M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Médevielle. Face à ce phénomène de désertification si inquiétant pour notre pays, la piste des professions paramédicales ne doit pas être négligée, mais elle ne résoudra pas tous les problèmes ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir nous propose de mettre en valeur les professions paramédicales et leur rôle dans les déserts médicaux. Je remercie le groupe de l’UDI-UC d’avoir organisé cet échange.
Les professions paramédicales visent l’infirmière, l’aide-soignante, le kinésithérapeute, l’orthophoniste, le psychologue, le psychomotricien, l’ergothérapeute, le pédicure, l’audioprothésiste, l’opticien, etc.
L’infirmière, l’aide-soignante et le kinésithérapeute sont indispensables, au côté du médecin, si l’on ne veut pas parler de désert médical. Les autres professions citées sont très utiles, mais il est possible de se rendre à leur cabinet, même s’il est éloigné, et le service qu’elles rendent n’est ni quotidien ni vital – l’orthoptiste serait toutefois nécessaire en raison de la pénurie d’ophtalmologistes.
L’infirmière est une auxiliaire essentielle au médecin. Elle joue un rôle d’alerte, d’accompagnement, d’évaluation de la douleur, de soutien psychologique aux malades, aux aidants et à la famille. Elle effectue un certain nombre de soins fondamentaux : prises de sang, injections, vaccinations, chimiothérapie à domicile, pansements, équilibre des anticoagulants, vérification des doses d’insuline des diabétiques, surveillance de la tension artérielle, prise de médicaments, prise du pouls, saturation en oxygène dans le sang, etc. Elle doit pouvoir joindre le médecin pour recevoir des conseils sur ces tâches qui lui ont été déléguées. L’infirmière et le médecin constituent un binôme parfaitement complémentaire, indispensable pour le malade.
Les aides-soignantes sont regroupées dans un service de soins infirmiers à domicile, un SSIAD, avec à leur tête une infirmière coordinatrice. Leur rôle est d’intervenir souvent matin et soir pour maintenir à domicile le malade et pallier la dépendance, dès l’apparition de celle-ci. Leur passage biquotidien permet de dépister une aggravation de la dépendance et une anomalie dans l’alimentation, la respiration ou lors de l’examen de la peau. Elles exercent une surveillance plus rapprochée encore que celle de l’infirmière. Le SSIAD est pour moi le socle de base fondamental du maintien à domicile ; les observations recueillies remontent à l’infirmière coordinatrice, qui peut les transmettre au médecin si nécessaire.
Le kinésithérapeute, quant à lui, joue également un rôle capital pour le maintien de la mobilité et de l’autonomie, la prévention des chutes et la rééducation respiratoire. Il observe la dégradation de l’état général, évalue la douleur et alerte le médecin en cas de besoin. Son rôle est essentiel dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, comme dans le maintien à domicile des patients.
Pour moi, je le répète, l’infirmière, l’aide-soignante et le kinésithérapeute sont des professions paramédicales indispensables pour ne pas parler de désert médical.
J’y ajoute deux professions médicales, le pharmacien et le dentiste. Les pharmaciens sont essentiels pour le contrôle des ordonnances, l’alerte sur une éventuelle iatrogénie, la vaccination et la prévention. Leur présence est incontournable pour la sécurité du traitement. Quant aux dentistes, ils ne sont malheureusement pas en nombre suffisant : leur numerus clausus doit être augmenté par région, comme celui des médecins. Ils sont très importants, notamment pour les personnes âgées et la population en milieu rural.
Cela dit, des expériences menées à l’étranger – États-Unis, Canada, Australie – ont fait apparaître des infirmiers praticiens qui proposent des consultations de première ligne et des prises en charge de problèmes mineurs, et qui orientent le patient au sein du système de santé ou pour le suivi des maladies chroniques.
Certains universitaires, en France, ont évoqué la possibilité pour les infirmiers, au terme d’une formation complémentaire, de remplacer le médecin pour le renouvellement d’ordonnance, lorsque le malade est stabilisé et qu’il n’a pas de nouvelles pathologies.
À titre personnel, j’y suis absolument défavorable, car une consultation ne doit pas se traduire simplement par une signature au bas d’une page de renouvellement. La consultation est un lieu d’échanges entre le médecin et le patient sur le traitement et ses effets secondaires possibles ; c’est aussi l’occasion d’un examen complet du malade et d’un nouvel examen du dossier permettant éventuellement de découvrir de nouvelles pathologies. Rien de véritablement sérieux ne peut se faire sans la présence d’un médecin, qui effectue le diagnostic, prescrit un traitement et éventuellement des soins à réaliser par des professionnels paramédicaux.
Parmi les médecins, 30 % ont plus de 60 ans, 14 % ont moins de 40 ans. Le numerus clausus doit être relevé, je le répète, et la formation du médecin doit se faire davantage en milieu rural. Les étudiants effectuent seulement trois semaines de stage sur six stages de six semaines auprès d’un médecin généraliste, alors qu’ils devraient au moins accomplir deux stages de six semaines de ce type.
Le médecin, a fortiori le médecin de campagne, est l’indispensable premier maillon de la chaîne des soins, le « chef d’orchestre » des professionnels paramédicaux, dont il a un par ailleurs un besoin vital pour effectuer divers soins.
S’agissant des urgences, j’ajouterai la présence indispensable des ambulanciers et des pompiers, en l’absence de gardes de nuit et le week-end.
Mes chers collègues, les jeunes praticiens médicaux et paramédicaux souhaitent travailler ensemble, se parler, se rencontrer pour optimiser leurs relations de travail. L’implantation de maisons de santé pluridisciplinaires, avec un projet de soins et de santé, constitue une incitation forte pour l’installation de ces jeunes. Ces structures sont un complément nécessaire pour éviter la formation de déserts médicaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe de l’UDI-UC.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre les déserts médicaux est un sujet qui me préoccupe. La Mayenne est le troisième plus important désert médical de France. L’ensemble du département est concerné, les territoires ruraux comme la ville-préfecture de Laval, le premier comme le second recours.
Les professions paramédicales peuvent-elles jouer un rôle pour lutter contre la désertification médicale, garantir l’accès aux soins et la qualité des soins pour tous ?
Mon intervention s’inscrit dans une démarche de témoignage.
Il s’agit tout d’abord, à mon sens, de construire une réponse à l’échelle des territoires.
La réflexion s’est instaurée le plus souvent à l’échelon intracommunal dans mon département. Mais elle a été conduite avec l’expertise d’un chargé de mission, embauché en partenariat par le conseil départemental et l’ordre des médecins de la Mayenne. Son travail pour ce qui concerne la mise en place d’un observatoire, l’animation de travaux d’enquête auprès des professionnels, la mise en lien de tous les acteurs a été fédérateur et a permis une vision départementale.
Pour aboutir à une réponse adaptée, un travail concerté entre les élus et les professionnels de santé est indispensable. Dans la plupart des territoires, ces derniers se sont entourés de tous les acteurs institutionnels du champ sanitaire et médico-social, ainsi que des associations d’usagers.
La création de maisons de santé pluridisciplinaires a également pu s’orienter sur des pôles de santé adossés à un hôpital local, voire à des EHPAD.
Le partage de pratiques et de ressources entre professionnels de santé est alors une culture d’exercice qui permet une meilleure coordination entre personnel médical et paramédical. Il facilite les coopérations et intègre la médecine de ville dans les organisations de soins sur le territoire.
S’agissant du parcours de soins, le principe d’une organisation territoriale et coconstruite facilite l’approche du patient. La prise en charge de celui-ci est globale, concertée et donc plus efficiente. La notion de parcours a, dans de tels dispositifs, tout son sens et prend appui sur le contrat local de santé qui détermine les besoins spécifiques du territoire.
C’est, par exemple, la présence d’un médecin spécialiste du diabète qui assure des permanences au sein d’un pôle santé et qui s’appuie le reste du temps sur les médecins et les infirmières travaillant sur le site.
C’est aussi l’appui d’un spécialiste par télémédecine pour un diagnostic plus avancé en chirurgie reconstructrice, qui s’appuie ensuite sur le travail d’un masseur-kinésithérapeute.
C’est encore la plus-value apportée par les contrats souples passés avec de jeunes médecins, sous le statut d’assistant libéral, qui leur permettent d’appréhender en douceur l’exercice libéral.
C’est enfin le cas des professionnels de la protection maternelle et infantile, sages-femmes et puéricultrices, qui viennent s’ajouter à l’effectif d’une maison pluridisciplinaire.
Tous ces exemples parmi d’autres mettent en exergue le décloisonnement nécessaire à cette nouvelle approche professionnelle.
Il convient également de faciliter l’exercice professionnel. À cet égard, la mise en place de maisons de santé ou de pôles de santé a permis aussi de réfléchir à l’accueil des patients et à leur suivi administratif. L’embauche de personnel dédié et mutualisé répond pleinement à cette question et décharge les médecins, notamment, de tout ce temps consacré aux charges administratives.
De plus, il a été mis en place en Mayenne, depuis 2006, un accueil coordonné pour l’inscription des médecins au tableau départemental, répondant ainsi à l’attente des praticiens et visant à simplifier réellement les démarches administratives.
En conclusion, et par expérience, je témoigne donc que les professions paramédicales ont un rôle essentiel dans la lutte contre les déserts médicaux. Mais il faut les associer pleinement à la réflexion pour trouver une réponse d’accès aux soins coconstruite sur les territoires. Néanmoins, pour lutter contre la désertification médicale, cela ne suffit pas, bien évidemment ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean Desessard et Alain Bertrand applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la santé constitue aujourd’hui l’une des premières préoccupations des Français.
Ainsi, dans les Pays de la Loire, lors de l’élaboration du pacte « ruralité » de juin 2016, ce fut, avec l’accès au numérique, la deuxième préoccupation citée. Cela a conduit le conseil régional, même si la santé ne constitue pas l’une de ses compétences obligatoires, à élaborer un plan d’accès à la santé partout et pour tous comprenant quinze mesures et adopté au mois de décembre dernier.
Le présent débat est pour moi l’occasion de l’évoquer dans ses aspects relatifs aux professionnels paramédicaux.
Face à des besoins croissants – forte natalité, vieillissement accéléré de la population –, on a constaté une double fracture sanitaire, avec une tension tant sur les effectifs que sur les conditions d’exercice des professionnels de santé de proximité, ce dans les zones rurales, périurbaines et même dans certains quartiers de ville.
De plus, l’exercice des professionnels de santé dans les territoires est modifié, avec la recherche d’un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, la volonté de travailler en réseau, les évolutions technologiques – télémédecine, médecine prédictive et personnalisée – et le passage d’un système de santé centré sur la logique curative à un système plus soucieux de prévention. La révolution numérique en cours va évidemment renforcer un exercice pluriprofessionnel au service d’un patient davantage responsabilisé.
L’enjeu principal pour les élus est d’encourager le maintien et l’installation durable des professionnels de santé dans les territoires qui en manquent aujourd’hui ou qui en manqueront demain, en coordination avec les nombreux acteurs déjà fortement mobilisés.
La loi HPST avait déjà institué une approche globale de la prise en charge du patient. Le rôle du médecin généraliste est donc renforcé en tant qu’acteur pivot de première ligne. Mais il convient de ne pas se focaliser uniquement sur les généralistes, dans la mesure où leur travail est en forte interaction avec les autres professions de santé – infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, sages-femmes, etc. – et le secteur médico-social. La démographie est très variable selon la profession concernée. En Pays de la Loire, les sages-femmes formées seraient très, voire trop nombreuses !
À cet égard, notre plan régional s’appuie, entre autres, sur plusieurs leviers.
Il s’agit, tout d’abord, de stimuler les innovations, celles qui touchent l’organisation des modes d’exercice des professionnels de santé comme les innovations numériques et technologiques permettant de contribuer à mettre la santé digitale au service des patients.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles constituent ensuite une réponse à l’évolution des modes d’exercice souhaitée. Mais sans diagnostic ni organisation préalable des élus et des professionnels autour des priorités de santé d’un territoire, les initiatives et investissements sont voués à l’échec, comme en témoignent certaines maisons de santé pluriprofessionnelles devenues des coquilles vides. Cela demande du temps, de l’énergie et de la méthodologie qui font parfois défaut sur certains territoires, notamment fragilisés. Par ailleurs, le maintien d’une dynamique pluriprofessionnelle n’est jamais acquis, ce qui requiert aussi un soutien à certaines démarches déjà engagées nécessitant d’être confortées ou redynamisées.
Nous allons également sensibiliser les lycéens ligériens, en particulier ceux qui sont issus du monde rural, pour encourager la diversification des profils des futurs étudiants en santé et les inciter, à terme, à exercer en milieu rural. Nous envisageons aussi, dans les lycées et centres d’apprentissage, des interventions d’étudiants en médecine ou en formation paramédicale, en partenariat avec l’ONISEP.
Le quatrième levier repose sur la formation. Un bon maillage des instituts de formation sanitaire et sociale permet aux jeunes et aux adultes intéressés par ces métiers, mais confrontés à des problèmes de mobilité, de pouvoir s’engager dans ces formations qui peinent de plus en plus à recruter. Il permet aussi aux employeurs locaux de pouvoir tisser des relations avec ces instituts et de faciliter ainsi l’accueil en stage puis le recrutement.
Les futurs soignants doivent être sensibilisés dès leur formation à l’exercice pluriprofessionnel : partage de locaux entre filières de formation différentes, cours en commun, partage de formateurs et de lieux de stage, événements organisés en commun…
À titre d’exemple, je citerai la mutualisation des moyens et des ressources, y compris des locaux, sur l’agglomération du Mans, le pôle de formation de Laval regroupant en un même bâtiment plusieurs filières de formations sanitaires et sociales, ou encore la coopération renforcée entre l’université d’Angers et les instituts de formation en soins infirmiers du Maine-et-Loire pour des temps de formation communs.
La région conditionne aussi son soutien aux maisons de santé à l’accueil de stagiaires étudiants en médecine ou en instituts de formation sanitaire.
La prise en compte du vieillissement constitue le cinquième levier. Les territoires dont l’offre de santé et de proximité est la plus fragilisée sont bien souvent ceux qui comptent une population vieillissante plus importante que la moyenne, entraînant des besoins de soins et de prévention croissants.
Le gérontopôle Autonomie Longévité des Pays de la Loire est un pôle de compétences pluridisciplinaire, qui mène notamment des actions en matière de formation universitaire, mais aussi de formation professionnelle initiale et continue.
M. le président. Il faut conclure, madame Deroche !
Mme Catherine Deroche. Le sixième levier est celui de l’observation des pratiques des professionnels de santé de façon à mieux travailler en amont sur les formations.
Enfin, le dernier levier concerne l’appui aux évolutions, avec notamment un meilleur financement des fonctions supports et une délégation de tâches vers les professionnels paramédicaux.
Nous raisonnons donc bien dans le cadre d’un exercice pluriprofessionnel pour lutter contre la désertification sanitaire de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la désertification médicale touche l’ensemble de notre pays, et bien sûr mon département, les Côtes-d’Armor. Les déserts médicaux ne sont plus seulement des zones déficitaires en services, haut débit ou commerces. La ville de Lamballe, où passe le TGV, perd successivement ses généralistes, qui ne sont pas remplacés. Un même mouvement se produit à Loudéac. À Dinan, les généralistes ne prennent plus de nouveaux patients. La commune de Fréhel, au mois d’août 2015, passait une annonce sur le site leboncoin.fr pour recruter un généraliste…
Je veux rendre hommage à Hervé Maurey, qui mène sur le sujet un combat déterminé au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je le soutiens totalement. Non, les solutions purement incitatives proposées depuis des années ne sont pas suffisamment efficaces. Il nous faut, après avoir perdu tant de temps en tergiversations, prendre de réelles mesures, qui auront pour objectif de résoudre ces difficultés à court, moyen et long terme.
Madame la secrétaire d’État, les solutions que nous devons apporter relèvent non pas simplement des syndicats et ordres professionnels, mais aussi du législateur et des élus locaux dans le cadre de l’aménagement du territoire. Certes, cela doit se faire en concertation, mais avec courage et détermination.
Récemment, mais bien tardivement, dans la perspective de l’élection présidentielle, le conseil de l’Ordre a fait dix propositions, développées hier – est-ce un hasard ? – à l’occasion d’un débat dans ses locaux. La régionalisation du numerus clausus me paraît une bonne idée. Cette idée de partir des territoires est d’ailleurs l’une des conclusions du groupe de travail de l’AMF22, l’association des maires des Côtes-d’Armor. Cela permettrait de conserver les jeunes médecins dans le périmètre de leur lieu d’études, là où ils auraient fait leur stage. Actuellement, en Bretagne, le nombre de médecins formés chaque année couvre à peine les besoins en la matière des collectivités, hôpitaux, cliniques et établissements publics divers.
Les lobbies sont puissants. Nul n’a jamais touché au principe de la libre installation. Dernièrement, à l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales avait adopté un amendement, finalement rejeté en séance avec un avis défavorable de la ministre Marisol Touraine, qui fut pourtant cosignataire, lorsqu’elle était dans l’opposition avant 2012, d’une proposition de loi rendant contraignante l’installation…
Mme Catherine Deroche. Incroyable !
M. Michel Vaspart. Il y a quelques semaines, l’assemblée générale des maires des Côtes-d’Armor avait pour thème la désertification médicale. Devant le président du conseil régional de l’Ordre des médecins, les élus ont soutenu vivement le premier vice-président du conseil départemental, qui demandait avec force et vigueur que soit remise en cause la liberté d’installation.
Ce n’est pas ce que je propose. En revanche, il n’est plus acceptable que profession, Ordre et syndicats n’acceptent pas a minima que nous arrêtions d’autoriser de nouvelles installations de médecins conventionnés dans les secteurs géographiques de notre pays qui sont surdotés. Ceux-ci devraient être délimités, bien entendu en étroite collaboration avec la profession, et réactualisés chaque année.
Il y a, bien sûr, les maisons de santé pluridisciplinaires, mais elles ont un coût, supporté par les collectivités. Il est également impératif d’en déterminer les règles, sûrement à l’échelon de l’intercommunalité, afin d’éviter tout saupoudrage ou locaux vides, bien entendu en étroite collaboration avec les professionnels.
Il faut aussi que les professions paramédicales puissent se voir reconnaître le droit de pratiquer tout acte qui ne nécessiterait pas l’intervention et la compétence d’un médecin.
L’article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 prévoit ainsi l’extension des compétences des professions paramédicales. Mais il faut un décret d’application, dont la parution est aujourd’hui très attendue. Il serait, paraît-il, reporté en 2018… Pourquoi ?
J’évoquerai en particulier le rôle des infirmiers et infirmières, qui sont soumis depuis 2008 à des règles contraignantes d’installation sur le territoire permettant une couverture homogène.
Former des infirmiers et des infirmières cliniciens en formation initiale ou continue pour les professionnels en activité permettrait d’assurer des tâches aujourd’hui dévolues aux médecins, lesquels se concentreraient sur les actes essentiels de la médecine.
Des pays anglo-saxons et scandinaves ont poussé plus loin la logique de coopération. Le bilan des dispositifs en question en termes d’accès aux soins et de prévention est très positif, pour la plus grande satisfaction des usagers.
Je veux maintenant ouvrir une réflexion sur ce que pourraient faire les médecins coordonnateurs des EHPAD. Les généralistes conservent leurs patients dans un grand nombre de ces établissements, et c’est sûrement bien ainsi, notamment pour le patient. Mais ne pourrait-on pas envisager que le médecin coordonnateur, en lien avec le médecin généraliste, puisse faire des renouvellements d’ordonnance dès lors qu’il n’y a pas lieu de changer la prescription, d’y ajouter ou d’en retirer des médicaments ?
Il y a des mesures simples et concrètes à prendre immédiatement ! C’est une question de bon sens et de volonté.
Je veux enfin insister sur la nécessité de laisser une certaine souplesse d’organisation aux acteurs sur le terrain, en évitant tout dogmatisme ou tout corporatisme qui, pour le moment, contribue à empêcher d’apporter des solutions rapides à la désertification médicale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est connu depuis longtemps et devient véritablement alarmant : l’accès à un médecin généraliste ou spécialiste est, sur certains territoires, de plus en plus difficile.
Cela résulte de deux phénomènes : d’une part, les départs à la retraite de nombreux professionnels de la génération du baby-boom sans que l’assouplissement du numerus clausus ait encore pleinement produit ses effets – à titre d’exemple, en 2015, deux tiers des médecins généralistes de la ville de Sens avaient plus de 55 ans – ; d’autre part, la mauvaise répartition géographique des professionnels sur le territoire national – dans l’Yonne, le problème touche d’ailleurs non pas seulement les zones rurales comme le Gâtinais, la Puisaye ou le Tonnerrois, mais aussi de plus en plus de villes moyennes comme Sens ou Auxerre.
Les gouvernements successifs ont tenté de prendre des mesures incitatives dont on peut dire, sans faire injure à personne, que les résultats ont été partiels et parcellaires.
Ainsi, dans l’Yonne, la densité médicale des généralistes a chuté entre 2010 et 2015 de 91 médecins pour 100 000 habitants à 79, alors que la moyenne nationale s’établissait à 105… Et Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, nous disait encore tout à l’heure que la situation allait continuer d’évoluer négativement sur un certain nombre de territoires pour atteindre une « dimension critique ».
De plus, l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population vont conduire à des besoins croissants.
C’est pourquoi je suis convaincu que, au-delà des mesures « rustines », ou plutôt « pansements », en l’occurrence, il est indispensable de repenser l’ensemble de la chaîne de santé et les missions des différentes professions médicales et paramédicales.
Il s’agit non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais plutôt de tirer tout le monde vers le haut – professions médicales et paramédicales –, que ce soit au sein de chacune de ces différentes professions ou entre elles.
Alors que la télémédecine va enfin se développer de façon plus importante et que, demain, l’intelligence artificielle apportera aussi des réponses et des solutions, il est largement temps de sortir des querelles de pré carré.
Dès lors que le médecin continue de superviser les soins et qu’il est rémunéré pour cela, il n’est en rien infamant, pour aucun des acteurs, que certaines missions puissent être réalisées par des professionnels paramédicaux, d’autant que le développement des regroupements et de la coordination rend possibles ces évolutions.
Sinon, faute d’ophtalmologistes, faut-il se résoudre à des délais de plusieurs mois ? En la matière, on voit bien que la clé est plutôt à chercher dans une meilleure articulation avec les orthoptistes.
Autre exemple : faute d’aides-soignantes, des aides à domicile, comme celles des UNA – union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles – ou des ADMR – aide à domicile en milieu rural –, doivent-elles être condamnées à réaliser des gestes techniques qu’elles ne sont pas autorisées à faire, mais sans lesquels elles laisseraient des personnes dans une forme d’indignité ?
Oui, la loi HPST comme le pacte territoire-santé comportent des embryons de démarche en ce sens : protocoles nationaux de coopération, adaptés par les acteurs locaux ; suivi des malades par les infirmiers.
Mais que faire pour aller plus vite et plus loin demain ? On entend dire que l’avenir est à la prévention ; les professions paramédicales y joueront certainement un rôle majeur.
Certains de nos voisins sont allés très loin dans le transfert de certaines activités médicales. Je pense à la Grande-Bretagne, où les infirmières interviennent dans le dépistage, les bilans de santé ou le suivi des malades chroniques.
Je conviens que comparaison n’est pas raison ! Chaque système a son histoire et ses spécificités, mais il existe tout de même des marges de manœuvre, en France, pour réorganiser les facultés d’intervention des uns et des autres.
Voilà quelques années, le rapport Berland proposait de décloisonner le système français et de créer une profession intermédiaire. Les qualifications en pratiques avancées vont dans ce sens, mais ce processus doit être enrichi par des ajustements apportés aux formations initiales, la création de meilleures passerelles et le renforcement de la formation continue.
Enfin, je serais incomplet si je n’évoquais pas la nécessaire évolution des règlements d’intervention des ARS dans le cadre de l’accompagnement financier des maisons de santé. Aujourd’hui, des professionnels qui défendent un projet privé ne peuvent pas être aidés. J’ai connu cette situation à Saint-Valérien, où les masseurs-kinésithérapeutes qui en étaient à l’origine n’ont reçu aucun soutien financier de l’ARS, alors que le projet se situait en zone sous-dense.
Or de telles infrastructures constituent des éléments clés et, madame la secrétaire d’État, vous pouvez agir dès demain sur les ARS pour aider les professionnels paramédicaux qui proposent des projets structurants. Ce ne serait qu’une signature pour vous, mais un grand pas pour les patients et les professionnels ! Je vous remercie et ils vous remercient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)