M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. À titre personnel, je ne suis pas du tout à l’aise avec cet amendement. En effet, Mayotte a récemment connu de longs mouvements sociaux, dont l’une des revendications était l’application immédiate du code du travail de droit commun. Finalement, les négociations avec les partenaires sociaux ont abouti à ce que cela soit le cas au 1er janvier 2018.
Si je comprends les motivations qui poussent le Gouvernement à fixer des exceptions à l’application du code du travail à cette date, par exemple pour la mise en place du conseil de prud’hommes, cette question précise n’a pas été débattue avec les partenaires sociaux et je crains qu’une telle entorse à un calendrier âprement – et récemment – négocié ne plaise pas dans l’île.
Il est vrai que nous ne serons certainement pas prêts pour la mise en place, dès le 1er janvier 2018, d’un conseil de prud’hommes de droit commun, mais cela n’a-t-il pas été le quotidien de la collectivité, soumise à un véritable choc institutionnel et à des changements profonds pendant plusieurs années ? Pourtant, les choses se sont faites, certes à marche forcée…
C’est pourquoi, à titre personnel et même si j’en comprends les motivations profondes, je ne voterai pas en faveur de cet amendement. Peut-être est-il encore possible, avant de prendre acte complètement de cette décision, d’en discuter avec les partenaires sociaux ? Pour la paix sociale, il me semblerait préférable de remettre les choses à l’endroit et de discuter avec eux avant d’adopter une telle mesure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Nous travaillons étroitement avec vous, monsieur le sénateur, sur nombre de sujets, parfois très délicats ; je n’ai donc pas besoin de vous rassurer. Par exemple, sur les questions liées à la fonction publique, les trois ministères concernés ont beaucoup discuté avec les partenaires sociaux, les collectivités et les élus, ce qui nous a permis d’avancer.
Le problème de Mayotte vient peut-être, en premier lieu, de l’impréparation de la départementalisation. En 2011 et dans les années suivantes, ce basculement s’est opéré à marche forcée, comme cela vient d’être dit. Or, quand on travaille ainsi sur tous les sujets, cela devient douloureux.
Nous ne nous inscrivons pas du tout dans une démarche de recul et nous ne remettons aucunement en cause les délais de mise en œuvre qui ont été arrêtés sur les autres sujets. Cependant, la procédure de création d’un conseil de prud’hommes n’est pas prête aujourd’hui et il me semble que nous pouvons – pour une fois – faire preuve d’anticipation et nous préparer au mieux. Je préférerais que nous ne soyons pas acculés par les difficultés en cas de précipitation à mettre en place cette instance.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 D.
Article 9 E
(Supprimé)
Article 9 FA (nouveau)
I. – Après l’article 28-8 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, il est inséré un article 28-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 28-8-1. – Chaque heure de travail effectuée par les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager ouvre droit à une déduction forfaitaire patronale des cotisations et contributions sociales d’origine légale et conventionnelle.
« Cette déduction n’est cumulable avec aucune exonération de cotisations sociales, ni avec l’application de taux ou d’assiettes spécifiques ou de montants forfaitaires de cotisations.
« Pour la période allant jusqu’au 1er janvier 2036, le montant de la déduction forfaitaire patronale prévue au premier alinéa est fixé en vue de déterminer un montant applicable à Mayotte dont l’évolution au cours de cette période correspond à celle du montant des contributions et cotisations sociales prévues au chapitre III du titre II. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Article 9 F
I. – La sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre V du livre VII du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ou de l’allocation journalière de présence parentale et personnes assumant la charge d’une personne handicapée ou dépendante » ;
2° À l’article L. 753-6, les mots : « dans les conditions prévues aux quatrième à huitième alinéas de l’article L. 381-1 » sont remplacés par les mots : « ou qui bénéficient de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ou de l’allocation journalière de présence parentale, dans les conditions prévues à l’article L. 381-1 ».
II. – (Non modifié) Le I est applicable à compter du 1er janvier 2017 pour les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale et à compter du 1er janvier 2018 pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant. – (Adopté.)
Article 9 G (nouveau)
I. – Le titre III de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant – Personnes qui ont la charge d’un enfant handicapé ou d’un handicapé adulte » ;
2° Au début de l’article 6, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les premier et deuxième alinéas de l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale sont applicables aux personnes bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant résidant à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les conditions prévues par ce même article L. 381-8. »
II. – Le I du présent article est applicable à compter du 1er janvier 2018. – (Adopté.)
Article 9
I. – (Non modifié) Le chapitre II du titre Ier de l’ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte est ainsi modifié :
1° Après le 1° de l’article 2, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le complément familial ; »
2° Au deuxième alinéa de l’article 7, l’année : « 2026 » est remplacée par l’année : « 2021 » et les mots : « départements d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » ;
3° Après le même article 7, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« Complément familial
« Art. 7-1. – Le complément familial est attribué au ménage ou à la personne dont les ressources n’excèdent pas un plafond variable selon le nombre d’enfants à charge et qui a un ou plusieurs enfants à charge, à la condition que chacun d’entre eux ait un âge supérieur à l’âge limite prévu au premier alinéa de l’article L. 531-1 du code de la sécurité sociale, qu’au moins l’un d’entre eux ait un âge inférieur à l’âge limite prévu à l’article 5 de la présente ordonnance et que le plus jeune des enfants n’ait pas atteint un âge déterminé par le décret mentionné à l’article 14.
« Le plafond de ressources est identique à celui retenu pour l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire.
« Art. 7-2. – Un montant majoré du complément familial est attribué au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond qui varie en fonction du nombre des enfants à charge et qui est inférieur à celui défini à l’article 7-1 de la présente ordonnance. Le niveau du plafond de ressources varie conformément à l’évolution du salaire horaire minimum prévu à l’article L. 141-2 du code du travail applicable à Mayotte.
« Art. 7-3. – Les taux respectifs du complément familial et du montant majoré du complément familial sont fixés par décret. » ;
4° La section 4 bis est ainsi modifiée :
a) Le deuxième alinéa de l’article 10-1 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un complément d’allocation est accordé pour l’enfant atteint d’un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l’aide d’une tierce personne. Son montant varie suivant l’importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l’aide nécessaire.
« L’allocation et son complément éventuel sont attribués au vu de la décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, qui apprécie si l’état de l’enfant justifie cette attribution.
« Lorsque la personne ayant la charge de l’enfant handicapé ne donne pas suite aux mesures préconisées par la commission, l’allocation peut être suspendue ou supprimée dans les mêmes conditions et après audition de cette personne sur sa demande.
« L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé n’est pas due lorsque l’enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l’assurance maladie, l’État ou l’aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge. » ;
b) Il est ajouté un article 10-2 ainsi rédigé :
« Art. 10-2. – Toute personne isolée bénéficiant de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et de son complément mentionnés à l’article 10-1 de la présente ordonnance ou de cette allocation et de la prestation mentionnée à l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles et assumant seule la charge d’un enfant handicapé dont l’état nécessite le recours à une tierce personne a droit à une majoration spécifique pour parent isolé d’enfant handicapé versée dans des conditions prévues par décret. »
II. – Le 3° du A du XIII de l’article L. 542-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° A Au début des deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas, il est ajouté le signe : « “ » ;
1° À la fin du troisième alinéa, les mots : « lorsque le handicap de l’enfant exige le recours à une tierce personne rémunérée ou contraint l’un des parents à réduire ou cesser son activité professionnelle ou à y renoncer ou entraîne des dépenses particulièrement coûteuses et lorsqu’ils sont exposés à des charges relevant de l’article L. 245-3 du présent code » sont remplacés par les mots : « dans des conditions fixées par décret, lorsque les conditions d’ouverture du droit au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé sont réunies et lorsqu’ils sont exposés, du fait du handicap de leur enfant, à des charges relevant de l’article L. 245-3 du présent code. Dans ce cas, le cumul s’effectue à l’exclusion du complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « dudit » est remplacé par les mots : « du même » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ces charges ne peuvent alors être prises en compte pour l’attribution du complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. »
III. – (Non modifié) Le I et II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2019.
M. le président. L’amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Remplacer l’année :
2019
par l’année :
2018
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement vise à anticiper, dès 2018, la mise en place dans le département de Mayotte du complément familial et du complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH – et à accélérer, dès l’an prochain également, l’alignement partiel des allocations familiales prévu sur la période 2019-2021.
Mis en œuvre par le présent projet de loi, le plan Mayotte 2025 prévoit d’accélérer le rythme d’alignement des allocations familiales pour un, deux et trois enfants, afin d’atteindre dès 2021 les montants prévus en 2026. Selon le 1° du I de l’article 9 du texte présenté en conseil des ministres le 3 août dernier, cette accélération se concentrerait entre 2019 et 2021 et serait donc amorcée seulement dans deux ans, soit à partir du 1er janvier 2019.
Nous proposons, avec cet amendement, de commencer cette accélération au 1er janvier 2018, ce qui concernerait près de 20 000 familles.
Par ailleurs, les 2° et 3° du I de l’article 9 étendent à Mayotte, toujours à partir du 1er janvier 2019, le complément familial actuellement servi dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Le présent amendement vise à anticiper cette extension au 1er janvier 2018, mesure qui va bénéficier, dès l’an prochain, à plus de 2 500 foyers modestes.
Enfin, le complément d’AEEH est étendu à Mayotte à partir du 1er janvier 2019, en vertu des dispositions du 4° du I et du II de ce même article 9. Il est proposé, là encore, d’anticiper cette extension d’une année, au 1er janvier 2018, au bénéfice de près de 300 familles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Cet amendement, déposé après le début de la discussion générale, n’a pas pu être examiné par la commission. Il a pour objet de fixer au 1er janvier 2018 la date d’extension et de revalorisation des prestations familiales à Mayotte que l’article 9 prévoyait jusqu’alors au 1er janvier 2019. À titre personnel, je suis favorable à cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je tiens à saluer cet amendement et à remercier le Gouvernement de ce geste, d’autant que la discussion générale n’a pas toujours permis d’insister suffisamment sur les avancées contenues dans le projet de loi.
Alors que la situation du département de Mayotte est telle que les sénateurs qui le représentent viennent régulièrement, dans cette enceinte même, réclamer l’égalité entre nos territoires, l’accélération proposée par le biais de cet amendement est naturellement la bienvenue. Il est vrai que nous sommes encore dans la période de Noël… (Sourires sur différentes travées.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article additionnel après l’article 9
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article L. 755-21 du code de la sécurité sociale, les mots : « , dans les conditions fixées par un décret qui détermine les adaptations nécessaires » sont supprimés.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à aligner les conditions d’attribution de l’aide au logement à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur celles qui sont applicables dans l’Hexagone, compte tenu des difficultés d’accès au logement outre-mer et pour mieux solvabiliser les ménages.
Trois grandes différences existent actuellement en la matière.
Tout d’abord, le mode de calcul de l’aide au logement ne tient pas compte des enfants ou personnes à charge au-delà de six dans les différents paramètres qui évoluent selon la taille de la famille : loyers plafonds, forfaits charges, logements en accession, nombre de parts et plafonds des mensualités de prêts.
Ensuite, le montant des forfaits charges est très inférieur à celui de l’Hexagone, puisqu’il est égal au tiers de ce dernier.
Enfin, il n’existe outre-mer qu’un seul loyer plafond par taille de famille, alors qu’il dépend, en Hexagone, de la localisation du logement et qu’au moins trois zones géographiques ont été mises en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement pour savoir sur quels points une harmonisation pourrait être envisagée. Il est vrai que les dispositions qui encadrent les aides au logement varient sur quelques points, mais cela n’est pas toujours en défaveur des outre-mer…
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Ericka Bareigts, ministre. En effet, le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît… Depuis le rapport de Victorin Lurel, nous avons beaucoup travaillé sur cette question et nous cherchons à comprendre si la situation est, ou non, plus favorable.
Premier point, il n’existe pas, outre-mer, de logements dits conventionnés. Cela tient à l’utilisation de la ligne budgétaire unique – LBU – pour la construction de logements sociaux et rend inapplicables les aides personnalisées au logement, les APL. Par conséquent, l’allocation de logement familiale et celle de logement sociale se substituent en grande partie, dans nos territoires, à ces APL.
Ainsi, compte tenu de l’absence de ces logements conventionnés, l’extension du régime applicable dans l’Hexagone aux territoires ultramarins ne permettrait pas le service des APL et n’aurait donc qu’un effet marginal sur les prestations reçues effectivement par les familles.
Deuxième point, l’effet de cette mesure serait défavorable pour la plupart des familles, selon leur composition. En effet, il existe certes, dans les départements d’outre-mer, un plafonnement à six enfants ou personnes à charge, mais l’allocation logement est versée jusqu’aux vingt-deux ans de l’enfant à charge contre vingt et un ans dans l’Hexagone. Ainsi, le taux d’effort des ménages reste favorable jusqu’à huit enfants dans les départements d’outre-mer, malgré le plafonnement dont je viens de parler.
Le troisième point concerne le forfait charges. Aujourd’hui, les modalités de calcul ne paraissent pas forcément défavorables aux outre-mer, si l’on isole la composante liée au chauffage. Bien sûr, nous pouvons avoir une discussion sur la climatisation : doit-elle être considérée, à l’instar du chauffage, comme une dépense vitale ?
Vous le constatez, le régime actuel semble le plus souvent favorable aux ménages ultramarins, compte tenu des difficultés que ceux-ci rencontrent en matière d’accès au logement. Un alignement pur et simple sur le régime hexagonal risque de réduire la solvabilisation de certains ménages et n’est donc pas souhaitable.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
En revanche, un sujet mérite une attention particulière, celui des jeunes travailleurs. J’ai sollicité la ministre chargée du logement afin d’envisager un alignement des allocations versées à ces personnes lorsqu’elles sont hébergées dans des foyers. Il nous semble que, actuellement, le système leur est plutôt défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La seconde phrase de l’article L. 755-2-1 du code de la sécurité sociale est supprimée.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Au-delà de sa symbolique, cet amendement est important. Il vise à rétablir une disposition introduite par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, qui souhaite supprimer la condition d’acquittement préalable des cotisations dues par les employeurs et travailleurs indépendants dans les départements d’outre-mer pour pouvoir bénéficier des prestations familiales.
Telle est aujourd’hui la réalité : dans les départements d’outre-mer, il est demandé aux travailleurs indépendants, et à eux seuls, avant qu’ils puissent percevoir leurs allocations familiales, de prouver qu’ils ont payé leurs cotisations sociales.
Cette conditionnalité est stigmatisante pour les travailleurs indépendants ultramarins, puisqu’elle n’existe pas pour ceux de l’Hexagone, quand bien même il peut arriver, là aussi, que certains ne payent pas leurs cotisations…
Il me semble qu’il faut dissocier clairement les choses : d’un côté, il existe une obligation pour les travailleurs de payer, comme tout un chacun, les cotisations qui sont dues ; de l’autre, les familles ont le droit de percevoir les allocations qui leur sont destinées.
Le Gouvernement tient à cette mesure, parce qu’elle est juste et conforme à l’esprit d’égalité réelle qui inspire ce texte et parce qu’elle met fin à la stigmatisation des travailleurs indépendants de nos territoires ultramarins.
S’il était démontré que les taux de recouvrement des cotisations sociales sont plus faibles outre-mer que dans l’Hexagone, nous sommes prêts à travailler pour que la prochaine convention d’objectifs et de gestion signée avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, pour la période 2018-2021 prévoie des actions particulières en l’espèce. Mais de grâce, laissons nos travailleurs indépendants, et surtout leurs enfants, percevoir leurs allocations familiales sur ces territoires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Madame la ministre, vous l’avez dit vous-même, le taux de recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants ne dépasse pas 50 % outre-mer, alors qu’il est de l’ordre de 90 % en métropole. C’est pour cette raison que la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur cet amendement.
Vous avez par ailleurs indiqué que les modalités du recouvrement seraient renforcées, mais sans préciser de mesure concrète. Vous avez évoqué le contrat d’objectifs et de gestion de l’ACOSS pour la période 2018-2021, mais en 2018 vous ne serez pas en mesure de signer ce nouveau contrat…
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. La commission serait prête à réexaminer sa position dans les années qui viennent si les mesures que vous proposez pour améliorer le taux de recouvrement s’avèrent efficaces. On pourra alors renoncer à imposer aux travailleurs indépendants ultramarins la production d’un justificatif du paiement de leurs cotisations sociales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Je veux revenir sur deux éléments qui me semblent essentiels.
Cette subordination du versement des allocations familiales au paiement des cotisations n’est actuellement pas prévue par la loi ni par les règlements. On la crée uniquement pour les travailleurs indépendants ultramarins. Ce n’est pas légal !
Vous indiquez une moyenne de recouvrement de 50 %, mais ce chiffre rend compte de l’existence de bons payeurs et de mauvais payeurs. Donc, la mesure que vous proposez stigmatise également les bons payeurs. Surtout, elle renvoie l’image que les Ultramarins ne paient pas leurs cotisations, qu’ils aiment frauder et passer au travers des réglementations. Ce message n’est pas bon !
Premièrement, il n’existe pas de conditionnalité dans la loi et on en crée une sans base légale à l’intention des seuls travailleurs indépendants ultramarins ; deuxièmement, il faut dissocier le versement des allocations de l’obligation de payer les cotisations. Des procédures de recouvrement de droit commun existent, des administrations travaillent déjà pour récupérer les sommes dues : il faut améliorer leurs performances.
Je le répète, cette mesure est véritablement injuste et elle n’est fondée ni juridiquement ni réglementairement. Il faut donc mettre fin à l’injustice résultant de cette conditionnalité.
Vous me dites que je ne serai plus là en 2018, madame la rapporteur, mais il ne s’agit pas de ma personne : la continuité de l’État a un sens et les administrations poursuivront leur travail. Peu importe qui signera la convention, c’est le travail réalisé qui compte.
Si vous étiez sensible à nos arguments, madame la rapporteur, nous pourrions dès maintenant avancer sur ce sujet, qui représente un signal important. Les combats symboliques méritent d’être menés, mais en l’occurrence le combat est plus que symbolique, puisque des familles sont touchées.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je trouve scandaleux que l’on établisse une discrimination entre les travailleurs indépendants selon leur provenance au sein de la République.
Si le recouvrement des prestations sociales rencontre des difficultés, il faut régler celles-ci en trouvant les moyens de coercition adéquats. En revanche, je ne peux accepter que l’on exerce un chantage sur les travailleurs ultramarins en faisant peser sur eux une présomption – de quoi ? On n’en sait rien !– et en refusant de les traiter sur un pied d’égalité avec leurs homologues métropolitains s’ils ne se conforment pas aux ordres. C’est parfaitement scandaleux, voire inconstitutionnel !
Le groupe socialiste et républicain soutient fermement cet amendement du Gouvernement.
Mme Éliane Assassi. Nous aussi !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Je tiens à rappeler que je suis tenue par l’avis de la commission des affaires sociales, même si je peux entendre les arguments développés de part et d’autre. Nous ne cherchons pas à stigmatiser les travailleurs ultramarins, loin de là, mais il est difficile de renoncer à cette mesure tant que rien n’est proposé pour améliorer le taux de recouvrement des cotisations sociales. Je comprends toutefois que vous y voyiez une discrimination, dans la mesure où seuls les travailleurs ultramarins doivent produire ce justificatif.