M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je maintiens mon amendement car j’ai copié et collé les contraintes fixées pour des structures comme la HADOPI.

Évidemment, on peut toujours envisager que telle personne qui a travaillé il y a plus de trois ans dans une structure liée à la HADOPI travaille pour cette autorité. D’ailleurs, on ne l’interdit pas, on instaure ce délai de viduité de trois ans. Cela permet ainsi à ce haut fonctionnaire de diversifier ses compétences dans d’autres domaines que ceux qui relèvent stricto sensu de la HADOPI.

Je constate que ce principe est valable aussi dans l’énergie et dans plein d’autres domaines mais que, comme par hasard, ce n’est pas valable dans la banque et la haute finance.

Je ne nie pas les éventuelles imperfections techniques qui peuvent exister ici ou là dans cet amendement, mais je veux préciser à M. Bas que c’est seulement si la nomination intervient après le délai de trois ans que le fonctionnaire ne peut participer à la délibération concernant l’établissement où il a travaillé.

Je peux admettre qu’il y ait des imperfections techniques mais elles sont extrêmement limitées parce que, je le répète, j’ai copié et collé ce qui existe pour d’autres institutions.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je veux simplement rappeler à nos collègues – le président de la commission des lois aurait pu y faire référence – que nous avons légiféré il y a peu sur la question du conflit d’intérêts concernant les fonctionnaires dans leur ensemble, qu’ils soient hauts fonctionnaires ou fonctionnaires territoriaux. La Commission de déontologie de la fonction publique, notamment, joue un rôle important et, au travers d’un amendement qui va suivre, je propose la fusion de la Commission de déontologie de la fonction publique et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, afin de traiter justement de cette question du pantouflage, pour laquelle les deux instances partageaient leur compétence.

Les préoccupations exprimées par notre collègue sont légitimes mais nous y avons déjà répondu dans le cadre d’un texte récent.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sauf dans ce cas-là !

M. Alain Vasselle. Par ailleurs, je m’interroge toujours sur les initiatives gouvernementales, quelle qu’en soit l’origine sur l’échiquier politique ; on semble considérer que ce qui vient d’être fait est encore insuffisant et qu’il faut légiférer dès demain sur ce que l’on a traité la veille et l’avant-veille.

Où nous arrêterons-nous ? Il faudra se poser la question tôt ou tard. D’ailleurs, le Président de la République lui-même l’a dit à Versailles, de même que le Premier ministre : nous légiférons trop dans ce pays, nous avons des codes d’une grande complexité et contenant des dispositions qui, parfois, se contredisent entre elles. À quand une pause législative ? Je crois que nous aurions mieux fait de la faire sur ce sujet et de prendre le temps de la réflexion avant de légiférer comme nous le faisons en ce moment. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je comprends que notre rapporteur affirme que c’est un problème délicat, parce que tout le système qui s’est installé depuis une vingtaine d’années, et qui n’a fait que croître et embellir, est bâti sur ce modèle, cette consanguinité, ce passage, cette porosité entre le public et le privé. C’est de cela qu’il s’agit !

Nous avons en fait une cogestion du pays par les intérêts financiers, les intérêts politiques les plus importants et la très haute administration. C’est cela, la France ; c’est cela, le système ! J’ai d’ailleurs essayé d’en dire quelques mots dans la discussion générale. Et l’influence des milieux financiers et économiques par ce canal-là est beaucoup plus importante que par celui des lobbies, qui nous déposeraient leurs prospectus ou nous enverraient leurs amendements. Cela fonctionne comme ça !

Aussi, je comprends que l’on ne veuille pas y toucher ou alors avec une main tremblante ; on se demande ce qui va se passer.

Je veux bien admettre que ce n’est pas exclusivement par le biais d’un amendement que l’on peut régler ce type de problème mais comme je sais que, de toute façon, on ne le fera pas, cet amendement constitue un message. Je ne sais pas combien de temps on va pouvoir continuer ainsi, dans cette confusion générale qui ôte au peuple, aux électeurs, tout véritable pouvoir. C’est là qu’est l’origine profonde de cette opposition, ce fossé qui est en train de se creuser entre nous et nos électeurs.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je vais peut-être en étonner certains, mais il me plaît, cet amendement. D’ailleurs, il n’y a plus de frontière dans cet hémicycle entre les différents partis, et l’on peut se retrouver sur les mêmes plates-bandes à certains moments.

Le président de la commission a dit qu’il y a dans cette disposition des éléments un peu pervers ; je veux bien reconnaître qu’il y a peut-être quelques imperfections mais, sur le fond, nous allons délibérer pendant trois ou quatre jours pour mettre, si j’ose dire, les élus au pilori. On essaiera de supprimer allégrement le maximum de choses qu’ils peuvent faire. Voilà quelques instants, on a vu ce qui était proposé concernant les voyages. Bref, on met le soupçon sur tout ce que font les élus.

Pendant ce temps, sur les très hauts fonctionnaires, on ne dira rien, (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.) car il faut surtout ne rien faire, ne pas bouger et permettre aux uns et aux autres de faire de petites carrières allant dans un sens puis dans l’autre, du privé au public.

Je ne sais pas si l’amendement de Mme Lienemann est parfait dans sa rédaction, c’est toujours perfectible, mais malgré ses effets pervers, je le voterais bien parce qu’on peut parler d’un certain nombre de choses de temps en temps en dehors de ce qui nous concerne.

D’ailleurs, je me pose une question ; ne devrions-nous pas tous nous déporter sur ces textes, puisque nous traitons de notre propre situation, de notre propre avenir ? Est-il tout à fait normal que nous traitions nous-mêmes de notre avenir, puisqu’on nous demandera de nous déporter dès que l’on votera quelque chose qui concerne un parlementaire ? (Sourires sur diverses travées.)

Pour toutes ces raisons, madame Lienemann, je me fais un plaisir de voter votre amendement, si vous le maintenez. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.) – (Applaudissements sur plusieurs travées.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

Articles additionnels après l’article 2
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Article 2 bis (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 2 bis (nouveau)

L’article 2 de la loi n° 2013–907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de tenue d’un registre accessible au public, recensant les cas dans lesquels un membre du Gouvernement estime ne pas devoir exercer ses attributions en raison d’une situation de conflit d’intérêts, y compris en conseil des ministres. »

M. le président. L'amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je propose, au travers de cet amendement, la suppression de l'article 2 bis, qui crée un registre recensant les cas dans lesquels un membre du Gouvernement estime ne pas devoir exercer ses attributions en raison d’une situation de conflit d’intérêts.

Le Gouvernement y voit deux obstacles majeurs.

En premier lieu, il nous semble que ces dispositions ne peuvent figurer dans la loi sans méconnaître le principe de séparation des pouvoirs, dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’il « s’applique à l’égard du Président de la République et du Gouvernement ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous noterez que, pour l’application des règles de prévention des conflits d’intérêts aux membres du Gouvernement, l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer non seulement les modalités de son application, mais aussi « les conditions dans lesquelles il s’applique aux membres du Gouvernement ».

En précisant que le registre doit mentionner les cas dans lesquels un membre du Gouvernement s’abstient de participer à la délibération du conseil des ministres, l’article 2 bis nous paraît contraire à la Constitution, parce qu’il intervient dans une matière qui est au cœur de l’organisation du pouvoir exécutif et qui relève donc, par principe, de la seule compétence du pouvoir exécutif, mais aussi parce qu’il impose au Gouvernement de rendre publics certains éléments de la délibération du conseil des ministres.

En second lieu, le texte de la commission est très large et pourrait précisément entrer en contradiction avec le principe selon lequel ne sont pas communicables les « documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement ».

Enfin, et en tout état de cause, les membres du Gouvernement connaissent déjà des mécanismes de prévention des conflits d’intérêts.

À cet égard, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique indique, dans son article 1er, que les membres du Gouvernement « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ».

M. Charles Revet. Il en va de même des parlementaires !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Oui !

M. Charles Revet. Il serait peut-être temps de le rappeler.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne cesse de le faire depuis le début de nos débats.

Le décret du 16 janvier 2014 relatif à la prévention des conflits d’intérêts dans l’exercice des fonctions ministérielles a été précisément pris en application de l’article 2 de la loi précitée.

Aux termes de ce décret, lorsque le Premier ministre se trouve en situation de conflit d’intérêts pour l’exercice de certains de ses pouvoirs, il délègue ceux-ci au ministre premièrement nommé dans le décret relatif à la composition du Gouvernement. Lorsque c’est un ministre qui estime se trouver en situation de conflit d’intérêts, il en informe le Premier ministre. Un décret détermine ensuite les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé. Un mécanisme similaire existe enfin lorsqu’il s’agit d’un membre du cabinet qui est placé auprès d’un ministre.

Ce système est tout à fait respectueux du principe de la séparation des pouvoirs. Il paraît suffisant et effectif.

À titre d’illustration, comme vous le savez, le décret du 29 mai 2017, qui a été pris en application de l’article 2-1 du décret du 22 janvier 1959, en est un exemple. Par celui-ci, la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à l’INSERM, qui est dirigé par son époux. C’est le Premier ministre qui reprend à son compte les attributions visées.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission s’en tient à son texte.

Il est tout de même singulier que le Gouvernement, qui a beaucoup de bonnes idées pour assurer la transparence du travail parlementaire, soit aussi frileux quand il s’agit, symétriquement, d’améliorer celle du travail gouvernemental. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la garde des sceaux, je trouve tout de même que le Gouvernement pourrait accueillir avec davantage d’ouverture d’esprit un tel amendement. D'ailleurs, de manière générale, nous nous sommes efforcés de tenir la balance égale entre l’exécutif et le législatif.

M. Bruno Sido. C’est tout à fait normal !

M. Philippe Bas, rapporteur. Vous utilisez quelques arguments de droit. Vous vous référez notamment à l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013, qui a en effet renvoyé au pouvoir réglementaire un certain nombre de règles déontologiques s’appliquant aux membres du Gouvernement. Cependant, je vous signale que la loi peut défaire aujourd'hui ce qu’elle a pu faire en 2013 ! Par conséquent, cet argument ne me semble pas devoir être pris en considération.

Quant à l’argument d’ordre constitutionnel, que vous avez évoqué dans un second temps, je souligne tout de même que nous n’opposons pas systématiquement aux initiatives du Gouvernement la séparation des pouvoirs et l’autonomie des assemblées quand il s’agit de traiter du travail parlementaire. Dès lors, je vois mal pour quel motif ces principes devraient être invoqués quand il s’agit du travail gouvernemental.

Madame la garde des sceaux, je n’appelle pas à la violation du secret de la délibération du conseil des ministres : je demande simplement que le compte rendu du conseil des ministres puisse indiquer que tel ou tel ministre s’est déporté.

Le conseil des ministres est un organisme collégial, à l’instar d’un conseil municipal – la République est bien faite, qui fonctionne de la même façon à la base et au sommet… (M. Bruno Sido approuve.) Or, quand il a intérêt à l’affaire, un conseiller municipal se déporte, faute de quoi il peut être poursuivi pour prise illégale d’intérêt.

La délibération du conseil des ministres est secrète. Du moins est-elle censée l’être, car, à en juger par un certain nombre de publications, elle ne l’est pas toujours, même si je n’ai jamais entendu parler de poursuites pour violation du secret du conseil des ministres. Je suis partisan de ce secret. Nous le défendrons, tout en demandant que le déport de ministres soit signalé dans le compte rendu du conseil des ministres. Il ne s’agit pas de connaître la délibération gouvernementale dans le détail.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que les exigences de transparence soient appliquées de façon symétrique. Il ne s’agirait pas de faire porter la suspicion sur le travail parlementaire,…

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur. … alors que nous devrions postuler, par hypothèse, que le travail gouvernemental est, lui, à l’abri de tout soupçon ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

M. Bruno Sido. Absolument !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, il n’est pas question pour les membres du Gouvernement de vouloir obtenir des prérogatives ou des avantages, alors même que nous imposerions des obligations déontologiques aux membres des assemblées. Tel n’est pas du tout le sens de notre amendement !

Il me semble – je vois que vous avez un avis contraire, que, bien sûr, je respecte – réellement que, si nous adoptions cet amendement, la loi imposerait au pouvoir exécutif une obligation. C’est cette obligation qui me paraît contraire aux règles constitutionnelles. Le problème n’est pas le fait que les membres du Gouvernement soient eux aussi soumis à des règles déontologiques. Il y va du respect de la séparation des pouvoirs.

Mme Annie Guillemot. Et nous, alors ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous voterez la loi qui vous concernera ! Ce n’est pas du tout la même chose. (Protestations sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annie David et Éliane Assassi protestent également.) Madame Assassi, le projet qui vous concerne ne deviendra loi que si vous l’acceptez !

Enfin, si vous me le permettez, monsieur le rapporteur, la comparaison entre le conseil municipal et le conseil des ministres ne me semble pas pertinente. (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Le conseil municipal est une assemblée, ce que n’est pas le conseil des ministres, qui est un organe constitutionnel tout à fait différent.

Telle est la raison pour laquelle je maintiens la demande de suppression de l’article 2 bis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ayant siégé dans un conseil municipal comme au conseil des ministres, j’oserai, comme vous, madame la garde des sceaux, me prévaloir d’une certaine expérience dans ce domaine.

Si les assemblées municipales et le conseil des ministres ne sont pas de même nature, ce n’est pas une raison suffisante pour écarter l’application de règles communes quand il s’agit de conflits d’intérêts.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la garde des sceaux, je veux vous rappeler que la loi de 2013 fait injonction à l’exécutif de faire cesser les conflits d’intérêts et que le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à y redire. Dans ces conditions, je n’imagine pas qu’il puisse s’opposer à une mesure améliorant la transparence du fonctionnement du conseil des ministres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ayant été rapporteur de la loi de 2013, je peux témoigner que nous avons été d’accord pour prévoir dans la loi un certain nombre de dispositions qui s’appliquent au pouvoir exécutif.

Je rappelle que la loi est de portée générale : dans notre pays, le pouvoir exécutif comme le pouvoir législatif, comme tous les pouvoirs d'ailleurs, sont régis par la loi.

On ne peut se satisfaire d’un raisonnement qui nous empêcherait de légiférer sur toute matière qui relève de l’exercice du pouvoir exécutif. Cela nous conduirait à des absurdités.

Je crois donc vraiment que la commission des lois a bien fait de suivre son rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Sueur, vous me pardonnerez de faire à nouveau référence au Conseil constitutionnel, qui, dans une décision de 2011, a clairement précisé qu’il n’était pas possible pour le législateur d’intervenir dans l’organisation du Gouvernement.

Or il me semble que le conseil des ministres c’est bien l’organisation du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Sueur. L’exercice du pouvoir exécutif, et non l’organisation du Gouvernement !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est la raison pour laquelle je continue de m’opposer à l’article 2 bis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Vous avez tout à fait raison, madame la garde des sceaux, et je ne méconnais pas le fait que nous ne puissions pas intervenir dans l’organisation du Gouvernement. Au reste, nous ne souhaitons pas le faire.

La règle que vous voulez supprimer du texte de la commission organise la publicité du déport d’un ministre dans la délibération du conseil des ministres. Cela ne concerne pas l’organisation du Gouvernement.

Je n’aurais d'ailleurs pu soutenir une telle immixtion, étant particulièrement attaché à une scrupuleuse séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – Mme Sylvie Robert applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Discussion générale

7

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Raymond Vall membre de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

9

Article 2 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Articles additionnels après l’article 2 bis

Rétablissement de la confiance dans l'action publique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.

projet de loi pour la régulation de la vie publique (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Article 2 ter (nouveau)

Articles additionnels après l’article 2 bis

M. le président. L'amendement n° 278, présenté par MM. Baroin, Bonhomme, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Cuypers, Danesi et Darnaud, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mme Estrosi Sassone, MM. Forissier, Fouché, Frassa, Frogier et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, M. Guené, Mme Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre, de Legge, Longuet, Malhuret et Mandelli, Mme Mélot, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pierre, Pointereau et Portelli, Mme Procaccia et MM. de Raincourt, Rapin, Revet, Savary, Savin, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre Ier du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Titre Ier

« Les conditions de la délivrance de l’attestation fiscale aux membres du Parlement et aux représentants au Parlement européen

« Art. L. 1. – Dans le cadre de la délivrance de l’attestation prévue à l’article L. O. 136-4 du code électoral et à l’article 5-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les membres du Gouvernement ne peuvent adresser à l’administration des impôts aucune instruction dans des affaires individuelles. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Cet amendement vise à interdire aux membres du Gouvernement d’adresser à l’administration des impôts des instructions dans des affaires individuelles, dans le cadre de la délivrance de l’attestation fiscale prévue par le présent projet de loi.

En effet, tel que le prévoit l’article 30 du code de procédure pénale s’agissant des rapports du garde des sceaux avec les magistrats du ministère public, il paraît nécessaire de prévenir l’ingérence des membres du Gouvernement dans cette procédure, qui relève strictement de l’administration fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, qui vise à interdire aux membres du Gouvernement d’adresser à l’administration des impôts des instructions dans le cadre de la délivrance de l’attestation fiscale que la loi exigera de tout élu au Parlement.

Cela devrait aller sans dire. Nous pensons que cela va mieux en le disant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vient de le dire M. le rapporteur, cela va sans dire. (Sourires.)

Nous considérons que cet amendement n’est pas utile, puisque, en réalité, de telles instructions n’existent pas.

Surtout, son dispositif pourrait constituer un a contrario dangereux : il pourrait être soupçonné que, dans d’autres situations, les membres du Gouvernement adressent de telles instructions.

Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 278.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 bis.

L'amendement n° 91, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, après le mot : « tenu », sont insérés les mots : « sous peine de sanction pénale ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a posé, l’année dernière, les premiers éléments d’une protection des lanceurs d’alerte dans le secteur public.

En l’état actuel des choses, tout fonctionnaire ou agent du public ayant pris connaissance d’un crime ou d’un délit au sein de la collectivité ou de l’établissement public dans lequel il travaille est tenu d’en informer le procureur de la République.

C’est essentiel, mais c’est insuffisant, puisque la loi ne précise aucune obligation à l’exercice de ce devoir. En effet, aujourd'hui, aucune sanction ne peut être prise en cas de manquement. Notre amendement a pour objet d’y remédier.

Cet amendement est aussi un appel en direction du Gouvernement, avec pour objectifs, premièrement, de mieux définir dans quel cadre et sous quel régime de sanction pénale un fonctionnaire a le devoir et l’obligation de faire part au procureur de la République de tout crime ou délit dont il sera témoin et, deuxièmement, de continuer à légiférer à ce sujet, notamment parce que la déontologie actuelle ne concerne que les délits et les crimes, ce qui n’inclut pas, par exemple, les risques sérieux pour la santé publique ou même les risques environnementaux.

Renforcer l’obligation pour les fonctionnaires et agents d’informer le procureur de la République lorsqu’ils ont pris connaissance d’un délit ou d’un crime, c’est d'abord mieux protéger les lanceurs d’alerte du secteur public.

C’est aussi accroître la confiance de nos concitoyens dans l’action publique.