Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
2. Mise au point au sujet de votes
3. Conventions internationales. – Adoption en procédure d'examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission
4. Calcul du potentiel fiscal de communautés d'agglomération. – Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Article 1er – Adoption par scrutin public n° 100.
Article 2 (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 1 de Mme Marie-France Beaufils. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption définitive, par scrutin public n° 101, de la proposition de loi dans le texte de la commission.
5. Sécurité publique. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. François Grosdidier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
6. Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi
7. Ratification d'ordonnances relatives à la Corse. – Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois
M. Jean-Michel Baylet, ministre
Clôture de la discussion générale.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois
M. Jean-Michel Baylet, ministre
Rejet, par scrutin public n° 102, du projet de loi dans le texte de la commission.
M. Jean-Michel Baylet, ministre
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, lors du scrutin n° 99, sur l’amendement n° 1 rectifié bis, à la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, mes collègues Olivier Cigolotti et Pierre Médevielle ont été inscrits comme ayant voté contre, alors qu’ils souhaitaient s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Conventions internationales
Adoption en procédure d'examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs, signé à Paris le 26 octobre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs (projet n° 84, texte de la commission n° 377, rapport n° 376).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du conseil de l'europe pour la prévention du terrorisme
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, signé à Riga le 22 octobre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (projet n° 848 [2015-2016], texte de la commission n° 379, rapport n° 378).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l'adhésion de la france au deuxième protocole relatif à la convention de la haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé
Article unique
Est autorisée l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signé à La Haye le 26 mars 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (projet n° 373, texte de la commission n° 418, rapport n° 417).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
4
Calcul du potentiel fiscal de communautés d'agglomération
Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle (ex SAN) (proposition n° 394, texte de la commission n° 404, rapport n° 403).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, les syndicats d’agglomération nouvelle, les SAN, ont été créés au début des années 80, pour organiser, structurer et financer le développement des villes nouvelles, lesquelles, dès les années 60, ont connu une expansion démographique exceptionnelle, qu’il a fallu accompagner par la production d’un nombre important de logements et la création d’équipements publics rendus nécessaires par l’accueil de nouveaux habitants, en particulier en Île-de-France, qui concentre cinq des neuf sites.
Les SAN ont bénéficié d’un soutien financier de l’État multiforme, par le biais d’une facilitation de l’accès à l’emprunt, d’aide au financement des investissements ou de dotations. Rappelons que ces syndicats avaient vocation à disparaître à l’achèvement des opérations de construction et d’aménagement des villes nouvelles.
Consécutivement à l’adoption de la loi Chevènement de 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, un statut particulier a été réservé aux SAN s’agissant du calcul de leur dotation d’intercommunalité, que cette loi a généralisé en accompagnement de l’intégration plus forte des communautés.
Leur potentiel fiscal a ainsi été pondéré afin de tenir compte de leurs charges particulières, liées à un endettement important, très supérieur à la moyenne nationale, engendré par des constructions massives de logements et d’équipements conjuguées à un développement économique et une évolution des recettes fiscales progressifs, mais trop faibles pour y subvenir. Ces réalités ont donc été prises en compte dans le calcul des dotations.
La modalité de calcul dérogatoire du potentiel fiscal a été maintenue dans le temps, pour bénéficier aux EPCI ayant intégré un SAN au fil des réformes territoriales, puisque, vous le savez, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, votée par votre assemblée, a supprimé le statut de syndicat d’agglomération nouvelle au 1er janvier 2017, ce dernier ayant d’ailleurs disparu dans les faits au 1er janvier 2016.
Ainsi, le Gouvernement a souhaité maintenir les droits existants des SAN, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, en prenant une disposition en loi de finances pour 2016 qui vise les fusions des communautés d’agglomération elles-mêmes issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité, à compter de l’année 2013, étendre cette modalité dérogatoire de calcul de la richesse d’un territoire aux dotations de péréquation horizontale, qui, je le rappelle, ont été augmentées de manière inédite durant le quinquennat.
Ainsi, pour le calcul des contributions et reversements au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, le potentiel fiscal agrégé de l’ensemble intercommunal issu d’un SAN est pondéré pour la part du potentiel fiscal correspondant à ce dernier, dans l’objectif de poursuivre l’accompagnement de ces collectivités aux caractéristiques et charges particulières, telles que je viens de les décrire.
À l’occasion des débats parlementaires sur la loi de finances rectificative pour 2016, un amendement, examiné à l’Assemblée nationale et repris par le Sénat, visait à restreindre l’application de la pondération du potentiel fiscal à la seule cotisation foncière des entreprises, la CFE.
Le dépôt tardif de cet amendement, quelques heures avant qu’il ne soit discuté, n’a logiquement pas rendu possible la réalisation d’une étude d’impact et n’a donc pas permis d’en apprécier les effets sur les finances des collectivités concernées. Cela nous interroge d’ailleurs sur le processus de fabrique de la loi, l’évaluation des dispositions adoptées devant y prendre une place encore plus accrue.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a néanmoins émis un avis de sagesse, considérant que l’amendement n’avait pas d’impact sur les équilibres budgétaires de l’État et qu’il avait été présenté par ses auteurs comme plus conforme à l’intention du législateur que la mesure de maintien du régime dérogatoire votée en loi de finances initiale pour 2016.
Le Gouvernement est aujourd’hui appelé à se prononcer sur cette proposition de loi relative au calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération, qui vise à rétablir la disposition initiale dans son champ initial, considérant après analyse que l’amendement voté en loi de finances rectificative produit des effets trop importants pour ces territoires.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, son adoption permettant d’éviter une rupture brutale, parce que non anticipée, des règles fiscales et financières, qui modifient de façon substantielle les conditions d’élaboration des budgets des intercommunalités concernées.
Vous connaissez, comme moi, la demande pressante et légitime des élus à disposer d’un cadre financier et fiscal stable, tout comme leur exigence, également légitime, d’une association en amont de leurs représentants aux décisions qui les concernent et de simulations de ces dernières.
Toutefois, j’entends les arguments selon lesquels la minoration du potentiel fiscal de ces territoires a mécaniquement des conséquences sur les autres territoires, tant les dispositifs sont imbriqués. Je suis attentive à ces remarques, dictées par le souci d’une répartition plus juste et plus solidaire des dotations. C’est un vaste sujet, surtout si l’on se remémore les débats ayant animé le Parlement lors de l’examen de la réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement.
Je souscris ainsi aux propos sur le fait que la montée en puissance des instruments de péréquation et notamment du FPIC, qui est passé de 150 millions d’euros en 2012 à 1 milliard d’euros en 2017, rend nécessaire de regarder précisément les critères qui déterminent les contributions de chacun, puisque moins contribuer pour les uns revient à plus contribuer ou moins percevoir pour les autres.
Avec la disparition des syndicats d’agglomération nouvelle et leur intégration dans des EPCI de droit commun, il ne peut être fait l’impasse sur la question du retour, pour ces collectivités, à l’application du droit commun.
Mais, parallélisme des formes, ce retour au droit commun des anciens SAN et de leurs EPCI actuels ne peut s’envisager, s’il devait l’être après analyse de l’adéquation des modalités de calcul de leur potentiel fiscal à leur richesse, que de manière progressive.
Dans ce but, un amendement déposé à l’Assemblée nationale par le rapporteur du texte a prévu la rédaction par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la situation financière des SAN, et notamment leur niveau d’endettement. Ce rapport sera également l’occasion d’envisager des solutions pérennes, dans un double objectif de soutenabilité financière et d’équité de traitement entre les intercommunalités. Ainsi un autre amendement adopté par les députés sur l’initiative du rapporteur du texte prévoit-il de limiter à l’année 2017 le maintien du mécanisme en vigueur jusqu’en 2016, dans l’attente, précisément, des conclusions du rapport.
Enfin, sur proposition du Gouvernement, le texte adopté par les députés en première lecture tend à repousser en 2018 la désignation des parlementaires membres des commissions DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – afin de tenir compte du renouvellement intégral de l’Assemblée nationale et du renouvellement partiel du Sénat en 2017 et de ne pas freiner les processus d’attribution de cette dotation, très appréciée des territoires, qui a progressé de 62 % depuis 2014 pour atteindre 1 milliard d’euros cette année.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen est équilibré et répond aux spécificités des territoires couverts par les ex-SAN, tout en permettant par ailleurs de garantir le bon fonctionnement des commissions DETR, qui sont appelées à se réunir très prochainement.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable au vote conforme de ce texte, pour lequel a été décidée la procédure d’examen accéléré, afin qu’il puisse être mis en œuvre de façon opérationnelle dans une période budgétaire pour les collectivités, alors même que le calendrier parlementaire est très serré, puisque la fin des travaux de la session interviendra d’ici à une semaine.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui concerne les « villes nouvelles », mises en place dans les années 70, principalement en Île-de-France. Ces dernières s’étaient immédiatement organisées en intercommunalités, sous la forme principalement de syndicats d’agglomération nouvelle, ou SAN. Cette catégorie d’EPCI était temporaire, les SAN étant appelés à se transformer en EPCI de droit commun, et notamment en communautés d’agglomération.
Dès 1999, il a été choisi d’accorder un avantage aux anciens SAN dans les modalités de calcul de leur potentiel fiscal, afin de tenir compte de leur niveau d’endettement particulièrement élevé, qui s’expliquait par les investissements considérables qu’ils avaient dû mener. Depuis cette date, leur potentiel fiscal est divisé par deux environ, ce qui leur permet de recevoir une dotation d’intercommunalité plus importante.
Cet avantage a été étendu en 2013 au potentiel fiscal agrégé, utilisé pour répartir le Fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales, ou FPIC. Indirectement, le coefficient s’est donc également appliqué au potentiel fiscal des communes membres de l’EPCI, compris dans le potentiel fiscal agrégé.
Lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2016, sur l’initiative de sa rapporteure générale, l’Assemblée nationale a diminué l’avantage accordé aux communautés d’agglomération issues de SAN. La présente proposition de loi vise à revenir sur cet article, en s’appuyant sur deux arguments.
D’une part, l’amendement était passé inaperçu à l’Assemblée nationale, ayant été présenté comme la « correction d’une erreur ». D’autre part, les conséquences financières sont considérables pour les collectivités territoriales concernées, qui ne sont pas en mesure de les absorber en une seule année. Par ailleurs, les auteurs du texte reconnaissent qu’il pourra être nécessaire d’étudier si cet avantage est encore justifié aujourd’hui.
Je rappelle que, à l’automne dernier, nous avions confirmé la suppression de ce dispositif, en considérant que « l’avantage accordé aux SAN ne devait pas se perpétuer indéfiniment ».
La proposition de loi a été modifiée en séance : dans la version transmise, l’avantage est bien maintenu en 2017 dans les mêmes conditions qu’en 2016, mais il sera totalement supprimé à partir de 2018. En d’autres termes, pour l’après-2017, le dispositif retenu va plus loin que le texte adopté à l’automne.
J’en viens aux conséquences financières. Nous n’avons pas pu obtenir de simulation pour ce qui concerne l’article adopté cet automne. En tout état de cause, il conduit à une baisse de la dotation d’intercommunalité perçue par ces EPCI et à une dégradation de leur solde au titre du FPIC.
D’après les auteurs de la proposition de loi, les pertes seraient concentrées sur le FPIC et s’élèveraient à 26 millions d’euros en 2017. Ces montants représentent entre 3,2 % et 8,5 % des recettes réelles de fonctionnement des communautés d’agglomération concernées.
Ces chiffres peuvent être comparés à la contribution au redressement des finances publiques, la CRFP, des communes, qui représente pour sa part environ 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement : la suppression du dispositif aurait donc effectivement des conséquences importantes pour ces EPCI.
Naturellement, ce coût repose sur les autres collectivités territoriales. En 2013, l’extension de la pondération du calcul du potentiel fiscal agrégé a ainsi permis à deux anciens SAN qui contribuaient au FPIC d’en devenir bénéficiaires, tandis que d’autres voyaient leur contribution diminuer fortement.
Cet avantage étant significatif, la question posée est la suivante : est-il encore justifié ? Si tel n’est pas le cas, il convient de le supprimer dans des conditions qui ne soient pas trop brutales.
Le texte qui nous est transmis permet d’atteindre ces objectifs, dans la mesure où le dispositif disparaîtra en 2018, si rien n’est fait. Par ailleurs, l’article 3, introduit en séance à l’Assemblée nationale, prévoit le dépôt d’un rapport au Parlement sur la pertinence du dispositif, ce qui nous permettra d’apprécier en toute connaissance de cause s’il est justifié.
Je tiens à le souligner, la situation économique et financière a changé depuis 1999 : dans un contexte de baisse des dotations et de montée en puissance de la péréquation, les avantages accordés à des collectivités qui disposent de bases fiscales importantes sont plus difficiles à accepter.
Néanmoins, l’importance des conséquences financières et le fait que le maintien de l’avantage est limité à 2017 ont conduit la commission des finances à adopter cet article sans modification.
Je le souligne également, cette position est liée aux autres articles de la proposition de loi. Sa seule chance d’être définitivement adoptée avant la fin de la session est que nous l’adoptions conforme dès la première lecture.
Or il me semble que l’article 2 apporte des précisions utiles : il repousse à 2018 la présence des parlementaires dans les commissions départementales de la DETR dans les seuls départements comptant plus de quatre parlementaires, en raison des difficultés pratiques à les désigner, à quelques mois du renouvellement de l’Assemblée nationale et du renouvellement partiel du Sénat.
Enfin, je vous ai déjà présenté l’article 3, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la pertinence de conserver le mécanisme dérogatoire de calcul du potentiel fiscal des communautés d’agglomération comportant un ancien SAN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Joseph Castelli et Vincent Éblé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Joseph Castelli.
M. Joseph Castelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui une proposition de loi adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation des syndicats d’agglomération nouvelle.
Ce texte vise à supprimer une disposition de la loi de finances rectificative pour 2016 promulguée voilà un peu plus d’un mois.
Les syndicats d’agglomération nouvelle ont été créés en 1983 pour administrer les villes nouvelles, avec notamment pour mission de construire des logements et d’aménager des équipements d’accueil. Une fois ces missions menées à bien, les SAN ont dû se transformer en communautés d’agglomération.
En contrepartie des investissements à réaliser, ces SAN, puis les communautés d’agglomération qui ont pris la suite, bénéficient depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement, d’un régime de calcul du potentiel fiscal dérogatoire aboutissant à une dotation d’intercommunalité plus favorable.
La loi de finances pour 2013 a étendu cette pondération aux ensembles intercommunaux pour déterminer l’attribution du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, ou la contribution à celui-ci.
Cette fiscalité dérogatoire bénéficie aujourd’hui à six communautés d’agglomération et une métropole, par le biais de l’application au calcul du potentiel fiscal agrégé d’un coefficient dont résulte une pondération particulièrement importante, ayant des effets non négligeables sur leur dotation d’intercommunalité et le FPIC.
L’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2016 a remis en cause pour partie ce régime dérogatoire, en diminuant l’avantage accordé à ces communautés d’agglomération, par la réduction du périmètre de la pondération à la seule cotisation foncière des entreprises.
La présente proposition de loi, qui vise à revenir sur cet article, prévoit de restaurer ce régime dérogatoire des communautés d’agglomération issues de SAN, alors que les avantages dont elles bénéficient ne se justifient plus, vingt ans après leur mise en place et, surtout, dans l’état actuel de nos finances publiques.
Concernant la première dérogation, relative au calcul du potentiel fiscal pour la dotation d’intercommunalité, c’est tout le potentiel fiscal des anciens SAN qui se trouve pondéré.
Si, en 1999, il était évident qu’il fallait tenir compte des investissements très importants portés par les SAN en matière de logement et d’aménagement, ces dispositifs dérogatoires doivent être revus aujourd’hui au regard de leur nouvelle situation, notamment d’endettement.
S’agissant de l’extension de la dérogation au potentiel financier agrégé utilisée pour le FPIC, plusieurs remarques s’imposent. Le coefficient de pondération a permis à ces anciens SAN des participations au FPIC moindres de plusieurs millions d’euros. Malheureusement, la charge de la contribution est reportée sur les autres ensembles intercommunaux. L’absence de contribution de certains territoires doit être palliée par d’autres territoires, qui sont pourtant dans des situations financières tout aussi tendues, ce qui conduit à nous interroger sur les effets péréquateurs du FPIC.
Ce texte porte également sur la participation des parlementaires aux commissions départementales chargées de discuter de la répartition de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Celle-ci est reportée d’un an dans les seuls départements comptant plus de quatre parlementaires. C’est une disposition nécessaire que nous soutenons, alors que nous sommes opposés, vous l’aurez compris, à ce qui constitue le cœur de cette proposition de loi.
L’absence de désignation des élus nationaux, rendue difficile par le calendrier du renouvellement de l’Assemblée nationale et du Sénat, ne permet pas à ces commissions de siéger et de fixer dans le respect de la loi la répartition de la DETR.
Toutefois, même si nous soutenons cette disposition, nous regrettons, sur la forme, que la notion de cavalier législatif fasse l’objet de deux poids deux mesures. J’ai en tête un amendement relatif à l’assainissement cadastral en Corse sur un texte visant à ratifier des ordonnances, que j’avais déposé avec Jacques Mézard. Il avait été déclaré irrecevable, alors que l’amendement gouvernemental introduit à l’Assemblée nationale sur les commissions DETR me paraît avoir un lien tout aussi indirect avec le texte d’origine. Je me devais de le signaler.
Pour conclure, je dirai que les dérogations dont bénéficient les anciens SAN créent une charge supportée injustement par les autres territoires, sans que cela soit justifié, et ce dans un contexte de contrainte financière. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe du RDSE voteront à une très large majorité contre la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur un principe simple : nous avons besoin, dans l’action publique, de cohérence et de lisibilité.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Bernard Delcros. Que propose-t-on avec le texte qui nous est aujourd’hui soumis ? Il s’agit de rouvrir un chantier engagé il y a plus de 30 ans et clos, certes tardivement, mais de mon point de vue utilement, avec la loi de finances rectificative de 2016, voilà moins de deux mois. Où est la cohérence ? Où est la lisibilité de l’action publique ?
Certes, le dispositif de minoration du potentiel fiscal, qui permettait aux communautés d’agglomération issues des syndicats d’agglomération nouvelle de bénéficier d’une DGF majorée, était justifié au moment de sa création. Mais sa suppression, telle qu’elle a été votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016, deux décennies après sa création, était aussi justifiée. Il s’agissait d’une simple mesure d’équité entre les territoires.
Quand les syndicats d’agglomération nouvelle ont été introduits à partir de 1984, ils avaient pour mission d’accompagner le développement des villes nouvelles. Pour ce faire, ces neuf syndicats, créés dans la grande couronne parisienne et la région de Marseille, avaient besoin de dispositifs financiers adaptés. Ils devaient en effet faire face à de lourdes charges, notamment pour la création des infrastructures nécessaires à leur développement.
On peut considérer que la pondération du potentiel fiscal, introduite par la loi Chevènement de 1999, pour accroître, artificiellement, la DGF, afin de faciliter la transition des syndicats d’agglomération nouvelle vers un statut de communauté d’agglomération, était justifiée.
Je trouve beaucoup plus discutable que, pour ces agglomérations, il ait été décidé en 2013 d’appliquer le potentiel fiscal minoré au calcul du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, créé l’année précédente.
Ce potentiel fiscal pondéré s’établit aujourd’hui, je le rappelle, à près de la moitié du potentiel fiscal réel. Cela signifie que la richesse réelle de ces territoires est artificiellement minorée de moitié.
À l’époque, on a créé une inégalité de traitement entre les territoires, alors même que le FPIC est un fonds de péréquation horizontale, précisément destiné à assurer une plus grande équité territoriale.
Je considère donc que la suppression de l’ensemble de ce dispositif – à l’exclusion de l’abattement sur la CFE, la cotisation foncière des entreprises – telle qu’elle a été votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016 était nécessaire.
Je citerai trois raisons principales. La première, qui a été rappelée par Charles Guené, tient à la richesse fiscale de ces territoires. Leur développement, qui a nécessité de nouvelles infrastructures et des investissements lourds, a ensuite engendré des ressources qui en font aujourd’hui des territoires dont le potentiel fiscal est largement supérieur à la moyenne nationale.
Permettez-moi de citer quelques chiffres. Les bases de CFE sont supérieures de 81% à la moyenne nationale ; le produit de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de 65 % ; le produit de l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, de 205 % ; et la dotation de compensation de la taxe professionnelle, de 469 %.
Dans ce contexte, comment justifier le rétablissement de ce dispositif dérogatoire d’attribution de moyens financiers supplémentaires, prélevés sur les autres collectivités de France, dont les ressources sont, pour nombre d’entre elles, plus contraintes ?
J’en viens à la deuxième raison justifiant notre position. Lorsque le dispositif dérogatoire d’abattement du potentiel fiscal a été mis en place il y a près de 20 ans, la DGF connaissait une croissance de l’ordre de 3 % par an. Or la dotation a diminué, au cours des quatre dernières années, de 11,5 milliards d’euros, dont 5,2 milliards d’euros pour le bloc communal, ce qui a placé de nombreuses collectivités en situation de fragilité. Ainsi, désormais, l’attribution de moyens supplémentaires à une catégorie de collectivités se fait au détriment des autres collectivités.
Troisième raison : dans le cadre de la réforme territoriale, la plupart des neuf communautés d’agglomération dont j’ai parlé tout à l’heure ont désormais intégré des structures intercommunales plus grandes et plus puissantes, obéissant à des logiques de financement différentes.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis personnellement, comme d’autres membres de mon groupe, défavorable à cette proposition de loi. Je voterai contre. Les membres du groupe de l’UDI-UC n’étant eux-mêmes pas convaincus de la nécessité de proroger cette dérogation, ils s’abstiendront dans leur majorité.
Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’opposer les territoires entre eux, comme on l’entend trop souvent ; chacun d’entre nous est attaché à son territoire et souhaite le voir se développer. C’est légitime.
Mais, au-delà de cet attachement, je sais aussi que nous avons tous, ici, à cœur de veiller à la cohérence de l’action publique. Dans le traitement des territoires, le choix de l’équité doit inlassablement guider nos décisions. (M. Joseph Castelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’apparition de « villes nouvelles », dans les années 70, n’est pas le fruit d’initiatives locales. Bien au contraire, elle est le résultat d’un grand projet national d’aménagement du territoire.
Ces villes ont été conçues au nom de l’application d’une stratégie d’État ; il n’était donc pas illégitime, au moment de leur création, qu’elles bénéficient d’un statut dérogatoire à celui des autres collectivités, dont le développement n’était pas pareillement contraint.
Aujourd’hui, près d’un demi-siècle après leur création, il ne semble pas moins illégitime d’envisager leur retour progressif dans le giron du droit commun.
Une telle régularisation ne constituerait pas pour autant un abandon. Leur spécificité pourrait désormais être traitée non plus en référence à leur histoire, à leur création, mais sur la base de critères socio-économiques objectifs, que d’autres collectivités, malgré un passé différent, peuvent aussi bien satisfaire.
Cette perspective de normalisation semble d’ailleurs unanimement partagée, y compris par les élus des collectivités locales concernées.
Mais tel n’est pas l’objet de ce texte.
Cette proposition de loi vise seulement à remédier, à titre conservatoire, aux conséquences indésirables d’un travail parlementaire sans doute trop rapide,…
Mme Nicole Bricq. Oui, ça doit être ça !
M. Jean Desessard. … en tout cas contestable.
La disposition dont nous discutons a été votée, par l’Assemblée nationale, sous forme d’amendement au dernier PLFR. Cet amendement, dont l’objet était de restreindre l’avantage des EPCI héritiers des villes nouvelles, a été déposé à la dernière minute, assorti d’un argumentaire erroné, avant d’être adopté sans débat !
Au Sénat,…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Nous n’avons pas réagi !
M. Jean Desessard. … notre rapporteur général, à qui rien n’échappe,…
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jean Desessard. … a bien noté dans son rapport qu’en réalité la disposition n’était pas sans effet.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mais aucune étude n’avait été menée !
M. Jean Desessard. Vous avez raison, madame la présidente. Néanmoins, l’article avait été adopté conforme par le Sénat, là aussi sans débat, ni en commission, ni en séance.
Je ne pense pas que ce dysfonctionnement législatif – je considère que c’en est un – soit le fait d’erreurs malencontreuses de tel ou tel parlementaire. Il me semble plutôt – mon collègue André Gattolin s’en est souvent fait l’écho à cette tribune – que nous observons là une conséquence concrète des problèmes structurels qui caractérisent l’examen automnal des textes budgétaires.
Je voudrais en particulier pointer le détournement systématique du PLFR de fin d’année. Alors que ce dernier a pour seule vocation d’ajuster l’équilibre budgétaire de l’exercice qui s’achève par la prise en compte des aléas de gestion, il est en réalité utilisé comme une sorte de voiture-balai fiscale.
Ajoutons à cela des délais très courts, vraiment très courts, et nous nous retrouvons, dans ce cadre, à examiner des mesures nombreuses, souvent complexes, dans un temps qui ne permet pas toujours un travail satisfaisant.
Je pense d’ailleurs, monsieur le président, qu’il serait de la responsabilité du Sénat, compte tenu de l’attention particulière que nous portons à la qualité de la production législative, de conduire une réflexion approfondie à ce sujet.
S’agissant du cas qui nous occupe, à ce problème de procédure s’est ajoutée une difficulté, assez spécifique aux finances locales.
En effet, lorsque l’on touche aux ressources des collectivités, quelle que soit la pertinence intellectuelle du mécanisme proposé, celui-ci doit toujours être évalué à l’aune de ses conséquences. Or la disposition du PLFR n’avait fait l’objet d’aucune évaluation.
Il y a d’ailleurs de quoi s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui encore, les seules simulations dont nous disposons sont celles qui émanent des cabinets privés mandatés par les collectivités concernées.
Que nous n’ayons donc pas légiféré dans des conditions satisfaisantes pourrait déjà suffire, me semble-t-il, à justifier notre soutien à cette proposition de loi.
Mme Nicole Bricq. Le bon sens l’exige !
M. Jean Desessard. À supposer que le vote du Sénat soit conforme, cette proposition de loi aura en effet été définitivement adoptée deux semaines seulement après son dépôt. Peut-être nos services pourront-ils nous le préciser, mais nous ne devons pas être loin du record de la Ve République !
Quoi qu’il en soit, la formulation de l’article 1er me semble de nature à lever les craintes. En effet, la révision complète de la dérogation, avant la fin de l’année, n’est pas un simple engagement politique ; elle sera, par ce texte, inscrite dans la loi.
En conclusion, compte tenu des conditions contestables dans lesquelles l’amendement au PLFR a été adopté, de la mauvaise évaluation de ses conséquences et de la révision éclairée du dispositif qui sera entreprise dans le cadre du prochain PLF, le groupe écologiste, par ailleurs favorable à une extinction progressive de la dérogation, votera en faveur de cette proposition de loi. (MM. Vincent Éblé et Michel Berson applaudissent.)
M. Philippe Dallier. Une fois n’est pas coutume, je suis sur la même ligne !
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé.
M. Vincent Éblé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi présentée notamment par nos collègues députés Dominique Lefebvre et Gilles Carrez ; elle est raisonnablement technique, puisqu’elle concerne un régime fiscal dérogatoire en matière de dotation d’intercommunalité et de Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC.
Ce régime fiscal est favorable à certaines communautés d’agglomération qui sont issues directement, depuis 2013, d’ex-syndicats d’agglomération nouvelle, ou qui en sont le fruit indirect, depuis 2016, du fait de fusions avec des territoires adjacents, en réponse notamment aux exigences nouvelles des lois de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM, et portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, relatives aux seuils démographiques des intercommunalités.
Je connais bien cette situation ancienne et sa récente actualité : sur les sept communautés d’agglomération concernées par cette fiscalité dérogatoire, trois se trouvent totalement ou partiellement dans mon département d’élection, la Seine-et-Marne.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Claude Raynal. C’était donc ça ! (Sourires.)
M. Vincent Éblé. Depuis la loi Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, le dispositif fiscal dérogatoire prévoyait l’application d’un coefficient de pondération au calcul du potentiel fiscal agrégé desdits territoires, afin de prendre en compte leur endettement exceptionnellement important, lié à la nécessité de construire rapidement l’ensemble des infrastructures, des équipements publics et des logements, notamment sociaux, dans des proportions souvent très supérieures, pour ces derniers, aux exigences légales.
Par voie d’amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2016, dans des conditions tout à fait discutables de promptitude de dépôt et d’examen ainsi que d’absence totale de simulation, cette dérogation a été abrogée. L’application ex abrupto d’une telle abrogation aurait un impact non négligeable pour les finances des EPCI concernés. À titre d’exemple, pour la communauté d’agglomération Paris-Vallée de la Marne, la perte serait de près de 4 millions d’euros en 2017 et de 9 millions supplémentaires à l’horizon 2020 ; pour Cergy-Pontoise, ces chiffres sont respectivement de 4,5 millions et de 9,2 millions d’euros ; pour Grand-Paris-Sud, de 6 millions et de plus de 14 millions d’euros ; pour Saint-Quentin-en-Yvelines, situation la plus critique, la perte serait dès cette année de plus de 12 millions d’euros.
Or les villes nouvelles sont le fruit et le symbole d’une politique d’aménagement du territoire voulue par l’État. Elles ont largement contribué à urbaniser, à structurer et à développer des territoires, dans le cadre d’une démarche portée par les pouvoirs publics nationaux. Elles constituent désormais de véritables pôles urbains extrêmement utiles en termes de croissance et de dynamiques démographiques et économiques, s’agissant tant d’habitat locatif et d’accession à la propriété, en particulier dans le domaine du logement social, que d’activités structurantes, la logique étant celle, souhaitable, du développement polycentrique de la métropole parisienne et de son environnement périurbain. Il en est de même pour les territoires concernés situés aux portes des métropoles urbaines de province.
Le statut juridique dérogatoire des villes nouvelles a été défini par la loi Boscher du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la création d’agglomérations nouvelles, par la loi Rocard du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles, ainsi que par d’autres textes postérieurs, y compris financiers. Ces dérogations étaient indispensables : dans ces territoires, nous partions de rien, ou presque, de quelques bourgs et villages sans ressources, sans infrastructures, sans ingénierie. Il leur a été demandé d’accomplir des efforts considérables : jusqu’à 15 000 mises en chantier de logements par an à certaines périodes. Il a donc fallu élaborer des systèmes de soutien à l’investissement et aux charges nouvelles et accepter des niveaux d’endettement colossaux.
« Oui, mais l’activité économique accueillie fournit des ressources élevées », m’objecterez-vous. Certes ! Les potentiels fiscaux sont en effet élevés, mais cette richesse est trompeuse, puisque le niveau de la dette est exceptionnellement haut.
Le remplacement de la fiscalité économique directe par des dotations d’État normées et stagnantes, sinon en baisse, annule les effets vertueux de la croissance, dont les territoires concernés ne bénéficient plus, ou beaucoup moins qu’auparavant, alors que leurs charges afférentes à l’augmentation continue des populations et des services et équipements liés ne cessent de croître.
Il nous revient donc, à nous, parlementaires, d’assurer à ces territoires, y compris sur le plan budgétaire, une sortie progressive d’un tel état d’exception. À l’heure où les élus recouvrent en partie leurs pleines capacités d’intervention, nous ne pouvons leur faire payer la facture d’un aménagement voulu à l’origine par l’État, lequel en assure aujourd’hui encore la maîtrise, puisqu’il accorde lui-même les permis de construire au titre des règles particulières des opérations dites d’intérêt national, OIN. C’est cette spécificité qui a justifié que nous, législateurs, adoptions des dispositifs particuliers pour ces territoires : urbanisation soutenue imposée, dispositions financières de soutien justifiées.
Nous prenons acte du fait que ce texte prorogera le dispositif de 2013 jusqu’en 2018. Cela implique la nécessité d’engager dès maintenant un travail approfondi afin de définir des modalités plus satisfaisantes et moins brutales de sortie de ce régime fiscal dérogatoire des ex-SAN.
Dans les villes nouvelles, nous avons l’expérience de la mise en œuvre de dispositifs en sifflet : la loi Rocard de 1983 avait prévu un amortissement sur dix ans de l’harmonisation des taux de fiscalité entre les zones d’agglomération nouvelle, ZAN, et les territoires dits « hors ZAN ».
Cette réflexion doit être conduite selon une entière concertation avec les territoires concernés, fondée sur une véritable étude d’impact, dans le cadre de la loi de finances, et non pas au détour d’un amendement de dernière minute à un projet de loi de finances rectificative.
Le groupe socialiste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous discutons aujourd’hui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 février dernier, ce qui témoigne d’une remarquable célérité dans le traitement de ce dossier.
M. Michel Berson. Eh oui ! Quand on veut, on peut !
M. Bernard Vera. Il n’aura donc fallu que deux semaines pour boucler l’examen de cette proposition de loi, permettre l’étude indispensable de la mesure proposée et de sa portée et faciliter le travail des rapporteurs respectifs des deux assemblées, celui du Sénat préconisant même l’adoption conforme du texte voté au Palais-Bourbon.
D’autres propositions de loi attendent toujours dans la navette parlementaire et n’ont pas encore trouvé le chemin de l’ordre du jour. Celle que nous examinons ce matin a un rapport évident avec la politique de la ville et la situation des banlieues, dont l’actualité récente nous rappelle le caractère d’urgence récurrente ; dès lors, comment ne pas regretter, une fois encore, qu’une certaine proposition de loi, relative au droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, n’ait jamais été inscrite à l’ordre du jour du Palais-Bourbon, alors qu’elle avait été adoptée par le Sénat en 2011 ?
Cela posé, venons-en au texte du jour.
La grande aventure des villes nouvelles, ce projet d’aménagement du territoire de la fin des Trente Glorieuses, voulu et pensé par le pouvoir au tournant des années 70, porté financièrement par la Caisse des dépôts et consignations, s’est achevée il y a quelques années par la dissolution des syndicats d’agglomération nouvelle mis en place, sur chaque territoire, pour définir les outils de la croissance et du développement.
Là où se trouvaient, le plus souvent, des noyaux urbains anciens, isolés au sein d’ensembles ruraux plus consistants, nous avons assisté à l’émergence de nouvelles villes, d’infrastructures collectives, de services, de routes, de voies ferrées et de ponts, de gares, d’équipements publics, de programmes de logements collectifs, et de zones d’activités économiques.
De petits villages groupés autour de leur église sont ainsi devenus de véritables villes, comme ce fut le cas pour Cergy, passant de 2 500 habitants à plus de 60 000 aujourd’hui.
Dans le département du Val-d’Oise, depuis 1975, sur dix nouveaux habitants, près de quatre sont venus résider dans l’une des communes de la ville nouvelle.
En Essonne se sont développées deux villes nouvelles, l’une autour de la ville devenue préfecture et qui s’appelait Évry-Petit-Bourg, l’autre entre Corbeil et Melun, dans le périmètre de la ville nouvelle de Melun-Sénart.
Aujourd’hui, l’ensemble des quatre communes du SAN d’Évry, dissous il y a une quinzaine d’années, dépasse 80 000 habitants ; c’est l’un des pôles d’un ensemble important de plus de 330 000 habitants constitué par la nouvelle communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart.
La dissolution des syndicats a en effet entraîné une recomposition des territoires.
En Essonne, ce qui fut Évry s’est regroupé avec Corbeil, et a fini par se joindre à Melun-Sénart, par-delà les limites départementales, ce qui fait de notre nouvelle communauté d’agglomération un ensemble tripolaire autour d’Évry, de Corbeil et, dans une moindre mesure, de Savigny-le-Temple. Ajoutons à cet ensemble les villes essonniennes de Grigny et de Ris-Orangis, qui sont confrontées aux problématiques des politiques urbaines, et nous obtenons la raison profonde qui provoque l’examen du texte qui nous occupe.
Le monde, autour de ces territoires, n’est lui-même pas immobile. Pendant que les villes nouvelles s’achèvent et se découvrent de nouveaux problèmes, le paysage des finances locales évolue.
Depuis 1975, la taxe professionnelle a successivement été créée, plafonnée, réformée, avant de disparaître, remplacée par une contribution économique territoriale dont l’un des éléments, la cotisation foncière des entreprises, alimente les budgets des communes et des intercommunalités.
Évidemment, le développement économique des villes nouvelles a fait de ces territoires des contributeurs nets potentiels du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
La réforme de la carte intercommunale par le biais des lois MAPTAM et NOTRe a rendu la facture, aujourd’hui, particulièrement salée. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale a été pointé le montant des contributions exigibles, le versement au FPIC passant, pour Saint-Quentin-en-Yvelines par exemple, de 3 millions à 15 millions d’euros, Grand Paris Sud et Cergy-Pontoise contribuant respectivement à hauteur de 6 millions d’euros et de 4,5 millions d’euros supplémentaires.
En effet, la charge de la péréquation dite horizontale, entre EPCI à fiscalité propre, alors que le nombre des EPCI diminue, revient en définitive de plus en plus cher.
Nous pourrions donc nous poser la question suivante : pourquoi faire un cas d’espèce de la situation des communes issues des anciens SAN, quand d’autres villes ont sans doute d’aussi bonnes raisons de mettre en cause leur contribution au FPIC, puisqu’elles se trouvent dans des situations équivalant à celles des premières citées ?
Je pense notamment à certaines villes à caractère industriel ancien et à population modeste, qui sont, dans les faits, pénalisées d’avoir su conserver leurs activités économiques et leur caractère populaire, y compris aux portes de la capitale.
La question de fond posée par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est bel et bien celle du devenir de la péréquation, ce principe introduit dans notre Constitution, et celle du sens que la loi doit lui donner.
Mes chers collègues, lorsqu’un fonds de 1 milliard d’euros, soit 2 % environ des recettes fiscales des collectivités locales, commence à poser problème en raison de sa conception « horizontale », il importe de se demander si la péréquation ne doit pas retrouver le sens de la verticalité et bénéficier d’une ressource dédiée, définie au niveau national.
Au-delà du débat d’aujourd’hui, c’est bien de cela qu’il s’agit : de la justice fiscale et financière, au service du strict intérêt des populations, seule véritable motivation de toute péréquation.
Notre groupe est très réservé sur l’équité d’une telle mesure au regard de la situation d’autres communes qui connaissent des difficultés équivalentes, et souhaite en outre manifester sa volonté qu’une péréquation verticale se substitue à une péréquation horizontale ; il s’abstiendra donc sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale il y a quinze petits jours et adoptée par nos collègues députés voilà tout juste une semaine, revient sur les dispositions de l’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2016, adoptée en décembre dernier.
Cette rapidité d’examen d’une proposition de loi est assez exceptionnelle, chacun l’a dit ; il est tout aussi exceptionnel qu’un tel texte soit porté par des parlementaires de droite et de gauche, lesquels sont en outre majoritairement des élus d’Île-de-France, et on comprend bien pourquoi.
Pour autant, mes chers collègues, je pense que nous ne pouvons écarter cette proposition de loi d’un revers de main, au nom du traditionnel clivage entre ruralité et région parisienne.
Mme Nicole Bricq et M. Claude Raynal. Oui !
M. Philippe Dallier. Les choses sont bien plus compliquées que cela !
Cette exceptionnelle rapidité d’examen vise à apporter une solution à des collectivités se retrouvant soudainement dans une situation d’urgence financière, résultant de la mise en œuvre de cet article du collectif budgétaire.
Cet article minore l’avantage accordé aux communautés d’agglomération comportant un ancien syndicat d’agglomération nouvelle, ou SAN, pour les modalités de calcul de leur potentiel fiscal.
L’amendement tendant à créer cet article 79 a d’ailleurs été déposé à la dernière minute par Mme la rapporteur générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, puis adopté tardivement en séance de nuit, sans aucun débat, comme l’a rappelé notre collègue Jean Desessard, ce qui devrait suffire à attirer notre attention.
Surtout, par manque de temps, le dépôt de cet amendement n’avait donné lieu à aucune étude d’impact. Là est bien le problème !
Il est en effet apparu par la suite, simulations à l’appui, que certaines agglomérations allaient être très fortement affectées en termes de pertes de recettes.
Il s’agirait donc de revenir au droit prévalant jusqu’alors, dans l’attente de trouver une meilleure solution, permettant d’aligner le régime des collectivités concernées sur le droit commun – je le dis pour notre collègue de l’UDI-UC : j’entends son argumentaire, mais il ne s’agit pas de faire perdurer ce dispositif, il s’agit simplement de trouver une solution transitoire qui ne mette pas ces collectivités en difficulté.
Rappelons que les SAN, créés en 1970, se sont transformés en communautés d’agglomération. À la date du 1er janvier 2016, ils avaient tous disparu.
Cela a été rappelé : c’est bien d’abord la volonté de l’État de constituer à marche forcée des communes nouvelles, avec des nombres de logements sortant de l’ordinaire, qui a placé ces syndicats d’agglomération nouvelle dans une situation budgétaire difficile. Afin de prendre en compte leur niveau élevé d’endettement, il avait donc été décidé, à titre de compensation, de minorer leur potentiel fiscal par l’application d’un coefficient spécifique.
La loi de finances pour 2013 a étendu l’application de ce coefficient au potentiel fiscal agrégé – ce dernier entre en ligne de compte dans les modalités de contribution au FPIC – des ensembles intercommunaux constitués d’une communauté d’agglomération issue de la transformation d’un SAN et de ses communes membres.
Les mouvements en cours de fusion d’EPCI auraient pu cependant faire perdre à ces territoires le bénéfice de cette pondération.
En conséquence, l’article 157 de la loi de finances pour 2016 prévoyait que cette pondération bénéficie également aux communautés d’agglomération issues de la fusion d’EPCI dont l’un au moins était un SAN s’étant transformé en communauté d’agglomération avant le 1er janvier 2015.
L’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2016 a remis en cause ce dispositif de manière précipitée, en minorant l’avantage accordé à ces communautés d’agglomération.
La pondération est appliquée au potentiel fiscal, mais limitée à la seule base de CFE.
Selon Mme la rapporteur générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui est à l’origine de cette nouvelle disposition, il s’agissait de corriger une erreur commise. Tel n’est manifestement pas le cas !
La pondération du potentiel fiscal des communautés d’agglomération comportant un ancien SAN a toujours porté sur l’ensemble du potentiel fiscal, et non sur les seules bases de CFE.
De nombreux élus se sont inquiétés des conséquences de cette disposition. On les comprend ! Les chiffres ont été donnés : la perte de ressources serait de 14,2 millions d’euros, à l’horizon 2020, pour la communauté d’agglomération Grand Paris Sud, dont 5,9 millions dès 2017, de 12,1 millions d’euros dès 2017 pour la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, soit une perte de recettes de 10 % d’une année sur l’autre, ce qui est évidemment insupportable, de 9,2 millions d’euros, à l’horizon 2020, pour Cergy-Pontoise, dont 4,3 millions dès 2017, et de 8,9 millions d’euros, toujours à l’horizon 2020, pour Paris-Vallée de la Marne, dont 3,8 millions dès 2017.
La présente proposition de loi vise donc à éviter ces pertes de recettes considérables et brutales, par un retour à la situation antérieure, dans l’attente d’un nouveau dispositif, que nous serons bien obligés d’adopter, avec une sortie en sifflet, ce qui est généralement ce que nous faisons dans ce genre de cas.
Le groupe Les Républicains, dans sa très grande majorité, votera donc en faveur de cette proposition de loi, qui nous semble de nature à corriger un dispositif élaboré dans la précipitation et sur la base de simulations fournies par des cabinets extérieurs, ce qui est anormal. De ce point de vue, il serait nécessaire que le Parlement se dote, un jour, de moyens propres de simulations. La commission des finances avait il y a bien longtemps engagé ce chantier ; nous n’y sommes toujours pas, et c’est tout à fait regrettable, comme nous pouvons de nouveau le constater – si un tel projet avait abouti, notre rapporteur général aurait peut-être pu constater qu’une telle mesure n’était pas soutenable.
Je conclus en saluant le travail de notre rapporteur, qui a bien posé le problème tout en exprimant ce qu’il serait excessif de qualifier de réticences, puisqu’il nous propose d’adopter conforme cette proposition de loi. (Sourires.)
Nous nous apprêtons à le suivre, et je le remercie d’avoir fait le travail. Quant à la seconde disposition dont traite ce texte, je pense qu’elle ne pose de problème à personne ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Yonnet ainsi que MM. Vincent Éblé et Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n’y comprends vraiment rien ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Ah !
M. Claude Raynal. Je lis partout, et constate souvent, que les délais pour légiférer sont trop longs. En l’occurrence, une proposition de loi déposée le 2 février – je dis bien le 2 février de cette année ! – sur le bureau de l’Assemblée nationale pourrait, aujourd’hui, 16 février, être votée conforme ! Quel talent, et quel démenti cinglant à tous ceux qui se plaignent d’une prétendue lenteur de la procédure législative !
Le fait que cette proposition de loi ait été conjointement signée par des députés de droite et de gauche, fait rarissime, et qu’elle concerne pour l’essentiel des territoires franciliens n’y est sans doute pour rien. (Nouveaux sourires.)
Comme cela a déjà été exposé par notre rapporteur, l’excellent Charles Guené, avec quelques difficultés malgré tout, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de revenir sur les dispositions d’un amendement voté dans le cadre du PLFR pour 2016 et visant à modifier les modalités de calcul des potentiels fiscaux des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle.
L’amendement présenté par notre collègue députée Christine Pires Beaune tendait, à juste titre, d’une part, à limiter la pondération applicable au calcul du potentiel fiscal servant de base au calcul de la dotation d’intercommunalité et, d’autre part, à supprimer ce principe de pondération pour la répartition du FPIC.
Je ne reviendrai pas ici sur la dotation d’intercommunalité, sauf pour dire que le dispositif actuel, datant de 1999, mérite, de l’avis général, d’être revisité. En effet, la péréquation est désormais non plus verticale mais horizontale, les enveloppes étant fermées. Je me contenterai de commenter la seconde dérogation, qui porte sur le FPIC et qui a pour conséquence de transférer de l’ordre de 30 millions d’euros des territoires « ex-SAN » vers les autres territoires de notre pays.
Si l’on peut comprendre une pondération du potentiel fiscal au moment de la transformation des SAN en communautés d’agglomération, on peut s’étonner qu’un amendement adopté en 2013 ait pu adapter cette pondération au calcul du potentiel financier agrégé de ces territoires, faisant des communautés contributrices au FPIC des structures éligibles.
Les auteurs de la présente proposition de loi indiquent, pour s’en offusquer, qu’aucune simulation n’a été jointe à l’amendement adopté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016 – Philippe Dallier l’a également souligné dans son intervention. Je note cependant qu’il n’y avait pas eu plus de simulation en 2013, lors du vote de l’amendement tendant à instituer cet avantage, de mon point de vue totalement indu. J’ajoute à ce titre que le FPIC est passé, entre 2013 et aujourd'hui, de 125 millions d’euros à 1 milliard d’euros. Chose curieuse : aucun calcul de ce type n’avait été fait en 2013 !
Comme l’indique Christine Pires Beaune, le FPIC n’a pas pour objet de comparer la richesse des EPCI entre eux, encore moins en fonction de leur statut juridique. Il n’y a qu’un seul FPIC, et l’on compare des territoires entre eux. Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, il est indiqué que l’amendement qu’il conviendrait d’annuler aurait, s’il était maintenu, des effets financiers majeurs pour les territoires ex-SAN. Il est dommage que, parallèlement, personne n’ait jugé utile de se préoccuper de l’impact des changements de périmètres sur les montants de FPIC mis à la charge des autres territoires.
Tout cela m’amènerait, vous le comprendrez, à m’opposer, tant sur la méthode que sur le fond, à ce texte.
Mme Nicole Bricq. Mais ?...
M. Claude Raynal. Pour autant, je m’abstiendrai, et ce pour deux raisons principales.
La première est liée à l’effet de la mesure si elle était maintenue, difficilement acceptable pour au moins un territoire, celui de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, dont la contribution au FPIC serait augmentée en une seule année de 12 millions d’euros. Cela n’est évidemment pas supportable.
La seconde raison tient au fait que le présent texte ne revient sur la proposition de Christine Pires Beaune que pour l’année 2017. La pondération prévue en 1999 disparaît en effet purement et simplement en 2018. Dès lors, tout nouvel avantage accordé aux territoires ex-SAN devra nécessairement faire l’objet d’un article dans le projet de loi de finances pour 2018. Vous pourrez alors compter sur votre serviteur pour accorder à une telle mesure, si elle devait être proposée, une attention soutenue, pour ne pas dire sourcilleuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en clôture de cette brève discussion générale portant sur un texte dont l’objet est limité mais très significatif, j’observe que ceux qui se sont exprimés ont fait l’effort de bien analyser les termes du débat et de motiver leur position, quelle qu’elle soit, de façon tout à fait argumentée, témoignant ce faisant d’une réelle connaissance des dossiers de finances locales.
Nos collègues Jean Desessard et Philippe Dallier l’ont dit avec beaucoup de justesse : la méthode par laquelle la modification du dispositif financier de ce qu’on appelait les villes nouvelles a été opérée en décembre dernier semble pour le moins inconsidérée. Ayant exercé dans le passé les fonctions de rapporteur général, et faisant partie de longue date du club des connaisseurs des finances locales, je puis avancer que l’on ne prend pas une décision de ce type sans un minimum d’anticipation sur la phase transitoire qu’elle exige.
Tous les dispositifs de redistribution entre collectivités aboutissant à remettre en cause des situations antérieures – je crois que nous n’en avons oublié aucun dans nos discussions ici ou au Comité des finances locales – sont assortis d’une réflexion sur la transition. Cette dernière, en l’espèce, a manqué. Songez que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a dû se prononcer sur l’article 79 du projet de loi de finances rectificative sans même disposer du texte écrit ! Cette situation impose une nouvelle réflexion sur la manière dont nous délibérons sur des dispositifs financiers qui ont des conséquences majeures.
La démarche de législation en matière de finances locales ou de fiscalité en général mérite d’être revue. J’ai par exemple observé dans des fonctions antérieures la manière dont s’est faite la réforme de la taxe professionnelle. Selon ceux qui l’ont suivie de plus près, cette réforme réalisée en loi de finances a représenté quatre-vingts pages de Journal officiel la première année et vingt pages de rectifications l’année suivante.
Légiférer sur des questions fiscales majeures dans les délais d’un projet de loi de finances, a fortiori d’un projet de loi de finances rectificative, est contraire au bon sens le plus élémentaire, ainsi qu’à la conception que nous devons avoir de la responsabilité politique. Nous devrons en tirer quelques conséquences.
J’en viens au sujet concret qui nous occupe : la situation des agglomérations nouvelles. Je connais ce système depuis près de cinquante ans ; en tant que jeune stagiaire de l’ENA, j’avais eu la mission, en effet, de participer à la construction administrative de Cergy-Pontoise. J’ai également dirigé un syndicat d’agglomération dans la période où nous connaissions la croissance la plus forte.
Je puis dire, au nom de cette expérience, que l’avantage financier qui a été attribué aux anciennes villes nouvelles a été calculé de façon discutable, alors même que son bien-fondé reposait sur les charges liées à l’accroissement de population, à la construction de logements et à la création d’infrastructures pour répondre à un besoin d’intérêt général. C’est vrai en Île-de-France, mais également pour les agglomérations de Marseille, de Lyon et de Rouen, que la création d’une agglomération nouvelle sur leur bordure a soulagées.
Une solution technique pour relayer cet avantage imparfait doit être trouvée dans l’année. Elle doit prendre en considération l’effort particulier qui pèse sur ces agglomérations. J’aimerais que les différents intervenants qui ont contesté ce point l’entendent. Cela pourrait prendre la forme d’une prise en compte de l’accroissement du nombre de logements rapporté à la moyenne nationale, afin de minorer de façon équitable les ressources des agglomérations concernées, ressources désormais stabilisées, alors que la population continue de croître.
La présente proposition de loi me semble donc justifiée. Sa durée d’examen raccourcie tient au fait que le Parlement va cesser de siéger pendant plusieurs mois. Sans cela, elle eût été plus longue. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement de nous aider à sortir de cette situation, ce que chacun souhaite ici. Je remercie enfin les sénateurs qui apporteront leur vote en faveur de ce texte de transition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. J’ai écouté les différents intervenants avec beaucoup d’attention. Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour dire que la stabilité du cadre financier et fiscal applicable aux collectivités territoriales est indispensable. Les élus nous le disent suffisamment souvent. Nous sommes également tous d’accord sur la nécessité de s’atteler à une répartition plus juste et plus solidaire des dotations. Je l’ai rappelé dans mon intervention liminaire, c’est une vaste question ! Il suffit pour s’en convaincre de lire les débats ayant entouré la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
Le présent texte a pour objet d’offrir de la stabilité aux ex-SAN pour l’année 2017. Sans cela, ils se verraient privés, en pleine préparation budgétaire, du régime dérogatoire qui leur était applicable depuis 2013, du fait d’une disposition contenue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016.
Le présent texte vise également à ouvrir la voie à une perspective soutenable pour ces collectivités, passant probablement par une sortie progressive, ou en sifflet, de ce régime dérogatoire. Cette sortie, qu’il faudra déterminer à l’aide du rapport prévu par le texte, devra en effet permettre de nous assurer aussi bien de l’équité de traitement entre les collectivités que de la soutenabilité financière des dispositifs prévus pour elles, qui vivent des situations particulières. J’abonde d’ailleurs dans le sens de ce qui a été dit : il ne s’agit pas de les opposer les unes aux autres.
La solution retenue, pondérée et transitoire, ne balaie aucune des préoccupations qui se sont exprimées aujourd'hui. Elle prépare le terrain à une solution pérenne, dans l’attente de la remise du rapport prévu à l’article 3. Quels que soient vos votes, mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble donc que nous soyons d’accord pour résoudre ce problème, y compris dans ses incidences de court terme. (Mmes Delphine Bataille et Nicole Bricq applaudissent.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle (ex san)
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa du I de l'article L. 2336-2, les mots : « pour la part correspondant à la seule cotisation foncière des entreprises » sont remplacés par les mots : « en 2017 » ;
2° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5211-30, les mots : « pour la part correspondant à la seule cotisation foncière des entreprises » sont remplacés par les mots : « en 2017 ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 275 |
Pour l’adoption | 257 |
Contre | 18 |
Le Sénat a adopté.
Article 2 (nouveau)
I. - L’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début de la seconde phrase du 3°, sont insérés les mots : « À compter du 1er janvier 2018, » ;
2° À la fin du septième alinéa, les mots : « de la commission » sont remplacés par les mots : « des catégories mentionnées aux 1° et 2° » ;
3° Le neuvième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « commission », sont insérés les mots : « cités aux 1° et 2° » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le mandat des députés et le mandat des sénateurs expirent, respectivement, à chaque renouvellement général de l’Assemblée nationale et à chaque renouvellement partiel du Sénat. »
II. - Sont réputées avoir été régulièrement composées au regard du 3° de l’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales, dans ses rédactions successives, les commissions qui se sont réunies avant l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 3 (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre 2017 un rapport sur le niveau d’endettement des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale comprenant d’anciens syndicats d’agglomération nouvelle et sur l’opportunité de conserver, d’adapter ou de supprimer progressivement les mécanismes dérogatoires de pondération du potentiel fiscal et du potentiel fiscal agrégé prévus à l’article L. 2336-2 du code général des collectivités territoriales, pour le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, et à l’article L. 5211-30 du même code, pour la dotation d’intercommunalité.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Beaufils, MM. Vera, Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre 2017 un rapport sur le niveau d’endettement des collectivités territoriales et l’alimentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.
Ce rapport présente des simulations portant sur le maintien des dispositifs en vigueur, l’extinction progressive des régimes dérogatoires existants, la prise en compte de la réalité des charges pesant sur les collectivités et liées à la situation économique et sociale.
Ces simulations comprennent également une mesure des effets d’une péréquation fondée sur la distribution d’un nouveau produit fiscal.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC, obéit, dans sa conception, à une logique de péréquation horizontale, mise en place peu de temps après la réforme des finances locales, qui a vu notamment la suppression de la taxe professionnelle.
En plus de la perte de ressources que cette réforme a entraînée pour le bloc communal, les communes et intercommunalités ont été sollicitées pour organiser entre elles la solidarité au travers du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, au point que le gel, en 2017, du montant de ce fonds apparaît aujourd’hui comme le résultat de la mobilisation des élus. C’est dire combien ce qui se passe avec les villes nouvelles est intéressant, bien sûr, mais ne saurait être déconnecté de l’ensemble des difficultés que connaissent les communes.
Il convient donc de s’interroger sur le devenir des modes de péréquation des ressources entre collectivités territoriales. La sensible réduction des rentrées fiscales liée à la disparition de la taxe professionnelle appelle en effet d’autres mesures que celle conçue en 2012, qui renvoie les élus locaux et les territoires les uns contre les autres, sans considération réelle pour la situation des populations.
Aucun dispositif horizontal ne sera parfaitement satisfaisant. Dès lors, la nécessité d’une péréquation verticale se pose. Cette solution doit, à nos yeux, être privilégiée. Voilà ce que nous attendons du rapport prévu à l’article 3 du présent texte. C’est pourquoi nous proposons d’élargir son périmètre à l’ensemble des collectivités territoriales et des EPCI. Nous attendons également de ce rapport la production de simulations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le champ du rapport demandé au Gouvernement, qui concernerait alors l’ensemble des collectivités territoriales et non plus les seuls anciens SAN. Il tend également à demander la définition de nouveaux indicateurs de charges et de nouveaux mécanismes de péréquation.
Je comprends tout à fait l’esprit de cet amendement, dont le dispositif, au détour d’une simple demande de rapport, présente quelques grands principes : extinction des dispositifs dérogatoires existant au sein de la péréquation ; définition d’indicateurs de charges permettant de mieux appréhender la situation des collectivités territoriales ; mise en place de nouveaux mécanismes.
En réalité, cet amendement tend à une réforme complète des finances locales, rien de moins ! On peut la souhaiter - à titre personnel, j’en serais d’ailleurs partisan - mais il sera difficile pour le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, de présenter une réforme d’une telle ampleur d’ici au 30 septembre.
Pour ce qui est de la mesure des charges des collectivités territoriales, je vous invite, mon cher collègue, à vous replonger dans l’excellent rapport que j’ai commis avec Claude Raynal sur l’association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques au travers des exemples autrichien et italien, et portant notamment les besoins de financement standard en Italie, lequel rapport a fait date et pourrait vous intéresser.
Vous l’aurez compris, la commission est défavorable à cet amendement, qui présente les principales lignes d’une réforme complète des finances locales, quand l’objet de l’article est d’éclairer le Parlement sur la seule situation financière des ex-SAN.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Le principe du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales est bon : il vise à organiser la péréquation entre les EPCI les plus riches et ceux qui sont les moins aisés. Doté de 150 millions d’euros en 2012, il est passé à 1 milliard d’euros cette année. En raison de la refonte de la carte intercommunale, il a été décidé par les parlementaires de le maintenir à ce niveau, alors qu’il aurait dû passer à 1,2 milliard d’euros, cela afin d’éviter les ressauts entre EPCI.
Cet amendement vise à ce que le Gouvernement produise un rapport sur la réalité des effets du FPIC sur les territoires. Il est pour partie satisfait : le Gouvernement présente déjà chaque année, avant le 1er octobre, un rapport sur le fonctionnement du FPIC, qui en mesure la soutenabilité pour les collectivités contributrices et l’effort de péréquation pour celles qui en sont bénéficiaires.
Le rapport produit en 2016 démontre bien, d’un côté, que les collectivités contributrices participent à hauteur de 5 % des recettes réelles de fonctionnement pour les plus sollicitées. Onze groupements d’intercommunalité atteignent même le plafond de 13 % prévu par la loi. Il mesure, de l’autre, l’effet de la péréquation pour les collectivités bénéficiaires. Je vous renvoie donc à sa lecture.
J’ajoute que le contexte de l’examen du présent texte nous pousse à préférer une adoption conforme.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir compris l’importance de revenir sur cette disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
Je veux dire à tous nos collègues que nous savons à quel point la solution ici trouvée n’est que provisoire. Il faudra régler le problème d’ici à un an, au besoin à l’aide d’une sortie du dispositif dérogatoire en sifflet.
Bien sûr, comme Vincent Éblé, je suis concernée au premier chef par cette disposition, étant élue de Seine-et-Marne. Les sénateurs qui ne sont pas élus d’Île-de-France ont toujours l’impression que tout est fait pour cette région. Philippe Dallier connaît bien ce débat. Je voudrais néanmoins rappeler qu’une redistribution importante se fait via la fiscalité des ménages et l’impôt sur le revenu, mais aussi par le biais de la TVA et du budget général.
Je comprends bien le sens des interventions de Bernard Delcros et Joseph Castelli, qui ont évoqué le problème de la DETR. Je vais vous donner un exemple pour essayer de vous convaincre de nos bonnes intentions, mes chers collègues.
La Seine-et-Marne a été victime d’inondations en juin dernier. La moitié des communes sur son territoire ont été déclarées en état de catastrophe naturelle. Or c’est par le biais de la DETR que l’État est venu à leur secours. La DETR fonctionne en enveloppe fermée : les communes sinistrées ont perçu une somme à laquelle les autres ont dû contribuer. C’est un mécanisme de solidarité.
Les députés ont introduit l’article 79 du projet de loi de finances rectificative pour 2016 que nous allons modifier aujourd’hui. Je rappelle néanmoins que la chambre des collectivités territoriales, c’est bien le Sénat. Il est donc bon que nous nous saisissions de ce sujet.
Le principe de la solidarité exige que ceux qui le peuvent aident ceux qui en ont besoin. Le FPIC est né ici, au Sénat. Charles Guené s’en souvient fort bien. Il est né dans la douleur, dans la nuit.
M. Philippe Dallier. À l’aveugle !
Mme Nicole Bricq. Nous n’avions alors aucune simulation pour ce faire.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Il est le fruit d’une coconstruction avec le gouvernement, représenté alors par Philippe Richert, ancien sénateur, qui voulait à tout prix aboutir.
L’Île-de-France, territoire de 12,5 millions d’habitants, avait été la première région à mettre en œuvre un mécanisme de solidarité, le FSRIF. C’est une région qui a accueilli des populations venues du sud de la Loire, dont je fais partie, l’exode rural étant fort à l’époque. C’est également elle qui a accompagné l’arrivée des populations chassées du centre de la région d’Île-de-France, notamment celles qui ne pouvaient plus se loger à Paris, en construisant des infrastructures. Aujourd’hui, avec ce texte, nous octroyons aux acteurs de ce mouvement un avantage compétitif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle (ex-SAN).
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 276 |
Pour l’adoption | 258 |
Contre | 18 |
Le Sénat a adopté définitivement.
M. Michel Berson. Très bien !
5
Sécurité publique
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique (texte de la commission n° 400, rapport n° 399).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a abouti à une conclusion positive. J’en suis heureux. C’était prévisible en raison de l’excellent climat qui a prévalu à l’occasion de l’examen de ce texte, tant avec le Gouvernement qu’avec l’Assemblée nationale.
La plupart des apports du Sénat au projet de loi ont été validés par les députés. De même, l’essentiel des ajouts votés par l’Assemblée nationale ont recueilli l’accord des sénateurs membres de la commission mixte paritaire.
Les divergences de fond, peu nombreuses, ont porté sur trois points : l’extension aux polices municipales du nouveau cadre d’usage des armes, le champ des procédures ouvrant droit au bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat et la question de l’intervention des agents de l’administration pénitentiaire aux abords immédiats des établissements. Ces divergences ont pu être surmontées grâce à un esprit de large consensus républicain, qui doit s’imposer sur ces questions, surtout dans le contexte actuel.
À l’article 1er, la nouvelle rédaction retenue par l’Assemblée nationale du 3° et du 4°, qui tient compte des préoccupations exprimées lors de l’examen du texte au Sénat, a été validée. Il s’agit d’une parfaite coproduction : des précisions n’ont cessé d’être apportées pour aboutir à la meilleure rédaction possible.
Je rappelle que le 3° de cet article concerne l’interpellation, après sommations, de personnes dangereuses cherchant à s’enfuir et le 4° celle des conducteurs, également dangereux, qui n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt. La rédaction initiale tendait à imposer à l’agent faisant usage de son arme de démontrer que le fugitif ou le conducteur allait attenter à la vie, ce qui est impossible à démontrer dans l’absolu. Le Sénat avait proposé de substituer à cette obligation l’existence de raisons objectives et sérieuses permettant d’établir la probabilité du risque d’atteinte à la vie. L’Assemblée nationale a retenu cette rédaction, en y ajoutant une précision : la notion de fuite a remplacé celle de l’imminence, laquelle était absolument incernable. D’aucuns souhaitaient d’ailleurs que l’imminence relève du 1°, relatif au tir sans sommation ; en effet, lorsque l’imminence représente une fraction de seconde, il n’est pas possible de procéder aux sommations. En revanche, si l’imminence représente plusieurs minutes, elle peut relever des 3° et 4°.
La rédaction retenue est, je crois, la meilleure, car elle est celle qui offre le cadre le plus clair. Elle permet aux agents de la force publique de prévenir des atteintes à la vie en arrêtant des délinquants soit dans l’urgence sans sommation, soit après sommations.
Le 1° posait un autre problème, celui de l’extension du dispositif à l’administration pénitentiaire. La rédaction validée par l’Assemblée nationale pour les 1° et 2° tend à permettre à cette dernière de faire face à ses nouvelles missions, lesquelles ont lieu hors de l’enceinte pénitentiaire – je pense notamment aux transfèrements.
Pour ce qui concerne les policiers municipaux, il importait au Sénat que ceux-ci relèvent désormais du code de la sécurité intérieure et qu’ils puissent être jugés, le cas échéant, à la fois en fonction des textes et de la jurisprudence relatifs à cette légitime défense « améliorée », destinée à des agents qui ont la responsabilité non seulement de se défendre eux-mêmes, mais aussi de défendre leurs concitoyens.
Le Sénat avait souhaité que les polices municipales puissent se prévaloir du 1° de l’article 1er, ainsi que du 5° relatif à l’interruption du périple meurtrier. L’Assemblée nationale, pour s’opposer à ce dernier alinéa, avait fait valoir des arguments techniques, que nous avons entendus. Le compromis a donc porté sur le 1°.
Je tiens à ajouter que nous ne devons pas nécessairement limiter le cadre juridique aux possibilités techniques de l’instant. Il me semble au contraire important d’y intégrer la détermination d’objectifs. Nous pourrons ainsi aller plus loin, dès lors que les conditions techniques, notamment de communication et d’inclusion des policiers municipaux – en particulier ceux des grandes agglomérations – dans une boucle d’information, seront en place. Des évolutions législatives interviendront peut-être sur ce point. En attendant, il s’agit là d’une avancée très importante pour les policiers municipaux, qui sont plus de 20 000 en France. Eux qui constituent la troisième force de l’ordre de la République vont désormais pouvoir se prévaloir des dispositions du code de la sécurité intérieure.
À l’article 2, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de compromis rétablissant le quantum de peine à trois ans pour le bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat des enquêteurs. L’Assemblée nationale a toutefois prévu des dérogations applicables aux procédures portant sur des délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement lorsque, en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.
Cette rédaction correspond tout à fait à ce que nous souhaitions. Nous ne voulions ni faire du quantum de peine une limite absolument rigide ni tomber dans la systématisation de l’anonymat qu’aurait entraîné l’absence de quantum ; la solution trouvée nous convient parfaitement.
À l’article 4, relatif aux enquêtes administratives portant sur les salariés des entreprises de transport public exerçant des fonctions en lien avec la sécurité des biens et des personnes, tout en validant le dispositif retenu par le Sénat afin que les éventuels recours devant la juridiction administrative soient purgés dans des délais raisonnables, la commission mixte paritaire a retenu le système voté par les députés tendant à rendre obligatoire, en cas d’avis négatif rendu par l’autorité administrative et en l’absence de possibilité de reclassement, le licenciement du salarié dont le comportement est incompatible avec l’exercice des fonctions. Nous évitons ainsi aux entreprises de subir les inconvénients de ces contraintes.
S’agissant des articles relatifs aux activités de sécurité privée, la commission mixte paritaire a retenu les apports du Sénat sur la clarification des règles permettant la surveillance ou le gardiennage de lieux par des agents privés armés – il y avait un vide juridique en la matière, car la loi de 1983 n’avait pas été suivie de décrets d’application – et ceux de l’Assemblée nationale sur l’extension de ces dispositions aux agents de sécurité privée embarqués à bord des navires.
Pour ce qui concerne les articles relatifs aux sanctions pénales, la commission mixte paritaire est parvenue à un consensus : elle a validé les positions du Sénat relatives à l’aggravation des peines applicables aux comportements de rébellion et aux refus d’obtempérer et celles de l’Assemblée nationale tendant à l’aggravation de la répression des destructions et dégradations de biens commis en raison de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique et des menaces proférées à l’encontre de telles personnes.
À l’article 8, relatif à la surveillance des abords des établissements pénitentiaires, la commission mixte paritaire a retenu la version votée par les députés. Je regrette que celle-ci ne fasse plus référence aux abords immédiats des établissements, car cela rend inopérantes les dispositions pour les établissements pénitentiaires situés en zone urbaine. Là encore, comme pour l’interruption du périple meurtrier, des raisons techniques ont été invoquées par le garde des sceaux, ainsi que d’autres liées au recrutement, à la formation et à son souhait d’une montée en puissance progressive de l’administration pénitentiaire sur ses nouvelles missions. J’aurais préféré que le cadre légal permette de déterminer des objectifs, même si quelques mois ou quelques années sont nécessaires pour les atteindre. Au moins avons-nous pu constater que nous étions d’accord sur les objectifs à court et moyen terme ; nous avons donc accepté ce compromis.
J’en viens à l’article 9 ter, relatif à la ratification de l’ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La commission mixte paritaire a, sur ma proposition, refusé de ratifier cette ordonnance de trente pages dont la commission des finances aurait dû être saisie au fond. J’ajoute que l’ordre des experts-comptables m’avait alerté sur de nombreuses dispositions dudit texte. Ce n’est pas légiférer sérieusement que de ratifier, par un amendement déposé en commission mixte paritaire, un tel texte qui, d’ailleurs, ne se rattache pas directement à l’objet du projet de loi.
La commission mixte paritaire a validé les articles additionnels introduits par l’Assemblée nationale.
En conséquence, la mutualisation des polices municipales sera désormais possible pour les communes formant un ensemble de moins de 80 000 habitants, au lien de moins de 50 000 habitants jusqu’à présent. C’est une avancée, mais je ne comprends pas pourquoi il faut prévoir une limite. Faisons confiance à l’intelligence des élus locaux pour apprécier leurs besoins ! Quoi qu’il en soit, cet assouplissement va dans le bon sens.
Nous avons également validé l’accès des parties au dossier de la procédure devant la chambre de l’instruction, le rétablissement du délit en cas de « parloir sauvage » avec des personnes détenues, en vue de remédier à une censure opérée à l’occasion de trois questions prioritaires de constitutionnalité, et le recours au concours de la force publique pour les placements en assistance éducative.
La commission mixte paritaire a en outre validé l’article additionnel relatif à l’exécution provisoire des décisions prises en application de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Pour conclure, j’indique que la commission mixte paritaire a introduit un article 6 nonies rétablissant le délit de consultation habituelle de sites incitant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, une disposition qui avait été sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Pour que le délit soit constitué, la consultation habituelle devra être accompagnée d’une « manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée » sur ces sites, ces termes constituant la stricte reprise de ceux utilisés par le Conseil constitutionnel dans sa décision.
Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à approuver ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, hier, les députés ont adopté le projet de loi relatif à la sécurité publique tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire. Je m’en réjouis moi aussi, tout comme je me suis réjoui de l’adoption de ce texte en première lecture par le Sénat le 24 janvier dernier.
D’une manière générale, ce projet de loi, qui a recueilli une large majorité au sein des deux chambres, est le résultat d’un débat constructif, apaisé et marqué par le sens de l’intérêt général. À cet égard, je veux d’emblée remercier le rapporteur, François Grosdidier, pour le travail remarquable qu’il a réalisé, très en amont, de même que le président Philippe Bas et l’ensemble des membres de la commission des lois, tout particulièrement René Vandierendonck, pour leurs contributions et leurs apports importants au texte. Je veux également remercier l’ensemble des sénateurs qui ont participé à nos échanges et les orateurs des différents groupes pour la qualité du débat qui a eu lieu entre nous, même si un certain nombre de divergences ont pu être exprimées.
Encore une fois, je veux souligner l’esprit républicain qui a prévalu lors de l’examen du projet de loi, ici, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale. De même, je veux saluer le travail réalisé par la commission mixte paritaire pour que nous puissions aboutir à un texte consolidé faisant consensus entre les deux chambres. Un objectif comme celui-là, que nous nous étions fixé dès le début de nos discussions, n’est pas toujours atteignable. Je me félicite donc que nous y soyons parvenus.
L’ensemble de ce travail nous a permis d’adopter le texte, en conservant l’équilibre fondamental sur lequel le Gouvernement avait souhaité qu’il repose. Là aussi, je m’en réjouis et vous en remercie.
Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des lois précédemment votées, dans celle aussi des mesures prises depuis 2012 par le Gouvernement en vue de renforcer les moyens humains, matériels et juridiques dont disposent les forces de l’ordre pour accomplir leurs difficiles missions. Comme vous, je sais d’ores et déjà qu’il nous faudra réévaluer en permanence les outils juridiques et les moyens mis à la disposition de nos forces de sécurité. C’est pourquoi cet esprit républicain devra s’efforcer de perdurer au sein des assemblées parlementaires, quoi qu’il se passe et quels que soient les choix faits par nos concitoyens.
Le projet de loi relatif à la sécurité publique, je l’ai dit à plusieurs reprises, se veut précisément une réponse adaptée aux difficultés croissantes d’exercice du métier de policier, de gendarme et, plus généralement, de dépositaire de l’autorité publique, dans un contexte où la violence qui prend pour cible les représentants de l’État a désormais franchi un palier que nul ne saurait contester. Ce contexte-là, il nous fallait en tenir compte, et c’est ce que nous avons fait.
Les engagements pris par le Gouvernement le 26 octobre 2016 en faveur des policiers et des gendarmes sont tenus. En effet, le plan pour la sécurité publique repose sur un triptyque : un pilier matériel – le plan d’investissement de 250 millions d’euros –, un pilier juridique – le projet de loi sur la sécurité publique – et un troisième pilier, non normatif, qui tient lui aussi compte des concertations inédites menées au sein de la police et de la gendarmerie et qui inclura plusieurs mesures concernant le management et la reconnaissance du travail accompli. Je rendrai ces mesures publiques le 27 février prochain, et elles seront d’application immédiate au sein de la gendarmerie et de la police nationale. Je le répète, les engagements pris sont donc tous tenus.
C’est ainsi que nous répondrons aux difficultés auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées au quotidien. C’est ainsi que nous leur apporterons la confiance, la reconnaissance, la sérénité qu’elles méritent et dont elles ont besoin pour accomplir leur devoir de façon plus apaisée. À cet égard, vous comprendrez que je dise quelques mots du contexte immédiat dans lequel nous nous trouvons depuis maintenant quelques jours.
À Aulnay-sous-Bois, des actes d’une gravité et d’une violence aussi intolérables qu’exceptionnelles ont été commis sur un jeune homme par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Ces actes, je les ai immédiatement condamnés ; les quatre policiers incriminés ont été immédiatement suspendus. La justice a été saisie, et il lui revient – et à elle seule ! – d’établir très clairement et sans aucune ambiguïté les conditions de l’interpellation qui a donné lieu à ces actes inacceptables, ainsi que de qualifier ces actes.
Je veux de nouveau rappeler, avec solennité et gravité, le devoir d’exemplarité qui doit guider l’action des forces de sécurité, même et surtout lorsque la force et la contrainte légitimes doivent être employées. C’est dans le rapport respectueux entre la population et les forces de l’ordre que notre pacte républicain puise, et doit puiser, sa force. Il n’y a pas d’alternative. Cela signifie que les forces de l’ordre doivent être exemplaires et irréprochables, et tout comportement qui n’obéit pas aux règles de l’éthique et de la déontologie est sanctionné. Car c’est aussi cela, l’État de droit !
Donc, oui, les forces de l’ordre doivent être irréprochables ! Mais il n’est pas question de faire le moindre amalgame et de jeter l’opprobre sur toute une institution, pilier de la République. Il y a aujourd’hui près de 250 000 membres des forces de sécurité – police et gendarmerie – dans notre pays ; je pourrais y ajouter les effectifs de police municipale, qui agissent également dans le respect total de l’État de droit. Encore une fois, je ne veux pas que le comportement de certains jette l’opprobre sur l’ensemble de ces forces qui, dans leur quasi-totalité, font leur travail dans un esprit tout à fait républicain, alors qu’elles accomplissent leurs missions dans des conditions souvent éprouvantes pour elles-mêmes et leurs familles, et quelquefois au péril de leur vie.
Les violences urbaines commises en région parisienne et prenant pour cible des policiers, des véhicules, des bâtiments publics ou bien des commerces sont absolument intolérables. Je veux ainsi rendre hommage aux effectifs mobilisés pour les opérations de maintien de l’ordre public. Notre fermeté ne souffrira d’aucun relâchement. À chaque fois que des faits de ce type sont commis, je demande qu’il soit procédé à toutes les interpellations nécessaires afin de préserver la tranquillité et la sécurité auxquelles nos concitoyens aspirent.
L’enquête judiciaire ouverte après les actes commis à Aulnay-sous-Bois doit se poursuivre dans la sérénité, dans un climat apaisé. Je tiens à le dire, alors qu’un nouveau rassemblement est prévu aujourd’hui à Bobigny : la vérité des faits doit être précisément établie par la justice, dans la transparence et sans la moindre ambiguïté. Il n’est besoin d’aucune violence pour aider la justice à travailler, bien au contraire, et il n’est pas question de tolérer le moindre manquement à cet égard.
Je reviens à présent au projet de loi tel qu’il a été voté, en respectant l’équilibre que nous souhaitions. J’insiste sur cette notion d’équilibre, qui a été au cœur de nos discussions. En prenant connaissance, dans la presse, de certaines prises de position, je me demande d’ailleurs si leurs auteurs ont bien pris la peine de le lire et de suivre les travaux préparatoires et les travaux du Parlement.
Je veux souligner les six axes qui structurent ce texte.
Le premier est la modernisation et l’unification du cadre d’usage des armes guidées par les principes dégagés par la jurisprudence. Je n’y reviens pas, si ce n’est pour indiquer que l’application du 1° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure aux agents de police municipale est, je crois, un point final satisfaisant pour tout le monde.
Le deuxième axe est la protection accrue des dépositaires de l’autorité publique au travers de la préservation de leur identité, et ce dans des conditions strictes et sous le contrôle des autorités judiciaires saisies des procédures. L’ultime version de l’article 2 concilie parfaitement, selon moi, les différentes exigences qui devaient être prises en compte.
Le troisième axe est le renforcement des peines pour certaines atteintes à l’autorité publique et, plus largement, au service public, avec des apports importants introduits au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Le quatrième axe est l’adaptation de certaines dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, qui vient finaliser les textes adoptés au cours du quinquennat. Je le répète, je suis convaincu qu’en la matière une évaluation permanente est nécessaire afin que ceux qui menacent notre territoire et nos concitoyens n’aient pas d’avance sur nous, que ce soit sur le plan des technologies qu’ils utilisent ou sur celui des moyens mis en œuvre. Il nous faudra adapter sans cesse notre réponse afin de pouvoir lutter contre leurs techniques, démanteler leurs filières et contrer leurs méthodes.
Le cinquième axe est l’évolution de certaines missions de l’administration pénitentiaire dans un souci de complémentarité avec les forces de sécurité intérieure.
Enfin, le sixième axe est la complémentarité accrue des différents acteurs de la sécurité, avec le souci permanent de ne jamais induire de confusion dans les rôles et les missions de chacun.
Je tiens à dire devant vous, monsieur le rapporteur, car vous connaissez bien ce sujet du fait de votre engagement au niveau national et de l’excellente coordination que vous avez su mettre en place, dans la ville que vous dirigez, entre les forces de sécurité nationales et les forces de police municipale, que ce texte a été une nouvelle fois l’occasion de les remercier et de valoriser leur travail.
Nous avons eu des débats. Je pense, pour ma part, que la position de l’État était juste au regard des demandes émanant du terrain. Je ne suis pas certain qu’un État incarné différemment demain apporterait une réponse différente de la nôtre aux sollicitations formulées sur ces questions de police municipale. Au nom du Gouvernement, je veux vous dire la grande confiance que nous avons dans le travail réalisé par les forces de sécurité sur le terrain. L’État a un besoin absolu de s’appuyer sur elles, car elles concourent à la réalisation de l’objectif global de protection du territoire et de nos concitoyens partout où elles opèrent. Je tenais, là aussi, à le dire devant vous, monsieur le rapporteur, connaissant votre investissement dans ce domaine.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux de nouveau me féliciter de l’esprit de rassemblement et de consensus avec lequel nous avons œuvré collectivement sur ce projet de loi. Ce faisant, nous avons contribué à garantir et à sanctuariser ce que j’appelle « le socle de sécurité » nécessaire à notre pays. Il y a bien sûr entre nous des points de vue différents, des approches diverses, mais nous pouvons nous retrouver sur l’essentiel ; c’est ce que nous avons fait avec ce texte. Encore une fois, je vous en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. Didier Guillaume. Bravo, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de la vague d’attentats que connaît notre pays, les forces de sécurité sont chaque jour mises à rude épreuve. Particulièrement exposés, certains policiers l’ont payé de leur vie ; je pense aux deux agents de la police nationale à Magnanville, le 13 juin 2016, ou encore à Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge, tuée en 2015 par Amedy Coulibaly.
Dans ce contexte de menace terroriste sans précédent dans notre pays, il était indispensable de s’interroger sur le régime juridique de l’usage des armes par les forces de sécurité, non seulement par les policiers et les gendarmes, mais aussi par les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Bien entendu, la question de l’usage des armes face à cette menace terroriste sans précédent devait être revue. Pour autant, dans notre République, il ne saurait être question d’envisager un usage plus laxiste, d’abandonner nos principes de droit : il faut à la fois permettre aux forces de l’ordre de se défendre – c’est évident – et respecter les règles que nous nous sommes fixées, qu’elles soient d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
La réflexion sur ce sujet a été marquée, cela a été rappelé, par deux rapports importants : celui de M. Guyomar, en juillet 2012, mais surtout celui de Mme Cazaux-Charles, rendu en novembre 2016. Leur analyse est convergente. Tous deux regrettent, d’une part, l’absence de lisibilité de ce régime d’usage des armes et, d’autre part, l’absence de cadre commun et spécifique aux policiers et aux gendarmes.
Soumis à de fortes pressions, les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale doivent, dans le feu de l’action, prendre des décisions extrêmement rapides dont les conséquences peuvent avoir de fortes répercussions. Cette réalité est parfois tragiquement mise en lumière par l’actualité.
Notre législation devait donc évoluer afin de renforcer leur protection et de clarifier certaines situations dans lesquelles l’imprécision des textes est une source de confusion pour les agents comme pour les juges.
Les régimes d’usage des armes sont aujourd’hui trop hétérogènes.
Les agents de la police nationale sont soumis aux dispositions de droit commun fixées par le code pénal concernant la légitime défense.
Sur le papier, le régime dont bénéficient les militaires de la gendarmerie nationale est plus large. Il est défini par le code de la défense, qui reprend les dispositions d’un décret de 1903, elles-mêmes héritées du XIXe siècle… Ces dispositions leur permettent d’employer la force armée lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux. On est donc loin de la légitime défense applicable aux policiers !
Récemment, le législateur a amorcé une évolution avec la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Cette loi a autorisé les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national à faire usage de leur arme en cas d’« absolue nécessité », s’ils sont confrontés à un « périple meurtrier », afin de prévenir tout risque de réitération lors d’une tuerie de masse.
On nous propose aujourd’hui d’aller un peu plus loin, ou plutôt, on nous propose de regarder le régime des armes dans sa globalité et de le faire évoluer de manière unifiée et cohérente. Cette évolution, dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire, nous paraît opportune et raisonnable. Nous espérons qu’elle s’accompagnera d’une formation renforcée à l’usage des armes de nos forces de sécurité et d’un entraînement régulier, qui est son corollaire indispensable.
Les dispositions relatives à la protection de l’anonymat des agents intervenant dans les procédures pénales et douanières prévues à l’article 2 nous paraissent nécessaires dans la mesure où il s’agit, encore une fois, d’assurer à nos agents la protection à laquelle ils ont droit dans le cadre de leur mission.
Je voudrais profiter de mon intervention pour évoquer un article passé un peu plus inaperçu, introduit à la faveur d’un amendement du député Gosselin : l’article 10 ter, qui vise à relancer l’expérimentation d’un dispositif de protection électronique des victimes de violences conjugales, tel que prévu par la loi du 9 juillet 2010.
Monsieur le ministre, je vous ai écrit à ce sujet en décembre dernier, ainsi qu’à Mme Laurence Rossignol. Ma saisine reste sans réponse à ce jour, un oubli sans doute…
Il me paraît en effet intéressant de reprendre cette expérimentation qui, dans la pratique, n’a pas pu être réellement testée comme cela était initialement prévu. Si je regrette que le périmètre proposé dans l’article 10 ter reste identique à celui adopté en 2010, je souhaite que l’expérimentation puisse, cette fois-ci, vraiment avoir lieu sur le terrain. Le système proposé le mérite : il correspond au type de protection demandé par les victimes, à savoir celui visant à empêcher leurs agresseurs de s’approcher d’elles. Des pays voisins l’ont mis en place avec un réel taux de réussite. Je vous serais reconnaissant d’œuvrer après promulgation de ce texte à sa mise en place opérationnelle.
Par ailleurs, notre groupe se réjouit que la disposition visant à réduire le nombre d’assesseurs siégeant à la cour d’assises spéciale ait été confirmée par la commission mixte paritaire.
Pour terminer, je veux dire un mot sur le délit de consultation de sites internet djihadistes.
Le Conseil constitutionnel a censuré la semaine dernière une disposition que nous avions introduite dans la loi du 3 juin 2016. Vous le savez, l’opportunité de créer un tel délit est débattue au Sénat et à l’Assemblée nationale de manière régulière depuis 2012. Je me félicite que la commission mixte paritaire nous ait permis de réintroduire ce dispositif que j’estime indispensable.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. Yves Détraigne. Chacun sait ici le type de propagande que l’on peut trouver sur ces sites. Leur toxicité n’est plus à démontrer. Nous ne pouvons pas nous contenter de savoir que ces écrits sont une composante d’autres incriminations pénales : nous devons punir le simple fait de consulter régulièrement ces sites, sauf lorsque l’on s’aperçoit que cette consultation est le fait d’un journaliste, d’un chercheur. Le dispositif adopté en commission mixte paritaire répond aux critiques formulées par le Conseil constitutionnel et permettra d’assurer une répression efficace.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, monsieur le ministre, notre groupe votera en faveur de l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. Ce texte constitue un cadre indispensable pour protéger les agents qui sont chargés d’assurer la sécurité de nos concitoyens au quotidien, mission d’autant plus périlleuse du fait de la menace terroriste qui pèse sur notre pays. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre du projet de loi, tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire, relatif à la sécurité publique. L’examen de ce texte, qui constitue la réponse législative du Gouvernement à la mobilisation des policiers à la suite de l’attaque de Viry-Châtillon, en Essonne, intervient dans un contexte particulier que nul ne peut ignorer.
Il y a quinze jours, Théo, vingt-deux ans, a été gravement blessé lors d’une opération de contrôle à Aulnay-sous-Bois. Il affirme avoir été victime d’insultes racistes, de coups et avoir subi un viol. Hospitalisé, opéré en urgence, il s’est vu prescrire soixante jours d’incapacité totale de travail.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, ces faits terribles ne doivent pas être utilisés pour jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une profession, sur ces hommes et ces femmes dévoués à leur tâche et qui font parfois l’objet, on l’a vu, d’attaques d’une violence inouïe. Toutefois, l’affaire Théo et les répercussions qu’elle a eues dans toute la société doivent nous interroger. Avons-nous œuvré, en tant qu’hommes et femmes politiques, en tant que législateur, à protéger nos concitoyens des violences policières ? Avons-nous pris des mesures efficaces pour restaurer la confiance brisée entre la population et sa police ? Le constat est plutôt négatif, et notre responsabilité collective est, je crois, engagée.
Les attentats, le tout-sécuritaire réclamé sur bien des bancs de l’Assemblée nationale et des travées du Sénat, ont abouti à une interdiction de parler de certaines défaillances chez nos forces de l’ordre, à un véritable tabou. Qui aura tenté de rappeler la nécessité d’un récépissé pour les contrôles d’identité, ce que nous avons fait ici aux côtés de nos collègues communistes ? Qui aura plaidé pour le retour d’une véritable police de proximité ? Qui aura réclamé plus de transparence de l’usage des armes par les forces de sécurité ? Ceux qui l’ont fait ont été accusés, parfois avec outrance, d’avoir osé exprimer de la défiance envers des forces de l’ordre dont l’unique objectif serait de nous protéger des terroristes.
Éric Ciotti, bien connu pour sa mesure en toutes circonstances,…
M. Roger Karoutchi. Sa modération ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. … a même réclamé il y a quelques jours encore que les manifestations contre les violences policières soient interdites. En effet, pour certains, les violences policières, cela n’existe pas !
Nous parlons aujourd’hui d’encadrer les circonstances dans lesquelles les policiers pourront utiliser leurs armes et de l’usage que police et gendarmerie font de la force publique dont ils sont dépositaires.
Dans un tel contexte, la première des choses est de s’atteler, me semble-t-il, à faire la lumière sur un certain nombre d’éléments. C’est un des combats que mène l’ONG ACAT France depuis des années. Ainsi, pendant dix-huit mois, ACAT a réalisé un état des lieux des violences policières en France. Au terme de son enquête, elle a publié un rapport intitulé L’ordre et la force pour briser le silence autour de cette question.
Ce rapport, qui repose sur l’analyse de quatre-vingt-neuf cas d’utilisation excessive de la force par la police et la gendarmerie, met en évidence dans quelles conditions, avec quelles méthodes et quelles armes sont commises les violences policières. Au regard du bilan humain découlant de l’utilisation de certaines armes, Flash-Ball et Taser notamment, et des gestes d’immobilisation, c’est probablement leur usage qui devrait être réformé et encadré plus strictement.
Ce rapport met également en évidence la relative impunité dont bénéficient les forces de l’ordre puisque, sur les quatre-vingt-neuf situations examinées, seules six ont fait l’objet de condamnations au jour de sa conclusion.
Comme le résume très bien le rapport, « difficulté de déposer plainte, d’obtenir une enquête effective, disparition d’éléments probants, déclarations manifestement mensongères des forces de l’ordre, durée excessive des procédures pénales, menace de condamnation pour outrage et rébellion… Obtenir justice est souvent un parcours du combattant. Lorsque les agents sont condamnés, les sanctions sont faibles au regard d’autres condamnations pénales prononcées en France. » Les images de l’arrestation de Théo, les constatations médicales surtout et son témoignage ont empêché les habituelles contestations des faits et remises en question de la personnalité de la victime.
Beaucoup doit être fait pour endiguer les phénomènes violents de part et d’autre ainsi que pour restaurer la confiance entre police et population. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne nous semble être ni un facteur d’apaisement ni la garantie d’une protection des forces de sécurité comme des citoyens. En conséquence, la majorité du groupe écologiste s’y opposera.
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Mon premier mot sera pour témoigner, monsieur le ministre, que vous avez constamment recherché le consensus républicain lors de l’examen de ce texte. Votre mérite est d’autant plus grand que la procédure législative a été concomitante à de graves affaires : Viry-Châtillon, Carrousel du Louvre, Aulnay-sous-Bois.
Vous l’avez dit, les policiers – pas plus que les hommes politiques d’ailleurs – ne sont en rien exemptés du respect de ce que je considère être comme la plus belle disposition de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Ces métiers doivent être marqués par l’exemplarité.
Je remercie le rapporteur de la commission des lois qui, depuis le début, fait preuve d’une grande qualité d’écoute et le félicite d’avoir permis l’obtention du consensus qui a débouché sur un accord lors de la commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé – je n’y reviendrai donc pas – le contexte de la préparation de ce texte. La réflexion sur les évolutions du droit en vigueur concernant l’usage des armes par les forces de sécurité dans l’exercice de leurs missions était absolument nécessaire et très attendue par les personnels de police qui sont – tous les orateurs l’ont dit – extrêmement sollicités dans le contexte lié aux attentats et exposés à des risques croissants et de plus en plus violents.
Le projet de loi est une réponse à la demande légitime de protection exprimée par les fonctionnaires de police. Il concerne plusieurs volets, notamment l’usage des armes par les forces de l’ordre et la protection de l’identité des enquêteurs. Ces évolutions juridiques prennent tout leur sens au regard de l’autre pilier qui a été mis en place, à savoir le renforcement continu des moyens humains et matériels des forces de police de notre pays. Je le rappelle, le plan de sécurité annoncé par le Gouvernement le 26 octobre dernier prévoit 250 millions d’euros supplémentaires.
Avec mon collègue Jacques Bigot, et en parfaite entente avec le rapporteur, nous avons reçu, en tant que représentants du groupe socialiste, les organisations syndicales de policiers nationaux et de la magistrature pour alimenter notre réflexion sur l’examen du texte. Je tiens à souligner l’équilibre des dispositions obtenues lors du débat parlementaire ainsi que la qualité de l’étude d’impact, comme je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre.
Sur l’usage des armes, la rédaction de l’article 1er me semble à la fois conforme aux attentes des policiers nationaux et équilibrée. Comme le Conseil d’État le précisait dans son avis sur le projet de loi, l’alignement du cadre d’usage des armes pour toutes les forces de l’ordre de l’État est tout à fait justifié par le rapprochement des conditions d’intervention des policiers, gendarmes, douaniers et militaires sur le terrain. Les forces de police et de gendarmerie sont de plus en plus mobilisées pour des opérations de sécurité de même nature, et donc exposées à des risques similaires.
La nouvelle rédaction de l’article 1er issue des débats parlementaires s’appuie sur les travaux préalables de Mme Hélène Cazaux-Charles et, j’insiste sur ce point, présente toutes les garanties exigées par les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, notamment celles qui sont relatives aux conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité. L’article décrit d’ailleurs précisément les situations dans lesquelles les forces de sécurité peuvent faire usage de leur arme.
Je me permets d’insister sur l’importance de la mise en place, une fois ce projet de loi voté, de la formation initiale et continue des agents de police. Cela ne se résume pas à favoriser l’entraînement et à augmenter le nombre de cartouches tirées. Il faut que cette simulation du cadre d’intervention aille de pair – cette exigence doit être prévue dans le référentiel de formation – avec une bonne compréhension des règles juridiques.
J’en viens aux policiers municipaux.
Nous sommes d’accord avec la proposition du rapporteur d’étendre le régime de légitime défense aux policiers municipaux tout en l’encadrant de manière stricte. Il s’agit, pour nous, d’une question de reconnaissance de leur rôle effectif dans le maintien de l’ordre public et la prévention des troubles à l’ordre public.
La mission d’information sur les polices municipales menée en 2012 avec mon collègue François Pillet a permis d’appréhender la diversité des territoires. Tenant compte de réalités locales diversifiées, le recours à l’armement dépend d’une doctrine d’emploi qui ne peut être uniforme puisqu’elle est arrêtée par le maire. Nous avons largement débattu de cette question.
L’armement apparaît nécessaire lorsque les policiers municipaux interviennent ponctuellement comme forces supplétives de la police ou de la gendarmerie. Cette condition doit être assortie d’un cadre contractuel – les fameuses conventions de coordination – et d’un accès à la boucle d’informations. Sur le terrain, face à des opérations de cette nature, il faut une autorité fonctionnelle unique qui garantisse la cohérence de l’intervention. Nous n’avons cessé de plaider en faveur de cet encadrement strict.
Je veux mettre en exergue deux autres dispositions de ce texte relatives aux polices municipales.
La première est aussi une forme de reconnaissance. Des représentants de polices municipales m’ont fait remarquer que, contrairement à elles, les forces de sécurité privée sont autorisées à faire des palpations. Sur proposition du groupe socialiste du Sénat, un amendement a été adopté pour permettre aux policiers municipaux affectés à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle de procéder à des palpations de sécurité. C'est un progrès !
Par ailleurs, nous avons défendu la recherche systématique de la mutualisation des polices municipales dans un cadre intercommunal. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je veux saluer le fait que vous ayez accepté à l'Assemblée nationale un amendement de Francis Vercamer visant à étendre le cadre de la mutualisation des polices municipales entre plusieurs communes. Cela n’a l’air de rien, mais cela signifie, en pratique, que des communes rurales qui, seules, ne pourraient recourir à une police municipale pourront y avoir droit dans un cadre mutualisé.
La seconde disposition, qui est plus importante que le fameux récépissé, est relative au décret de décembre dernier sur les conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions. Cette mesure, qui constitue un progrès, a été réalisée dans un cadre consensuel.
Je veux maintenant évoquer la procédure d’identification administrative des enquêteurs. Tout le monde le sait, le nombre d’infractions constatées sur des forces de sécurité publique s’est fortement accru, de 16 % entre 2011 et 2015.
Je suis satisfait du compromis trouvé à l’occasion de la commission mixte paritaire. Ainsi, le critère des trois ans d’emprisonnement pour les procédures délictuelles a été conservé. De plus, la commission mixte paritaire a ouvert la possibilité pour l’agent de bénéficier des dispositions relatives à l’anonymat pour des délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement lorsque, en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Ce dispositif prévu à l’article 2 permet de concilier protection, respect des droits de la défense et simplicité de la procédure.
Pour finir, j’évoquerai trois mesures importantes.
L’Assemblée nationale, qui est à l’origine de la première, a proposé des ajustements à la loi de 1955 sur l’état d’urgence, notamment sur les modalités d’assignation à résidence, l’information du parquet et l’alignement des horaires de perquisitions administratives sur ceux des perquisitions judiciaires.
Par ailleurs, sur proposition du président de la commission des lois, Philippe Bas, la commission mixte paritaire a rétabli le délit de consultation habituelle de sites internet incitant à la commission d’infractions terroristes ou en faisant l’apologie, disposition qui a été censurée le 10 février dernier par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a jugé, de façon assez péremptoire, que cette mesure « n’était ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée ».
Tirant les conséquences de cette décision, le président Bas a proposé une rédaction qui définit l’infraction en assortissant la consultation des sites djihadistes de la condition d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée et d’une définition plus précise du motif légitime susceptible d’empêcher la répression de ce délit. J’ai voté en faveur de cette disposition, car personne ne comprendrait que nous ne rétablissions pas, en conformité bien évidemment avec les préconisations du Conseil constitutionnel, cette disposition.
Enfin, notre groupe voudrait saluer une disposition passée « en sourdine », si je puis dire : la création du volontariat militaire d’insertion, permettant à des jeunes d’effectuer des missions de sécurité civile, pour une durée de six à douze mois. Nous en suivrons l’évolution, mais les premiers résultats montrent que ce dispositif parvient à insérer 75 % des jeunes, même en grande difficulté, qui bénéficient de ce dispositif hybride, mi-militaire mi-professionnel. Je tenais à terminer sur ce point, qui constitue un motif surabondant justifiant le vote du texte par le groupe socialiste, qui est très satisfait du compromis qui a été trouvé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’accord trouvé en commission mixte paritaire viennent donc les conclusions de ce projet de loi, dont l’examen expéditif nous laisse songeurs tant les dispositions qu’il comporte sont lourdes de conséquences.
Dicté par la grogne policière de l’automne dernier, à la suite de l’agression violente que nous avons condamnée, comme toutes les autres d’ailleurs, de quatre fonctionnaires à Viry-Châtillon, ce texte nous est soumis à quelques mois de la fin de la législature, dans un contexte préélectoral et de menace terroriste qui pose plusieurs questions, dont celle de son opportunité.
Désormais, avec l’entrée en vigueur des dispositions de ce texte, les policiers pourront ouvrir le feu dans cinq situations jusque-là réservées aux gendarmes : face à la menace de personnes armées ; lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ; lorsqu’une personne cherche à échapper à leur garde, qu’ils ne peuvent l’arrêter autrement et qu’elle présente une menace ; lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule en fuite présentant une menace ; la cinquième et dernière situation reprend la possibilité d’ouvrir le feu déjà prévue par la loi du 3 juin 2016 en cas de « périple meurtrier », c’est-à-dire dans le cas où un attentat vient d’être commis et que les personnes sont en cavale et susceptibles de tuer de nouveau.
Comme nous l’avons dit lors de l’examen du texte au Sénat le mois dernier, de nombreux syndicats, associations et professionnels du droit et de la sécurité ont dénoncé ce texte.
Avant son examen par l’Assemblée nationale, la Ligue des droits de l’homme a appelé les députés à rejeter ce texte « qui autorise les forces de l’ordre à ouvrir le feu dans des conditions qui vont augmenter le risque de bavures ».
Plus critique encore, le Syndicat de la magistrature estime que les forces de l’ordre « se considéreront légitimes à user de leurs armes, et potentiellement de tuer, dans des conditions absolument disproportionnées ».
Nous estimons également que ce texte présente un danger, d’abord pour les policiers eux-mêmes. Car rappelons que, si le nouveau régime est adopté, il continuera à être soumis au respect des principes d’« absolue nécessité » et de « stricte proportionnalité », comme l’exige la convention européenne des droits de l’homme dans son article 2, qui consacre le droit à la vie. C’est pourquoi si l’exécutif pense qu’il est nécessaire de légiférer pour libérer les coups de feu, il oublie que l’Europe a déjà condamné à plusieurs reprises des gendarmes ayant fait usage de leur arme « illégitimement ».
Ainsi, dans deux avis distincts, le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme s’inquiètent du risque pour les policiers de croire, à tort, à une plus grande liberté. D'ailleurs, l’association Mobilisation des policiers en colère, la MPC, issue du mouvement de contestation qui s’est développé après l’affaire de Viry-Châtillon, n’est pas dupe : dans son Livre blanc sur le malaise des policiers rendu public en janvier – je vous invite à le lire –, elle dénonce « une fausse bonne mesure parce qu’au fil du temps une jurisprudence de plus en plus restrictive a vidé de son sens l’article 2338-3 du code de la défense sur lequel se fonde la légitime défense applicable aux gendarmes ».
Définitivement, la loi n’est pas le moyen adapté face au malaise policier !
Trois autres mesures contenues dans le texte suscitent notre inquiétude.
Tout d’abord, les dispositions concernant l’anonymisation des enquêteurs dans les actes de procédure portant sur un crime ou délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement remettent en question le respect du contradictoire et l’exercice des droits de la défense. Nous partageons la position de la Ligue des droits de l’homme sur le sujet : le principe d’une police anonyme n’est pas acceptable en démocratie, sauf à en faire un corps étranger à la Nation.
Ensuite, comme de nombreuses autres mesures ajoutées par la droite sénatoriale, le renforcement des prérogatives des policiers municipaux en matière de sécurité publique a été retenu. Nous y sommes fermement opposés. Rappelons que la police municipale n’est pas placée sous la même autorité que les policiers nationaux et les gendarmes, elle n’exerce pas les mêmes missions et ne dispose pas des mêmes prérogatives. En outre, elle ne comporte pas de corps d’inspection.
Enfin, et c’est une première dans l’histoire de la République, une disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel le 10 février dernier a été réintroduite le 13 février suivant. Il s’agit du rétablissement dans le code pénal du délit de consultation habituelle de sites djihadistes, qui avait été créé par la loi antiterroriste du 3 juin 2016. Depuis 2012, nous sommes opposés à l’inscription dans la loi de ce délit dangereux pour le respect des droits fondamentaux, notamment la liberté d’information. Nous nous félicitions de la censure du Conseil constitutionnel et déplorons sa réinscription par l’intermédiaire de ce texte.
Je ne peux conclure mon propos sur ce texte, qui réforme les règles d’ouverture du feu par les policiers, sans évoquer de nouveau les faits survenus à Aulnay-sous-Bois. Je ne reviendrai pas sur cette affaire, sur laquelle je me suis déjà exprimée à plusieurs reprises, mais je veux dire que ces faits témoignent de l’urgence d’une réflexion importante sur l’organisation de nos forces de l’ordre. Or les priorités en matière de sécurité sont tout autres. Je le répète, il est temps de restaurer une police de proximité soucieuse du vivre ensemble, dont tout le monde parle, et de mettre en œuvre dans le même temps des garde-fous pour éviter d’éventuelles dérives policières, en mettant en place par exemple – n’en déplaise à certains – les récépissés lors des contrôles d’identité.
Avec ce projet de loi, nous constatons, une fois encore, et je le dis avec une certaine gravité, que ce gouvernement n’aura fait que partager la vision du tout-sécuritaire propre aux politiques de sécurité publique les moins progressistes.
Vous l’aurez compris, nous voterons contre ce texte, ce qui signifie qu’il n’y a pas de consensus. Le consensus, mes chers collègues, ne peut se résumer à un accord entre le parti socialiste et la droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Bernard Vera. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis janvier 2015, en raison de leur engagement aux avant-postes dans la lutte contre le terrorisme, les 270 000 personnes qui constituent nos forces de l’ordre sont exposées à un risque particulier, supérieur à celui qu’elles connaissent en temps normal. Plusieurs attaques, comme celle qui a eu lieu très récemment contre des militaires de l’opération Sentinelle déployés dans l’enceinte du Carrousel du Louvre à Paris, permettent de caractériser ce risque spécifique. Nul ne peut le contester.
Dans ces conditions, il est nécessaire de réfléchir à de nouvelles méthodes et à de nouveaux dispositifs pour améliorer les conditions de travail et l’efficacité de nos forces de l’ordre, en veillant tout particulièrement à réduire leur vulnérabilité à de futures attaques terroristes. C’est l’esprit du projet de loi qui nous a été soumis par le Gouvernement, dont la finalité nous semble tout à fait justifiée.
À ce stade des discussions, dans le cadre d’une procédure accélérée, que l’on peut regretter compte tenu de l’importance des mesures proposées et du périmètre des personnes concernées, l’examen des solutions proposées nous rend cependant plus circonspects. En effet, la première revendication des agents de la police nationale porte sur le régime de l’utilisation de leurs armes à feu et sur la légitime défense. Cette préoccupation comporte en réalité deux questions qu’il faut traiter de manière distincte : d’une part, la question de la sécurité juridique de l’utilisation des armes pendant le service et, d’autre part, la question de la vulnérabilité des agents des forces de l’ordre en dehors de leur service ainsi que la protection de leur famille.
Pour ce qui concerne la vulnérabilité des agents en dehors de leur service et de leur famille, un problème manifeste comme l’a tristement illustré le double assassinat de Magnanville, notre attention doit être toute particulière. Nous ne pouvons tolérer que des agents publics et leurs familles soient victimes de telles menaces en raison du service qu’ils rendent à la Nation.
De ce point de vue, la possibilité pour les agents concernés de recourir à l’anonymat dans les procédures judiciaires et administratives doit être autorisée, de façon strictement proportionnée à la menace. C’est l’objectif visé par les articles 2 et 3 du projet de loi, et nous le partageons.
En revanche, nous contestons l’idée que l’augmentation du quantum des peines pour outrage et rébellion, également proposée, puisse affaiblir le sentiment de vulnérabilité des forces de l’ordre. Une telle disposition pourrait au contraire, dans le contexte actuel, accroître les tensions entre les forces de l’ordre et la population. En outre, il n’est pas évident que l’augmentation du quantum conduise à une augmentation des peines effectivement prononcées, ce qui pourrait donc raviver des animosités à l’égard de l’autorité judiciaire.
À l’avenir, les solutions visant à restaurer la confiance entre ces différents acteurs, entre les parties prenantes, devraient au contraire être recherchées dans le cadre d’une lutte contre des perceptions qui ne sont pas toujours justement fondées.
De la même manière, nous ne sommes pas convaincus par l’utilité de la réforme proposée du régime d’utilisation des armes. Il est vrai que ce projet de loi uniformise les régimes s’appliquant aux gendarmes et aux policiers, ce qui permettra au moins de lutter, là aussi, contre des perceptions prégnantes. Pour autant, comme le soulignent des organisations professionnelles de magistrats, le nouveau régime ne permettra pas de lever toute l’impression diffuse d’insécurité juridique qui dissuade parfois nos agents de faire usage de leur arme.
Au contraire, les notions de nécessité absolue et de proportionnalité, dégagées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et celle de la Cour de cassation, continueront de s’appliquer. Il est vrai qu’il est « dangereux de laisser penser que les forces de l’ordre pourront faire un usage plus large de leurs armes ». En réalité, les mêmes contraintes et le même régime de responsabilité continueront de s’appliquer.
D’autres solutions pourraient être recherchées pour permettre une utilisation plus sereine des armes à feu par les forces de l’ordre : une augmentation des moyens accordés à la formation au maniement des armes ou la concentration des moyens de formation sur des brigades spécialisées seules habilitées à porter des armes, comme cela se fait au Royaume-Uni. Une réflexion pourrait également s’ouvrir sur une éventuelle réforme du régime de responsabilité pour les dommages résultant de l’usage d’armes à feu.
Malheureusement, la procédure accélérée ne nous a pas permis d’étudier toutes les options envisageables permettant de répondre plus efficacement à ces attentes qui sont, je le répète, légitimes. Au contraire, nos discussions se sont dirigées sur des sujets plus éloignés des préoccupations de nos forces de l’ordre.
Pour toutes ces raisons, les membres du RDSE ont très majoritairement fait le choix de l’abstention sur ce projet de loi relatif à la sécurité publique.
M. le président. La discussion générale est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi relatif à la sécurité publique
Chapitre Ier
Usage des armes par les forces de l’ordre
Article 1er
I. – Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Règles d’usage des armes
« Art. L. 435-1. – Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l’article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :
« 1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;
« 2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;
« 3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;
« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;
« 5° Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 214-2 du même code, après les mots : « police nationale », sont insérés les mots : « et les militaires de la gendarmerie nationale ».
III. – L’article L. 214-3 du même code est abrogé.
III bis. – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du même code est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et règles d’usage des armes » ;
2° Il est ajouté un article L. 511-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-5-1. – Les agents de police municipale autorisés à porter une arme selon les modalités définies à l’article L. 511-5 peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435-1 et dans les cas prévus au 1° du même article L. 435-1. »
IV. – Le titre II du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 2 de l’article 56 est ainsi rédigé :
« 2. Ils peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. » ;
2° Le 2 de l’article 61 est ainsi rédigé :
« 2. Ces derniers peuvent faire usage de matériels appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre chargé des douanes, pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure. »
V. – L’article L. 2338-3 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 2338-3. – Les militaires de la gendarmerie nationale peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Ils peuvent également faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code.
« Les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du présent code peuvent faire usage de leurs armes et immobiliser les moyens de transport dans les mêmes conditions.
« Les militaires chargés de la protection des installations militaires situées sur le territoire national peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues aux 1° à 4° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. Ils peuvent également immobiliser les moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code. »
VI. – L’article 122-4-1 du code pénal est abrogé.
VII. – Le dernier alinéa de l’article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « le cas échéant en faisant usage d’une arme à feu » sont remplacés par les mots : « en se limitant à ce qui est strictement nécessaire » ;
2° La seconde phrase est ainsi rédigée :
« Dans ces cas ainsi que dans ceux prévus aux 1° et 2° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, ils peuvent faire usage d’une arme à feu en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. »
Chapitre Ier bis
Encourager la mutualisation des polices municipales
Article 1er bis
Le premier alinéa de l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les mots : « de moins de 20 000 habitants » sont supprimés ;
2° Le nombre : « 50 000 » est remplacé par le nombre : « 80 000 ».
Chapitre II
Protection de l’identité de certains agents intervenant dans les procédures pénales et douanières ainsi que des signataires de décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme
Article 2
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complétée par un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4. – I. – Dans l’exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut être autorisé à ne pas être identifié par ses nom et prénom dans les actes de procédure définis aux 1° et 2° du présent I qu’il établit, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de sa mission ou de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.
« L’autorisation est délivrée nominativement par un responsable hiérarchique d’un niveau suffisant, défini par décret, statuant par une décision motivée. Copie en est transmise au procureur de la République territorialement compétent.
« Cette autorisation permet à l’agent qui en bénéficie d’être identifié par un numéro d’immatriculation administrative, sa qualité et son service ou unité d’affectation dans tous les actes des procédures suivantes :
« 1° Les procédures portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Après autorisation délivrée pour l’ensemble d’une procédure dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I, les procédures portant sur un délit puni de moins de trois ans d’emprisonnement lorsqu’en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.
« Le bénéficiaire de l’autorisation est également autorisé à déposer ou à comparaître comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et à se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d’identification, qui sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. Il ne peut être fait état de ses nom et prénom au cours des audiences publiques.
« Le présent I n’est pas applicable lorsque, en raison d’un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, le bénéficiaire de l’autorisation est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 du présent code ou qu’il fait l’objet de poursuites pénales.
« I bis. – Le I du présent article est applicable aux agents mentionnés aux articles 28-1 et 28-2.
« II. – Les juridictions d’instruction ou de jugement saisies des faits ont accès aux nom et prénom de la personne identifiée par un numéro d’immatriculation administrative dans un acte de procédure.
« Saisi par une partie à la procédure d’une requête écrite et motivée tendant à la communication des nom et prénom d’une personne bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement décide des suites à donner à cette requête, après avis du ministère public et en tenant compte, d’une part, de la menace que la révélation de l’identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches et, d’autre part, de la nécessité de communiquer cette identité pour l’exercice des droits de la défense de l’auteur de la demande. Le procureur de la République se prononce dans les mêmes conditions lorsqu’il est fait application de l’article 77-2.
« En cas de demande d’annulation d’un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou sur l’inobservation des formalités substantielles dont l’appréciation nécessite la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I du présent article, le juge d’instruction, le président de la chambre de l’instruction ou le président de la juridiction de jugement statue sans verser ces éléments au débat contradictoire ni indiquer les nom et prénom du bénéficiaire de cette autorisation dans sa décision.
« III. – Hors les cas prévus au deuxième alinéa du II, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l’encontre du bénéficiaire de l’autorisation ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende.
« Lorsque cette révélation a entraîné la mort des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent III, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende, sans préjudice, le cas échéant, de l’application du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
II. – Après l’article 55 du code des douanes, il est inséré un article 55 bis ainsi rédigé :
« Art. 55 bis. – Par dérogation au chapitre IV du présent titre et au titre XII du présent code, les agents des douanes peuvent, sur autorisation d’un responsable hiérarchique d’un niveau suffisant, défini par décret, être identifiés dans les actes de procédure, déposer, être désignés, comparaître comme témoins ou se constituer parties civiles en utilisant le numéro de leur commission d’emploi, leur qualité et leur service ou unité d’affectation, dans les conditions prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale. »
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Chapitre III
Dispositions diverses
Article 4
Avant le dernier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le résultat d’une enquête réalisée en application du deuxième alinéa du présent article fait apparaître, le cas échéant après l’exercice des voies de recours devant le juge administratif dans les conditions fixées au neuvième alinéa, que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l’exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l’employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications. En cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l’employeur engage à son encontre une procédure de licenciement. Cette incompatibilité constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.
« L’employeur peut décider, à titre conservatoire et pendant la durée strictement nécessaire à la mise en œuvre des suites données au résultat de l’enquête qui lui est communiqué par l’autorité administrative, de retirer le salarié de son emploi, avec maintien du salaire.
« Le salarié peut contester, devant le juge administratif, l’avis de l’autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l’autorité administrative, interjeter appel puis se pourvoir en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant qu’il n’a pas été statué en dernier ressort sur ce litige.
« Le présent article est applicable aux salariés des employeurs de droit privé, ainsi qu’au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ou régi par un statut particulier, recrutés ou affectés sur les emplois mentionnés au premier alinéa. »
Article 4 bis
L’article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le 4° du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À cet effet, ils peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information à caractère personnel liée au comportement de ces personnes en détention et aux modalités d’exécution de leur peine qu’ils jugent utiles au bon déroulement du suivi et du contrôle de celles de ces personnes dont le comportement est susceptible de constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne destinataire d’une telle information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » ;
b) Le second alinéa est complété par les mots : « du I du présent article ».
Article 4 ter
Le livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° Au chapitre II du titre VI, il est ajouté un article L. 2362-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2362-1. – Les décisions de recrutement ou d’accès à une zone protégée prises par l’autorité militaire française à l’étranger peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier l’identité des personnes concernées ainsi que la compatibilité de leur comportement avec l’exercice des missions ou des droits envisagés.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
2° Le II de l’article L. 2381-1 est ainsi rédigé :
« II. – Dans le même cadre, des membres des forces armées et des formations rattachées peuvent procéder à des opérations de relevés signalétiques et à des prélèvements biologiques sur les personnels civils recrutés localement et sur les personnes accédant à une zone protégée ou placée sous le contrôle de l’autorité militaire française, aux fins de vérification de leur identité et de leurs antécédents. »
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Article 6
L’article L. 613-12 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 613-12. – Les agents exerçant les activités mentionnées au 3° de l’article L. 611-1 ne peuvent être autorisés à être armés que lorsqu’ils assurent la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les conditions dans lesquelles est délivrée l’autorisation de port d’arme, celles dans lesquelles est vérifiée l’aptitude professionnelle des agents concernés, les catégories et types d’armes susceptibles d’être autorisés, les conditions de leur acquisition et de leur conservation et celles dans lesquelles les armes sont portées pendant le service et remisées en dehors du service. »
Article 6 bis A
I. – Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le 1° de l’article L. 611-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis À faire assurer par des agents armés l’activité mentionnée au 1°, lorsque celle-ci est exercée dans des circonstances exposant ces agents ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés à un risque exceptionnel d’atteinte à leur vie ; »
2° Après le premier alinéa de l’article L. 612-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice de l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 est exclusif de toute autre activité. » ;
3° Après l’article L. 612-9, il est inséré un article L. 612-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 612-9-1. – L’autorisation prévue à l’article L. 612-9 ne peut être délivrée en vue de l’exercice de l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 à un demandeur qui ne justifie pas de l’emploi d’agents disposant d’une aptitude professionnelle spécifique ainsi que d’une organisation et d’équipements propres à garantir la sécurité du port et de la conservation des armes.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
3° bis L’article L. 613-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « armés » est remplacé par les mots : « équipés d’armes relevant de la catégorie D mentionnée à l’article L. 311-2, » ;
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « catégories et » sont supprimés ;
– les mots : « par la personne titulaire de l’autorisation, les modalités selon lesquelles cette personne les remet à ses agents » sont supprimés ;
– les mots : « ces derniers » sont remplacés par les mots : « les agents mentionnés au premier alinéa » ;
4° Après la section 1 du chapitre III, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Activités de surveillance armée
« Art. L. 613-7-1. – Toute mission exercée dans les conditions prévues au 1° bis de l’article L. 611-1, dans un lieu déterminé et pour une durée donnée, par une personne titulaire de l’autorisation mentionnée à l’article L. 612-9-1, nommément désignée, est soumise à l’autorisation préalable du représentant de l’État dans le département.
« Art. L. 613-7-2. – Sans préjudice des articles L. 612-7 et L. 612-20, nul ne peut exercer l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1, comme employé ou comme dirigeant, s’il est interdit d’acquisition ou de détention d’armes en application des articles L. 312-3, L. 312-3-1, L. 312-10 et L. 312-13.
« Art. L. 613-7-3. – Les articles L. 613-1 à L. 613-4 sont également applicables aux personnes exerçant l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1. » ;
5° Après le 2° de l’article L. 617-1, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Le fait d’exercer l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 et d’exercer une autre activité ; ».
II. – Le 3° bis du I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.
Article 6 bis B
I. – Au 1° de l’article L. 625-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° ».
II. – L’article L. 5442-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du I est supprimé ;
2° Après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’il existe un risque exceptionnel d’atteinte à la vie des personnes embarquées sur le navire, l’activité mentionnée à l’article L. 5441-1 peut être exercée dans les eaux territoriales et les eaux intérieures maritimes françaises, après autorisation du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer. Cette autorisation est délivrée sur demande de l’armateur, pour un trajet défini ou une ligne régulière définie. » ;
3° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – ».
III. – (Supprimé)
Article 6 bis C
À la première phrase du second alinéa de l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « sécurité », sont insérés les mots : « ou de l’activité mentionnée à l’article L. 625-1 ».
Article 6 bis D
Le chapitre IV du titre III du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Sanctions pénales
« Art. L. 634-5. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de ne pas respecter une interdiction temporaire d’exercer prononcée en application de l’article L. 634-4.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal de l’infraction définie au premier alinéa du présent article encourent une amende de 75 000 €.
« Les personnes physiques ou morales coupables de l’infraction définie au même premier alinéa encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »
Article 6 bis
La section 2 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-25-2 ainsi rétabli :
« Art. 706-25-2. – Le procureur de la République de Paris, pour les procédures d’enquête ouvertes sur le fondement d’une ou de plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 dont il s’est saisi, peut communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, copie des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice des missions de ces services en matière de prévention du terrorisme.
« Le premier alinéa du présent article est également applicable aux procédures d’information ouvertes au tribunal de grande instance de Paris sur le fondement d’une ou de plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du présent code. Le juge d’instruction chargé de l’information peut communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de ces mêmes services, copie des éléments de toute nature figurant au dossier d’information, après avis du procureur de la République de Paris.
« Les informations communiquées en application du présent article peuvent être transmises aux services mentionnés à l’article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice des missions de ces services en matière de prévention du terrorisme. Elles ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Les agents des services mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du même code destinataires des informations communiquées en application du présent article sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
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Article 6 sexies B
Le 4° du I de l’article 41-1-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« 4° Du délit prévu à l’article 311-3 du même code, lorsque la valeur de la chose volée est inférieure ou égale à 300 € ; ».
Article 6 sexies C
Les troisième et avant-dernier alinéas de l’article 197 du code de procédure pénale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant ce délai, le dossier de la procédure, comprenant les réquisitions du ministère public, est déposé au greffe de la chambre de l’instruction et mis à la disposition des avocats des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n’a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n’a pas été retenue. Les avocats des parties ou, si elles n’ont pas d’avocat, les parties peuvent se faire délivrer copie de ces réquisitions sans délai et sur simple requête écrite, sans préjudice de leur faculté de demander la copie de l’entier dossier en application du quatrième alinéa de l’article 114. La délivrance de la première copie des réquisitions est gratuite. »
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Article 6 septies
Le 3° de l’article 322-8 du code pénal est ainsi rétabli :
« 3° Lorsqu’elle est commise en raison de la qualité de magistrat, de militaire de la gendarmerie nationale, de fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l’administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, ou de sapeur-pompier professionnel ou volontaire, de la personne propriétaire ou utilisatrice du bien. »
Article 6 octies
Au premier alinéa de l’article 433-3 du code pénal, les mots : « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».
Article 6 nonies (nouveau)
L’article 421-2-5-2 du code pénal est ainsi rétabli :
« Art. 421-2-5-2. – Le fait de consulter habituellement et sans motif légitime un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende lorsque cette consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ce service.
« Constitue notamment un motif légitime tel que défini au premier alinéa la consultation résultant de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervenant dans le cadre de recherches scientifiques ou réalisée afin de servir de preuve en justice ou le fait que cette consultation s’accompagne d’un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes. »
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Article 7 bis
Le chapitre III du titre III du livre II du code de la route est ainsi modifié :
1° L’article L. 233-1 est ainsi modifié :
a) Au I, les mots : « de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 7 500 » ;
b) Le II est complété par des 4° à 6° ainsi rédigés :
« 4° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 5° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
« 6° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. » ;
1° bis Le II de l’article L. 233-1-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « et 3° » est remplacée par les références : « , 3°, 5° et 6°» ;
b) Le 3° est abrogé ;
2° Après l’article L. 233-1-1, il est inséré un article L. 233-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-1-2. – Toute personne coupable, en état de récidive au sens de l’article 132-10 du code pénal, de l’infraction prévue à l’article L. 233-1 du présent code encourt également la peine complémentaire d’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus. »
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Article 8
Après l’article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
« Art. 12-1. – Les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire et individuellement désignés par le chef d’établissement ou par le directeur interrégional des services pénitentiaires peuvent procéder, sur l’ensemble de l’emprise foncière affectée au service public pénitentiaire, au contrôle des personnes, autres que les personnes détenues, à l’égard desquelles existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu’elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l’établissement pénitentiaire.
« Dans le cadre de ce contrôle, ils peuvent inviter la personne concernée à justifier, par tout moyen, de son identité, procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle de ses bagages et, avec le consentement de la personne, à leur fouille. La palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet.
« En cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d’impossibilité de justifier de son identité, le personnel mentionné au premier alinéa en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne ou de la retenir jusqu’à son arrivée ou celle d’un agent de police judiciaire placé sous son contrôle. La personne ne peut être retenue si aucun ordre n’est donné. Lorsque l’officier de police judiciaire décide de procéder à une vérification d’identité en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale, le délai prévu au troisième alinéa du même article 78-3 court à compter du début du contrôle. Les opérations de contrôle ayant donné lieu à l’application du présent alinéa font l’objet d’un rapport adressé au procureur de la République territorialement compétent par le personnel mentionné au premier alinéa du présent article.
« Un décret précise les conditions de définition de l’emprise foncière et de sa signalisation. »
Article 8 bis
I. – Après le premier alinéa de l’article 434-35 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait, pour une personne se trouvant à l’extérieur d’un établissement pénitentiaire ou d’un établissement de santé habilité à recevoir des détenus, de communiquer avec une personne détenue à l’intérieur de l’un de ces établissements, y compris par la voie des communications électroniques, hors les cas où cette communication est autorisée en application de l’article 145-4 du code de procédure pénale ou des articles 39 et 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et réalisée par les moyens autorisés par l’administration pénitentiaire. »
II. – À la première phrase du troisième alinéa de l’article 434-44 du même code, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier ».
Article 9
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le juge des enfants peut, dans le cas prévu au 3° de l’article 375-3 du code civil, sur réquisitions écrites du ministère public, charger un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse d’apporter l’aide et le conseil et d’exercer le suivi prévus au premier alinéa de l’article 375-4 du même code, lorsque la situation et l’intérêt de l’enfant le justifient. Les dépenses afférentes à cette mesure sont prises en charge par l’État.
II. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation.
Article 9 bis A
L’article 375-3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en assistance éducative. »
Article 9 bis B
L’article 22 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Art. 22. – Le juge des enfants et le tribunal pour enfants peuvent ordonner l’exécution provisoire de leur décision prononçant une mesure éducative, une sanction éducative et, le cas échéant, une peine autre qu’une peine d’emprisonnement ferme ou assortie d’un sursis partiel et qui ne font pas l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal.
« Lorsque le tribunal pour enfants prononce une peine d’emprisonnement ferme ou assortie d’un sursis partiel, il peut décerner mandat de dépôt ou d’arrêt contre le mineur prévenu dans les conditions prévues à l’article 465 du code de procédure pénale ou au premier alinéa de l’article 465-1 du même code. Le second alinéa du même article 465-1 n’est pas applicable aux mineurs.
« Le tribunal pour enfants peut également maintenir le mineur en détention dans les conditions prévues à l’article 464-1 dudit code.
« Lorsque le tribunal pour enfants statue dans les conditions prévues à l’article 14-2 de la présente ordonnance et qu’il constate, à l’égard d’un mineur de moins de seize ans placé sous contrôle judiciaire avec obligation de respecter un placement dans un centre éducatif fermé ou à l’égard d’un mineur de seize ans révolus placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, que ce mineur n’a pas respecté les obligations de son contrôle judiciaire ou de son assignation à résidence avec surveillance électronique, il peut, par décision spécialement motivée, après avoir constaté la violation de la mesure de sûreté, décerner mandat de dépôt ou d’arrêt contre le mineur, quelle que soit la durée de la peine prononcée. »
Article 9 bis C
Le livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° À la fin du 5° du I de l’article L. 2241-1, les mots : « du service interne de sécurité de la SNCF mentionné à l’article L. 2251-1-1 » sont remplacés par les mots : « des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens » ;
2° Après l’article L. 2251-1-2, il est inséré un article L. 2251-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-1-3. – Par dérogation aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2, sur les sites d’interconnexion des réseaux de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, les agents des services internes de sécurité de ces deux établissements publics peuvent intervenir ponctuellement dans les emprises immobilières et véhicules relevant de la compétence de l’autre service interne de sécurité :
« 1° Lorsque cette intervention est nécessaire à la constatation d’une infraction mentionnée à l’article L. 2241-1 ;
« 2° Pour assurer, avec l’autorisation de l’autorité administrative, la mission prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2251-1.
« Ces interventions ne peuvent être réalisées qu’avec l’autorisation conjointe des deux établissements publics. »
Article 9 bis
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 727-1 est ainsi rédigé :
« Art. 727-1. – I. – Aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues, le ministre de la justice peut autoriser les agents individuellement désignés et habilités de l’administration pénitentiaire à :
« 1° Intercepter, enregistrer, transcrire ou interrompre les correspondances de personnes détenues émises par la voie des communications électroniques et autorisées en détention, à l’exception de celles avec leur avocat, et conserver les données de connexion y afférentes ;
« 2° Accéder aux données stockées dans un équipement terminal ou un système informatique qu’utilise une personne détenue et dont l’utilisation est autorisée en détention, les enregistrer, les conserver et les transmettre.
« Les personnes détenues ainsi que leurs correspondants sont informés au préalable des dispositions du présent article.
« L’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un an, renouvelable.
« II. – Le procureur de la République est immédiatement avisé de la découverte, dans un établissement mentionné au I, de tout équipement terminal, système informatique ou support de données informatiques dont la détention est illicite.
« Sous réserve d’une éventuelle saisie de ces matériels par l’autorité judiciaire ouvrant à la personne détenue les voies de recours prévues à l’article 41-5, le procureur de la République peut autoriser, par tout moyen, l’administration pénitentiaire à les conserver, s’il estime que ceux-ci ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité.
« Dans ce cas et pour les finalités mentionnées au I du présent article, le ministre de la justice peut autoriser les agents individuellement désignés et habilités de l’administration pénitentiaire à mettre en œuvre les techniques mentionnées au 2° du I du présent article. L’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un an, renouvelable.
« La personne concernée, lorsqu’elle est identifiée, est alors informée de la décision de l’administration pénitentiaire de mettre en œuvre ces techniques. Elle est également informée que les matériels seront détruits à l’issue du délai prévu à l’avant-dernier alinéa du présent II, sauf si l’exploitation de ces données conduit à l’ouverture d’une procédure judiciaire au dossier de laquelle ils sont alors versés.
« III. – Chaque mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement prévue aux I ou II donne lieu à l’établissement d’un relevé qui mentionne les dates de début et de fin de cette mise en œuvre ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition du procureur de la République, qui peut y accéder de manière permanente, complète et directe, quel que soit son degré d’achèvement.
« La décision de mettre en œuvre les techniques prévues aux mêmes I et II est consignée dans un registre tenu par la direction de l’administration pénitentiaire. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dans les conditions prévues par le code de justice administrative.
« Les données ou les enregistrements qui ne font l’objet d’aucune transmission à l’autorité judiciaire en application du présent code sont détruits à l’issue d’une durée de quatre-vingt-dix jours à compter de leur recueil.
« Les transcriptions ou les extractions sont détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées au I.
« Lorsque les données ou enregistrements servent de support à une procédure disciplinaire, le délai mentionné au troisième alinéa du présent III est suspendu jusqu’à l’extinction des voies de recours.
« Il est dressé un procès-verbal rendant compte des opérations de destruction.
« Les données, enregistrements, transcriptions, extractions et procès-verbaux mentionnés au présent III sont mis à la disposition du procureur de la République, qui peut y accéder à tout instant.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article 230-45 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « , 709-1-3 ainsi que des 1° et 3° de l’article 727-1 » sont remplacés par les mots : « et 709-1-3 » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « ainsi que des 2° et 4° de l’article 727-1 » sont supprimés.
II. – Après le titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :
« TITRE V BIS
« DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ PÉNITENTIAIRE
« Art. L. 855-1. – Par dérogation aux 3° et 4° de l’article L. 801-1, les services de l’administration pénitentiaire désignés par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peuvent être autorisés à recourir aux techniques mentionnées aux articles L. 851-1, L. 851-4, L. 851-5, L. 851-6 et au I de l’article L. 852-1 dans les conditions prévues aux titres II et V du présent livre, à l’encontre des seules personnes détenues, aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. »
Article 9 ter
(Supprimé)
Article 10
Le chapitre V de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives à l’expérimentation de nouvelles formes de volontariat » ;
2° Il est ajouté un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. – Sans préjudice de l’article L. 4132-12 du code de la défense et des articles 22 et 23 de la présente loi, les Françaises et Français âgés de dix-huit ans révolus et de moins de vingt-six ans à la date de recrutement qui ont leur résidence habituelle en métropole peuvent, à titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2018, demander à accomplir le service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion.
« Le contrat de volontaire stagiaire du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion est souscrit pour une durée minimale de six mois, renouvelable par période de deux à six mois, et pour une durée maximale de douze mois. Les volontaires servent en tant que volontaires stagiaires du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion au premier grade de militaire du rang.
« Le service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des volontaires.
« Les volontaires stagiaires du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion sont encadrés par du personnel militaire qui assure une partie de ces formations.
« Ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle au sens du titre IV du livre III de la sixième partie du code du travail. Les dispositions du code du travail applicables aux stagiaires de la formation professionnelle leur sont applicables, sauf lorsqu’elles sont incompatibles avec l’état militaire. Ils bénéficient du compte personnel d’activité prévu à l’article L. 5151-2 du même code.
« L’État, les régions et, le cas échéant, les organismes collecteurs paritaires agréés concourent au financement de la rémunération des volontaires stagiaires du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion. Cette rémunération est déterminée et versée conformément au chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie dudit code.
« Le service relevant du ministère de la défense chargé du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion est regardé comme un organisme de formation pour l’application du livre III de la sixième partie du même code. Il n’est pas soumis aux titres V et VI du même livre III.
« L’article 23 de la présente loi, à l’exception de la dernière phrase du I, est applicable aux volontaires stagiaires du service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion.
« Les contrats conclus en application du présent article peuvent prendre effet à compter du 1er janvier 2017.
« Au plus tard à la fin du seizième mois suivant le début de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation proposant les suites à lui donner. Il détaille notamment le niveau de diplôme des volontaires à leur entrée dans le dispositif, leur devenir professionnel à leur sortie ainsi que le coût financier global de ce dispositif. Il propose les modalités du dispositif permanent qui pourrait succéder aux dispositifs expérimentaux de volontariat. » ;
3° L’article 22 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « code de la défense », sont insérés les mots : « et de l’article 23-1 de la présente loi » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « dix-sept » est remplacé par le mot : « dix-huit ».
Article 10 bis
L’article 114 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard un mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation. »
Article 10 ter A
La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence est ainsi modifiée :
1° L’article 6 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle tient compte de leur vie familiale et professionnelle. » ;
b) Avant la dernière phrase du dixième alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, lorsque le fonctionnement du dispositif de localisation à distance est temporairement suspendu ou gravement altéré pendant plus de douze heures consécutives, ces obligations peuvent lui être imposées jusqu’à la reprise du fonctionnement normal du dispositif. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
c) Après le même dixième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le procureur de la République compétent est informé sans délai de toute mesure d’assignation à résidence, des modifications qui y sont apportées et de son abrogation.
« Le ministre de l’intérieur peut déléguer au préfet territorialement compétent le soin de modifier le lieu et la plage horaire de l’astreinte à demeurer dans un lieu d’habitation déterminé, dans les limites fixées au deuxième alinéa, ainsi que les horaires, la fréquence et le lieu de l’obligation de présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans les limites fixées au 1°. » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « quatorzième » ;
2° Le I de l’article 11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de jour et de nuit, » sont supprimés ;
b) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La perquisition ne peut avoir lieu entre 21 heures et 6 heures, sauf motivation spéciale de la décision de perquisition fondée sur l’urgence ou les nécessités de l’opération. » ;
3° Au troisième alinéa de l’article 13, les mots : « cinq derniers alinéas » sont remplacés par les mots : « sixième à dixième alinéas ».
Article 10 ter
I. – Lorsqu’une personne mise en examen pour un crime ou un délit commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité est placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile et qu’une interdiction de rencontrer la victime a été prononcée, cette dernière peut, si elle y consent expressément, se voir proposer le port d’un dispositif électronique permettant de signaler à distance que la personne mise en examen se trouve à proximité.
Un tel dispositif peut également être proposé à la victime lorsqu’une personne condamnée pour un crime ou un délit commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité est placée sous surveillance électronique mobile dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle et qu’une interdiction de rencontrer la victime a été prononcée.
Les deux premiers alinéas du présent I sont également applicables lorsque les faits ayant entraîné la mise en examen ou ayant donné lieu à condamnation ont été commis par un ancien conjoint, un ancien concubin ou une personne ayant été liée à la victime par un pacte civil de solidarité.
II. – L’État peut autoriser à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, la mise en place des mesures de protection des victimes prévues au I du présent article dans des ressorts déterminés par le ministre de la justice, selon des modalités précisées par arrêté.
Chapitre IV
Dispositions relatives aux outre-mer
Article 11
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1, L. 288-1, L. 545-1, L. 546-1, L. 895-1, L. 896-1 et L. 898-1 et à l’article L. 897-1, la référence : « loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la sécurité publique » ;
1° bis Au premier alinéa des articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1, la référence : « loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, les dispositions suivantes » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la sécurité publique, les dispositions du présent livre » ;
1° ter À la fin de l’article L. 448-1, les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » sont remplacés par les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1, L. 158-1, L. 645-1, L. 646-1 et L. 647-1, la référence : « loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la sécurité publique » ;
3° À la fin du 1° de l’article L. 288-1, les mots : « à L. 214-3 » sont remplacés par les mots : « et L. 214-2 » ;
4° L’article L. 152-1 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. » ;
5° Après le 3° de l’article L. 157-2, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet ; »
6° L’article L. 158-2 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. » ;
7° Au 5° de l’article L. 546-1, les mots : « de moins de 20 000 habitants formant un ensemble de moins de 50 000 » sont remplacés par les mots : « formant un ensemble de moins de 80 000 » ;
II. – Les articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense sont ainsi modifiés :
1° Au premier alinéa, la référence : « L. 2336-1 » est remplacée par la référence : « L. 2338-2 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 2338-3 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique. »
II bis. – A. – Aux articles L. 243-2, L. 244-2 et L. 245-2 du code de la route, après la première occurrence du mot : « Les », sont insérés les mots : « 2°, 3° et 6° de l’article L. 231-2, le I et les 2°, 3° et 5° du II de l’article L. 233-1, le I et les 4° et 5° du II de l’article L. 233-1-1, le I et les 2° et 3° du II de l’article L. 233-2, les ».
B. – Les dispositions auxquelles les articles L. 243-2, L. 244-2 et L. 245-2 du code de la route font référence sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna dans leur version applicable à la date d’entrée en vigueur de l’article 7 bis de la présente loi.
III. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
IV. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
IV bis. – Les articles L. 5764-1, L. 5774-1, L. 5784-1 et L. 5794-1 du code des transports sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 5442-1 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique. »
V. – La septième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l’administration est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 212-1 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique |
|
L. 212-3 |
Résultant de l’ordonnance n° 2015-1341 |
» |
V bis. – À l’article 15 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, la référence : « loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la sécurité publique ».
V ter. – Au premier alinéa de l’article 44 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, la référence : « loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la sécurité publique ».
VI. – Les IV et VII de l’article 1er et l’article 8 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
Le II de l’article 2 et les II et III de l’article 3 sont applicables dans les îles Wallis-et-Futuna.
L’article 9 est applicable en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la sécurité publique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la sécurité publique.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Je tiens à remercier les sénateurs et les sénatrices. S’il n’y a pas consensus, il y a en tout cas un très large partage des enjeux auxquels notre pays est confronté. Je veux remercier tous ceux qui y prennent leur part, que ce soit par le soutien ou par le débat. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, a demandé le retrait de l’ordre du jour du jeudi 23 février 2017 de la proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 23 février 2017 s’établit comme suit :
À dix heures trente : débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises.
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze : proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
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Ratification d'ordonnances relatives à la Corse
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (projet n° 426, texte de la commission n° 428, rapport n° 427).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 janvier dernier, vous avez rejeté le projet de loi de ratification lors d’une séance sur laquelle je préfère ne pas revenir,…
M. Jean Desessard. Dommage !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … mais au cours de laquelle l’intérêt de la Corse et des Corses ne constituait pas, me semble-t-il, la préoccupation première…
Après l’adoption du texte en première lecture par l’Assemblée nationale, le 9 février dernier, la commission mixte paritaire n’a pu que constater, lundi dernier, sans véritable surprise, l’ampleur du désaccord entre les deux chambres. L’Assemblée nationale a confirmé hier son vote, en nouvelle lecture.
Me voici donc aujourd’hui, une nouvelle fois, devant vous à l’occasion de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de ratification des trois ordonnances qui permettront à la collectivité de Corse de voir le jour, conformément à la loi, le 1er janvier 2018. J’ose encore espérer, même si, je ne vous le cache pas, mon espoir s’amenuise, vous convaincre d’adopter ce projet de loi, qui est, soyez-en convaincus, un bon texte, utile et même nécessaire pour la Corse et les Corses.
Je souhaite, en préambule, vous rappeler que les ordonnances soumises à votre ratification ne font que permettre la mise en œuvre de la future collectivité que vous avez tout de même souhaitée, mesdames, messieurs les sénateurs,…
M. Philippe Kaltenbach. C’est bien vrai !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … en adoptant le 16 juillet 2015 la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, notamment son article 30 relatif à cette future collectivité unique de Corse, adopté en commission mixte paritaire. Je vous rappelle en outre que les élus de l’Assemblée de Corse ont appelé de leurs vœux à une très forte majorité…
M. Philippe Kaltenbach. À 80 % !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … et toutes tendances politiques confondues, le 12 décembre 2014, à la création de cette collectivité unique.
Ces ordonnances complètent et précisent les règles budgétaires, financières et comptables applicables à la collectivité de Corse – c’est l’objet de l’ordonnance n° 2016-1561 –, les mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse, au travers de l’ordonnance n° 2016-1562, et les diverses mesures électorales applicables en Corse, avec l’ordonnance n° 2016-1563. Je ne peux manquer de préciser que ces ordonnances ont été élaborées avec l’ensemble des élus concernés et que j’ai intégré la quasi-totalité des amendements dont sénateurs et députés souhaitaient l’adoption lors du débat relatif à la loi NOTRe.
Je veux également indiquer que les amendements de votre commission des lois, qui apportaient des précisions rédactionnelles intéressantes, ont été repris par l’Assemblée nationale. À ce titre, je ne citerai que les deux améliorations les plus fondamentales que l’on doit aux parlementaires.
Tout d’abord, une chambre des territoires, non prévue initialement, a été instituée ; elle se situera à Bastia afin d’équilibrer les sièges des institutions dans les deux villes préfectures. Cette chambre permettra de mieux coordonner l’action publique et la solidarité financière entre la collectivité de Corse, les communes et leurs intercommunalités.
Ensuite, les garanties de maintien des conditions de statut et d’emploi du personnel ont été renforcées. Ce point est crucial pour la réussite de la future collectivité, je pense que tout le monde l’admet. Je rends d’ailleurs hommage aux présidents de la collectivité territoriale et des conseils départementaux, qui ont publiquement rassuré, dans une déclaration commune, l’ensemble du personnel et des syndicats sur leur avenir. Je me permettrai simplement de suggérer qu’une ultime assurance sur le sujet pourrait aussi leur être apportée aujourd’hui au Sénat, par la ratification des ordonnances.
Je vous avoue ne toujours pas comprendre la position de la majorité d’entre vous. Comment peut-on, d’un côté, plaider pour la collectivité unique et, de l’autre, ne pas vouloir adopter les ordonnances qui vont permettre de la faire exister ? J’entends souvent l’argument selon lequel il ne s’agirait pas de la collectivité souhaitée, voire rêvée. Je m’inscris en faux contre cet argument, qui n’est pas sérieux.
L’article 30 de la loi NOTRe, qui institue la collectivité de Corse, n’est pas un article de principe. Il définit, en six pages de Journal officiel, dans le détail, sa substitution à la collectivité territoriale de Corse et aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Pour cela, il réécrit le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif à la collectivité territoriale de Corse.
Il n’est donc pas juste de prétendre que ce n’est pas la collectivité qu’il convenait de faire. Ces ordonnances ne sont que la déclinaison des principes votés dans le cadre de la loi ; elles se contentent, ainsi que je viens de le rappeler, de préciser ou d’adapter les règles. Ne pas accepter de les ratifier revient à dire que vous êtes opposés aujourd’hui à la création de ce que vous souhaitiez hier. En ce cas, pourquoi ne pas l’exprimer ainsi, même s’il est sans doute plus compliqué pour les élus corses – je salue d’ailleurs les sénateurs Castelli et Panunzi, présents dans l’hémicycle, qui, chacun à leur manière, apportent leur pierre à l’édifice – de dire à la population qu’un outil au service de la Corse et des Corses est sacrifié au nom d’enjeux électoraux « supérieurs » ?
En ce qui me concerne, au nom du Gouvernement, je demeure fidèle à ce que j’ai toujours dit. Je n’entrerai pas dans les débats politiciens et j’accomplirai jusqu’à la fin de la législature – c’est bien la moindre des choses – le travail qui est le mien ; le fait qu’une quinzaine de jours nous séparent de la fin de cette législature n’entravera pas ma détermination. Le Gouvernement est au travail jusqu’au dernier jour pour assumer ses responsabilités.
Il est indispensable de ratifier ces ordonnances publiées dans les délais légaux, le 22 novembre 2016, afin qu’elles ne disparaissent pas de l’ordre juridique, ce qui empêcherait la création de la collectivité unique. Il est d’autant plus indispensable de les ratifier que les Corses attendent l’action du Gouvernement au service de leur territoire.
La loi a bel et bien été votée, le Gouvernement est aujourd’hui comptable de son application, c’est bien normal. Il s’agit de renouveler la gouvernance des institutions corses afin de la rendre plus efficace et d’améliorer, à moindre coût, les services publics.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons pour lesquelles je vous demande de nouveau au nom du Gouvernement, et malgré l’échec de la commission mixte paritaire, d’adopter ce projet de loi de ratification. La collectivité unique de Corse doit voir le jour pour que les élus corses puissent mieux assurer l’avenir de l’île et de son peuple. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui, après l’échec de la commission mixte paritaire, pour examiner en nouvelle lecture ce texte de ratification d’ordonnances. Il s’agit ainsi de clore une procédure entamée en 2015, avec l’adoption de la loi NOTRe et notamment de son article 30. Celui-ci concernait la collectivité de Corse et prévoyait la rédaction d’ordonnances destinées à en compléter le dispositif.
Le texte qui nous est proposé renoue avec une tradition. Pendant 165 ans, la Corse n’a compté qu’une seule collectivité territoriale, le département. Durant 63 ans, elle en a compté deux, voire trois. Cela fut le cas de 1790 jusqu’en 1811 et depuis l’instauration de la région, qui a entraîné, en forme de compensation, la création de deux départements, différents d’ailleurs de ceux de 1790. Ainsi, la plus grande partie de l’histoire de la Corse est régie par l’existence d’une seule collectivité, pour l’île. Si le texte est voté, je le répète, nous renouerons avec cette tradition. Même si nous passons du département unique à une sorte de super-région, les Corses seront les mêmes, le territoire sera identique, ainsi que le fonctionnement de l’administration.
Ce projet de loi me laisse une impression de déjà-vu : il présente un air de famille avec celui que j’ai défendu et en partie rédigé en 2003, lorsque le gouvernement de l’époque – le ministre de l’intérieur s’appelait alors Nicolas Sarkozy – a proposé un texte qui créait une collectivité unique par fusion des départements. Rejeté, à quelques milliers de voix, à l’issue d’un référendum consultatif, ce texte a été provisoirement rangé dans les tiroirs. Son dispositif est réapparu à l’occasion de la loi NOTRe.
Le présent projet de loi consiste donc à clore le processus engagé en 1981, lorsque l’on a commencé à transférer de façon massive les compétences des départements à la région Corse, mouvement poursuivi lors de la création de la collectivité de Corse, puis, en 2002, au travers de la loi Jospin. Aujourd'hui, il ne reste plus grand-chose des compétences départementales classiques pour les départements corses, qui dérogent véritablement au droit commun.
Lors de l’examen en première lecture, voilà quinze jours, notre commission des lois a décidé de garder le texte du Gouvernement tel quel, excepté quatre modifications de pure forme, auxquelles il faut ajouter l’amendement de la commission des finances, qui n’a pas du tout remis en cause l’essentiel du dispositif. Or, malgré la faveur dont il bénéficiait de la part des deux commissions, le texte, par les miracles du scrutin public sénatorial, a été rejeté au Sénat. Je le regrette. Au reste, j’ai toujours été défavorable au scrutin public : je préférerais que, comme dans tout régime démocratique qui se respecte, ce soient les présents, plutôt que les absents, qui votent les textes.
Les députés ont voté le projet de loi en première lecture. En commission mixte paritaire, les membres des deux assemblées ont constaté leur désaccord et estimé qu’il ne valait pas la peine de poursuivre inutilement les débats.
Ce matin, la commission des lois du Sénat a voté le texte à l’unanimité, tous groupes confondus. (MM. Jean Desessard et Philippe Kaltenbach expriment leur satisfaction.) J’espère que notre assemblée suivra, cette fois, les conclusions de sa commission des lois de manière unanime ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. Joseph Castelli et Philippe Kaltenbach applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le Gouvernement nous demande aujourd'hui, par votre voix convaincue, monsieur le ministre, de ratifier trois ordonnances relatives à la création de la collectivité territoriale unique de Corse. Comme cela a été rappelé, le Gouvernement avait été habilité à prendre ces ordonnances par l’article 30 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Comme nos collègues députés, comme notre rapporteur et comme l’ensemble des groupes parlementaires, je constate que le Gouvernement a parfaitement respecté l’objet et les délais fixés par les ordonnances. Ces dernières respectent trois principes : assurer la neutralité budgétaire, comptable et financière de la réforme, pour permettre à la nouvelle collectivité de fonctionner au 1er janvier 2018 ; maintenir les conditions d’emploi et de statut du personnel ; assurer la continuité de l’action publique dans de bonnes conditions après le 1er janvier 2018.
En fusionnant les deux conseils départementaux avec le conseil régional, ces trois ordonnances viennent parachever un processus entamé depuis près de vingt ans par le « processus de Matignon », engagé par le gouvernement de Lionel Jospin. En effet, la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse était restée au milieu du gué. En 2003, la fusion des collectivités avait été rejetée par les citoyens et citoyennes corses dans le cadre d’un référendum consultatif à l’issue particulièrement serrée, puisque le non avait remporté 51 % des voix, contre 49 % pour le oui, soit 2 000 voix d’avance.
Sept ans plus tard, l’Assemblée de Corse relançait les travaux préparatoires à une fusion des trois collectivités. Ces travaux ont débouché sur la délibération, inscrite dans le cadre de la loi NOTRe, qu’elle a adoptée le 12 décembre 2014. Des mois de concertation ont suivi avec les autorités et les élus corses, portant notamment sur les projets d’ordonnances, qui ont été avalisés par une nouvelle délibération de l’Assemblée de Corse le 7 septembre 2016.
C’est donc un processus de longue haleine, émanant des représentants de l’île et associant le Gouvernement et le Parlement, que l’on nous propose de parachever aujourd’hui. Le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons après l’échec de la commission mixte paritaire. Cet échec était prévisible, puisque le Sénat avait rejeté le projet de loi le 26 janvier dernier et que l’Assemblée nationale l’avait adopté le 9 février. Les positions étant pour le moins antagonistes, la CMP a logiquement rejeté le texte.
Nous voici donc réunis pour l’examen du projet de loi en nouvelle lecture. Je partage le même optimisme que M. le ministre : j’espère que les opposants du 26 janvier auront changé d’avis. Nous allons profiter du présent débat pour finir de les convaincre.
Je rappelle que le texte achève un processus de simplification des structures, tout en garantissant les spécificités corses. Il répond à une délibération de l’Assemblée de Corse prise en décembre 2014, qui appelait à la création de la collectivité unique. Cette réforme est donc bien le fruit d’une concertation et d’une coécriture transpartisane. Elle est largement consensuelle sur l’île, puisque 80 % des élus corses, de gauche comme de droite, l’ont approuvée. D’ailleurs, je rappelle que les élus corses ont demandé à ce que l’on n’organise pas de consultation des électeurs corses : ils souhaitent que ce soit le Parlement qui mette en place la collectivité unique de Corse. Cela permet de répondre à l’argument des opposants, qui estiment qu’il est nécessaire d’organiser un référendum en Corse.
En créant la collectivité unique, nous allons permettre à la Corse une évolution historique. En effet, cette nouvelle collectivité, dont on parle depuis maintenant plus de dix ans, va remplacer la région Corse et les deux départements corses. C’est en définitive l’aboutissement d’un très long processus, engagé par les statuts Defferre, en 1982, Joxe, en 1991, et Vaillant, en 2002. Chaque fois, il s’agissait de trouver une organisation qui réponde aux spécificités de la Corse, à la fois parce que la Corse est une île, mais aussi parce qu’elle a une identité culturelle extrêmement forte.
La fusion des différents échelons territoriaux s’inscrit pleinement dans le mouvement de décentralisation et de rationalisation de l’action publique, avec pour objectif de rapprocher la décision prise par les élus des populations locales. L’objectif est bien sûr économique – obtenir les meilleurs coûts –, mais il s’agit également de garantir une gouvernance plus solidaire et plus cohérente et de répondre efficacement aux attentes des habitants et aux déséquilibres des territoires. La collectivité unique a bien pour ambition de proposer une meilleure coordination des politiques publiques locales.
Comme d’autres, j’ai été très surpris, le 26 janvier dernier, de la position des groupes de la majorité sénatoriale. Étant donné que nous étions complètement d’accord, en 2015, lors des débats sur la loi NOTRe, le revirement d’une partie des membres de l’hémicycle m’a étonné.
M. Jean-Pierre Sueur. Il était incompréhensible !
M. Philippe Kaltenbach. La cohérence habituelle de la majorité sénatoriale a été prise en défaut… En effet, je veux rappeler que notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, qui était corapporteur de la loi NOTRe au Sénat, avait déclaré ici même : « Le Sénat ne peut qu’être favorable à la fusion de deux départements avec une région pour en faire une collectivité unique. »
Il est vrai que la Corse est aujourd'hui suradministrée, avec plus de 300 communes, deux départements et une région, pour à peine 300 000 habitants. Et je ne compte pas les divers syndicats et les nombreuses agences qui viennent ajouter à la complexité de l’architecture territoriale !
Je veux rappeler que toutes les évolutions statutaires en Corse sont nées d’une volonté des différents gouvernements de répondre à la violence politique qui a trop longtemps sévi sur l’île, avec les mouvements indépendantistes et autonomistes. Elles ont permis de réintégrer progressivement dans le débat démocratique et dans les élections ces groupes, qui utilisaient la violence, et d’apaiser les choses, ce qui n’est tout de même pas anodin.
M. Philippe Kaltenbach. Je crois qu’il faut poursuivre ces évolutions et les faire aboutir. C’est aussi le meilleur moyen de permettre la paix sur l’île.
J’ai bien entendu les arguments avancés par ceux qui s’opposent à cette évolution statutaire. Je comprends que le parti communiste reste sur une position très jacobine, mais je crois que nous devons pouvoir faire évoluer nos organisations territoriales en fonction des réalités locales. L’attachement à l’unité de l’État et à notre République ne doit pas nous empêcher de prévoir des organisations territoriales spécifiques. C’est vrai pour les territoires ultramarins, pour la Corse, comme, par exemple, pour la métropole de Lyon.
Surtout, les groupes de la majorité sénatoriale usent d’arguments très politiciens. Il semble qu’ils aient fait évoluer leur position sur le conseil des élus corses de leur sensibilité, lesquels ont finalement un peu peur de perdre le département de Corse-du-Sud, qu’ils contrôlent aujourd'hui, sans avoir de perspective pour les élections à l’Assemblée territoriale de Corse qui se tiendront en décembre prochain. Il ne faudrait pas que ces considérations politiciennes nous empêchent d’aboutir sur ce dossier, alors que l’évolution, qui permettra à la Corse de mieux fonctionner, est attendue depuis plus de dix ans. Nous devons privilégier les intérêts de la Corse et des Corses, et non les intérêts de tel ou tel parti politique.
À cet égard, j’adhère pleinement aux analyses de notre rapporteur. Je suis très heureux, d'ailleurs, que, ce matin, la commission des lois ait voté ce texte à l’unanimité. Je crois que le Sénat enverrait un excellent message en ratifiant des ordonnances qui, après tout, ne sont que l’application d’un article voté très largement sur toutes les travées de cette assemblée et permettront une évolution statutaire attendue par nos concitoyens corses et par les élus locaux. Soyons raisonnables. Dépassons les intérêts partisans et les calculs boutiquiers !
In fine, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot, et je sais que le ministre a été suffisamment prévoyant pour que le texte soit adopté avant la fin de la session.
M. Philippe Kaltenbach. La collectivité unique sera donc bien créée au 1er janvier 2018 et les élections auront bien lieu à la fin de l’année 2017.
Quoi qu’il en soit, le Sénat s’honorerait à tenir les engagements qu’il a pris lors de l’examen de la loi NOTRe – nous avions alors voté l’article 30 à une très large majorité.
Le Sénat s’honorerait également à permettre l’aboutissement du processus de création d’une collectivité unique en Corse, laquelle simplifiera le paysage en Corse et pourra, en outre, servir d’exemple pour d’autres évolutions dans l’organisation des collectivités. Je pense notamment à l’Île-de-France, où l’on trouve des départements, des conseils de territoire, des communes, la région, la métropole… Prenons exemple sur ce qui se passe en Corse pour simplifier notre organisation territoriale !
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain votera évidemment en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes appelés à nous prononcer, en nouvelle lecture, sur le projet de loi portant ratification de trois ordonnances qui précisent les conditions de mise en place d’une collectivité territoriale unique en Corse.
Je serai bref, ayant eu l’occasion d’exprimer les raisons de notre rejet de ce texte le 26 janvier dernier.
Par son insularité, par son histoire, la Corse dispose de spécificités, qu’il nous faut évidemment prendre en compte.
Loin des images caricaturales que certains distillent, cette région est très loin d’être favorisée. Le revenu par habitant y est le plus faible du pays, et un Corse sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
La question du coût de la vie est caractéristique des inégalités qui minent la Corse. Alors que l’on continue à consentir toujours plus de dérogations au grand patronat, avec, par exemple, 194 millions d’euros de réfaction de TVA accordée aux leaders de la distribution sur l’île, les produits alimentaires y sont 9 % plus chers que sur le continent.
La Corse a subi, au cours des dernières décennies, un sous-investissement chronique. Le sous-investissement global a conduit à la situation actuelle de quasi-monopole du tourisme, entraînant une précarisation des emplois – les saisonniers sont rémunérés 15 % de moins que la moyenne.
Le sous-investissement économique, au lieu de développer la filière maritime, a conduit l’État à liquider progressivement la SNCM, fleuron de l’économie corse.
Le sous-investissement est aussi énergétique, avec 87 % de la consommation totale d’énergie issue d’approvisionnements extérieurs et un tiers de l’électricité dépendant des importations italiennes.
Enfin, et c’est plus grave, le sous-investissement est numérique : seuls 23 % des foyers ont aujourd'hui accès à l’internet à très haut débit en Corse, contre 50 % dans le reste de l’Hexagone.
Pourtant, mes chers collègues, en trente ans, la Corse aura connu quatre modifications institutionnelles. Mais jamais les vraies questions, les questions de justice sociale, les questions de développement économique, n’auront été au cœur des réformes. En fait, on constate, chaque fois, que les inégalités ne cessent de se creuser. Il est donc particulièrement regrettable qu’elles ne soient toujours pas prises en compte – bien au contraire !
Avec la disparition de l’échelon départemental, dont on connaît le rôle primordial en matière de solidarité sociale, le risque est grand de voir les écarts de richesses se creuser un peu plus encore et les personnes âgées, les personnes handicapées, les enfants en danger toujours plus fragilisés.
L’effacement des structures de proximité que cette réforme opère, au profit d’une concentration des pouvoirs entre les mains de quelques élus, est évidemment très préoccupant. En tout cas, ce n’est pas le signe d’une bonne santé démocratique ! Le danger d’un développement de l’affairisme, déjà malheureusement bien présent sur l’île, sera renforcé par ce recul du contrôle citoyen sur les élus.
Nous n’acceptons pas ce glissement vers le modèle de l’Europe des régions, au détriment des nations. Cette mise en concurrence des territoires et des populations, poussée, on le sait, par les tenants de l’Europe fédérale, affaiblira la Corse et appauvrira ses habitants, qui, comme l’ont été les Grecs, seront dévorés par les directives bruxelloises.
En fait, seuls les affairistes, les sgio, oligarques confisquant les richesses de ceux qui, en Corse, travaillent dur, peuvent se réjouir d’un tel changement.
Et ce n’est pas sans surprise que nous avons vu certains élus, jusque-là attachés au maintien de la Corse dans la République, céder aux sirènes des indépendantistes et des discours populistes.
Enfin, je veux rappeler qu’un changement aussi profond de l’organisation territoriale de la Corse ne peut pas se décider dans le dos de la population. Une ratification par référendum après la tenue d’un grand débat public s’impose. En refusant obstinément cette consultation, monsieur le ministre, vous exprimez une marque de défiance à l’égard des Corses, qui ne seraient pas jugés capables de donner leur avis sur leur avenir.
Pour notre part, nous faisons pleinement confiance aux habitants et aux travailleurs de l’île et à leur capacité d’analyse.
Ce dont ont besoin les Corses, c’est bien d’un renforcement de la solidarité républicaine, d’un nouveau plan de développement, alliant à la fois modernité, progrès social et réussites économiques, et non d’une énième réforme des institutions.
Monsieur le ministre, il faut avoir le courage de la transparence ! Ce n’est pas en catimini, dans un hémicycle quasi désert, en fin de session parlementaire, qu’une telle décision peut être prise. Ouvrons largement le débat avec la population. Sortons des petits arrangements entre amis, sans avoir peur de la démocratie !
Pour l’heure, le groupe communiste confirmera son rejet de ces trois ordonnances.
Mme la présidente. La parole est à M. Joseph Castelli.
M. Joseph Castelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire ayant, hélas ! échoué, comme nous pouvions nous y attendre, nous voici réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la Corse.
Mes chers collègues, il est nécessaire que ces ordonnances soient adoptées définitivement avant l’interruption des travaux parlementaires, pour permettre à la collectivité unique de Corse d’être installée rapidement, et ce dans les meilleures conditions.
Le 12 décembre 2014, le principe d’une collectivité unique a été acté de manière républicaine et transparente par une très large majorité des élus de la Corse. Droite, gauche et nationalistes ont approuvé à 80 % la création de cette collectivité.
Je tiens à rappeler que la création d’une collectivité unique a été sollicitée dès 2013 et 2014, à travers deux délibérations de l’Assemblée de Corse.
Je rappelle également que le groupe du RDSE avait voté l’amendement relatif à la collectivité unique de Corse lors de l’examen de la loi NOTRe. C’est sur cette base que les ordonnances, qui doivent accompagner la mise en œuvre de la collectivité unique au 1er janvier 2018, ont été préparées.
Très concrètement, il reste peu de temps pour construire un processus permettant à la future collectivité d’être opérationnelle au 1er janvier 2018. Les ordonnances permettent déjà d’avancer sur le plan de l’organisation administrative.
La déspécialisation, intégrée par le Gouvernement par voie d’amendement, du reliquat de l’enveloppe de la dotation de continuité territoriale, normalement dévolue aux ports, aux aéroports et aux routes, permettra de dégager des marges de manœuvre pour améliorer la mobilité sur notre territoire, afin de lutter contre la désertification des territoires de l’intérieur et de montagne.
Mes chers collègues, rien n’est figé. Une fois ces ordonnances ratifiées, le débat pourra être rouvert via une loi spécifique à la Corse. À cette occasion, nous pourrons notamment prévoir de construire une articulation spécifique entre les intercommunalités et la collectivité unique. Rien ne nous empêchera de corriger le tir et d’améliorer les procédures mises en place.
La mise en place de la collectivité unique n’est désormais plus un sujet de débat. Elle est en passe de devenir une réalité et doit s’inscrire dans la durée. Aussi les ordonnances sont-elles une étape nécessaire dans la construction progressive d’un équilibre institutionnel et territorial qui permettra de relever de multiples défis pour les Corses et pour la Corse. C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE votera unanimement ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez déjà ma position, puisque je me suis exprimé sur le présent projet de loi le 26 janvier dernier. Je serai donc bref.
Nous arrivons, avec cette nouvelle lecture, au terme du processus d’examen de ce texte par le Sénat, un point de convergence n’ayant pas pu être trouvé lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Les trois ordonnances dont il est question, lesquelles ont été prises sur le fondement de l’article 30 de la loi NOTRe et visent à la création de la nouvelle collectivité de Corse au 1er janvier 2018, ne nous conviennent pas. En tenant ce propos, je ne remets pas en cause le principe de la création d’une collectivité unique, sur lequel nous étions tous d’accord. Toutefois, nous déplorons que ces ordonnances additionnent les compétences, les financements et les administrations, sans proposer un nouvel équilibre territorial. Le centralisme, au profit de la nouvelle collectivité et de ses représentants politiques, est réel.
Ces ordonnances, qui découlent donc de la loi NOTRe, ne règlent pas les problèmes institutionnels, administratifs et financiers de la Corse.
Monsieur le ministre, je regrette que notre proposition d’une loi spécifique pour la Corse, aboutissant à une démarche globale – nous avons formulé cette proposition à plusieurs reprises, avec certains de nos collègues députés –, n’ait pas été retenue.
Force est de constater aujourd’hui que ces ordonnances contraintes et étriquées ne nous permettent pas d’apporter les modifications nécessaires tant attendues en matière institutionnelle, électorale, financière et fiscale.
Monsieur le ministre, vous qui êtes un homme de terrain et de bon sens, vous savez que l’installation, à Bastia, de la fameuse chambre des territoires, qui a fait l’objet de négociations, ne représente rien, puisque cette chambre ne possède ni pouvoirs ni représentativité.
Vous ne serez par conséquent pas surpris que je reste sur la position que j’ai exprimée le 26 janvier dernier.
Cependant, je veux brièvement aborder un point que je n’avais pas évoqué alors, à savoir l’amendement relatif à la répartition du reliquat de l’enveloppe de la dotation de continuité territoriale qui a été introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement.
Dans un courrier que vous nous avez adressé au mois de novembre dernier, vous nous avez fait part de votre intention de mettre en place une désaffectation partielle de ce reliquat. Nous vous en avons tous su gré ! Étendre le reliquat d’une enveloppe destinée aux transports aux infrastructures routières et ferroviaires, au-delà des seules infrastructures portuaires et aéroportuaires, était on ne peut plus logique. En revanche, j’ai du mal à comprendre pour quelle raison le bénéfice du reliquat a été élargi, par voie d’amendement, aux politiques publiques menées en faveur des territoires de montagne et de l’intérieur de l’île.
Une étude consacrée à la remise à niveau de nos infrastructures portuaires et aéroportuaires a montré qu’il faudrait réaliser des travaux d’un montant supérieur à 200 millions d’euros. Quoi de plus logique que d’utiliser le reliquat au profit de ces infrastructures, voire des routes, si les crédits ne sont pas épuisés ?
Mais on ne pourra pas tout faire ! Et ce d’autant plus que ce reliquat est très volatil : nous réalisons des économies grâce à la baisse des prix du pétrole, mais, si le cours du baril remonte, nous aurons beaucoup moins d’argent à dépenser. J’aimerais que vous me répondiez sur ce point.
Pour conclure, monsieur le ministre, sachez que je ne partage pas l’optimisme de certains de mes collègues députés : contrairement à eux, je pense que la Corse va vivre non pas une avancée historique, mais bel et bien un recul historique. Je suis profondément convaincu que cette réforme ne correspond pas à ce que souhaitent les Corses.
Comme vous l’avez souligné, les Corses sont des gens déterminés – je suis l’un de ceux-là. Après les échéances de la présidentielle et des législatives, quelle que soit la majorité présidentielle, vous me verrez, avec mes collègues du Sénat et de l’Assemblée nationale, continuer de défendre l’élaboration et l’adoption d’une loi spécifique à la Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je veux tout d’abord remercier le rapporteur de son engagement, de la qualité de ses propos et d’avoir souligné qu’il s’agit – sans y mettre trop d’emphase – d’un moment historique : fusionner trois collectivités, même en Corse, est tout sauf banal. Je crois d’ailleurs que cela n’est jamais arrivé auparavant et que le qualificatif « historique », stricto sensu, n’est pas usurpé.
Je remercie donc le rapporteur de son implication sur un sujet qu’il connaît ô combien parfaitement dans la mesure où il y travaille depuis une quinzaine d’années au travers de ses différentes responsabilités et de ses grandes compétences juridiques.
Monsieur Desessard, je vous remercie du soutien de votre groupe et de vos propos. Vous avez eu raison de rappeler quels étaient les objectifs de ces ordonnances et de dire un certain nombre de vérités. Vous connaissant personnellement et connaissant les convictions et les valeurs de votre groupe, je ne suis pas surpris que vous souteniez ce texte qui se traduit par davantage de pouvoir local, davantage de décentralisation et une meilleure rationalisation de l’exercice du pouvoir en Corse.
Merci également à M. Kaltenbach d’avoir rappelé que nous avions un devoir de crédibilité auprès de l’opinion publique. Je dis « nous » à dessein, car je n’oublie pas avoir souvent été du côté du législateur, à l’Assemblée nationale ou, pendant plus longtemps encore, dans cet hémicycle. Pour ne pas perdre cette crédibilité, nous devons faire preuve de cohérence. Comment les Français qui nous regardent, même au-delà de la Corse, pourraient-ils comprendre que des parlementaires, que des groupes politiques, soutiennent aujourd’hui une position inverse de celle qu’ils défendaient à un autre moment ?
Cette question de cohérence m’amène à m’adresser à M. Favier, que je remercie de ses propos. Monsieur le sénateur, vos convictions sont fortes. Toutefois, cette position n’est pas exactement la position initiale du groupe communiste républicain et citoyen, qui était favorable à ce texte et qui y est aujourd’hui hostile au prétexte qu’un référendum serait nécessaire… Pourquoi pas ? Permettez-moi cependant de vous rappeler qu’il y en a déjà eu un en 2003, dont nous connaissons le résultat. La Corse et la France ont changé en quinze ans, à l’instar de la mentalité et des exigences des populations.
Comme je l’ai auparavant affirmé dans cette enceinte même, je suis un ardent partisan de la démocratie représentative. Je me méfie de l’autre démocratie, car un référendum ne permet quasiment jamais d’obtenir la réponse à la question posée.
Je me souviens bien de ce référendum de 2003 dans lequel mes amis radicaux corses se sont ô combien impliqués – ils ne furent d’ailleurs pas pour rien dans le résultat négatif de cette consultation. Je ne garde pas un très bon souvenir des débats que nous avons eus à l’époque… Le référendum est une arme à toujours manier avec précaution, même si la démocratie participative est aujourd’hui à la mode, ce qui ne m’empêchera pas d’affirmer mes convictions.
Monsieur Castelli, vous qui êtes corse et qui représentez la Corse dans cet hémicycle, vous avez raison de rappeler que la décision de réunir les trois collectivités en une a été prise de manière républicaine et transparente.
J’ajouterai que c’est la majorité précédente de l’Assemblée de Corse qui a sollicité la création de cette collectivité unique et qu’il ne s’agissait donc pas, comme je l’entends parfois dire ou suggérer, de faire plaisir à la majorité nationaliste actuelle. Cette dernière ne dirigeait pas l’Assemblée de Corse lorsque nous avons répondu favorablement à cette sollicitation.
La moindre des choses, sur le territoire de la République, est de respecter les engagements pris, quelle que soit la majorité en place. Vous avez justement rappelé, monsieur le sénateur, qu’il s’agit d’une décision très importante pour la Corse. Dans une île de 300 000 habitants, il faut pouvoir, dans un souci d’efficacité, s’appuyer sur un pouvoir régional fort, c’est-à-dire sur une collectivité unique, la collectivité de Corse.
Monsieur Panunzi, l’excellence de nos relations m’oblige à répondre à l’ensemble de vos questions.
Je sais que vous ne remettez pas en cause le principe de la collectivité unique. Mais il est trop facile, comme je l’ai indiqué hier à M. de Rocca Serra à l’Assemblée nationale, de dire : « Je suis d’accord, mais pas comme ça. Il faudrait faire autrement. »
Je sais bien que nous employons tous cet argument, un jour ou l’autre, quand nous sommes dans l’opposition, mais « autrement » ressortit toujours au domaine du rêve. Vient un moment où il faut trancher.
Dès lors, monsieur le sénateur, si vous êtes d’accord avec le principe d’une collectivité unique, voilà une excellente occasion non seulement de voter vous-même en faveur de ce texte, mais aussi d’y inciter vos amis du groupe Les Républicains sur lesquels vous avez une grande influence en la matière.
Vous avez également affirmé que la création de cette collectivité unique se faisait au profit des dirigeants politiques actuels. Non, cette création ne se fait au profit de personne, sinon des Corses et de la Corse !
Les dirigeants dont vous parlez ont été élus démocratiquement et sont aujourd’hui aux manettes, comme d’autres l’étaient hier. Il en ira peut-être autrement demain, c’est le jeu démocratique…
Je ne suis pas hostile à une loi spécifique à la Corse. Toutefois, dans le temps qui m’était imparti, il m’était impossible de préparer et de faire voter un tel texte, alors même que certaines propositions des élus corses de tous bords exigeraient une révision constitutionnelle. Ce n’est pas en fin de quinquennat que l’on peut se lancer dans une pareille aventure.
Si la majorité future, quelle qu’elle soit, considère qu’il faut aller encore plus loin en adoptant une loi spécifique pour la Corse, je n’y verrai que des avantages. Mais chaque chose en son temps : la politique est l’art du possible, autrement on ne fait que vendre du rêve…
Peut-être fallait-il une chambre des territoires dotée de pouvoirs plus larges. Je rappelle cependant que cette instance ne figurait pas dans la première version du texte. À vos côtés, aux côtés des dirigeants de la collectivité de Corse, aux côtés des parlementaires corses, j’ai œuvré pour la création de cette chambre qui permettra d’équilibrer le pouvoir entre Ajaccio et Bastia et qui sera d’une très grande utilité. Je connais bien les élus corses : ils se saisissent à pleine main des pouvoirs qu’on leur permet d’exercer et ils le font de la meilleure des manières.
Je m’étais engagé à ouvrir l’affectation de la dotation de continuité territoriale aux territoires de l’intérieur et de montagne de l’île, et j’ai l’habitude – tout comme les Corses – de tenir mes promesses. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement que vous avez évoqué.
Lors des premières discussions, la Corse n’avait pas encore le statut d’« île montagne » et il n’était pas acquis que l’excédent de dotation de continuité territoriale resterait à la Corse.
Nous en avons débattu au sein du Gouvernement : certains voulaient remettre cet excédent de 30 millions d’euros par an dans le pot commun. J’ai œuvré, avec d’autres, pour que cet excédent soit laissé à la disposition des Corses pour la Corse.
Après les ports, les aéroports et les routes, on m’a demandé de consacrer aussi une partie de cet excédent au financement de politiques en faveur des territoires de l’intérieur et de montagne. Vous connaissez la Corse mieux que moi et vous savez les difficultés des massifs corses. Il m’a paru légitime que ce reliquat puisse être employé à financer ces politiques, raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.
Au final, cette répartition ne change rien à l’enveloppe globale de 30 millions d’euros. Je n’avais donc aucune raison de m’opposer à cette demande des élus corses. Cet argent leur appartient. Je suis Girondin et je considère que la décentralisation doit toujours être améliorée, et même amplifiée.
Vous avez raison, monsieur Panunzi, il est nécessaire d’agir pour les ports, les aéroports et les routes, y compris les routes de montagne. Comme vous le savez, le comité de massif de Corse était en sommeil ; il a été remis en activité et j’ai répondu favorablement à sa demande.
Je pense avoir, mesdames, messieurs les sénateurs, répondu en toute sérénité et transparence, aux questions qui m’ont été posées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en corse
Article 1er
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse est ratifiée.
II. – Le I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 précitée est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du d du 1°, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
2° À la fin du vingt-septième alinéa du 3°, les références : « 19°, 20° et 21° » sont remplacées par les références : « 18° à 20° du présent article ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse est ratifiée.
II. – L’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du IV de l’article 12, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « dixième » ;
2° Au vingt-troisième alinéa de l’article 14, la référence : « L. 1424-24-79 » est remplacée par la référence : « L. 1424-79 » ;
3° Au second alinéa de l’article 22, les deux occurrences du mot : « à » sont remplacées par le mot : « de ». – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse est ratifiée. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « ou à des opérations d’investissement s’inscrivant dans le cadre d’un projet global de développement du territoire de la Corse, notamment au titre des politiques publiques menées en faveur des territoires de l’intérieur et de montagne ». – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Sueur. Un scrutin public ? Mais, dès lors que l’assemblée a voté en faveur de chacun des articles du texte, on comprendrait mal que le projet de loi ne fût pas adopté !
Mme la présidente. Vous avez raison, monsieur Sueur. Pour autant, le Sénat doit se prononcer sur l’ensemble du texte.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Je comprends que les positions puissent évoluer au fil du temps, mais nous venons d’adopter les quatre articles de ce texte : comment pourrions-nous revenir sur ce vote en rejetant le projet de loi ? Ce serait complètement incohérent !
M. Jean-Jacques Panunzi. Nous ne revenons pas sur nos votes !
M. Philippe Kaltenbach. J’invite le groupe Les Républicains, qui est sérieux et cohérent, à faire justement preuve d’un minimum cohérence ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains – M. Jean Desessard marque son approbation.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Kaltenbach, vous savez pertinemment qu’un scrutin public nous permet de nous démarquer les uns des autres par notre vote. Ce n’est pas une question de cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. À titre personnel, et alors que je vais quitter le Sénat au mois de septembre prochain, je veux lancer un message dont je souhaite que la teneur figure au compte rendu intégral des débats, afin que le président du Conseil constitutionnel puisse en prendre connaissance.
Le scrutin public, tel qu’il existe au Sénat, permet de faire voter des personnes qui ne sont pas présentes, ce qui est contraire à la Constitution. Ses modalités ne sont pas mentionnées dans le règlement du Sénat pour des raisons purement tactiques : comme le Conseil constitutionnel ne peut censurer que ce qui est écrit, il n’a pu, jusqu’à présent, sanctionner ces modalités.
Je veux, encore une fois, dire publiquement que le scrutin public, tel qu’il est appliqué au Sénat, permet de faire voter les absents et d’aller contre la volonté exprimée par les présents, en violation de la Constitution, aux termes de laquelle le vote est personnel ! Je demande que le Conseil constitutionnel se saisisse de cette anomalie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. Tout le monde en use…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J’approuve les propos de M. Kaltenbach et de M. Portelli.
Il est écrit dans la Constitution que tout parlementaire ne peut détenir qu’un seul mandat en plus du sien. Surpris par la vivacité de M. Portelli, je n’ai pas eu le temps de rechercher précisément de quel article de la Constitution il s’agit,…
M. Hugues Portelli. L’article 27 !
M. Jean Desessard. … mais, si la discussion se prolongeait, je vous le communiquerais !
Quoi qu’il en soit, cela signifie qu’un parlementaire peut voter pour l’un de ses collègues. Cela ne changerait pas nécessairement le sens du vote, mais, en tout cas, les sénateurs absents ne pourraient pas voter aujourd'hui. Compte tenu de nos discussions, qui sont intéressantes, les absents auraient d’ailleurs peut-être changé d’opinion… Après tout, c’est la raison d’être de notre débat !
S’il n’y avait aucun débat et qu’il suffisait à chaque groupe politique de déposer l’ensemble de ses bulletins de vote dans l’urne, ce ne serait plus la peine de siéger : en une demi-journée de séance, on ferait l’équivalent d’une semaine de travail !
Pour moi, ce sont les parlementaires qui participent aux débats qui devraient pouvoir voter. Ils ne pourraient détenir qu’une seule délégation de vote pour un collègue ne pouvant pas être présent dans l’hémicycle.
J’approuve donc totalement les propos qu’a tenus M. Portelli au sujet des scrutins publics !
Madame la présidente, je tiens à rappeler que ce n’est pas la première fois que j’interviens sur ce sujet. En 2004 déjà, lorsque je suis devenu sénateur, j’en avais parlé… Il serait temps d’agir !
De son côté, l’Assemblée nationale s’est déjà engagée sur ce chemin : autrefois, les députés votaient pour dix ou quinze de leurs collègues. Aujourd'hui, cela a changé, raison pour laquelle, d’ailleurs, les députés sont souvent plus nombreux que les sénateurs en séance… (M. François Pillet proteste.)
M. Gérard Cornu. Oh !
M. Jean Desessard. Si, mon cher collègue, ils sont plus nombreux que nous ! Certes, peut-être pas à quatre heures du matin, heure à laquelle les sénateurs, plus vaillants, sont dix, alors que les députés ne sont que neuf. (Sourires.)
De fait, les députés sont beaucoup plus présents à l’Assemblée nationale, car ils respectent la Constitution et ne peuvent donc détenir qu’un seul mandat en plus du leur ! Il faudrait donc revenir au Sénat à l’application stricte de la Constitution ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. Philippe Dominati. Revenons au sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous voulez des lois spécifiques à la Corse, mais nous avons surtout des débats spécifiques, d’une grande originalité, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne doivent pas toujours paraître cohérents à celles et ceux qui nous observent ici ou ailleurs – ils ne doivent pas toujours en saisir le fil conducteur !
Je ne voulais pas revenir sur ce point, mais, compte tenu des circonstances, je vais le faire : lors de la première lecture au Sénat, le 26 janvier dernier, le groupe centriste, par la voix de son orateur, a déclaré qu’il était favorable au présent texte, puis il a disparu comme par enchantement au moment du vote ; il n’y a donc pas participé ! Aujourd’hui, je constate que les sénateurs du groupe centriste ne sont toujours pas réapparus.
Accordez-le-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, un groupe sénatorial entier qui disparaît pendant presque un mois, c’est historique ! C’est même du jamais vu dans le cadre du fonctionnement d’une assemblée parlementaire !
Les centristes sont absents et n’ont pas d’opinion sur la Corse. En tout cas, s’ils en ont exprimé une, ils ont manifestement changé d’avis en cours de séance et sont aux abonnés absents depuis !
En ce qui vous concerne, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, j’ai bien observé vos votes à main levée : vous avez voté différemment les uns des autres, et de manière distincte selon les articles. Vous avez voté les deux premiers articles du texte, mais pas les deux suivants.
M. Philippe Dominati. Pas l’article 2 !
M. Jean-Jacques Panunzi. Nous n’avons pas voté l’article 2 !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’article 1er concerne la ratification de l’ordonnance financière. Ce n’est pas la moindre des choses ! Vous l’avez voté, vous y êtes donc favorables.
L’article 2 traite de la ratification de l’ordonnance institutionnelle, celle qui instaure la collectivité unique de Corse. Vous l’avez également voté, vous y êtes donc également favorables.
M. Jean-Jacques Panunzi et M. Philippe Dominati. Non, c’est faux !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Messieurs les sénateurs, vous pourrez prendre la parole si vous le souhaitez, mais laissez-moi aller au bout de mon raisonnement ! Perdons cette mauvaise habitude de nous interrompre les uns les autres ! Je me flattais à l’instant de la qualité de nos débats et du respect qui s’était instauré entre nous. Continuons dans cette bonne voie !
Cela étant, je vous l’accorde, certains d’entre vous n’ont pas voté l’article 3, comme vous, messieurs Panunzi et Dominati. Cet article 3 concerne la ratification de l’ordonnance électorale.
Enfin, tout naturellement, vous avez voté contre l’article 4, qui prévoit l’élargissement de l’affectation du reliquat de la dotation de continuité territoriale aux territoires de montagne.
Quoi qu’il en soit, vous avez voté les deux articles essentiels. Et, au-delà de vos cas personnels, le Sénat a adopté l’ensemble des articles du projet de loi à main levée ! Le vote a été un peu différent selon les articles, mais la Haute Assemblée a bel et bien adopté les quatre articles du texte !
Et maintenant, au moment du vote final, le Sénat rejetterait le projet de loi, alors qu’il en a adopté l’ensemble des articles ?...
M. Philippe Kaltenbach. Ce serait surréaliste !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Comment voulez-vous que les Français s’y retrouvent avec de tels comportements, avec de tels votes ? Il faut faire preuve de rigueur, de cohérence et, peut-être aussi, de vigilance, quand on vote !
Dès lors que vous avez adopté l’ensemble des articles du projet de loi, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : voter en faveur de ce texte ! C’est ce que j’appelais de mes vœux tout à l’heure. Cela prouverait que ce projet de loi est un bon texte, comme vos différents votes l’ont démontré précédemment. Encore un petit effort, votez ce texte et vous aurez fait œuvre utile pour la cohérence du débat parlementaire, de vos prises de position, et pour la Corse elle-même ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je rappelle que, sur l’ensemble du projet de loi, j’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Pour l’adoption | 145 |
Contre | 160 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas glorieux !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier.
Il s’agit d’un scrutin serré, qui reflète une grande confusion…
M. Jean-Pierre Sueur. Chez les sénateurs du groupe Les Républicains !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … chez les adversaires de la collectivité de Corse, ce qui prouve, en définitive, qu’ils ne sont pas très sûrs d’eux. Sinon, ils auraient été autrement plus cohérents dans leur action, plus clairs dans leurs décisions, et dans leurs votes surtout. Hélas, trois fois hélas !
Je suis devenu parlementaire – j’ose à peine le dire – en 1978. J’ai donc une longue vie parlementaire puis gouvernementale derrière moi. (Sourires.) Je le dis avec beaucoup de tranquillité : c’est la première fois que je vois une assemblée adopter l’ensemble des articles d’un texte avant de rejeter celui-ci. Il aura fallu que cela se produise au sujet de la Corse, et je le regrette !
Cela étant, le projet de loi sera bien entendu adopté par l’Assemblée nationale mardi prochain. Simplement, le Sénat ne sort pas grandi d’une telle affaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, nous n’avons rien à y gagner !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Néanmoins, c’est ainsi, c’est la démocratie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces échanges toujours respectueux, comme je vous remercie d’avoir compris qu’il était nécessaire d’œuvrer pour la Corse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 février 2017 :
À neuf heures trente : vingt-six questions orales.
À quatorze heures trente :
Proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution.
Débat sur le thème « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi ».
À dix-sept heures quarante-cinq (salle Clemenceau) : débat sur le bilan de l’application des lois.
Le soir : débat sur le thème « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD