M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je voudrais appuyer l’amendement de notre collègue Loïc Hervé. On n’arrête pas d’encadrer les élus locaux. À la limite, c’est comme si on n’avait plus besoin d’élus locaux : on a simplement besoin de fonctionnaires qui appliquent des règles définies au niveau national.
Or les élus locaux sont des gens responsables, qui s’impliquent. Dans la gestion des crèches et des points multi-accueil des enfants, on a déjà des contrôles de la PMI et de la CAF. Si les règles ne sont pas équitables, on peut être poursuivi pour discrimination. Arrêtons de dire aux élus locaux comment ils doivent faire dans le détail. De plus, le rapport n’est pas simplement une enquête, mais il doit aussi envisager la possibilité d’une discrimination sur le plan financier par la suite. Cela devient insupportable, et ce dans tous les domaines, que ce soit le droit des sols, l’accueil des jeunes enfants ou l’école. Bientôt, plus personne ne voudra s’investir dans les municipalités, parce qu’on en a marre de l’État et de ses contrôles pointilleux qui deviennent insupportables ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je voterai cet amendement, car la demande de nos collègues députés est satisfaite. C’est un travail qui est déjà accompli par la CNAF et les CAF. Dans les départements, nous avons maintenant les schémas départementaux des services aux familles, que l’on appelait avant schémas enfance-famille, où la CAF a toute sa place et donne tous les éléments sur les modes d’accueil, qu’ils soient collectifs ou individuels. Je ne vois vraiment pas l’intérêt de cette mesure supplémentaire, donc je voterai la suppression de l’article.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je faisais partie d’une espèce en voie de disparition, qui est maintenant devenue une espèce disparue : le sénateur-maire ou la sénatrice-maire. L’espèce a disparu voilà quelques jours, mais j’ai pu, au long de dix ans de mandat, construire une maison de la petite enfance, une crèche de 35 berceaux, et me rendre compte que les conditions de construction, d’aménagement, mais également l’encadrement précis de l’attribution des places en crèche, méritent de l’éthique, de la morale et, évidemment, le respect du droit. Quand on ne respecte pas le droit, on est passible de sanctions, comme l’a dit Jean-Marc Gabouty, en tant que collectivité, délégataire de service public ou association qui méconnaîtrait les principes de notre République dans l’attribution des places en crèche.
Madame la ministre, je ne retirerai pas cet amendement, parce que je suis absolument convaincu de son bien-fondé. Je ne suis pas sûr que faire peser le soupçon sur nos collègues maires ou sur les gestionnaires des structures de petite enfance soit opportun. Néanmoins, si je vous rejoins pour reconnaître la nécessité d’un débat avec les associations d’élus sur cette question, je trouve que la rédaction même de cet article fait d’emblée peser sur les élus locaux une suspicion qui ne crée pas un climat de confiance pour un débat serein sur cette question. Je maintiens et voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Je pense que l’on se trompe de lieu pour ce débat. En effet, au sein des conseils municipaux, chaque membre de l’opposition ou même de la majorité peut demander la mise en place d’une commission de transparence. C’est donc localement, en fonction des comportements, qu’une telle structure doit être envisagée, et nous n’avons pas besoin d’un article de loi pour cela.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Au groupe Union Centriste, bien entendu, nous appuyons l’amendement de notre collègue Loïc Hervé. En effet, nous ne comprenons pas pourquoi un tel rapport est demandé. S’il est question d’observer la manière dont sont attribuées les places de crèche, il faut savoir que des contrats sont établis entre les CAF et les gestionnaires d’établissement. C’est donc à l’occasion de l’examen de ces contrats que l’on peut examiner très précisément comment les choses se passent et vérifier si tout est compatible avec une orientation que l’on souhaite pour l’accueil de l’ensemble des familles dans ces établissements. Si le Gouvernement a besoin d’éléments, il suffit que Mme la ministre commande un rapport à ses services, et elle aura tous les éléments d’information, ou alors qu’elle s’appuie sur des rapports qui ont déjà été demandés, comme l’a souligné notre collègue Laurence Rossignol.
En tout état de cause, il est temps que l’on prenne conscience du nombre de rapports qui sont demandés au Gouvernement et du peu de retours que l’on a sur ce type d’initiative.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. En ce qui me concerne, je veux simplement vous faire partager une expérience. J’ai eu la chance, voilà douze ans, d’être élu maire du centre du monde, Bailly-Romainvilliers, la ville la plus jeune de France, si l’on excepte un petit village de Guyane, à la frontière du Surinam, qui fait mieux. (Sourires.)
Cette commune présente évidemment une problématique de garde particulière. Les élus de l’équipe que je dirigeais ont mis en place des critères d’attribution transparents, objectifs, correspondant à la typologie de population, aux modes de vie, car ces élus connaissent leur territoire, leurs habitants, leurs problématiques quotidiennes. Sans doute que les critères auraient été différents dans d’autres communes.
Résultat : un tissu d’assistantes maternelles qui vit bien ; une offre de garde qui vit bien ; des parents satisfaits de la diversité de choix dans les modes de garde ; un taux de satisfaction des demandes de place en crèche publique qui atteint 80 % après douze ans de fonctionnement, et un maire, qui, dans cette période, a eu trois enfants en âge de fréquenter la crèche, mais qui n’a jamais eu de place.
Cette liberté, cette adaptation à la réalité locale sont rendues possibles par la confiance des citoyens dans ce premier échelon, et la confiance des autres échelons de notre pays dans le premier échelon local, à savoir la commune, dirigée par des élus locaux confrontés aux réalités du quotidien.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que cette expérience, ce succès local m’incitent à adhérer pleinement à la démarche de notre collègue Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. D’abord, il n’y a pas de rapports sur ce sujet, celui qui a été demandé au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge portant sur les aspects qualitatifs et quantitatifs des modes de garde. Il ne traite donc pas des critères d’attribution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos exemples relèvent de bonnes pratiques, mais, aujourd’hui, nous n’avons pas d’état des lieux distinguant ceux qui font très bien en matière d’attribution des crèches de ceux qui n’agissent pas de façon transparente. Les critères sont extrêmement divers, et nous avons besoin de cet état des lieux, peut-être justement pour partager les bonnes pratiques. Or nous ne pouvons pas le faire, car rien n’existe et nous n’avons pas de vision consolidée.
L’Observatoire national de la petite enfance relevait en 2011 la faible formalisation des critères d’attribution et l’absence, pour la moitié des établissements, de la formalisation de ces critères dans leur règlement intérieur. La Cour des comptes, en 2013, mais aussi la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, en 2017, pour les crèches de la Ville de Paris faisaient les mêmes constats et préconisaient la mise en œuvre de mesures donnant plus de visibilité aux familles. Je suis ravie que l’ensemble des élus de cette assemblée connaissent des communes ayant des critères d’attribution clairs, transparents, bref, qui sont exemplaires en la matière. Il se trouve cependant que la situation n’est pas totalement homogène dans les dizaines de milliers de communes de France. Aussi, nous pouvons proposer, pour nos concitoyens, un rapport qui nous permettra, en concertation avec les élus, de travailler sur les bonnes pratiques en la matière. Je maintiens l’avis défavorable.
M. le président. En conséquence, l’article 26 bis est supprimé.
Article additionnel après l’article 26 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 26 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 543-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après les mots : « est versée », la fin du premier alinéa est remplacée par les mots et une phrase ainsi rédigés : « au service ou à l’établissement auquel l’enfant est confié. Toutefois, le juge peut décider de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « à la Caisse des dépôts et consignations » sont remplacées par les mots : « au service ou à l’établissement auquel l’enfant est confié » ;
b) Les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « ce dernier ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. Cet amendement revient sur une disposition de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, qui avait été adoptée contre l’avis du Sénat.
Souhaitant répondre à la problématique de l’accès à la majorité des jeunes sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, mais sans avoir de moyens financiers à consacrer à cette question, le gouvernement précédent avait retenu une solution quelque peu baroque, consistant à verser sur un compte bloqué de la Caisse des dépôts et consignations l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, qui était auparavant versée à la famille ou au service, en fonction de la décision du juge.
Cette solution était, certes, innovante, et je ne conteste pas l’idée d’un pécule ou d’un starter pack, comme on pourrait aussi l’appeler, mais je ne conçois pas que l’on puisse détourner une allocation pour mettre en œuvre ce dispositif.
L’allocation de rentrée scolaire est en effet versée lorsque les ressources de la famille sont inférieures à un plafond. Bien que la plupart des enfants confiés à l’ASE soient issus de milieux modestes, certains n’ont pas de famille, que leurs parents soient inconnus ou qu’ils se soient vu retirer l’autorité parentale. Ces enfants-là ne pourront bénéficier du pécule prévu par la loi de 2016. Le dispositif est donc ici source d’inégalité.
En outre, les jeunes concernés percevront à leur majorité un pécule lié non pas aux besoins auxquels ils font face, mais au nombre de rentrées scolaires qu’ils auront passées au sein des dispositifs de l’ASE. Prenons deux jeunes qui ont les mêmes difficultés : celui qui aura passé deux ans aura l’équivalent de deux ARS ; celui qui en aura passé dix aura l’équivalent de dix ARS. Je trouve, là encore, que le système n’est pas équitable, car ces deux jeunes, arrivés à 18 ans, ou peut-être un peu plus tard s’il y a un contrat jeune majeur construit dans le parcours de l’enfant avec les services qui s’en occupent, ont potentiellement les mêmes besoins. Pourquoi n’auraient-ils pas la même somme ? Se pose aussi le problème des fratries, certains enfants étant placés et d’autres pas, selon la volonté du juge : certains vont bénéficier de ce pécule et d’autres pas…
M. le président. Veuillez conclure, madame la rapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je m’exprime en même temps sur les deux amendements.
M. le président. Veuillez donc poursuivre, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. Il y a donc inégalité, iniquité. C’est également le cas avec les pupilles de l’État, qui ne sont pas concernés, tout comme avec les enfants dont les parents se sont vu retirer l’autorité parentale.
Bref, vous l’aurez compris : autant d’années passées à l’ASE, autant en pécule. L’important pour ces jeunes, il faut le redire, c’est l’accompagnement dont ils peuvent bénéficier. Un pécule n’est pas un solde de tout compte. Bien sûr, ils ont besoin d’argent, mais ils ont surtout besoin d’accompagnement et que l’on construise avec eux les conditions d’un départ dans la vie à leur majorité.
Je veux aussi dire que l’ARS est considérée par la plupart des éducateurs que j’ai rencontrés comme un véritable outil de travail avec les parents. Ils peuvent discuter de la gestion de ce montant avec des parents, qui peuvent se trouver éloignés pendant un temps de leurs enfants, mais qui, néanmoins, ont à cœur de participer à la préparation de la rentrée scolaire.
Avec cet amendement, je relaie une préoccupation du Défenseur des droits, préoccupation qui était aussi la nôtre lors de la discussion de cette loi de protection de l’enfance.
M. le président. L’amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Savary, Allizard et Bazin, Mme Berthet, M. Bizet, Mmes Bonfanti-Dossat et Bories, MM. Bouchet, Brisson et Buffet, Mme Canayer, MM. Carle, Chaize, Charon, Courtial, Cuypers, Darnaud, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Détraigne et Dufaut, Mmes Estrosi Sassone et Férat, M. B. Fournier, Mme Gruny, MM. Huré, Husson et Joyandet, Mmes Lamure et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Leroux, Mme Lopez, MM. Mandelli et Meurant, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pierre, Mmes Procaccia et Puissat, M. Reichardt, Mme Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 26 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 543-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant est versée à ce service. »
Si je ne m’abuse, cet amendement a été défendu.
M. René-Paul Savary. En effet ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis défavorable à ces amendements. Les services de l’aide sociale à l’enfance perçoivent déjà les allocations familiales au titre des enfants qui leur sont confiés.
Concernant l’ARS, nous n’avons pas envie de remettre en cause une mesure favorable, issue de votre loi de 2016, madame Rossignol, et qui consiste à consigner les versements de l’ARS auprès de la Caisse des dépôts sur un compte bloqué.
Vous le savez comme moi, les enfants qui sortent de l’ASE aujourd’hui à 18 ans, souvent de façon assez brutale, deviennent les premiers jeunes pauvres de notre territoire.
Vous avez raison, madame Doineau, le pécule est variable selon le nombre d’années passées, et le dispositif n’est peut-être pas parfait, mais de là à priver de ressources ces enfants qui sortent de l’ASE sans rien… En plus, je vous rappelle que la loi a moins d’un an. Laissons-nous donc le temps de voir comment elle est appliquée. Je pense qu’il est impératif que l’on continue d’aider ces enfants qui sortent de l’ASE sans un centime en poche. Je suis réellement très défavorable à l’adoption de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Mon amendement est très proche de celui de Mme la rapporteur.
Madame la ministre, il s’agit d’une allocation de rentrée scolaire, et non pas d’un pécule de fin de minorité. C’est la raison pour laquelle nous restons dans l’esprit du dispositif, qui devrait être calqué sur celui des allocations familiales, lesquelles vont soit aux familles soit au service de l’ASE du département concerné, sur proposition du juge. Mon amendement est donc très clair, très précis. Il va de surcroît dans le sens que vous souhaitez, madame la rapporteur, c’est-à-dire qu’il rétablit une allocation bien dédiée, qui va non pas forcément à la famille, mais éventuellement au service de l’ASE, si l’enfant lui est confié.
Il faut savoir, madame la ministre, que cette disposition faisait partie d’une proposition de loi où j’allais plus loin, considérant que, pour que cette allocation très ciblée de rentrée scolaire corresponde bien à son principe, elle devrait être versée sous forme d’un titre spécialisé, sur le modèle du chèque emploi-service, afin qu’elle soit utilisée véritablement pour effectuer les dépenses nécessaires à la rentrée de l’enfant. De la sorte, tous les enfants seraient à égalité. À défaut d’avoir pu présenter cet amendement tendant au paiement dédié de l’ARS, puisque l’on m’a opposé l’article 40 de la Constitution – pourtant cette modalité de versement de la prestation pouvait engendrer une économie –, je me rallie bien volontiers à l’amendement de Mme Doineau.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je rejoins un peu tout le monde dans cette affaire, mais je voterai contre cet amendement, même si je pense qu’il est toujours embêtant de détourner une allocation de rentrée scolaire, qui porte bien son nom. Pour autant, imaginer que l’on laisse des jeunes défavorisés sortir de l’ASE à 18 ans et entrer directement dans la pauvreté est assez inadmissible. Il me paraît urgent de trouver une solution pérenne qui replace le débat là où il doit être. En attendant, dans le court terme, je ne peux pas imaginer que l’on supprime ce pécule.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, je vous remercie de vos propos rassurants. J’en profite pour dire que nous aimerions vous entendre sur cette politique très particulière de la protection de l’enfance, des choses importantes s’étant engagées non seulement avec la loi de 2016, mais aussi par la suite. Le Conseil national de la protection de l’enfance se réunit régulièrement, et je sais que vous y êtes attendue pour porter la voix du Gouvernement.
Nous avons eu l’occasion de débattre de ce sujet durant trois lectures, car l’examen a été long, ici, au Sénat. Souvent, les débats ont été entachés, pollués, par les aspects financiers que je ne méconnais absolument pas, et qui sont très importants.
Au départ, je le rappelle, cette mesure, faite pour aider ces jeunes à sortir du dispositif de l’ASE, était assez symbolique. Il s’agissait d’éviter qu’ils ne se retrouvent, comme vous l’avez relevé, dans des situations de grande précarité.
Cet amendement ne me surprend pas personnellement. Je dois cependant vous dire que les professionnels de la protection de l’enfance, mais aussi les adultes qui sont passés par l’ASE, ont été choqués que l’on puisse revenir sur cette mesure, qui a été élaborée avec leur concours et leur participation.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que Mme Doineau nous a donnés. L’équité entre les familles, entre les enfants, des familles qui adopteraient des stratégies calculées pour entrer à l’ASE et bénéficier de ce pécule : non, je n’y crois absolument pas !
Je ne peux retenir ces arguments, et je voterai contre les amendements de Mme Doineau et de M. Savary.
M. Yves Daudigny. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir émis un avis défavorable clair sur cet amendement.
Madame la rapporteur, je ne peux que m’incliner devant votre obstination, ainsi que devant celle de la majorité sénatoriale, qui déteste cette histoire de pécule depuis le début. Vous ne l’aimez pas ; vous avez même émis des doutes, à un moment donné, en vous demandant s’il était bien raisonnable de confier des sommes de 2 000 euros à 3 000 euros à des jeunes de 18 ans.
Mais ces jeunes n’ont rien ! Aucun d’entre nous ne mettrait son enfant de 18 ans à la rue sans un centime. Or c’est ce qui arrive souvent. Ils n’ont même pas de quoi s’acheter un lit ou payer la caution d’un logement.
J’aurais aimé faire mieux si j’avais trouvé de l’argent ! Tony Blair l’avait fait, mais il avait pris dans le budget de la Grande-Bretagne pour doter les jeunes d’un pécule. Je n’ai pas eu cette possibilité, et je ne suis pas sûre que nous aurons, demain matin, les moyens suffisants pour compenser ce que vous proposez. Si jamais il y avait de l’argent pour la protection de l’enfance, je pense qu’il irait à la prise en charge des mineurs non accompagnés, parce que nous avons là aussi un vrai sujet de préoccupation.
Madame la rapporteur, vous parlez d’iniquité, d’inégalité, mais tout est inéquitable, depuis le début, pour ces enfants. Quelle est la plus grande source d’inégalités ? Le département dans lequel ils tombent. S’ils tombent dans les Landes, c’est bien, ils seront accompagnés jusqu’à 25 ans en tant que jeunes majeurs. En revanche, dans beaucoup d’autres départements de France, ils seront laissés seuls à 18 ans.
Oui, je défends ce pécule ! Ce système n’est pas parfait ; il ne correspond pas à l’administration de nos souhaits, mais nous n’avons pas mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Puisqu’on parle des Landes, je m’adresse à vous en ma qualité d’ancienne vice-présidente en charge de la solidarité dans le département des Landes, lequel applique effectivement une politique d’aide sociale à l’enfance qualifiée d’avant-gardiste par quelques études et rapports dont elle a fait l’objet.
Je m’élève bien évidemment contre cette proposition d’amendement. Monsieur Savary, je ne partage absolument pas votre avis. Nous avons prévu, comme d’autres départements, j’imagine, un certain nombre d’aides pour la rentrée scolaire, afin d’acheter des outils, du matériel, des vêtements. Nous faisons en sorte que les enfants, qui relèvent de l’ASE, fassent leur rentrée exactement comme les autres enfants et qu’ils ne soient pas discriminés. C’est pourquoi cette idée de pécule pour ces enfants est particulièrement innovante et intéressante.
On le sait, ces enfants, lorsqu’ils arrivent à 18 ans et qu’ils ne bénéficient pas d’un contrat jeune majeur, se retrouvent non seulement sans argent, mais aussi totalement seuls. Or, comme l’a dit Mme Rossignol, aucun d’entre nous ne laisserait son enfant seul dès qu’il a atteint sa majorité. À mon sens, il faut absolument maintenir ce dispositif, et j’espère que ce point de vue est largement partagé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Effectivement, le département des Landes fait dans l’excellence, et je l’en félicite. Le dispositif des contrats jeune majeur, qui permet l’accompagnement des jeunes jusqu’à 25 ans, correspond à ce qu’il faut faire. Cependant, c’est extrêmement rare, et cela deviendra de plus en plus rare. En effet, avec le nombre de mineurs non accompagnés qui arrivent, les départements sont exsangues.
Ce qu’il faut à un jeune de 18 ans, c’est un accompagnement pour l’hébergement, l’emploi, au besoin grâce à l’apprentissage. Voilà ce qui est important.
J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour faire prendre conscience de ce grave problème. Ce n’est pas rien de voir des enfants qui sont à la rue à 18 ans ! Ce dont ils ont besoin, ce n’est pas d’un pécule ! Ils ont besoin d’un soutien, d’un hébergement et d’un accompagnement, parce que beaucoup de départements cessent de verser les aides même si les jeunes sont en apprentissage et leur situation devient assez catastrophique. Le pécule est tout à fait secondaire : je considère qu’il doit servir à la rentrée parce que c’est à cette fin qu’il est versé.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je vais aller un peu dans le même sens de ce que vient de dire mon collègue Daniel Chasseing.
Il ne faudrait pas que cette histoire de pécule serve à s’acheter une sorte de bonne conscience, servant d’alibi pour éviter de signer les contrats jeune majeur, qui sont aujourd’hui le bon outil. Je sais que les finances des conseils départementaux sont de plus en plus tendues, mais effectivement, avec ou sans pécule, « larguer » – passez-moi l’expression ! – un jeune sous prétexte qu’il a atteint l’âge de la majorité est particulièrement dangereux !
Il faut avoir une réflexion sur cet outil, qui existe – Mme Rossignol l’a rappelé –, et qui est sans doute plus satisfaisant qu’un simple pécule de sortie de l’ASE.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. L’idée du pécule me paraît très bonne, je l’ai toujours dit. C’était le financement que je trouvais baroque !
Je voudrais qu’on lance une réflexion pour essayer de trouver un moyen pérenne en vue de financer ce pécule. En tout cas, cet amendement nous a permis de débattre sur la protection de l’enfance, un sujet sur lequel j’ai l’occasion de travailler pendant pratiquement toute l’année. Il ne faut pas non plus imaginer que je suis contre le dispositif et que je ne suis pas consciente des difficultés que rencontrent ces jeunes qui atteignent l’âge de 18 ans et sortent du processus. Ce dossier, je le connais pour en être chargée dans mon département. Nous avons eu l’occasion de mettre en place une cellule spécifique qui prend en charge ces jeunes à partir de 16 ans jusqu’à leur majorité. Elle vérifie s’il n’y a pas lieu de mettre en place un contrat jeune majeur pour prolonger cet accompagnement.
Il est très important d’entourer ces jeunes, comme le disaient Daniel Chasseing et d’autres collègues. Cet accompagnement ne doit pas s’arrêter ainsi, de but en blanc, du jour au lendemain. Le pécule peut en effet apporter des moyens supplémentaires, mais il faut le financer, et d’une autre manière qu’avec l’ARS. C’est tout l’objet de cet amendement !
Nous allons bientôt examiner le projet de loi de finances pour 2017. On pourrait très bien imaginer à cette occasion les moyens de rendre ce financement plus pérenne, plus juste, plus équitable, plus adapté aux besoins réels de l’enfant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous sommes, me semble-t-il, tous sensibles à la situation des enfants qui sortent de l’ASE, ce qui pose un réel problème d’accompagnement.
Je voulais vous rappeler que le Président de la République a lancé une concertation sur une stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes jusqu’à 25 ans. Cela va nous donner l’occasion de travailler sur la politique et les modalités de sortie de l’ASE.
Le conseil des ministres a nommé, hier, M. Olivier Noblecourt délégué interministériel en charge du plan de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Nous aurons donc l’occasion de réfléchir à des mécanismes peut-être plus intelligents, plus justes.
Je vous demanderai de ne pas voter cet amendement en pensant aux enfants qui sortent de l’ASE à 18 ans et se retrouvent le plus souvent dans la rue, sans un centime. Je demande le retrait de l’amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.