Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il n’a échappé à personne que la France et l’Allemagne ont pris une position forte sur le sujet des travailleurs détachés. Nous avons finalement obtenu le soutien d’autres pays, qui ont accepté, au Conseil des ministres du travail du 15 juin, que nous ne nous prononcions pas sur le projet de directive qui était proposé par la présidence actuelle et dont nous avons estimé qu’il était insuffisant.

Ce sujet est donc remis à l’ordre du jour, et nous travaillons de concert avec plusieurs pays pour améliorer significativement le texte sur plusieurs points très importants que vous avez évoqués. J’en ajouterai un, selon moi le plus important : le respect du principe fondamental selon lequel « à travail égal, salaire égal ». La discussion sur ce principe est a priori bien engagée. Nous discutons également des sociétés boîtes aux lettres, du contrôle transnational et des transports, en particulier le cabotage. Il n’est donc pas question de traiter tous ces sujets maintenant, puisque nous y travaillons encore avec nos partenaires européens.

La question qui nous occupe ici est d’ordre est plus directement opérationnel. Aujourd’hui, la France impose des formalités administratives qui vont au-delà de ce qu’imposent les directives européennes. Ces formalités ne permettent pas un meilleur contrôle, mais elles représentent des coûts et des lourdeurs accrus pour les prestataires. Tel est notamment le cas pour les prestations de très courte durée. Aujourd’hui, on applique les mêmes règles de déclaration de détachement aux personnes qui viennent pour six mois d’un pays lointain et à celles qui entrent en France pour participer à une foire, à un salon ou à un événement sportif ou culturel – il s’agit alors davantage, à mon sens, de mouvements transfrontaliers que de détachements. Seule la France demande des déclarations de détachement dans de telles situations, qui sont juridiquement traitées comme relevant du détachement !

Nous souhaitons donc alléger ces règles. Cela montrera à nos voisins que nous allons de l’avant. Surtout, on pourra alors se concentrer sur les sujets essentiels liés au détachement, en vue de mieux protéger nos salariés et nos PME.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Concernant l’amendement n° 143, qui vise à supprimer l’habilitation relative au détachement des travailleurs, le Gouvernement vient de préciser quelque peu ses orientations en la matière. Cette habilitation est destinée à faciliter les démarches administratives pour les travailleurs détachés frontaliers. Les craintes que vous aviez, mon cher collègue, auront certainement été apaisées par les propos de Mme la ministre. Je vous invite donc à retirer cet amendement, faute de quoi la commission sera obligée d’émettre un avis défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement n° 233, le Gouvernement souhaite élargir le champ d’habilitation relatif aux travailleurs frontaliers. Il désire en effet assouplir les règles de détachement applicables aux entreprises étrangères qui réalisent régulièrement de courtes prestations sur le territoire national. Sont notamment visés les sportifs, les artistes ou encore les scientifiques. Le renforcement des règles relatives à la déclaration préalable de détachement issu de la loi dite « Savary » du 10 juillet 2014 permet d’améliorer la lutte contre les fraudes qui déstabilisent nos entreprises et minent notre modèle social. Ces règles doivent toutefois être assouplies dans les secteurs qui ne sont pas exposés au risque de fraude, faute de quoi les échanges entre la France et l’étranger risquent d’être freinés. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 143 ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 143.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 230, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Améliorer et simplifier la gestion et le recouvrement de la contribution prévue à l’article L. 1262-4-6 du code du travail, ou à défaut supprimant cette contribution.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Là aussi, la France s’est singularisée en créant un droit de timbre de 40 euros pour chaque travailleur détaché. Ce n’est pas cela qui va empêcher le détachement dans des conditions qui ne nous conviennent pas ! Nous devons soit adapter cette disposition, qui est mal perçue, soit la supprimer. Là encore, nous voulons nous concentrer sur les grandes choses, et non pas sur les petites. Nous avons beaucoup à faire sur le détachement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Le système d’information-prestations de services internationales, ou SIPSI, est un système dématérialisé de déclaration et de contrôle du détachement des travailleurs en France. Un décret du 3 mai 2017 a fixé la contribution versée par les employeurs pour couvrir ses coûts de fonctionnement à 40 euros par salarié détaché. Nous n’avons pas d’opposition de principe à sa simplification. Il est toutefois regrettable qu’il faille la simplifier moins d’un an après qu’elle a été instituée… Cela dit, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. À deux ou trois reprises déjà, au cours de l’examen de ce texte, des dispositions prises antérieurement n’étant pas appliquées, on a légalisé l’illégalité. C’est un aveu d’impuissance : le politique perd toute crédibilité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 8221-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 8221-6. – Est réputé salarié tout travailleur qui exerce son activité dans des conditions de droit ou de fait caractérisant un lien de subordination juridique ou un lien de dépendance économique vis-à-vis d’une autre personne physique ou morale.

« Est présumé être l’employeur de ce salarié la personne physique ou morale qui utilise directement ou indirectement ses services.

« Outre les clauses du contrat conclu entre les parties, le lien de subordination juridique et/ou le lien de dépendance économique sont établis notamment :

« 1° Lorsque le travailleur ne possède pas la maîtrise des moyens matériels ou immatériels utilisés pour la production des biens ou services ;

« 2° Ou lorsque le travailleur ne peut entrer en relation avec l’utilisateur final des services que par l’intermédiaire obligé d’un tiers ;

« 3° Ou lorsqu’un tiers, gérant une plate-forme numérique de mise en relation entre le travailleur et les clients peut librement radier le travailleur de la liste des prestataires figurant sur la plate-forme ;

« 4° Ou lorsque le travailleur, prétendument indépendant, ne fixe pas lui-même, ou par entente avec le client, le prix de ses prestations ;

« 5° Ou lorsque le travailleur, pour l’exécution de ses prestations, applique des instructions ou sujétions telles que celles portant sur des horaires ou des méthodes de travail, émises par une personne physique ou morale autre que l’acheteur final des services ;

« 6° Ou lorsque le travailleur se voit imposer la vente de telles marchandises à l’exclusion de toutes autres ou se voit imposer le prix de vente de ces marchandises. » ;

2° Après l’article L. 8221-6-1, sont insérés des articles L. 8221-6-2 à L. 8221-6-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 8221-6-2. – Lorsque le travailleur, utilisé dans les conditions prévues par l’article L. 8221-6 du présent code, emploie lui-même d’autres salariés, ceux-ci sont réputés être liés par contrat de travail au même employeur.

« Art. L. 8221-6-3. – La sous-traitance de toute activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce est prohibée au-delà du second rang. Les travailleurs occupés en méconnaissance de cette interdiction, y compris ceux visés à l’article L. 8221-6-1, sont réputés être salariés du sous-traitant de second rang.

« Art. L. 8221-6-4. – Toute décision de faire appel à la sous-traitance d’une partie de l’activité ou des fonctions de l’entreprise est soumise à l’avis conforme du comité d’entreprise. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à protéger les salariés de l’ubérisation. À cette fin, nous proposons d’instaurer une présomption de salariat reposant, conjointement ou alternativement, sur la subordination juridique et la dépendance économique.

Notre amendement vise aussi à encadrer le recours à la sous-traitance par sa limitation légale à deux degrés et son contrôle par les travailleurs. Le recours à la sous-traitance serait soumis à l’avis conforme du comité d’entreprise, qui a toute compétence pour apprécier les besoins et possibilités de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement, qui visait initialement à créer un article additionnel après l’article 3, tend à protéger les salariés de l’ubérisation. C’est un amendement très intéressant, car les critères proposés pour établir l’existence d’une relation salariale sont pertinents. Tel n’est cependant pas l’objet de ce projet de loi d’habilitation. Il nous faudrait beaucoup plus de temps et procéder à des auditions complémentaires pour traiter cette question. J’invite donc ses auteurs à le retirer, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est lui aussi défavorable, bien que le sujet des travailleurs du numérique soit extrêmement important et qu’il faille prendre en compte cette évolution des organisations de travail. Selon moi, les mesures entérinées l’an dernier en faveur de la reconnaissance des droits sociaux de ces travailleurs ont déjà représenté un progrès. Pour aller plus loin, il faudra mener une réflexion de fond et de long terme, après une expertise beaucoup plus approfondie et un dialogue avec les partenaires sociaux.

M. le président. Monsieur Foucaud, l’amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?

M. Thierry Foucaud. Non, monsieur le président, je suis l’avis de notre rapporteur et je le retire.

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(L’article 5 est adopté.)

Article 5 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article 6 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L’amendement n° 146, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du II de l’article L. 4624-2 du code du travail est complétée par les mots : « dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le salarié devant bénéficier d’une visite de contrôle a minima tous les deux ans ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. La loi El Khomri a profondément réduit les capacités de la médecine du travail. Au motif du manque de praticiens, le gouvernement dirigé par Manuel Valls avait décidé de réduire des visites médicales jugées trop nombreuses et trop souvent inutiles, plutôt que de s’attaquer aux raisons de la pénurie de médecins du travail.

Notre amendement vise à revenir sur cette modification de la médecine du travail, qui prévoit un suivi attentif uniquement pour les salariés exerçant des métiers dits « pénibles ». Nous ne pouvons que nous étonner d’une telle conception de la médecine du travail, qui ne serait plus là pour veiller à la santé de tous les travailleurs.

Permettez-moi de revenir sur deux raisons qui expliquent notre position.

En premier lieu, tout type d’emploi et de fonction est potentiellement à risque. Bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre que tous les risques ont le même degré de gravité : la différence d’espérance de vie moyenne entre les cadres et les ouvriers est là pour montrer que tel n’est pas le cas. Cependant, à quel moment commence la pénibilité ? Devons-nous considérer qu’une personne travaillant à la caisse dans un supermarché ne souffre ni physiquement ni psychologiquement dans son emploi ? Le développement des troubles musculo-squelettiques tend à montrer le contraire.

En second lieu, le médecin du travail devrait être, avec le CHSCT, le plus à même de constater les troubles physiques et psychiques des salariés. Combien faudra-t-il de drames ? Je pense notamment à France Télécom ou à La Poste, mais aussi aux hôpitaux, où le nombre des suicides a considérablement augmenté. Il est important de prendre des mesures à ce sujet afin de pouvoir offrir une médecine du travail de qualité. Il s’agit de revaloriser la médecine du travail et de lui donner les moyens de fonctionner. Ce n’est pas du tout l’esprit de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. C’est une question particulièrement intéressante. En effet, on manque de médecins du travail sur l’ensemble du territoire national. On en a beaucoup discuté lors de l’examen de la loi « santé » et de la loi El Khomri. Pour l’instant, aucune solution n’a été proposée.

On sait très bien que le métier de médecin du travail n’est pas très attirant pour les docteurs en médecine. Il faut donc essayer de trouver des solutions pour rendre ce métier attractif. Nous devons également faire en sorte que la ministre du travail et la ministre de la santé mènent un travail en commun pour que les docteurs en médecine qui sortent de la faculté s’intéressent à cette spécialité. En tant que médecin, je crois qu’il y a des spécialités plus intéressantes que celle-là…

Cela dit, il faut des médecins du travail. Le travail en commun entre les deux ministères que j’ai cités devra aussi impliquer le ministère de l’enseignement supérieur, ainsi que les doyens de la faculté de médecine, qui ne trouvent pas non plus un grand intérêt à inciter leurs étudiants à aller travailler dans ce domaine.

L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable, parce que ce sujet ne rentre pas dans le cadre du présent projet de loi. Il était toutefois intéressant de pouvoir en parler à nouveau.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je pense qu’il y a une erreur de rédaction dans votre amendement, madame la sénatrice. Il tend en effet à modifier le II de l’article L. 4624–2 du code du travail. Or cet alinéa traite des salariés qui sont déjà en surveillance renforcée et bénéficient donc déjà d’une visite médicale tous les deux ans.

Cela dit, sur la question de fond de la médecine du travail, je crois avoir dit hier que ma collègue Agnès Buzyn et moi-même attendons la remise, d’ici à environ un mois, d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la médecine du travail. Il existe un problème d’attractivité de la fonction de médecin du travail. C’est un sujet que nous devons rapidement reprendre sur le fond à un échelon interministériel.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je me permets d’exprimer un désaccord avec notre rapporteur : le métier de médecin du travail est tout à fait intéressant. Il s’agit d’une forme de médecine sociale passionnante.

Je voudrais par ailleurs évoquer un sujet qui n’a pas été abordé concernant le statut du médecin du travail : celui de son indépendance. Dans les services interentreprises, le médecin du travail se sent plus protégé que ses collègues qui travaillent dans une entreprise spécifique : ceux-ci peuvent avoir l’impression, parfois justifiée, d’être fortement dépendants de la direction de l’entreprise. J’estime donc que l’indépendance du médecin du travail est un sujet qu’il ne faut pas oublier de traiter.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous maintenons notre amendement, non par obstination, mais parce que le problème est réel. J’entends tout à fait positivement les remarques de notre rapporteur et de Mme la ministre. Effectivement, il faut travailler sur le sujet, car tout cela ne se fait pas, nous en sommes bien conscients, d’un coup de baguette magique. La médecine du travail a été tellement affaiblie qu’il y faut des moyens.

Cela étant, il est problématique que les visites médicales soient réservées aux travailleurs reconnus comme soumis à des facteurs de pénibilité. Nous pensons nécessaire de prévoir une visite pour l’ensemble des travailleurs. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement, qui doit faire office de rappel.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Évelyne Yonnet. Je soutiendrai cet amendement. Je lie cette question de la médecine du travail à celle du maintien du CHSCT. Il me paraît important qu’il reste une trace, dans cette discussion, des engagements pris par Mme la ministre de prendre l’attache de la ministre de la santé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Encore une fois, il faudra rendre le métier attractif, sinon il n’y aura pas d’étudiants qui se destineront à la médecine du travail.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 146.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

Article additionnel après l'article 5
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article 7

Article 6

(Non modifié)

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet et de remédier aux éventuelles erreurs en :

1° Prévoyant les mesures de coordination et de mise en cohérence résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi ;

2° Corrigeant des erreurs matérielles ou des incohérences contenues dans le code du travail à la suite des évolutions législatives consécutives à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et à la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ;

3° Actualisant les références au code du travail modifiées à la suite des évolutions législatives mentionnées au 2° du présent I dans les codes, lois et ordonnances en vigueur.

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, et jusqu’au 31 octobre 2017, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi mentionnées aux 1° et 2° du III de l’article 120 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, en tenant compte des modifications du droit résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 59 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 80 rectifié bis est présenté par M. Antiste et Mme Jourda.

L’amendement n° 85 rectifié ter est présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, MM. Labazée et Manable et Mme Monier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 59.

M. Dominique Watrin. L’article 6 habilite le Gouvernement à modifier le code du travail en vue d’harmoniser l’état du droit pendant douze mois après la promulgation du présent projet de loi.

Sous couvert de coordination et de mise en cohérence rédactionnelles, cet article laisse de trop grandes marges de manœuvre, selon nous, au Gouvernement pour modifier le code du travail sur le fond, les réécritures du code étant rarement faites à droit constant.

Pour ces raisons, les auteurs de cet amendement demandent la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié bis.

M. Maurice Antiste. L’article 6 habilite le Gouvernement à modifier le code du travail en vue d’harmoniser l’état du droit pendant douze mois après la promulgation du présent projet de loi.

Cette habilitation très large laisse au Gouvernement une marge de manœuvre excessive, des modifications notables du code du travail pouvant être introduites au nom de la mise en cohérence des textes. Compte tenu de l’objet du texte, qui touche aux bases mêmes du droit social, une habilitation aussi vague dessaisit à l’excès le Parlement.

Pour ces raisons, je propose la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié ter.

Mme Évelyne Yonnet. Cet article autorise le Gouvernement à harmoniser l’état du droit, à assurer la cohérence des textes, à abroger les dispositions devenues sans objet et à remédier aux éventuelles erreurs. En l’état, il permet au Gouvernement de modifier le code du travail en l’alignant sur la philosophie, présumée fortement libérale, des ordonnances. Cet amendement a donc pour objet la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est lui aussi défavorable. C’est une disposition assez classique. Il faut toujours un certain temps pour assurer une codification « nickel » et procéder à la correction des renvois ou à l’élimination des coquilles. Nous ne demandons ici rien d’exceptionnel.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer cet article, mes chers collègues. C’est l’occasion d’harmoniser le droit. Je vous signale que, depuis 2015, c’est la quatrième fois qu’on modifie le code du travail. Il est donc normal que l’exécutif, quel qu’il soit, regarde si toutes les dispositions sont cohérentes entre elles et les codifie au mieux.

Je signale aussi que, souvent, dans des textes législatifs, on corrige des erreurs qui ont été faites dans une loi antérieure et dont l’administration s’est aperçue ensuite. Il faut procéder à ces corrections.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Depuis trois jours, nous sommes confrontés à des formulations qui laissent une latitude un peu excessive au Gouvernement pour la rédaction des ordonnances ; en l’occurrence, la formulation de cet article permet vraiment presque tout ! Votre argument n’est guère recevable dans le cas d’ordonnances, madame Bricq. Permettez que nous soyons méfiants, car il y a de quoi l’être !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59, 80 rectifié bis et 85 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

harmoniser

insérer les mots :

à droit constant

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Sous couvert de coordination et de mise en cohérence rédactionnelles, cet article laisse de grandes marges de manœuvre au Gouvernement pour modifier le code du travail sur le fond, les réécritures du code étant rarement faites à droit constant. Pour cette raison, les auteurs de cet amendement proposent d’ajouter la mention « à droit constant ». Je pense que Mme Bricq sera d’accord avec nous !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais l’habilitation prévue à l’article 6 ne permet pas au Gouvernement de modifier le fond du droit. La correction des erreurs matérielles et des incohérences qui sont le legs des réformes qui se sont succédé ces dernières années, tout comme les moyens d’assurer la bonne insertion dans notre ordre juridique des modifications apportées par les ordonnances, ne peuvent mécaniquement pas se faire à droit constant par rapport à la situation actuelle, c’est-à-dire antérieure à la publication des ordonnances.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 147 est-il maintenu ?

M. Thierry Foucaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

code du travail

insérer les mots :

ou d’autres codes

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il convient de compléter l’habilitation pour permettre que la correction des erreurs matérielles et des incohérences ne se limite pas au seul code du travail, mais concerne aussi les autres codes. Il s’agit non pas d’apporter des modifications, mais de corriger les renvois à des articles d’autres codes, pour ne pas créer d’incohérences entre les codes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Articles additionnels après l'article 7

Article 7

I. – Au second alinéa du I et au deuxième alinéa du II de l’article 257 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le mot : « vingt-quatrième » est remplacé par le mot : « trente-sixième ».

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 31 juillet 2017.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. L’article 7, tel que modifié par la majorité sénatoriale en commission, prolonge la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical prévu par la loi Macron. Les membres du groupe CRC s’étaient déjà opposés à cette loi d’inspiration libérale qui a étendu de fait le champ du travail le dimanche et ils maintiennent leur refus de ce qu’ils considèrent comme une régression sociale.

Les sociologues Laurent Lesnard et Jean-Yves Boulin ont publié une enquête très intéressante intitulée « Travail dominical, usages du temps et vie sociale et familiale », qui analyse les conséquences du travail dominical sur la vie personnelle des salariés du privé et des fonctionnaires mobilisés ce jour-là.

Hors agriculture, on estimait à 6,5 % la part de la population active qui travaillait le dimanche en 1970. En 2010, cette proportion est passée à 14 %. Elle ne cesse d’augmenter. Nous sommes face à un renversement que l’on peut qualifier d’historique : jusqu’à présent, le droit au repos obligatoire le dimanche était la règle.

Par ailleurs, le travail dominical a des conséquences sociales. Avec un dimanche entièrement travaillé à l’extérieur, les temps de sociabilité diminuent. En effet, ce jour est consacré aux liens familiaux, notamment entre parents et enfants, et à la sociabilité amicale.

Le travail dominical hors domicile est aussi un facteur d’inégalités sociales, car il concerne surtout les ouvriers, les employés du commerce et des services, notamment publics, par exemple les transports.

« Qui détermine vos horaires de travail ? » À cette question, 86 % des personnes travaillant le dimanche ont répondu que leurs horaires leur étaient imposés, seuls 4 % s’estimant libres de choisir. À l’évidence, le rapport de force n’est pas du tout en faveur des salariés appelés à travailler le dimanche, quelles que soient les compensations.