Mme la présidente. Mon cher collègue, je préside cette séance et vous confirme que le vote n’a pas encore eu lieu : ces amendements ne sont donc pas encore rejetés. Cela va être rectifié.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. L’engagement du Gouvernement pour réunir les conditions de l’attractivité de Paris et de la France est total. J’en veux pour preuve la suppression de la dernière partie de la taxe sur les salaires, qui vise notamment un certain nombre d’établissements financiers. Il s’agit là d’adresser un message clair.
Par ailleurs, une mission se penche sur les conditions liées à l’accueil de ceux qui quitteront Londres pour suivre l’établissement à Paris de certaines structures financières. Les demandes portent par exemple sur la scolarisation ou sur un certain type d’éducation. Il faut en tenir compte et créer un contexte favorable.
De façon plus générale, il ne vous a pas échappé – c’est l’ancien corapporteur sur la loi de modernisation du droit du travail qui s’exprime – que nous n’avons pas hésité à pousser les feux sur un certain nombre de tabous français ce qui crée un choc favorable – nous sommes confiants sur ce point. Je le mesure lors de mes déplacements à l’étranger, près de quinze jours sur trente : le regard sur notre pays change et c’est positif en termes d’attractivité.
Mme la présidente. Monsieur Bocquet, l’erreur technique a été corrigée.
M. Éric Bocquet. Je vous remercie, madame la présidente.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On a préjugé l’issue du vote… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-236 et I-574.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-130 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Longuet et Mme Boulay-Espéronnier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Avec le Brexit, la place financière de Paris a l’occasion historique de renforcer son attractivité en attirant à elle les capitaux de la City. Dans la compétition fiscale qui l’oppose à l’Allemagne, la France est pénalisée par le maintien de la taxe sur les transactions financières. Cet amendement vise donc à supprimer l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est tentée par cet amendement…
Comme cela a été souligné, ni l’Allemagne ni les Pays-Bas n’ont de taxe sur les transactions financières, ce qui constitue un avantage compétitif pour eux et un handicap pour la France.
Je précise, pour être tout à fait complet, que le Royaume-Uni a mis en place un droit de timbre dont le rendement est de l’ordre de 1 milliard de livres sterling, un peu inférieur à celui de la taxe instaurée en France, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Si l’on voulait aller jusqu’au bout de la logique, il serait tout à fait normal de supprimer totalement cette taxe. Reste que cela correspondrait à une perte de recettes de 1,5 milliard d’euros, dont plus de la moitié est affectée au Fonds de solidarité pour le développement. Plusieurs collègues, notamment des membres de la commission des finances, ont souligné la difficulté d’abonder de tels fonds, à un moment où la question de l’immigration illégale en Europe se pose et où l’aide publique au développement ne doit pas être relâchée.
Pour cette raison et malgré les incidences regrettables que cela peut avoir sur la compétitivité de la place de Paris, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Décidément, le Gouvernement est en phase avec la commission ! (Sourires.)
Plus sérieusement, le Président de la République a émis le souhait d’aller vers une convergence fiscale et sociale. Nous y travaillons. L’idée est de créer une TTF européenne en prenant appui sur la TTF française, comme l’a indiqué le Président de la République lors de son discours à la Sorbonne.
Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur général, si cet amendement était adopté, il entraînerait une perte de recettes de 1,5 milliard d’euros. Je sais que le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été voté la semaine dernière avec un différentiel de 7 milliards d’euros. Pour autant, il est compliqué de faire aboutir votre proposition, madame la sénatrice.
En tout cas, je reconnais bien là la persévérance de Philippe Dominati et la vôtre quand il s’agit de liberté. Cela étant dit, il nous faut des outils permettant de financer une politique ambitieuse d’aide au développement. J’aurai peut-être l’occasion de revenir sur ce sujet un peu plus tard.
À ce stade, je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Céline Boulay-Espéronnier, l'amendement n° I-130 rectifié est-il maintenu ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je prends acte de l’esprit constructif de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État. Sans faire de jeu de mot fallacieux, je ferai preuve du même état d’esprit : je retire cet amendement, madame la présidente. (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-130 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-237 est présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Prunaud, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° I-322 rectifié est présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret, MM. Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Todeschini, Temal, Vallini et Vaugrenard, Mmes de la Gontrie, Bonnefoy, Ghali, Van Heghe, Guillemot, Lienemann, Harribey et Lubin, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. Tissot, Madrelle et Dagbert, Mme Monier, MM. Daudigny, Tourenne et Lozach, Mme S. Robert, MM. Montaugé, Fichet et Cabanel, Mme Blondin, M. Courteau, Mme Espagnac, MM. Manable et Leconte et Mme Meunier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au V de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,5 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-237.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à porter le taux de prélèvement de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,5 %, ce qui n’est pas une approche maximaliste.
Il s’agit de dégager de nouvelles recettes pour l’État, afin de permettre à la France de tenir ses engagements en matière d’aide au développement. Nous en revenons au débat que nous avons eu précédemment.
Cela fait presque cinquante ans que notre pays, comme tous les pays de l’OCDE, a pris l’engagement, conformément à une résolution de l’ONU, de consacrer 0,7 % de son PIB à la lutte contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique, d’une part, au développement de la solidarité internationale et à l’amélioration de la santé mondiale, d’autre part.
Ce seuil ne sort pas de nulle part. Il a été déterminé par un prix Nobel d’économie, ce seuil permettant selon lui aux pays émergents de connaître un développement durable et indépendant. Si nous continuons à ne pas respecter ce seuil, l’aide publique au développement est vouée à disparaître.
Certains pays ont respecté cet engagement dès 1975. Nous avons voyagé tout à l’heure et évoqué Londres. Pour ma part, je citerai le Danemark, la Suède, la Norvège, et même des pays très libéraux, comme le Royaume-Uni et le Luxembourg, ou encore le pays qu’on nous présente toujours comme modèle au cours de nos débats, l’Allemagne. Tous ont respecté leur engagement !
À cette liste, on pourrait même ajouter, manque de chance pour mes collègues, les États-Unis, qui ont connu un choc d’investissement rapide en matière d’aide au développement. Ils le font non par philanthropie ou par ralliement zélé aux résolutions de l’ONU, mais parce que tous les pays développés ont un certain intérêt à s’engager dans le développement des pays émergents.
Le lien entre pauvreté, conflits armés et terrorisme est établi depuis plusieurs décennies, parce que nous sommes dans un monde globalisé et que la pauvreté là-bas produit toujours des troubles ici, parce que, économiquement, les pays émergents sont un formidable vivier de main-d’œuvre et de partenariats commerciaux, comme le rappelait le G8 en 2005.
J’évoquerai plus particulièrement les cas du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Ces pays ont su s’appuyer sur un essor de la société civile et sur des structures étatiques fortes pour développer leur réseau et leurs investissements. Nous parlons donc de la Nation et de son rayonnement.
Je ne citerai qu’un seul chiffre : la GIZ, l’agence de coopération internationale allemande, compte 17 000 employés et concentre plus de 2 milliards d’euros de dotations, monsieur le secrétaire d’État, soit le double en termes d’investissements de l’Agence française de développement, l’AFD, et le décuple en termes de salariés.
Pour que la France retrouve sa place à l’échelon international, il faut porter le taux de prélèvement de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,5 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l'amendement n° I-322 rectifié.
M. Jean-Yves Leconte. Je salue l’argumentation de M. le rapporteur général, qui nous a expliqué pourquoi il faut maintenir cette taxe.
Le Sénat ayant suivi la proposition du Gouvernement de réduire l’assiette afin qu’elle soit plus robuste, pourquoi ne pas augmenter un peu ce qu’il reste de la taxe sur les transactions financières pour essayer d’atteindre notre objectif de porter à 0,55 % du PIB le taux français de l’aide publique au développement ?
Je rappelle que la Grande-Bretagne et l’Allemagne consacrent 0,7 % de leur PIB à l’aide publique au développement. Nous en sommes à 0,38 %. Nous avons du chemin à faire !
Si l’attractivité de la place de Paris devient un handicap au point de ne nous empêcher de développer un certain nombre de politiques ayant pourtant été annoncées, je m’interroge sur son intérêt. Cette attractivité doit avoir une utilité. Elle doit nous donner plus de moyens pour développer des politiques et non le contraire. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Au nom de cette attractivité, nous renonçons à développer des politiques que même nos partenaires les plus libéraux mettent en œuvre de manière plus efficace !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous pouvons entendre ce qui a été dit sur le Luxembourg, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, dont l’aide au développement est supérieure à celle de la France.
Le problème est que l’adoption de ces amendements ne résoudrait absolument rien, les ressources de l’AFD étant plafonnées. Vous pouvez quintupler le taux, cela ne changera malheureusement strictement rien aux ressources de l’Agence.
En revanche, les effets sur l’attractivité de la place de Paris seraient assez catastrophiques. Les pays que vous avez cités, mon cher collègue – les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne, entre autres –, n’ayant pas de taxe sur les transactions financières, imaginez ce qu’il se passerait si la taxe française était quintuplée : le risque serait que l’assiette disparaisse, les capitaux étant mobiles. Il n’y aurait alors plus de transactions de ce type en France. Mais il y en aurait en Allemagne, aux Pays-Bas, au Luxembourg, tous ces pays n’ayant pas, je le répète, de taxe sur les transactions financières. (M. Jean-Yves Leconte s’exclame.)
La commission émet donc malheureusement un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Vous le savez, le taux initialement prévu pour la TFF lors de sa création a déjà été triplé. Il est passé en 2017 de 0,2 % à 0,3 %, sans que l’on ait encore pu appréhender à ce jour l’ensemble des effets de cette hausse.
Certes, le Royaume-Uni a un taux de 0,5 %, mais il faut savoir que la législation britannique prévoit un grand nombre d’exonérations – comme par hasard ! –, sans commune mesure avec celles qui existent en France. Ainsi, toutes les activités financières des banques de financement et d’investissement échappent à la taxe existant dans ce pays. En France, seules les activités liées à la tenue de marché échappent à la taxe. Restons-en donc là.
Je rappelle enfin – pardon de le dire – que le Gouvernement, sous le précédent quinquennat, ne s’est pas illustré en matière d’aide publique au développement. La courbe s’est véritablement inversée !
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas une excuse pour faire pareil !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Justement, nous, nous faisons l’inverse. Nous n’allons pas faire pareil, nous sommes bien d’accord.
Nous souhaitons porter le taux de l’aide publique au développement de 0,38 % du PIB à 0,55 % à l’échéance 2022. Jean-Yves Le Drian et votre serviteur travaillent d’ailleurs à une nouvelle courbe et à sa prise en compte par Bercy. J’en profite, puisque j’ai la parole et que je suis commis d’office, pour prendre des engagements ! Trêve de plaisanterie. Nous travaillons sur cette question afin de permettre à la France d’être à la hauteur de son ambition.
À ce stade, et pour les raisons qu’a évoquées le rapporteur général, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je comprends très bien qu’on estime que l’aide au développement est très, voire trop faible.
Je rappelle toutefois que, avant la création de cette taxe, l’aide au développement était beaucoup plus forte. Je ne vois donc pas très bien pourquoi on veut absolument aujourd'hui établir un lien entre la taxe et l’AFD.
Trouvons plutôt des solutions en interne pour accroître l’aide publique au développement, menons une véritable politique d’aide au développement, mais ne faisons pas de la taxation financière la seule ressource de l’aide au développement, au risque d’empêcher les entreprises, quelles qu’elles soient, de venir s’installer en France. Si tel était le cas, les recettes diminuant, vous auriez moins de moyens pour faire de l’aide publique au développement. N’instaurons pas un système dans lequel, finalement, tout le monde serait perdant.
J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, que j’ai essayé, du temps glorieux où je représentais la France auprès de l’OCDE, d’obtenir au moins une chose – je vous rassure tout de suite : je n’y suis pas parvenu –, à savoir une définition identique des conditions de l’aide des différents États. À y regarder de près, on se rend compte en effet que l’aide publique au développement ne recouvre pas du tout, mais alors pas du tout, la même chose pour tous les États. Certains en font bénéficier leurs territoires ultramarins, d’autres non ; certains intègrent des aides qui, en réalité, ne sont pas des aides publiques. Avant de comparer, il faudrait donc harmoniser les critères.
Il n’en demeure pas moins que l’aide publique au développement française a faibli, c’est vrai, et qu’on doit l’augmenter, mais pas en un lien avec la taxe sur les transactions financières.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mon intervention ira dans le même sens que celle de Roger Karoutchi.
Si nous voulons augmenter le niveau de l’aide publique au développement de la France, faisons-le directement sur le budget de l’État. Encore faudrait-il s’en donner les moyens ! Il est vrai que c’est plus facile pour l’Allemagne de le faire, pays dont l’excédent budgétaire est de 20 ou 30 milliards d’euros, que pour la France, dont le déficit va dépasser les 80 milliards d’euros.
Le recours aux taxes affectées est un exercice dont on voit bien la limite : pourquoi pénaliser un secteur pour affecter une taxe à une cause, fût-elle belle ? Il en va de même de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Financer la lutte contre le SIDA ou l’aide au développement, c’est très bien, mais pourquoi le faire en ciblant particulièrement un secteur ? Étonnez-vous ensuite que les banques choisissent une autre place que celle de Paris. Il faut être logique ! Mes chers collègues, n’en rajoutons pas !
Monsieur Leconte, je dois dire que je ne regrette pas d’être venu de bonne heure ce matin, car j’ai enfin compris pourquoi nous n’arriverons jamais à tomber d’accord. Vous parlez de dumping fiscal quand il s’agit selon nous de nous placer à peu près dans la moyenne européenne.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. C’est tout de même extraordinaire ! Vous pourriez parler de dumping si le Gouvernement essayait de placer la France au niveau de l’Irlande ou d’un certain nombre d’autres pays. Or nous sommes très au-dessus de la moyenne et nous essayons de revenir dans la moyenne.
Décidément, nous n’arriverons jamais à nous comprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous évoquons un sujet de fond, l’explosion de la finance constatée depuis des décennies.
J’ai en tête l’interview il y a quelque temps du prix Nobel d’économie Muhammad Yunus. Alors qu’on l’interrogeait pour savoir si, dix ans après la crise financière, les leçons avaient été tirées, il a répondu ceci : « Non, aucune. Au lieu de saisir l’occasion de repenser le système, on est repartis comme avant, trop contents de s’être réveillés d’un long cauchemar. Pourtant, nous sommes toujours dans une crise liée à la concentration des richesses, favorisée par le capitalisme. Aujourd’hui, sur la planète, huit personnes détiennent davantage que 50 % des moins riches, soit 4 milliards d’individus. » Ce n’est pas un discours de propagande, c’est la réalité !
En 2015, ces mêmes personnes étaient 58 - on aurait pu à l’époque les mettre dans un bus Macron. Elles étaient 388 en 2010 - on pouvait les mettre dans un Airbus. Aujourd'hui, ces 8 personnes tiendraient dans une voiturette de golf ! À ce rythme d’évolution, dans vingt-cinq ans, le monde connaîtra son premier « trilliardaire », dont la fortune se comptera en milliers de milliards. Il lui faudra vingt-cinq ans pour la dépenser à raison d’un million de dollars par jour.
Voilà où nous en sommes ! Êtes-vous ou non d’accord avec cela ?
La question qui se pose, au-delà de celle de la taxation, est la suivante : où va ce système ? Vous allez nourrir la finance folle, dérégulée, qui va enfler et, un jour, exploser, et peut-être pas dans très longtemps…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je pense que ce débat a du bon, car il nous a permis d’entendre un certain nombre d’engagements, qui nous vont droit au cœur, associés à la lecture de l’article du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 relatif aux crédits du ministère des affaires étrangères, donc aussi à l’aide publique au développement. En 2018, ces crédits s’élèveront à 2,86 milliards d’euros, en 2019, à 2,75 milliards d’euros, en 2020, à 2,66 milliards d’euros. C’est la trajectoire des finances publiques que nous a proposée le Gouvernement.
Si dans cet hémicycle le Gouvernement et la majorité sont d’accord pour dire qu’il faut faire des efforts, que cette trajectoire n’est pas acceptable et qu’il en faut une autre, si le Gouvernement s’engage, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, alors ce débat aura eu du bon.
Ensuite, vous dites, monsieur Dallier, que nous ne nous comprenons pas. Or je n’ai jamais tenu les propos que vous me faites tenir !
M. Philippe Dallier. Ah si !
M. Jean-Yves Leconte. Pas de la manière que vous me prêtez. Je n’accepte pas l’argument selon lequel, puisque nous devons être attractifs, nous devrions développer un certain nombre de politiques afin d’attirer chez nous, plutôt qu’à Francfort ou à Madrid, les banques installées aujourd'hui à Londres.
M. Philippe Dallier. Vous avez parlé de dumping fiscal !
M. Jean-Yves Leconte. Ces arguments ont été avancés aux bancs de la commission et du Gouvernement.
Ce qui est en cause, c’est l’attractivité de la place de Paris par rapport non pas à celle de Singapour, mais à celle d’autres capitales européennes, qui doivent être régulées les unes par rapport aux autres. De ce point de vue, on voit ce que signifie l’explosion de la finance et des engagements des banques dans l’économie réelle. Nous avons déjà vécu cela en 2008, nous avons vu le résultat. Nous ne pouvons pas recommencer aujourd'hui sous prétexte que tout va un peu mieux en termes de finances et de perspectives de croissance. Non !
Le problème majeur, c’est que, si nous encourageons le décalage entre l’économie réelle et la croissance des engagements des opérateurs financiers, grâce aux produits dérivés, entre autres, nous serons de plus en plus fragiles. Nous ne pouvons pas rester dans cette dynamique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai évoqué le contexte international, la question de l’immigration, la difficulté que nous avons à la réguler. Nous pouvons donc tous nous entendre sur la nécessité d’augmenter l’aide publique au développement. La seule difficulté, comme je l’ai déjà indiqué, c’est que, s’ils étaient adoptés, ces amendements ne résoudraient strictement rien, les ressources de l’AFD étant plafonnées. Ces amendements sont donc une pétition de pure forme. Vous pouvez quintupler la taxe, comme vous le proposez, chers collègues, l’AFD n’obtiendra pas un centime de plus !
J’ajoute que tous les pays qui ont été cités, à l’exception du Royaume-Uni, qui a un droit de timbre, n’ont pas de taxe sur les transactions financières. En conclusion, une taxe n’a de pertinence que si elle est instaurée à l’échelon européen, afin d’éviter le déplacement instantané des capitaux.
J’entends ce que dit Éric Bocquet sur la finance folle, les « trilliardaires », etc. Simplement, nous ne sommes pas isolés, seuls sur la planète. Rien ne bouge plus que les capitaux. Si la France était le seul pays à avoir des taxes élevées, elle serait aussi le seul pays que les capitaux fuiraient.
Nous pourrions souscrire à une augmentation de la taxe si elle était décidée à l’échelon européen, mais nous ne pouvons pas être les seuls au monde à défendre la vertu, à taxer les transactions, sinon nous serons aussi les seuls à ne plus avoir de place financière. Chaque fois qu’on a étendu la base, les investisseurs en ont tiré les conclusions et le rendement a baissé. Il y a une corrélation directe entre l’augmentation du taux et la diminution des ressources. Malheureusement, les capitaux vont ailleurs, comme on le voit à chaque fois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Je partage le point de vue du rapporteur général.
Nous faisons tous le constat que le niveau de l’aide publique au développement française est insuffisant. Cette aide représente la moitié, cela a été rappelé, de celle de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, malgré la dette importante, historique, de ce dernier pays. Cela pose la question du consensus national sur l’aide publique au développement.
Techniquement, l’augmentation de la TTF, c’est vrai, n’aurait pas d’effet, les ressources de l’AFD étant plafonnées. Cette agence conduit des projets importants et stratégiques dans les pays du Sud. Je tenais à en témoigner en tant qu’ancienne administratrice de l’AFD.
Par ailleurs, la TTF n’est pas un impôt qui permettra de limiter le développement à l’excès des produits structurés. Malheureusement, mes chers collègues, pour de multiples raisons techniques, c’est un impôt de bourse applicable aux produits dont on connaît l’existence. La mesure que vous appelez de vos vœux n’aurait donc pas d’effet sur les transactions dangereuses.
Comme l’a dit très clairement le rapporteur général, le bon niveau, c’est effectivement l’échelon européen, voire celui de l’OCDE. Si un instrument financier est mis en place, il faut qu’il le soit très largement.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je salue l’engagement de votre gouvernement sur le fond, c’est-à-dire en matière d’aide publique au développement. Nous avons tous conscience que, au cours des décennies à venir, les enjeux que sont la démographie et la pauvreté, en particulier dans les pays du Sud, seront des enjeux majeurs. L’orientation que vous donnez à l’aide publique au développement est la bonne, à charge pour nous de développer un consensus sur la nécessité d’y consacrer des moyens budgétaires significatifs et en progression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-237 et I-322 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15
Mme la présidente. L'amendement n° I-265 rectifié ter, présenté par M. Pillet, Mmes Di Folco et Gruny, MM. Buffet et Revet, Mmes Micouleau et Deromedi, M. Mouiller, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mmes Deroche et Troendlé et MM. Rapin, Milon, Gremillet, Retailleau, Kennel et Bas, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le II de l’article 150 U du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lors de leur attribution à l’un des époux, à titre de prestation compensatoire, dans les formes prévues par le 2° de l’article 274 du code civil. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Cet amendement s’inspire de la proposition de loi tendant à faciliter le règlement des conséquences pécuniaires du divorce, enregistrée le 2 mars dernier. Il vise à mettre fin, au moment du divorce, à la taxation de l’attribution d’un bien propre de l’un des époux à l’autre époux en paiement d’une prestation compensatoire en capital. En effet, l’administration fiscale considère que cette attribution doit être regardée comme une cession à titre onéreux, laquelle constitue le fait générateur de la plus-value immobilière imposable.
Cette interprétation a pour conséquence de rendre peu attractif ce mode de règlement de la prestation compensatoire, car à cette opération est ajoutée une imposition supplémentaire, absente des autres modalités de versement.