M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. On me la fait depuis mon enfance ! (Nouveaux sourires.)
M. René-Paul Savary. J’en reviens au texte. Les emplois dont nous parlons sont des emplois locaux, non délocalisables, qui peuvent être occupés par des personnes en difficulté, et, là, c’est le président d’un conseil départemental confronté au problème de l’insertion professionnelle qui parle. Les bénéficiaires de RSA occupant ces emplois percevront l’allocation de solidarité complémentaire entre deux contrats d’usage, mais le problème est que le montant versé en plus du revenu du travail est remis en cause chaque fois. Il s’agit en effet d’une allocation de subsidiarité dont le calcul est revu tous les trimestres.
La reconnaissance des contrats d’usage, monsieur le secrétaire d’État, permet d’avoir une action innovante dans le domaine de l’insertion, au-delà de la politique de l’emploi, afin de remettre le pied à l’étrier à un certain nombre de personnes.
Nous vous offrons donc une opportunité extraordinaire de prendre en compte les difficultés des bassins d’emploi grâce aux contrats d’usage.
Je prie donc ma collègue de ne surtout pas retirer son amendement, que nous pourrions soutenir largement. Son adoption constituerait une avancée allant dans le sens de ce que souhaite faire le Gouvernement : vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes vraiment constructifs ! (M. le secrétaire d'État applaudit. – Sourires sur les travées du groupe La République en marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Je souhaite répondre à un certain nombre d’interrogations, de remarques ou de suggestions.
Je ne veux pas laisser accroire l’idée qu’il y aurait des méchants qui veulent absolument la précarité.
M. Martial Bourquin. Il y en a qui y gagnent !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Les mobilités, en premier lieu la mobilité sociale, sont au cœur du projet présidentiel sur lequel Emmanuel Macron a été élu. Il s’agit de faire en sorte que les salariés ne soient pas assignés à résidence et condamnés à occuper des emplois précaires.
Le Gouvernement a fait le choix de mettre le paquet sur la formation professionnelle. Un plan de 50 milliards d’euros sera mis en œuvre à l’automne, dont 15 milliards d’euros seront consacrés à ce sujet. Cet effort est sans précédent, car nous avons besoin d’enrichir nos ressources humaines. Comme disait Jean Bodin, « il n’est de richesses que d’hommes » : nous y croyons fermement.
Un certain nombre de mesures figurant dans le projet de loi visent d’ailleurs à favoriser le recours au CDI. Je pense à l’institution de barèmes et à la sécurisation des procédures de licenciement.
Mme Annie Guillemot. Et les parachutes dorés !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Des employeurs vont se rendre qu’ils peuvent embaucher en CDI, parce qu’ils pourront aussi adapter leurs facteurs de production le moment venu. Nous faisons le pari qu’il y aura de plus en plus de CDI. Aujourd'hui, on dénombre 86 % de CDI en France ; notre but, c’est de « tangenter » les 90 %, voire les 95 %.
Nous ne sommes pas là pour industrialiser la précarité et le recours à des formes de contrats courts. Cela étant dit, certains secteurs, de par leurs spécificités, par exemple un caractère saisonnier parfaitement évoqué par les Francs-Comtois et les Vosgiens, doivent pouvoir recourir à des formes particulières d’organisation. Notre objectif n’en reste pas moins clairement d’aller vers des formes de contrats aussi sécurisées que possible. Faites-nous crédit de cette ambition et de notre honnêteté dans notre démarche !
Je reviens sur l’amendement de Sophie Primas, sur lequel René-Paul Savary insiste beaucoup, et j’entends son insistance au regard des enjeux, pour le secteur du tourisme, mais pas seulement, comme l’a montré Daniel Gremillet.
Mais, franchement nous nous connaissons un peu : je ne vous invite pas à une grand-messe à la Saint-Glinglin. Nous allons nous pencher ensemble sur ce dossier, étant rappelé, encore une fois, que la branche HCR – même si, je l’entends, elle n’est pas la seule concernée – pourra prendre aussi la main. Selon ce qu’elle aura fait, nous déciderons ensemble. Nous avons une clause de rendez-vous qui n’est pas très lointaine : le projet de loi à venir sur la formation professionnelle et l’apprentissage. Si alors nous ne débouchons sur rien, vous serez fondés à nous critiquer, mais, pour l’heure, créditez-nous de notre souhait de prendre en compte la question que vous soulevez. Le Premier ministre a pris hier des engagements forts en termes de caps ; en termes de méthode, voilà celle que je vous propose en toute bonne foi. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Vous l’aurez compris, monsieur le président, sous la pression amicale de mes collègues, je maintiendrai mon amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous fais entièrement confiance, comme j’ai fait confiance auparavant à un certain M. Macron, qui préside aujourd'hui aux destinées de notre pays.
Cet amendement, s’il était adopté, vous permettrait de travailler tout à fait librement, car il vise simplement à permettre « l’accès à ces contrats dans certains secteurs d’activité où les contrats d’usage sont par nature successifs et temporaires ». Vous n’en serez pas prisonnier, vous pourrez mener vos négociations avec les différents syndicats et les différentes fédérations, car il ne fait qu’ouvrir le champ des négociations.
Je vous fais donc entièrement confiance, comme je faisais confiance aux précédents gouvernements et, en particulier, à M. Macron quand il a été ministre de l’un d’eux, mais je souhaite que cet amendement soit adopté pour être sûre que cette problématique sera bien traitée.
J’indique à M. Desessard que ces contrats temporaires ont des contreparties importantes compte tenu de la flexibilité demandée aux employés, à savoir un système d’assurance chômage très proche de celui des intermittents du spectacle.
Enfin, j’invite M. le président de la commission à lire attentivement le rapport de l’IGAS sur ce sujet, car il pointe notamment le déséquilibre des comptes sociaux concernant ces contrats. Pour ma part, je soulève la problématique de l’usage de ces contrats par les entreprises et de leur utilité. S’il y a des déficits sociaux, il faut les régler autrement, mais tel n’est pas l’objet de mon amendement.
Veuillez m’en excuser, monsieur le secrétaire d’État : je ne retire donc pas mon amendement, car je veux que cette problématique soit enfin traitée.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je souhaite répondre à l’argument que j’ai entendu deux fois selon lequel notre position serait contradictoire avec celle que nous avons défendue lors des débats sur la loi El Khomri. Nous avions en effet alors valorisé, à maintes reprises, le rôle de la branche et insisté notamment sur son rôle en matière de régulation.
Les petits entrepreneurs réclament d’ailleurs une telle régulation, car, si on laisse toute latitude aux petites entreprises, il existe des risques de dumping social. Telle est aujourd'hui la position de l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, qui s’inquiète du texte des ordonnances et de ses répercussions en termes de dumping social dans les secteurs du sport, de l’animation ou de l’aide à domicile.
La question ici est non pas le rapport entre les branches et les entreprises, mais le fait que vous vouliez transférer aux branches l’encadrement des CDD, déjà prévu dans la loi. Pour ma part, je considère que c’est là un sujet d’ordre public. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, 85 % des embauches aujourd'hui se font en CDD. C’est intolérable compte tenu de la précarité que cela entraîne pour les salariés.
Je pense qu’il est faux de dire qu’il faudrait confier ce sujet à la branche pour que chaque secteur d’activité s’adapte. Les règles nationales définissent les cas dans lesquels le recours au CDD est possible, tels que le surcroît d’activité ou le remplacement de salariés absents. Prévoir une souplesse supplémentaire ne ferait qu’accroître la précarité des salariés sans régler les problèmes économiques qui se posent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Ma collègue Sophie Primas m’ayant recruté pour faire un extra, je voterai son amendement ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 125 et 159.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.) (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Desessard. C’est extra !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 51 rectifié bis, 126 et 164 sont identiques.
L'amendement n° 51 rectifié bis est présenté par MM. Tourenne et Botrel, Mmes Génisson et Jourda, MM. Labazée, Cabanel, Anziani et Godefroy, Mme Guillemot, M. Lalande, Mmes Lienemann et D. Gillot, M. J.C. Leroy, Mmes Perol-Dumont et Yonnet, M. Durain, Mmes S. Robert, Meunier et Monier, MM. Leconte, M. Bourquin, Mazuir, Assouline et Montaugé, Mme Tocqueville, M. Marie, Mme Blondin et M. Vandierendonck.
L'amendement n° 126 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 164 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié bis.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous allons maintenant avoir l’occasion d’apprécier ce que la sémantique a de plus délicieux ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Desessard s’exclame également.) Nous allons en effet évoquer les contrats à durée indéterminée pour une durée déterminée. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
En France, plus de trois millions de personnes travaillent avec un contrat précaire. Cette précarité n’a cessé d’augmenter. Elle est passée de 4 % à 15 % en moins de vingt ans. Le développement de cette forme d’emploi ne semble pas avoir été sérieusement entravé. Faut-il dans ces conditions créer un nouveau contrat, fût-ce en l’appelant CDI alors qu’il sera par définition à durée déterminée, sa durée correspondant à celle d’un chantier ou d’une opération ?
Il y a déjà là un abus de langage. S’adresse-t-on ici à notre intelligence, pour le dire avec délicatesse ?
Dans une interview accordée à la presse, la ministre du travail avait indiqué que le CDI resterait la norme. Il est surtout vrai qu’un CDI ne pourra être requalifié par le juge en CDI puisqu’il le sera déjà. C’est tout à fait astucieux pour limiter encore une fois le pouvoir du juge.
Et de quelle norme parle-t-on ici ? Quel serait l’encadrement de ce contrat de chantier ? Y aurait-il une durée plancher ou une durée plafond, par exemple ? Serait-il réservé à certains secteurs et à certaines classifications ? Est-on en train de nous faire comprendre, le moins brutalement possible, que le véritable CDI doit disparaître au profit d’une précarité généralisée et que ceux qui auront un contrat précaire de plus de deux ans seront les mieux lotis ?
En 2009, le ministre du travail de l’époque voulait déjà étendre les contrats de chantier à d’autres secteurs que le BTP. En 2013, le MEDEF avait proposé un CDI de projet de neuf mois minimum, mais cette mesure avait été retirée au dernier moment à la demande des syndicats.
Nous ne sommes donc pas étonnés de voir réapparaître ce contrat aujourd’hui. Nous espérons qu’il n’est pas le marqueur d’un « nouveau – et terrible – monde ». Nous y sommes donc opposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 126.
M. Dominique Watrin. Nous avons ici toujours défendu les contrats à durée indéterminée, qui sont une protection pour les salariés. Il n’est pas besoin de s’étendre sur ce point. L’alinéa 21 « délégitime » ce contrat en favorisant le recours aux contrats de chantier, qui s’appelleront demain « contrats de mission ».
Le Gouvernement s’inscrit dans une dynamique de flexibilisation du CDI. Il nous a déjà indiqué que, selon lui, c’est l’insécurité des salariés qui crée le dynamisme économique. Nous l’avons démontré, cette théorie part d’un postulat erroné, à l’origine de tous les échecs que nous avons connus depuis trente ans et qui méconnaît profondément le caractère nécessaire d’un CDI aujourd'hui.
Comment louer un appartement, contracter un emprunt ou effectuer un achat d’importance sans CDI ? Le CDI est une condition sine qua non pour s’installer et mener une vie digne de ce nom.
Si vous en doutez, demandez à tous ceux qui, aujourd'hui, ont un contrat CDI en intérim ce qu’on leur répond lorsqu’ils demandent un crédit ou cherchent un logement. On ne leur accorde pas de crédit ou de logement parce qu’il y a le mot intérim dans leur contrat. Il en sera de même demain pour ceux qui auront un CDI de chantier ou de mission : leurs demandes seront refusées. Il ne faut pas nous dire que les lettres C, D et I régleront le problème.
À notre avis, il faut régler le problème de la non-application des règles qui limitent le recours aux CDD. Beaucoup d’entreprises ont été condamnées. J’en ai déjà cité des exemples par le passé.
Si la situation actuelle n’est pas acceptable, ce que vous nous proposez ne ferait que l’aggraver.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 164.
M. Jean Desessard. Mon argumentaire vient à la suite de celui, éloquent et plein d’humour, de M. Tourenne, et de celui, puissant et étayé, de M. Watrin.
Avec le présent projet de loi, le Gouvernement entend développer les contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération, les désormais fameux « CDI de projet ».
Seulement, l’idée de durée indéterminée n’apparaît que dans le nom de ce contrat, qui sonne aux oreilles comme un étrange oxymore. En effet, il s’agit plus d’un contrat à durée déterminée déguisé, car il prendra fin à l’issue de la mission accomplie par le salarié.
Autrement dit, ces salariés vont tout de même subir la précarité engendrée par les contrats de travail à durée déterminée et les conséquences néfastes qui les accompagnent. Je ne reviendrai pas sur les difficultés rencontrées par ces salariés tant sur le plan matériel que sur le plan physique.
Le Gouvernement prétend que cette appellation permettra aux salariés d’être plus facilement titulaires d’un bail ou de bénéficier d’un prêt… Or la simple lecture du contrat montrera l’artifice du dispositif. En outre, à ma connaissance – mais peut-être aurons-nous des précisions à cet égard ? –, ces salariés ne bénéficieront pas des rares avantages que procurent les contrats courts. Ainsi, ils ne connaîtront pas la date précise de la fin de leur contrat et ne pourront pas anticiper un autre emploi. Ils ne bénéficieront pas non plus de la prime de précarité.
On le comprend bien, les salariés titulaires de ces contrats à durée indéterminée pour la durée d’un chantier ou d’une opération se verront infliger une double peine.
M. le président. L'amendement n° 215 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Durain et Roger, Mmes Lepage, Guillemot et Monier et MM. Cabanel et Marie, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
par accord de branche
par les mots :
pour les entreprises mentionnées à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il s’agit bien entendu d’un amendement de repli, puisque je soutiens les amendements de suppression de l’alinéa 21.
N’inventons pas d’histoires ! Qui a demandé ce contrat ? Le MEDEF en 2013 ! Il est revenu à la charge en 2015. Vous dites que vous le mettez en œuvre pour le bien du monde du travail. Or, remettons les pendules à l’heure, cette demande n’émane pas du monde du travail.
Par ailleurs, j’ai l’impression que ce contrat est l’expression de tout le cynisme que l’on trouve parfois non seulement dans le monde politique, mais aussi chez un certain nombre de hauts fonctionnaires…
Franchement, reconnaissez qu’il s’agit en réalité d’un contrat à durée déterminée qui protège moins bien. Le salarié cumule les désavantages et de l’intérim et du contrat à durée déterminée. On pense avoir réglé le problème en parlant de contrat à durée indéterminée. C’est une façon d’habiller les choses : on fait du mal en se faisant passer pour gentil, mais aucun salarié n’est dupe ! À force, beaucoup vont être irrités.
Si, comme d’aucuns l’ont souligné, rien ne changera dans les secteurs qui, comme celui de la chimie, embauchent généralement en CDI, la précarité va s’accroître là où elle est déjà très forte. Aux Pays-Bas, où ce type de contrat a été expérimenté dans le but de favoriser la souplesse et donc l’embauche, il a été constaté que non seulement ce but n’avait pas été atteint, mais aussi que la situation des salariés déjà fragilisés au sein des entreprises avait été encore plus précarisée. Selon Le Monde d’hier, les Néerlandais envisagent de mettre fin à cette expérimentation pour revenir à leur ancien système et à une distinction claire entre contrat à durée indéterminée et contrat à durée déterminée.
J’ai déposé cet amendement de repli pour qu’une expérimentation suivie d’une évaluation puisse être engagée dans le secteur du numérique et des start-up si la suppression de l’alinéa 21 ne passe pas.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent, Savary et Gabouty, Mme Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud, Billon et Imbert, MM. Rapin, Kern et Pellevat et Mmes Debré, Deromedi, Di Folco et Keller, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Après les mots :
d'un chantier
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, d'une opération ou d'un projet de croissance ;
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. C’est aussi un amendement d’ouverture : je vous propose de créer un contrat de croissance !
M. Antoine Lefèvre. On en a vraiment besoin !
Mme Évelyne Yonnet. Cela va simplifier les choses…
M. René-Paul Savary. C’est mieux que la décroissance !
Il s’agirait d’un contrat à durée indéterminée basé sur des objectifs collectifs, liés à des indicateurs économiques prédéterminés, objectifs qu’il conviendrait d’atteindre au terme d’une période définie. Il serait tenu compte dans le contrat de travail de ces objectifs, tels que le développement des parts de marché ou le lancement d’une nouvelle activité, d’un nouveau produit ou service. L’atteinte de ces objectifs impliquerait automatiquement la poursuite du contrat de manière indéterminée. En revanche, le fait que les objectifs ne soient pas atteints au terme de la période définie constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le contrat de croissance se différencierait du contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération spécifique dans la mesure où il aurait vocation à ne pas avoir de terme, excepté si les objectifs collectifs liés aux indicateurs économiques prédéterminés n’étaient pas atteints. Le contrat de croissance favoriserait ainsi les emplois pérennes.
M. le président. L'amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par les mots :
ou en permettant, à défaut d’accord de branche, le recours à ces contrats par élargissement d’une convention ou d’un accord professionnel étendus, en application de l’article L. 2261-17 du code du travail
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Le projet de loi restreint la possibilité de conclure des contrats de mission à l’adoption d’un accord de branche. Les entreprises ayant besoin de recourir à ce type de contrats risquent donc d’être bloquées si la branche de leur secteur professionnel n’a pas encore conclu de convention ou d’accord.
Afin de résoudre cette difficulté, le présent amendement tend à ce qu’un accord de branche qui aurait été conclu sur cette question au niveau professionnel ou interprofessionnel dans un autre secteur puisse être élargi au secteur professionnel ou à la branche d’activité concernée.
M. le président. L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par les mots :
ou en permettant la conclusion de tels contrats, à défaut de convention ou d’accord de branche conclu dans les douze mois de la publication de la loi n°…. du…. d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement de même nature prévoit que, à défaut d’accord de branche conclu dans un délai de douze mois à compter de la publication de la future loi d’habilitation, des contrats de mission pourront être mis en place dans le secteur considéré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Les partenaires sociaux semblent souhaiter donner le monopole aux accords de branche en matière de gestion et de qualité de l’emploi. Ce faisant, les accords de branche fixeraient les règles du recours aux CDD, aux contrats d’intérim et aux contrats de chantiers dans les entreprises relevant de la branche.
Je partage cette analyse qui permettrait de fixer un socle de règles communes pour éviter la concurrence sociale déloyale entre entreprises.
C’est dans cet esprit que la commission a souhaité préciser que le recours aux CDI de chantier devra respecter un cadre commun fixé par la loi, qui distinguera ce qui relève de l’ordre public absolu, des accords de branche et des dispositions supplétives.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 51 rectifié bis, 126 et 164.
L’amendement n° 215 rectifié bis soulève deux problèmes. Le premier est qu’il écraserait l’encadrement des accords de branche, auquel le Gouvernement, les partenaires sociaux et le Sénat sont attachés. Le second est que la notion d’expérimentation, mentionnée dans l’objet, n’apparaît pas dans le dispositif.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 19 rectifié bis, la notion de projet de croissance, séduisante sur le plan intellectuel, n’a pas d’existence juridique.
Elle m’apparaît comprise dans la notion d’opération, qui est bien plus large que celle de projet de croissance. Vise-t-on les projets de développement de l’activité de l’entreprise, de l’emploi ? Comment identifier de tels projets ?
Le plus simple, selon moi, est justement de faire confiance aux partenaires sociaux de la branche pour définir les conditions de recours au CDI de branche, comme le prévoit l’habilitation. Le législateur ne peut pas prévoir a priori, et abstraitement, tous les cas de figure autorisant l’utilisation du CDI de chantier.
C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 205 rectifié, comme l’amendement n° 206 rectifié, tend à préciser le sens des mesures que le Gouvernement est habilité à prendre pour favoriser et sécuriser le recours aux contrats de chantier. Il vise à ce que, en l’absence d’accord de branche, les entreprises puissent avoir recours à des contrats de chantier sur la base d’un accord collectif conclu dans une autre branche et élargi par une décision du ministre du travail.
Je ferai deux remarques.
Tout d’abord, le droit en vigueur satisfait déjà la préoccupation des auteurs de l’amendement. Ensuite, l’élargissement n’a de sens que si la branche d’accueil présente des caractéristiques sociales et économiques proches de celles de la branche d’origine. Par exemple, un accord de la branche de la plasturgie pourra être élargi à la branche de l’imprimerie, mais pas à celle des architectes.
La commission s’en remet, mais de façon plutôt négative, à la sagesse du Sénat.
Elle sollicite le retrait de l’amendement n°206 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Je souhaiterais d’abord apporter quelques précisions concernant la position du Gouvernement sur les CDI de chantier.
Il faut d’abord savoir de quoi on parle en termes de chiffres : 20 000 salariés, sur 23 millions, sont concernés, soit moins d’un pour mille.
Les modalités du CDI de chantier permettent manifestement de répondre à des besoins ponctuels et précis dans certains secteurs d’activité qu’on pourrait presque qualifier de niches.
Vous le savez, l’idée qui sous-tend ces CDI de chantier est d’offrir de la visibilité, tant pour le salarié que pour l’employeur. Il ne s’agit en effet pour le salarié non pas d’enchaîner des CDD de six mois, mais de signer un contrat pour effectuer une tâche dont la réalisation pourra s’étaler sur trois ou quatre ans.
On parle beaucoup de STX en ce moment, et le Gouvernement sera amené à s’exprimer à ce sujet cet après-midi, mais reprenons l’historique.
Les partenaires sociaux, employeurs comme salariés, étaient parvenus à un accord assez novateur : ils avaient conclu un pacte territorial qui prévoyait, sur le plan des ressources humaines, le recours, pour un certain nombre de personnes en recherche d’emploi, à des CDI de chantier accompagné de dispositifs de formation professionnelle afin que ces personnes puissent, à l’issue du chantier, continuer leur activité dans d’autres missions ou d’autres emplois, quelle qu’en soit la forme.
Malheureusement, ce pacte territorial n’a pu voir le jour justement parce qu’il a buté sur l’absence de dispositions législatives permettant de le sécuriser.
C’est pourquoi le projet de loi d’habilitation prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre des mesures « favorisant et sécurisant » ces CDI de chantier.
Je voulais rappeler les principes et le nombre de personnes concernées, rappeler aussi la dimension vertueuse que les partenaires sociaux ont voulu donner à ces contrats en prévoyant un volet formation.
On ne peut plus en rester à la toise unique du CDI de quarante ans dans la même entreprise, car le monde a changé et il serait vain d’ériger d’illusoires lignes Maginot. Il s’agit non pas de précariser les contrats, mais, au contraire, de trouver des modalités d’organisation qui permettent à des chômeurs de revenir à l’emploi et à des salariés de conserver le leur.
Je crois donc qu’il ne faut pas faire de mauvais procès au Gouvernement sur ce sujet.
Pour en revenir à la construction navale et pour conclure, je souligne que, faute pour STX d’avoir pu recourir à un tel dispositif, ce sont parfois des formes d’emploi encore moins sécurisées qui ont été mises en place.