M. Michel Canevet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-19 rectifié, présenté par M. Canevet, et ainsi libellé :
Après l'article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 279 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa du a est ainsi rédigé :
« À la fourniture de logements dans les terrains de campings classés et à la location d’emplacement sur les terrains de campings classés ; »
2° Le a ter est abrogé.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 quater.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-57 rectifié est présenté par MM. Adnot, Decool et Kern.
L'amendement n° I-88 rectifié ter est présenté par MM. Pierre, Paul, Danesi, Karoutchi et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Courtial et Rapin, Mme Gruny, MM. Chaize, Perrin, Raison, Kennel, Morisset, Grosdidier, Leleux, Frassa et B. Fournier, Mme Deroche, MM. Pointereau, Revet et Gremillet, Mme Lamure et M. Buffet.
L'amendement n° I-273 est présenté par M. Daubresse.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le j de l’article 279 est abrogé ;
2° Après l’article 281 nonies, il est inséré un article 281 nonies… ainsi rédigé :
« Art. 281 nonies… – La taxe sur la valeur ajoutée est perçue aux taux de 2,10 % pour les rémunérations versées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en œuvre d’un contrat d’objectifs et de moyens correspondant à l’édition d’un service de télévision locale. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-57 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° I-88 rectifié ter.
Mme Jacky Deromedi. Il serait souhaitable que les chaînes de télévision locales bénéficient du même taux de TVA que les chaînes de télévision et de radio du service public, soit 2,10 %.
M. le président. L’amendement n° I-273 n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-89 rectifié ter, présenté par MM. Pierre, Paul, Danesi, Karoutchi et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Courtial et Rapin, Mme Gruny, MM. Chaize, Raison, Perrin, Kennel, Morisset, Grosdidier, Frassa et B. Fournier, Mme Deroche, M. Pointereau, Mme Primas, MM. Revet et Gremillet, Mme Lamure et M. Buffet, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de la section V du chapitre premier du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le j de l’article 279 est abrogé ;
2° Le G est complété par un article 281 … ainsi rédigé :
« Art. 281 … – La taxe sur la valeur ajoutée est perçue aux taux de 5,5 % pour les rémunérations versées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en œuvre d’un contrat d’objectifs et de moyens correspondant à l’édition d’un service de télévision locale. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Si le taux de 2,1 % n’est pas accepté, nous proposons d’appliquer aux chaînes de télévision locales un taux de TVA de 5,5 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements présentent les mêmes inconvénients : premièrement, ils créent une distorsion de concurrence entre les chaînes qui ont signé un contrat d’objectifs et de moyens et les autres ; deuxièmement, se pose la question de leur compatibilité avec la directive TVA. Selon l’analyse qu’en fait la commission, l’extension du champ d’application du taux de TVA de 2,1 % serait contraire aux règles communautaires concernant le taux super-réduit de 2,1 %.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable.
Comme l’a très bien dit M. le rapporteur général, l’adoption d’une telle mesure créerait une distorsion de concurrence entre les chaînes de télévision locales ayant signé un contrat d’objectifs et de moyens avec une collectivité territoriale et les autres. Cela pourrait apparaître quelque peu surprenant au regard de nos règles démocratiques et de l’accès à l’information.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-88 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-89 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-619, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 293 A bis du code général des impôts, il est inséré un article 293 A ter et un article 293 A quater ainsi rédigés :
« Art. 293 A ter – I. – Sont soumis aux dispositions du présent article les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions défini au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« II. – Lorsqu’il existe des présomptions qu’un vendeur établi dans un État ou un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne et exerçant son activité par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne se soustrait à ses obligations en matière de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, l’administration peut signaler ce vendeur à l’opérateur de la plateforme en ligne, afin que celui-ci puisse prendre les mesures permettant au vendeur de régulariser sa situation.
« III. – Si les présomptions persistent après un délai d’un mois, l’administration peut mettre en demeure l’opérateur de plateforme en ligne de prendre les mesures mentionnées au II, ou à défaut, d’exclure le vendeur de la plateforme en ligne.
« IV. – Si, en l’absence de mise en œuvre des mesures mentionnées au III après un délai d’un mois, les présomptions persistent, la taxe est solidairement due par l’opérateur de plateforme en ligne.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret du ministre chargé de l’économie et des finances.
» Art. 293 A quater – I. – Sont soumis aux dispositions du présent article les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions prévu au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« II. – Par dérogation au troisième alinéa du 1 de l’article 293 A, l’opérateur d’une plateforme en ligne peut déclarer, collecter et acquitter la taxe sur la valeur ajoutée pour le compte des vendeurs établis dans un État ou un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne et exerçant leur activité par l’intermédiaire de cette plateforme en ligne, pour les ventes de biens commandés par voie électronique par une personne non assujettie qui est établie, a son domicile ou sa résidence habituelle en France.
« III. – Pour la mise en œuvre du II, l’opérateur de plateforme en ligne retient le montant de la taxe sur le montant brut payé par l’acquéreur, au moment de la transaction.
« Afin de calculer le montant de la retenue, le vendeur communique à l’opérateur de plateforme en ligne les taux, ou le cas échéant les exonérations, applicables à la transaction. L’opérateur de plateforme en ligne s’assure que les informations communiquées par le vendeur ne sont pas manifestement erronées.
« À défaut d’informations communiquées par le vendeur, le montant de la retenue est égal au montant qui résulterait de l’application du taux prévu à l’article 278 au montant hors taxes de la transaction.
« Une fois la retenue effectuée, le vendeur appose sur le bien un dispositif permettant d’attester du paiement de la taxe.
« IV. – Les opérateurs de plateforme en ligne qui mettent en œuvre les dispositions prévues au II ne peuvent être tenus pour solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au sens du IV de l’article 293 A ter.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret du ministre chargé des finances et des comptes publics. »
II. – Après le chapitre premier bis du titre premier de la troisième partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre…
« Obligations déclaratives des opérateurs de plateforme en ligne en matière de taxe sur la valeur ajoutée
« Art. … – I. – L’opérateur d’une plateforme en ligne est tenu de collecter le nom ou la dénomination, l’adresse et le numéro de taxe sur la valeur ajoutée de chacun des vendeurs exerçant une activité par l’intermédiaire de cette plateforme, dès lors que les vendeurs remplissent les deux conditions suivantes :
« 1° Ils sont établis dans un État ou territoire n’appartenant pas à l’Union européenne ;
« 2° Ils vendent ou sont susceptibles de vendre des biens à des personnes non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France.
Ces informations sont communiquées à l’administration, à sa demande, dans les conditions prévues à l’article L. 81 du livre des procédures fiscales.
« II. – Sont soumis aux dispositions du présent article les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions prévu au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret du ministre chargé des finances et des comptes publics. »
III. – 1° Le I est applicable à compter du 1er janvier 2018, sous réserve de l’autorisation du Conseil de l’Union européenne prévue en application de l’article 395 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
2° Le II est applicable à compter du 1er janvier 2018.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement extrêmement important porte sur un sujet auquel le Sénat, et particulièrement la commission des finances, est sensibilisé depuis des années.
Philippe Dallier et moi-même avons visité le centre des postes de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, par lequel transitent chaque jour des milliers de paquets. Nous avons demandé l’ouverture de certains de ces paquets : ce fut édifiant ! L’un d’entre eux contenait cinquante chargeurs de téléphone portable, pour une valeur déclarée de 10 euros. Devant notre étonnement, les douaniers ont fait observer très justement qu’ils n’avaient aucun moyen de contrôle.
Il s’agit notamment d’envois faisant suite à des commandes passées sur des plateformes en ligne qui mettent en relation des vendeurs tiers à la plateforme, opérant souvent depuis des pays asiatiques, et des acheteurs. Tous ces produits transitent ensuite par le fret postal en franchise totale de TVA, la valeur déclarée étant inférieure à 22 euros.
Tous les pays européens sont confrontés à cette même difficulté et les Britanniques ont, semble-t-il, trouvé la solution la plus satisfaisante possible pour lutter contre cette fraude : ils ont tout simplement rendu la plateforme solidairement responsable du bon recouvrement de la TVA. Ce système fonctionne au Royaume-Uni, où le National Audit Office a estimé entre 1 milliard et 1,5 milliard de livres sterling le montant de la fraude à la TVA pour le commerce en ligne, soit 12 %, monsieur le ministre, de la perte de recettes de TVA identifiée par la Commission européenne pour le Royaume-Uni.
Selon la Commission européenne, la TVA est l’impôt qui donne le plus lieu à fraude. Cette fraude est multiforme –on pense en particulier à la fraude « carrousel », contre laquelle vous luttez –, mais celle qui est liée au commerce en ligne est donc loin d’être négligeable. Nous sommes parfois amenés à émettre, à notre grand regret, des avis défavorables sur des amendements tout à fait légitimes coûtant parfois quelques millions d’euros, voire moins. À côté de cela, on laisse s’évaporer des milliards d’euros…
Donnons enfin sa chance à la lutte contre la fraude, en nous inspirant du système britannique. Je pense que le Sénat aura à cœur de soutenir cet amendement, sur lequel le ministre chargé des douanes émettra évidemment un avis favorable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage la préoccupation exprimée par le rapporteur général et je salue moi aussi le travail très important effectué par les douaniers, à Roissy et partout sur le territoire.
Je suis d’accord avec le constat posé, mais le système que vous proposez de mettre en place, monsieur le rapporteur général, revient finalement à imposer aux plateformes en ligne de payer une taxe sans véritable lien avec la fraude que vous dénoncez.
Par ailleurs, la France s’est engagée à transposer d’ici à 2021 une directive afin de se doter de moyens de lutte contre la fraude à la TVA. Compte tenu de cet engagement pris à l’égard de nos partenaires, l’avis du Gouvernement ne peut pas être favorable. J’émettrai un avis de sagesse pour bien signifier que je partage l’objectif de lutte contre la fraude.
Cela étant, comme cet amendement sera sans doute adopté, nous aurons l’occasion, lors de la deuxième lecture, de revenir sur ce sujet, sur lequel nous travaillons avec les services des douanes. D’ici là, monsieur le rapporteur général, si vous le souhaitez, le directeur général des douanes viendra fournir à la commission des finances toutes explications nécessaires sur l’action des douaniers dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Voilà déjà quelques années que la commission des finances du Sénat travaille sur ce sujet. Nous avons certainement été les premiers en France à nous pencher sur le problème.
Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est que la TVA, première ressource du budget de l’État, va s’évaporer du fait du développement incroyable du commerce électronique. Depuis quatre ou cinq ans, nous sommes persuadés que toute solution fondée sur des déclarations et des contrôles a posteriori par les douanes, dans les entrepôts de Roissy ou ailleurs, serait totalement inopérante. Ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à lutter contre la fraude !
C’est pourquoi, depuis quelques années, nous plaidons pour le split payment, dispositif assez simple, même si une harmonisation au niveau européen sera nécessaire. En vertu de ce mécanisme, lors d’un achat en ligne, un tiers de confiance verserait le montant hors taxe au vendeur et la TVA directement à l’État. Lorsque nous avons commencé à mettre en avant cette solution, les services des douanes étaient effarés de son caractère innovant. Mais lorsqu’on voyage en Europe, on s’aperçoit que tout le monde finit par envisager d’adopter un tel système.
Notre crainte, c’est que l’on en soit encore au stade des paroles dans cinq ans, alors que pendant ce temps le chiffre d’affaires du commerce électronique n’aura cessé de croître à une vitesse considérable.
Le guichet unique, c’est sympathique, mais je crains que l’on ne fasse que courir derrière le monde du e-commerce et que l’on soit toujours dépassé par ses transformations. Des centaines de millions d’euros sont en jeu : que faisons-nous pour avancer sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Chaque année, nous présentons un amendement afin de soulever cette question. Les Britanniques, que nous sommes allés voir l’année dernière pour qu’ils nous expliquent leur système de responsabilisation des plateformes, sont en train de réfléchir à la mise en place du split payment. Que font le Parlement et le Gouvernement français ? Que font les Européens ? C’est vraiment un sujet très important, sur lequel nous avançons trop lentement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Nous avons voté hier la contribution de la France au budget de l’Union européenne, nous sommes à la veille, si je puis dire, de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, ainsi que de l’émergence de missions européennes de nature véritablement régalienne – lutte contre l’immigration illégale, renforcement des frontières de l’espace Schengen, problématiques de défense. Il convient, dans ce contexte, de conforter le budget de l’Union européenne au travers des recettes de TVA : cette démarche est au cœur du rapport Monti. Or le manque à gagner lié à la fraude est estimé à 15 milliards d’euros. Par conséquent, je ne peux que soutenir l’amendement du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. C’est le premier de cette série d’amendements relatifs à la TVA que je vais voter. Je n’ai pas voté les précédents, car, comme cela a été dit, la TVA est un impôt qui est déjà trop complexe et trop « mité ». Tenons-nous-en, par conséquent, à la règle suivante : un objectif, un impôt. La TVA sert à financer les services publics. Si l’on veut encourager par exemple les comportements écologiques, on peut recourir à la fiscalité écologique.
Le présent amendement est différent. Il prend en compte les évolutions du monde, notamment sa numérisation et sa globalisation, qui bouleversent notre économie, et partant notre fiscalité. Il est donc essentiel que le Parlement se saisisse de cette question. Le ministre a objecté qu’il fallait encore y travailler et que le Gouvernement se bat, à l’échelle européenne, pour faire évoluer les choses, mais il me semble important que nous votions ce qui est une sorte d’amendement d’appel, pour bien signifier que nous devons inventer progressivement des solutions. Celle-là en est une, sans doute y en a-t-il d’autres. En tout état de cause, il faut réguler en prenant en compte le développement massif de l’économie numérique, qui a des conséquences très concrètes notamment en matière fiscale.
L’équilibre trouvé me paraît intéressant. Sans doute ce texte évoluera-t-il à l’avenir, mais c’est une première pierre.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. En tant que rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je dois bien constater que nous sommes confrontés à une évolution incontestable. Peut-être faut-il que nous recevions le directeur général des douanes, monsieur le ministre, mais nous devrions également nous déplacer à Roissy pour étudier, comme l’ont déjà fait le rapporteur général et M. Dallier, la situation en matière de transit des colis. Ce serait certainement très instructif pour chacun d’entre nous. Nous pourrions alors constater que les valeurs déclarées sont souvent étonnamment basses, parfois inférieures à 10 euros.
Nous devrions à mon sens adopter l’amendement du rapporteur général, qui représente une amorce. L’échéance de 2021 pour la transposition de la nouvelle directive est trop éloignée, monsieur le ministre, il nous faut avancer dès aujourd’hui en marquant notre soutien unanime à la proposition du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai l’amendement du rapporteur général, qui va tout à fait dans le bon sens. Je ne suis pas un spécialiste du commerce en ligne, mais les témoignages sur la situation à Roissy que nous avons entendus manifestent l’ampleur du manque à gagner pour le budget de l’État et la nécessité d’agir.
En tant que sénateur des Ardennes, département frontalier, je connais l’engagement des services des douanes dans la lutte contre la fraude. Les moyens humains sont ce qu’ils sont, mais la lutte contre la fraude en général relève aussi des directions départementales des finances publiques. On peut comprendre les difficultés que les personnels rencontrent sur le terrain pour mener ce combat permanent. La tâche reste immense.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. M. le rapporteur général a fait référence aux conclusions d’un groupe de travail. Généralement, l’assiette de taxation, c’est le bien. Philippe Dallier a montré tout à l’heure que, désormais, avec l’économie numérique, nous sommes confrontés à des flux. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes aperçus que les banques avaient une parfaite connaissance des flux liés à l’économie numérique, puisque toute transaction donne lieu à un règlement. Nous connaissons donc la base taxable.
Devons-nous maintenant continuer à construire la législation fiscale autour du bien ou mettre en place un système fondé sur le suivi des flux ? Dans cette seconde hypothèse, nous ne sommes pas obligés de nous référer toujours à l’Europe : nous pouvons décider de créer dans notre législation un impôt sur les flux. Bien évidemment, il faudra tenir compte de la TVA intracommunautaire, mais retenir cette base de taxation rapporterait certainement quelques centaines de millions d’euros à l’État.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Le groupe Union Centriste soutient totalement cet amendement et souligne le travail extrêmement important effectué au sein de la commission des finances sous la houlette du rapporteur général.
Nous tenons à rappeler la nécessité d’agir urgemment sur le sujet. En effet, le commerce en ligne est en train de se développer à très grande vitesse et les risques de perte de recettes pour l’État sont très importants. On ne peut pas se permettre d’attendre, d’autres pays, tel le Royaume-Uni, ayant déjà bien avancé en la matière. En ce jour de Black Friday,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un mauvais jour pour la TVA !
M. Michel Canevet. … il serait bon que l’on puisse adopter cet amendement à l’unanimité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour faire suite à la suggestion de M. Carcenac, je vous propose d’organiser une visite à Roissy en compagnie du directeur général des douanes dans les toutes prochaines semaines. Nous pourrions en profiter pour tenir une réunion de travail avec les services des douanes, qui pourraient alors donner leur avis sur le sujet.
Sur l’amendement, je maintiens mon avis de sagesse. L’échéance de 2021 est, il est vrai, un peu lointaine. J’entends les arguments des uns et des autres ; il serait de bon sens, me semble-t-il, de les confronter à la vision des professionnels qui ont à appliquer sur le terrain les lois que vous votez, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Organiser une telle visite est une bonne idée, monsieur le ministre. Jusqu’au 12 décembre, ce sera compliqué en raison de l’examen en séance publique du projet de loi de finances, mais, après tout, nous pourrions nous y rendre après la séance, vers minuit trente ou 1 heure du matin, puisque les douaniers travaillent la nuit…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi pas une petite visite à l’improviste, en effet ? Nous sommes toujours prêts ! (Sourires.)
Je voudrais remercier sincèrement M. le ministre de ne pas avoir nié le problème, comme c’était le cas jusqu’à présent. Il y a de ce point de vue une évolution notable.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous déposions cet amendement chaque année et il recevait systématiquement un avis défavorable. Je vous remercie de votre avis de sagesse, monsieur le ministre. Nous sommes conscients que notre amendement est perfectible et je souscris à la proposition d’y travailler encore, notamment avec la direction des douanes.
Nous avons étudié l’expérience britannique et nous avons l’impression que le dispositif fonctionne. Il ne s’agit pas, au travers de cet amendement, de tenir les plateformes pour complices de la fraude. Nous voulons simplement les rendre solidaires du paiement de la TVA si l’administration des douanes considère le tiers comme fraudeur. Par exemple, si l’administration s’aperçoit que tel exportateur de tel pays asiatique ne règle pas la TVA, elle fera un signalement à la plateforme, qui sera alors tenue de vérifier que la TVA a été payée. Dans le cas contraire, la plateforme sera rendue solidaire du paiement. Par ailleurs, le paiement séparé ou split payment constitue une autre méthode pour assurer le recouvrement de la TVA.
Les services des douanes font un excellent travail, notamment en matière de lutte contre la contrefaçon et le trafic de stupéfiants. En revanche, la lutte contre la fraude à la TVA est extrêmement compliquée. Les douaniers nous expliquent très justement que le coût du recouvrement est considérable quand il s’agit de contrôler des milliers de paquets faisant l’objet d’une déclaration en tant qu’envoi à valeur négligeable, c’est-à-dire moins de 22 euros. Comme on est dans l’impossibilité de suivre physiquement tous les paquets, autant passer par les plateformes : c’est là que les transactions financières se déroulent et que l’on peut recouvrer la TVA.
Les douaniers, je le répète, font un excellent travail sur le terrain, en particulier en matière de lutte contre la contrefaçon et le trafic de stupéfiants, mais il faut leur faciliter la tâche sur cette question du recouvrement de la TVA.
Nous sommes tout à fait d’accord pour travailler avec vous, monsieur le ministre, et avec vos services sur ce sujet d’ampleur, le commerce numérique représentant 12 % de la fraude à la TVA en Europe.