixes de la Cour de justice de la République, notamment sur les locaux dans lesquels elle est installée. Une réflexion est actuellement à l’étude pour un éventuel transfert dans les locaux du tribunal de grande instance dans l’île de la Cité. Tout dépendra au fond, monsieur Sueur, de la réforme constitutionnelle, à laquelle vous participerez, bien évidemment.
J’en viens maintenant à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». S’agissant des juridictions administratives, l’objectif, beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, reste la maîtrise des délais de jugement. Les crédits augmentent d’un peu plus de 2 %, car il nous faut faire face à l’augmentation extrêmement forte des recours devant la Cour nationale du droit d’asile, cela a été rappelé par Didier Rambaud et Patrick Kanner. La création de cinquante et un emplois destinés à cette évolution n’est pas négligeable, même si nous pensons effectivement que la situation sera tendue et difficile.
Il faut également avoir en tête, certains d’entre vous l’ont rappelé, que la dématérialisation des procédures a permis, grâce à l’application de télérecours, par exemple, d’économiser 4,5 millions d'euros de frais de justice depuis 2013. Le recours obligatoire à la médiation préalable et les nouveaux outils procéduraux, ceux qui existent et ceux que nous allons développer, doivent aussi permettre de réaliser des économies substantielles sur ces sujets.
En ce qui concerne les juridictions financières, les dépenses sont maîtrisées. Les dépenses de personnel augmentent très légèrement. Sans reprendre tout ce qui a été évoqué notamment par Patrick Kanner et Richard Yung, je pense qu’il est important de pouvoir s’appuyer sur ces juridictions, en particulier pour l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales. Il faut monter en puissance sur ce sujet, et vingt-cinq collectivités ont été sélectionnées pour participer à une expérimentation qui se déroulera jusqu’en 2023. Il faudra ensuite l’évaluer et en tirer tous les enseignements nécessaires.
S'agissant du positionnement du Haut Conseil des finances publiques, évoqué par Mme Vullien, M. Rambaud, le Gouvernement est favorable à l’idée que celui-ci soit rattaché dans le cadre des procédures qui existent sur les juridictions financières. Je ne doute pas de la capacité de cette autorité d’user de tous les moyens de contrôle sur l’État et de dire ce qu’elle pense. Aujourd'hui, nul ne peut douter de son indépendance sur le sujet.
Pour ce qui est du Conseil économique, social et environnemental, les travaux sont comme pour le Sénat et l’Assemblée nationale placés sous l’autorité de leur président respectif, en lien avec la ministre, garde des sceaux. Des réflexions sont en cours ; sur le CESE, elles sont bien avancées et le président Bernasconi m’a demandé un rendez-vous ce matin pour me les présenter. Nous aurons certainement l’occasion d’en parler tous ensemble.
J’aborderai, pour terminer, la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». À titre liminaire, je précise qu’un amendement présenté par le Gouvernement et adopté à l’Assemblée nationale a procédé à une minoration de 3 millions d'euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, hors titre 2, pour prendre en compte, et là, il y a eu des augmentations, les conséquences des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 16 octobre dernier.
Les crédits de cette mission sont stables en valeur par rapport à la loi de finances de 2017. Un certain nombre de mesures nouvelles sont prises en compte, et beaucoup d’entre vous ont parlé de la mutualisation, dont l’opération immobilière Fontenoy-Ségur constitue un bel exemple. Des économies substantielles ont été faites et restent à faire dans ce cadre-là. Elles sont évaluées à environ 3,5 millions d'euros par an ; elles sont également importantes en termes d’effectifs.
Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la situation du Défenseur des droits, dont on pourrait penser qu’il perd trois équivalents temps plein à la lecture statistique des chiffres ou comptable. La réalité, c’est qu’il dégage quatre équivalents temps plein supplémentaires pour mener à bien les missions nouvelles qui lui sont confiées, du fait justement de l’économie de moyens de fonctionnement réalisée sur l’ensemble du site.
À terme, nous pensons que nous pouvons globalement économiser cinquante-deux équivalents temps plein, que sept sites seront libérés à la suite de l’emménagement à Fontenoy-Ségur. Ces sites pourraient être vendus, monsieur Delcros, monsieur Yung, pour un montant évalué à environ 160 millions d'euros de recettes pour l’État.
Parmi les mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances figure un renforcement de la sécurité. Beaucoup d’entre vous m’ont interpellé sur ce sujet, en particulier les sénateurs Cadic et Leconte, qui sont très mobilisés. Vous avez raison, c’est un sujet majeur. Je voudrais évoquer, là encore, les crédits consacrés à la coordination de la sécurité et de la défense, en progression de 3 % en 2018, avec de nouvelles créations d’emplois, quinze au GIC, cela a été rappelé par le sénateur Mazuir, vingt-cinq à l’ANSSI. Certains trouvent ces chiffres insuffisants, M. Cadic espérait plus, mais ce n’est tout de même pas négligeable sur ces questions. Il est important de noter que l’Agence a vu ses effectifs passer de 122 équivalents temps plein en 2009 à 540 équivalents temps plein fin 2017.
L’objectif du plafond d’emplois est de 685 équivalents temps plein en 2022.
J’ai entendu vos inquiétudes à propos des conséquences de ces créations d’emplois sur les fonctions support du SGDSN. Toutefois, une partie des moyens de l’ANSSI y a été consacrée.
Pour répondre à M. Cadic et Mme Mélot, j’ajoute que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de renforcer le vivier de spécialistes, de recruter et de fidéliser des compétences rares dans les métiers du numérique et des systèmes d’information. Une circulaire du Premier ministre du 21 mars 2017 a posé les grands axes d’un plan d’action en ce sens.
Plus généralement, soyez assurés que le Gouvernement ne mésestime pas les efforts à accomplir en matière de sécurité des systèmes d’information. Ces derniers doivent être poursuivis et amplifiés, notamment par un renforcement de la gouvernance de la cybersécurité au sein des ministères ou par le développement d’une politique d’achat la mieux adaptée possible.
S’agissant des fonds spéciaux, il est inexact de dire qu’ils s’inscrivent en baisse. L’augmentation est certes très légère, de quelques centaines de milliers d’euros, mais leur montant s’élève aujourd’hui à 67,38 millions d’euros, contre 49,4 millions d’euros en 2015.
Ayant déjà dépassé mon temps de parole, je suis obligé de passer rapidement en vue les différents sujets…
Je dirai un mot sur la MILDECA. Mme Deseyne et d’autres sénateurs ont évoqué ce sujet important. Comme vous, je suis attaché à la forfaitisation – un mot plus simple à prononcer que celui de « contraventionnalisation ». C’est un engagement du Président de la République, que le Sénat avait au demeurant déjà porté en 2011 et en 2015.
Nous souhaitons que ce thème puisse rapidement venir en discussion et qu’il soit aussi l’occasion d’aborder la situation particulière de nos départements d’outre-mer, qui sont particulièrement frappés par ces conduites addictives liées à l’alcool ou à la drogue, et sur lesquelles il faut mener un travail très important de prévention.
J’évoquerai, enfin, l’importance que nous accordons aux moyens des autorités administratives indépendantes. Je pense à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE ou à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Cette dernière, évoquée par Jean-Yves Leconte, doit faire face à un nouveau cadre européen, avec une double évolution consacrée par un règlement et une directive, sur lequel il nous faudra être mobilisés.
Vous avez aussi évoqué le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Le Président de la République souhaite élargir ses missions. Je compte sur les travaux sénatoriaux pour nous aider à atteindre cet objectif.
Je terminerai mon intervention avec les crédits du programme 333, consacrés à l’immobilier et au fonctionnement de nos services territoriaux, qui progressent de 1,4 % en 2018. Cette progression est notamment due à une harmonisation progressive des prestations d’action sociale dans les services déconcentrés, harmonisation financée à hauteur de 5 millions d’euros. Nos agents et nos personnels font face au quotidien à des missions toujours délicates et méritent d’être accompagnés.
En conclusion, vous avez exprimé, les uns et les autres, la réalité des budgets qui vous sont présentés. Ils sont difficiles, parce que les missions sont difficiles, mais ils traduisent cet objectif essentiel de maîtrise de la dépense publique, qui doit tous nous mobiliser.
En même temps, ces budgets doivent nous permettre de décliner des priorités. Il ne s’agit pas de reconduire à l’identique ou d’augmenter chaque année de 1 % ou 2 % les budgets, et de laisser croire ainsi que notre pays est bien géré, mais plutôt d’assumer un certain nombre de choix pour faire face aux exigences de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Marc Laménie applaudit également.)
pouvoirs publics
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pouvoirs publics |
991 742 491 |
991 742 491 |
Présidence de la République |
103 000 000 |
103 000 000 |
Assemblée nationale |
517 890 000 |
517 890 000 |
Sénat |
323 584 600 |
323 584 600 |
La Chaîne parlementaire |
34 687 162 |
34 687 162 |
Indemnités des représentants français au Parlement européen |
0 |
0 |
Conseil constitutionnel |
11 719 229 |
11 719 229 |
Haute Cour |
0 |
0 |
Cour de justice de la République |
861 500 |
861 500 |
M. le président. Il ne peut y avoir d’explications de vote, les temps de parole ayant été épuisés au cours de la discussion.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
conseil et contrôle de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Conseil et contrôle de l’État |
680 865 691 |
665 281 166 |
Conseil d’État et autres juridictions administratives |
420 835 495 |
406 708 970 |
Dont titre 2 |
338 055 224 |
338 055 224 |
Conseil économique, social et environnemental |
40 047 508 |
40 047 508 |
Dont titre 2 |
34 747 508 |
34 747 508 |
Cour des comptes et autres juridictions financières |
219 515 207 |
218 057 207 |
Dont titre 2 |
192 757 207 |
192 757 207 |
Haut Conseil des finances publiques |
467 481 |
467 481 |
Dont titre 2 |
417 481 |
417 481 |
M. le président. Il ne peut y avoir d’explications de vote, les temps de parole ayant été épuisés au cours de la discussion.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
direction de l’action du gouvernement
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 607 380 030 |
1 480 854 655 |
Coordination du travail gouvernemental |
684 339 912 |
712 454 615 |
Dont titre 2 |
240 223 654 |
240 223 654 |
Protection des droits et libertés |
96 519 815 |
97 420 805 |
Dont titre 2 |
44 659 968 |
44 659 968 |
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées |
826 520 303 |
670 979 235 |
Dont titre 2 |
182 499 753 |
182 499 753 |
M. le président. Il ne peut y avoir d’explications de vote, les temps de parole ayant été épuisés au cours de la discussion.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
budget annexe : publications officielles et information administrative
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
ÉTAT C
(En euros) |
||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Publications officielles et information administrative |
183 292 856 |
173 287 856 |
Édition et diffusion |
62 540 000 |
52 835 000 |
Pilotage et ressources humaines |
120 752 856 |
120 452 856 |
dont charges de personnel |
69 694 856 |
69 694 856 |
M. le président. Il ne peut y avoir d’explications de vote, les temps de parole ayant été épuisés au cours de la discussion.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement », ainsi que du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits des différentes missions.
Santé
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette « petite » mission, créditée de 1,4 milliard d’euros – à comparer aux 200 milliards d’euros pris en charge par l’assurance maladie – comprend notamment l’aide médicale d’État, l’AME, seul point que j’aborderai d’ailleurs dans ce propos liminaire.
L’AME n’en finit pas d’augmenter, madame la secrétaire d’État, et nous avons l’impression que l’AME est le seul poste pour lequel on ne pose aucune limite.
En effet, tandis que l’on rabote, au sein de cette même mission, les crédits alloués aux organismes de santé publique, on demande 882 millions d’euros pour l’AME, soit 110 millions d’euros de plus que l’an passé et 50 % de plus qu’en 2012 – elle s’établissait alors à 588 millions d’euros.
À l’époque, entre 2011 et 2013, les crédits de l’AME étaient relativement stables, mais ils augmentent depuis de façon exponentielle.
Nous devons vraiment débattre de ce sujet, madame la secrétaire d’État. S’il n’est pas question, comme nous l’avons parfois fait par le passé, de proposer la suppression de ces crédits, la commission des finances appelle toutefois de ses vœux une refonte de l’AME. Nous présenterons donc tout à l’heure, en son nom, un amendement visant à ramener les crédits de l’AME à leur niveau de 2012.
Sans renoncer à cette mission d’accueil de la France, nous voulons essayer de poser certaines limites. Nous en reparlerons tout à l’heure. Je ne m’exprimerai pas plus longtemps pour laisser un peu de temps à notre collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. (Mmes Laure Darcos et Marie-Christine Chauvin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Corinne Imbert, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le temps imparti aux commissions saisies pour avis, je m’en tiendrai aux trois principales observations formulées par la commission des affaires sociales sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2018.
Il me faut tout d’abord souligner que l’instabilité qui caractérise le programme 204 constitue un sujet d’inquiétude majeur : depuis plusieurs exercices, des dépenses de plus en plus nombreuses sont en effet transférées à la sécurité sociale.
Le projet de loi de finances pour 2018 n’y déroge pas puisque l’assurance maladie se voit confier le financement de deux nouveaux opérateurs sanitaires de l’État, l’Agence de biomédecine et l’École des hautes études en santé publique, qui disparaissent ainsi du programme 204.
Nous pouvons entendre l’objectif d’une lisibilité accrue avancée par le Gouvernement. Cependant, cette évolution ne doit conduire ni à un désengagement de l’État ni à un contrôle plus difficile pour le Parlement. Elle pose, en tout état de cause, la question de la cohérence du programme 204 pour les années à venir.
En ce qui concerne les objectifs d’économies assignés aux opérateurs sanitaires, la commission souhaite alerter sur la situation de l’Agence nationale de santé publique. L’importance prise par les urgences sanitaires ne doit pas remettre en cause sa capacité à s’investir pleinement dans sa mission de prévention et de promotion de la santé, d’autant que les crédits relatifs aux actions de prévention ne sont plus sanctuarisés depuis la suppression, l’année dernière, de la dotation de l’assurance maladie.
S’agissant du programme 183, nous relevons l’effort de sincérité du Gouvernement quant aux prévisions de dépenses d’aide médicale d’État, la fameuse AME.
Les mesures mises en place pour assurer une plus grande maîtrise du dispositif nous paraissent également constituer un motif de satisfaction. Outre l’introduction d’un contrôle ciblé sur 10 % des dossiers, l’instruction de l’ensemble des demandes d’AME en métropole sera l’année prochaine centralisée auprès des trois caisses les plus concernées.
Cette démarche nous paraît aller dans le sens d’une harmonisation et d’une plus grande sécurité des procédures. Elle devrait également permettre une diminution des coûts de gestion.
Il semble en outre que la demande des caisses d’accéder aux informations détenues par le ministère de l’intérieur s’agissant des titres de séjour ait enfin été entendue. Nous nous en félicitons, car, il y a deux ans, notre commission avait déjà déposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sous réserve de l’ensemble de ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Véronique Guillotin. (M. Yvon Collin applaudit.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, alors que l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas encore achevé, nous voici réunis pour débattre aujourd’hui des crédits alloués en 2018 à la mission « Santé » du projet de loi de finances.
Comprenant les programmes 204 et 183, le budget total s’élève pour l’an prochain à 1,4 milliard d’euros. Il connaît ainsi une hausse de plus de 10 % par rapport au budget 2017. Cette hausse supérieure aux années précédentes pourrait être saluée si elle bénéficiait à toutes les actions du programme, ce qui n’est pas le cas. Je formulerais certaines remarques, notamment sur la prévention.
En effet, dans le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire, organisation de l’offre de soins », les actions relatives à la prévention connaissent toutes une baisse de leurs crédits.
Pour avoir suivi de manière assidue les débats du PLFSS, je connais l’attachement de Mme la ministre des solidarités et de la santé à ce sujet.
Si l’état de santé de la population française s’améliore, ce n’est pas le moment de relâcher nos efforts. Les chiffres sortis ces derniers jours sur les contaminations HIV au sein de la population homosexuelle nous le rappellent. Le poids des décès prématurés « évitables » et des maladies chroniques reste toujours très élevé en France. Plus de 30 000 décès par an sont évitables par la prévention et la simple modification des comportements. Aussi, je souhaiterais avoir des éclaircissements sur la baisse de 5 millions d’euros des crédits de prévention engagée par l’État : cette baisse n’est-elle pas contradictoire avec la « révolution de la prévention » que vous avez annoncée comme un axe central de la nouvelle stratégie nationale de santé ?
M. Yvon Collin. Eh oui !
Mme Véronique Guillotin. La réduction des moyens ne va-t-elle pas mettre à mal la mise en œuvre d’une politique de santé que l’on veut tous efficace ?
Arrêtons-nous un instant sur le programme 183, qui concerne notamment l’aide médicale d’État et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, lequel ne revêt plus qu’un caractère très subsidiaire par rapport au financement par la branche AT-MP, accidents du travail-maladies professionnelles.
Concernant l’AME, en 2016, les dépenses totales de l’État et de l’assurance maladie, tous types d’AME confondus, se sont élevées à 863 millions d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2015. En 2018, les crédits seront de nouveau augmentés, de 108 millions d’euros afin de répondre à une hausse tendancielle des bénéficiaires, estimée à 5,3 % par an, bien que l’on ait enregistré une discrète régression en 2017.
Le dispositif AME ne semble plus être remis en cause, et c’est une très bonne chose. En effet, c’est un dispositif utile – je dirai même indispensable –, à la fois pour des questions de sécurité sanitaire collective et pour des raisons humaines, tenant au respect du droit de chacun à bénéficier d’un minimum de soins. Nous le soutenons donc.
Toutefois, la hausse de ce poste risque encore de s’accentuer dans les années à venir. Des efforts de maîtrise, que nous saluons, ont déjà été engagés, notamment en matière de contrôle et de lutte contre la fraude. Cependant, l’évolution prévisible des dépenses mériterait que soit ouvert un débat en profondeur, pragmatique, apaisé et, surtout, loin de toute posture idéologique, dans le seul objectif de maintenir un équilibre global des programmes de cette mission « Santé ».
Mais avant tout, c’est bien la reprise de l’emploi et la bonne santé de nos entreprises qui permettront à notre système de soins tout entier de mieux se porter…
En résumé, la hausse du budget de la mission « Santé » du PLF s’explique essentiellement par l’augmentation des crédits alloués au dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, à hauteur de 77 millions d’euros, contre 10 millions d’euros en 2017, et grâce – il faut le saluer – à un effort inédit et louable en matière de sincérité budgétaire.
Je poursuivrai par un point d’alerte, soulevé par les rapporteurs Alain Joyandet et Corinne Imbert, pour dire que notre groupe partage les remarques des rapporteurs sur l’instabilité du périmètre de la mission « Santé » et ses conséquences, résultat de fusions et regroupements successifs des opérateurs sanitaires.
Parmi les quatre opérateurs restants, l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et l’ANSP, l’Agence nationale de santé publique, voient leurs subventions augmenter, tandis que l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et l’INCa, l’Institut national du cancer, les voient au contraire diminuer.
Pour l’INCa, la baisse significative de 5 % est un mauvais signal quand le cancer touche 384 000 nouveaux patients par an et que 150 000 patients en décèdent chaque année. Parallèlement, nos indicateurs de dépistage organisé du cancer colorectal et du cancer du sein sont bien loin des objectifs à atteindre.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner des explications sur cette baisse des crédits à l’INCa et peut-être nous rassurer sur ses capacités à réaliser sa mission avec des moyens réduits ?
Pour conclure, je voudrais rappeler que nous avons salué votre projet de santé du PLFSS, qui va dans le bon sens, mais le budget de cette mission « Santé » suscite de la part de notre groupe des interrogations.
J’aurais attendu une cohérence plus grande entre les objectifs ambitieux affichés en matière de prévention et leur traduction concrète sur le budget du programme 204, la prévention apparaissant trop souvent comme une variable d’ajustement d’un budget dont certains postes ne sont pas maîtrisés.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Véronique Guillotin. Nous serons attentifs aux débats, à votre capacité à répondre à nos interrogations et, le cas échéant, à nous rassurer. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, alors que nous venons de finir l’étude du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que la question du financement de notre système de protection est au cœur des débats, nous nous retrouvons aujourd’hui pour voter les crédits de la mission « Santé » au sein du PLF.
Pour l’année qui vient, ces crédits s’élèvent à 1,4 milliard d’euros pour les deux programmes qui constituent cette mission.
Cette progression de près de 14 % est, soyons très clairs, une bonne nouvelle.
Cela peut paraître paradoxal, dans des temps où nous devons construire des budgets raisonnables, où l’ONDAM voté dans le PLFSS pourrait être même qualifié de rigoureux, mais ces programmes sont essentiels dans notre politique de santé.
Je commencerai par parler du programme 183 « Protection maladie », qui contient le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et ce grand sujet de crispation – même si c’est un peu moins le cas qu’auparavant – que constitue l’aide médicale d’État.
Près de 99 % de ce programme concerne en effet l’AME, un dispositif qui permet l’accès aux soins aux personnes résidant de manière irrégulière en France depuis au moins trois mois, selon un système de prise en charge peu ou prou similaire à la CMU.
Il n’est pas la peine, me semble-t-il, de rappeler le devoir, mais aussi la nécessité de soigner ces personnes dans le besoin, d’un point de vue sanitaire, humanitaire et de santé publique.
En effet, en plus de prévenir le développement des maladies infectieuses, le traitement de pathologies à un stade précoce est bénéfique pour l’ensemble de notre système et permet d’éviter de lourdes prises en charge en cas de maladies plus avancées, plus graves et finalement bien plus coûteuses pour la collectivité.
Comme l’a rappelé M. Joyandet, ce budget est certes en hausse par rapport à 2012, mais – disons-le clairement ! – il était, jusqu’à présent, sous-évalué.
Dans un objectif de sincérité et en tenant compte de l’augmentation constante, ces dernières années, des bénéficiaires de l’aide, ainsi que des crises migratoires auxquelles nous devons nécessairement faire face, je salue la responsabilité de cette prévision.
Diminuer cette enveloppe, comme vous le proposez dans votre amendement, monsieur le rapporteur spécial, entacherait de nouveau le budget d’insincérité, alors même que sa réévaluation présente un double objectif, sanitaire et financier : être tout simplement cohérent avec la réalité.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Ce n’est pas tout à fait ça !
M. Michel Amiel. Concernant le FIVA, je tiens ici à saluer l’engagement de l’État, qui maintient ses crédits.
Venons-en à l’autre programme de la mission « Santé », le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Les objectifs de prévention des risques sanitaires et d’amélioration générale de la santé, notamment en matière d’égalité d’offre de soins sur l’ensemble du territoire, sont clairs, mais le programme est aussi confronté à une rationalisation des moyens.
La récente création de l’Agence nationale de santé publique, via la fusion de certaines agences, et le transfert de l’Agence de biomédecine et de l’École des hautes études en santé publique à l’assurance maladie sont des indicateurs importants de ce désir de simplification et de rationalisation.
L’ANSP est au cœur de notre mécanisme de prévention et de maîtrise des crises sanitaires et a pu montrer tout son intérêt dans les récents événements climatiques qui ont frappé nos outre-mer.
Ce budget est aussi à la hauteur de ce que j’appelle de mes vœux, à savoir une véritable politique du médicament, via le financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Maintenir le délai de traitement des autorisations de mise sur le marché – AMM – autour de 150 jours est un objectif qui va dans ce sens.
Le budget en hausse de la mission ne saurait masquer la recherche d’une optimisation maximale de la gestion de la prévention en France, aussi bien dans son organisation que dans son financement.
Vous me permettrez d’insister sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la santé mentale, en particulier celle des jeunes. Ce programme est essentiel dans la mise en place d’expérimentations pour le repérage de la souffrance psychique des jeunes ou la mise en place d’outils à disposition des professionnels.
Toujours sur ce programme, je m’arrêterai un instant sur un autre élément de sincérité budgétaire qui explique l’augmentation que nous constatons : il s’agit du montant prévu pour la prise en charge des dommages imputables à la Dépakine via l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM. Il apparaît que cette provision permettra de répondre de manière pertinente aux premières indemnisations, qui devraient voir le jour au début de 2018.
Tous ces éléments, mes chers collègues, nous auraient amenés, mon groupe et moi-même, à voter pour ces crédits sensibles, sincères, efficients et qui œuvrent pour plus de solidarité et d’équité.
Toutefois, la commission des finances, à l’instar de Mme Ménard à l’Assemblée nationale – avec des intentions qui sont certes différentes –, a déposé un amendement qui vise à amputer le budget de l’AME de 300 millions d’euros. Le groupe La République En Marche ne pourra pas voter en faveur des crédits de la mission, si cet amendement était adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du budget de la mission « Santé » de ce projet de loi de finances doit être menée en lien avec celle sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, que nous examinerons demain en nouvelle lecture, et il ne faut pas perdre de vue les 4,2 milliards d’euros de restrictions budgétaires qui sont programmées sur les dépenses de l’assurance maladie.
Mme la ministre des solidarités et de la santé a présenté ces crédits comme « un budget de responsabilité ». Certes, la mission affiche une hausse de 14 % en un an, avec des augmentations respectives de 10 % pour le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et de plus de 13 % pour le programme 183 « Protection maladie ».
Toutefois, derrière ces effets d’annonce, il y a une autre réalité : une diminution de crédits pour certaines actions et une réduction supplémentaire des effectifs.
La hausse de 10 % des crédits du programme 204 relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins survient après une baisse de 6 % en 2017 par rapport à 2016.
Et en poussant l’analyse, on s’aperçoit que cette hausse des crédits est due à l’enveloppe supplémentaire de 77,7 millions d’euros prévue pour les victimes de la Dépakine, ce qui est notoirement en deçà des besoins.
On peut également s’apercevoir que les moyens de l’ensemble des autres actions sont en baisse.
Ainsi, les crédits de l’action Santé des populations diminuent de moitié et ceux de l’action Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades se réduisent de 4 millions d’euros, tandis que les subventions aux opérateurs baissent de 6 %.
À l’heure où les inégalités d’accès aux soins vont croissantes et où il est essentiel de développer la prévention, nous ne pouvons pas soutenir de tels choix.
Ces baisses successives, qui peuvent apparaître comme une volonté de bien gérer l’argent public, entraînent des renoncements extrêmement graves. En effet, comment, dans ces conditions, lutter contre les maladies chroniques, qui sont en forte augmentation ? Et que dire de la prévention des addictions ?
Autre sujet d’inquiétude, le sort réservé aux agences sanitaires. Depuis plusieurs années, elles subissent de plein fouet les réductions drastiques imposées au secteur de la santé. Ce projet de loi de finances n’y fait pas exception avec une réduction de 2,5 % du plafond d’emplois, la suppression de 57 postes en équivalents temps plein travaillé et une diminution de 5 % des crédits de fonctionnement, soit une baisse de 6,5 millions d’euros.
Demander toujours plus aux agences sanitaires avec moins de moyens financiers et humains n’est pas de nature à leur permettre de remplir leurs missions de santé publique.
Outre les réductions de crédits infligées à la santé des populations, à la prévention des maladies chroniques et à la qualité de vie des malades, le programme 204 voit également diminuer les crédits consacrés à la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation, respectivement de 7 % et de 6 %. Comment justifier de telles baisses, alors que l’on connaît les risques accrus en la matière – pollution des eaux et de l’air, perturbateurs endocriniens, etc. ?
Venons-en aux crédits du programme 183 « Protection maladie », destinés essentiellement à l’aide médicale d’État et qui affichent une hausse de près de 13 % en 2018. Ayant entendu dans cet hémicycle des contrevérités à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettez-moi de rappeler quelques faits avérés.
Tout d’abord, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun a diminué de 1,6 % par rapport à 2015. L’augmentation des crédits est uniquement due au dynamisme des dépenses de médicaments et dispositifs médicaux, qui représentent 117 millions d’euros.
Ensuite, les migrants représentent 0,2 % de nos dépenses de santé.
Enfin, selon l’Observatoire des non-recours aux droits, seulement 57 % des étrangers ont recours aux prestations auxquelles ils ont droit. De plus, dans son rapport de 2014 sur le non-recours aux droits, le Défenseur des droits dénonce le fait que les bénéficiaires de l’AME font l’objet de refus de soins de manière récurrente.
À ceux qui critiquent la générosité de notre système de santé et voudraient tourner le dos à la dignité humaine, en pointant du doigt les plus fragiles, je veux répondre solennellement, avec l’ensemble des membres de mon groupe, que c’est l’honneur de notre pays d’avoir un tel dispositif.
Permettez-moi de terminer mon propos par la dotation de 8 millions d’euros de l’État au financement en 2018 du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Cette dotation correspond à 3 % de la contribution de la branche AT-MP, ce qui est largement insuffisant.
En conclusion, ces deux programmes sont dans le droit fil du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont la philosophie s’inscrit dans le cadre d’une réduction des dépenses publiques. Nous le regrettons.
Pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, les dépenses de santé doivent avant tout répondre aux besoins des patients, en tenant compte des formidables progrès scientifiques et technologiques qui ont été réalisés.
Transiger sur la prévention, le dépistage ou encore la qualité de vie des patients n’est pas acceptable. Des moyens financiers existent dans notre pays pour y répondre. Ce qui manque avec le gouvernement Philippe-Macron, comme avec ceux qui l’ont précédé, c’est la volonté politique de mobiliser ces nouveaux financements.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous sortons de l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du Gouvernement avec des satisfactions, mais aussi quelques oppositions. Les discussions sur la mission « Santé » du projet de loi de finances se dérouleront sensiblement dans le même esprit pour le groupe Union Centriste.
Aujourd’hui, si nos débats portent sur des montants financiers sans commune mesure avec ceux qui ont été discutés au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’en demeure pas moins que le programme 204 relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins et le programme 183 relatif à la protection maladie continuent de jouer un rôle important en matière de santé publique.
Malgré une enveloppe restreinte, les moyens consacrés à la mission « Santé » augmentent de manière significative en 2018 – 12% – et dépassent 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement. Cette hausse globale marque des situations contrastées au sein de chacun des programmes.
Le programme 204, qui représente le tiers des dépenses de la mission, voit son périmètre d’action évoluer au gré des projets de loi de finances. Le nombre d’acteurs financés par l’État ne cesse de diminuer, soit du fait de transferts vers l’assurance maladie, soit par fusion des établissements. L’Agence de biomédecine et l’École des hautes études en santé publique opèrent la bascule cette année. Attention à ne pas déséquilibrer durablement cette mission !
Le nombre d’opérateurs sanitaires est divisé par deux en un an, notamment grâce à la création de l’Agence nationale de santé publique, l’ANSP, qui résulte de la fusion de trois établissements. Ce travail de simplification était attendu et semble opérant. Je m’en réjouis.
L’augmentation des crédits du programme en charge de la prévention est une bonne nouvelle, quatre ans après sa dernière hausse. Mais elle doit être relativisée, puisqu’elle vise essentiellement à financer le dispositif d’indemnisation des dommages imputables à la Dépakine.
Mme la ministre des solidarités et de la santé milite pour passer de la logique de parcours de soins à celle de parcours de santé. Je partage pleinement cette analyse. Nous devons quitter le « tout-curatif » et investir massivement dans la prévention. Aussi, je m’inquiète que les crédits ne soient plus sanctuarisés. L’Agence nationale de santé publique doit s’imposer comme un acteur clef dans ce domaine.
Enfin, il y a deux ans, je dénonçais la réduction dangereuse du fonds de roulement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, alors que, dans le même temps, elle montait en compétence. Je salue donc la décision d’augmenter les crédits versés à l’ANSM.
J’en viens maintenant au programme 183 « Protection maladie », dont 99 % des crédits sont consommés par l’aide médicale d’État.
Je remercie la ministre des solidarités et de la santé d’avoir rappelé avec force que l’AME est une nécessité – Michel Amiel vient également de le faire.
C’est une nécessité de trois points de vue : humanitaire d’abord – quel médecin peut refuser de soigner un patient quel qu’il soit ? – ; sanitaire ensuite, pour éviter que des affections contagieuses ne s’étendent ; économique enfin, car plus une maladie est traitée précocement, moins elle coûte à la société.
L’AME est donc nécessaire, mais doit-on pour autant s’interdire de discuter de son fonctionnement et de son financement ? Non ! En effet, ses dépenses ont irrémédiablement progressé entre 2009 et 2016 – 40 % de hausse – et les crédits budgétaires ont fait l’objet d’une sous-évaluation systématique sous le précédent quinquennat. Il convient donc de parvenir à maîtriser, enfin, les crédits de ce programme.
À court terme, l’engagement de sincérité du Gouvernement, qui prévoit d’augmenter significativement le budget de l’AME pour 2018 – 13% –, est à saluer.
À moyen terme, j’invite le Gouvernement et mes collègues parlementaires à se saisir, dans un premier temps, du rapport d’information sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de précarité, qui a été demandé durant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, pour y intégrer une étude approfondie de l’AME.
Je souhaite que, dans un second temps, la politique de l’aide médicale d’État soit remise à plat grâce à une réforme débattue à sa juste mesure par le Parlement.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau. C’est le souhait de notre rapporteur spécial, M. Joyandet, qui propose également une réduction des crédits de l’AME de 300 millions d’euros.
Sur ce dernier point, les analyses diffèrent au sein du groupe centriste – c’est un peu une habitude pour nous… (Sourires sur différentes travées.) La plupart des membres du groupe s’abstiendront sur l’amendement proposé.
Pour ma part, j’estime que l’emploi de la menace budgétaire semble, à ce stade, disproportionné. Je ne pense pas que la fin justifie les moyens et je voterai donc contre cet amendement.
En tout état de cause, il faut souligner l’effort certain qui est porté sur les contrôles, qui doivent en effet être intensifiés. Leur fréquence est nettement supérieure à celle d’autres dispositifs et la centralisation des caisses harmonisera et garantira une meilleure maîtrise des dépenses.
Enfin, le programme 183 n’apporte que 8 millions d’euros au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante contre 270 millions d’euros en provenance de la branche AT-MP. Cette participation est particulièrement faible au regard de la responsabilité de l’État dans le dossier de l’amiante. Je tiens à insister sur ce point.
Comme je vous l’ai indiqué en introduction, madame la secrétaire d’État, les orientations du Gouvernement sont, pour le groupe Union Centriste, sources de satisfactions, malgré quelques déceptions qu’il conviendrait de corriger. Aussi, les sénateurs centristes voteront, sous ces réserves, en faveur des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Véronique Guillotin ainsi que MM. Yvon Collin et Michel Forissier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, on ne peut pas étudier la mission « Santé » du projet de loi de finances sans la remettre en perspective.
Le périmètre de cette mission a fortement évolué au cours de ces dernières années : les financements de la Haute Autorité de santé, de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, du Fonds d’intervention régional, de l’Agence de biomédecine et de l’École des hautes études en santé publique ont été transférés à l’assurance maladie, en 2018 pour les deux dernières.
D’entrée se pose donc la question de la cohérence du périmètre du programme 204, qui devient bien difficile à percevoir.
Il en est ainsi du pilotage de la politique de santé publique : la hausse apparente des crédits correspond en fait à celle des frais de justice, et en particulier ceux liés au dispositif d’indemnisation des victimes du valproate de sodium.
Le mouvement de fusion des agences mené par la précédente ministre de la santé a permis la création d’un opérateur essentiel, l’Agence nationale de santé publique. Encore faut-il que ses moyens soient à la hauteur de ses nombreuses et essentielles missions. J’y reviendrai.
Par ailleurs, on ne peut qu’être surpris du fait que la plus importante baisse de crédits concerne deux actions qui sont pourtant inscrites parmi les objectifs prioritaires de la stratégie nationale de santé : celles auprès des publics les plus vulnérables, qui baissent de 47 %, et celles en faveur de la santé environnementale, qui diminuent de 5,6 %.
Je souligne aussi que, s’agissant des violences faites aux femmes et de la lutte contre les mutilations sexuelles, il ne reste plus que 110 000 euros pour financer les actions destinées à sensibiliser, former, mobiliser et informer le grand public et les professionnels de santé. Ce n’est manifestement pas dans ce budget que la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Schiappa, a obtenu les moyens transversaux, dont elle nous a fait part, ici même, il y a deux jours. Dans ce cadre budgétaire, c’est plutôt un coup de rabot !
La faiblesse et la baisse des moyens consacrés à la santé environnementale sont également un sujet de préoccupation.
Les facteurs d’exposition déclinés dans le « bleu Santé » du troisième plan national santé environnement sont présents : la surveillance aérobiologique, l’amiante, le bruit, le saturnisme et le monoxyde de carbone. Mais où sont la pollution de l’air, qui est responsable de 48 000 morts par an, les polluants chimiques de l’environnement intérieur et de l’alimentation, ou encore les perturbateurs endocriniens ?
Où est l’enjeu crucial de l’exposition in utero, au sujet de laquelle la recherche a considérablement progressé et qui appelle maintenant une politique nationale forte de protection de l’enfant à naître et du nourrisson ?
Les progrès pour la santé humaine dans les décennies à venir viendront en grande partie d’une meilleure maîtrise des facteurs environnementaux, qui dégradent notre santé. Nous sommes là au cœur de la prévention, mise à avant à juste titre par la ministre de la santé.
Il est vrai que de nombreux acteurs ne sont pas dans le champ sanitaire : l’urbanisme, l’alimentation, les transports et le logement sont au premier rang. Mais parce que la ministre chargée de la santé porte cette thématique essentielle, elle a la légitimité et la responsabilité d’impulser et de produire l’expertise et les évaluations nécessaires. Elle doit en avoir les moyens.
À la veille de la journée mondiale de lutte contre le sida, quelques mots sur ce virus. La victoire est possible. Les épidémiologistes ont une position convergente à ce sujet ; ONUSIDA le confirme et a d’ailleurs lancé une stratégie mondiale pour éradiquer le VIH à l’horizon 2030 avec des objectifs intermédiaires en 2020.
Il me semble que vaincre un virus sans vaccin serait une première dans l’histoire de la médecine. Quelle émotion pour les chercheurs, en particulier les deux prix Nobel français, pour les personnes séropositives, pour les associations qui luttent depuis tant d’années et pour celles et ceux qui ont été victimes, directement ou non, de l’épidémie !
Cette perspective d’éradication doit nous rassembler. Ne tardons pas à compléter les mesures prises par Marisol Touraine sur la prophylaxie préexposition – PrEP – et sur les autotests pour réussir à intensifier le dépistage dans les populations clefs : les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, dits HSH, les migrants, les travailleuses du sexe et les personnes transgenres. C’est la clef du succès.
Malheureusement – d’une certaine façon… –, le niveau actuel de l’épidémie est trop faible pour susciter une mobilisation suffisante de la société et trop élevé – encore 6 000 nouvelles contaminations par an – pour qu’elle s’éteigne.
Nous avons donc un défi commun à relever et les élus que nous sommes ont une belle responsabilité, celle d’entraîner notre société dans un dernier et fructueux effort.
Enfin, je ne voudrais pas terminer mon propos sur le programme 204 sans dire quelques mots sur l’Agence nationale de santé publique. Elle est encore en émergence et le mouvement est prometteur. Ses principes fondateurs sont bons : une approche intégrée de la prévention, qui concerne l’ensemble des politiques publiques et valorise les échelons locaux ; un continuum entre épidémiologie et prévention ; une gouvernance ouverte, à la fois scientifique, participative et citoyenne.
Il faut prendre garde à ce que des ressources trop peu diversifiées, une réduction du plafond d’emplois, une articulation encore insuffisante avec les autres acteurs, dont les agences régionales de santé, ne fragilisent une agence qui doit devenir une référence en santé publique.
J’en viens, pour terminer, au programme 183 et à l’aide médicale d’État.
Tous ceux qui analysent ce régime avec les lunettes de la santé publique et l’objectif de parcours de soins efficients arrivent à la même conclusion : il faut intégrer l’AME à l’assurance maladie. C’est l’analyse de l’Inspection générale des affaires sociales depuis plusieurs années. C’est aussi celle de l’Académie de médecine depuis quelques mois.
Tous ceux qui regardent ce régime avec les lunettes de l’efficience économique arrivent, monsieur le rapporteur spécial, à la même conclusion et retiennent les économies d’échelle que produirait cette intégration. C’est l’avis de l’Inspection générale des finances.
Et puis, il y a ceux qui regardent l’AME avec les lunettes de leurs positions sur la politique migratoire et qui, selon leur opinion, veulent soit la maintenir et l’étendre, soit la supprimer ou la couper en morceaux, sans que l’on comprenne très bien la logique sanitaire desdits morceaux…
Il est temps d’agir de façon rationnelle, à partir d’une connaissance précise des éléments concernant tant la santé et les parcours de soins que les données économiques de l’AME et les conséquences de son éventuelle intégration à l’assurance maladie.
C’est pourquoi j’ai déposé un amendement demandant au Gouvernement de mener ce travail d’expertise. Nous ne devons pas en rester au statu quo ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Véronique Guillotin et M. Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une grande partie des crédits du système de sécurité sociale a déjà été votée à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais cette mission n’en est pas moins importante pour autant. Elle vise à poursuivre les efforts engagés au cours des dernières semaines pour atteindre un équilibre des finances sociales à l’horizon 2020.
Malheureusement, cette mission porte en elle les germes de véritables problèmes financiers, du fait d’une sous-budgétisation chronique de certaines dépenses. Il est donc nécessaire de remettre à plat ces dépenses et d’envisager un apurement de ces comptes. C’est pourquoi il est urgent d’accorder une attention scrupuleuse à l’examen de ces crédits.
Cette mission a aujourd’hui une triple vocation. Premièrement, elle encadre les moyens consacrés à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins. Deuxièmement, elle prévoit les crédits accordés à certaines agences sanitaires. Troisièmement, elle abonde le financement de l’aide médicale d’État, qui est en augmentation chronique depuis 2009 : 40 % de hausse au cours des huit dernières années, avec un budget courant de 923,7 millions d’euros.
Avec une dotation de 1,4 milliard d’euros, les crédits de cette mission sont en augmentation de 12 % par rapport à 2017. À l’heure d’une réduction des dépenses publiques, cette hausse est tout à fait préoccupante et mérite que notre assemblée se penche avec attention sur l’utilisation des deniers publics.
Au sein du programme 204, consacré aux dépenses de prévention, l’évolution à la hausse des crédits s’explique par une volonté de doter financièrement un nouvel acteur chargé de centraliser l’ensemble des opérateurs encadrés par cette mission. En effet, l’Agence nationale de santé publique agira désormais comme opérateur de référence, réduisant le nombre d’établissements subventionnés par cette mission de huit à quatre. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue cette mesure de simplification, mais s’étonne que rationalisation ne rime pas avec réduction des budgets.
La décision de transférer à l’assurance maladie le financement de deux autres opérateurs de ce programme, l’Agence de biomédecine et l’École des hautes études en santé publique, va dans le même sens et recueille en conséquence notre soutien.
Même remarque sur la mise en place d’un système financier et comptable commun ou sur une étude de faisabilité d’une stratégie immobilière commune : ces efforts de simplification sont tout à fait louables.
Au sein du programme 183, le dispositif de l’aide médicale d’État ne peut plus continuer en l’état. Le nombre de bénéficiaires de cette aide a augmenté de 44 % depuis 2009. C’est une dynamique inquiétante et, comme cela a déjà été dit dans cet hémicycle, une réforme est désormais incontournable.
Le rapporteur spécial préconise un recentrage des soins pris en charge sur un panier de soins réduit – traitement des maladies graves, soins liés à la grossesse, médecine préventive –, ce qui nous semble une mesure tout à fait utile, nécessaire et équilibrée dans la perspective du maintien de cette aide.
En conclusion, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur le vote des crédits de cette mission, estimant que des efforts supplémentaires de réduction des postes de dépenses pourraient être envisagés et qu’une réforme de l’aide médicale d’État doit rapidement nous être présentée.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2018, je souhaiterais aborder deux aspects : la prévention, en particulier pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, mais aussi la protection.
Pour ce qui est de la prévention, je souhaite attirer votre attention sur la nécessaire reconnaissance des troubles « dys » en milieu scolaire, et donc leur dépistage. Ces troubles spécifiques – dyslexie, dyscalculie, dyspraxie, dysphasie, troubles de l’attention… – touchent un secteur isolé du cerveau ; d’autres secteurs, comme l’intelligence, sont préservés. Les enfants « dys » mettent en place des stratégies de compensation, qui leur demandent un coût attentionnel énorme. Diverses études montrent qu’un à deux enfants par classe seraient atteints.
Quelques jours après le 14 novembre, journée consacrée au dépistage du diabète, je voudrais dire que l’école apparaît comme un lieu incontournable, si l’on souhaite repérer et accompagner le plus précocement possible cette maladie. Plus de trois millions de personnes sont concernées, dont de plus en plus de jeunes.
Il est indispensable de sensibiliser la population au risque de diagnostic tardif chez l’enfant et l’adolescent. On constate une très nette évolution du nombre de jeunes touchés par une nouvelle forme de diabète, qui n’existait pas jusqu’à présent dans cette population.
Les risques pour la santé sont multiples, sans compter les conséquences psychologiques. La prévention est donc un axe majeur pour retarder l’entrée dans cette maladie.
Votre collègue de l’éducation nationale, M. Blanquer, a annoncé ici même, hier soir, vouloir remettre sur pied la médecine scolaire et faire passer une visite médicale à tous les élèves de six ans. Il a annoncé avoir engagé un travail interministériel avec Mme la ministre de la santé, destiné notamment à faire en sorte que les médecins non scolaires puissent contribuer à la médecine scolaire.
Et ne pourrions-nous pas, à terme, proposer cette discipline comme spécialité lors du concours de l’internat, afin d’attirer davantage de personnes vers la médecine scolaire ? Se former aux mesures de prévention ne constitue pas, aujourd’hui, une priorité au cours des études de médecine.
Je souhaiterais que vous nous indiquiez, madame la secrétaire d’État, les actions que le Gouvernement entend engager en la matière ?
Je note d’ailleurs que les crédits consacrés à l’aide médicale d’État passent de 75 millions d’euros en 2000 à 923 millions en 2018, tandis que ceux consacrés à la prévention diminuent cette année de 4 millions d’euros – ils sont pourtant grandement nécessaires pour la jeunesse.
C’est pourquoi j’adhère totalement à l’amendement portant diminution de cette AME de notre collègue de la commission des finances, Alain Joyandet, rapporteur spécial.
Pour ce qui concerne la protection, je souhaite que vous nous précisiez les actions du Gouvernement envers les associations de protection de jeunes homosexuels en errance. Être rejeté par sa famille est particulièrement déstructurant et peut conduire au suicide. Bon nombre de jeunes se trouvent contraints de quitter le domicile familial sans subsides et sans connaître leurs droits. J’ai été interpellé par des associations, notamment par l’association Le Refuge, créée en 2003 et reconnue d’utilité publique, qui propose un hébergement et un secours d’urgence aux jeunes homosexuels et transsexuels, âgés de 18 ans à 25 ans et en situation de rupture familiale du fait de leur orientation sexuelle.
La liste d’attente pour ces appartements-relais est de plus en plus importante, et la demande ne peut être satisfaite. Dans le meilleur des cas, ces jeunes gens sont pris en charge par des structures d’urgence de droit commun, peu adaptées à ce public fortement exposé aux préjugés et aux discriminations au sein des populations marginalisées. Dans le pire des cas, ils se retrouvent à la rue. Les structures d’accueil dédiées sont donc en recherche de financements pérennes.
Madame la secrétaire d’État, quels sont les crédits alloués, et quelle est leur évolution ?
Enfin, je souhaite attirer l’attention sur le soutien de ceux que l’on appelle les aidants, qui doivent organiser bénévolement le quotidien de leurs proches malades. Ces derniers pèsent souvent sur le budget familial, car la maladie, dans le cas de patients atteints d’Alzheimer par exemple, progresse, et les besoins évoluent. Il est par ailleurs extrêmement compliqué d’être aidant lorsque l’on est en activité professionnelle. Pensez-vous pouvoir ventiler, dans ce budget, des dispositifs d’accompagnement financier ?
Autre dossier récurrent, le manque de places dans les instituts médico-éducatifs, les IME, ainsi que les nombreuses difficultés qui découlent de cette carence. Cette situation crée une forte angoisse chez les parents et leurs enfants ; elle ralentit et compromet leur avenir ; elle prive enfin nos territoires de structures adaptées, ainsi que de la création d’emplois qui s’y rapportent. Il faut signaler la concurrence exercée, dans ce domaine, par les centres d’accueil, situés notamment en Belgique, qui drainent de nombreuses personnes ne pouvant bénéficier de places en France.
Je vous remercie de nous dire également, madame la secrétaire d’État, si le dispositif d’amorçage pour ces structures va pouvoir fonctionner.
Pour finir, je me dois d’évoquer le rapport de la Cour des comptes datant d’hier, et intitulé « De l’assurance maladie : Assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs ».
La Cour des comptes veut remplacer la liberté d’installation des médecins libéraux par le « conventionnement sélectif », déjà appliqué aux infirmiers et aux sages-femmes. Le rapport évoque aussi la possibilité de forcer les jeunes diplômés à exercer « dans des zones sous-denses pour une durée déterminée », et donc de remplacer la carotte par le bâton.
Le changement de méthode paraît radical, mais il n’est pas si loin, me semble-t-il, de certaines des propositions de nos collègues lors du débat sur le PLFSS.
Pour évoquer la difficulté que nous rencontrons concernant les déserts médicaux chroniques, particulièrement dans mon département, voici une petite illustration des difficultés d’attractivité pour l’installation : nous sommes proches d’une grosse ville avec faculté de médecine, comme Reims, qui dépend d’une autre ARS que celle des Hauts-de-France, à savoir celle de Grand Est, sise à Nancy ; de fait, les étudiants de l’Aisne faisant leurs études de médecine à Reims ont l’obligation d’effectuer leur stage dans le périmètre de leur université (Mme Catherine Procaccia s’exclame.), soit le Grand Est ; les Axonais ne peuvent donc faire leur stage dans leur département, à vingt kilomètres de là, la bonification financière allouée au maître de stage ne pouvant, à cette heure, être payée par une autre ARS que celle du lieu d’études.
Dans le souci de lutter contre la désertification médicale, je vous fais un appel du pied, si vous me permettez l’expression, madame la secrétaire d’État, pour que soit modifié ce qui paraît bien être une absurdité, car, il ne faut pas l’oublier, le lieu du stage effectué par l’étudiant détermine à 60 % le lieu d’installation des médecins.
Pour conclure, même si c’est un peu hors sujet, je veux dire que je ne peux que me satisfaire de l’évolution du tiers payant qui, de généralisé, devient généralisable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence d’Agnès Buzyn, qui a dû partir en Guadeloupe à la suite de l’incendie qui a ravagé le CHU de Pointe-à-Pitre. Elle m’a demandé de la remplacer aujourd’hui au Sénat.
Le budget de la mission « Santé » que nous examinons traduit l’attachement du Gouvernement au pilotage de la santé publique et à la préservation, dans l’intérêt de tous, des dispositifs d’accès aux soins ouverts aux personnes en situation irrégulière.
Il porte, comme l’ensemble du projet de loi de finances, un engagement de sincérité. Cet engagement conduit à remettre à niveau des dotations budgétaires précédemment sous-évaluées et à faire évoluer en forte hausse les crédits de la mission. Ils augmentent en effet de 174 millions d’euros, soit une hausse, à périmètre constant, de 14 % entre 2017 et 2018.
Je souhaite commencer en évoquant l’aide médicale d’État, l’AME, que le Gouvernement est attaché à préserver.
L’AME, en plus de protéger et d’apporter des soins à ses bénéficiaires directs, permet en effet la protection de la population et la prise en charge à un stade précoce de certaines affections à risque de transmission. La prise en charge précoce des soins évite par ailleurs une prise en charge ultérieure plus lourde et plus coûteuse.
Les crédits de l’aide médicale d’État seront augmentés de 108 millions d’euros pour être portés à 923 millions d’euros en 2018, afin de financer, dans une volonté de budgétisation sincère, une dépense de guichet tendanciellement dynamique.
Nous observons, il est vrai, un léger infléchissement des effectifs bénéficiaires sur les derniers trimestres connus, ce qui a permis de revoir à la baisse la prévision d’exécution pour 2017.
Toutefois, le Gouvernement a souhaité construire ce PLF en retenant une prévision prudente et une dépense croissant à son niveau tendanciel, celui constaté en moyenne sur les dernières années.
Nous souhaitons par ailleurs renforcer l’efficience de la gestion de l’AME : plusieurs orateurs l’ont souligné, comme toute prestation, l’AME doit être contrôlée et gérée au mieux par les organismes qui la servent.
Ainsi, à compter de mi-2018, les trois caisses d’assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille assureront l’instruction de l’ensemble des demandes d’AME en métropole. Cette mutualisation permettra, en plus de faire des économies de gestion, d’améliorer l’accès au dispositif par la réduction des délais d’instruction et l’harmonisation des procédures. Elle permettra également de renforcer le pilotage et le contrôle des dossiers.
Je veux évoquer, après l’AME, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, deuxième composante du programme 183.
Les crédits du budget de l’État destinés à doter le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, sont reconduits à hauteur de 8 millions d’euros.
Il s’agit bien sûr d’une contribution annexe pour le fonds, lequel est financé principalement, au titre de l’exposition professionnelle, par la branche « accidents du travail-maladies professionnelles » de la sécurité sociale.
À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de doter le fonds de 270 millions d’euros en 2018. Cette dotation correspond à ce qui est nécessaire pour faire face aux engagements du fonds à l’égard des victimes de l’amiante et de leurs ayants droit.
La mission « Santé » comprend également le programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins.
Ses crédits, un peu moins de 500 millions d’euros, ne couvrent bien sûr qu’une petite partie de l’investissement collectif en matière de santé. C’est vrai en matière d’organisation sanitaire ; c’est vrai également en matière de prévention, puisque les crédits du programme qui abondaient le Fonds d’intervention régional, le FIR, des agences régionales de santé ont été transférés cette année à l’assurance maladie. À ce sujet, madame la rapporteur pour avis, je vous confirme que les crédits prévention sont bien en hausse de 3 %, par ailleurs.
Ces crédits financent des composantes essentielles de notre dispositif de protection et d’expertise en santé. Je tiens à remarquer que les crédits pour la prévention et la lutte contre le tabagisme passent de 32 millions d’euros à 132 millions d’euros en 2018 sur l’autre programme
Le projet de budget qui vous est présenté procède à une simplification du financement des agences sanitaires en transférant à l’assurance maladie les financements, minoritaires, de l’Agence de la biomédecine, l’ABM, et de l’École des hautes études en santé publique, l’EHESP. Cela permettra d’achever le travail de « décroisement » des financements de l’État et de l’assurance maladie, commencé cette année avec l’ANSP.
Cette rationalisation permet également, au-delà de la simplification des circuits financiers, un recentrage de l’État sur les agences ayant, à titre principal, des missions de sécurité sanitaire.
Quatre opérateurs de santé restent financés par l’État par le biais de la mission « Santé » : l’Agence nationale de santé publique, l’ANSP, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, et l’Institut national du cancer, l’INCa.
Les crédits qui leur sont affectés sont en progression de 4,4 millions d’euros.
La négociation budgétaire a permis de prendre en compte le rebasage nécessaire des agences afin de retrouver une trajectoire d’équilibre à moyen terme, tout en mettant en œuvre les économies attendues des opérateurs de l’État dans le cadre du redressement des comptes publics.
Dans les années qui viennent, l’Agence nationale de santé publique aura un rôle déterminant à jouer dans la déclinaison de la stratégie nationale de santé 2017–2022, actuellement soumise à la consultation publique. Cette stratégie est bâtie autour de 4 axes, à savoir prévention, égalité d’accès aux soins, innovation, pertinence et qualité : le premier de ces axes fait du renforcement de la prévention tout au long de la vie, notamment au profit des jeunes, ce qui est essentiel, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Amiel, et dans tous les milieux, un objectif prioritaire, pour lequel l’ANSP est un acteur incontournable. Quant à l’INCa, je veux vous rassurer : la subvention pour charges de service public restera en 2018 égale à celle de 2017, compte tenu de la baisse des taux de mise en réserve. Il ne sera donc pas touché au budget de l’INCa.
L’ANSP continuera également d’avoir un rôle primordial en matière de gestion des situations sanitaires exceptionnelles, en raison de l’accroissement des risques qui pèsent sur la santé publique. Sa mobilisation sans précédent pour la gestion des conséquences du cyclone Irma aux Antilles en témoigne : plus de 450 réservistes sanitaires mobilisés sur place et 10 tonnes de matériel acheminées.
À côté du financement des grands opérateurs de santé, le programme porte également les dépenses d’indemnisation des victimes de la Dépakine, pour un montant total de 77,7 millions d’euros, contre 10 millions d’euros en LFI 2017, lors de la mise en place du dispositif. Cette indemnisation est, comme vous le savez, assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM. Les premiers dossiers sont examinés depuis ce mois et le dispositif sera pleinement opérationnel, avec les premières indemnisations, dès 2018.
Ce sont là, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, les axes les plus saillants d’un budget qui participe, avec l’ensemble des dépenses mobilisées par ailleurs dans le cadre du PLFSS, à la mise en œuvre de la politique de santé et d’accès aux soins du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Santé |
1 415 412 664 |
1 416 712 664 |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
483 714 448 |
485 014 448 |
Protection maladie |
931 698 216 |
931 698 216 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II–171 est présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II–216 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Karoutchi, Savary, Dallier et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, J.M. Boyer, Brisson et Charon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi et Di Folco, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Hugonet, Huré, Husson, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Leleux et Leroux, Mme Lopez, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Procaccia, MM. Rapin, Reichardt, Revet et Sol, Mme Troendlé et M. Vaspart.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
||||
Protection maladie |
300 000 000 |
300 000 000 |
||
TOTAL |
0 |
300 000 000 |
0 |
300 000 000 |
SOLDE |
- 300 000 000 |
- 300 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II–171.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réduire les crédits de l’AME. Ce n’est pas une arme, madame la secrétaire d’État, mais une façon pour nous d’appeler vraiment, cette fois-ci, à une véritable remise à plat de l’AME. Je rappelle que c’est une aide médicale pour les immigrés en situation irrégulière. Il ne s’agit pas de renier notre mission d’accueil ni de mettre les crédits en concordance avec les besoins. En effet, en regardant ce qu’il s’est passé les années précédentes, on constate qu’en 2012 on a dépensé 588 millions d’euros pour cette aide médicale, et qu’on avait inscrit 588 millions d’euros. On voit bien qu’il est toujours possible de faire les choses comme il faut sans sous-budgétisation.
L’explosion constatée en 2012 s’explique par le changement des conditions d’attribution de l’AME, mais peut-être y reviendrons-nous tout à l’heure.
À travers cet amendement, la commission souhaite revenir à une dépense raisonnable et appeler le Gouvernement à remettre sur la table les conditions d’octroi et le périmètre de cette aide, ce qu’a demandé la presque totalité des orateurs.
Nous devons faire face à notre responsabilité de santé publique en matière de soins, d’urgence, de maternité, et nous ne devons rien changer à l’égard des enfants, mais force est de constater que nous sommes face à une consommation de soins qui est très importante. Il me semble que nous avons la possibilité de changer cela et de revenir à une consommation de crédits un peu plus raisonnable, d’autant que, au sein de cette mission, les autres organismes de santé publique voient leurs crédits rabotés. Nous avons le sentiment qu’une seule chose n’est pas contrôlée et continue à filer sans que l’on se pose la question de savoir si on peut faire autrement.
Je rappelle que le Sénat, en 2015, sous l’impulsion de Roger Karoutchi, avait déjà voté une réduction des crédits, qui était en fait un appel à cette refonte de l’AME.
M. Roger Karoutchi. Sans succès !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Depuis, il ne s’est rien passé. J’appelle donc nos collègues à adopter cet amendement, même si je ne me fais pas d’illusions sur ce qui se passera après à l’Assemblée nationale. Une telle adoption serait néanmoins un appel à une véritable remise à plat de cette AME. Il faut faire en sorte de continuer à assurer notre mission d’accueil tout en étant un peu plus raisonnables sur le plan budgétaire, j’allais dire un peu plus équitables.
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur spécial. Je profite de l’occasion pour demander à chacune et à chacun de respecter les temps de parole.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II–216 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Comme toujours dans ce genre de débat, il y a la réalité et il y a le propos. Le propos peut être soit démagogique, soit extraordinairement critique. Il y a, c’est sûr, un côté émotionnel complexe avec la santé.
La réalité est pourtant d’une grande simplicité, et M. le rapporteur spécial Alain Joyandet en a fait état de manière très claire. Nous sommes à un moment où il faut remettre sur l’établi la manière dont l’AME est octroyée et dépensée.
Alain Joyandet a aimablement rappelé que j’avais fait voter un amendement en 2015. Je me souviens d’un débat avec Mme Touraine à la commission des finances en 2014, où elle avait pris l’engagement de remettre sur la table les conditions d’attribution et de distribution de l’AME.
Il ne s’agit pas de refuser de contrôler l’état de santé et d’examiner la capacité des enfants, des femmes, des hommes, qui sont sur le territoire national, mais on voit bien que l’AME explose, que personne n’a la volonté politique, car c’est de cela qu’il s’agit, de revoir la manière dont l’AME est attribuée.
Madame la secrétaire d’État, vous venez de dire que, désormais, Bobigny, Paris et Marseille, si j’ai bien compris, vont décider de l’attribution de l’AME. Je leur souhaite bien du bonheur, parce que l’AME n’est pas sollicitée qu’en Île-de-France et à Marseille. Elle s’applique partout sur le territoire national. J’attends de voir dans quelles conditions administratives cela va fonctionner.
J’ai souvenir de Mme Touraine m’affirmant que jamais l’AME ne dépasserait 700 millions à 800 millions d’euros. Nous sommes à plus de 900 millions d’euros, et ce sera plus de 1 milliard d’euros l’année prochaine ! Et combien dans cinq ans si personne ne se décide à remettre sur l’établi la manière dont l’AME est attribuée ?
Madame la secrétaire d’État, tout ira bien si vous vous décidez à revoir les conditions d’attribution. Une baisse de 300 millions d’euros vous laisse quand même une AME à plus de 600 millions d’euros, ce qui était le niveau de 2014. (M. Philippe Pemezec applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Comme l’amendement est identique à celui de la commission, l’avis est forcément favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Vous proposez de réduire de 300 millions d’euros la dotation de l’État finançant l’aide médicale d’État. Au-delà, c’est l’AME elle-même dans sa configuration actuelle que vous souhaitez remettre en cause. Le Gouvernement, bien sûr, y est défavorable.
Je tiens à rappeler que l’AME est un dispositif qui se justifie par des considérations non seulement humanitaires, mais aussi sanitaires et économiques. L’AME protège les personnes concernées en leur permettant un accès aux soins préventifs et curatifs, ce qui limite la dépense de santé résultant d’une prise en charge tardive des pathologies. Ce n’est donc pas une bonne idée de limiter, comme vous le souhaitez, l’AME aux seules prises en charge d’urgence, car, dans ce cas, les personnes seront prises en charge plus tardivement, avec un coût des soins plus important. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Enfin, la réduction de cette dotation affecterait très fortement la sincérité du budget, à laquelle le Gouvernement est attaché.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien et M. Jean-Yves Leconte applaudissent également
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. À nos yeux, l’AME est indispensable, pour plusieurs raisons.
Elle permet l’accès aux soins à des publics qui en ont particulièrement besoin.
Elle a un rôle primordial, comme cela a été rappelé, en matière de santé publique, car elle évite que les affections contagieuses non soignées ne s’étendent.
Elle évite des soins trop tardifs.
Vous souhaitez réduire cette enveloppe de 300 millions d’euros.
J’ai du mal à comprendre, puisque vous trouvez qu’il y a un problème de sous-budgétisation. C’est, dites-vous par ailleurs, un appel à réformer les modalités d’attribution de l’AME. Mais cela a déjà été fait en 2010 : la majorité d’alors – c’était vous – a mis en place un certain nombre de choses. Qu’a-t-on observé ? Un accès aux soins réduit pour des publics en difficulté et une augmentation des coûts liés aux soins des personnes qui ont finalement été prises en charge, les affections s’étant aggravées.
Vous parlez enfin régulièrement, à propos de ce type d’amendement, du modèle allemand. Effectivement, ce modèle exclut un certain nombre d’affections, notamment les affections chroniques. Je me souviens que l’une des premières décisions de Valérie Pécresse à la région d’Île-de-France a été de supprimer le bénéfice de l’accès aux transports aux bénéficiaires de l’AME. C’est toujours le même public que vous visez, pour leur retirer des droits, alors qu’ils garantissent une politique de santé publique de meilleure qualité.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
Mme Sophie Taillé-Polian. Ce dispositif est autant destiné à protéger ces personnes particulièrement vulnérables que les Français dans leur ensemble. Bien entendu, le groupe socialiste et républicain s’oppose à ces amendements identiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. J’ai bien écouté M. le rapporteur spécial et M. Karoutchi. Pour moi, c’est une double négation du principe de réalité.
D’abord, sur un plan strictement financier, il s’agit d’amendements d’insincérité budgétaire, puisque, tout en vous félicitant que le Gouvernement ait budgété ce dispositif à sa juste hauteur et sans rien modifier, le vote de ces amendements identiques ne modifiant aucune des conditions légales d’attribution de l’AME, vous donnez un coup de rabot violent de 300 millions d’euros. C’est quand même un peu surprenant.
M. Antoine Lefèvre. Cela ne vous a pas toujours choqué !
M. Bernard Jomier. Si, cela me choque ! On peut prêcher tout et son contraire, si l’on veut, mais, à ce moment-là, on ne parle pas du principe de réalité. La réalité, c’est celle que je viens d’exposer.
Ensuite, sur le fond, vous posez la question des conditions d’octroi. Il faut là aussi se conformer à la réalité. Tous ceux qui soignent, qui prennent en charge des personnes au titre de l’AME savent que les conditions d’octroi actuelles sont en deçà du cadre légal. Il est long et compliqué d’obtenir une AME, le délai étant bien supérieur à trois mois dans la vraie vie. Par ailleurs, le renouvellement annuel entraîne des ruptures récurrentes dans le dispositif, poussant de nombreux professionnels de santé à soigner de facto à leurs frais des personnes relevant de l’AME. En aucun cas, les soignants n’abandonnent des personnes qui ont besoin de soins.
Les hôpitaux sont confrontés à la même situation, avec des remboursements par l’État qui sont fréquemment inférieurs aux frais engagés au titre de l’AME.
Évidemment, il faut accepter de revoir le dispositif, mais, à ce moment-là, il faut réfléchir au cadre légal dans lequel on l’insère. C’est l’objet d’un amendement que je vous présenterai tout à l’heure.
Il faut également accepter de poser la question de son lien avec l’assurance maladie, qui existait avant 1993. Avant cette date, il faut savoir que ce dispositif était dans l’assurance maladie. Pourquoi ne pas y revenir ? Pourquoi ne pas accepter de mettre sur la table les déterminants tant en termes sanitaires qu’en termes économiques du rattachement de l’AME à l’assurance maladie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Le groupe La République En Marche votera fermement contre ces amendements identiques. J’ai été effrayé d’entendre l’expression « distribuer l’AME ». Personnellement, je ne sais pas quelle somme exacte consacrer à l’AME : nous devons tout simplement dépenser ce qu’il faut, car nous avons encore une conception universaliste et humaniste de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je me suis largement expliquée voilà quelques instants, mais je voudrais revenir sur cet amendement. En réalité, si nous pouvons partager des constats, notamment sur la nécessité de refonte du système et de revoyure, il faut quand même admettre que les efforts faits en matière de contrôle révèlent une certaine efficience de ce dispositif. Il faut poursuivre dans cette voie et regarder très précisément quel est le panier de soins à proposer aux personnes qui ont besoin de cette attention particulière.
Pour autant, la fin justifie-t-elle les moyens, c’est-à-dire réduire les moyens budgétaires ? À mon sens, il ne faut pas le faire, car nous serions alors dans l’insincérité budgétaire. Or nous avons été nombreux dans cet hémicycle à toujours formuler des critiques quand les lignes budgétaires n’étaient pas à la hauteur des besoins. Cela serait donc contraire aux positions que nous avions auparavant.
Par ailleurs, ces populations sont effectivement plus nombreuses, donc, mécaniquement, nous avons besoin d’une ligne budgétaire plus importante. Nous avons par exemple à faire face à la présence de mineurs non accompagnés beaucoup plus nombreux qu’auparavant. En tout cas, la population migrante est là, et ces soins sont nécessaires, aussi bien pour eux que pour les accompagnants, qui pourraient être mis en danger si nous n’intervenions pas sur ces problèmes de santé.
Pour ces raisons, le groupe Union Centriste dans sa majorité s’abstiendra. Pour ma part, je voterai contre ces amendements identiques, en compagnie de certains de mes collègues centristes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’ai écouté attentivement les auteurs de ces deux amendements, mais, quand ils disent que l’AME explose, les chiffres montrent que le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun a diminué de 1,6 % par rapport à 2015.
Permettez-moi par ailleurs de rétablir une réalité au sujet des exemples européens qui sont développés pour les justifier. Le désengagement des États membres européens quant à la couverture santé universelle au nom de restrictions budgétaires a lieu notamment en Allemagne, en Irlande et au Royaume-Uni.
Les conséquences de ces mesures de restriction de l’accès aux soins des migrants se sont avérées néfastes pour les personnes vulnérables, en particulier dans les pays tels que le Royaume-Uni, qui s’en sont servis comme outil de contrôle de l’immigration.
Le rapport de Médecins du monde sur l’accès des réfugiés en Europe en 2016 est extrêmement éclairant sur la situation sanitaire. Ainsi, de nombreux obstacles à l’accès aux soins ont été observés, et notamment le manque de couverture médicale pour 67,5 % d’entre eux.
En 2016, 21,5 % des réfugiés ont renoncé à des soins ou à des traitements ; 9,2 % se sont vu refuser des soins dans une structure de santé, et 39,6 % des patients sans autorisation de séjour ont limité leurs déplacements de peur d’être arrêtés.
Contrairement aux mythes ressassés par l’extrême droite sur les motifs de l’immigration, seuls 3 % des patients déclarent avoir quitté leur pays d’origine, entre autres motifs, pour des raisons de santé.
Je suis désolée, mais ces deux amendements identiques contribuent à présenter la prise en charge des personnes éligibles à l’AME comme un coût exorbitant pour notre système de santé et donnent dangereusement du poids aux arguments de la droite extrême. (M. Roger Karoutchi sourit.)
Vouloir réduire les prestations de l’AME pour en faire une aide médicale a minima ou, comme l’a dit M. le rapporteur spécial, raisonnable – je ne sais pas ce que cela veut dire (M. Hugues Saury s’exclame.) – ne peut avoir que des conséquences négatives au plan humain, comme au plan sanitaire ou économique. C’est ce que j’ai dit dans mon propos introductif, mais c’est également ce qu’ont dit bon nombre de nos collègues, ainsi que Mme la secrétaire d’État.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Didier Rambaud ainsi que Mmes Patricia Schillinger, Michèle Vullien et Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il me semble que, dans cette assemblée, tout le monde sera d’accord pour reconnaître qu’un dispositif d’accès aux soins d’urgence pour les étrangers, y compris en situation irrégulière, est tout à fait nécessaire, pour des raisons humanitaires et des raisons sanitaires évidentes, puisqu’il contribue à protéger nos propres populations. Je crois que ce point fait consensus.
Pour qu’un dispositif aussi indispensable puisse être défendu devant nos compatriotes, il faut qu’il reste raisonnable. Quand, en cinq ans, on a un quasi-doublement de la dépense, on peut s’interroger sur les causes de cette évolution.
Pour ma part, je veux pouvoir continuer à défendre ce dispositif devant mes compatriotes. Néanmoins, pour ce faire, il faut qu’il soit encadré et que l’évolution de sa dépense reste raisonnable, d’autant qu’il ne faut pas oublier que certains de nos compatriotes vont à l’étranger pour obtenir des soins qui leur soient accessibles financièrement, notamment en matière dentaire. Je ne parle évidemment pas là du tourisme médical à des fins de soins ou de chirurgie esthétique, mais bel et bien de soins nécessaires du point de vue dentaire. Comment expliquer à ces gens que les dépenses pour l’AME ont pratiquement doublé et que, dans le même temps, on ne peut pas assurer leur prise en charge ?
Par ailleurs, on a évoqué les flux migratoires. Les mineurs étrangers isolés, en particulier, sont de plus en plus nombreux dans nos départements ; nous aurons l’occasion d’en reparler. Dès lors, si l’adoption de cet amendement pouvait avoir pour effet de mobiliser l’État pour les reconduites à la frontière des personnes en situation irrégulière, reconduites dont on sait que le taux est particulièrement faible, ce serait aussi un avantage.
Pour toutes ces raisons, je voterai évidemment en faveur de ces amendements identiques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Nous avons aujourd’hui exactement le même débat qu’il y a trois ans. On observe la même réaction de la part du Gouvernement : la main sur le cœur, il nous demande comment nous pouvons dire des choses pareilles ; après, en revanche, il ne se passera rien.
Vous prenez des engagements, madame la secrétaire d'État, et vous voulez rassurer tout le monde. D’une part, à vous entendre, si l’on est humain, naturellement, il faut soigner et accueillir ; tout le monde est d’accord pour les dépenses que cela implique. D’autre part, vous dites comprendre qu’il faut non pas remettre en cause l’AME, mais mieux la maîtriser, par rapport à l’opinion publique et à l’ensemble des Français, et dans une perspective générale de maîtrise des dépenses de santé qui s’impose à tout le monde. Voilà ce que vous affirmez dans cet hémicycle. En revanche, dès qu’on en sort, bonsoir, il ne se passe plus rien ! (M. René-Paul Savary opine.)
Chaque année, on nous annonce qu’il faut rajouter 100 millions d’euros pour ce dispositif. Quand nous faisons remarquer que ce n’est pas exactement ce qui a été dit deux, trois ou quatre ans plus tôt, on nous demande avec indignation si nous voulons laisser les gens sans soins. Ce serait scandaleux et inadmissible ! En revanche, le Gouvernement s’engage toujours, si nos amendements sont rejetés, à réformer le système : on continuerait de soigner, bien sûr, mais on contrôlerait plus, on maîtriserait les dépenses. Or il ne se passe jamais rien, parce que c’est compliqué et qu’il n’y a, en fin de compte, pas de volonté politique.
Alors, madame la secrétaire d’État, évidemment, ni Alain Joyandet ni moi-même ne nous faisons d’illusions : même s’ils sont adoptés ici, ces amendements ne survivront pas au nouvel examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Ce sont évidemment des amendements d’appel. Il s’agit de mettre en garde le Gouvernement, comme l’a bien exprimé notre collègue Arnaud Bazin. À un moment, l’opinion publique verra que ce système coûte 1 milliard d’euros alors que tous doivent faire des économies. Ce n’est plus tenable !
Si vous voulez défendre le système en place, madame la secrétaire d’État, il faut une meilleure maîtrise et une meilleure coordination, afin que cette dépense puisse être assumée par nos finances publiques. S’il ne se passe rien et que, d’année en année, vous revenez pour nous expliquer que la dépense augmente et qu’il faut 100 millions d’euros de crédits supplémentaires, le système explosera de lui-même, de l’intérieur !
Il ne s’agit donc pas d’un conflit entre ceux qui ont des sentiments humains et ceux qui n’en ont pas ; simplement, si vous voulez sauver le système, maîtrisez-le ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Guerriau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. J’adhère évidemment à ce qui vient d’être dit par Roger Karoutchi.
Afin d’éclairer le débat et d’être précis, puisqu’il s’agit tout de même d’un débat budgétaire, je tiens à répondre à M. Jomier, selon qui ce projet de loi de finances serait entaché d’insincérité financière si nous adoptions ces amendements. Cela n’est pas vrai, car les choses peuvent aller très vite. Si, aujourd’hui, nous décidons d’une réduction budgétaire, on peut très bien, comme l’a annoncé Mme la secrétaire d’État, s’attaquer tout de suite après au périmètre de la prestation.
Rappelons que, entre 2010 et 2012, on a fait baisser de 100 millions d’euros les crédits en question. Or on a quand même continué d’accueillir et de soigner les gens. Aucun de ceux qui sont allés aux urgences ne s’est vu refuser des soins.
Je suis acteur de la politique de santé locale, je suis président d’un hôpital depuis vingt ans, je n’ai pas moins de cœur que vous, mes chers collègues ! J’allais presque vous dire : vous n’avez pas le monopole du cœur ! (Sourires.) Et vous n’avez pas non plus le monopole de la sincérité budgétaire !
Pour illustrer mon propos, je vous rappellerai qu’en un an, en 2012, le coût de ce dispositif est passé de 588 millions à 744 millions d’euros, soit une hausse de 26 %, pour la simple raison qu’on a alors décidé de supprimer le ticket modérateur.
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cela a créé un appel d’air énorme et le dérapage a été très rapide. Dès lors, si, après avoir réduit les crédits, on revoit rapidement la politique en question, je pense qu’on peut être tout à fait cohérent.
Madame Cohen, vous avez mentionné la petite baisse, sur un an, du nombre de bénéficiaires de ce dispositif. Certes, mais il faut quand même rappeler que ce nombre a augmenté de 40 % depuis 2011, ce qui est considérable. En somme, le budget est en hausse de 50 %, le nombre de bénéficiaires, de 40 %.
Faire quelque chose ou rien, telle est la question posée à travers cet amendement. Selon moi, on peut tout à fait faire quelque chose. D’ailleurs, ma chère collègue, vous pouvez vous reporter au rapport de notre excellente collègue Corinne Imbert, où vous trouverez tous ces chiffres : je crois que nous ne vous racontons pas d’histoires, mais qu’il y a un vrai sujet. Madame la secrétaire d'État, s’y attaque-t-on ou non ? Il faut être généreux, mais il s’agit quand même d’argent public, dans un moment où la France n’en a plus. L’AME sera-t-elle le seul endroit où l’on ne s’occupe pas de contrôler les dépenses et de réduire un petit peu les prestations ?
Enfin, madame Doineau, les contrôles se font : on en a effectué 15 000. Ces contrôles montrent que l’application des textes se fait de manière tout à fait juste ; ce n’est pas la question. Les gens bénéficient de cette prestation dans le cadre des textes tels qu’ils ont été adoptés pour l’instant ; il n’y a pas d’excès. Il n’en reste pas moins que cette absence d’excès n’existe que dans le cadre de la politique actuelle ; cela ne produit aucune économie budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Mes chers collègues, la politique exige la rigueur budgétaire, je n’en doute pas, mais elle exige aussi une certaine philosophie. Autant la France met en place des allocations universelles de solidarité, autant il me semble que nous tous, êtres humains, avons droit à la santé et aux soins de manière universelle. C’est en tous les cas le principe philosophique que nous devons défendre. C’est pourquoi, avec beaucoup d’amitié, mon cher collègue, il me faut vous dire que je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-171 et II-216 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 164 |
Contre | 148 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. le rapporteur spécial et M. Joël Guerriau applaudissent également.)
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Santé ».
Articles additionnels après l'article 62 bis
M. le président. L’amendement n° II–103 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et M. Joyandet, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 62 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les plans nationaux de santé publique. Il fournit les éléments d'information sur les modalités de leur financement et formule des propositions sur les moyens juridiques et budgétaires à mettre en œuvre afin de permettre aux organismes de recherche de bénéficier des ressources nécessaires à l'accomplissement des missions qui leur sont confiées par les ministères de la santé et de la recherche aux fins de prévenir les risques sanitaires et infectieux.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d'un intitulé ainsi rédigé :
Santé
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Mes chers collègues, je vais être un peu longue, mais j’estime qu’il vaut la peine que vous entendiez une explication détaillée de cet amendement.
L’État est censé jouer un rôle essentiel en matière de protection et de promotion de la santé, comme en témoignent les initiatives prises pour lutter contre la maladie de Lyme, ou encore pour mobiliser la recherche française dans le cadre de crises sanitaires mondiales telles que Zika ou Ebola.
Toutefois, au-delà des effets d’annonce, il nous faut nous interroger sur les moyens réellement alloués à nos chercheurs.
L’exemple de l’INSERM est éclairant à ce sujet. Cet institut de recherche s’est vu confier pas moins de neuf plans ou missions depuis 2014. Il a notamment été chargé du lancement du consortium REACTing, dont l’objet est de coordonner la recherche en cas d’émergence infectieuse. Il a également reçu la mission de piloter le plan France Médecine génomique 2025, sur le séquençage du génome humain, et de mettre en œuvre le volet « recherche » du plan Maladies neurodégénératives. L’INSERM a encore été sollicité pour le plan de lutte contre la maladie de Lyme, le Plan antibiorésistance et le plan Maladies rares III. Enfin, cet opérateur de recherche porte un projet pilote dans le cadre du plan Cancer, un autre concernant les déficiences intellectuelles ainsi qu’un projet relatif aux maladies fréquentes, comme le diabète.
Pour l’ensemble de ces missions, des financements des ministères de la santé et de la recherche étaient attendus. Malheureusement, ils ne sont pas au rendez-vous : pas un centime n’est disponible !
Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2017, notre ancien collègue Michel Berson relevait que 43 millions d’euros, correspondant au coût de ces nouveaux engagements, n’avaient toujours pas été versés.
Depuis, les financements nécessaires pour permettre à l’INSERM de répondre aux sollicitations de l’État dans les prochaines années ont dû être réévalués ; ils s’élèvent aujourd’hui à près de 50 millions d’euros.
De telles charges pèsent évidemment sur le budget des opérateurs publics de recherche, qui sont souvent conduits à devoir opérer des redéploiements internes, humains et matériels.
Une question se pose inévitablement au regard de cette situation : comment mobiliser et motiver des équipes sur le long terme et constituer des cohortes avec une telle absence de visibilité financière ?
L’amendement que nous vous proposons a donc pour objet de demander une évaluation précise des modalités de financement des plans de santé publique. Nous souhaitons également qu’au terme de cette évaluation des propositions soient formulées afin de lever l’ensemble des obstacles juridiques et budgétaires altérant la capacité d’intervention des opérateurs publics de recherche.
Outre Alain Joyandet, cosignataire de cet amendement, je veux également y associer Jean-François Rapin. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je ne suis pas, de manière générale, très favorable aux demandes de rapport. Néanmoins, j’estime que celui-ci serait très utile. Je suis cosignataire de cet amendement à titre personnel. Cela dit, la commission des finances a émis un avis favorable à son sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous souhaitez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les plans nationaux de santé publique et, en particulier, sur le financement du volet « recherche » de ces plans.
Le Gouvernement partage votre constat : différents plans de santé publique ont été annoncés au cours des dernières années sans que le financement des mesures prévues ait toujours été suffisamment identifié en amont, notamment pour celles qui concernent la recherche. Nous souhaitons donc que tout plan identifie désormais les opérateurs qui devront le mettre en œuvre et les ressources qu’ils pourront mobiliser.
Pour ce qui concerne la recherche, Mme la ministre des solidarités et de la santé souhaite créer un programme national de recherche en santé publique. Sa programmation sera concertée avec l’ensemble des ministères concernés, en particulier le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et avec les principaux opérateurs de recherche. Ce programme devra reprendre, de façon transversale, des besoins de recherche identifiés dans les différents plans de santé publique. En revanche, seules pourront y figurer les actions de recherche dont les financements seront identifiés. On évitera ainsi une programmation hors-sol qui n’intègre pas la réalité des contraintes financières que connaissent les équipes de recherche.
La production d’un rapport n’est peut-être pas le meilleur moyen de faire progresser ce sujet. Au bénéfice des explications et des assurances que je viens de vous donner sur l’action du Gouvernement, je souhaiterais donc, madame la sénatrice, que vous acceptiez de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Cette question s’est posée, pour nous, quand Mme Darcos est venue exposer les principes de son amendement en commission des finances. En tant que rapporteur spécial pour la recherche, je l’ai auditionnée, et j’en ai conclu que son idée était bonne.
En effet, nous vivons un changement total de paradigme, dans tous les domaines. Mme Darcos, par cet amendement, nous pose la question suivante : peut-on considérer la recherche, aujourd’hui, comme un moyen très utile de faire de la prévention médicale ? Pour ma part, je crois que oui. Sincèrement, cette idée qui, au départ, ne faisait pas l’unanimité, et qui nous a demandé de la réflexion, est tout à fait intéressante. Peut-être pourrait-on, demain, financer à travers l’assurance maladie ou l’assurance sociale la recherche, dès lors qu’elle s’intéresse spécifiquement aux grandes pandémies ou, plus largement, à des maladies. Cette idée assez intéressante demande réflexion.
Il ne serait donc pas inutile, selon moi, de pouvoir bénéficier d’un rapport qui associerait le monde de la recherche, les autorités sanitaires et, en général, celles de la vie publique pour travailler sur cette question qui est, à mon sens, fondamentale. C’est pourquoi je soutiens, en tant que membre de la commission des finances, cet amendement.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° II–103 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Madame la secrétaire d’État, à l’évidence, je suis touchée par vos arguments. Néanmoins, et bien qu’il s’agisse d’un amendement d’appel, je le maintiens. Certes, le rapport que je demande n’aurait évidemment plus d’objet si, avant la date de sa remise, une solution était trouvée ; on n’aurait plus, alors, besoin de cette étude.
Toutefois, comme l’a souligné Jean-François Rapin, et sans que vous en soyez responsable, nous avons vécu trop d’années d’insincérité budgétaire où des promesses vides ont été faites. Surtout, depuis quelques années, des associations ont été créées ; je pense notamment aux victimes de la maladie de Lyme, parce qu’on en parle beaucoup en ce moment. Ces associations espèrent un vaccin ; or on n’a pas pu encore organiser une seule étude de cohorte. Il y a urgence ; on ne peut pas attendre !
C’est pourquoi, pour ainsi dire, je maintiens la pression en maintenant mon amendement. Il faut que des décisions puissent être prises assez rapidement ; il existe encore des possibilités législatives pour le faire. Il s’agit vraiment d’un appel au secours, et je dirais presque qu’on a levé ici une sorte de mini-scandale d’État.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. La question que vous posez, ma chère collègue, est réelle et va beaucoup plus loin que votre amendement. Je regrette d’ailleurs que vous paraissiez – je sais que tel n’est pas le cas – vous focaliser sur l’INSERM ; en l’occurrence, ce ne serait pas très adroit. (Mme Laure Darcos sourit.)
Toujours est-il que la question du financement de la recherche, en particulier médicale, puisque c’est de cela qu’il s’agit ici, nous amène nécessairement à poser la question de la fiscalité en la matière. Dans notre pays, traditionnellement, ces financements relevaient quasi exclusivement de la sphère publique. Or, comme vous le notez, celle-ci a maintenant du mal à faire face à ces financements. La question se pose pour les instituts hospitalo-universitaires, les IHU : l’avenir d’un certain nombre d’entre eux est en cause, à l’heure même où une nouvelle génération d’IHU a été créée.
Le modèle anglo-saxon en la matière est fort différent du nôtre. Or j’ai le sentiment que nous sommes en train de quitter doucement notre modèle, ou du moins de l’euphémiser, sans qu’on nous dise vers quel autre modèle on se dirige. Cette question me paraît centrale ; elle doit être mise sur la table par la collectivité nationale.
Soyez assurée, ma chère collègue, que j’ai lu votre amendement plusieurs fois, et avec une grande attention, afin de comprendre si vous étiez vous aussi animée par la volonté de poser cette question dans son ensemble, et non pas seulement dans l’aspect particulier du financement de l’INSERM et de quelques autres programmes de recherche médicale, ce qui serait, si vous me pardonnez l’expression, regarder le problème par le petit bout de la lorgnette.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je voterai cet amendement, parce que son auteur a bien expliqué qu’il était important. Certes, comme M. le rapporteur spécial l’a dit, il n’est pas évident d’accepter toutes les demandes de rapport. Toutefois, celui-ci est nécessaire.
L’adopter permettrait aussi de lancer un appel : il faut se pencher sur certains sujets. Parmi eux, ma chère collègue, vous avez cité un très bon exemple : la maladie de Lyme. Il est selon moi impératif de mettre en place et de développer la recherche en la matière, au vu du retard que nous avons par rapport à certains pays. Je peux vous dire que les personnes confrontées à cette maladie réagissent sur ce sujet d’une façon complètement différente par rapport à ceux qui, sans remettre en cause cet amendement, s’interrogent du moins sur son utilité.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe soutiendra lui aussi cet amendement. En effet, non seulement la question que pose Mme Darcos est extrêmement importante, mais – ne nous montrons pas hypocrites sur ce point – nous ne disposons pas non plus de bien des possibilités législatives pour progresser sur ce sujet au-delà d’une demande de rapport : l’article 40 de la Constitution constitue de ce point de vue un véritable couperet.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Alors, à chaque demande de rapport, nous entendons les mêmes arguments : encore un de plus ! Pourtant, Mme Darcos soulève ici une question qui est essentielle, notamment pour la santé. Il me semble donc important de disposer de données pour réfléchir ensemble et confronter des points de vue qui peuvent être divergents.
Notre groupe a plusieurs fois proposé de réfléchir à un grand pôle public du médicament et de la recherche. C’est une idée qui peut être mise en débat et qui peut évoluer. Pour ma part, je vois dans cette demande de rapport une ouverture vers des pistes de réflexion. En effet, de fait, la recherche ne se porte pas bien du tout. Quand nous avons affaire à des chercheurs, notamment dans le domaine médical, ils nous appellent souvent au secours pour bien des maladies. Voilà pourquoi, avec l’ensemble de mon groupe, je soutiendrai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-103 rectifié.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien et M. Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 62 bis.
L’amendement n° II–206 rectifié bis, présenté par MM. Jomier, Cabanel, Courteau, Dagbert, Féraud, Fichet, Kanner, Kerrouche, Manable, Tissot et Vaugrenard et Mmes de la Gontrie, Espagnac, Féret, Ghali, Jasmin, Lienemann, Lubin, Meunier, Préville, Rossignol, Taillé-Polian et Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’article 62 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de mise en œuvre de l’intégration du dispositif d’aide médicale d’État au sein de l’assurance maladie et sur l’accès à une complémentaire santé pour les plus précaires.
Ce rapport établit notamment un état des lieux des dysfonctionnements dans l’accès des personnes aux dispositifs de l’aide médicale d’État, de la protection universelle maladie, et des complémentaires santé (aide à la complémentaire santé, couverture maladie universelle complémentaire). Il établit également une évaluation de l’impact de cette intégration en termes de coûts évités et/ou induits pour le système de santé et des propositions opérationnelles pour sa mise en œuvre effective ainsi que les mesures nécessaires pour garantir un accès effectif des personnes en situation de précarité sociale à une couverture maladie.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Santé
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet l’évolution du dispositif de l’aide médicale d’État. Je prends note, avec déception, de la décision du Sénat sur ce sujet. Il n’est pas satisfaisant, à mes yeux, de couper ainsi les crédits de l’AME. La décision est ainsi renvoyée à l’Assemblée nationale qui – personne ne se fait d’illusion – les rétablira, ce qui est heureux, puisque les besoins auraient sinon dépassé les sommes prévues.
Néanmoins, je suis d’accord avec vous, mes chers collègues, quant à la nécessité de ne pas arrêter là le débat. Quel choix avons-nous donc ? Il faut simplement étudier des pistes de réforme de ce dispositif. Or quelle est la principale piste qui est aujourd’hui sur la table, qui est défendue par tous ceux qui s’intéressent à la santé publique, par l’Inspection générale des affaires sociales et par l’Inspection générale des finances ? C’est l’insertion du dispositif de l’AME au sein de l’assurance maladie. Tous estiment qu’il y aurait là un puits d’efficience et de rationalisation de la dépense, même sans toucher à l’essentiel du dispositif. L’Académie de médecine, elle aussi, dans un rapport très documenté et circonstancié adopté le 20 juin dernier, estime que l’insertion de l’AME dans l’assurance maladie permettrait d’améliorer l’efficacité du dispositif en termes de parcours de soins et de soins délivrés.
Pour ma part, je demande que le Gouvernement mette cette piste de réflexion sur la table et qu’il produise, là aussi, un rapport sur cette question pour que notre assemblée soit éclairée et que nous puissions prochainement revenir sur le sujet à partir d’éléments objectifs. Il s’agit de savoir quel impact la prise en charge du dispositif d’aide médicale d’État par l’assurance maladie aurait en termes de santé et de coût.
Ce n’est pas une révolution : telle était la situation, je le rappelle, jusqu’en 1993. De fait, ce dispositif a passé plus de temps au sein de l’assurance maladie qu’en dehors.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement pour que nous puissions, à partir de ce rapport, délibérer de nouveau sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. La commission des finances souhaite plutôt recentrer l’AME et non l’élargir. Le fait de la noyer dans le reste de notre comptabilité ne serait pas une source de clarté et irait à l’encontre des amendements que nous avons votés il y a quelques instants. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Cet amendement a deux objets bien distincts : la couverture maladie des plus précaires et l’intégration de l’AME dans l’assurance maladie. Mon appréciation sera différente sur ces deux sujets.
S’agissant de l’accès effectif aux droits des personnes les plus précaires, un rapport d’information sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de précarité est d’ores et déjà prévu à l’article 44 ter du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et portera notamment sur les bénéficiaires de l’AME. Cette partie de l’amendement est donc satisfaite.
Concernant à présent l’intégration des bénéficiaires de l’AME à l’assurance maladie, je ne peux qu’être beaucoup plus réservée. L’AME et l’assurance maladie relèvent de deux logiques différentes.
L’AME vise à soigner des personnes démunies en situation irrégulière vivant sur notre territoire et relève à ce titre de l’action sociale et humanitaire financée par l’État.
Notre système de sécurité sociale est fondé, lui, sur des contributions obligatoires des assurés en contrepartie d’une couverture universelle face aux aléas de santé.
Il est proposé dans le rapport d’examiner la fin de cette distinction primordiale. Cette question étant lourde d’implications, l’on peut craindre que l’évolution suggérée n’aboutisse qu’à l’effet inverse de celui qui est escompté, en affaiblissant l’adhésion à notre système de protection sociale.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-206 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Santé ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 63 et 64).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l’État en faveur des personnes les plus fragiles, est dotée de 19,4 milliards d’euros de crédits de paiement en 2018. Ces crédits progressent ainsi de 8,7 % par rapport à 2017, soit une augmentation d’un peu plus de 1,5 milliard d’euros.
Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d’intervention que sont la prime d’activité, l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et les mesures de protection des majeurs, lesquelles représentent 80 % des crédits de la mission.
Malgré cette augmentation, permettez-moi de vous le dire, madame la secrétaire d’État, ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de la mission.
Tout d’abord, malgré la volonté louable de « sincérisation » des crédits, que nous constatons, après des années de sous-budgétisation, des risques de dépassement budgétaire sont à prévoir, en 2018, notamment pour la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés. S’agissant de la prime d’activité, l’enveloppe budgétaire prévue pour 2018 est d’ores et déjà en deçà des dépenses exécutées sur 2017, alors que les bénéficiaires ne cessent d’augmenter. L’année 2018 ne dérogera malheureusement pas à la pratique des années précédentes d’ouvertures massives de crédits, en lois de finances rectificatives, pour faire face aux besoins de ces dispositifs.
Par ailleurs, nous déplorons une autre insuffisance de ce budget, la non-compensation des crédits issus de la réserve parlementaire, alors que 6,6 millions d’euros avaient été ouverts en 2017, à ce titre, sur la mission « Solidarité ». Il s’agit d’un « manque à financement » important notamment pour les associations d’aide alimentaire : les Restos du cœur ont ainsi bénéficié de près de 700 000 euros et la Banque alimentaire de près de 200 000 euros. C’est pourquoi la commission a adopté, sur mon initiative, un amendement visant à rétablir ces crédits, vitaux pour le tissu associatif.
En outre, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat par le Président Macron, la légère augmentation du programme dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes masque cependant des situations contrastées. Le budget pour 2018 est ainsi marqué par une baisse regrettable de 1,8 million d’euros de crédits liés à la lutte contre la prostitution ; cette baisse contrevient ainsi à l’application effective de la loi du 13 avril 2016 mettant en œuvre un parcours de sortie de la prostitution. Nous saluons donc la volonté de faire de ce programme une priorité politique, mais faut-il encore qu’elle se traduise par des actes. Je soutiendrai donc les amendements, déposés par nos collègues, visant à rétablir les crédits de l’action relative à la lutte contre la prostitution.
Par ailleurs, bien que des enveloppes « exceptionnelles » aient été prévues dans ce budget, elles paraissent insuffisantes pour couvrir les dépenses engagées. Il en est ainsi du fonds d’appui aux politiques d’insertion, le FAPI, doté de 50 millions d’euros seulement, et surtout du financement exceptionnel de 66,8 millions d’euros alloués aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses d’aide sociale à l’enfance pour l’accueil des mineurs non accompagnés supplémentaires entre le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2017.
Les départements ne peuvent plus faire face à l’afflux croissant de ces mineurs non accompagnés, qui étaient, rappelons-le, 2 500 à la fin de l’année 2014, et dont le nombre est aujourd’hui estimé à 25 000.
Malgré l’annonce du Premier ministre, fin octobre devant le congrès de l’Assemblée des départements de France, de prendre en charge, par l’État, les dépenses d’évaluation et de mise à l’abri en attendant cette évaluation, aucun crédit n’a été inscrit dans le budget à ce titre pour 2018. C’est une source d’inquiétude pour les départements, qui sont aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile, subissant l’organisation de véritables « filières », et accueillant de plus en plus de personnes majeures, les conduisant à engager d’importantes dépenses d’évaluation.
Sur ce sujet, l’État doit, plus que jamais, prendre ses responsabilités et assumer ces dépenses qui relèvent de la politique nationale d’immigration. Nous attendons ainsi de la mission en cours sur le sujet qu’elle aboutisse à une clarification et à une traduction budgétaire rapides. Nous souhaiterions, à cet égard, madame la secrétaire d’État, connaître l’état d’avancement de cette mission.
Malgré ces insuffisances que je regrette, la commission des finances a décidé d’adopter ces crédits, puisqu’ils ont été rectifiés, pour partie, par trois amendements adoptés par la commission. (MM. Roger Karoutchi et Michel Forissier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, Arnaud Bazin a parfaitement souligné les insuffisances budgétaires dont souffre cette mission, mais il ne s’agit malheureusement pas des seules.
Madame la secrétaire d’État, la hausse des crédits de la mission s’avère, à l’analyse des crédits budgétaires, une véritable augmentation en trompe-l’œil.
Évoquons d’abord les revalorisations de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés. Ces revalorisations – que nous saluons – masquent, en réalité, des réformes paramétriques constituant autant de mesures d’économie au détriment des populations les plus fragiles.
Ne pouvant revenir sur les revalorisations promises, lors de la campagne présidentielle, il semble, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement ait trouvé dans ces réformes paramétriques des moyens discrets d’économies budgétaires. Ces mesures sont d’autant plus regrettables qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune concertation avec les acteurs concernés, et notamment les associations de personnes handicapées, qui nous ont exprimé leurs plus vives inquiétudes à ce sujet.
Ces mesures d’économies concernent les trois plus importantes dépenses sociales de la mission : la prime d’activité, l’AAH et la protection juridique de majeurs. Elles conduisent ainsi, de façon regrettable, à atténuer voire à neutraliser les effets des revalorisations annoncées.
Parmi ces réformes, je citerai l’exclusion, au 1er janvier 2018, des bénéficiaires de rentes AT-MP – accidents du travail-maladies professionnelles – et de pensions d’invalidité, de la prime d’activité. Cette mesure d’économie, justifiée par le Gouvernement par le faible nombre de bénéficiaires actuels, estimé à 10 000 personnes, est à la fois injuste et injustifiée, madame la secrétaire d’État. Injuste, car cette mesure touche encore une fois les plus fragiles et va à l’encontre de l’objectif essentiel d’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap. Injustifiée, puisque, en réalité, ce sont non pas 10 000, mais 250 000 personnes qui seraient potentiellement concernées par ce dispositif, qui n’existe que depuis le 1er octobre 2016 et n’a fait l’objet d’aucune campagne d’information.
C’est pourquoi la commission des finances du Sénat, sur l’initiative de mon collègue Arnaud Bazin et moi-même, a adopté un amendement de suppression de l’article 63 rattaché à la mission qui porte cette mesure d’économie.
Cette discrète réforme de paramètre n’est malheureusement pas la seule.
Le Gouvernement prévoit également un rapprochement des règles de prise en compte des revenus d’un couple à l’AAH sur celles d’un couple au revenu de solidarité active, ou RSA, dès 2018 et, à compter de 2019, la disparition de l’un des deux compléments de ressources de l’AAH, complément d’un montant de 179 euros par mois. Il s’agit là d’un regrettable alignement par le bas de l’AAH conduit pas le Gouvernement qui, au nom de l’équité, ignore totalement les difficultés d’une personne en situation de handicap. Non, l’AAH n’est pas un minimum social comme les autres.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Outre les personnes en situation de handicap, ce budget touche de plein fouet les personnes soumises à des mesures de protection, dont la moitié se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté. Ce budget prévoit en effet la mise en œuvre, au 1er avril 2018, d’une réforme du barème de participation des personnes protégées, augmentant la part financée par ces dernières afin de compenser la baisse du financement public. Il s’agit là d’un regrettable désengagement de l’État.
Outre ces discrets coups de rabots budgétaires au détriment des plus fragiles, la hausse du budget de la mission masque également la baisse, à périmètre constant, de près de 2 % des crédits du programme 124 qui porte l’ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l’État au fonctionnement des agences régionales de santé, les ARS.
Les ministères sociaux ainsi que les agences régionales de santé sont ainsi touchés de plein fouet par des mesures de restriction budgétaire justifiées par le respect de la trajectoire financière fixée par le Gouvernement. La poursuite de ces économies et particulièrement de la réduction des effectifs, notamment au sein des ARS, interroge sur la capacité de ces organisations à fonctionner de façon viable et durable.
Ainsi, pour ces différentes raisons, j’avais, à titre personnel, émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission. La commission des finances a finalement décidé d’adopter ces crédits tels qu’ils ont été modifiés par les amendements évoqués. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le temps imparti ne me permet pas de commenter autant qu’elle le mériterait l’augmentation sensible de 2,1 % des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Sixième mission budgétaire de l’État, elle arrive systématiquement en tête des ouvertures de crédits supplémentaires demandées dans les lois de finances rectificatives successives.
Avec plus de 1 milliard d’euros de rallonge, l’exercice 2017 ne fait pas exception au principe. Cela illustre le caractère fondamentalement imprévisible de la dépense publique en matière de solidarité et appelle du Parlement une vigilance particulière sur la sincérité des crédits demandés pour l’exercice à venir.
La prime d’activité nous en fournit depuis deux ans l’illustration. Voilà une prestation sociale dont le succès certes ne se dément pas, mais dont l’objectif repose sur une ambiguïté : nouveau minimum social ou incitation financière au retour à l’emploi ? Pour la très grande majorité de ses bénéficiaires, elle semble plutôt remplir le rôle d’un supplément de RSA.
Les chiffres figurant au bleu budgétaire confirment nos craintes. Le taux de sortie de la prime d’activité n’atteint pas 4 %. Il ne nous reste qu’à l’assumer et désormais à assurer son pilotage en tant que tel.
Un grand sujet, qui est aussi un grand projet, doit être pleinement évoqué : la réforme engagée par le Gouvernement de l’allocation aux adultes handicapés. La revalorisation substantielle de son montant, qui passera à 900 euros d’ici au 1er novembre 2019, est une bonne nouvelle.
Depuis le lancement en 2008 du plan pluriannuel de revalorisation de l’AAH, peu de projets aussi ambitieux en la matière ont été portés. Je tiens néanmoins, madame la secrétaire d’État, à vous exprimer mon attachement au caractère spécifique de l’AAH et au danger qu’il y aurait à calquer sur cette prestation les critères généraux des autres minima sociaux, qui sont pour leur part conçus pour inciter à la reprise d’une activité. Le rapprochement initié de l’AAH et du RSA, sous le prétexte de réunir sous des principes communs les différents leviers de la solidarité nationale, présente selon moi le danger de la perte d’une spécificité à maintenir.
De plus, nous veillerons à ce que vous puissiez apporter les corrections nécessaires pour que les différentes évolutions des périmètres d’éligibilité, la fusion du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome aient un effet limité sur les allocations des personnes handicapées.
Nous connaissons, madame la secrétaire d’État, votre mobilisation et votre engagement. Face à l’immense défi encore à relever de la construction d’une société vraiment inclusive, nous tenons à vous assurer du soutien du Sénat dans la poursuite de ce combat.
Outre ces observations générales sur les deux principaux programmes budgétaires de la mission, j’ai déposé, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement visant à rétablir le niveau des crédits de l’action du programme 137 relative à la lutte pour la prévention de la prostitution et contre la traite des êtres humains.
Sous réserve de l’adoption de l’amendement et de la prise en compte de nos préoccupations concernant la réforme de l’AAH, c’est un avis favorable que la commission des affaires sociales a émis à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Patricia Schillinger. (MM. Didier Rambaud et Claude Haut applaudissent.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2018 s’élèvent à 19,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,5 milliard d’euros par rapport à 2017.
Cette progression de 8,7 % représente un effort considérable concentré sur deux programmes de la mission : le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », en hausse de 14,38 %, et le programme 157 « Handicap et dépendance », en hausse de 6,93 %.
Comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce premier budget du quinquennat porte la double marque de la sincérité et de la lutte contre les exclusions ; nous nous en félicitons.
Sincérité d’abord, en anticipant autant que faire se peut le dynamisme des dépenses d’interventions qui représentent 92 % des crédits, afin d’enrayer la sous-budgétisation chronique de cette mission.
Lutte contre l’exclusion et solidarité surtout, puisque les deux principales mesures budgétaires de cette mission concernent la hausse de la prime d’activité et la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. Ce sont là des choix forts en soutien du pouvoir d’achat des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles et qui expriment la solidarité de la Nation avec les plus fragiles d’entre nous.
Au sein du programme 304, soulignons la revalorisation de la prime d’activité, dès septembre 2018, de 20 euros par mois pour les allocataires dont les revenus sont compris entre 0,5 et 1,2 SMIC.
Un point de vigilance dans le programme 304 concerne l’action 14 sur l’aide alimentaire : en effet, la disparition de la réserve parlementaire va impacter en particulier les Restos du cœur et les Banques alimentaires. Comme le rappellent les rapporteurs spéciaux, ce sont près de 700 000 euros dont bénéficiaient « les Restos » au titre de la réserve en 2017, 193 500 euros pour les Banques alimentaires. Alors que la campagne d’hiver débute, les financements publics, nationaux comme européens, ne doivent pas faire défaut. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État, pour défendre une position volontariste dans les négociations européennes sur l’avenir du Fonds européen d’aide aux plus démunis.
Enfin, au sein de la mission 304, je veux saluer l’augmentation sans précédent du budget alloué à l’accueil et l’orientation des mineurs non accompagnés.
En y accordant 117 millions d’euros supplémentaires, le Gouvernement prend la mesure de l’urgence à gérer dans les départements, avec près de 25 000 mineurs pris en charge en 2017. Au-delà de l’urgence humanitaire et budgétaire, l’État assumera à l’avenir l’évaluation et l’hébergement d’urgence de ces jeunes, jusqu’à la confirmation de leur minorité. Le Premier ministre s’y est engagé.
S’agissant du programme « Handicap et dépendance », dont les crédits en hausse de 6,6 % sont portés à 11,3 milliards d’euros, l’objectif est de permettre aux 12 millions de Français touchés par le handicap de choisir librement leur mode de vie.
L’allocation aux adultes handicapés concentre 85 % des crédits du programme avec 9,7 milliards d’euros. Sa revalorisation exceptionnelle en novembre 2018 à 860 euros, puis à 900 euros par mois fin 2019 devrait permettre à 34 000 personnes supplémentaires de bénéficier de cette aide. Cela représente un effort budgétaire nouveau de plus de 2 milliards d’euros sur le quinquennat.
Parallèlement, les règles d’appréciation des revenus des bénéficiaires en couple seront rapprochées de celles d’autres prestations.
Concrètement, 876 000 bénéficiaires tireront profit de la hausse à taux plein, 155 000 bénéficiaires en couple verront une hausse de leur pouvoir d’achat et pour 7,5 % des bénéficiaires, l’effet sera neutre. Saluons cet engagement exceptionnel au service de la solidarité.
Je dirai quelques mots, pour terminer, sur le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ». Quelques mots, car, bien entendu, ni la discussion de cette mission budgétaire ni même celle de l’ensemble des missions d’un projet de loi de finances ne pourront épuiser cette priorité culturelle, sociale, éducative, économique, et j’en oublie. Le Président de la République en a fait d’ailleurs la grande cause nationale du quinquennat, une cause qui doit mobiliser l’action de toutes les administrations, qui doit être le fil rouge des politiques publiques ; elle doit mobiliser des budgets dans chaque ministère évidemment ! Ceux de cette mission sont stabilisés pour 2018 ; si certains s’en inquiètent, je préfère relever le volontarisme du Gouvernement en matière d’égalité professionnelle, de conciliation des temps de vie et de lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles.
Madame la secrétaire d’État, le groupe La République En Marche votera ces crédits sincères et solidaires, qui, de plus, s’inscrivent dans une trajectoire de croissance pour atteindre 21,5 milliards d’euros en 2020. Il y a tant à faire pour réformer et protéger ; nous sommes prêts ! (MM. Didier Rambaud et Claude Haut applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, parce qu’elle porte les crédits des politiques s’adressant aux plus fragiles de nos concitoyens, les publics vulnérables comme les publics précaires, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » que nous portons aujourd’hui lors de cette discussion est une mission capitale. Cette importance est d’abord financière, avec une masse budgétaire au sixième rang et près de 20 milliards d’euros.
À qui sont destinés ces crédits ? Aux plus démunis pour l’aide alimentaire, à l’aide sociale à l’enfance et aux jeunes majeurs, aux mineurs non accompagnés, aux femmes victimes de violences, aux travailleurs précaires, aux personnes porteuses de handicaps, à la vie associative.
Oui, cette mission est essentielle, car elle porte pour la République la mission de la solidarité nationale. Aussi, mon groupe salue l’augmentation des crédits de 8,7 % qui porte sur les quatre programmes – cela a été souligné par les rapporteurs.
Ce budget se veut aussi plus sincère, et nous reconnaissons qu’il est difficile, pour ces dépenses particulièrement dynamiques, de prévoir les crédits nécessaires à l’attribution des deux principales allocations que sont la prime d’activité et l’AAH, comme l’ont rappelé nos rapporteurs qui redoutent encore pour cette année une sous-budgétisation sans vous en faire grief. Nous craignons cependant des artifices et ajustements en contradiction avec les annonces faites par le Gouvernement.
Concernant la prime d’activité, le Gouvernement a choisi d’exclure du calcul les rentes accidents du travail-maladies professionnelles et pensions d’invalidité, et a modifié la prise en compte de l’AAH comme revenu professionnel.
Que chacun en comprenne bien les conséquences : des personnes porteuses de handicaps peuvent être exclues du versement de la prime d’activité en fonction du taux applicable et du nombre d’heures travaillées, ce qui remet en cause le caractère universel de cette allocation.
Notre groupe soutiendra dès lors l’amendement des rapporteurs, visant à supprimer l’article rattaché à cette mission.
En contrepartie, le Gouvernement prévoit une augmentation des crédits alloués à l’AAH, sur laquelle je m’attarderai un peu plus. Comme mes collègues, je salue cet effort qui s’adresse à des personnes particulièrement vulnérables.
Je rappelle que l’AAH est attribuée de manière différenciée, en fonction du taux de handicap, de l’âge et des revenus notamment. Les crédits annoncés pour 2018 s’élèvent à 9,7 milliards d’euros. L’augmentation de ces crédits s’explique par la revalorisation de l’AAH dont nous nous réjouissons, qui devrait atteindre un maximum de 900 euros fin 2019.
Comme mes collègues cependant, je m’inquiète des conséquences du gel des compléments de ressources pour les couples. Comme eux, je m’inquiète de l’alignement des règles de prise en compte des revenus d’un couple bénéficiant de l’AAH sur celles qui sont applicables à un couple percevant le RSA.
Le diable se cacherait-il dans les détails ? Au fond, nous ne sommes pas dans la même logique, madame la secrétaire d’État, quand nous parlons de la précarité dans l’emploi que soutient la prime d’activité. D’ailleurs, même les étudiants ou les jeunes en contrat d’apprentissage sont susceptibles de toucher cette prime. Et nous ne sommes pas dans la même logique quand nous parlons pour les porteurs de handicaps de l’AAH, qui soutient la vulnérabilité dans le parcours de vie, le plan personnalisé de compensation, d’accompagnement de la personne, droit à la compensation inscrit dans l’esprit de la loi de février 2005.
Pour rappel, cette loi établissait la différence entre, d’une part, les ressources pour vivre et, d’autre part, la compensation financière des dépenses entraînées par le handicap.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, l’article 63 du projet de loi de finances opère bien un rétrécissement et un cloisonnement des publics qui va à l’encontre de l’objectif d’une société inclusive.
Pour ma part, je ne crois pas un seul instant que le Gouvernement ait voulu trouver des moyens discrets d’économie budgétaire. Je crois, comme le groupe Union Centriste, plutôt à une coordination des dispositifs et aides existants : entre l’AAH 1, l’AAH 2, le complément de ressources, la majoration pour la vie autonome, la MVA, l’allocation d’invalidité, le complément de l’allocation d’invalidité, la prestation de compensation du handicap, la PCH, versée par les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH –, les compléments versés sur l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH, par la Caisse d’allocations familiales pour les jeunes de moins de vingt ans, autant de dispositifs qui constituent un véritable marasme pour les personnes porteuses de handicaps. C’est tout aussi compliqué que de se retrouver dans les couloirs du Sénat. (Sourires.)
Oui, une simplification et une coordination de toutes les aides humaines, animalières ou techniques des frais d’aménagement d’un logement – la MVA accompagne ceux qui ont un logement individuel – ou d’un véhicule devraient pouvoir être mises en œuvre.
Pour cette raison, et parce que la difficulté ne peut se transformer en discrimination, notre commission demande la concertation avant la fusion entre la MVA et le complément de ressources souhaitée par le Gouvernement.
Notre groupe milite pour le déplafonnement de la durée des droits de l’allocation éducation enfant handicapé jusqu’à la majorité, pour les enfants atteints de handicaps irréversibles qui n’ont pas été concernés par les réformes du décret de février 2017 qui allonge la durée maximale de leurs droits de dix à vingt ans. L’AAH était incluse dans le dispositif, mais pour les parents d’enfants porteurs de handicaps, c’est encore la croix et la bannière, puisqu’ils doivent tous les deux ou cinq ans refaire leur demande pour le versement de l’AEEH.
La protection et l’accompagnement des enfants et des familles vulnérables a aussi fait l’objet d’un effort financier particulier de la part du Gouvernement dans le programme 304. Nous pouvons nous en féliciter, puisque les crédits qui s’élevaient à 31,9 millions d’euros en 2017 vont passer à 143 millions d’euros pour 2018.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Nassimah Dindar. La prise en charge des mineurs non accompagnés pourra ainsi être facilitée. Les départements qui en assuraient la charge jusqu’à présent saluent cette initiative, comme l’avait souligné notre collègue Élisabeth Doineau.
C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera, sous réserve de nos observations sur les amendements, favorablement ce budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Viviane Malet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par quelques remarques générales.
L’examen de ce projet de loi de finances intervient dans un contexte de croissance retrouvée, grâce aux politiques conduites durant le précédent quinquennat. Les efforts de tous, les économies réalisées et les réformes structurelles autorisent de l’optimisme et des recettes supplémentaires.
Nous devrions être au moment de la juste répartition des fruits savoureux de la dynamique restaurée. Hélas, la plus grande partie de la corbeille a déjà été attribuée : 5 milliards d’euros accordés aux particuliers fortunés, déjà repus.
S’agissant de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », l’augmentation de ses crédits peut paraître confortable. En réalité, elle s’établit à 2,1 % par rapport aux dépenses réalisées cette année.
Ainsi, la solidarité n’est pas au hit-parade des priorités du Gouvernement… Elle est pourtant le plus sûr moyen d’assurer, par la cohésion sociale, un élan collectif pour une nouvelle croissance, ce que confirme, aujourd’hui, le FMI. Seulement voilà : les cadeaux aux plus riches obligent, malgré le surcroît de recettes, à en modérer les bénéfices pour les plus modestes – et à le dissimuler derrière un discours flatteur qu’aucun de nous ne renierait, si l’on ne reprenait en sous-main ce que l’on a accordé.
La prime d’activité fournit, une fois de plus, l’illustration d’une politique en parfait trompe-l’œil.
Vrai progrès pour les travailleurs modestes, la prime d’activité a contribué à réduire le taux de pauvreté et à augmenter le pouvoir d’achat de ses bénéficiaires. Elle a remplacé la prime pour l’emploi et le RSA chapeau, dont le taux de recours était inférieur à 35 %. Le nombre de ses bénéficiaires a crû très vite – pour un montant moyen d’environ 155 euros –, et elle a constitué une incitation au retour à l’emploi ou au maintien dans celui-ci.
Ainsi, dans une conjoncture difficile, 9 % des allocataires du RSA socle sont devenus éligibles à la prime d’activité en 2017, et 79 % des bénéficiaires ont conservé leur emploi.
La prime d’activité est promise à une augmentation de vingt euros par mois, mais à la fin de 2018, bien sûr…
Les dépenses réelles ont atteint cette année 6,5 milliards d’euros. L’inscription est au même niveau pour l’année prochaine, ce qui laisse entendre une volontaire sous-estimation, à moins que ce ne soit une réduction non avouée du périmètre des bénéficiaires.
C’est déjà le cas avec la suppression de la prise en compte comme revenus du travail des rentes AT-MP. Cette mesure est d’une grande violence à l’égard des personnes ainsi rendues inéligibles à la prime d’activité, alors qu’elles sont, justement, les victimes de leur travail.
Pour la prime de Noël, 476 millions d’euros sont inscrits, alors que l’année 2017 se soldera par une dépense de 556 millions d’euros.
Même sous-évaluation pour le RSA jeunes : 8 millions d’euros ont été dépensés en 2016 et presque 10 millions d’euros l’auront été cette année, mais seulement 5,4 millions d’euros nous sont proposés pour 2018.
À propos de sous-évaluation, permettez-moi d’évoquer un souvenir : le débat passionné sur la fameuse prime d’activité, en 2016. La majorité sénatoriale, voulant tenter de montrer sa capacité à proposer des économies, qu’on lui contestait, et, en même temps, pouvoir qualifier d’insincère – plaisir suprême ! – le projet de loi de finances, avait adopté un amendement dont l’objet se concluait ainsi : « Le présent amendement se veut plus réaliste et retient un taux de recours égal à celui du RSA, soit 32 %, et donc une réduction de 650 millions d’euros. » La vérité est cruelle, parfois : le taux de recours sera, à la fin de cette année, de 70 %…
Trompe-l’œil, encore, que les commentaires autour des crédits pour l’AAH du programme 157 : en réalité, ces crédits n’évolueront que de 3,9 % par rapport à la consommation réelle. Sans compter que l’augmentation est entachée de quelques artifices regrettables.
L’obsession d’alignement par le bas ou par décalage calendaire reporte au 1er novembre 2018 l’augmentation de l’AAH, comme la plupart des mesures sociales. Les mesures fiscales, elles, comme la hausse de la CSG, seront applicables dès le 1er janvier prochain… Un tel déferlement de reports en fin d’année constitue pour le budget 2019 une véritable bombe à retardement.
L’alignement par le bas touche aussi le RSA pour les couples de bénéficiaires de l’AAH : jusqu’ici, chacun recevait son AAH au taux plein ; désormais, le coefficient multiplicateur sera de 1,9, puis de 1,8, diminuant les ressources du ménage.
Reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre, en communiquant seulement sur ce qu’on a donné, est devenu une règle, que nous ne saurions partager.
Que dire de la primauté exceptionnelle prise par le verbe sur l’action ? C’est un fossé, que dis-je, un ravin, un océan, qui sépare parfois le discours de la réalité !
Ainsi, pendant que l’égalité entre les femmes et les hommes est érigée au rang de grande cause nationale, les crédits de l’action en faveur de l’égalité professionnelle, politique et sociale entre les femmes et les hommes diminuent de 12 %…
Quant à ceux de l’action n° 15, Prévention et lutte contre la prostitution, ils sont amputés de 35 %.
Décidément, l’avenir, pour les plus modestes et les collectivités territoriales, ne se dessine pas sous les plus heureux auspices !
Par ailleurs, de nombreuses questions restent en suspens.
Ainsi, les allocations individuelles de solidarité grèvent dangereusement les budgets des départements. La négociation engagée par Manuel Valls sur la renationalisation du RSA n’a pas abouti, et la part des ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie affectées aux départements va encore baisser, de 70 % à 61,4 %.
Les déclarations du Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires en faveur du regroupement des allocations individuelles de solidarité et leur reprise en main par l’État n’augurent rien de bon pour la population la plus vulnérable de notre pays.
Manifestement, la tentation libérale d’un welfare à l’américaine, globalisé et minimal, et d’une réduction des dispositifs d’insertion au profit de petits boulots sous statut d’autoentrepreneur demeure présente chez certains. Déjà, la diminution drastique des contrats aidés dans ce projet de loi de finances en est un signe précurseur.
Beaucoup de générosité pour les riches, un peu de compassion pour les pauvres… Voilà qui rend inacceptable, pour nous, le budget de cette mission ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élèveront à 19,4 milliards d’euros en 2018, comme l’a rappelé le rapporteur pour avis, notre collègue Philippe Mouiller. Ce montant correspond à une augmentation notable de ce budget, de 8,9 %, par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017.
De manière générale, cette mission a connu une augmentation structurelle de son niveau de dépenses au cours des huit dernières années : de 2009 à 2017, le montant des crédits de paiement, à périmètre constant, est passé de 11,5 milliards à 19,1 milliards d’euros.
Nous pourrions nous enthousiasmer, voyant dans cette augmentation de crédits une attention accrue des pouvoirs publics sur ce sujet de société ; mais la question n’est malheureusement pas si simple.
Cette mission est très importante pour les finances publiques et pour notre système de protection des plus vulnérables. De fait, elle se place au sixième rang des missions budgétaires de l’État.
À un tel niveau de dépenses, il serait légitime de pouvoir compter sur un pilotage sans faille. Pourtant, ces dépenses souffrent d’un éparpillement des responsabilités : nous avons parfois le sentiment d’avoir mis à la mer un navire sans pilote…
Il y a un grave dysfonctionnement, sur lequel notre groupe souhaite alerter le Gouvernement et le Parlement. En effet, alors que la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est au cœur de l’action publique en matière d’attention portée aux personnes les plus en difficulté, le rapporteur a fait état dans son discours d’une sous-budgétisation systématique des programmes depuis 2012. Le Gouvernement affirme avoir trouvé des remèdes. Nous analyserons attentivement vos propositions, madame la secrétaire d’État.
Deux programmes de cette mission méritent une attention plus particulière.
Le programme 104, « Inclusion sociale et protection des personnes », se caractérise par une hausse de 15 % de ses crédits, liée à l’augmentation de la prime d’activité. Il y a là un signe fort pour revaloriser le travail, mais il ne faut pas que le Gouvernement récidive dans les erreurs de chiffrage, qui ont eu de lourdes conséquences budgétaires ces deux dernières années.
Le programme 157, « Handicap et dépendance », est, lui aussi, marqué par une hausse de ses crédits, de 7,8 %, intégrant l’annonce d’une revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. Notre groupe approuve cette mesure importante en faveur des personnes en situation de handicap.
Enfin, notre groupe aimerait attirer l’attention du Gouvernement sur la question des mineurs non accompagnés. Ils seront presque 25 000 en 2018, soit deux fois plus qu’en 2016, sous la responsabilité sociale et financière des départements. Cette charge est de plus en plus lourde et, à terme, insoutenable pour nos collectivités territoriales.
Les crédits consacrés à l’accueil de ces jeunes ont augmenté de 741 % entre 2017 et 2018. Il y a urgence à anticiper les effets de l’accueil de ces personnes sur notre système de sécurité sociale et à trouver de nouvelles sources de financement pour faire face à ces dépenses. Ce problème éminemment politique doit être réglé dans les plus brefs délais. Nous avons déposé plusieurs amendements pour tenter de résoudre ce défi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». En effet, si nous saluons les initiatives prises par le Gouvernement en matière de solidarité, nous ne pouvons nous accommoder de la sous-budgétisation chronique de cette mission. En particulier, ce budget affiche en ce qui concerne les mineurs non accompagnés une trajectoire qui nécessitera un suivi approfondi et une meilleure anticipation en matière d’accueil.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dotée pour 2018 de 19,4 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui la place, en termes d’inscription budgétaire, au sixième rang des missions de l’État.
L’importance de cette mission ne se mesure pas uniquement en termes financiers. Elle recouvre en effet un ensemble de mesures essentielles, qui traduisent le volontarisme des politiques d’insertion et de solidarité de notre pays.
Si ces dispositifs, qui associent à la fois des notions de prévention, d’aide et d’incitation, sont indispensables, leur évaluation – celle du niveau de satisfaction des objectifs auxquels ils doivent répondre – s’avère souvent difficile, ce qui rend l’appréciation de leur pertinence ou de leur efficacité très approximative.
À cet égard, on peut s’interroger, me semble-t-il, sur la faiblesse du niveau de sortie de certains dispositifs, comme la prime pour l’emploi, pour laquelle le taux de sortie pour dépassement de revenus n’est que de 4 %, ce qui voudrait dire que le caractère incitatif de cette mesure pour favoriser le retour à l’emploi reste très limité.
Les augmentations budgétaires concernent principalement les dépenses d’intervention, qui représentent plus de 90 % des crédits et portent sur deux dispositifs majeurs : l’allocation aux adultes handicapées, l’AAH, et la prime d’activité.
L’AAH, qui mobilise à elle seule 9,7 milliards d’euros, enregistre une progression de 40 millions d’euros, destinée à financer la hausse de cinquante euros par mois à partir du 1er novembre 2018.
La prime d’activité, qui représente 5,1 milliards d’euros, est en progression de 240 millions d’euros pour couvrir la majoration de vingt euros par mois du montant forfaitaire à compter d’octobre 2018.
Ces évolutions appellent trois remarques.
D’abord, elles correspondent pleinement aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Dont acte.
Ensuite, les dates de déclenchement de ces revalorisations, à la fin de l’année prochaine, reportent l’essentiel de l’effort budgétaire sur l’année 2019 et les suivantes.
Enfin, la modification des périmètres définis pour accorder ces aides suscite quelques interrogations. Il ne faudrait pas que certains publics fragiles se trouvent exclus de son bénéfice. Dans cet esprit, la commission des finances a adopté plusieurs amendements ; ils présentent l’avantage de sécuriser certains publics et de revenir à certains dispositifs, mais au prix d’un rabotage sur d’autres programmes qui n’est pas forcément d’une excellente opportunité.
L’augmentation des crédits s’appuie également sur des enveloppes exceptionnelles, comme le Fonds d’aide à l’insertion, doté de 50 millions d’euros, et les dépenses d’aide sociale à l’enfance pour les mineurs non accompagnés, pour un montant de 66,8 millions d’euros, crédits alloués aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses engagées.
Sur ce dernier point, on assiste à une véritable explosion du nombre de bénéficiaires, qui serait estimé à 25 000 à la fin de 2017, alors qu’il n’était que 2 500 voilà trois ans. Vous imaginez donc ce que représente le reste à charge pour les départements, dont les finances sont déjà très largement sollicitées par ailleurs en matière d’aide sociale et de solidarité.
Cette progression rapide et non maîtrisée, qui affecte très fortement toutes les collectivités territoriales, mais de manière toute particulière un petit nombre d’entre elles – quelques départements de métropole et deux départements ultramarins, Mayotte et La Guyane –, relève d’une politique nationale d’immigration, acceptée ou subie, dont l’État doit assumer l’entière responsabilité en termes financiers.
Cette situation alarmante a d’ailleurs fait l’objet au printemps dernier d’un rapport d’information de notre collègue Élisabeth Doineau et de notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy, intitulé Mineurs non accompagnés : répondre à l’urgence qui s’installe. Ce rapport préconise une trentaine de mesures, allant d’une meilleure maîtrise de l’immigration à l’approfondissement des partenariats avec les départements.
Le programme relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes enregistre une légère augmentation de crédits, qui ne semble toutefois pas à la hauteur des ambitions du Président de la République et du Gouvernement d’en faire une grande cause nationale du quinquennat. Je modérerai cette appréciation en précisant que ce programme faisait l’objet, depuis plusieurs années, d’une sous-consommation récurrente de ses crédits.
Enfin, on peut noter avec satisfaction les efforts accomplis pour baisser de 26 millions d’euros les dépenses « support » et les dépenses de personnel, grâce à l’optimisation des moyens de fonctionnement.
Au total, même si demeurent des interrogations et des inquiétudes sur l’évolution budgétaire de certains programmes pour les années à venir, l’augmentation de 1,5 milliard d’euros des crédits de cette mission pour 2018, qui peut-être s’avérera insuffisante, mais qui correspond déjà à une progression de 8,7 %, ce qui n’est pas négligeable, représente sans doute une approche plus sincère et un effort important dans le contexte actuel. C’est pourquoi, avec les membres du groupe du RDSE, je vous invite à approuver les crédits de la mission ! (Mme Véronique Guillotin et M. Claude Haut applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier.
M. Michel Forissier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la Nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité.
L’enjeu de cette mission est de permettre à tous ceux qui sont en grande difficulté de garder l’espoir, même si, pour certains, ce n’est qu’une lueur d’espoir, par l’expression de la solidarité républicaine.
Les crédits de la mission, de l’ordre de 19,5 milliards d’euros, augmenteront l’année prochaine, notamment en raison de la revalorisation de la prime d’activité, de vingt euros par mois, et de celle de l’allocation aux adultes handicapés, de cinquante euros par mois à taux plein.
On ne peut que se réjouir de ces progressions. Toutefois, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ont noté, parallèlement, des coups de rabot, des économies décidées sans concertation, qui touchent les populations les plus fragiles.
Là est toute l’ambiguïté de ce budget, dans lequel des mesures très concrètes et populaires voisinent avec des restrictions plus discrètes.
C’est le cas, d’abord, en ce qui concerne la prime d’activité, qui remplace la prime pour l’emploi et le RSA activité. Le dispositif monte bien en charge, avec un taux de recours de 75 %. Je ne m’attarderai pas sur le risque de sous-budgétisation, hélas récurrent. Je souhaite plutôt appeler votre attention sur l’article 63, qui exclut du bénéfice de cette prime les personnes titulaires de pensions d’invalidité ou de rentes versées à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Nous avons bien entendu en commission les arguments avancés par le Gouvernement : la prime d’activité s’écarterait de son objectif initial d’incitation à l’emploi en intégrant ces publics, et le taux de recours serait trop faible.
Pour ce qui est du principe d’incitation à l’emploi, je note qu’il est d’ores et déjà bien peu effectif, puisque seulement 4 % des titulaires de la prime d’activité sortent du dispositif pour avoir dépassé les conditions de ressources. Reconnaissons-le : la prime d’activité fait aujourd’hui surtout figure de minimum social et ne respecte guère la philosophie ayant guidé la création du RSA…
Quant au taux de recours, qui serait trop faible, il ne tient qu’au Gouvernement d’assurer des actions d’information auprès des publics concernés !
Bref, ces raisons ne me semblent pas suffisantes pour priver des personnes modestes d’un complément de ressources dont elles ont fortement besoin. Notre groupe suivra donc l’avis de la commission des finances en votant la suppression de l’article 63.
Je dresserai un constat similaire s’agissant de l’évolution de l’AAH.
Je soutiens bien évidemment l’effort budgétaire consenti pour augmenter cette aide. Je rappelle d’ailleurs que notre majorité avait fortement revalorisé l’AAH, de 25 % sur la période 2008–2012.
Toutefois, deux mesures viennent neutraliser la portée de la prochaine revalorisation.
Il s’agit, en premier lieu, du gel du plafond de ressources pour un couple percevant l’AAH, justifié par l’alignement sur les règles applicables aux couples percevant le RSA. Près d’un quart des allocataires de l’AAH sont concernés. À l’image de notre rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, je déplore que le Gouvernement pratique un alignement par le bas de l’AAH en suggérant une parenté entre les deux prestations, alors que la situation des personnes handicapées doit rester spécifique.
En second lieu, une réforme ne figurant pas dans ce projet de loi de finances, mais envisagée pour 2019, consisterait à fusionner les deux compléments de l’AAH : le complément de ressource en cas d’incapacité supérieure à 80 % disparaîtrait au profit d’une augmentation de la majoration pour la vie autonome, là aussi sans concertation ni assurance du maintien d’un niveau équivalent.
On comprend donc, bien sûr, l’inquiétude des associations.
Je rappelle d’ailleurs que, si l’AAH doit être de 860 euros en novembre 2018 et de 900 euros en 2019, le seuil de pauvreté est de 1 015 euros par mois… L’AAH sera donc toujours en dessous. Doit-on considérer que les handicapés vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
En ce qui concerne les autres programmes de la mission, je dirai un mot de l’amendement du rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, visant à augmenter les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution.
Je veux en effet souligner l’incohérence qu’il y a à diminuer de 26,5 % les crédits de cette action, alors que les dispositions de la loi du 13 avril 2016 doivent être mises en œuvre l’année prochaine. La loi a en effet prévu un parcours de sortie de la prostitution comprenant une aide financière et un accompagnement social et professionnel. Le décret d’application a tardé à paraître ; il a fallu un an pour l’obtenir. Rien n’empêche désormais d’appliquer le dispositif. Encore faut-il disposer des fonds nécessaires !
Je ne sais quel sort sera réservé à l’amendement de notre commission par l’Assemblée nationale. Ou plutôt, je m’en doute… Aussi, donnons-nous rendez-vous dans quelques mois, madame la secrétaire d’État, pour faire le point sur le déploiement du parcours de sortie de la prostitution.
Enfin, je me réjouis que le rapporteur spécial Arnaud Bazin ait déposé un amendement pour tenter de réparer les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire.
Certes, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réintroduire 25 millions d’euros à destination des associations, via le Fonds pour le développement de la vie associative. Reste que le compte n’y est pas, puisque ce sont 147 millions d’euros qui étaient attribués au moyen de la réserve parlementaire, dont 61 millions aux seules associations. Au passage, 36 millions d’euros ont donc été rabotés !
Dans le domaine de la solidarité, les associations d’aide alimentaire, celles venant en aide aux personnes vulnérables et celles œuvrant pour les droits et la défense des femmes seront fortement touchées et ne pourront fonctionner avec la faible compensation prévue par le Gouvernement.
Je ne veux pas rouvrir le débat que nous avons eu voilà quelques mois ; ce serait inutile. Encore faut-il que le Gouvernement prenne ses responsabilités et propose des solutions. Je crains bien, sinon, que nos petites communes n’aient à payer la note – comme d’habitude…
Ces réserves mises à part, notre groupe constate l’évolution positive des crédits de la mission. Ce qu’attendent nos concitoyens les plus fragiles, c’est non pas un concert de lamentations, mais des décisions politiques qui les aident à surmonter leurs difficultés quotidiennes !
Madame la secrétaire d’État, pour l’instant, nous sommes satisfaits de la qualité de votre écoute. Nous espérons maintenant que vos réponses démontreront que vous nous avez entendus.
Notre vote sera conditionné par l’adoption des amendements déposés par nos rapporteurs, dans un esprit de justice sociale, dans la tradition et l’esprit du Sénat et afin que ce budget respecte son objectif de protection des populations les plus fragiles. Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial, et M. le rapporteur pour avis ainsi que Mmes Michèle Vullien et Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est l’un des piliers de la politique sociale menée par l’État. Aussi jugeons-nous positive l’augmentation de 1,5 milliard d’euros des crédits par rapport à 2017.
Alors que les inégalités sociales grandissent et que les révélations sur la concentration des richesses entre les mains de quelques puissants les rendent de plus en plus inacceptables, il est indispensable que l’État œuvre à établir ou rétablir la justice sociale.
Dans cet esprit, nous nous félicitons de l’augmentation de vingt euros de la prime d’activité à partir du 1er octobre 2018, dans le cadre du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », mais nous souhaiterions que le Gouvernement fasse du non-recours à cette prime, qui représente 4,2 milliards d’euros de prestations, une urgence.
Quant au programme « Handicap et dépendance », il voit ses crédits croître de 6,9 % par rapport à l’an dernier, en raison de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui passera progressivement de 860 à 900 euros. C’est une bonne nouvelle pour les bénéficiaires de l’AAH, même si nous regrettons que le montant de cette allocation demeure inférieur au seuil de pauvreté.
Ces mesures positives ne doivent pas occulter les reculs contenus dans cette mission, comme l’a souligné, notamment, notre collègue Éric Bocquet. Car le Gouvernement, si généreux en apparence, prévoit en réalité de l’être pour un nombre plus restreint de bénéficiaires, puisqu’il modifie les conditions et les plafonds de l’AAH.
Cette décision est justifiée par un mélange des genres, le Gouvernement appliquant les critères des minima sociaux à l’AAH, alors que cette dernière ne fait pas partie des minima versés au titre de la solidarité nationale ; elle est versée au titre de la compensation due aux personnes handicapées qui se trouvent dans l’incapacité totale ou partielle d’exercer un emploi, ou dont les pensions de nature contributive sont d’un niveau insuffisant.
Ce sont 108 000 couples qui vont perdre le bénéfice de l’AAH avec la baisse du plafond du cumul à taux plein pour un couple d’allocataires. Par ailleurs, la fusion des deux compléments de ressources de l’AAH va entraîner une perte de revenus de 75 à 179 euros. C’est la double peine pour les personnes en situation de handicap !
Enfin, je tiens à relayer l’inquiétude des établissements et services d’aide par le travail, auxquels le Gouvernement avait promis la subvention de 1 000 emplois supplémentaires, avant de décider de réduire son aide de 6 %. Alors que, sur les 3,5 millions de personnes handicapées, 500 000 sont au chômage, cette décision est parfaitement injuste !
S’agissant du programme 137, abondamment commenté ces derniers jours, si le montant des crédits en faveur de l’égalité femmes-hommes est effectivement en légère hausse par rapport à 2017, nous continuons de dénoncer son insuffisance au regard des enjeux et de la priorité gouvernementale affichée.
De plus, comment ne pas s’insurger devant la baisse, prévue dans le même programme, des fonds destinés à financer le dispositif de sortie de la prostitution, amputés de 25 % ? Alertés, comme notre rapporteur, par de nombreuses associations féministes, nous pensons nous aussi que la loi du 13 avril 2016, votée de haute lutte, ne pourra être mise en œuvre que si les moyens nécessaires sont prévus.
Or l’enveloppe destinée à l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, l’AFIS, est réduite de 1,5 million d’euros, alors même que cette allocation est centrale dans le dispositif pour reprendre pied et retourner dans le droit commun. Vous savez bien, mes chers collègues, qu’elle est censée suppléer la baisse de revenus résultant de l’arrêt de la prostitution, et que ces parcours de sortie donnent accès à un logement, à une allocation, à des papiers le cas échéant, à des cours de français et à des formations. Autant dire que, sans AFIS, aucun parcours de sortie ne peut aboutir.
L’amendement présenté par le rapporteur pour avis de la commission des lois vise à réparer cette baisse, mais en privant d’autant le programme 124, qui concerne les politiques sanitaires, sociales et du sport. Or ce qu’il faut, c’est non pas un transfert d’enveloppe, mais une hausse du budget ! Aussi, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
En définitive, permettez-moi de réitérer mes doutes sur la réalité de la priorité gouvernementale donnée à la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, je voudrais évoquer la situation des mineurs isolés, désormais nommés mineurs non accompagnés.
Les crédits consacrés à leur accueil vont augmenter de 20,1 millions d’euros en 2017 à 132 millions d’euros en 2018. Comment ne pas se réjouir d’une telle hausse, tant il est vrai que de plus en plus de départements tirent la sonnette d’alarme ?
Reste que cette générosité du Gouvernement s’accompagne d’une mesure extrêmement grave : l’instauration pour les jeunes exilés non accompagnés d’un régime particulier obéissant au droit des étrangers plutôt qu’aux règles de protection de l’enfance.
Les membres de mon groupe sont très préoccupés par ces décisions, tout comme le Défenseur des droits et de nombreuses associations de protection de l’enfance. D’autant que la volonté du Gouvernement de confier à l’État l’accueil d’urgence et l’évaluation de l’âge de ces jeunes jusqu’à la confirmation de leur minorité est un véritable transfert de compétences du département à l’État.
D’après la convention internationale des droits de l’enfant, un mineur isolé doit se voir accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial, pour quelque raison que ce soit.
Je conclurai mon propos en soulignant qu’il est nécessaire de mobiliser des moyens à la hauteur des ambitions que l’on se donne. Ce seul critère, s’il est important, ne saurait être suffisant. Ainsi, malgré leur augmentation globale, nous voterons contre les crédits de cette mission, car celle-ci comporte de nombreux et inadmissibles reculs ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les rapporteurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence d’Agnès Buzyn et de Marlène Schiappa, qui sont retenues loin de cet hémicycle.
Je vous remercie de l’ensemble de vos interventions relatives au budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2018, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Ce budget est le reflet d’un parti pris et d’une priorité. Le parti pris, c’est celui de la sincérité budgétaire, qui est le préalable indispensable à une action publique efficace et à des choix politiques clairement assumés ; la priorité, c’est celle qui va à nos concitoyens les plus fragiles et qui exprime la solidarité nationale.
Les crédits de cette mission sont essentiellement consacrés au financement de dispositifs d’aide aux populations les plus défavorisées au travers des programmes 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », et 157, « Handicap et dépendance », ainsi qu’au soutien de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les moyens de fonctionnement du ministère représentent moins de 8 % du total des crédits.
Le budget de la mission augmentera en 2018 de 1,5 milliard d’euros, soit 8,7 %, par rapport à 2017. C’est un effort considérable, destiné pour l’essentiel aux bénéficiaires de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Il s’ajoute, je veux le rappeler, à la revalorisation du minimum vieillesse – prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, laquelle atteindra 100 euros par mois au 1er janvier 2020.
Le programme 157, « Handicap et dépendance », est porté à 11,34 milliards d’euros, soit une progression de 6,9 % entre 2017 et 2018. Cette augmentation massive traduit la priorité que constitue le handicap pour le quinquennat. Elle permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé, afin de donner à chacun sa juste place dans le projet national et de lutter contre la pauvreté subie des personnes auxquelles leur handicap interdit, ou limite fortement, l’accès au travail.
La revalorisation de l’AAH permettra de porter en deux temps, vous l’avez rappelé, le montant de l’allocation à 900 euros par mois à la fin de 2019. Il s’agit d’un investissement de plus de 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat que fait la Nation au profit de la participation des personnes et de leur inclusion, pour offrir à chacun une vie plus libre et digne. Cette revalorisation de 11 % en deux ans est sans précédent et contraste avec l’augmentation de moins de 2,5 % par an durant les sept années précédentes.
Vous m’avez alertée sur les deux mesures accompagnant cette revalorisation, en particulier celle qui consiste à rapprocher – non à aligner ! – les règles de calcul de l’allocation pour les couples, trop différentes de celle des autres minima. J’entends dire que, de ce fait, les couples seraient exclus de la réforme ; c’est faux ! Messieurs Bocquet et Forissier, je tiens donc à vous rassurer sur ce point.
Plus de 155 000 bénéficiaires en couple vont profiter pleinement de la revalorisation, avec une augmentation de 180 euros par mois. Le niveau de revenu garanti à un couple sera ainsi strictement préservé et stable, à hauteur de 1 620 euros, soit un montant supérieur au seuil de pauvreté. La solidarité nationale sera la plus forte pour ceux qui en ont le plus besoin. Cette mesure préserve bon nombre de spécificités, légitimes – vous avez tout à fait raison à ce sujet, monsieur Mouiller –, de l’AAH pour les couples, en particulier l’abattement de 20 % sur les revenus du conjoint.
S’agissant de la simplification annoncée des deux compléments de ressources, elle ne sera effective qu’en 2019. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le prochain débat budgétaire.
Mme Nassimah Dindar, je souhaite vous rassurer sur les deux objectifs qui nous guideront : supprimer toute double évaluation et flécher les financements vers ceux pour lesquels la charge de logement est la plus élevée. Simplifier et ne plus surévaluer.
Concernant le programme 304, je veux en premier lieu évoquer l’augmentation de la prime d’activité. Vous le savez, celle-ci représente, pour plus de 2,5 millions de foyers aux ressources modestes, un complément de revenu important de près de 160 euros par mois en moyenne, alors que le montant moyen des ressources des foyers bénéficiaires est de l’ordre de 1 050 euros. Il s’agit également d’un dispositif important pour faire en sorte, comme il est dit parfois de façon raccourcie, que « le travail paie ».
Conformément aux engagements du Président de la République, la prime d’activité augmentera de 20 euros à partir du premier octobre 2018, complétant ainsi une deuxième disposition favorable au pouvoir d’achat : la suppression des cotisations salariales chômage et maladie en contrepartie de la hausse de la CSG, ce qui va se traduire, par exemple pour une personne au SMIC, par un gain de pouvoir d’achat de 263 euros par an lorsque la mesure sera pleinement montée en charge.
Cette augmentation de la prime d’activité n’est d’ailleurs que la première étape d’une hausse qui se poursuivra au cours des années suivantes, pour porter sa revalorisation à 80 euros au niveau du SMIC.
En 2018, quelque 5,1 milliards d’euros seront donc consacrés à la prime d’activité, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à l’année 2017. Celle-ci prend en compte l’évolution tendancielle de la prime en opérant pleinement l’effort de sincérité demandé par la Cour des comptes.
La très forte progression des crédits s’accompagne de mesures destinées à modérer l’impact budgétaire, vous les avez relevées. Celles-ci ne remettent pas en cause, je le dis clairement, l’économie globale de la prime et l’impact favorable des mesures adoptées pour les bénéficiaires.
Toujours au titre du programme 304, le parti pris de la sincérité porte également le Gouvernement à proposer d’augmenter de façon très appréciable les crédits consacrés aux mineurs non accompagnés. Dans ce dossier important et sensible, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l’État doit faire plus et mieux pour accueillir les mineurs étrangers isolés et aider les départements dans cette mission.
Le nombre de mineurs pris en charge par les conseils départementaux a augmenté de façon très importante, entraînant la saturation des dispositifs et un coût croissant pour les départements. Or, même si la protection de l’enfance est de leur compétence, l’État a une responsabilité forte, au travers de sa double compétence de conduite de la politique migratoire et de protection de l’enfance, exercée par l’autorité judiciaire.
Les difficultés actuelles révèlent aussi la nécessité d’une harmonisation nationale des conditions d’évaluation de la situation des demandeurs, compte tenu des disparités constatées entre les départements.
C’est pourquoi le Premier ministre a lancé, conjointement avec le président de l’Association des départements de France, Dominique Bussereau, une mission d’expertise, afin d’identifier des solutions opérationnelles permettant d’améliorer l’efficacité, la cohérence et la soutenabilité budgétaire de la phase d’évaluation et de mise à l’abri des mineurs non accompagnés.
Dès 2018, l’engagement de l’État se traduira par un renforcement très important des moyens, qui passent de 15 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2017 à 132 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018. Je tiens également à rassurer Mme Schillinger et M. Bazin : les crédits affectés à l’aide alimentaire augmentent de 7,7 millions d’euros.
Je souhaite à présent évoquer le programme 137, dont Marlène Schiappa porte la responsabilité.
Par ses enjeux et ses objectifs, la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes participe à la politique d’inclusion sociale, pour permettre à chaque citoyenne et à chaque citoyen de participer pleinement à la vie de la société, notamment en exerçant un emploi. L’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale pour tout le quinquennat.
Elle porte un engagement fort, sur tout le territoire, en mobilisant l’ensemble du Gouvernement, dans une approche résolument interministérielle, sur les trois champs prioritaires que sont la promotion de l’égalité professionnelle et la conciliation des temps de vie ; la lutte contre toutes les formes d’agissements et de violences sexistes et sexuelles ; un État exemplaire grâce à l’efficacité des politiques ministérielles et interministérielles en faveur de l’égalité.
Les actions réunies par le document de politique transversale totalisent près de 420 millions d’euros, en progression par rapport à 2017. À l’issue du Tour de France de l’égalité, en mars prochain, le Président de la République réunira un comité interministériel et validera un programme gouvernemental qui sera mis en œuvre jusqu’à la fin du quinquennat.
D’ores et déjà, les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » sont en hausse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
J’insiste sur la sincérité de ce budget, qui présente, de surcroît, un taux de réserve de précaution de 3 %, contre 8 % en 2017, ce qui donnera plus de marge de manœuvre, dès le début d’année, pour garantir la bonne consommation des crédits du programme.
Je souligne aussi que le niveau global de subventions aux associations, dont le rôle est essentiel sur l’ensemble des territoires, est totalement préservé. C’est pourquoi le Gouvernement s’engage aussi à pérenniser ce niveau de crédits sur le tendanciel 2018-2022.
Je n’oublie pas, enfin, que le projet de budget défendu devant la représentation nationale porte les supports budgétaires des femmes et des hommes qui travaillent dans nos ministères, avec le programme budgétaire 124, « Soutien aux politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Ce sont 18 276 emplois de l’administration centrale, des services déconcentrés du ministère et des agences régionales de santé, ainsi que la masse salariale correspondante, qui sont concernés.
Le projet de budget 2018 s’inscrit dans la perspective, fixée par le Président de la République, de réduction du nombre d’emplois publics en dehors des départements ministériels prioritaires. Ce contexte exigeant va donc requérir davantage d’efficience ; nous y travaillerons ensemble.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous présentons est un budget rigoureux dans son élaboration et sincère. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
19 403 991 480 |
19 411 105 896 |
Inclusion sociale et protection des personnes |
6 520 605 577 |
6 520 605 577 |
Handicap et dépendance |
11 341 212 791 |
11 341 212 791 |
Égalité entre les femmes et les hommes |
29 779 727 |
29 779 727 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative |
1 512 393 385 |
1 519 507 801 |
Dont titre 2 |
732 849 005 |
732 849 005 |
M. le président. L’amendement n° II-205, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’amendement de suppression de l’article 63 rattaché à la mission, que nous examinerons dans quelques instants.
Cette suppression permettra de ne pas exclure de la prime d’activité les bénéficiaires d’une pension d’invalidité et d’une rente accident du travail-maladie professionnelle, dite « rente AT-MP ». Selon le Gouvernement, cette mesure entraînait une économie de 20 millions d’euros.
Le présent amendement vise ainsi à compenser la suppression de cette moindre dépense en diminuant les crédits relatifs aux frais de fonctionnement et d’immobilier des ministères sociaux, portés par le programme 124. En effet, des gains de productivité et d’efficience sont attendus en 2018 s’agissant de la politique d’achat, dans le cadre de la nouvelle gouvernance des achats de l’État et, surtout, de la politique immobilière.
Par ailleurs, ce programme fait l’objet d’annulations régulières par le Gouvernement en gestion. C’était le cas pour 54,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 48,5 millions d’euros en crédits de paiement en 2016 et le dernier décret d’avance de juillet 2017 a procédé à une annulation de 59,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 69,7 millions d’euros en crédits de paiement, dont 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour les dépenses de support, hors agences régionales de santé, du programme 124.
En conséquence, le présent amendement tend à majorer l’action n° 11 de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et à réduire à due concurrence les crédits du programme 124, en diminuant de 1 million d’euros l’action n° 10, Fonctionnement des services, de 1 million d’euros l’action n° 11, Système d’information, et de 18 millions d’euros l’action n° 12, Affaires immobilières.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. L’article 63 prévoit la fin de la disposition permettant un accès à la prime d’activité aux bénéficiaires de pensions d’invalidité et de rentes AT-MP. Le Gouvernement étant opposé à sa suppression, il est également opposé, par cohérence, à l’amendement que vous proposez.
De plus, la budgétisation du programme 124 est déjà très contrainte ; les dépenses de fonctionnement courant, hors immobilier, système d’information et ARS, sont ainsi en baisse de 7,4 %, et les dépenses de communication de 10 %.
Vous proposez de minorer les crédits inscrits à l’action n° 12, Affaires immobilières, alors que ces derniers couvrent des dépenses obligatoires, telles que l’ensemble des dépenses locatives des ministères sociaux. Il est donc, par nature, impossible de réduire ces crédits de 18 millions, ce qui correspond à 20 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances.
Par ailleurs, une minoration de 1 million d’euros des crédits inscrits à l’action n° 11, Systèmes d’information, serait de nature à mettre en péril l’action des ministères sociaux en matière de modernisation et de sécurisation de leurs systèmes d’information, alors même que cette action a été reconnue comme prioritaire.
Enfin, il convient de signaler que les crédits du programme 124 ont été réduits de 900 000 euros dans le cadre d’une mesure de rabot adoptée en deuxième délibération à l’Assemblée nationale pour gager des ouvertures pratiquées par ailleurs sur d’autres programmes.
Dans ces conditions, je ne puis qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Bien entendu, nous sommes favorables à l’objectif de cet amendement. J’ai dénoncé précédemment les effets des baisses de crédits et de la non-éligibilité des rentiers AT-MP.
Pour autant, on nous propose de diminuer des crédits de programmes sociaux pour en augmenter d’autres, ce qui paraît tout de même difficile à accepter !
On nous explique qu’il y a déjà eu des diminutions dans les années passées, notamment de 118 millions d’euros en crédits de paiement, mais on ne peut pas continuer comme ça jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Il faut s’arrêter à un moment, parce que les besoins sont supérieurs aux crédits affectés.
Par conséquent, si nous sommes d’accord sur l’objectif, nous ne pouvons l’être sur les moyens de transfert d’un programme social vers un autre. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le règlement fait que nous examinons cet amendement avant l’amendement de suppression de l’article 63, mais suffisamment d’arguments ont été évoqués à la tribune pour qu’il soit superflu de développer longuement la nécessité de cette suppression.
Cet article prévoit d’exclure du bénéfice de la prime d’activité les allocataires de pensions d’invalidité et les rentiers AT-MP. Chacun a pu se faire son idée sur l’aspect injuste de cette mesure, qui a convaincu les membres de la commission des finances de soutenir sa suppression.
En ce qui concerne les reprises de crédits sur l’autre programme visant à financer cette proposition, j’ai détaillé l’importance des rendus de crédits : près de 60 millions d’euros en 2016, près de 70 millions d’euros en 2017. Cette année, on peut supposer qu’ils seront du même ordre de grandeur. Il n’y a pas péril à envisager cette reprise de crédit pour financer les 20 millions d’euros que coûtera la fin de l’article 63.
M. le président. L’amendement n° II-225, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
3 924 852 |
|
3 924 852 |
|
Handicap et dépendance |
1 765 568 |
|
1 765 568 |
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
945 900 |
|
945 900 |
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
26 000 |
6 662 320 |
26 000 |
6 662 320 |
TOTAL |
+ 6 662 320 |
- 6 662 320 |
+ 6 662 320 |
- 6 662 320 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à compenser la suppression des crédits issus de la dotation d’action parlementaire, dite « réserve parlementaire », dont bénéficiait la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Ces crédits n’ont été que partiellement compensés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. En effet, en 2017, sur les 147 millions d’euros prévus au titre de la réserve parlementaire, 61 millions d’euros étaient destinés aux associations, par le biais de crédits ouverts sur la plupart des missions du budget général : « Sport, jeunesse et vie associative », « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Cohésion des territoires », etc.
L’abondement du fonds pour le développement de la vie associative, ou FDVA, à hauteur de 25 millions d’euros, par le biais d’un amendement gouvernemental à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » voté à l’Assemblée nationale, ne suffit donc pas à compenser l’intégralité de la réserve.
Par ailleurs, le Gouvernement n’a pas indiqué clairement quelles seront les associations destinataires de ces crédits supplémentaires abondant le FDVA, affirmant seulement que « ces crédits seront prioritairement destinés aux associations ne bénéficiant pas du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires ». Il s’agirait donc de petites associations, ce qui n’est pas leur faire injure naturellement.
Dans ces conditions, cet amendement vise à majorer les crédits de la mission du montant des crédits ouverts et répartis en 2017, au titre de la réserve parlementaire, soit 6 662 320 euros. Nous vous proposons une imputation de ces crédits qui est détaillée par ailleurs, mes chers collègues.
La non-compensation de ces crédits pour 2018 met, en effet, en difficulté toutes les associations qui percevaient des fonds de la réserve, notamment les Restos du cœur, qui avaient bénéficié de près de 700 000 euros en 2017, les banques alimentaires – près de 200 000 euros –, le Secours populaire, l’Association des paralysés de France, la Croix-Rouge, le mouvement du Nid, etc.
Afin de financer ces dépenses supplémentaires, le présent amendement tend également à réduire de 6 662 320 euros les crédits du programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à diminuer de 500 000 euros l’action n° 10, Fonctionnement des services, de 4 412 320 euros l’action n° 12, Affaires immobilières, de 500 000 euros l’action n° 14, Communication, de 500 000 euros l’action n° 15, Affaires internationales et européennes, et de 750 000 euros l’action n° 16, Statistique, études et recherche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. La loi sur la confiance dans la vie politique, acte fondateur du quinquennat, a mis fin à la réserve parlementaire.
Toutefois, pour répondre aux inquiétudes concernant les besoins des associations, notamment les plus fragiles, le Gouvernement a proposé d’abonder à hauteur de 25 millions d’euros supplémentaires le fonds pour le développement de la vie associative, par un amendement au projet de loi de finances pour 2018 adopté le 2 novembre dernier.
Ces crédits seront prioritairement destinés aux associations les plus fragiles, celles qui n’ont pas de salariés et ne sont donc pas bénéficiaires du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, et leur apporteront une véritable aide.
Cette réponse me semble devoir vous satisfaire, et je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-225 est-il maintenu ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne considère pas que la bonne solution est d’effectuer un transfert de crédits en piochant dans telle ou telle enveloppe au risque d’amputer des crédits dont les missions ont besoin.
J’ai en tête, par exemple, la mission « Égalité entre les femmes et les hommes », grande cause nationale. Doit-on lui retirer des crédits pour essayer de compenser une perte pour les associations ?
Le Gouvernement a fait un mauvais choix, il faut qu’il l’assume, ce n’est pas au Sénat d’essayer de le pallier à moyens constants en déshabillant Paul pour habiller Jacques ou Paulette pour habiller Jacqueline ! (Sourires.)
Nous sommes donc opposés à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je partage ce qui vient d’être dit ; c’est d'ailleurs l’argument que j’ai moi-même développé il y a quelques instants. Enlever à certaines actions sociales des crédits pour les accorder à d’autres, cela n’a pas de sens. Cela revient à exprimer des différences de sensibilité, alors que nous n’en avons pas, dans cette assemblée.
Il n’en reste pas moins que l’objectif est pertinent, considérant que, la réserve parlementaire n’étant plus distribuée, cela pénalise certaines associations caritatives qui en étaient attributaires pour des sommes parfois très importantes, cela a été dit.
J’ajoute que ces associations vont voir disparaître les emplois aidés, peut-être pas cette année en raison de mesures transitoires, mais dans les années qui viennent, et seront doublement pénalisées, alors qu’elles remplissent une fonction essentielle dans notre pays pour lutter contre la pauvreté et aider tous ceux qui sont marginalisés et vulnérables.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement, mais je demande au Gouvernement de rétablir, d’une façon ou d’une autre, les crédits qui étaient affectés au titre de la réserve parlementaire et de porter une attention bienveillante et compréhensive à la situation des associations qui se vont se voir privées des emplois aidés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends les arguments de mes collègues et j’approuve le raisonnement du rapporteur spécial, mais le rabotage continu sur les mêmes postes, non pas d’intervention, mais de support, est une mesure qui a ses limites.
On en arrive à une situation peu logique : rétablir des fonds à un endroit, c’est bien, mais examine-t-on bien comment on les enlève ailleurs ? Cela risque de devenir gênant pour le fonctionnement même du ministère.
Madame la secrétaire d’État, la bonne solution serait que vous plaidiez pour un effort supplémentaire sur les crédits du FDVA. On s’aperçoit aujourd’hui, tout de même, que la réserve parlementaire, ce n’était pas de l’argent qui partait dans la nature, et on constate les manques que sa suppression entraîne pour les collectivités locales comme pour le milieu associatif…
Essayons d’être conciliants et de trouver une solution. Je ne suivrai pas la commission dans sa tentative de rabotage un peu aveugle. On reproche parfois cette attitude au Gouvernement, donc ne nous y prêtons pas. Il faudrait toutefois que le Gouvernement fasse un geste en direction des associations, qui jouent un rôle très important dans le maintien du lien social.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. J’entends parfaitement le reproche qui peut être fait à cette proposition consistant à aller chercher des crédits ailleurs. Nous sommes obligés de la faire parce que c’est la règle, mais je vous fais observer que l’essentiel des reprises de crédits pèse sur les affaires immobilières, pour plus de 4,4 millions d’euros, alors que l’on assiste sur ces lignes à des rendus de crédits de 60 millions d'euros à 70 millions d’euros, selon les années.
La critique, en l’occurrence, est certes fondée en principe, mais elle ne l’est pas dans les faits, au vu des rendus des années précédentes. Nous pouvons donc voter sans problème cet amendement, ainsi que je vous engage à le faire, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. La suppression de la réserve parlementaire est quelque chose que je n’arrive pas à expliquer.
Au Sénat, tout le travail avait été fait pour que son engagement se fasse parfaitement dans les règles. À titre personnel, je l’ai toujours consacrée, par le biais du ministère des outre-mer, au bénéfice exclusif des associations, pour l’organisation d’événements. Les dossiers étaient contrôlés par le ministère avant et après utilisation. Je ne vois donc pas ce que l’on reprochait à la réserve parlementaire.
Aujourd’hui, nous nous battons pour trouver des solutions de remplacement en créant des dotations qui seraient confiées à des préfets, afin qu’ils en attribuent le bénéfice à notre place. Mais de quel droit un préfet est-il plus compétent que les élus locaux pour attribuer des fonds de la réserve parlementaire au milieu associatif ?
Je ne trouve pas plus satisfaisantes les solutions qui nous sont proposées aujourd’hui. Je suis très gêné par cet amendement, mais je considère que la démarche unilatérale du Gouvernement n’est pas acceptable. C’est pour moi un signe d’amateurisme ; agir ainsi, ce n’est pas sérieux ! Cela revient à plomber l’activité des parlementaires, et c’est inacceptable. Nous avons une fonction, nous sommes respectables, nous l’accomplissons normalement. Je ne comprendrai donc jamais cette démarche.
Je tenais à le dire sincèrement : cette politique n’est pas bonne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-92 est présenté par M. Mouiller, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° II-172 rectifié ter est présenté par Mmes Meunier, Rossignol, Monier et Blondin, M. Vaugrenard, Mmes Lepage, de la Gontrie, Harribey et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Féret, Guillemot et Ghali, MM. Féraud et Todeschini, Mme Lubin, MM. Fichet et Lalande, Mmes Van Heghe, Taillé-Polian et Grelet-Certenais, MM. Duran, Kerrouche, Tourenne, Tissot, Sueur, Manable, Jomier, Kanner, Durain, Lozach, Assouline, Antiste et M. Bourquin, Mme Préville, M. Courteau et Mme Tocqueville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
1 800 000 |
|
1 800 000 |
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
|
1 800 000 |
|
1 800 000 |
TOTAL |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-92.
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis. Cet amendement a déjà été largement commenté durant la discussion générale. Il vise à abonder de 1,8 million d’euros l’action n° 15 du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », qui concerne la lutte contre la prostitution.
Ainsi que cela a été dit, la loi du 13 avril 2016 vient d’entrer en application et les différents outils et moyens qui en sont issus se répandent sur le territoire national. Naturellement, nous en percevons les premiers effets.
Il me semble malvenu d’envoyer le signe que les crédits diminuent, alors même que nous plaçons nos espoirs dans les conséquences bénéfiques de la loi, afin que les personnes aujourd’hui en situation difficile reçoivent de l’aide pour leur réinsertion. C’est pourquoi nous proposons de revenir au niveau des crédits de 2017.
La provenance de ces crédits met de nouveau en jeu des transferts entre programmes. Je ne reprendrai pas l’argumentaire par lequel notre rapporteur spécial, M. Bazin, nous a exposé les disponibilités et les possibilités qu’offre le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », notamment au titre du volet immobilier.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l'amendement n° II-172 rectifié ter.
Mme Michelle Meunier. Mes chers collègues, le même état d’esprit sous-tend cet amendement, qui vise à soutenir trois formes d’intervention : premièrement, l’aide aux associations, qui sont de véritables partenaires de l’État en matière de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ; deuxièmement, le versement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle, l’AFIS, dont nous avons largement débattu dans cet hémicycle lors de l’examen de la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ; troisièmement, les crédits grâce auxquels les services déconcentrés de l’État peuvent apporter un soutien aux associations agréées.
On l’a dit, les baisses cumulées subies par ces crédits représentent un total de 1,8 million d’euros. Elles plongent les acteurs du secteur associatif dans l’incompréhension. D’ailleurs, comment les justifier, alors que 2018 sera, pour la mise en œuvre de cette loi, la première année pleine ?
Comme nous l’avons indiqué dès la discussion générale, nous soutenons le maintien de ces crédits au niveau annoncé en 2017.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur pour avis, madame la sénatrice, bien sûr, je comprends votre volonté d’augmenter les crédits consacrés aux droits des femmes et à l’égalité.
Néanmoins, j’ai déjà dit pourquoi j’étais défavorable au fait d’accroître ces fonds en prélevant des crédits sur le programme 124.
Je vous rappelle que les crédits inscrits à l’action n° 15 ont été calculés sur la base d’une progression graduelle du nombre annuel de bénéficiaires de l’AFIS entre 2018 et 2022 ; le mode de calcul retenu correspond à la montée en charge de ce nouveau dispositif, en fonction d’une évaluation plus conforme au nombre réel de dossiers présentés à ce jour.
La mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes en situation de prostitution a été progressive au cours de l’année 2017, du fait des délais induits par la publication des textes réglementaires, de la nécessité d’identifier l’ensemble des acteurs locaux pour installer les commissions départementales et d’agréer les associations chargées du parcours de sortie de la prostitution.
Au 30 novembre 2017, vingt-quatre demandes d’entrée dans le parcours ont reçu un avis favorable de commissions départementales et plus d’une vingtaine de dossiers devraient être examinés avant la fin de l’année.
La dynamique qui s’est enclenchée va désormais se traduire dans la montée en charge du dispositif. La programmation budgétaire tient compte de cette trajectoire. Avec 2,4 millions d’euros, c’est 600 parcours qui pourront être financés sur une année complète.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Les auteurs de ces deux amendements viennent de le faire remarquer justement : les crédits alloués à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, et aux actions de prévention menées en la matière, qui s’élèvent aujourd’hui à 5 millions d’euros, sont en forte baisse par rapport à 2017 : ils affichent un recul de 26,7 %.
Or cet argent est notamment destiné à financer le parcours de sortie de la prostitution. Mis en avant lors de l’examen, par le Parlement, de la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, ce dispositif devait contrebalancer l’inéluctable mise en danger des personnes prostituées induite par la pénalisation des clients, que je me suis attachée à combattre sur ces travées.
On nous annonçait la fin des problèmes de violences envers les personnes prostituées, la fin des problèmes sanitaires dus à l’isolement et à la précarisation. Les personnes concernées, nous assurait-on, se verraient proposer des aides financières à la réinsertion sociale et professionnelle. Elles pourraient enfin trouver un véritable emploi.
La pénalisation des clients a déjà montré ses effets pervers : les observations de la mission France de Médecins du monde sont, de ce point de vue, édifiantes. En revanche, le « parcours de sortie » n’a été mis en place qu’en avril 2017, et Mme Schiappa a elle-même indiqué que, au 1er novembre dernier, seules cinq personnes en avaient bénéficié.
La baisse de ces crédits pour 2018 aura donc une conséquence très concrète : les personnes prostituées, qui voient leurs conditions de travail et de santé considérablement aggravées, seront abandonnées un peu plus encore.
L’ironie de cette situation, quand on prétend ériger en priorité la lutte contre les violences faites aux femmes, pourrait prêter à sourire. Malheureusement, la situation de précarité et de grand danger dans laquelle se trouvent ces personnes nous oblige, au contraire, à faire preuve de la plus grande gravité.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos explications. J’ai également suivi de près les débats que l’Assemblée nationale a consacrés à cette question.
Vous l’avez dit, le « parcours de sortie » de la prostitution et l’accompagnement qu’il implique sont en train de monter en puissance. Aussi, avec cette réduction de crédits, on envoie réellement un signal très regrettable.
Lors de l’examen de ce texte de loi, le dispositif en question était présenté comme l’un des piliers de la lutte contre le système prostitutionnel, contre les réseaux. Il s’agissait non seulement de pénaliser les clients, mais aussi d’accompagner les personnes prostituées vers la sortie de la prostitution. Cette diminution de crédits risque fort d’empêcher la loi d’exister ; or cette dernière mérite d’être pleinement soutenue.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’observe comme un paradoxe dans l’attitude du Gouvernement. Samedi dernier, le 25 novembre, lors de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, on nous a annoncé une prise de conscience au plus haut niveau de l’État. Et alors même que la prostitution est une violence extrême exercée à l’encontre des femmes, le Gouvernement diminue les crédits destinés à l’accompagnement des personnes qui souhaitent sortir du système prostitutionnel.
Au sein du groupe CRCE, nous nous sommes battus pour l’adoption de ce texte de loi dont le Gouvernement va aujourd’hui empêcher l’application pleine et entière. À nos yeux, cette attitude est incompréhensible.
Les dispositifs dont il s’agit sont également essentiels en matière de prévention ; comme plusieurs de mes collègues, j’appelle le Gouvernement, notamment Mme Schiappa, mais aussi le Président de la République, à réfléchir aux conséquences d’une telle décision. Bien sûr, les discours ont leur importance, mais, au-delà, il faut des moyens pour mettre en application la lutte contre les violences faites aux femmes, qui constituent un véritable fléau.
Cela étant, il n’est pas satisfaisant de compenser les manques de crédits imputables au Gouvernement en prélevant sur des fonds qui correspondent, peu ou prou, à des enveloppes fermées : en procédant ainsi, on ne règle pas le problème.
Voilà pourquoi nous nous abstiendrons sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-92 et II-172 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 63 et 64, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
Article 63
I. – L’article L. 842-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 842-8. – Pour l’application de l’article L. 842-3, l’allocation mentionnée aux articles L. 821-1 et L. 821-2 est prise en compte en tant que revenu professionnel sous réserve que les revenus professionnels mensuels du travailleur handicapé, hors prise en compte de cette allocation, atteignent un montant fixé par décret. »
II. – Pour l’application à Mayotte de l’article L. 842-8 du code de la sécurité sociale, la référence à l’allocation mentionnée aux articles L. 821-1 et L. 821-2 du même code est remplacée par la référence à l’allocation mentionnée à l’article 35 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
III. – Le A du V de l’article 99 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogé.
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-204 est présenté par MM. Bazin et Bocquet, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-208 est présenté par M. Tourenne, Mme Grelet-Certenais, MM. Daudigny et Jomier, Mmes Féret, Jasmin, Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol et Van Heghe, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° II-226 rectifié ter est présenté par Mmes Dindar, Malet et Guidez, M. Vanlerenberghe et Mme Joissains.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-204.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je serai très bref, car nous venons de débattre de cette question en examinant l’amendement n° II-205.
Il s’agit de supprimer l’article 63, pour que les personnes titulaires de pensions d’invalidité ou de rentes relevant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ou rentes AT-MP, puissent bénéficier de la prime d’activité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l'amendement n° II-208.
M. Jean-Louis Tourenne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour présenter l'amendement n° II-226 rectifié ter.
Mme Nassimah Dindar. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Le présent article supprime la dérogation en vertu de laquelle les pensions d’invalidité et les rentes AT-MP sont assimilées à des revenus professionnels pour le calcul de la prime d’activité.
Je rappelle que cette dérogation a été introduite par la loi Travail du 8 août 2016, soit postérieurement à la mise en place de la prime d’activité. Or elle n’est pas complètement cohérente avec l’esprit de ce dispositif.
En effet, le but, le seul but, de la prime d’activité est d’inciter ses bénéficiaires à augmenter les revenus tirés de leur activité. Or ni les rentes AT-MP ni les pensions d’invalidité ne sont des revenus en lien direct avec l’activité du bénéficiaire : ce sont des prestations sociales et des revenus de remplacement. Elles n’ont pas vocation à être assimilées à des revenus d’activité pour le calcul de la prime.
Aussi, le Gouvernement propose de revenir à la logique initiale de ce dispositif. J’ajoute que l’impact de cette mesure est limité : sur 2,58 millions de foyers de bénéficiaires, moins de 10 000 – 9 358, pour être précis – ont bénéficié de la disposition dont il s’agit.
J’ajoute que cette dérogation applicable au calcul est maintenue pour l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, dans les mêmes conditions qu’actuellement : il s’agit d’un minimum social versé sous conditions de ressources. En 2016, 66 000 foyers ont bénéficié à la fois de l’AAH et de la prime d’activité.
Je le répète, aucune modification n’interviendra pour l’AAH. Le renvoi à un décret, et non plus à la loi, pour fixer le seuil est purement formel. Ce seuil n’a pas vocation à évoluer.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-204, II-208 et II-226 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 63 est supprimé.
Article 64 (nouveau)
Le I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le document relatif à la politique mentionnée au 13° comporte également une présentation détaillée des montants annuels relatifs :
« –à la pénalité prévue à l’article L. 2242-8 du code du travail ;
« –à la contribution prévue à l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« –aux amendes prévues aux articles 225-12-1 et 611-1 du code pénal. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 64
M. le président. L'amendement n° II-147 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Imbert, MM. Babary et Bazin, Mme Berthet, M. Bonne, Mme Bories, MM. J.M. Boyer, Brisson, Buffet, Chaize et Charon, Mmes L. Darcos, Deroche et Deromedi, MM. Dufaut et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Gremillet, Mme Gruny, MM. Husson et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lopez, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Panunzi et Piednoir, Mme Puissat et MM. Reichardt, Revet et Saury, est ainsi libellé :
Après l'article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 mai 2018, un rapport sur l’opportunité d’élargir à des agents du service de l’aide sociale à l’enfance visé à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, individuellement désignés et spécialement habilités par le chef de service dont ils relèvent, dans le cadre strict de leur mission d’évaluation des mineurs non accompagnés, l’accès à l'application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France (AGDREF) et au traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa (VISABIO).
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L'application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France, l’AGDREF, régie par les articles R. 611-1 à R. 611-7-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, est le système informatique qui permet la tenue des dossiers individuels des étrangers par les préfectures et la production des autorisations et titres de séjour.
L’application VISABIO, régie par les articles L. 611-6 et R. 611-8 du CESEDA, consiste en un traitement automatisé de données biométriques à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa.
Ce système met à disposition des services de police, de gendarmerie et des douanes un processus de contrôle avec consultation automatique du système d'information Schengen, le SIS, et authentification biométrique des voyageurs. Il favorise également l'identification des personnes en situation irrégulière.
Depuis 2013, certains agents des services fiscaux ont accès à l'AGDREF, ainsi qu’au traitement VISABIO.
L'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés est actuellement à la charge des départements. Cette mission pourrait être facilitée si l’on étendait l’usage de ces outils à certains agents du service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, individuellement désignés et spécialement habilités.
On pourrait ainsi éviter, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, que des étrangers majeurs ayant fait une demande de visa ou s’étant vu refuser un titre de séjour régulier, ne s’adressent aux services de protection de l’enfance en se déclarant mineurs non accompagnés.
Dans la mesure où l’accès à ces fichiers doit être scrupuleusement réglementé, il conviendrait que les services de l’État évaluent dans quelles conditions, et selon quelles modalités, pourraient être ajoutés à la liste des bénéficiaires d’un accès en consultation de ces fichiers certains agents des services départementaux de l’ASE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Au cours de la discussion générale, nous avons tous insisté à tour de rôle sur cette actualité dramatique : l’augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés, que l’on appelle aujourd’hui mineurs non accompagnés.
Pour ma part, j’ai un peu de mal à employer cette nouvelle dénomination. En effet, ces mineurs sont parfaitement accompagnés jusqu’à nos services sociaux, les filières qui les font venir en France assurant un service complet… C’est bien le moins, compte tenu des prix pratiqués à ce titre – on le sait, l’arrivée en France est tarifée entre 4 000 et 7 000 euros selon les pays d’origine.
Lorsque j’étais président de conseil départemental, l’Assemblée des départements de France, l’ADF, dénonçait déjà ce problème : elle tire même la sonnette d’alarme depuis plus de trois ans. Nous avons averti tous les gardes des sceaux successifs quant au caractère exponentiel du phénomène, qui est appelé à se poursuivre : les mêmes causes produisent les mêmes effets. En vertu de nos lois, nous accueillons ces mineurs étrangers isolés comme il se doit. Évidemment, le marché fonctionne et reste parfaitement rentable pour ces filières.
Toutefois – il faut le reconnaître –, en octobre dernier, lorsqu’il s’est rendu, à Marseille, au congrès de l’ADF, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures intéressantes et fortes.
Ainsi, il a souligné que c’était à l’État de prendre en charge la mission de premier accueil et d’évaluation de ces mineurs. Ensuite, les individus qui sont bel et bien reconnus mineurs – dans les faits, nombre d’entre eux ne le sont pas – devront être accueillis par les départements au titre de l’aide sociale à l’enfance. À ce jour, les conseils départementaux ne contestent pas cette compétence, même s’ils s’inquiètent de la masse d’enfants qu’ils devront accueillir dans ces conditions.
Telle est la première annonce forte de M. le Premier ministre. Je précise que, actuellement, les missions de premier accueil et d’évaluation sont très mal prises en compte : elles sont estimées à cinq journées, lesquelles sont indemnisées, pour les départements, à hauteur de 250 euros chacune. On est très loin des coûts que cette charge impose aux conseils départementaux.
En outre, une mission menée conjointement par l’ADF et par les services de l’État devra permettre d’établir un diagnostic commun, puis des propositions pour que l’État, d’un côté, et les départements, de l’autre, prennent leur juste part de cette mission qui, en tant que telle, reste incontestée.
Ma chère collègue, sauf erreur de ma part, cette mission doit rendre ses conclusions pour le 15 décembre prochain. Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement : le rapport que vous sollicitez serait remis bien après les conclusions de la mission déjà diligentée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Étant donné le rapport qui sera prochainement déposé, le Gouvernement sollicite, lui aussi, le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° II-147 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-147 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-200 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Capus, Guerriau et Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Wattebled, Decool, Bignon et Fouché, est ainsi libellé :
Après l'article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport sur la prise en charge financière et sociale des mineurs non-accompagnés et le fonctionnement de la mission mineurs non-accompagnés.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Comme l’amendement n° II-147 rectifié bis, le présent amendement vise à assurer une évaluation parfaite de la question des mineurs non accompagnés.
Je le souligne à mon tour : le nombre de mineurs considérés connaît une croissance exponentielle, et les départements doivent malheureusement faire face à une situation particulièrement tendue. Nous avons le devoir de faire face à cette situation. Pour notre part, nous souhaitions demander un rapport d’information pour obtenir davantage de visibilité.
Toutefois, compte tenu des éléments que M. le rapporteur spécial vient de nous communiquer, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-200 rectifié est retiré.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, permettez-moi de m’abstraire quelques instants d’une approche purement comptable du budget pour 2018 pour remettre celui-ci en perspective.
Un quinquennat vient de s’achever, avec sa loi de programmation militaire, sa LPM ; un autre commence et nous serons saisis, dans quelque temps, d’une nouvelle LPM.
Quel bilan tirer de ces cinq dernières années ?
La LPM pour les années 2014 à 2019 réduisait les moyens financiers et humains alloués par rapport à la précédente LPM, qui, elle-même, avait été initiée avec une forte réduction des effectifs et engageait une profonde restructuration de notre dispositif de défense.
Dans le même temps, la mobilisation de nos forces est sans précédent, tant par le nombre d’opérations extérieures – dites OPEX – que par l’intensité et la durée de celles-ci. Aujourd’hui, nous sommes engagés au Sahel, au Levant, dans des opérations de sécurité qui mobilisent l’ensemble de nos dispositifs aériens, terriens et sur mer, sans compter le territoire national, et tout cela bien au-delà du format d’engagement initialement prévu.
Chacun sait dans cette enceinte que, malgré tous les efforts, l’habileté et la détermination de votre prédécesseur, madame la ministre, sans compter son art de la communication, les inflexions qui ont été données ont été très en deçà des besoins, renvoyant la résolution des problèmes à plus tard, c’est-à-dire au prochain quinquennat et à une prochaine LPM.
Vous héritez de cette situation doublement préoccupante.
Préoccupante sur le plan de nos forces. La régénération des matériels n’est pas assurée. Le maintien en condition opérationnelle des hommes et des matériels est compromis par une suractivité, qui n’est pas compatible avec l’entraînement des personnels et l’entretien des matériels. Les conditions matérielles de nos soldats sont insatisfaisantes et l’état du patrimoine immobilier, dans lequel ils évoluent, déplorable, expliquant largement les difficultés en matière de fidélisation.
Préoccupante quant à l’état de la menace. Nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux. L’objectif d’atteinte du seuil de 2 % du produit intérieur brut – PIB – en 2025 doit être apprécié à l’aune d’une réalité inquiétante.
Les dépenses militaires mondiales représentent aujourd’hui 2,3 % du PIB mondial. Le budget militaire de la Chine est quatre fois supérieur au nôtre et les États-Unis envisagent d’augmenter le leur de 54 milliards de dollars pour avoisiner les 700 milliards de dollars. Jamais on n’a vendu autant d’armes dans le monde. Peu de pays vivent vraiment en paix. La menace est diffuse sur notre sol.
Les modes opératoires de nos adversaires et leur détermination ne nous permettent plus de différer nos décisions. On ne peut plus demander toujours plus à nos armées pour protéger les citoyens face à une insécurité accrue, sans leur donner les moyens de cette exigence.
Madame la ministre, c’est au cours de ce quinquennat et dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire que tout se jouera !
Cette situation, vous la connaissez, et je veux saluer votre détermination, qui se traduit par quelques avancées dans le budget pour 2018.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. D’abord, nous constatons un effort de sincérité du budget, avec une provision dédiée aux OPEX portée de 450 millions d’euros à 650 millions d’euros, même si la dépense finale devrait dépasser le milliard d’euros.
S’y ajoute une majoration significative de 1,2 milliard d’euros des crédits d’équipement, avec un effort particulier sur l’entretien programmé des matériels et les infrastructures.
Je veux également saluer le plan Famille, qui constitue le début d’une réponse à la question de la fidélisation des personnels et l’amorce d’une revalorisation de la condition militaire.
Ces évolutions sont les bienvenues. Mais quelles perspectives nous propose-t-on à moyen terme ? Atteindre 2 % du PIB en 2025, soit un budget de 50 milliards d’euros à cette échéance, hors pensions.
Pour atteindre cet objectif, il faudrait une majoration annuelle régulière de 2,25 milliards d’euros pendant huit ans. Or vous nous proposez 1,8 milliard d’euros cette année et 1,7 milliard d’euros chaque année jusqu’en 2022, pour atteindre un budget de 40 milliards d’euros à cette date. C’est un effort de 10 milliards d'euros qui devra être effectué sur les trois années suivantes, soit le double de celui qui aura été réalisé dans la période précédente.
Je ne puis que déplorer, une fois encore, ce renvoi de l’effort à plus tard, soit au prochain quinquennat.
Pour 2018, les crédits passeraient de 32,4 milliards d’euros à 34,2 milliards d’euros, soit 1,8 milliard d’euros de crédits supplémentaires.
Je salue cette avancée, qui doit toutefois être relativisée au regard des 850 millions d’euros de crédits purement et simplement annulés en juillet dernier.
Par ailleurs, si la majoration de 200 millions d’euros de la provision pour les OPEX est un élément positif, participant d’une amélioration de la sincérité budgétaire, elle ne constitue pas pour autant une augmentation des moyens.
L’effort réel est donc plus près de 800 millions d’euros que de 1,8 milliard d’euros. Il est insuffisant, mais la commission, pour ce premier budget du quinquennat et dans l’attente des précisions qui ne manqueront pas d’intervenir à la faveur de la prochaine LPM, a voulu retenir ces bonnes orientations. C’est le sens de son avis positif.
Toutefois, celui-ci est assorti d’une réserve, portant sur la fin de gestion de l’exercice 2017, dont la sincérité du budget pour 2018 et son caractère opérationnel dépendent très largement.
Deux points ont retenu l’attention de la commission.
Le premier est le surcoût relatif aux OPEX, estimé à 350 millions d’euros, pour lequel nous avons reçu l’assurance qu’il serait pris en charge par la solidarité interministérielle. Dont acte.
Le second est le gel de 700 millions d’euros de crédits pour 2017, qui ne sont toujours pas débloqués en cet instant. Nous savons que malgré vos relances sur le sort qui leur sera réservé, Bercy est aux abonnés absents.
Nous ne pouvons pas croire qu’à un mois de la clôture budgétaire, Bercy n’ait pas une idée des arbitrages qui seront retenus. Le fait que le ministre chargé des comptes publics rende sa sentence après le vote du budget est inacceptable et ne peut que nous inquiéter, si nous nous souvenons de la manière dont a été brutalement annoncée, en juillet, la suppression de 850 millions d’euros.
Le vent du nouveau monde, visiblement, ne souffle pas sur Bercy, qui continue à recourir à des tours de passe-passe budgétaires nous conduisant dans des impasses. Pourtant, il s’agit de notre sécurité et de la vie de nos militaires.
Aussi, madame la ministre, sauf si vous pouvez, dans quelques instants, nous annoncer une bonne nouvelle, nous ne pourrons pas voter votre budget.
M. Richard Yung. C’est dommage !
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. D’abord, la commission refuse de cautionner un budget qui deviendrait insincère, en faisant passer le report de charges, déjà excessif, à près de 4 milliards d’euros.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Ensuite, si l’annulation pure et simple de 700 millions d’euros était retenue, l’effort affiché de 1,8 milliard d’euros serait réduit à zéro.
Ainsi, nous nous abstiendrons. À regret. Par ce vote, nous voulons vous accompagner, madame la ministre, dans votre détermination à obtenir les crédits dont ont besoin nos armées et exprimer à nos militaires notre refus de poursuivre les errements du passé, consistant à reporter les décisions nécessaires à l’exercice de leur mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti, afin que nous puissions lever la séance à une heure raisonnable.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Équipement des forces » et pour l’excellence technologique des industries de défense. Madame la ministre, le budget de la défense pour 2018 est-il vraiment un budget de remontée en puissance des moyens des armées, comme vous l’avez affirmé à plusieurs reprises ces derniers temps ?
Certes, tous les indicateurs sont orientés à la hausse : les effectifs, les investissements, les équipements, etc. Mais il y a aussi un effet de trompe-l’œil, car 90 % de l’augmentation prévue est d’ores et déjà consommée.
Bien sûr, par rapport à la prévision initiale pour 2017, la mission « Défense » est dotée de 1,7 milliard d’euros supplémentaires, mais cette hausse est absorbée, pour 420 millions d’euros, par le report des charges né de mesures que vous avez dû prendre, madame la ministre, en juillet dernier, par 200 millions d’euros de « resoclage » budgétaire des surcoûts liés aux OPEX et, pour 1 milliard d’euros, par le financement des mesures arrêtées en 2016, c’est-à-dire en dehors de la loi de programmation militaire.
On peut donc parler de stabilisation des moyens, mais il est difficile de trouver un réel accroissement.
D’ailleurs, la trajectoire prévue pour 2019 et 2020 reste en deçà des besoins militaires, que nous avions évalués, nous, à 2 milliards d’euros par an.
L’augmentation annuelle nette ne serait que de 1,5 milliard d’euros, car je déduis la poursuite du « resoclage » des OPEX, sur lesquelles, justement, j’aimerais dire quelques mots.
Les surcoûts liés aux OPEX ne constituent pas une ligne comme les autres dans le budget de la défense. Les armées ne décident pas de leurs engagements ; cette décision revient au Président de la République, d’abord, au Parlement, ensuite. Et un principe de solidarité interministérielle est prévu par l’actuelle loi de programmation militaire, pour financer les surcoûts précités.
En rapatriant ces derniers dans la mission « Défense », le Gouvernement ne fait que transférer la charge, au détriment du ministère des armées.
Il ne faudrait pas que cette nouvelle orientation conduise à faire financer les surcoûts nets des OPEX par des crédits destinés initialement à l’équipement des forces. C’est malheureusement la traditionnelle variable d’ajustement budgétaire, comme l’a bien montré encore l’annulation de 850 millions d’euros cette année.
Ce schéma reviendrait effectivement à déployer nos militaires en OPEX, tout en diminuant leurs moyens d’action, afin précisément de financer leurs missions ! Autant dire que ce serait une aberration, qui aurait de graves conséquences sur notre outil de défense.
À plus court terme, nous sommes préoccupés au plus haut point par les 700 millions d’euros de crédits pour 2017 encore gelés par Bercy pour le programme 146.
Cela empêcherait la Direction générale de l’armement, la DGA, d’assurer la poursuite normale des programmes d’armement et le risque, cela a été dit à l’instant, serait d’aggraver encore le report de charges, qui pourrait atteindre un niveau historiquement élevé de plus de 3,5 milliards d’euros.
Comment voter le budget de l’année prochaine, avec une telle menace qui plane ? En l’absence de dégel des 700 millions d’euros, c’est le programme 146, « Équipement des forces », qui financerait les OPEX !
J’espère, madame la ministre, que toute l’énergie que vous déployez à convaincre Matignon de débloquer ces sommes portera ses fruits et que, dans l’intérêt de nos militaires, vous y parviendrez.
Mais dans ces conditions et compte tenu, principalement, de l’absence de dégel, la commission, en responsabilité, a décidé de s’abstenir sur le vote des crédits de la mission « Défense ».
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Équipement des forces » et pour l’excellence technologique des industries de défense. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, le présent débat budgétaire est un moment de vérité pour nos armées, pour le Parlement et pour les Français, que les enjeux de sécurité préoccupent aujourd’hui plus que jamais.
Nous nous réjouissons, madame la ministre, de la ténacité avec laquelle vous défendez votre budget.
À cet égard, vous vous inscrivez dans les pas de votre prédécesseur et je puis vous assurer que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et, plus largement, le Sénat, de même qu’ils ont soutenu les efforts de Jean-Yves Le Drian pour consolider la trajectoire financière et capacitaire de la loi de programmation militaire en vigueur, sont à vos côtés pour la bonne préparation de la prochaine LPM.
L’état d’esprit dans lequel nous travaillons est résolument positif, au service de la défense nationale et tourné vers l’accompagnement de vos efforts.
Nous sommes également attachés à une certaine éthique de la responsabilité politique et, à ce titre, nous veillons à ce que les réalités soient bien conformes aux discours.
De ce point de vue, je dois vous dire notre inquiétude quant au décalage qui semble s’instaurer entre, d’une part, les prometteuses annonces de remontée en puissance des moyens militaires et, d’autre part, la froide vérité des chiffres.
Alors qu’il est utile de restaurer les moyens nécessaires pour nos armées, dans le contexte de menaces accrues que vient de décrire la revue stratégique, et qu’il importe de soutenir au mieux notre base industrielle et technologique de défense, je constate que 850 millions d’euros ont été annulés, cette année, sur la mission « Défense », plus particulièrement sur le programme 146, et que l’on s’attend par ailleurs à un report de charges d’au moins 3,5 milliards d’euros.
On attend toujours, enfin, le dégel de 700 millions d’euros, sans lesquels la DGA ne peut pas conduire ses programmes d’armement.
L’année prochaine, la hausse budgétaire inscrite dans le projet de loi de finances sera largement absorbée, si l’on considère l’aggravation du report de charges, le « resoclage » des OPEX et les décisions hors LPM devant être financées.
Les restes à payer de la défense excèdent déjà 50 milliards d’euros, dont plus de 35 milliards pour le programme 146. Dans quelles conditions de soutenabilité l’entrée dans la gestion de la future LPM pourra-t-elle se réaliser, d’autant que les investissements à conduire dans les prochaines années seront lourds pour la dissuasion, comme pour les forces conventionnelles ?
La programmation envisagée par le Gouvernement reporterait à la prochaine législature et concentrerait sur trois années, de 2023 à 2025, plus de la moitié de l’effort à accomplir pour atteindre un budget de la défense représentant 2 % du PIB, suivant l’engagement du Président de la République lors de la campagne présidentielle. Pareille trajectoire est-elle vraiment crédible ?
Nous appuierons, madame la ministre, toute initiative qui aurait pour effet de nous rassurer, ainsi que l’ensemble des acteurs de cette politique de défense. Pour l’heure, nous sommes encore dans l’expectative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 178, qui constitue le cœur de la mission « Défense », voit ses crédits de paiement augmenter de 10,6 % par rapport à 2017, pour s’établir à 8,4 milliards d’euros.
L’année 2018 marquera le début du « resoclage » budgétaire annoncé des surcoûts des OPEX, pour 125 millions d’euros sur le programme 178. Cela induit, de fait, le basculement du financement des OPEX de l’interministériel vers les armées seules, basculement qui se poursuivra sur la prochaine programmation.
Une telle évolution, si elle améliore la sincérité du budget, diminue aussi la remontée en puissance des moyens des armées. Notre souhait aurait été d’augmenter l’enveloppe budgétaire à due proportion.
L’allocation de 450 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’entretien programmé du matériel en 2018 était un effort nécessaire au vu des besoins immenses. Cet effort doit impérativement être poursuivi dans la prochaine loi de programmation militaire.
Si l’exportation de nos armements permet de maintenir la base industrielle de défense nécessaire à notre souveraineté, il conviendra de prévoir dans la prochaine loi de programmation, contrairement à la précédente, les crédits indispensables au financement des missions de soutien à l’exportation – dites SOUTEX – conduites par les armées et la modulation à la baisse des coûts de l’entretien programmé des matériels supportés par l’armée une fois les objectifs d’exportation des industriels atteints.
Les armées n’ont guère touché les bénéfices des 14 à 17 milliards d’euros d’exportations de ces dernières années, exportations pourtant soutenues par leur performance au combat. La prochaine loi de programmation militaire ne doit pas faire l’économie d’une profonde réflexion sur ces enjeux.
Sous réserve de ces remarques, la commission a adopté les crédits du programme 178.
Comme le dira tout à l’heure Olivier Cigolotti, qui s’exprimera en son nom, et pour aller dans le sens des propos de M. le rapporteur général de la commission des finances et de nos échanges lors de la dernière réunion de la commission des affaires étrangères, le groupe Union Centriste s’associera au choix fait par plusieurs autres groupes de s’abstenir sur ce budget, afin, madame la ministre, de soutenir votre engagement.
Les rapporteurs de cette mission, dont je fais partie, ont tous eu l’occasion de vous rencontrer et d’évoquer cette question avec vous. Par le passé, que ce soit sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin ou, avant, sous celle de M. Jean-Louis Carrère, la commission a adopté, à plusieurs reprises dans des moments difficiles, une attitude de soutien au ministre.
Par conséquent, nous sommes dans un état d’esprit très positif à votre égard, et à l’égard de nos armées et de leur engagement. Mais, sans revenir sur ce qui a été dit précédemment et sera répété tout à l’heure, le meilleur service que nous pouvons vous apporter dans votre combat, c’est d’exprimer cette abstention positive. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Christine Prunaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, l’activité opérationnelle, gage de l’excellence et de la sécurité de nos militaires, reste inférieure aux objectifs fixés de près de 10 %. L’amélioration attendue de la mise en place d’un régime d’entraînement différencié tarde à se concrétiser. La commission le déplore et s’inquiète à ce sujet.
La trop lente remontée de la disponibilité technique opérationnelle, dite DTO, constitue un autre point de vigilance.
La DTO des hélicoptères de l’armée de terre, par exemple, ne permet de remplir que 58 % à 66 % du contrat opérationnel. La DTO des équipements de l’armée de terre est à la peine, tout comme celle des équipements aéronautiques. Il faut poursuivre les efforts rigoureux, trop tardivement entrepris, pour soutenir la lente amélioration des résultats.
L’externalisation complète du maintien en condition opérationnelle, dit MCO, ne semble pas apporter la bonne solution.
Enfin, la commission s’inquiète de l’état des services de soutien, éternels sacrifiés subissant de plein fouet les réductions de personnel. Il est impératif, madame la ministre, de suspendre la déflation des effectifs du service du commissariat des armées, ainsi que du service de santé des armées.
Jean-Marie Bockel et moi-même avons visité ce dernier, et nous avons pu constater que les personnels étaient sur-sollicités, mais entièrement à la disposition des blessés. Ils accordent une très grande valeur à leur travail, mais, même s’il est peut-être exagéré de parler de burn-out, nous les avons sentis poussés extrêmement près de leurs limites.
Ce qui constituait une grande force française pour le déploiement en opérations est apparemment devenu aujourd’hui un talon d’Achille, ces services ne tenant que par le dévouement des personnels. C’est en tout cas notre sentiment.
Il est donc indispensable et urgent de placer les services de soutien au cœur de la réflexion dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, pour éviter, justement, l’érosion de la capacité de projection de nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial se joignent à ces applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Soutien de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212, qui regroupent l’ensemble des crédits du personnel du ministère de la défense, s’établissent pour 2018 à 20,37 milliards d’euros, en hausse de 3,24 % par rapport à 2017.
Cette augmentation, contenue, de la masse salariale traduit plusieurs évolutions, dont nous nous félicitons.
Il en est ainsi de la poursuite de la hausse des effectifs – la progression est de 518 emplois équivalents temps plein –, qui accentue dans un sens favorable la trajectoire approuvée par le Conseil de défense et de sécurité nationale du 6 avril 2016, au bénéfice de la sécurité du territoire, de la cyberdéfense, des services de renseignement et de la protection des emprises militaires.
J’ai également noté la progression de 50,8 millions d’euros des crédits destinés aux réserves, ainsi que la hausse de 75 millions d’euros de l’enveloppe de titre 2 dédiée aux OPEX, dans un effort de « sincérisation » du budget des armées. Il faut néanmoins souligner qu’il s’agit là, en quelque sorte, d’un transfert de la solidarité interministérielle à un financement par le budget de la défense, comme cela a déjà été précisé.
Pour autant, ce projet de budget appelle à mon sens trois mises en garde.
En premier lieu, si la baisse de 35 millions d’euros des crédits destinés à l’accompagnement des restructurations et au financement des aides au départ est justifiée par l’arrêt des déflations, elle ne doit pas occulter la poursuite du processus de transformation de nos armées et la nécessité d’accompagner cette démarche.
En deuxième lieu, s’agissant du volet « rémunérations des militaires », ces derniers, comme l’ensemble des agents publics, pâtiront en 2018 de la suspension du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, et ce alors même qu’ils étaient entrés dans le dispositif avec un an de retard par rapport à la fonction publique.
Nous veillerons à ce que cette mesure d’économie, visant, cette année, à financer une indemnité de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, ne se prolonge pas au-delà de 2018. Naturellement, nous serons aussi attentifs aux effets que pourrait avoir sur les rémunérations des militaires le chantier de la simplification des primes engagé par le ministère, ainsi que le basculement du logiciel Louvois vers le nouveau système de paye Source Solde.
En troisième lieu – il s’agit d’un dernier point d’attention, dont il ne faudrait d’ailleurs pas occulter les effets potentiels sur la masse salariale –, se pose la question de la transposition de la directive européenne sur le temps de travail.
Il faut l’admettre, l’encadrement du temps de travail paraît difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire, notamment le principe de libre disposition de la force armée. Cette idée est même en contradiction totale avec l’obligation de disponibilité et l’esprit d’engagement qui caractérisent le métier des armes.
Alors que l’échéance pour transposer la directive approche, la commission des affaires étrangères, sur l’impulsion de son président, s’inquiète légitimement de cette perspective. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment ce dossier évolue et quel dénouement vous entrevoyez ?
Nous espérons en tout cas qu’une solution réaliste et ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire sera trouvée prochainement. Mais nous savons pouvoir compter sur votre détermination, et je vous en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires étrangères se joint à ces applaudissements)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Soutien de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 212 regroupe aussi, outre les crédits de personnel du ministère, les moyens transversaux de soutien de la politique de défense. Ces moyens connaissent une augmentation significative, d’environ 20 %, principalement liée aux besoins de la politique immobilière, dont les crédits augmentent.
Cette hausse, bienvenue, était même urgente, alors que nous n’avons cessé de souligner, année après année, la dégradation préoccupante de l’état du patrimoine immobilier de la défense et ses effets sur les conditions de vie et le moral des militaires – cela a été rappelé à l’instant.
Nous restons vigilants sur plusieurs points.
En premier lieu, l’augmentation des crédits immobiliers ne permettra, en réalité, qu’un début de rattrapage. Les besoins sont effectivement estimés à environ 2,5 milliards d’euros pour les six prochaines années.
Nous serons également attentifs à ce que l’augmentation en exécution soit inscrite cette fois-ci dans la durée, et sans déformation de l’effort au profit d’autres priorités. Seul un effort soutenu et persistant permettra de changer réellement de cap.
En second lieu, s’agissant des recettes de cessions immobilières, la loi dite Duflot occasionne aujourd’hui d’importantes moins-values pour le budget de la défense : comme vous le savez, madame la ministre, il est question de 25 millions d’euros en deux ans, peut-être même de 50 millions d’euros supplémentaires bientôt avec la vente de la partie centrale de l’îlot Saint-Germain. En contrepartie, la défense a seulement obtenu la réservation de 50 logements sociaux sur 250 : cela nous paraît inadmissible ! Je rappelle qu’il manque au moins 400 logements pour les militaires en région parisienne.
Quant à la vente du bâtiment de l’hôpital du Val-de-Grâce, madame la ministre, ne serait-il pas plus sage – en tout cas, c’est notre avis – d’y renoncer, afin d’assurer à la défense le maintien de surfaces immobilières importantes à l’intérieur de Paris ?
Enfin, le projet Source Solde doit succéder à partir de 2018 au logiciel Louvois, dont on nous dit qu’il serait aujourd'hui sous contrôle. Raison de plus pour ne basculer vers son successeur qu’avec la plus grande prudence et le plus grand discernement. Gardons en mémoire le désastre financier et humain que fut Louvois.
Pour toutes les raisons évoquées par les orateurs précédents, en particulier les 750 millions d’euros qui manquent à ce budget, nous vous invitons, mes chers collègues, à vous abstenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », ne représente que 3 % des crédits de la mission « Défense » avec, en 2018, 1,4 milliard d’euros. Cependant, il est au cœur de la préparation de l’avenir de notre outil de défense, une fonction cruciale !
Depuis 2014, le budget annuel moyen des études amont, qui s’élève à 727 millions d’euros, est en ligne avec l’objectif fixé en la matière par la loi de programmation militaire – la LPM – qui était de 730 millions d’euros. Toutefois, ce budget est insuffisant pour l’avenir. Aussi, nous soutenons votre ambition, madame la ministre, de le porter à hauteur d’un milliard d’euros par an en moyenne dans la prochaine LPM. Et nous y veillerons !
La France est aujourd’hui le pays d’Europe qui consacre le plus important effort budgétaire à sa recherche et développement en matière de défense. Il faut qu’elle le reste. À cet égard, je salue la récente création de Definvest, fonds d’investissement pour soutenir le développement des PME stratégiques pour la défense.
Dans ce contexte positif, nous restons préoccupés par la situation de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA : cette situation s’améliore, mais avec lenteur.
Certes, la gouvernance se trouve à présent entièrement refondée, mais un plan général de rénovation est nécessaire pour maintenir au meilleur niveau les souffleries de l’ONERA, pièce maîtresse de nos grands moyens technologiques. De plus, il faut organiser la rationalisation des implantations franciliennes de l’établissement. Dans ces deux dossiers, les arbitrages financiers nous semblent tarder. Madame la ministre, quel calendrier envisagez-vous ?
Par ailleurs, la situation financière de l’ONERA apparaît encore fragile. L’Office doit certes poursuivre l’adaptation de son offre aux besoins industriels et s’efforcer de mieux valoriser sa recherche, mais, compte tenu notamment de la structure actuelle du marché sur lequel évolue cet établissement, nous sommes inquiets de voir son pilotage déterminé peu ou prou par les économies. Pourriez-vous nous rassurer, madame la ministre, sur le soutien que l’État continuera d’apporter à cet outil essentiel pour la filière aéronautique et spatiale, et qui contribue à faire de la France un des très grands acteurs mondiaux du domaine ?
Pour finir, je dirai un mot sur Djibouti, puisque les crédits du programme 144 financent, entre autres, l’aide versée au titre de l’implantation des forces françaises. Alors que la Chine dispose aujourd’hui à Djibouti de sa première base militaire à l’étranger, il est important de ne pas laisser notre influence décroître dans cette zone stratégique. Madame la ministre, quelles assurances pouvez-vous nous donner sur le sujet ? Je vous remercie par avance de vos réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dernier Livre blanc sur la défense l’avait assuré, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale l’a confirmé : dans un monde plus incertain et plus dangereux, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement, condition de son autonomie stratégique. Le projet de loi de finances pour 2018 s’inscrit pleinement dans cet objectif.
Première observation, les deux services qui dépendent du ministre des armées, à savoir la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense, la DRSD, poursuivent la montée en puissance de leurs effectifs.
Pour sa part, la DGSE bénéficie de 822 créations d’emplois sur la période 2014-2019. Depuis 2014, 410 de ces créations de postes ont déjà été réalisées. L’effort principal reste à conduire au cours des deux prochaines années. La DRSD profite, sur la même période, de 534 créations d’emplois, dont seulement 243 ont été réalisées.
La difficulté de recrutement et de fidélisation des personnels, globalement surmontée à la DGSE, tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers. La DRSD est confrontée de surcroît à une véritable transformation de son activité et de sa structure d’emplois. Par manque de visibilité – il s’agit d’un petit service –, mais aussi de capacités à proposer des niveaux de rémunération suffisants, elle éprouve des difficultés à assurer cette montée en puissance.
Dans les deux services, la fonction ressources humaines devrait être confortée et des solutions devraient être apportées pour permettre de recruter dans de meilleures conditions. À la suite de missions d’audit, des améliorations sont en cours, mais elles restent timides par rapport aux enjeux. Madame la ministre, quelles solutions pouvez-vous esquisser dans la perspective de la prochaine LPM, qui verra sans doute un nouveau renforcement des effectifs de ces services ?
Deuxième observation, les deux services ont engagé – sur son propre budget pour la DGSE – ou envisagent d’engager – avec le concours et le financement de la direction du patrimoine pour la DRSD – d’importants programmes immobiliers pour héberger à la fois ces nouveaux effectifs et leurs capacités techniques. À cette fin, la DGSE a renforcé son expertise technique. La DRSD cherche, quant à elle, à regrouper ses différentes entités dans un bâtiment unique plus fonctionnel, afin d’améliorer son efficacité et son fonctionnement horizontal. Ce projet sera-t-il soutenu dans la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ?
Troisième et dernière observation, la DRSD a pu répondre non sans difficulté, et avec l’appui des réservistes, à l’explosion des demandes d’habilitation et d’avis de sécurité, à la suite des attentats terroristes. Il faut en effet s’assurer de la loyauté et de la fidélité des militaires.
En revanche, en matière d’inspection de sites, le respect des programmes de visite pour identifier les sources de vulnérabilité s’avère compliqué en raison de l’accroissement du nombre de sites à inspecter. Le ratio s’est effondré en 2016 et s’est à peine redressé en 2017, même si la priorité donnée aux points d’importance vitale a été respectée. Le centre d’inspection a amorcé sa remontée en puissance : là encore, des créations d’emplois sont nécessaires, mais le temps de formation est long et les résultats se font attendre. Surtout, il faudrait que les préconisations soient effectivement mises en œuvre dans les délais requis, ce qui n’est pas toujours le cas. On l’a vu avec le malheureux épisode du vol survenu dans le dépôt de munitions de Miramas.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. J’en termine, monsieur le président.
La commission demande depuis plusieurs années la mise en place d’un indicateur de performance spécifique. Êtes-vous disposée à l’instaurer, madame la ministre ? Qu’est-ce qui pourrait éventuellement s’y opposer ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, à l’occasion de ce premier exercice budgétaire de la commission des affaires étrangères, je veux tout d’abord réaffirmer notre respect et notre confiance pour nos forces armées.
À l’heure même où nous parlons, 30 000 de nos soldats sont déployés sur notre territoire comme dans les zones de crise les plus dangereuses. Nos armées sont un élément vivant de la Nation. Elles remplissent avec professionnalisme, engagement et courage leur mission particulièrement difficile. Je veux leur rendre en cet instant, au nom de la commission, un hommage confiant et sincère. Mais au-delà des paroles, notre soutien passe par des actes, c’est-à-dire des moyens à la hauteur des missions : c’est tout l’enjeu du débat budgétaire !
Or, madame la ministre, nous sommes perplexes devant une équation budgétaire aussi énigmatique.
D’un côté, le Gouvernement nous annonce des hausses de crédits sans précédent, qui montrent clairement que l’on s’engage sur la bonne voie : l’hémorragie est stoppée. De l’autre côté, nous pointons du doigt cependant avec inquiétude les trop nombreuses dépenses non financées, reports, suppressions et gels de crédits qui rendent bien aléatoire l’effort annoncé : 850 millions d’euros perdus en juillet et ce gel de 700 millions d’euros millions qui, s’ils ne sortent pas rapidement du congélateur de Bercy, finiront par ne plus être consommables !
Mais cet argent, nos soldats en ont besoin pour assurer leur mission et leur propre sécurité ! Nos 4 000 entreprises l’attendent aussi pour faire vivre un secteur économique riche de plus de 200 000 emplois. Aussi nous interrogeons-nous : quelle est la valeur du vote du Parlement ? Il y a un an, nous avons voté ces crédits : où sont-ils ? Ils sont bloqués par des arbitrages gouvernementaux ! Mais quelle est, dans ces conditions, la valeur du débat que nous menons chaque année sur le budget ? S’agit-il d’un débat virtuel ?
Madame la ministre, nous aurions sincèrement aimé accompagner vos efforts personnels par un vote favorable. Malheureusement, la commission qui s’est réunie de nouveau hier préconise désormais, à l’instar de nombreux groupes, l’abstention sur les crédits de la mission « Défense », au vu de cette incertitude insupportable sur la fin de gestion de l’année 2017. Mais enfin, au nom de quoi fait-on peser sur la défense cette épée de Damoclès ? Nos soldats qui risquent chaque jour leur vie n’ont-ils pas le droit de disposer des ressources que le Parlement a votées pour eux ?
Cette protestation ne s’adresse évidemment pas à vous, madame la ministre. Si vous êtes bien sûr tenue au principe de la solidarité gouvernementale, nous mesurons – je peux en attester ici – votre détermination personnelle et votre pugnacité pour obtenir ces crédits. C’est pour vous aider que nous lançons cet appel au Gouvernement : nous voulons qu’il aille au bout de son engagement !
Certes, le projet de loi de finances pour 2018 affiche une augmentation de 1,8 milliard d’euros. Il poursuit les programmes d’équipement et les recrutements dans le renseignement et la cyberdéfense. Il accentue la protection des hommes et des emprises et met en application le plan Familles et conditions de vie des militaires, qui porte votre marque personnelle, madame la ministre, ce dont nous vous félicitons.
Mais nous sommes perplexes, car, si on nous annonce un effort enfin rehaussé à 2 % du PIB en 2025, certains ont le culot de nous expliquer qu’on a déjà atteint les 2 % : il suffit de compter les pensions ! Mais pourquoi n’y avait-on pas pensé plus tôt ? (Mme la ministre sourit.) De même, la remontée en puissance sera si concentrée entre 2022 et 2025, avec une courbe de croissance qui s’accélère vertigineusement après le quinquennat, que sa soutenabilité peut être sérieusement mise en cause.
Enfin, nous sommes perplexes, car les hausses affichées, 1,8 milliard d’euros puis 1,7 milliard d’euros, sont, hélas, siphonnées par le « resoclage » des OPEX, les opérations extérieures : derrière ce terme abscons, il faut comprendre un transfert pur et simple de leur financement de la solidarité interministérielle vers les armées.
Il faut également parler des subterfuges utilisés pour freiner tout investissement futur : je veux bien sûr parler de l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques, dont nos amendements ont neutralisé les effets mortifères pour les armées. Le sort de ces amendements est désormais confié à la commission des finances. Elle saura, j’en suis persuadé, en défendre le dispositif auprès des députés lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Je n’énumère pas toutes les questions en suspens : les rapporteurs pour avis les ont évoquées avec talent. Je veux d’ailleurs saluer le travail d’approfondissement qu’ils ont conduit sur ces sujets dans un délai extrêmement court et les en remercie.
Qu’il me soit simplement permis de relayer trois points noirs qu’ils ont mis en avant.
L’immobilier, d’abord : il manque 400 logements au moins pour les militaires en région parisienne. La commission regrette la proportion très faible de logements sociaux dédiée aux militaires au sein de l’îlot Saint-Germain : un sur cinq, avec un cadeau de 50 millions d’euros à Mme la maire de Paris ! Après le cadeau fait à Sciences Po pour l’Hôtel de l’Artillerie, tout cela fait beaucoup ! Notre commission avait tenté de protéger ces ressources, mais l’Assemblée nationale ne nous a pas suivis. Madame la ministre, nous pensons qu’il faut absolument conserver le Val-de-Grâce comme réserve immobilière pour nos armées : obtiendrez-vous que cela devienne la position du Gouvernement ?
La disponibilité des matériels, ensuite : les rapporteurs ont décrit les effets désastreux de la fameuse « courbe en baignoire » qui frappe les matériels neufs comme les anciens. Chacun connaît dans cette enceinte les prouesses qu’il faut réaliser pour maintenir en service des matériels d’âge canonique alors que, dans le même temps, les hélicoptères de toute dernière génération et les tout récents A400M connaissent eux aussi des défauts de maturité qui les clouent au sol !
Troisième point noir, enfin : le soutien, éternel sacrifié, qui est devenu, à force d’être laminé, un vrai talon d’Achille aujourd’hui. La commission souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le service de santé des armées, qui est au bord du burn-out. Il mène de front une vigoureuse réforme, comme bien peu d’administrations en ont engagé, et une activité très intense en opération. La rupture n’est pas loin. Or c’est vraiment la capacité de projection de nos armées et le secours qu’il convient de leur porter qui sont en jeu.
En résumé, ce qui est frappant, c’est évidemment le décalage, le hiatus, pour ne pas dire la contradiction manifeste entre cette somme d’incertitudes sur les moyens des armées et l’aggravation de la menace décrite par la revue stratégique.
Mardi dernier, le Président de la République a été accueilli à Ouagadougou par des jets de grenade sur les soldats français ! La revue stratégique a décrit la dispersion des crises, depuis les immensités sahéliennes où le terrorisme est toujours actif jusqu’aux confins de la mer de Chine, à l’espace extra-atmosphérique, au cyberespace, et au cœur même de nos sociétés démocratiques abreuvées de désinformation. Comme pour appuyer nos craintes, ce missile intercontinental nord-coréen vient nous rappeler la triste réalité.
Face à ces menaces, c’est bien le maintien d’un modèle d’armée complet et équilibré qui est l'enjeu de la prochaine loi de programmation militaire annoncée pour le mois de février 2018. Cela impliquera, il faut le mesurer pleinement, un considérable effort sur les moyens. En effet, le modèle est bon, mais il est exsangue à l’issue d’une décennie d’éreintement et de sous-investissement. Il va falloir prendre les bonnes décisions et s’y tenir !
Cet effort requis pour notre sécurité sera aussi rentable pour notre économie. Nos collègues de la commission des finances le savent bien : la défense, ce sont 200 000 emplois de haute technologie et non délocalisables ; c’est le premier budget d’investissement de l’État ; ce sont des investissements de rupture, d’innovation, qui tirent toute l’économie ; c’est une quinzaine de milliards d’euros d’exportations par an. Combien de secteurs de l’économie peuvent en dire autant ?
Alors, madame la ministre, au moment du vote, ce sera le triste choix de l’abstention. Paradoxalement, ce sera un moyen de vous soutenir dans vos efforts. Nous voulons surtout dire au Gouvernement que, en matière de défense, il faut tenir le langage de la vérité, car il y va du moral de nos soldats, mais aussi de la sécurité de la France ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Claude Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant tout, permettez-moi d’adresser un solennel hommage à nos forces armées, qui, dans un contexte international sous tension, impliquant un haut niveau de sollicitation et de mobilisation, répondent présent et accomplissent leur devoir avec courage, abnégation et dévouement.
Il y a de cela moins de trois jours, avant l’arrivée du Président de la République à Ouagadougou, nos militaires ont dû faire face à une attaque terroriste. Je tiens, à ce titre, à transmettre mes pensées les plus émues à leurs familles.
Cet acte nous rappelle le devoir de vigilance qui s’impose à nous si nous voulons combattre efficacement cette menace permanente qui pèse sur nos armées. Devant une telle situation, il apparaissait indispensable que les moyens budgétaires alloués à la défense soient renforcés.
À cet égard, je souhaite souligner l’ampleur de l’effort réalisé par le Gouvernement en faveur d’un budget à la hauteur des ambitions définies par le Président de la République. Les crédits inscrits au titre de la mission « Défense » sont conformes à ces engagements : consolidation de la reconstruction de nos capacités et réaffirmation d’une grande ambition pour notre pays en Europe et dans le monde. Qu’il s’agisse des effectifs, des investissements en matière d’équipement ou en faveur des conditions de vie de nos soldats, ce budget présente des avancées que mon groupe ne peut que saluer.
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, ce budget n’est rien d’autre que le début d’une remontée en puissance exceptionnelle, puisque 1,8 milliard d’euros de crédits supplémentaires sont accordés cette année à la mission « Défense ».
Il s’agit là d’une augmentation inédite depuis vingt ans, qui s’inscrit dans la durée puisque, chaque année, 1,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires seront accordés, avec pour objectif de consacrer les fameux 2 % de notre PIB à la défense en 2025. Cette hausse nous permet d’inscrire le budget des armées dans une dynamique durable. Nous voyons bien, mes chers collègues, que ce budget est une réponse à la hauteur des enjeux stratégiques qui s’imposent à nous, une réponse aux défis de l’avenir de nos armées, une réponse, enfin, eu égard à leur engagement et à leur courage.
Si nous devions trouver deux axes forts à ce budget, nous pourrions dire qu’il répond aux préoccupations immédiates tout en préparant l’avenir.
Comme je le disais précédemment, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 1,8 milliard d’euros de crédits budgétaires en 2018 par rapport au budget de 2017, soit une augmentation de 5 %. Pour rappel, 1,8 milliard d’euros, c’est trois fois plus que la hausse intervenue en 2017, qui s’élevait à 600 millions d’euros.
Avec 190 millions d’euros de recettes issues des cessions qui s’ajouteront aux crédits budgétaires, le montant des ressources de la mission « Défense » sera porté à 34,4 milliards d’euros. Entre 2018 et 2022, ce sont donc près de 190 milliards d’euros que la Nation consacrera à sa défense. La hausse significative du budget de la défense nous permet de dépasser aujourd'hui très largement la barre symbolique des 1,8 % du PIB.
Il s’agit là du premier jalon pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de porter le budget des armées à 2 % du PIB, soit 50 milliards d’euros hors pensions et à périmètre constant d’ici à 2025. Il s’agit donc de la première étape d’une trajectoire financière qui sera décrite dans la future loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, qui sera présentée au Parlement en 2018.
Comme vous l’avez justement précisé devant la commission des affaires étrangères au début du mois, madame la ministre, cette loi de programmation militaire devra porter une vision et ne pas se réduire à de simples ajustements. Vous pourrez compter sur le soutien du groupe La République en Marche.
En résumé, la mission « Défense » que nous examinons aujourd’hui, d’une part, donne des moyens au maintien en condition opérationnelle des équipements et, d’autre part, prépare leur remplacement. Ce budget prépare également l’avenir avec plus de 4,7 milliards d’euros consacrés aux activités de recherche et développement, ce qui nous permettra d’anticiper les mutations technologiques de demain.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, vous pouvez compter sur l’engagement des sénateurs du groupe La République en Marche qui approuveront sans aucune réserve votre budget. Cependant, j’ai cru comprendre que nous serions bien seuls dans ce cas au Sénat ! (Sourires.)
Enfin, mon groupe tient à rappeler qu’il partage pleinement la volonté du Président de la République de voir émerger une véritable Europe de la défense.
Il y a de cela plus d’un mois, j’intervenais dans cet hémicycle pour indiquer que les conclusions de la revue stratégique mettaient en exergue les mutations que connaît le monde dans lequel nous vivons. Il s’agit d’un monde plus divisé, plus changeant, un monde aussi où les nouvelles technologies ont pris toute leur place, offrant à la fois des opportunités exceptionnelles et posant de nouveaux défis.
Dans un tel contexte, la France ne pourra agir seule pour assurer sa défense. Si le maintien d’une autonomie de décision au niveau hexagonal apparaît indispensable, l’Union européenne est l’échelon d’avenir en matière de défense. Notre avenir passe par la construction d’une Europe de la défense qui puisse intervenir, compléter notre action, nous pousser à innover et à réussir ! (M. Richard Yung applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le tir de missile intercontinental effectué mardi par la Corée du Nord, le tragique attentat dans une mosquée du nord Sinaï égyptien sont les plus récents événements qui témoignent d’un contexte international dégradé et sous tension, ce dont nous ne doutions pas, hélas, même si l’on peut se satisfaire bien sûr du recul de Daech en Syrie et en Irak.
En effet, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, dont nous avons débattu dans cette enceinte il y a quelques semaines, fait état de cet environnement « instable et incertain », d’un ordre multilatéral « remis en cause » et d’une France exposée au « durcissement du terrorisme djihadiste ».
Dans ces conditions, notre pays ne devrait pas ralentir ses engagements avant longtemps. Le niveau de mobilisation de nos forces est très important sur les théâtres d’opérations extérieurs, des théâtres qui durent bien souvent au-delà de ce que l’on prévoit.
Par ailleurs, parce que l’ordre dit « westphalien » est d’un autre temps, nos soldats doivent aussi concourir à la sécurité du territoire national avec l’opération Sentinelle.
Nous examinons ce soir une mission particulièrement sensible et pour laquelle les moyens doivent être à la hauteur des défis. Nous devons conserver notre rang de puissance militaire, afin de garantir notre autonomie stratégique, bien sûr, mais aussi pour rester crédibles, au sein tant de l’OTAN que de l’Union européenne.
Aussi le projet de loi de finances pour 2018 inscrit-il la mission dans une trajectoire ascendante. Cette trajectoire pourrait-elle pour autant conduire à porter l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici à 2025 ? À cette question, il convient de répondre : oui, sur le papier ! Avec une hausse de 1,8 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, les crédits sont au rendez-vous. Ils sont même sensiblement supérieurs au montant inscrit dans la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Ce progrès mérite d’être salué, madame la ministre.
Cependant, tant du côté de la commission des finances que de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les rapporteurs ont émis des doutes, que je partage pour certains.
Vous le savez, madame la ministre, plusieurs points soulèvent des questions. Mais vous allez sans doute y apporter des réponses.
Se pose tout d’abord la question des crédits encore gelés, soit 700 millions d’euros.
Comme chaque année, le surcoût des OPEX suscite aussi des inquiétudes, bien que la dotation initiale soit augmentée de 200 millions d’euros dans ce budget. En septembre dernier, le montant de ces surcoûts était toutefois évalué à 1,53 milliard d’euros. Cette hausse n’améliore pas complètement la budgétisation des OPEX, qui restent à la merci du financement interministériel. La Cour des comptes l’a d’ailleurs encore rappelé tout récemment.
Mais comme je l’ai dit, il existe un effort certain, qui permettra de répondre à plusieurs urgences.
Tout d’abord, il faut faire face à l’urgence en matière d’équipements et d’infrastructures. La hausse des crédits en faveur des capacités de cyberdéfense et de renseignement, de la dissuasion nucléaire ou de l’entretien programmé des matériels contribue à maintenir un modèle d’armée sans abandon capacitaire.
Je veux également souligner l’effort budgétaire en faveur de la condition militaire, notamment au travers du plan d’amélioration de la condition du personnel. En marge de celui-ci, le plan Famille est une très bonne initiative, que nous saluons.
Je le rappelle, la multiplication des théâtres d’opérations extérieurs, conjuguée aux opérations de sécurité nationale, sollicite fortement les ressources humaines.
Le dernier rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a constaté un certain nombre d’obstacles à la fidélisation des soldats à un moment où nous avons le plus besoin d’engagés. Les conditions de vie, que ce soit au quotidien ou sur le terrain, sont de plus en plus difficiles pour les militaires. Sur le terrain, le fort engagement opérationnel fragilise à la fois les capacités et la sécurité des militaires.
Le manque d’entraînement et le sous-équipement ne font que s’accroître au sein de nos armées. Selon le rapport du Haut Comité, des équipages de blindé « n’avaient ni tiré ni manœuvré avec leur matériel de dotation depuis près de deux ans ».
S’agissant de la vie quotidienne, les infrastructures immobilières et la qualité des centres de restauration ne sont pas non plus à la hauteur des besoins. J’ajoute enfin que la question du versement des soldes, un temps perturbé par le trop célèbre logiciel Louvois, n’est pas totalement réglée. Nous attendons vos explications sur ce point.
Il résulte de ces difficultés, madame la ministre, un problème de fidélisation des armées. Pour ne citer que l’armée de terre, seuls 65 % des militaires du rang signent un nouvel engagement.
C’est pourquoi c’est un vrai sujet, sur lequel nous devons être attentifs, car l’armée – c’est peu de le dire –, c’est une communauté d’hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup au service de notre pays. Le Président de la République l’a rappelé à Istres, en juillet dernier : il faut que les militaires aient les moyens de leurs missions et que les ressources nécessaires soient engagées.
Voilà un objectif que nous partageons, madame la ministre. Nous comptons sur vous pour engager la mission « Défense » dans ce sens.
À titre personnel, je voterai les crédits de cette mission, tout comme Jean-Claude Requier, président de mon groupe. D’autres, plus réservés, s’abstiendront, sauf si, madame la ministre, vous nous apportez, en cours de débat, de bonnes réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, que je représente, ce budget est en trompe-l’œil. Certes, une augmentation des crédits est proposée, mais elle cache la nécessaire compensation des crédits annulés cet été, sans oublier la revalorisation, insuffisante, mais réelle, du surcoût des opérations extérieures.
Dans ce budget, la dissuasion nucléaire tient toujours une place prépondérante, puisqu’elle représente 22 % des dépenses d’équipement et 10 % du budget total de la défense hors pensions. Ce sont 3,6 milliards d’euros mobilisés cette année dans le cadre du plan de modernisation, qui nous engage sur vingt ans.
À l’heure où des discussions à l’ONU ont amené 122 pays à adopter un traité d’interdiction des armes nucléaires, en vertu de l’article 6 du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires – nous l’avons évoqué dans un débat précédent –, et où le prix Nobel de la paix a été décerné aux initiateurs de cette démarche, il est regrettable que la France ait boycotté les discussions et refusé de signer le traité.
Un tel niveau de dépenses nucléaires pour une modernisation s’avère plutôt être un renforcement nucléaire ! Car on sort clairement du domaine de la maintenance et du maintien des conditions de sécurité, conditions tout à fait normales, lorsqu’on équipe un nouveau sous-marin de missiles M51.
Mon groupe a souhaité interroger François Hollande puis Emmanuel Macron sur cette question. Les réponses données, même si nous les comprenons, nous laissent perplexes. Je les cite : « Le poids de la menace nord-coréenne empêche tout démantèlement. » Ou encore : « Des discussions menées par des États non détenteurs ne sauraient être légitimes. » C’est surtout ce dernier argument qui me conduit à m’interroger.
Madame la ministre, je me permets de vous poser cette question, que vous vous êtes sans doute déjà posée : quelle est la légitimité des États détenteurs – par exemple la France – à interdire aux autres pays de développer des programmes nucléaires si eux-mêmes refusent d’arrêter leurs programmes ? Nous pourrions mener une réflexion sur ce dilemme au sein de la commission.
La seconde critique sur ce budget est relative à l’intégration de la France dans l’OTAN depuis 2009.
Notre pays a perdu en grande partie sa souveraineté en matière de défense. En effet, l’organisation de coopération de défense s’est vite transformée en une organisation transrégionale militaire. La raison de notre défiance vis-à-vis de l’OTAN, qui n’est pas nouvelle, tient aux deux éléments suivants.
Premièrement, l’organisation atlantique est aujourd’hui à l’initiative d’une véritable course aux armements. Ainsi, le fameux seuil de 2 % du PIB est d’autant plus contraignant depuis l’élection de Donald Trump. Celui-ci a d’ailleurs déjà annoncé sa volonté de conditionner le recours à l’assistance mutuelle au respect par les États demandeurs du seuil de 2 %.
Cette course aux armements est une lecture très partiale de l’article 51 de la charte des Nations unies sur le droit à la défense et un mépris de l’article 26 de la même charte sur la nécessité de limiter au maximum les armes en circulation.
Je vous rappelle également que la multiplication des matériels de guerre sur le marché légal entraîne le développement du marché parallèle. Ainsi, 90 % des armes illégalement en circulation sont issues du marché dit classique !
Deuxièmement, et pour faire le lien avec la charte des Nations unies, nous sommes dans une situation où une organisation militaire supplante totalement l’organisation internationale souveraine qu’est l’ONU.
Combien d’États se sont rendus coupables d’infraction aux règles des Nations unies en intervenant en Irak en 2003 parce que les États-Unis, et donc l’OTAN, avaient décidé d’y aller ? Comment, en 2011, avons-nous pu passer d’une résolution de mise à l’abri des civils libyens à une opération de renversement du pouvoir ? Nous avançons ainsi dangereusement sur le terrain du droit international d’ingérence.
Enfin, nous formulons une dernière critique sur ce budget au sujet de la maîtrise de nos moyens opérationnels. La situation est paradoxale, puisque notre pays n’a jamais produit autant de matériels de guerre, mais nos militaires n’ont jamais été autant dans des conditions si difficiles.
Le parti pris d’équilibrer la balance commerciale de la France avec la vente de matériels de guerre, quels que soient les acheteurs, nous semble inadéquat.
Ainsi, comment expliquer que nos soldats continuent d’utiliser des véhicules de l’avant blindés mis en service en 1976 – j’en ai été très surprise – ou des gilets pare-éclats faute de gilets pare-balles ?
De plus, la multiplication des opérations a conduit à une surexploitation du matériel et des personnels. À titre d’exemple, citons le service de santé des armées, dont j’ai parlé tout à l’heure.
Vous avez annoncé votre volonté de réformer l’opération Sentinelle, madame la ministre. C’est une bonne chose, puisque cette dernière fait courir un risque sérieux à nos soldats mobilisés, risque imputable au manque de matériel et à la difficulté des conditions de vie hors service, faute d’une politique immobilière adaptée.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Christine Prunaud. Justement, je terminerai cette intervention en ayant une pensée pour nos soldats mobilisés en France ou à l’étranger, et en rappelant le gel de 700 millions d’euros dans le programme « Équipement des forces ». Nous ne mettons en cause ni votre volonté ni votre investissement, madame la ministre, mais, pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne votera pas les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, depuis quelques années, comme nous le savons tous, la défense nationale est revenue plus que jamais au cœur des priorités de notre pays.
À ce titre, ce projet de budget constitue la trame financière des ambitions élevées et des engagements pris par le Gouvernement en matière de défense pour permettre aux Français de vivre en sécurité et à notre pays de garder son statut.
Je salue, bien évidemment, la progression de 1,8 milliard d’euros des crédits de paiement, qui passent de 32,4 milliards d’euros en 2017 à 34,2 milliards d’euros en 2018. C’est une hausse historique, qui constitue un premier effort significatif pour atteindre l’objectif de porter les ressources des armées à 2 % du PIB, soit 50 milliards d’euros, à l’horizon 2025.
Ce budget comporte cependant plusieurs points de vigilance qui n’ont pas manqué d’être soulignés durant nos travaux en commission, mais également par nos collègues députés.
Je parle en l’espèce de l’annulation des 850 millions d’euros intervenue en juillet 2017, et des 700 millions d’euros de crédits reportés en 2016 et 2017 qui sont encore gelés.
Sans le financement interministériel du surcoût des OPEX et des missions intérieures et sans un dégel au moins partiel de ces crédits, la portée et la sincérité de ce budget seraient totalement remises en cause.
Je ne reviendrai pas sur la totalité des crédits, que nos rapporteurs ont déjà fort bien détaillés ; j’évoquerai simplement quelques points incontournables liés à quatre programmes de la mission « Défense ».
Tout d’abord, le financement des OPEX.
Cela me semble être l’une des questions centrales de ce budget. Nous constatons actuellement que la contribution nationale à l’effort de défense entre tous les ministères est incertaine.
Une part croissante de cette somme relèvera désormais du budget des armées avec 650 millions d’euros de provision pour le financement des OPEX en 2018.
Il faut souligner que cette hausse de 200 millions va dans le sens d’une meilleure prise en compte des réalités et des enjeux.
Cependant, dans un souci de lisibilité et d’optimisation de notre budget, ne serait-il pas nécessaire, madame la ministre, de créer une véritable section budgétaire spécifique pour les OPEX, adossée bien évidemment au budget de la défense, avec une prévision d’au moins 1 milliard d’euros, dont 850 millions seraient financés par les administrations habituellement mises à contribution ?
Ce schéma serait bien plus clair et permettrait de préserver en parallèle, avec certitude, les augmentations de crédits pour nos équipements.
Cela m’amène à évoquer le programme 146, « Équipement des forces », qui concentre l’essentiel des investissements de l’État. La hausse significative de 34,7 % des autorisations d’engagement permettra d’encourager l’élan indispensable du renouvellement des matériels.
Actuellement, le taux de renouvellement des équipements militaires n’est malheureusement pas suffisant pour empêcher leur vieillissement. Les chiffres sont extrêmement inquiétants. Ainsi, 60 % des véhicules utilisés en OPEX sont vieillissants et n’ont pas de protection suffisante, ce qui expose nos soldats à des dangers certains.
En effet, nous avons des véhicules qui sont en service depuis plus de 30 ans, voire 35 ans. Je pense notamment aux véhicules de l’avant blindés. Quand les prochains véhicules arriveront, ces derniers auraient entre quarante et quarante-cinq ans d’utilisation.
Si nous ne prenons pas de décisions fortes rapidement, madame la ministre, ce sont des pans entiers de missions qui pourraient ne plus être remplis sur certains théâtres d’opérations.
Par ailleurs, plus les achats sont lents, plus les dépenses sont importantes, puisque les pénalités versées aux industriels pour non-respect des contrats s’ajoutent au coût toujours plus élevé de l’entretien et du maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants.
Compte tenu du retard accumulé et des alertes incessantes de nos armées sur ce sujet, l’accélération du programme Scorpion, sur lequel vous êtes très mobilisée, madame la ministre, doit être une priorité absolue.
Ainsi, l’achat de nouveaux matériels permettrait de disposer de capacités techniques et tactiques bien supérieures aux caractéristiques actuelles, sans parler du niveau de protection que nous pourrions alors garantir à nos militaires.
Une diplomatie forte sans une armée à la hauteur ne peut garantir le rayonnement de notre nation et la sécurité escomptée.
Nous reviendrons évidemment sur ce sujet, madame la ministre, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, prévu au printemps 2018.
Un point maintenant sur le programme 144, dont les crédits sont en progression de 4,5 %, essentiellement consacrés au renseignement, et qui permettront de renforcer les actions de la DGSE et de la DRSD, services très sollicités dans le contexte de lutte contre le terrorisme que nous connaissons.
Veillons cependant à ne pas négliger la conduite des relations internationales et de la diplomatie de défense – action 08 de ce programme – pour maintenir également la capacité d’influence de la France qui suscite actuellement quelques inquiétudes.
Je pense notamment à l’Afrique, où j’étais il y a quelques jours. Sommes-nous encore en capacité de maintenir notre influence et de protéger les intérêts français en matière de défense sur ce continent ?
Avec plus de 1 000 soldats au Soudan du Sud, près de 700 au Liberia et 400 au Mali, la Chine est déjà très présente sur le continent africain, ce qui lui permet, selon le Conseil européen des relations internationales, de développer sa connaissance des terrains extérieurs et de protéger ses intérêts économiques, comme au Soudan du Sud.
Je pense également à la première base militaire de la Chine installée à l’étranger, plus précisément à Djibouti. Ce pays n’a pas été choisi au hasard, puisqu’il a une position stratégique dans la corne de l’Afrique. Ce territoire est la porte d’entrée vers l’Afrique de l’Est et l’océan Indien. Autant d’exemples qui montrent qu’aucune action du programme ne doit être négligée.
Enfin, et pour conclure, je souhaite aborder les enjeux liés au programme 212, au premier chef desquels les ressources humaines.
Le onzième rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la fonction militaire, publié le 6 octobre dernier, relève la difficulté récurrente, pour l’armée, de fidéliser ses effectifs.
Près de 62 % des militaires envisagent aujourd’hui de quitter la fonction. Les raisons sont multiples : de l’obsolescence du matériel à la mobilité géographique, en passant par les conditions d’hébergement ou les parcours professionnels parfois difficiles des conjoints.
L’excellente initiative du plan Famille, doté de 300 millions d’euros sur cinq ans, devrait permettre, à n’en pas douter, de répondre progressivement aux besoins d’amélioration de la condition des personnels sur certains aspects incontournables.
D’autres défis restent à relever, comme la création de plus de passerelles entre armée et fonction publique, ou encore une réflexion à mener sur la concurrence du secteur privé, qui offre généralement des salaires et des conditions de vie plus attractives pour les spécialités très techniques, mais aussi pour les professionnels de santé tels que les médecins, dont les effectifs sont très insuffisants, notamment en OPEX.
Nous espérons, madame la ministre, que ce budget pourra garder toute sa sincérité.
Le groupe Union Centriste, conscient de l’effort budgétaire réalisé, souhaitait apporter un soutien unanime. Malheureusement, le maintien du gel des 700 millions d’euros, à l’heure où nous parlons, nous conduit à une abstention sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le débat de ce jour, permettez-moi d’avoir une pensée pour nos militaires et leurs familles, pour celles et ceux qui ont été touchés dans leur chair, blessés au combat ou qui ont donné leur vie au service de notre pays, pour celles et ceux qui ont perdu un camarade, un ami, un mari, un frère. Je veux saluer la dignité des familles dans ces moments de douleur, saluer l’ensemble de nos forces armées, ainsi que le dévouement de ces femmes et de ces hommes engagés dans les missions qui leur sont confiées partout dans le monde pour maintenir la paix, garantir la liberté de la France et assurer notre sécurité à tous, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de nos frontières.
Je tiens aussi à exprimer notre estime pour le général Pierre de Villiers, qui a accompli un travail remarquable dans ses fonctions. Nous connaissons l’extraordinaire proximité qu’il a su entretenir avec ses hommes au-delà des grades et des armes, son souci de garantir que chaque homme, chaque femme engagés sur une mission puisse la réaliser dans les meilleures conditions matérielles et sécuritaires possible. Dans son départ, nous voyons une rupture avec la gouvernance exercée jusqu’alors.
Je veux enfin exprimer nos encouragements à son successeur, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, dont les compétences et le dévouement sont reconnus par tous, et, à travers lui, à l’ensemble des chefs d’état-major : terre, air et marine.
Cela dit, pour déterminer la position de mon groupe, il me semble essentiel de replacer nos débats dans le contexte actuel.
Nous pourrions y voir une forme de continuité. Celle-ci n’est qu’apparente.
En effet, la méthode par laquelle a été conçue la revue stratégique nous interpelle. Alors que les deux précédents Livres blancs de 2008 et de 2013 avaient associé les parlementaires et, au-delà, les acteurs de la communauté de défense, nous regrettons leur absence dans l’élaboration de ce qui représente la pierre angulaire de la doctrine stratégique de la France. Il serait souhaitable que les parlementaires soient associés plus en amont du projet de loi de programmation militaire.
Les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat ont démontré par le passé qu’elles étaient capables de fournir des contributions de qualité au service d’une démarche collective. Il y va de notre cohésion nationale autour de nos armées.
Ce budget pour les forces armées et la défense s’inscrit toujours dans un contexte sécuritaire de tensions. Tensions à l’extérieur, où nos forces restent engagées dans plusieurs opérations : Chammal, au Levant, où Daech a été vaincu d’un point de vue conventionnel, puisqu’il a perdu l’ensemble de ses emprises territoriales, mais l’engagement de nos troupes durera encore longtemps, car la sécurisation totale de ces vastes espaces prendra du temps ; Barkhane, au Sahel, où la situation sécuritaire est préoccupante, tant les attaques régulières de groupes terroristes, particulièrement à l’encontre des populations civiles, nous appellent à la vigilance.
Et puis, nos troupes restent présentes partout, sur de nombreux théâtres, notamment au Liban, où nos soldats poursuivent l’engagement quotidien du maintien de la paix.
Nos forces interviennent aussi sur le territoire national, où la menace terroriste est bien réelle. Avec l’opération Sentinelle, nos armées sont intégrées au dispositif regroupant l’ensemble de nos forces de sécurité. Même si ce dernier a été réadapté, chaque jour, ce sont des milliers de militaires qui sont présents dans nos rues et sur les sites sensibles, afin de nous protéger.
Toutes ces opérations appellent un budget en progression, afin de permettre à chaque soldat de réaliser ses missions dans les meilleures conditions possible.
Lors de la dernière campagne présidentielle, la plupart des candidats, dont l’actuel Président de la République, se sont engagés à consacrer 2 % du PIB aux dépenses militaires. L’année dernière, la commission avait confirmé la nécessité d’atteindre cet objectif et en avait posé les jalons. Nous constatons aussi que les différentes déclarations du Gouvernement fixent cet engagement dans la durée, puisqu’il s’agirait d’atteindre 2 % du PIB en 2025, c’est-à-dire trois ans après la fin du quinquennat actuel.
Poursuivant ce raisonnement, 1,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires sont inscrits pour l’année 2018, dans une montée en puissance progressive, avec des augmentations similaires pour les années à venir – sont annoncés 1,7 milliard d’euros pour 2019 et 1,8 pour 2020.
Dans le même ordre d’idées, aucun programme ne semble avoir été annulé et le projet de loi de finances pour 2018 ne présente pas, sur le papier, de grandes ruptures avec la logique de consolidation de notre outil de défense qui a prévalu ces dernières années. Par exemple, le programme 144 continue d’être affiché comme une priorité. Dans un environnement incertain, nous ne pouvons qu’approuver cette démarche de renforcement de nos capacités de renseignement, ainsi que nos moyens d’action en matière de cybersécurité. Je pense enfin à l’apparente stabilisation budgétaire pour les programmes 146 et 191.
Notre industrie de défense doit être soutenue. Présente dans nos territoires à travers un tissu de PME, elle est l’un des secteurs clés qui tirent l’ensemble de notre économie, notamment avec ses 200 000 emplois.
Pérenniser notre modèle de défense, c’est garantir à notre industrie de conserver ses moyens en matière de recherche et développement. En effet, le risque de nivellement par le bas, voire de décrochage technologique, existe bien.
Enfin, le programme 178, pivot de la transformation permanente de nos armées, permet de soutenir l’effort de protection des infrastructures et des personnels.
Toutefois, nous restons vigilants.
D’abord, pour la marine, parce que nous assistons à une montée en puissance des forces navales d’autres pays dans la protection de leurs espaces maritimes.
Ensuite, pour l’armée de l’air, qui a vu ses équipements très sollicités par de multiples déploiements opérationnels. Il en découle une tension pesant sur le renouvellement des stocks, des systèmes d’armes et des équipages.
Enfin, pour l’armée de terre, qui supportait jusque-là la majeure partie de la réduction des effectifs.
Si nous partageons un certain nombre de perspectives figurant dans ce projet de loi de finances pour 2018, il n’en demeure pas moins que celui-ci soulève des interrogations. En effet, nous devons prendre en compte l’ensemble des éléments financiers. La hausse affichée du budget de la défense, sans précédent depuis la fin de la guerre froide, nous paraît bien artificielle à la lumière des arbitrages pris depuis l’été.
Comme l’avaient souligné nos anciens collègues Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, il s’agit également de prendre en compte le coût des décisions entérinées par le conseil de défense du 29 avril 2015 et inscrit dans l’actualisation de la loi de programmation militaire. Cela représente 1 milliard d’euros pour 2018 et 1,2 milliard d’euros pour 2019.
N’oublions pas que le ministère des armées a subi une coupe budgétaire de 850 millions d’euros en juillet dernier. Cette coupe conduit au décalage dans le temps d’un certain nombre de programmes. Je pense à la rénovation de nos Mirage 2000D. Mais il n’aura échappé à personne que, derrière ces reports budgétaires, il y a des hommes et des femmes à qui l’on donne des missions. Ces dernières ne peuvent malheureusement pas être repoussées dans le temps. Derrière ces artifices budgétaires, il y a la réalité, celle des soldats qui devront en subir les conséquences sur le terrain.
Et puis, cela entraîne d’ores et déjà des renégociations de contrats avec les industriels. Madame la ministre, je vous ai déjà interrogée à ce sujet en commission : pourriez-vous nous éclairer sur le montant des indemnités compensatoires qui leur seront versées ?
Enfin, je rappelle que 700 millions d’euros de crédits alloués à la défense sont toujours gelés par Bercy, même si c’est de saison. Nous espérons les voir dégelés très vite. Sans ces crédits, l’augmentation affichée dans le présent projet de loi de finances pour 2018 manquera de sincérité.
Au total, ce projet de loi de finances pour 2018 présente une réalité budgétaire quelque peu différente de celle qui est affichée par l’augmentation de 1,7 milliard d’euros du budget de la défense. Cette augmentation, nous la soutenons, mais, sans garantie de la part de Bercy quant au dégel de 700 millions d’euros de crédits alloués à la défense, nous ne pouvons pas voter cette proposition budgétaire.
En conséquence, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la revue stratégique, le 24 octobre dernier, nous exprimions dans cet hémicycle notre volonté de disposer d’une armée complète et crédible pour faire face à un monde où les menaces se propagent comme un feu de brousse. Ce budget nous permet-il d’enraciner un arbre capable de se dresser et de résister au feu de brousse ?
Au cours de ces dernières années, le budget de la défense a fait l’objet de sous-estimations, de reports de charges, d’annulations de crédits, de promesses de recettes exceptionnelles sans lendemain. Dans le même temps, l’engagement de l’armée, aussi bien à l’extérieur que sur notre territoire, n’a cessé de s’accroître, entraînant des besoins matériels et humains croissants.
Ce budget, madame la ministre, sous votre impulsion, marque une nouvelle dynamique. Je mettrai l’accent sur deux points de satisfaction.
Le premier concerne le volet humain. La défense et la sécurité nationale, ce sont avant tout des femmes et des hommes qui s’engagent pour notre pays. Leur engagement implique leurs familles, qui en subissent les conséquences de plein fouet : difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, mobilité, reconversion et hébergement sont autant d’écueils. Nous approuvons la mise en œuvre d’un plan Famille, ainsi que l’évolution positive des crédits pour le personnel et en faveur de la politique immobilière. Le parc est en effet très dégradé, sa maintenance ayant été longtemps sacrifiée pour préserver les dépenses d’infrastructures des programmes d’armement.
Ce budget concrétise un effort en faveur de la condition du personnel. Pour autant, je dois vous avouer notre inquiétude quant à la bascule entre Louvois et Source Solde qui s’étalera entre 2018 et 2020 et qui, surtout, va interférer avec la mise en place de la retenue à la source.
Louvois, c’est un véritable scandale d’État et nous n’avons pas droit à un second échec. C’est la responsabilité du Gouvernement.
Le second point de satisfaction, c’est l’augmentation accordée aux équipements. Force est de constater l’usure des matériels liée au haut niveau d’engagement de nos armées. La progression des crédits d’entretien du matériel, pour un maintien en condition opérationnelle, est un juste retour des choses. Pour l’armée de l’air, nous saluons dans ce budget la livraison de matériels qui nous font cruellement défaut. Citons le premier ravitailleur en vol A330 MRTT, la montée en puissance du transport aérien, le premier avion léger de surveillance et de reconnaissance, le lancement du programme de recueil de renseignements électromagnétique CUGE.
À l’échelon de l’armée de terre, ce budget compense des lacunes accumulées au cours de ces quinze ou vingt dernières années. Nos équipements sont usés par plusieurs années de sous-dotation et de surengagement. Parfois, ils sont dépassés : ainsi, le pistolet automatique de nos soldats date de 1950 !
Nous approuvons donc les efforts qui sont entrepris ; pour autant, dans deux domaines, nous devrions faire davantage.
Le premier concerne notre capacité à innover. Au cours de son histoire, notre nation a su relever des défis technologiques : c’est une juste cause que d’accroître les crédits consacrés à la recherche, à la cybersécurité et à la révolution numérique. La revue stratégique affiche une ambition technologique et industrielle, et je pense qu’il faut que nous intensifiions davantage nos efforts de recherche et développement.
Il est temps de passer à des équipements de quatrième génération. C’est tout l’enjeu du programme Scorpion, qui mérite d’être accéléré, en particulier pour ce qui concerne les études environnementales et les travaux liés à l’innovation. Je sais que vous en êtes convaincue, madame la ministre. Notre armée doit être dotée d’un niveau de protection de haute qualité.
Le second domaine de préoccupation est notre capacité à traiter les enjeux qui se jouent sur et sous les océans. La mer recèle d’immenses richesses, énergétiques et halieutiques bien sûr, mais aussi d’innombrables minerais indispensables au développement de hautes technologies. Or nous sommes pillés, et, surtout, on convoite notre souveraineté.
Notre marine nationale est dans l’incapacité d’assurer une présence suffisante sur l’ensemble des océans pour couvrir notre espace maritime, le second au monde par sa taille.
Désormais, on croise plus souvent le pavillon chinois en Méditerranée que le nôtre. La Chine s’apprête à contrôler toutes les routes maritimes, et donc les flux commerciaux, ainsi que les communications intercontinentales.
Nous nous réjouissons de la livraison d’un Barracuda. Les sous-marins nucléaires d’attaque, ou SNA, de la classe Rubis ont été conçus pour une durée de vie de vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils en ont presque 35. Alors que la Chine met à la mer en quatre ans l’équivalent de la totalité de la flotte française…
Pour avoir navigué sur un SNA, je tiens à rendre hommage aux équipages, qui sont confinés dans les plus petits sous-marins du monde. Ils ont beaucoup de courage ; ce sont des gens brillants.
Nous souhaitons que soit accéléré le programme BATSIMAR, ou bâtiment de surveillance et d’intervention maritime. Nos avisos sont usés et dans l’incapacité d’assurer une protection optimale de nos zones exclusives.
Nous saluons votre initiative, madame la ministre, d’engager la livraison d’un patrouilleur pour les Antilles, de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers en 2018 et d’un bâtiment multi-missions B2M. Cependant, reconnaissons-le, cela ne suffira pas pour assurer notre souveraineté outre-mer.
Je suis également convaincu que nous avons besoin de deux porte-avions, alors même que le Charles-de-Gaulle est en cale sèche pour deux ans. La maîtrise des espaces aéromaritimes en dépend. Nous ne pouvons pas continuer à courir le risque d’une présence discontinue, voire aléatoire. Nos voisins britanniques l’ont bien compris, qui ont fait le choix de deux porte-avions.
Le terrain de jeu de l’économie et de l’écologie sera demain non la mondialisation, mais la maritimisation. Nous disposons de formidables atouts industriels ; nous devons mettre le cap vers la croissance bleue. Pour cela, notre marine nationale est incontournable et doit être renforcée dans ses moyens d’action.
Pour conclure, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et d’arbitrages difficiles, nous aimerions que l’effort affiché par une augmentation de 1,8 milliard d’euros du budget soit réel. L’annulation de 850 millions d'euros de crédits, puis, maintenant, le gel de 700 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 200 millions d'euros pour les OPEX et des reports de charges, risquent une fois encore de masquer la réalité des effets d’annonce.
C’est la raison majeure pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra, tout en soulignant que nous croyons, madame la ministre, à votre détermination à convaincre Bercy. Nous souhaitons que les engagements pris soient strictement tenus. Ainsi, nous démontrerons notre considération et notre reconnaissance envers les femmes et les hommes engagés dans la défense de notre nation.
Dans le même temps, entre deux lois de programmation militaire, un contexte international sous tension et une solidarité européenne encore trop timide, ce budget nous invite à l’humilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Olivier Cigolotti. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre un hommage solennel aux femmes et aux hommes de la défense. Qu’ils œuvrent sur le sol national ou sur des théâtres d’opérations à des milliers de kilomètres, nous les assurons de notre soutien indéfectible. Nous pensons particulièrement aux familles, qui payent quotidiennement un lourd tribut à la défense nationale.
Permettez-moi ensuite de remercier le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Christian Cambon, de son engagement et de son fidèle soutien au travail des parlementaires au sein de la commission. Je salue également l’implication de mes collègues rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.
Madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à appeler votre attention sur le contexte dans lequel nous examinons ce budget.
Je commencerai par le contexte international. Ces cinq dernières années ont été tragiquement rythmées par l’actualité terroriste. Le contexte géopolitique mondial se caractérise par un accroissement des menaces polymorphes et asymétriques.
En tant que puissance mondiale et membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la France a continué d’assumer ses responsabilités. Son implication dans les résolutions de crises, principalement en Afrique et au Levant, a fortement et durablement mobilisé et fragilisé l’appareil de défense dans son intégralité.
De plus, nos impératifs de souveraineté dans les territoires ultramarins, le redéploiement des États-Unis et de la Chine dans le Pacifique nous obligent à un recalibrage matériel, humain et stratégique, afin de répondre aux défis majeurs de la maritimisation.
Par ailleurs, il importe d’être lucide sur la réalité de l’agenda gouvernemental. Nous sommes dans un entre-deux, à la veille de l’élaboration d’une nouvelle LPM et au début d’un nouveau quinquennat. La réalité pour les comptes du ministère, c’est que nous sommes à un mois de la clôture de l’exercice 2017.
Plus pragmatiquement, si l’heure est à l’affichage d’ambitions internationales pour le Président de la République, l’heure est aussi au bilan comptable, notamment en termes de report de charges et de calcul du surcoût des OPEX. Le premier devrait avoisiner les 3,5 milliards d'euros, ce qui est un niveau record. La projection d’objectifs, en termes d’investissements, aussi louables soient-ils, ne peut occulter le passif de la dernière année de la LPM.
À la fin de l’année 2017, de l’avis de tous, trois mots caractérisent la situation des armées et de notre outil de défense : excellence, surtension, usure.
Comme l’ont rappelé mes collègues avant moi, nous avons initialement accueilli favorablement l’augmentation des crédits, à hauteur de 1,8 milliard d’euros. Si les 34,2 milliards d'euros de dotation pour 2018 laissaient entrevoir des signaux positifs, les mouvements comptables alternant annulation, gel et dégel de crédits ne favorisent pas aujourd'hui la confiance.
Madame la ministre, nous savons les efforts que vous avez déployés pour compenser l’annulation de crédits de 850 millions d'euros intervenue cet été. Aussi, nous regrettons que votre pugnacité se heurte à la rigidité du ministère de l’action et des comptes publics.
Alors que la revue stratégique ne réduit aucunement les ambitions de la France, l’incompréhension demeure face au gel de crédits de 700 millions d’euros. À quoi bon débattre dans cet hémicycle d’une revue stratégique presque idéale, si nous ne décidons pas d’y consacrer les moyens nécessaires ?
C’est dans ce cadre que s’inscrivent nos préoccupations concernant les OPEX et la politique de maintien en condition opérationnelle, le MCO. La rebudgétisation à hauteur de 200 millions d’euros de la provision OPEX contraste avec l’insincérité des cinq dernières années. (Mme Hélène Conway-Mouret s’exclame.)
Alors que le montant global des OPEX atteint systématiquement le milliard d’euros et que le surcoût dépasse les 600 millions d'euros chaque année, la remontée à 650 millions d'euros du budget dédié aux OPEX témoigne du réalisme du ministère.
Concernant les matériels, nous craignons qu’à terme l’augmentation du report de charge ne pèse lourdement sur le MCO et les programmes d’équipement. Il s’agit non plus du développement d’une base industrielle technologique de défense, mais de sa préservation. Vis-à-vis de nos partenaires européens, nous devons rester crédibles, performants et à la pointe de la recherche. D’ailleurs, madame la ministre, je vous ai interrogée sur les défis technologiques de la défense dans cet hémicycle même, le 24 octobre dernier.
Avant de conclure et pour garder un esprit positif, je souhaite dire combien nous nous réjouissons de la mise en place du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires.
Les 300 millions d'euros, répartis sur cinq ans, sont légitimement attendus, car le mal-être des familles altère le moral et l’efficacité des soldats en mission. Les mauvaises conditions de vie et le ressenti pénalisent les efforts de la politique de fidélisation que nous appelons tous de nos vœux.
Aussi, à la lumière de tous ces éléments, madame la ministre, vous comprendrez que mon groupe s’abstiendra. Cette abstention n’est en rien hostile ; elle révèle notre volonté de soutien pour les armées et pour la préservation de notre appareil de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, la défense de la France avait besoin d’une réponse : elle est là. Le budget que je défends devant vous est un budget de remontée en puissance ; il répond aux attentes de nos armées et il anticipe l’avenir.
Nous avons déjà eu l’occasion de parler beaucoup ensemble de ce projet de budget. J’aimerais cependant en rappeler en quelques mots les grandes lignes.
Ce budget, tout d’abord, c’est 1,8 milliard d’euros supplémentaires pour notre défense. C’est une hausse historique, jamais vue depuis vingt ans, qui permettra de donner à nos armées les moyens d’accomplir pleinement leurs missions, d’acquérir de nouveaux équipements, de nouveaux matériels et d’investir pleinement pour l’innovation. Grâce à cette augmentation, nous pourrons honorer nos dettes du passé et créer des conditions budgétaires saines et sincères pour bâtir la prochaine LPM.
En quelques mots, le projet de budget pour 2018 répond aux besoins immédiats de nos armées par différentes mesures fortes.
Tout d’abord, nous assurerons un soutien total à nos engagements opérationnels. L’intensité de notre engagement est forte, plus forte même que nous ne l’avions imaginée à l’origine. Ces engagements sont nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté des Français. Or ils usent notre matériel. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2018 consacre 450 millions d’euros supplémentaires à l’entretien programmé du matériel. Cela rendra possible un retour de la préparation opérationnelle vers les normes fixées par l’actuelle loi de programmation militaire.
La sécurité des Français passe par le bon exercice des missions de nos soldats. Nous protégerons donc plus fortement et plus efficacement encore nos militaires. C’est le sens du « paquet protection » que je vous propose dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2018. Concrètement, ce sont 200 millions d’euros pour la protection de nos forces, 49 000 gilets pare-balles de nouvelle génération et des véhicules blindés supplémentaires.
Le projet de loi de finances pour 2018 place le soldat et sa famille en son cœur. Les conditions de vie des militaires et de leurs familles sont l’une de mes priorités absolues. J’ai présenté voilà un mois un plan Famille ambitieux et concret, qui améliorera, dès 2018, le quotidien de nos forces et de leurs familles.
M. Claude Haut. Oui !
Mme Florence Parly, ministre. Ce plan comporte des mesures pour mieux vivre la mobilité, pour améliorer le logement des familles et l’hébergement des soldats, ou encore pour faciliter l’intégration des familles au sein de la communauté militaire. Il est doté de moyens financiers substantiels : 300 millions d’euros sur cinq ans et 22 millions d’euros supplémentaires déjà inclus dans ce projet de loi de finances pour 2018 pour améliorer le quotidien de nos forces.
Le projet de loi de finances pour 2018 répond donc aux attentes du quotidien de nos armées, mais il permet également de préparer leur avenir.
D’abord, ce texte prévoit des moyens supplémentaires extrêmement importants pour les équipements. Les équipements de nos armées sont fortement éprouvés, parfois vieillissants, j’en parlais voilà quelques instants. Nous devons donc les renouveler : c’est une condition essentielle pour garder notre supériorité opérationnelle et pour pouvoir continuer à intervenir partout où les intérêts de la France seront menacés.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit donc de porter à 18,5 milliards d’euros les crédits d’équipement, soit une augmentation de 1,2 milliard d’euros.
Un effort particulier sera également mené en faveur des dépenses d’infrastructures, lesquelles ont trop longtemps été les variables d’ajustement des budgets de la défense. C’est fini ! Hors dissuasion et hors fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2018 porte à 1,5 milliard d'euros les dépenses d’infrastructures, ce qui représente une augmentation de 25 % par rapport à 2017.
Il permet également de prendre en compte mon engagement pour l’innovation. Je place en effet celle-ci au centre de mon action, car c’est le seul moyen que nous avons de répondre à des ennemis mieux armés, mieux équipés. C’est aussi le seul moyen de répondre à des menaces plus diffuses, plus technologiques. Je crois en l’innovation et ce projet de budget consacrera 720 millions d’euros aux études, dans un effort de R&D global porté à 4,7 milliards d’euros. C’est un point de départ, et la LPM dont nous discuterons au premier trimestre 2018 prévoira une augmentation rapide et importante des budgets des études et du soutien à l’innovation.
Le projet de loi de finances pour 2018 n’oublie pas certaines de nos priorités. Je pense notamment au renseignement et à la cyberdéfense. Les moyens que nous y consacrons sont consolidés et nous connaîtrons de nouvelles augmentations d’effectifs dans ces domaines.
J’aimerais conclure cette présentation générale en ajoutant que ce projet de budget est une étape. Chaque année jusqu’en 2022, le budget de la défense croîtra de 1,7 milliard d’euros supplémentaires. Nous gardons donc bien le cap vers l’objectif fixé par le Président de la République : consacrer 2 % du PIB à la défense en 2025.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que cette présentation générale répond à un certain nombre des questions que vous avez pu soulever lors de vos interventions. J’aimerais néanmoins revenir sur quelques points que vous avez soulignés.
Le premier d’entre eux est la question de la fin de gestion 2017. J’entends tout à fait vos interrogations. Je constate même que cela pousserait certains d’entre vous à ne pas voter une hausse de 1,8 milliard d’euros du budget de notre défense.
Vous connaissez tous l’enjeu de cette fin de gestion pour le ministère des armées : il était double.
Tout d’abord, il s’agissait de couvrir les surcoûts des OPEX et des missions intérieures. C’est chose faite, puisque j’ai obtenu un arbitrage favorable pour une couverture intégrale de ces surcoûts, sans annulation sur le budget des armées, dans le cadre des projets de décrets d’avance et de la loi de finances rectificative de fin d’année.
Ensuite, et vous l’avez souligné à plusieurs reprises, il s’agissait d’obtenir le dégel des 700 millions d’euros de crédits rendus indisponibles sur le programme « Équipements des forces » de la mission « Défense ».
Sur ce sujet, les arbitrages sont en cours. (Exclamations. – M. le président de la commission des affaires étrangères s’impatiente.) Certains l’ont rappelé, je n’ai jamais rien lâché sur le budget des armées ;…
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
Mme Florence Parly, ministre. Mais vous comprenez que, dans cette période de négociations, je ne suis pas encore en mesure de tout vous dire… Ce que je puis affirmer, en revanche, c’est que ces crédits n’ont pas fait l’objet d’une décision d’annulation dans le cadre de la fin du schéma de fin de gestion. C’est déjà une première étape.
Sans préjuger le reste, je constate que cela laisse ouverte l’hypothèse d’un arbitrage favorable pour le dégel de ces 700 millions d’euros de crédits, qui sont nécessaires au financement de l’équipement de nos forces et à la maîtrise du niveau de notre report de charges d’entrée en gestion 2018.
Il s’agit, bien sûr, d’un élément important pour notre défense, mais aussi pour la prochaine LPM. Je peux donc vous dire que je reste déterminée à obtenir le dégel de ces 700 millions d’euros de crédit.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Nous l’espérons !
Mme Florence Parly, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question de l’annulation des 850 millions d’euros de crédits intervenue au mois de juillet 2017 est revenue à maintes reprises dans vos interventions. Je n’y reviens pas, tout a été dit sur notre détermination à faire en sorte que ces annulations ne portent pas sur la substance même de ce budget.
Je répondrai maintenant plus précisément à certains d’entre vous.
Monsieur Guerriau, vous avez exprimé vos attentes en faveur des conditions de vie des militaires. Les femmes et les hommes de la défense, ainsi que leurs familles, font preuve d’un courage et d’un engagement exemplaires. Ils sont au cœur de mon action, et j’ai déjà détaillé quelques-unes des mesures du plan Famille.
Vous m’avez interrogée en particulier sur la directive européenne sur le temps de travail. La transposition de cette directive fragiliserait le statut militaire et l’obligation de disponibilité qui en découle. Le temps d’activité des militaires ne saurait en effet reposer sur une logique purement comptable. On n’est pas militaire quelques heures par jour, on l’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La gestion de ce temps d’activité doit donc laisser, dans un cadre réglementaire adapté, une marge d’appréciation au commandement, responsable à la fois de la condition du personnel et de la bonne exécution des missions.
J’ai par conséquent demandé à mes services d’expertiser les options possibles et de me fournir une étude approfondie, afin de mesurer les impacts de cette directive européenne, en tenant compte du retour d’expérience des pays européens qui l’ont mise en œuvre, notamment l’Allemagne.
Madame Prunaud, vous avez vous aussi exprimé votre préoccupation à l’endroit des conditions de vie de nos militaires et vous êtes interrogée sur le bien-fondé de notre dissuasion.
Pour ma part, je souhaite réaffirmer mon plein soutien, conformément au souhait du Président de la République, au budget qui sera consacré dans les prochaines années au renouvellement des deux composantes de notre dissuasion nucléaire.
En effet, c’est notre dissuasion qui permet de préserver notre liberté d’action et de décision en toutes circonstances. C’est aussi elle qui permet au Président de la République d’écarter toute forme de menace ou de chantage qui viserait à nous paralyser. C’est donc une dissuasion défensive, qui a pour finalité de préserver la capacité de notre nation à vivre, c’est-à-dire de protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre du débat sur le prochain projet de loi de programmation militaire.
Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur la réforme du service de santé des armées, le SSA.
Le SSA s’est engagé dans une démarche de transformation, qui prévoit notamment une meilleure insertion de ses établissements dans les territoires de santé et garantit un niveau d’activité permettant à son personnel d’atteindre un niveau de performance technique optimal.
De nombreuses mesures ont été prises pour 2018, à commencer par la fin du déploiement des seize centres médicaux des armées nouvelle génération, l’amélioration de la performance et la consolidation des partenariats des hôpitaux d’instruction des armées, les HIA. L’Institut de recherche biomédicale des armées aura pour objectif d’achever la mise en service de ses laboratoires confinés NRBC ; l’école du personnel paramédical des armées de Toulon et l’école de santé des armées du Lyon seront regroupées sur le site de Lyon. Enfin, nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance du SSA pour assurer une plus grande cohérence à sa tête.
Tous ces éléments ne remettent évidemment pas en cause les remarques que vous avez pu formuler sur les difficultés que le service de santé des armées a pu éprouver face à l’évolution rapide, voire très rapide, qui lui a été demandée. Je partage tout à fait votre préoccupation, car il s’agit là d’un service absolument essentiel au bon fonctionnement des armées.
Monsieur Allizard, je vous remercie d’avoir insisté sur l’importance de l’innovation, de la recherche et des moyens qui y seront consacrés. Je suis très heureuse de vous avoir entendu en parler, car c’est un sujet auquel j’attache une importance toute particulière.
Aujourd'hui, le ministère des armées s’engage pleinement pour l’innovation et chacun a maintenant pris la mesure des enjeux que cela implique.
Vous avez particulièrement appelé mon attention sur l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA. Vous l’avez souligné, l’ONERA est dans une situation financière fragile. Il doit donc se réformer pour dégager les ressources nécessaires afin de mener ses activités d’établissement de recherche et d’opérateur de grands moyens techniques dans une logique de complémentarité avec les industriels du secteur, conformément au contrat d’objectifs et de performance 2017-2021, signé à la fin de l’année dernière.
Je suis ce dossier avec attention, et plusieurs orientations doivent être prises, conformément au contrat d’objectifs et de performance. Je pense notamment à une réorganisation des implantations de l’ONERA, en particulier en Île-de-France, avec le passage de trois sites à un site centré sur Palaiseau à l’horizon de 2022 ou à une meilleure valorisation des résultats de la recherche de l’Office, avec pour but une augmentation significative de ses recettes contractuelles.
Vous avez également appelé mon attention sur l’importance stratégique de la base de Djibouti. Il s’agit en effet d’une base majeure dans une zone marquée par les conflits – au Yémen ou en Somalie –, où la France et ses armées comptent bien rester implantées dans la durée. Nous y disposons de plus de 1 450 personnes, d’une base aérienne, d’un régiment, d’une base navale. Nous garderons nos positons sur place en étroite coopération avec le gouvernement djiboutien.
De là, nous continuerons à former les armées africaines qui sont impliquées dans la sécurité de la zone somalienne. Nous continuerons à contribuer, avec nos partenaires européens, à la sécurité des détroits, tout en restant vigilants face à l’implantation récente et très importante, que vous avez rappelée, de l’armée chinoise sur place.
Djibouti continuera donc, et j’y veillerai dans le cadre du prochain projet de loi de programmation militaire, d’être une base essentielle dans notre dispositif des forces de présence.
Monsieur Boutant, je vous remercie d’avoir salué l’effort de renforcement des effectifs entamé dans le cadre de la loi de programmation actualisée en faveur des services de renseignement.
Vous avez attiré mon attention sur la DRSD, dont les missions ont été fortement accrues au cours des années précédentes – l’exercice de ces missions a parfois été rendu difficile, notamment lors d’un certain nombre de contrôles –, ainsi que sur la situation de ses infrastructures.
J’ai pu moi-même prendre la mesure de la situation et me rendre compte de la transformation profonde à laquelle cette direction s’est pliée. Cette transformation mérite d’être pleinement soutenue par une remontée en puissance des effectifs. C’est prévu, notamment dans le cadre du présent projet de loi de finances.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu non pas à toutes vos interrogations, mais à un certain nombre d’entre elles. Je crois très sincèrement que le budget pour l’année 2018 est une opportunité rare pour nos armées, pour notre défense et pour notre sécurité.
L’augmentation de 1,8 milliard d’euros est la réponse aux besoins de nos armées, mais également la réponse attendue par nos concitoyens face aux menaces qui pèsent sur la France et qui ont été parfaitement identifiées dans la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Enfin, ce projet de loi de finances constitue une base saine pour le prochain grand exercice que nous effectuerons ensemble, c'est-à-dire la construction de la loi de programmation militaire. Ce texte sera l’occasion de dessiner la défense de demain, une défense que je veux plus forte, plus innovante, plus européenne. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que je pourrai compter sur vous, sur votre bonne volonté et sur votre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
47 186 932 119 |
42 638 651 547 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 443 116 886 |
1 395 651 759 |
Préparation et emploi des forces |
8 817 980 528 |
8 066 880 474 |
Soutien de la politique de la défense |
23 264 841 255 |
22 932 874 172 |
Dont titre 2 |
20 374 131 933 |
20 374 131 933 |
Équipement des forces |
13 660 993 450 |
10 243 245 142 |
L'amendement n° II-173, présenté par Mme Prunaud, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
|
|
|
|
Préparation et emploi des forces |
|
|
|
|
Soutien de la politique de la défense dont titre 2 |
2 500 000 000 |
|
2 500 000 000 |
|
Équipement des forces |
|
2 500 000 000 |
|
2 500 000 000 |
TOTAL |
2 500 000 000 |
2 500 000 000 |
2 500 000 000 |
2 500 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. À la suite de votre intervention, madame la ministre, je suis amenée à revoir ce que j’avais prévu de dire. Et je ne reviendrai pas, par ailleurs, sur ce que j’ai dit lors de la discussion générale, ce n’est pas la peine.
J’insisterai tout de même sur un point : avons-nous réellement besoin de produire autant d’armes de destruction massive ? Ne pourrait-on pas mener une réflexion pour l’avenir, madame la ministre, sur ce point si nous voulons sortir du nucléaire ? Ce sujet nous tient à cœur, même si nous n’avons pas toujours les solutions.
Par ailleurs, comme l’a montré Dominique de Legge dans son rapport, la situation immobilière de l’armée est très préoccupante, mais sur ce sujet également, madame la ministre, vous avez donné des réponses claires.
Je suis également inquiète – nous devrons en discuter de nouveau très prochainement – par rapport aux nombreuses infrastructures qui commencent à reprendre forme et à être habitables par les personnels de nos armées.
Enfin, le Président de la République a promis l’instauration d’un service national universel. Compte tenu de la situation de nos armées et de nos soldats actuellement, ce projet ne me semble personnellement ni souhaitable ni envisageable, mais nous y reviendrons.
Cela dit, monsieur le président, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-173 est retiré.
L'amendement n° II-174, présenté par Mme Prunaud, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
|
|
|
|
Préparation et emploi des forces |
|
143 270 000 |
|
142 070 000 |
Soutien de la politique de la défense dont titre 2 |
|
|
|
|
Équipement des forces |
143 270 000 |
|
142 070 000 |
|
TOTAL |
143 270 000 |
143 270 000 |
142 070 000 |
142 070 000 |
SOLDE |
0 |
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La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement porte sur la participation de la France à l’OTAN. J’ai abordé ce sujet lors de la discussion générale, évoqué les problèmes de souveraineté et le fait que, selon nous, l’OTAN a bafoué la Charte des Nations unies.
L’OTAN est toujours en opposition avec l’ONU, comme si elle induisait une logique de blocs et la poursuite des conflits. Partout où l’OTAN se renforce – on l’a vu notamment après la guerre froide et la séparation des différents États de l’ex-Union soviétique –, la course aux armements progresse. C’est systématique.
Mes chers collègues, à chaque fois qu’on développe l’offre, on ne promeut pas la paix. Lorsqu’on parle de l’armée, on parle de guerre, mais le rôle de l’armée devrait aussi être de savoir faire et de savoir gérer la paix.
Cet amendement vise donc à rediscuter de la participation de la France à l’OTAN. Il s’agit d’ouvrir une discussion et de réfléchir à d’autres manières d’anticiper ou de gérer les conflits, car nous ne parlons pas beaucoup de ces sujets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Cet amendement vise à diminuer les crédits consacrés à la participation de la France à l’OTAN de 143 millions d’euros.
Madame Prunaud, la France est un membre fondateur de l’OTAN. Nous ne pouvons pas être isolés. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, ministre. Madame la sénatrice, je comprends qu’il s’agit là d’un amendement d’appel. Néanmoins, j’émets le même avis que la commission.
M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° II-174 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-174 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 52 septies et 52 octies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».
Défense
Article 52 septies (nouveau)
À la fin du II de l’article 74 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2018 ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 52 septies
M. le président. L'amendement n° II-207 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Guerriau, A. Marc, Fouché, Bignon, Lagourgue et Decool, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 52 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur le coût du Service national universel, la nature de son financement et le calendrier budgétaire afférent.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Le Président de la République s’est engagé sur la mise en place au cours de son quinquennat d’un service national universel, qui devrait être expérimenté en 2019, c'est-à-dire demain. Nous aurons donc bientôt à en rediscuter.
Dans un rapport de juin 2017, le Sénat avait le premier évalué le coût d’un rétablissement pur et simple du service national à un montant compris entre 15 milliards d’euros et 35 milliards d’euros sur le quinquennat. Il ne s’agit pas aujourd'hui de rétablir le service militaire comme il a existé dans le passé. Ce rapport a heureusement contribué à réorienter la réflexion vers des dispositifs plus réalistes, mais dont le financement demeure flou : combien ce futur dispositif coûtera-t-il ? Le financement sera-t-il interministériel ? Si oui, dans quelles proportions ?
Un grand nombre de questions se posent, comme vous pouvez le constater, qui devraient être éclaircies avant le débat d'orientation des finances publiques de l’année prochaine, eu égard aux difficultés budgétaires et aux choix que nous devons faire. Même si le fait que le budget de la défense soit en augmentation est une source de satisfaction, nous nous interrogeons sur l’ensemble des domaines qu’il faut traiter.
Ce calendrier devrait en outre correspondre à la remise des travaux de la commission chargée d’étudier la question de la création du service national universel. Cette commission pourra ainsi contribuer à la rédaction du rapport que vise le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Lorsque la ministre est venue devant la commission des finances, elle a indiqué en réponse à la question qui lui était posée que le secrétaire d’État travaillait actuellement sur cet engagement du Président de la République.
Vous demandez la remise d’un rapport dans six mois, cher collègue, or je ne sais pas où nous en serons alors sur cette question. Par ailleurs, je ne doute pas un instant que le ministre associera les parlementaires à ce projet. Avant de demander la remise d’un rapport, peut-être devrions-nous avoir une discussion à cet égard ?
Dans ces conditions, je vous propose, cher collègue, de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, ministre. Pour des raisons similaires, je ne suis pas favorable à cet amendement.
En effet, le Premier ministre a confié à différents corps d’inspection le soin de recenser les dispositifs existants, les formations à la citoyenneté, les budgets qui y sont consacrés, bref de rassembler tous les éléments qui sont nécessaires à la décision, afin de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République de créer un service national pour promouvoir la citoyenneté et une culture de l’engagement. Le rapport qui a été demandé aux corps d’inspection sera prochainement remis au Premier ministre.
Par ailleurs, des missions d’information ont été créées dans chacune des deux assemblées. Le Gouvernement associera naturellement les parlementaires à ces réflexions, une fois que ce rapport aura été rendu. Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire, pour la bonne information du Parlement, de poser ce principe par voie d’amendement, car cette concertation aura évidemment lieu.
M. le président. Monsieur Guerriau, l'amendement n° II–207 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Guerriau. Nous aurons à cœur de nous impliquer dans ces missions d’information, au sein desquelles nous serons très présents, attentifs et constructifs. Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-207 rectifié est retiré.
Article 52 octies (nouveau)
I. – L’article 146 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du I est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « invalidité », sont insérés les mots : « , une pension militaire d’invalidité » ;
b) À la fin de la dernière phrase, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
2° Sont ajoutés des III et IV ainsi rédigés :
« III. – Les militaires reconnus atteints, au titre de leur activité en qualité de militaire, d’une maladie provoquée par l’amiante figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la défense peuvent demander à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité et à percevoir à ce titre une allocation spécifique.
« Cette allocation peut se cumuler avec une pension de réversion, une pension militaire d’invalidité ou une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Une allocation différentielle peut être versée en complément d’une pension de réversion. Ce cumul ne peut excéder le montant de l’allocation prévue au présent III.
« La durée de la cessation anticipée d’activité est prise en compte pour la constitution et la liquidation des droits à pension des militaires qui sont exonérés du versement des cotisations pour pension.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent III notamment, les conditions d’âge et de cessation d’activité ainsi que les modalités d’affiliation au régime de sécurité sociale, les conditions de cessation du régime prévu au présent III et l’âge auquel l’allocation est alors remplacée par la pension à laquelle les intéressés peuvent prétendre.
« IV. – Les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public exerçant ou ayant exercé certaines fonctions dans des établissements ou parties d’établissement de construction ou de réparation navales du ministère chargé de la défense ou du ministère chargé de la mer pendant les périodes au cours desquelles y étaient traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante peuvent demander à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité et percevoir à ce titre une allocation spécifique.
« Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas du I sont applicables aux bénéficiaires du régime prévu au présent IV.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent IV, notamment les conditions d’âge et de cessation d’activité ainsi que les modalités d’affiliation au régime de sécurité sociale, les conditions de cessation du régime prévu au présent IV et, par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale et à l’avant-dernier alinéa du I du présent article, l’âge auquel l’allocation est alors remplacée par la ou les pensions de vieillesse auxquelles les intéressés peuvent prétendre. »
II. – L’article L. 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Après le sixième alinéa, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° S’il s’agit d’une maladie provoquée par l’amiante, qu’elle soit désignée par les tableaux de maladies professionnelles prévus à l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et contractée par le militaire dans l’exercice ou à l’occasion du service dans les conditions mentionnées à ces tableaux. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa, la première occurrence du mot : « au » est remplacée par les références : « aux 1° et 2° du ».
III. – L’article 96 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) et l’article 157 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 sont abrogés.
IV. – L’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité attribuée au titre de l’amiante par le ministère des armées aux fonctionnaires placés en disponibilité ou en position hors cadres et aux ouvriers de l’État, en fonction dans l’entreprise mentionnée à l’article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001(n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) et recrutés par celle-ci avant l’entrée en vigueur de la présente loi, est calculée sur la base du montant moyen des rémunérations brutes des douze derniers mois d’activité résultant d’une reconstitution de carrière au titre de la période d’emploi en qualité de salarié de l’entreprise.
Le montant moyen ainsi défini doit également être pris en compte pour la détermination des droits à pension de retraite de ces agents.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent IV. – (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 1er décembre 2017, à neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 121, 2017-2018) ;
Rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 122, 2017-2018).
Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV ;
- Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 53, 54, 54 bis, 54 ter et 54 quater) ;
- Budget annexe : Contrôle et exploitation aérien ;
- Compte spécial : Aides à l’acquisition de véhicules propres ;
- Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ;
- Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ;
- Compte spécial : Transition énergétique.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante.)
nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Ratification d’une ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Mme Catherine Di Folco, M. Hervé Marseille, Mme Marie-Pierre de la Gontrie, MM. Xavier Iacovelli, Julien Bargeton.
Suppléants : M. François Bonhomme, Mmes Nathalie Delattre, Jacky Deromedi, M. Yves Détraigne, Mme Muriel Jourda, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Pierre Sueur.
Ratification de trois ordonnances relatives au domaine de la santé
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Alain Milon, Mmes Corinne Imbert, Chantal Deseyne, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Yves Daudigny, Jean-Louis Tourenne, Michel Amiel.
Suppléants : Mme Laurence Cohen, M. Gérard Dériot, Mmes Élisabeth Doineau, Véronique Guillotin, Florence Lassarade, Michelle Meunier, M. René-Paul Savary.
nomination de membres d’organismes extraparlementaires
La commission des affaires sociales a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :
- M. Jean-Noël Cardoux est membre titulaire du comité de surveillance de la caisse d’amortissement de la dette sociale ;
- M. René-Paul Savary et Mme Monique Lubin sont membres titulaires du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse ;
- Mme Laurence Cohen est membre titulaire de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
- Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Jomier et Michel Amiel sont membres titulaires du conseil d’orientation de l’agence de biomédecine ;
- M. René-Paul Savary, Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe sont membres titulaires du conseil d’orientation des retraites ;
- M. René-Paul Savary est membre titulaire du conseil de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;
- M. Yves Daudigny est membre titulaire du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;
- Mme Nadine Grelet-Certenais est membre titulaire et M. Olivier Henno membre suppléant du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD