Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, je ne vous cache pas que j’aurais préféré que nous puissions débattre du projet de loi de règlement avec, présents au banc du Gouvernement, les ministres du précédent gouvernement. Cela m’aurait semblé tout à fait normal de dresser le bilan du quinquennat avant l’élection présidentielle.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Vincent Delahaye. En revanche, il ne me paraît pas du tout normal que nous examinions les comptes de l’année 2016 le 20 juillet 2017, en présence de nouveaux ministres, qui ne sont pas responsables de ce qui s’est passé sous le quinquennat qui vient de s’achever.
M. Vincent Delahaye. Il faudra y réfléchir dans le cadre du changement de pratiques souhaité par le Président de la République.
M. Claude Raynal s’est réjoui du contenu du projet de loi de règlement et a déclaré qu’il allait le voter. Pour notre part, nous n’allons pas le voter (M. Claude Raynal s’exclame.), d’abord parce que nous n’avons pas voté le projet de loi de finances initiale, mais aussi parce que nous considérons que les comptes ne sont pas sincères, avec 12,5 milliards d’euros de reports de charges de 2016 sur 2017, ainsi que la Cour des comptes l’a relevé.
C’est 16 % du résultat qui n’est pas bon, pour un déficit s’établissant à 76 milliards d’euros. Le déficit s’élève alors non pas à 3,4 %, mais à 3,95 % du PIB, ce qui n’est plus du tout la même chose.
Outre le report de charges, on note une augmentation considérable des frais de personnels pour l’année 2016, une hausse de la masse salariale équivalant à celle des cinq années précédentes. Au reste, l’endettement est à son maximum : il atteint 2 200 milliards d’euros, c’est-à-dire sept années et demie de recettes fiscales – TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu… C’est considérable !
Le projet de loi de règlement montre donc, malheureusement, une situation extrêmement dégradée de nos finances publiques. Ce n’est pas une découverte pour nous. Je rappelle que le Sénat avait, à juste raison et avec la sagesse qui caractérise toujours ses travaux (M. Gérald Darmanin, ministre, approuve.), refusé d’examiner la loi de finances initiale pour 2017, parce qu’il avait estimé que ce texte était insincère.
De même, je considère aujourd’hui que les comptes de 2016 qui nous sont présentés sont insincères. Un report de charges de cette dimension n’aurait été accepté dans aucune entreprise privée !
Il est donc vrai que c’est un mauvais cadeau pour le nouveau gouvernement. Toutefois, contrairement à ce que certains viennent d’affirmer, ce n’est pas aujourd'hui que nous découvrons cette situation. Vous étiez alors députés, messieurs les ministres.
M. Vincent Delahaye. Quant à nous, nous siégions déjà sur ces travées. D’ailleurs, je vous invite à relire l’intervention sur le projet de loi de finances initiale que j’ai prononcée à l’automne dernier : j’annonçais déjà ce qu’a constaté la Cour des comptes, à savoir qu’il manquait 11 à 12 milliards d’euros dans les dépenses de l’État. (M. Michel Canevet le confirme.) Ce n’est donc pas une découverte ! Nous connaissions la situation.
Cette dernière plombe forcément les années 2017 et 2018. Cependant, nous sommes réunis aujourd’hui à la fois pour examiner le projet de loi de règlement, qui solde le passé, et, surtout, pour réfléchir à l’avenir, pour nous demander ce que nous allons faire, tous ensemble.
Il est évident qu’il faut un assainissement de nos comptes publics. Sur ce plan, messieurs les ministres, vous nous présentez une trajectoire ambitieuse. Mais, voilà cinq ans, François Hollande, qui venait d’accéder au pouvoir, nous présentait déjà une trajectoire très ambitieuse, puisqu’il fallait revenir à l’équilibre en cinq ans. Nous avons vu ce qu’il en est advenu : nous sommes très loin de l’équilibre à la fin de l’année 2016.
Je crains que vous ne fixiez un objectif trop ambitieux. Pour ce qui me concerne, je pense qu’il faut, pour revenir à l’équilibre des finances publiques, se donner plutôt huit ans que cinq. Cinq ans me paraissent une durée trop courte, compte tenu de la distance à parcourir pour revenir à cet équilibre, qui est souhaitable pour notre pays.
Par ailleurs, j’estime qu’il faut arrêter d’être trop optimiste. Quand on élabore un budget, il faut être prudent. La prudence est même la première des qualités lorsque l’on présente un budget, que ce soit dans nos collectivités ou pour le compte de l’État. À cet égard, je ne partage pas tout à fait votre analyse : une prévision de croissance de 1,6 % ou 1,7 % pour les prochaines années ne me paraît pas prudent.
Savez-vous, messieurs les ministres, à combien s’est établi le taux de croissance moyen en France ces dix dernières années ? Il semble que personne, dans cet hémicycle, ne connaisse la réponse, qui est 0,9 %… Dans ces conditions, un taux de 1,6 ou 1,7 % sur cinq ans ne me semble pas prudent.
J’avais déjà proposé à vos prédécesseurs que l’on prenne comme hypothèse de croissance le consensus des économistes moins 0,5 %. Ils n’ont pas suivi cette proposition. Pour ma part, j’aimerais que l’on retienne cette position de principe, l’objectif étant d’avoir de bonnes plutôt que de mauvaises surprises. Or, aujourd’hui, votre hypothèse de croissance me semble quelque peu optimiste. Il serait souhaitable de partir sur des hypothèses plus basses.
Ensuite, il est nécessaire de faire des économies, de vraies économies, et que l’on ne parle plus, comme sous le quinquennat précédent, de « maîtrise des dépenses publiques ».
Je vous ai justement entendu parler de baisse de la dépense publique. Cela me plaît ! Ce qui me plaît moins, c’est que vous avez évoqué une augmentation de 0 % en volume. Ce n’est donc pas une baisse ; c’est une stabilité. (M. Gérald Darmanin, ministre, le conteste.) En outre, lorsque l’on raisonne en volume, on tient compte de l’inflation, ce qui signifie que les dépenses augmentent tout de même… J’ai bien entendu qu’un tel effort n’avait jamais été réalisé. Cela étant, je suis favorable à une véritable baisse. Celle-ci nécessite des réformes de structure. Je les attends ! On nous les a annoncées ; elles figurent dans vos documents. J’espère que nous y verrons plus clair sur ces réformes, à mes yeux indispensables, d’ici à la fin de l’année.
Je souhaite donc une vraie baisse de la dépense publique.
Vous envisagez des économies à hauteur de 20 milliards d’euros en 2018 et de 82 milliards d’euros sur la durée, contre 60 milliards d’euros initialement annoncés par le Président de la République. Pourquoi pas ? Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, le montant annoncé est passé de 10 à 13 milliards d’euros.
J’aimerais vous entendre sur la répartition complète de ces 82 milliards d’euros d’économies, au-delà même du taux de 50 % que vous avez évoqué tout à l'heure. C’est important. Il faut tout de même savoir que le déficit de l’État représente 95 à 98 % du déficit d’ensemble, puisque les collectivités locales ont enregistré un excédent de 3 milliards d’euros à la fin de l’année 2016.
J’aimerais surtout que les économies soient calculées de la même manière pour les collectivités locales et pour l’État. Tel n’était pas le cas sous le quinquennat précédent. Cela nous a beaucoup gênés, et je ne voudrais pas que l’on recommence sur cette base. Si l’on considère que l’État fait des économies avec un taux de 0 % en volume, il doit en aller de même pour les collectivités locales.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Je rappelle que, dans son discours, le Président de la République a appelé de ses vœux une confiance réciproque. Pour que celle-ci s’établisse, il faut partir sur les mêmes bases dès le début du quinquennat. Cela me semble très important si l’on veut pouvoir travailler ensemble.
En tout état de cause, les membres du groupe Union Centriste souhaitent que le Sénat travaille avec le Gouvernement, l’aide à redresser la situation et fasse des propositions. Nous avons envie de faire confiance au Gouvernement, messieurs les ministres, mais le crédit que nous pouvons vous accorder ne sera pas éternel.
M. Vincent Delahaye. Pour que ce crédit dure dans le temps et pour que cette confiance se maintienne, il faut absolument que nous tenions un discours commun. De ce point de vue, un pronostic prudent et le mode de calcul des économies à réaliser doivent être définis dès le début de cette mandature, de manière que nous puissions procéder ensuite aux vérifications nécessaires.
À cet égard, le projet de loi de finances pour 2018 sera forcément une épreuve de vérité, du moins je l’espère. J’ai entendu dire qu’il n’y aurait plus de sous-budgétisation. La sincérité sera, de fait, le premier marqueur du budget si celui-ci prend en compte toutes les dépenses à venir telles qu’on peut les connaître au moment de sa préparation, c’est-à-dire aux mois de septembre et d’octobre prochains.
Je souhaite également que vous vous engagiez sur la réserve de précaution. Quand on leur oppose les 11 milliards d’euros de nouvelles dépenses, les anciens ministres Michel Sapin et Christian Eckert répondent qu’il y avait 13 milliards d’euros de réserve de précaution… Selon moi, la vraie réserve de précaution est celle que l’on peut vraiment geler ! La réserve de précaution n’en est pas vraiment une quand on sait que l’on devra faire face à des dépenses de rémunération, de pension et autres.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle a été dévoyée !
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, j’aimerais qu’il y ait une vraie réserve de précaution et une provision pour dépenses imprévues, par exemple pour les OPEX. La situation actuelle ne permet pas d’y voir clair. J’aime la clarté, la transparence, l’honnêteté. Ces qualités me paraissent également très importantes dans la présentation des comptes publics.
Pour résumer, j’appelle à la prudence, à des objectifs peut-être un peu moins ambitieux, un peu plus étalés dans le temps, mais tenables – c’est, à mes yeux, le plus important –, et à la vérité et la clarté pour le projet de loi de finances pour 2018.
Pour aller un peu plus loin sur ce dernier, j’ai entendu le Président de la République déclarer, cet après-midi, que le seul budget qui augmenterait serait celui de la défense. Autrement dit, les autres budgets baisseront ou connaîtront une évolution égale à zéro.
M. Vincent Delahaye. Pas à mes yeux !
M. Vincent Delahaye. Il me faut conclure, car je sais que Mme présidente veille rigoureusement au respect par chacun de son temps de parole. (Mme la présidente approuve.)
M. Vincent Delahaye. J’aime, moi aussi, la rigueur. C’est une qualité tout particulièrement importante lorsqu’il s’agit des comptes publics.
M. Vincent Delahaye. À cet égard, je serai très vigilant à ce que ne soient pas définies, dans le budget, une dizaine de priorités, chose que l’on a vue très régulièrement par le passé. Quand on a dix priorités, on n’en a plus une seule ! J’entends que la priorité est aujourd'hui donnée à la défense. J’espère que cette priorité sera respectée et, surtout, qu’il n’y en aura pas plus de deux ou trois au total.
Pour conclure, messieurs les ministres, nous avons envie de vous faire confiance. Nous espérons que vous agirez vite, fort, avec courage et discernement, et que vous le ferez avec transparence et honnêteté à l’égard des parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le Président de la République avait annoncé, pendant la campagne électorale, qu’il demanderait un audit des finances publiques dans la foulée de cette élection. Nous disposons désormais de cet audit.
Certains diront qu’il s’agit d’une démarche classique, tout nouvel élu, quel que soit le poste, cherchant toujours à charger la barque de son prédécesseur.
M. Claude Raynal. Tout est dit !
M. Philippe Dallier. C’est ce que n’ont pas manqué d’affirmer Michel Sapin et Christian Eckert, qui, je l’avoue, nous manquent aujourd’hui (Sourires.), mais que Claude Raynal a essayé de remplacer en usant des mêmes arguments.
Pour nous, comme pour tous ceux qui s’intéressent un peu aux finances publiques, cet audit était nécessaire, parce que nous savions tous – y compris à Bercy, j’en suis persuadé – qu’il y avait des cadavres dans le placard.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je le confirme !
M. Philippe Dallier. De fait, les conclusions de l’audit réalisé par la Cour des comptes ont été d’une sévérité rarement observée.
Selon la Cour, les résultats de l’année 2016 ont été particulièrement médiocres et, plus grave encore, le budget voté en loi de finances initiale pour 2017 comportait des éléments d’insincérité connus, qui rendaient l’objectif affiché de 2,8 % absolument inatteignable.
Je n’insisterai pas trop sur les résultats de l’année 2016, puisqu’il s’agit du bilan de vos prédécesseurs, messieurs les ministres. Tout de même, je relève que, en 2016, la croissance de l’économie française a été médiocre, avec un taux de 1,2 %, soit à peine mieux qu’en 2015, quand le taux s’établissait à 1,1 %. Surtout, son niveau est resté très en deçà de celui des autres pays européens, avec 1,8 % en Allemagne et dans la plupart des pays européens.
M. Philippe Dallier. Pourquoi ce décalage ? Telle est bien la question que nous devrions nous poser. Pourquoi la France est-elle à la traîne depuis maintenant un certain nombre d’années ? La France a décroché, et c’est bien cela qui devrait nous inquiéter. Selon nous, c’est la conséquence directe des politiques qui ont été conduites depuis 2012, parce que nous n’avons pas fait les réformes structurelles nécessaires, notamment du marché du travail.
De même, le déficit public s’est très faiblement réduit l’an dernier, passant de 3,6 % du PIB en 2015 à 3,4 %. Cette amélioration « peu significative » doit, en outre, être relativisée.
D’une part, il n’est pas inutile de rappeler que, en 2012, à peu près à la même époque, le Gouvernement qui venait de s’installer nous annonçait le retour à l’équilibre des comptes publics pour 2016. À la fin de cette année, le déficit s’établissait à 3,4 %…
D’autre part, cette lente amélioration est essentiellement due à d’autres facteurs que la bonne maîtrise des dépenses de l’État. Elle est principalement liée, comme cela a été rappelé, à une charge de la dette inférieure de 3 milliards d’euros à celle que l’on a observée en 2015, du fait d’une nouvelle diminution des taux d’intérêt – tant mieux, mais c’est tout à fait conjoncturel et cela aura une fin. Elle est également, pour moitié, le fruit de l’amélioration des comptes des collectivités territoriales, qui, par leurs efforts, ont dégagé un excédent de 3 milliards d’euros en 2016, malgré la réduction des dotations de l’État, ou à cause de celle-ci – j’ignore ce qu’il faut dire. Il faut rappeler que cet excédent cache une réalité, qui finira par nous rattraper : c’est d’abord l’investissement public des collectivités locales qui baisse.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Or on sait bien que l’on paiera un jour le fait de tirer sur l’entretien des bâtiments et de la voirie.
J’appelle d’ailleurs votre attention, messieurs les ministres, alors que vous déclarez vouloir imposer 13 milliards d’euros d’économies aux collectivités locales, après une baisse des dotations de l’État de 11 milliards d’euros sous le quinquennat précédent, sur le fait que ces dernières ont déjà consenti des efforts de gestion importants. Je suis heureux que vous l’ayez noté, monsieur le ministre, parce qu’il est vrai que, dans le climat actuel et depuis une dizaine de jours, on a plutôt l’impression, en écoutant les journalistes, que les collectivités locales sont responsables de tous les malheurs budgétaires de ce pays… C’est loin d’être le cas, et il est bon que cela soit rappelé.
Par exemple, la progression de la masse salariale des collectivités territoriales, malgré la hausse de la valeur du point et le plan de revalorisation des carrières, a été contenue, en 2016, à 0,8 %, alors que la masse salariale de l’État a progressé de 1,6 %. Nous avons donc fait deux fois mieux que l’État !
Oui, nos collectivités ont déjà pris une part importante à la réduction du déficit public.
Quant au budget de l’État, le déficit n’a été réduit que de 1,5 milliard d’euros en 2016, à 69,1 milliards d’euros, et encore, selon les termes de la Cour des comptes, au prix d’« accommodements critiquables » avec la comptabilité budgétaire. En effet, les reports de charges ont été augmentés de 900 millions d’euros par rapport à 2015, ce qui n’est pas rien. La Cour dénonce également la sortie du périmètre du budget de l’État de 1,9 milliard d’euros de dépenses. Ces petits habillages permettent d’améliorer la situation, mais ne reflètent pas la vérité des chiffres.
La Cour des comptes note aussi, et c’est peut-être le plus grave, que, hors éléments exceptionnels et investissements d’avenir, le déficit ne s’est, en fait, pas réduit depuis 2013. Dès lors, mon cher collègue Claude Raynal, on a du mal à se laisser convaincre par vos arguments.
M. Claude Raynal. C’est dommage !
M. Philippe Dallier. Certes, mais nous préférons suivre la Cour des comptes. Son audit nous semble un tout petit peu plus…
M. Claude Raynal. Ne soyez pas trop désagréable… (Sourires.)
M. Philippe Dallier. … sérieux.
Voilà, me semble-t-il, la critique la plus sévère qui est adressée à la majorité précédente.
De surcroît, le déficit public de la France demeure, en 2016, très supérieur à celui de la moyenne de l’Union européenne et à celui de la zone euro, lesquels s’établissent respectivement à 1,7 % et 1,5 %. La France est d’ailleurs, avec l’Espagne, le seul pays pour lequel la procédure de déficit excessif demeure maintenue.
M. Philippe Dallier. Rappelons également que notre taux de dépense publique atteint 56,4 % de la richesse nationale et que nous détenons, sur ce plan, le record d’Europe.
Quant au taux des prélèvements obligatoires, il s’est établi à 44,4 % du PIB en 2016, comme en 2015, alors qu’il n’était que de 43,8 % en 2012.
Les dernières années du quinquennat Hollande devaient être celles de la baisse de la fiscalité. Il est vrai que l’impôt sur le revenu a baissé pour les ménages les plus modestes et que les entreprises ont bénéficié d’allégements, mais, globalement, les prélèvements obligatoires n’ont pas diminué.
Enfin, la dette publique a atteint 2 147 milliards d’euros. Elle est passée de 95,6 % du PIB en 2015 à 96,3 % en 2016, se rapprochant inexorablement des 100 % de la richesse nationale, là aussi sans l’artifice des primes d’émission que le Gouvernement a largement utilisé en 2015, comme en 2016. Cette diminution faciale de la dette revient à reporter le coût sur les années à venir. Je rappelle que le général de Gaulle, qui est mon maître en politique, disait qu’il ne faut jamais sacrifier le long terme au court terme.
La dette est d’autant plus inquiétante que les taux d’intérêt sont, comme chacun sait, en passe de remonter. (M. Claude Raynal manifeste son scepticisme.) Après un trou exceptionnel en 2016, ils ont déjà retrouvé leur niveau de 2015. Nous sommes heureux de constater que le Gouvernement a, dans ses prévisions, anticipé cette remontée des taux à un niveau important, mais cela ne fait pas disparaître pour autant le risque qui pèse sur le budget dans des proportions considérables.
Nous détenons plusieurs records en Europe : nous avons décroché la médaille d’or de la dépense publique, la médaille d’argent du déficit public et nous figurons sur le podium pour notre niveau de prélèvements obligatoires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas terrible !
M. Philippe Dallier. Notre déficit budgétaire est le double de la moyenne de nos voisins, sans parler de l’Allemagne – il y a toujours quelqu’un pour s’énerver quand on évoque ce pays –,…
M. Philippe Dallier. … qui est en excédent budgétaire depuis 2014.
La comparaison à l’égard du déficit structurel est tout aussi désavantageuse pour nous.
La dette publique française a augmenté de 0,7 point en 2016, alors que la dette a diminué, en moyenne, de 1,4 point dans l’Union européenne et de 1,1 point dans la zone euro. Ainsi que M. le rapporteur général de la commission des finances l’a rappelé, la divergence avec l’Allemagne est de presque 30 points, contre 10 points en 2012. Autrement dit, l’écart s’est très largement creusé. Je rappelle que la dette allemande était pourtant légèrement supérieure à celle de la France avant la crise économique. La divergence avec l’Union européenne s’élève à 13 points – sur ce plan, le décrochage s’est bien opéré en 2012. La divergence avec la zone euro est de 7 points – le décrochage est, en l’espèce, apparu en 2014.
La Cour des comptes est donc parfaitement fondée à affirmer que la situation de nos finances publiques est médiocre. Pour ma part, je trouve le terme encore trop faible : je considère qu’il serait plus juste d’évoquer une situation alarmante.
Ce constat n’est pourtant pas nouveau. Nous l’avions déjà dressé au mois de novembre dernier, à l’occasion de la discussion budgétaire. À l’époque, nous avions organisé une conférence de presse avec nos collègues du groupe qui s’appelait encore « UDI-UC ». Certains journalistes apparaissaient encore quelque peu incrédules et dubitatifs, pour ne pas dire narquois. Nous avions pourtant pointé du doigt les mêmes éléments d’insincérité que la Cour des comptes aujourd’hui, ce qui nous avait conduits à adopter une posture qui avait été condamnée sur les travées du groupe socialiste et républicain : nous avions, après une longue discussion générale, voté la question préalable, qui avait entraîné le rejet du budget. Que n’avions-nous entendu alors de la part de nos collègues socialistes, pour certains membres aujourd’hui du groupe La République en marche ?
Sept mois plus tard, la Cour des comptes reprend exactement nos critiques et, comme le rapporteur général de la commission des finances l’a rappelé, valide notre hypothèse de déficit de 3,2 % pour 2017. Nous reconnaissons bien volontiers que notre seul tort fut d’avoir eu raison trop tôt.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme souvent ! (Sourires.)
M. Claude Raynal. Pas si sûr…
M. Philippe Dallier. Le Gouvernement feint aujourd’hui de découvrir la situation. Messieurs les ministres, nous trouvons que la ficelle est un peu grosse… Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler qu’Emmanuel Macron tenait les rênes de Bercy jusqu’à l’été 2016. On peut donc considérer qu’il est comptable de la situation, surtout quand on connaît la mécanique de ce ministère. En août 2016, le budget 2017 était bouclé et chacun savait que la situation budgétaire serait bien plus difficile qu’affichée – il me semble que la commission des finances a récupéré quelques notes de la direction du Trésor alertant en ce sens. Tout le monde savait, mes chers collègues, mais on n’a pas voulu dire… À l’Assemblée nationale – M. Bruno Le Maire était député –, Gilles Carrez, dont personne ne saurait mettre en doute la qualité de l’analyse, avait lui aussi, comme nous, alerté sur la situation.
Dès lors, la découverte du mauvais état des comptes publics s’apparente un peu à une mise en scène, qui permet de revenir sur certaines annonces de campagne.
M. Claude Raynal. Nous sommes d’accord ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Cela nous fait un point d’accord, mon cher collègue, mais je crains qu’il n’y en ait pas davantage… (Nouveaux sourires.)
Tout ce qui figure dans le rapport de la Cour des comptes était connu.
La Cour avait recommandé, en cas de dérapage des comptes, de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative. Malgré l’état des finances publiques, que vous semblez découvrir, messieurs les ministres, vous vous y refusez.
D'ailleurs, je dois vous dire que je n’ai pas bien compris la réponse que M. le Premier ministre m’a apportée lors du débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement, le 5 juillet dernier. Il m’a assuré que le Gouvernement n’avait pas déposé de projet de loi de finances rectificative pour ne pas être dans l’obligation d’augmenter les impôts. J’ai été un peu surpris par cette réponse. Depuis, nous avons procédé à quelques vérifications, et personne ne pourra me démontrer que la LOLF impose une hausse des impôts dans une loi de finances rectificative. Celle-ci vise à ajuster les dépenses et les recettes en fonction de la nouvelle situation et donne l’occasion d’un débat au Parlement. En revanche, sur vos décrets d’avance, le débat est très limité.
M. Philippe Dallier. Effectivement, nous en avons un peu discuté en commission des finances.
M. Philippe Dallier. Nous avons pu voter pour ou contre… Mais un décret d’avance ne permet pas au Parlement, comme une loi de finances rectificative, de modifier les chiffres et de faire bouger les curseurs.
Vous préférez passer par un décret d’avance, pour 3,3 milliards d’euros d’annulations de crédits. Ces annulations touchent notamment la défense, avec les conséquences assez regrettables que l’on sait, mais aussi la justice, la sécurité, l’enseignement supérieur et la recherche, les collectivités territoriales.
Peu de mes collègues ont rappelé que vous supprimiez 209 millions d’euros de crédits alloués au fonds de soutien à l’investissement local et aux contrats territoriaux de développement rural. Dans le document justifiant cette suppression, la rédaction utilisée par les services de Bercy donne l’impression que les collectivités locales n’avaient pas déposé de dossier. J’en doute ! La réduction de cette subvention octroyée à nos collectivités territoriales est malvenue par les temps qui courent.
Le temps passe, et il me faut conclure avant que Mme la présidente ne me fasse remarquer que mon temps de parole est expiré.
Oui, messieurs les ministres, vous avez profité de cette mise en scène sur la découverte de l’état de nos comptes publics pour changer votre fusil d’épaule en matière de politique économique et budgétaire. C’est quelque peu regrettable.
En 2012, François Hollande a commis une grave erreur : il a cru que la croissance allait revenir toute seule. Il a matraqué fiscalement les particuliers et les entreprises. Il a tué la croissance.