M. Didier Guillaume. C’est pas mal !

M. Philippe Dominati. C’est mieux que la croissance quasi nulle que nous avons connue de 2012 à 2014. Mais cela reste faible, comparé à nos voisins européens, avec une moyenne de 1,8 % dans l’Union, et comparé à la croissance que nous avions obtenue en 2010 et 2011, supérieure à 2 %.

M. Charles Revet. Eh oui ! Il faut le rappeler !

M. Philippe Dominati. Cette faible croissance obère un recul plus marqué du déficit public, qui sera encore au-dessus de 3 % en 2016, avec une estimation de 3,3 %. Alors que, dois-je le rappeler, le retour sous la barre des 3 % était prévu dès 2013. (M. Philippe Kaltenbach s’exclame.) C’était une promesse du candidat François Hollande en 2012. Encore une promesse non tenue !

La baisse du déficit ne sera vraisemblablement que de deux points en cinq ans, alors que nous l’avions réduit de deux points en deux ans, entre 2009 et 2011 (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.), alors que nous étions dans l’œil du cyclone à la sortie de la crise. (M. Charles Revet acquiesce.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un raisonnement bien acrobatique…

M. Philippe Dominati. La croissance peine à redémarrer en France, la meilleure preuve étant que le Gouvernement a dû abaisser sa prévision de 1,5 % à 1,4 % voilà quelques semaines. Cela reste donc très fragile et, surtout, insuffisant pour faire redémarrer l’économie et reculer le chômage.

L’absence de résultats a conduit le Président de la République à en tirer les conséquences. Il avait conditionné sa candidature à l’élection présidentielle à l’inversion de la courbe du chômage. Il a donc choisi de ne pas se représenter. C’est l’aveu et le constat de l’échec de la politique menée au cours de ce quinquennat.

M. Philippe Dominati. Certes, le chômage a diminué au mois d’octobre. Mais, par rapport à octobre 2015, le nombre d’inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C a augmenté. Et ce, malgré les centaines de milliers de contrats aidés financés par l’argent public, pour un coût de 10 milliards d’euros par an, et les centaines de milliers de jeunes mis en formation, ce qui a fait baisser seulement statistiquement le chômage.

Pour embaucher, il faut que les entreprises retrouvent une santé financière.

M. Charles Revet. Très important !

M. Philippe Dominati. Là encore, le bilan est critiquable.

Si leur situation financière et leur effort d’investissement ont progressé, avec la prise de conscience tardive de François Hollande de la nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, la productivité a continué de ralentir, la qualité des investissements demeure faible, et leur capital ne s’est pas modernisé.

La compétitivité-coût s’est améliorée vis-à-vis de l’Allemagne, sauf que notre montée en gamme des produits n’a pas eu lieu. Nous ne pouvons donc pas rivaliser avec notre principal partenaire économique. En réalité, notre compétitivité-coût s’est dégradée vis-à-vis d’un pays européen équivalant à la France en termes de niveau de gamme, comme l’Espagne.

La conséquence est que la désindustrialisation, le niveau de chômage et le déséquilibre de notre balance commerciale ne se sont pas réduits.

Le déficit commercial cumulé sur douze mois en octobre 2016 est de 49,8 milliards d’euros, contre 45,4 milliards à la même période en octobre 2015. Nos exportations sont en recul.

L’effort en faveur des entreprises doit donc être accentué. La baisse des charges et la montée en gamme sont indispensables.

La dimension psychologique doit également être prise en compte, pour redonner de la confiance aux chefs d’entreprise.

Il faut également réformer rapidement, puis assurer une stabilité fiscale, pour donner de la visibilité et de la confiance aux entrepreneurs.

Les mesures proposées par François Fillon, comme la suppression de l’ISF, la baisse de la taxation du capital, la réorientation de l’épargne vers l’investissement, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – en baisses de charges, la baisse de l’impôt sur les sociétés, la hausse du temps de travail vont dans le sens que nous souhaitons, pour refaire de la France un champion économique.

La diminution massive des prélèvements sur les entreprises à hauteur de 50 milliards d’euros créera un choc fiscal inverse de celui qui a été imposé aux entreprises en 2012 et permettra de retrouver le chemin de la croissance et, donc, de l’emploi.

L’emploi, c’est la possibilité d’accroître son niveau de vie. Je le rappelle, le niveau de vie des Français a stagné pendant ce quinquennat, si l’on enlève les effets de la baisse du prix du pétrole, qui n’est pas due à l’action du Gouvernement. Il n’a augmenté que de 0,5 % entre 2012 et 2016.

Dans ce dernier texte budgétaire, en dehors de la création du compte PME innovation, qui va dans le bon sens, aucun souffle n’est donné. Il s’agit d’un texte fourre-tout, sans ambition. Il n’appelle donc ni rejet, ni adoption avec enthousiasme.

Au groupe Les Républicains, nous apporterons des modifications et nous voterons le texte ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yannick Botrel. Madame la présidente, mes chers collègues, c’est un moment particulier qui nous réunit en ce sens que la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 représente, sans nul doute, l’occasion de nos derniers échanges sur le budget de la nation de ce quinquennat.

Celle-ci intervient a fortiori dans un contexte insolite, dicté par le refus de notre Haute Assemblée d’examiner en séance publique le projet de loi de finances initial pour 2017.

Dès lors, la tentation est forte, dans cette situation inédite, d’aborder, au-delà du contenu précis de ce collectif, le bilan budgétaire du quinquennat, que je juge personnellement positif – opinion partagée par l’ensemble de mon groupe et par d’autres sénateurs encore dans cet hémicycle.

Sur le fond, et après les débats de ces dernières semaines, je souhaite tout d’abord évoquer la problématique du « sérieux budgétaire », qui a été remis en cause. Ce thème, quelque peu instrumentalisé, a été au cœur de l’argumentation négative de la droite sénatoriale.

Je veux d’abord citer l’appréciation du Haut Conseil des finances publiques, qui « constate que la prévision de croissance du gouvernement, révisée de 1,5 % à 1,4 % pour 2016, se situe dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles » et « considère qu’elle est atteignable ».

De plus, je rappelle, mes chers collègues, que le Haut Conseil juge « réalistes » les prévisions de déficit public établies par le Gouvernement.

Si je prends le temps de rappeler ces éléments, c’est pour mettre en évidence le fait que, sur ce texte, comme sur l’intégralité des textes budgétaires du quinquennat, je veux le rappeler avec netteté, le Gouvernement a fait preuve de prudence et de responsabilité ; nous le voyons encore dans le contenu même de ce projet de loi de finances rectificative. Il est vrai, et cela ne peut être sérieusement contredit, qu’on ne peut pas prévoir précisément au moment du projet de loi de finances initial l’ensemble des dépenses que la nation aura à mettre en œuvre durant l’année budgétaire.

C’est typiquement le cas pour les opérations extérieures de nos armées ou encore s’agissant des fonds d’urgence en cas de catastrophe.

Cela étant, la nécessité d’inscrire ces dépenses nouvelles dans ce projet de loi de finances rectificative ne remet pas en cause les équilibres budgétaires globaux de l’exercice. Les objectifs définis par le Gouvernement pour l’année 2016 seront atteints ; je veux le rappeler ici pour m’en féliciter.

J’évoquerai ensuite les deux mesures les plus mises en avant de ce texte.

Je veux parler, tout d’abord, du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Il faut le dire clairement : jamais avant cette mandature qui s’achève, il n’avait été fait autant en matière de lutte contre la fraude fiscale.

En la matière, rappelons que cela représente un montant de 21,2 milliards d’euros de redressements fiscaux en 2015, contre 16 milliards d’euros en moyenne par an sous l’ancienne majorité.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 comporte de nouvelles avancées destinées à rendre plus efficace le contrôle fiscal tout en garantissant une plus grande prévisibilité pour le contribuable. Le premier enjeu est donc évidemment budgétaire, car la fraude diminue mécaniquement les recettes de l’État ; le second enjeu nous place sur le terrain de la morale publique.

Car au-delà des considérations purement budgétaires, certes essentielles, je tiens à rappeler que ce sont soixante-dix mesures de lutte contre la fraude fiscale que notre majorité a adoptées depuis 2012. L’enjeu est à cet égard citoyen. La fraude fiscale participe à la déconstruction de notre vivre ensemble, et à la remise en cause de notre modèle institutionnel et social qu’elle fragilise. En cela, elle doit être combattue résolument, et c’est le cas.

L’autre point majeur est la mise en œuvre du compte PME innovation. Le Gouvernement souhaite inciter les entrepreneurs « vendant les titres de leur société à réinvestir le produit de leur vente dans des jeunes PME ou des entreprises innovantes et à les accompagner, en apportant non seulement leurs capitaux, mais également leur expérience d’entrepreneur et leur réseau ».

Alors que l’un des sujets majeurs de nos débats, et d’ailleurs de nos divergences en matière économique, demeure la cible des politiques que nous mettons en œuvre, je vois tout l’intérêt de cette mesure qui s’adresse globalement aux petites et moyennes entreprises de moins de sept années d’existence.

Cette stratégie est pertinente, car les PME représentent l’activité économique et l’emploi de tous les territoires. C’est ce potentiel qu’il convient de mobiliser et d’encourager par des mesures telles que celle qui vient d’être décrite.

Mes chers collègues, en tant que corapporteur spécial sur l’agriculture au sein de la commission des finances, je souhaite évoquer cette question, d’autant qu’elle traduit bien les équilibres et la logique du travail budgétaire.

En effet, j’ai pu lire récemment et entendre qu’il était déploré, en matière agricole, que le Gouvernement fasse le choix pour le projet de loi de finances pour 2017 de ne pas budgéter les fonds relatifs aux refus d’apurement des aides communautaires.

Je veux rappeler que nous étions ici typiquement dans un cas d’imprévisibilité quant au montant exact, et que le véhicule le plus logique est sans conteste le projet de loi de finances rectificative, davantage que le projet de loi de finances.

Je rappelle, d’ailleurs, que les sommes inscrites in fine sont sans commune mesure avec ce qu’elles auraient pu être sans l’action énergique du ministre, qui a travaillé pour rectifier les insuffisances de la période précédente. Je ne peux que regretter les polémiques parfois alimentées en la matière, d’autant que les refus d’apurement actuels concernent – il est utile de le rappeler – les années 2008-2012 (M. le secrétaire d’État opine.) durant lesquelles un autre gouvernement et une autre majorité étaient, sauf erreur de ma part, aux responsabilités.

Dans la même logique, je rappelle que plusieurs membres de la majorité sénatoriale ont pu émettre des doutes quant au financement des plans d’urgence mis en œuvre pour répondre aux différentes crises agricoles et sanitaires que traverse notre pays.

Ce fut l’un des arguments qui a pu prévaloir, injustement, me semble-t-il, lors de l’examen par notre commission des finances du budget de l’agriculture. Débat vain puisque, par nature, les crises ne sont ni prévisibles ni programmables et que le Gouvernement a toujours trouvé les moyens budgétaires d’y faire face.

À cet égard, même si cela était acquis dès le début, je tiens à rappeler que les financements en question sont bien présents dans ce projet de loi de finances rectificative, comme cela était attendu : pour les raisons que j’ai soulignées, un plan d’urgence ne peut être précisément financé que par une loi de finances rectificative et non par une loi de finances initiale.

Pour conclure, je veux exprimer à mon tour, après mon collègue Maurice Vincent, ma fierté d’appartenir à une majorité gouvernementale qui a, durant les cinq années passées, défendu des priorités politiques ambitieuses, répondu à un nombre très important de crises, et qui devrait, malgré tout cela, faire passer le chiffre du déficit public en dessous de la barre de 3 % à l’issue du quinquennat, comme le Président de la République s’y était engagé.

Grâce aux politiques conduites avec constance, le remboursement de la dette n’est plus notre premier poste de dépense, comme cela a été le cas dans le passé.

Par là, nous avons redonné de la cohérence à la politique et à l’action publique. Je suis heureux de m’associer à ce bilan du quinquennat, que ce dernier acte budgétaire permet de mettre en lumière. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2016
Discussion générale (suite)

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, j’appelle chacun de vous à être attentif au respect des uns et des autres.

cour de cassation

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour le groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne le respect d’un principe auquel nous sommes tous ici, du moins je l’espère, très attachés, parlementaires comme membres du Gouvernement.

Ce principe est celui de la séparation des pouvoirs, séparation entre l’exécutif et le législatif bien sûr, mais aussi séparation entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, celle qui garantit l’État de droit dans une démocratie.

Or, monsieur le ministre, vous savez l’inquiétude du monde judiciaire, pour ne pas dire davantage, que suscite le décret du 5 décembre dernier réformant l’inspection générale des services judiciaires, en d’autres termes le contrôle par votre administration des juridictions.

Alors qu’auparavant ce contrôle se limitait aux juridictions « du premier et du second degré », tribunaux de grande instance et cours d’appel, ce décret fait entrer la Cour de cassation dans le champ de ce contrôle.

Sans tarder, le premier président et le procureur général de la Cour de cassation ont écrit au nouveau Premier ministre. Ils ont finalement été reçus à la Chancellerie, à leur demande, samedi dernier. Ils ont été reçus, mais ils n’ont pas été convaincus ni même rassurés par l’explication donnée, à savoir que cette inspection unique était une « proposition de la Cour des comptes » et qu’elle « n’avait pas compétence pour se prononcer sur l’acte de juger ». Si on n’en attendait pas moins, on pouvait en attendre un peu plus !

Monsieur le ministre, en soumettant la Cour de cassation, garantie ultime de la liberté individuelle, au contrôle d’un service placé sous l’autorité du Gouvernement, comprenez-vous que l’on puisse considérer que ce décret porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ?

Pourquoi ne pas rattacher cette inspection générale au Conseil supérieur de la magistrature, seul garant de l’indépendance de la justice ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le décret du 5 décembre 2016 portant création de l’inspection générale de la justice applique à la Cour de cassation le régime appliqué depuis des années à toutes les autres juridictions judiciaires. (M. Jacques Mézard fait un signe de dénégation.)

Jusqu’à présent, ni le Conseil supérieur la magistrature ni la Cour de cassation n’y avaient perçu une volonté des gouvernements successifs de porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs, et ce pour une raison très simple : les contrôles de fonctionnement des juridictions sont en réalité des audits effectués par des magistrats, dont l’indépendance est renforcée par la loi organique du 8 août 2016.

Cette loi a notamment créé l’inspection générale de la justice, sur proposition de la Cour des comptes, et elle avait fait l’unanimité lors de son adoption par le Parlement cet été.

Cette loi a également renforcé l’indépendance de ses membres et consacré explicitement leur appartenance au corps judiciaire, avec toutes les garanties statutaires qui s’y rapportent.

Il résulte de la Constitution que l’inspection n’a évidemment pas compétence pour se prononcer sur l’acte de juger. Depuis 2012, monsieur Fortassin, toute la politique des gouvernements Ayrault, Valls et aujourd'hui Cazeneuve a permis de restaurer le respect dû à l’institution judiciaire, notamment par un suivi scrupuleux des avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nominations, par la défense d’une réforme constitutionnelle du statut du parquet, qui n’a pu aboutir à cause de l’opposition et, enfin, par l’inscription dans loi de l’interdiction faite au ministre de la justice de donner des instructions individuelles.

Vous voyez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est attaché à faire respecter et à renforcer la séparation des pouvoirs (M. Jacques Mézard fait de nouveau un signe de dénégation.) et l’indépendance de la justice. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. Monsieur le secrétaire d’État, l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs est une question de principe. Nous ne pouvons donc nous contenter de déclarations d’intention. Aujourd'hui, au travers de votre réponse, nous ne sommes pas parfaitement rassurés !

classement pisa

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le 6 décembre, madame la ministre, vous êtes allée, en bonne écolière, chercher votre bulletin de notes (M. Didier Guillaume s’exclame.) à l’OCDE. Il est bon, en effet, que le ministre français accepte un jugement international !

Le résultat pour notre éducation est, hélas ! consternant : les notes sont médiocres. Sur le sujet qui nous tient tous à cœur de la promotion sociale, le résultat est plus lourd encore !

Vous avez le 29 novembre, et avec raison, commenté les résultats navrants de l’enseignement des mathématiques dans notre pays, qui constituait jusqu’à présent notre fierté nationale. Vous avez reconnu cet échec, ce qui est d’une certaine façon à votre crédit. Vous n’avez pas commenté l’enquête Cèdre de votre ministère en juillet sur la lecture, lequel nous apprend que plus d’un cinquième des élèves entrant au collège ne maîtrisaient en rien la lecture.

Ma question est très simple. Les solutions quantitatives ne fonctionnent pas, comme le rapport de la Cour des comptes de mai 2013 l’a prouvé. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Quant aux solutions qualitatives, le désordre de vos projets vous fait renvoyer à 2021 ou à 2024 tout jugement sur l’efficacité de vos réformes. Avez-vous l’intention de consacrer ces cinq prochains mois…

M. Didier Guillaume. Les cinq prochaines années !

M. Gérard Longuet. … à un examen critique de vos échecs, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Michel Canevet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, Cèdre, TIMMS, PISA, il ne vous aura évidemment pas échappé que chacune de ses enquêtes porte sur des enfants qui sont entrés à l’école primaire en 2006 (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et au collège en 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À votre avis, quelle scolarité ont-ils connue ? Une scolarité marquée par les choix désastreux du gouvernement auquel vous avez appartenu (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) : suppression du nombre de professeurs dans l’éducation, suppression de la formation initiale des enseignants (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains frappent sur leur pupitre.), retrait de l’éducation prioritaire ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Guillaume. C’est la réalité !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voilà ! C’est aussi simple que cela !

Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas vous intéresser au diagnostic établi par l’OCDE dans son enquête PISA sans vous intéresser aussi à ses conclusions. Quelles sont-elles ? (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.) L’OCDE le dit très précisément : les réformes éducatives conduites depuis 2012 vont dans le bon sens (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) pour rétablir l’efficacité du système éducatif et le rendre plus équitable !

Après avoir apporté ces précisions, monsieur Longuet, je vous interrogerai à mon tour, car vous venez de produire un rapport que j’ai pris le temps de lire. Je vous le demande très sérieusement, pensez-vous que c’est en imposant, comme vous le proposez, à certains enseignants de travailler six heures de plus par semaine sans être payés davantage que vous rétablirez la qualité de notre système éducatif ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pensez-vous sérieusement que c’est en supprimant 145 000 postes de fonctionnaires dans l’éducation nationale (M. Claude Bérit-Débat applaudit.) que vous allez mieux encadrer les enfants ?

En effet, je le répète, la refondation de l’école produira ses effets sur la réussite des enfants une fois qu’ils auront fait toute leur scolarité. Rendez-vous en 2019 et en 2021 pour tirer des conclusions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Joseph Castelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.

M. Gérard Longuet. Je remercie Mme la ministre d’ouvrir un débat que nous aurons en public devant tous les Français durant les cinq prochains mois. Je constate qu’il n’y a dans sa démarche aucune part d’autocritique (Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et aucune ouverture.

Je lui suggère deux pistes extrêmement simples : la première, c’est de poser le principe que l’enseignement est d’abord la transmission du savoir ; la seconde, c’est que les professeurs doivent s’intéresser aux élèves, à condition que ces derniers s’engagent et que les parents soient responsables de leurs enfants ! (M. Jérôme Durain frappe sur son pupitre.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérard Longuet. J’ajoute enfin que, si l’éducation doit être nationale, elle doit être aussi décentralisée et s’appuyer sur les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

situation en turquie

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le ministre, Sergio Coronado, Cécile Duflot, députés, et moi-même sommes partis trois jours en Turquie rencontrer des associations LGBT – lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres –, des avocats, des élus AKP, CHP et HDP, des journalistes, des universitaires ainsi que la Fédération turque des droits de l’homme.

Le putsch raté de juillet 2016 n’a eu qu’un effet : donner à Erdoğan un bon prétexte pour briser tous les ressorts de la démocratie turque.

Son ennemi était jusqu’à récemment le HDP, ce parti pro-kurde l’empêchant d’avoir une majorité suffisante au Parlement pour réformer la Constitution et asseoir son régime présidentiel autoritaire sans contre-pouvoir parlementaire.

Désormais, tous ses opposants sont devenus des « terroristes », arrêtés soit en raison de leur prétendu soutien aux Kurdes, soit parce qu’ils seraient des gülenistes, adeptes de cet Opus Dei islamiste accusé d’avoir fomenté le putsch.

À ce jour, 70 % des médias se sont transformés en organes de presse gouvernementaux, 146 journalistes sont détenus sans motif, la plupart sans chef d’accusation précis. Quatre-vingts à quatre-vingt-cinq médias kurdes ont été voués au silence.

Plus de 100 000 fonctionnaires sont suspendus ou déchus de leurs droits. Eux et leurs familles sont condamnés à la mort civile et au pire dénuement.

Des milliers de sociétés voient leurs capitaux saisis ; 370 associations et ONG sont dissoutes ; 36 000 personnes sont détenues pour relations avec les gülenistes.

La décision de geler le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne a fait chuter la livre turque de 30 % en quelques jours. Contrairement à ce que proclame M. Erdoğan, son pays a besoin de l’Europe. Il en a besoin économiquement déjà. Des sanctions économiques pourraient freiner cette fuite en avant.

Monsieur le ministre, l’Europe et la France avec elle, qui invoquent si souvent les valeurs dont elles se réclament, entendent-elles poursuivre leur politique de tolérance intéressée face à une dictature qui ne dit pas son nom ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Ce qui se passe actuellement en Turquie nous préoccupe, tout comme vous, et préoccupe l’ensemble des pays européens.

Depuis le mois de juillet dernier et le début de la répression et des arrestations qui ont suivi la tentative de putsch en Turquie, il n’y a pas une réunion des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne qui ne s’est tenue sans que la question de la relation avec la Turquie figure à l’ordre du jour de nos discussions.

Je me suis moi-même rendu en Turquie. J’ai rencontré en octobre l’ensemble des autorités du pays, dont le président Erdoğan. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) J’ai rencontré, comme vous, des représentants de la société civile, y compris des journalistes poursuivis. J’ai aussi eu l’occasion très récemment de faire un point complet avec le secrétaire général du Conseil de l’Europe, qui revenait d’une visite en Turquie et qui m’a exprimé sa grande inquiétude.

En ce qui concerne ce que nous faisons, vous avez fait une allusion que je trouve inutile sur des complaisances liées à des intérêts.

Je crois que vous avez tort de voir les choses ainsi. En effet, des agents de notre ambassade à Ankara et de notre consulat général à Istanbul ont notamment assisté au procès de journalistes, par exemple à celui de Can Dündar et d’Erol Önderoğlu, et se sont rendus dans les locaux du journal Cumhuriyet (Mme Esther Benbassa opine.) pour témoigner du soutien de la France.

Sur les principes et les valeurs, notre position est donc sans ambiguïté.

Comme j’ai pu le constater, les représentants du Conseil de l’Europe, l’ensemble des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne partagent cette préoccupation, mais aussi la conviction que nous devons, malgré tout, poursuivre le dialogue avec la Turquie et tenir à ses représentants un langage responsable et clair, tout en tenant compte de la situation à l’intérieur du pays. Il est évident que nous ne devons pas renoncer à nos valeurs ni à nos principes, mais nous devons également reconnaître, avec lucidité, que la Turquie est aussi – j’ai exprimé ma solidarité avec le peuple turc voilà quelques jours – la victime du terrorisme, que ce soit de Daech ou du PKK, que la France, vous le savez, considère comme un mouvement terroriste.

Il importe que notre message soit sans ambiguïté et qu’il soit reçu comme tel en Turquie.

Il est légitime qu’un pays attaqué se défende, mais il doit le faire en adoptant des mesures qui soient proportionnées, respectueuses de l’État de droit. Ce n’est pas le cas aujourd'hui, et c’est pourquoi nous continuons d’avoir, avec la Turquie, un dialogue franc,…