M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Voilà qui va faire progresser la vitesse d’adoption des ratifications de convention ! N’avez-vous pas mieux à faire ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une analyse très approfondie de ce point figure dans le rapport : nous considérons que la ratification des conventions fiscales ne doit pas se faire dans le cadre d’un projet de loi de finances.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a introduit nombre de dispositions nouvelles ; certaines sont techniques, d’autres présentent des difficultés. Il en est ainsi, à notre sens, de la taxe sur la publicité associée à des contenus audiovisuels diffusés gratuitement en ligne, dite « taxe YouTube ». En effet, nous considérons que l’administration fiscale n’a pas les moyens de recouvrer cette taxe auprès des grandes plateformes étrangères, lesquelles, malheureusement, représentent environ 90 % du marché et sont notamment installées en dehors de l’Europe. Le risque, à nos yeux, est donc, sinon la délocalisation, du moins la taxation exclusive des plateformes françaises, pour un rendement assez faible – M. le secrétaire d’État a parlé de 1 million d’euros.
Mme la présidente. Il faut vous acheminer vers votre conclusion, monsieur le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je m’achemine vers ma conclusion, madame la présidente.
Enfin, l’Assemblée nationale a repris, et nous nous en réjouissons, deux dispositions votées par le Sénat l’année dernière.
La première est la création, pour les plateformes en ligne, d’une obligation de déclaration automatique sécurisée des revenus. Nous souhaitons que ce dispositif soit mis en œuvre dès 2018.
La seconde disposition consiste à remplacer le dispositif d’incitation fiscale à la mise en location de logements anciens par des propriétaires privés, dit « Borloo ancien », par un nouveau dispositif. Nous avions, l’an dernier, fait adopter un amendement en ce sens, mais le Gouvernement y était à l’époque, malheureusement, défavorable. Nous nous réjouissons donc que cette disposition trouve sa place dans le projet de loi de finances rectificative.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter le présent collectif budgétaire, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle présente – le texte, vous le verrez, sera largement amendé par le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année, adopté mercredi dernier par les députés, a cette année encore triplé de volume lors de son examen par l’Assemblée nationale.
La commission des finances a disposé de cinq jours pour analyser les 74 articles nouveaux introduits par les députés. La commission et le Gouvernement ont pris connaissance hier après-midi de l’essentiel des amendements, nombreux, déposés par les sénateurs. Ces conditions de travail ne sont pas des plus satisfaisantes : un tel délai ne permet pas un examen approfondi. Mais au moins, et je m’en réjouis, nous travaillons, et nous n’arriverons pas en commission mixte paritaire avec une feuille blanche, comme nous l’avons fait lundi dernier pour le projet de loi de finances ! Nous pourrons prendre des initiatives qui ne prospéreront peut-être pas toutes cette année, mais commenceront leur chemin dans les esprits.
Ainsi du dispositif de déclaration des revenus par les plateformes en ligne – le rapporteur général vient d’y faire allusion. Issu des travaux de la commission des finances du Sénat, adopté deux fois, ici même, à la quasi-unanimité, rejeté par l’Assemblée nationale, il nous arrive, cette fois, de cette dernière, porté par un soutien transpartisan.
Cela montre bien que le Sénat a un rôle institutionnel à jouer. La majorité sénatoriale l’avait un peu oublié lors de l’examen du projet de loi de finances ; les députés nous le rappellent en reprenant nos initiatives.
Pourquoi faut-il adopter ce projet de loi de finances rectificative, qui est aussi sans doute la dernière loi de finances de la législature ?
Il faut l’adopter car il contient nombre de mesures utiles au fonctionnement du pays. J’observe qu’elles sont largement approuvées, puisque la commission des finances propose d’adopter sans modification, ou avec des modifications de forme, 85 des 118 articles, c’est-à-dire les trois quarts. Les nombreux articles relatifs au contrôle fiscal confirment que les gouvernements, pendant cette législature, auront sans relâche et jusqu’au bout renforcé les outils dont dispose notre administration fiscale pour s’assurer que chacun s’acquitte de sa juste contribution aux charges publiques.
Il faut adopter ce texte parce que ce qu’il nous dit de l’exécution de 2016 illustre la pertinence de la politique de finances publiques conduite par les gouvernements successifs depuis 2012 ; cette politique montre que l’on peut redresser les comptes publics sans verser dans l’austérité.
M. Vincent Delahaye. Ils n’ont pas été redressés !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Cette politique a permis à notre pays de conserver sa crédibilité et des coûts de financement avantageux dans la crise de la zone euro.
Elle nous permet d’appréhender avec confiance la période d’incertitude actuelle sur le marché des dettes souveraines.
Pour 2016, la prévision de déficit public reste celle qui avait été fixée en loi de finances initiale, à savoir 3,3 % du PIB, malgré la révision à la baisse de la prévision de croissance. La trajectoire, jugée « atteignable » par le Haut Conseil des finances publiques – la majorité sénatoriale aime à s’y référer ! –, sera tenue, même dans un contexte économique un peu moins favorable.
Ce résultat me donne l’occasion de revenir sur le bilan de la législature qui s’achève : entre 2012 et 2016, le déficit public aura été réduit d’environ 30 milliards d’euros, soit 1,5 point de PIB.
Nous aurions pu, peut-être, le réduire davantage. Mais nous avons fait le choix de diminuer les prélèvements obligatoires des entreprises et des ménages modestes. Entre 2014 et 2016, le taux de prélèvements obligatoires a baissé de 0,3 point de PIB.
Nous avons fait porter l’effort sur les dépenses. En 2015 et 2016, près de 35 milliards d’euros d’économies ont été réalisées, alors même que l’inflation était atone, annulant les effets de certaines mesures d’économie.
L’analyse du budget de l’État au titre de l’année 2016 confirme ces constats généraux : le déficit est réduit de 2,4 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale ; la norme de dépenses est respectée ; les dépenses de l’État sont maîtrisées. La prévision d’exécution est même inférieure de 3,1 milliards d’euros à l’objectif de stabilisation en volume.
Les ouvertures de crédits constatées en fin de gestion illustrent aussi la capacité des gouvernements, depuis 2012, à redresser les comptes tout en dégageant des marges de manœuvre pour financer des priorités.
Priorité à l’emploi : 277 millions d’euros pour le « plan emploi » et 369 millions d’euros pour la prime d’activité, dont le taux de recours est élevé, contrairement aux prévisions pessimistes entendues l’année dernière.
Priorité à l’éducation et à la jeunesse : des crédits sont ouverts, destinés à financer la revalorisation du traitement des enseignants et la montée en puissance du service civique.
Priorité à la sécurité : 900 millions d’euros de crédits environ sont ouverts au titre des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense.
Parmi les dépenses choisies, je citerai également le soutien aux départements ou la revalorisation du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Mais doivent être aussi mentionnées les dépenses subies, en particulier la prise en charge des refus d’apurement communautaire : plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses héritées de la précédente majorité, qu’il faut bien sûr solder.
En résumé, nous nous apprêtons à discuter un texte qui illustre la politique budgétaire de ce gouvernement, prudente, déterminée et responsable. Je vous invite donc tous à le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yannick Vaugrenard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Compte tenu de l’organisation des travaux, il n’est pas certain que je puisse répondre aux orateurs au terme de la discussion générale ; je voudrais simplement mentionner un point.
La convention entre la France et le Portugal semble faire l’objet d’une attention particulière de la part du Sénat, qui n’a pas examiné le projet de loi de finances et a été peu précis dans l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pourquoi proposons-nous la ratification de cette convention dans un projet de loi de finances ? Il s’agit d’un problème de double imposition d’un certain nombre de nos fonctionnaires, notamment d’enseignants du lycée français de Lisbonne, sur lequel nous avons travaillé avec mon homologue portugais. Cette convention devait faire l’objet d’une signature lors d’un déplacement du Président de la République, annulé à cause des attentats du 14 juillet dernier. Je me suis moi-même rendu au Portugal pour que nous puissions solder cette affaire avant la fin de l’année.
Les délais d’instruction par le Quai d’Orsay puis par vos assemblées – à l’Assemblée nationale, ce genre de texte doit transiter par la commission des affaires étrangères – …
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas chez nous !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ne permettaient pas de suivre la procédure habituelle que, n’étant pas complètement né de la dernière pluie, je connais bien.
Mettre le doigt sur ce problème pour attirer l’attention du Conseil constitutionnel, lequel pourrait, je le reconnais, considérer que cette convention, malgré ses conséquences financières évidentes, n’a rien à faire dans une loi de finances, je trouve que c’est un peu inopportun ! Les Français qui résident au Portugal apprécieront ! (Mme Odette Herviaux et M. Yannick Vaugrenard applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Au Sénat, monsieur le secrétaire d’État, c’est la commission des finances qui examine les conventions fiscales. Il existe une forme simplifiée d’examen, qui peut être utilisée en cas d’urgence. La conclusion de l’analyse que nous avons menée, c’est que la ratification des conventions fiscales ne peut pas se faire en loi de finances.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il était vraiment essentiel de le préciser à la tribune, afin que le Conseil constitutionnel n’oublie surtout pas de censurer cette disposition !
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je dispose de trois minutes. C’est insuffisant pour examiner l’ensemble de ce texte ; je vais donc me concentrer sur l’article 39, qui traite du fonds d’urgence à destination des départements.
Ce fonds de 200 millions d’euros est dédié à la résolution d’un problème relativement grave, à savoir l’évolution de la dépense obligatoire au titre du versement des allocations individuelles de solidarité.
Mes chers collègues, je vous recommande la lecture attentive de l’objet de l’amendement que j’ai déposé à cet article. J’y ai fait figurer le tableau des départements qui seront éligibles à cette enveloppe. Nous constatons avec étonnement qu’un certain nombre de départements dont les restes à charge par habitant sont extrêmement faibles bénéficieront de cette enveloppe, alors que d’autres, dont les habitants paient des charges beaucoup plus importantes, n’y seront pas éligibles.
Les restes à charge par habitant diffèrent parfois de plus de 30 euros entre deux départements bénéficiaires du fonds ! Comparez par vous-mêmes, mes chers collègues ! Vous vous rendrez compte de cette anomalie dans la répartition, que nous devrions être à même de réparer.
Des critères qui n’ont rien à voir avec les allocations individuelles de solidarité ont été introduits dans le calcul de la répartition. Certains départements imposent très peu leurs contribuables ; ils ont donc peu d’autofinancement et seront éligibles à cette enveloppe, alors que les restes à charge par habitant d’allocations individuelles de solidarité y sont très faibles ! D’autres, dans lesquelles ces charges sont très élevées, ne sont pas attributaires, au motif qu’ils ont fait, eux, des efforts fiscaux ! Cette répartition me paraît totalement anormale.
Il est vraisemblable que je ne serai pas présent pour défendre mon amendement, si cela se passe dans la nuit de vendredi à samedi. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, prenez la peine de lire l’analyse comparative que j’ai mise à votre disposition. Les incohérences apparaîtront avec la force de l’évidence, et des solutions seront peut-être trouvées. (M. Guy-Dominique Kennel applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, faute d’un débat suffisamment long et détaillé sur le projet de loi de finances initiale pour 2017, nous voici aujourd’hui réunis pour discuter du projet de loi de finances rectificative pour 2016, lequel, comme à l’accoutumée en cette période de l’année, s’apparente à une sorte de « voiture-balai » de dispositions de portée diverse, et, au mieux, à une controverse sur les sujets les plus variés de la vie quotidienne.
À bien y regarder, en effet, au-delà des apparences, un collectif budgétaire est un peu une lecture en accéléré de quelques-unes des mille et une questions du quotidien de nos compatriotes, des habitants de notre pays et des réponses que la loi fiscale peut y apporter.
Ce qui fait controverse, évidemment, est le point de vue qui l’emporte dans la solution finalement choisie.
Passé ces quelques considérations très générales, que dire de ce collectif budgétaire pour 2016 ?
Premier aspect, et non des moindres : il traduit un tassement, dans les faits, de la croissance économique du pays, dont nous trouvons les stigmates dans les moins-values fiscales en termes d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure, du point de vue des droits indirects, dont le rendement s’avère autant porté par la hausse du taux normal que par l’état de la consommation populaire.
Le tassement de la croissance s’exprime aussi dans le nouvel appel d’air de dépenses dites de solidarité et de dépenses dites pour l’emploi, manifestation de l’imprégnation profonde de la précarité dans notre société.
Cette précarité va de pair, soulignons-le une nouvelle fois, avec la réalité des inégalités sociales, et notamment des inégalités de patrimoine.
Il faut dire que, depuis le début du siècle, notre législation fiscale a beaucoup fait pour conforter, d’une manière ou d’une autre, les patrimoines les plus importants, qu’il s’agisse des biens immobiliers, de la fortune financière, de la détention du capital de nos principales entreprises, ou encore de la possession des œuvres de l’esprit.
Comment ne pas pointer que, malgré une réforme significative accomplie sous le mandat de M. Fillon, alors Premier ministre, le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune est aujourd’hui aussi important qu’auparavant, alors que ses redevables sont deux fois moins nombreux ?
Quant à l’impôt sur le revenu, comment ne pas pointer le fait que les 10 % de contribuables les plus aisés – et cette tranche recouvre des situations assez différentes – continuent, bon an mal an, de capitaliser aux alentours de 35 % des revenus imposables, hors ceux qui sont soumis aux prélèvements libératoires, dont ils sont le plus souvent les principaux bénéficiaires ?
Il y a persistance des inégalités dans la situation des habitants de notre pays.
Les associations d’entraide, comme le Secours Populaire français ou le Secours catholique, ne cessent de publier des rapports sur l’évolution de la pauvreté en France. Les constats sont tout à fait accablants ; bien sûr, personne ne s’en réjouit. Voilà un sujet prioritaire, qui doit s’imposer dans le débat public des prochaines échéances électorales. Vous êtes évidemment les uns et les autres, mes chers collègues, prisonniers du dogme absolu de la réduction de la dépense publique ; pourtant, contrairement à ce que beaucoup de Français imaginent, ce coût global n’a pas augmenté depuis le début des années 80. Il oscille en effet entre 17 % et 18 % du PIB, au gré de la conjoncture.
Vous comprendrez, mes chers collègues, l’attachement des membres de notre groupe à la justice fiscale et, par voie de conséquence, à tout ce qui permet de lutter contre la fraude fiscale.
Permettez-moi, à ce stade, de souligner le problème que pose la récente décision du Conseil Constitutionnel sur le contenu de la loi dite Sapin II. Cette décision a affaibli la position des « lanceurs d’alerte » et remis en cause les outils de la lutte contre la fraude fiscale, en assimilant la publicité des états comptables des entreprises à implantation transnationale à une forme de violation du secret des affaires !
Le récent procès des « LuxLeaks » et la révélation au grand jour des libertés que certains ont pu prendre avec la législation fiscale déjà fort accommodante du Grand-Duché de Luxembourg montrent clairement qu’il n’y a pas lieu de protéger davantage ce que la Commission européenne elle-même qualifie désormais de « planification fiscale agressive », c’est-à-dire ce jeu permanent de « saute-mouton » fiscal que les holdings de tête de quelques groupes pratiquent en s’appuyant sur les failles et les contradictions des législations fiscales propres à chaque pays de l’Union européenne.
Ces pratiques mettent à bas le mythe de la concurrence libre et non faussée ; elles appellent d’autres solutions que celles, plutôt généreuses, que la Commission semble appeler de ses vœux. Ce n’est pas en donnant le vernis de la légalité à certaines des pratiques du passé qu’on les rendra forcément plus acceptables !
Autant dire que nous appréhendons avec intérêt les dispositions contenues dans ce collectif budgétaire qui visent à lutter contre la fraude fiscale, et singulièrement la procédure d’audition prévue à l’article 16.
L’aspiration à réduire la part des recettes fiscales et sociales qui est soustraite au budget de l’État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, nous la partageons ; cette réduction est indispensable à la bonne relation de nos concitoyens avec l’impôt, ce « mal nécessaire au plein exercice de la démocratie » ; elle est décisive si nous voulons nous donner les outils d’une véritable réforme fiscale.
Nous sommes, je l’avoue, beaucoup plus réservés sur la collection assez étonnante de taxes nouvelles contenue dans ce collectif budgétaire.
L’examen des premiers articles est l’occasion de rappeler que l’un des travers des produits fiscaux dédiés, c’est qu’ils sont assez souvent « mal calibrés », engendrant soit des ressources insuffisantes, soit des fonds de roulement importants, qui deviennent autant de tentations pour une direction du budget à la recherche de recettes permettant de boucher quelques trous ici et là. Les spectateurs de nos salles de cinéma savent-ils qu’une partie du prix de leur billet solde, tant bien que mal, les comptes de l’État chaque année ?
Nous sommes farouchement partisans d’une fiscalité juste, et donc assez peu enclins à accepter des taxes qui, le plus souvent, sont une déclinaison de la taxe sur la valeur ajoutée, de ses principes, de son mode de perception et de recouvrement.
Selon nous, il est temps que nous cessions de faire de la fiscalité l’alpha et l’oméga des solutions à tous les problèmes.
Les enjeux fondamentaux de la transition énergétique, dont l’importance dans le débat public ira croissante dans les années à venir, appellent d’autres solutions qu’un simple relèvement permanent de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, ou de la contribution climat-énergie, celles-ci étant détournées de leur objet pour se substituer, de fait, à d’autres prélèvements existants.
Il faudra bien que nous empruntions la voie, en matière de transition énergétique, d’un financement à contraintes allégées de tout investissement, des entreprises comme des particuliers, ce qui permettra également de faciliter la réduction de la pollution à la source.
Ce sont là quelques points qu’il nous paraissait utile de rappeler à l’occasion de ce collectif budgétaire, dont je crains, eu égard aux choix opérés en matière de dépenses publiques, que nous ne puissions le soutenir tout à fait.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé, ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 s’inscrit dans la droite ligne de la politique menée depuis 2012. Nous n’avons pas approuvé ces choix initiaux, chacun le sait ; c’est donc en toute logique que nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la discussion sans examen du projet de loi de finances pour 2017, nous abordons le projet de loi de finances rectificative pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier.
Devenu un marronnier législatif de fin d’année, ce texte, qui comporte des mesures fiscales nombreuses et diverses, tend donc à prolonger la loi de finances initiale.
Il y est procédé à des ajustements, afin de tenir compte des évolutions imprévues du contexte économique. Ainsi, Bercy a baissé de 0,1 point sa prévision de croissance pour 2016, passée de 1,5 % à 1,4 %. En effet, la croissance a été quasi nulle au troisième trimestre. Cette légère contre-performance s’explique notamment par les pertes de récoltes dues aux intempéries et par la baisse du tourisme, liée au contexte difficile des risques d’attentats.
Le Gouvernement a également modifié ses prévisions de solde structurel et de solde conjoncturel : la prévision passe, pour l’un, de 1,2 % à 1,5 %, soit une augmentation de 0,3 point, et, pour l’autre, de 1,9 % à 1,7 %, soit une diminution de 0,2 point. Comment expliquez-vous, monsieur le secrétaire d’État, cette augmentation du déficit structurel prévisionnel ? La logique de ces variations n’est pas intuitive, tout comme ne l’est pas la distinction entre les deux soldes, instituée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit « Pacte de stabilité européen ». Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce sujet ?
Le déficit public, qui s’établirait à 69,9 milliards d’euros, est en amélioration par rapport au solde de 2015, qui s’élevait à 70,5 milliards d’euros. Surtout, il diminue de 2,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances. Il est vrai que les prévisions initiales, prudentes, contribuent à cet assez bon résultat.
Pour la cinquième année consécutive, les dépenses sont maîtrisées. Toutefois, ce freinage de la dépense n’a pas que des avantages. Si nous en comprenons la nécessité, au regard d’une saine gestion et de nos engagements européens et internationaux, l’effort semble mal réparti entre les différentes entités publiques, notamment entre l’État et les collectivités. Ces dernières, en particulier les départements, continuent de pâtir de la baisse drastique des dotations, baisse euphémisée sous le vocable de « contribution au redressement des finances publiques ». Cette année encore, la baisse de la dotation globale de fonctionnement – DGF – s’élève à 3,7 milliards d’euros, ce qui représente une diminution de plus de 10 %. Il n’est pas certain que le geste du Gouvernement pour l’an prochain, avec une réduction de la baisse, suffise à faire oublier les années de vaches maigres.
À périmètre constant, la baisse des dépenses atteint environ 6 milliards d’euros depuis 2012. C’est un résultat solide, même si l’on reste loin des 50 milliards d’euros d’économies annoncées sous cette législature.
La réduction des dépenses au cours du quinquennat a été grandement facilitée par des taux d’intérêt toujours très bas – mais ils ne le resteront pas éternellement –, ce qui s’est traduit pas une baisse très substantielle du service de la dette, dont la part dans le budget est repassée derrière celles de l’éducation nationale et de la défense.
Toutefois, ces aspects plutôt positifs ne doivent pas nous faire oublier les fortes incertitudes qui persistent, et la stagnation dans de nombreux domaines. Ainsi, la prévision d’inflation demeure très basse, à 0,2 %, c’est-à-dire en baisse par rapport à 2015 et très en deçà de la cible de 2 % fixée par la Banque centrale européenne. Cette situation de quasi-déflation décourage durablement l’investissement, déprime la consommation et empêche la résorption naturelle des dettes.
Un second bémol : le PLFR prévoit une baisse des recettes de 1,7 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale. Cette baisse est à attribuer en partie à l’allégement de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 2,5 milliards d’euros, destiné à relancer la compétitivité et l’attractivité.
J’en viens maintenant au contenu détaillé du PLFR. De 44 articles dans la version initiale, le projet de loi est passé à 117 articles après le passage par l’Assemblée nationale. Au vu des très nombreuses mesures de nature fiscale, je constate qu’il s’agit toujours, à proprement parler, d’un « collectif fiscal », plutôt que d’un collectif budgétaire.
Quoi qu’il en soit, je salue les mesures relatives à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui viennent compléter les mesures déjà adoptées dans la loi de finances initiale et dans la loi Sapin II. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, j’ai à chaque occasion, dans cet hémicycle, apporté mon soutien à votre action en la matière, alors que les sources les mieux informées estiment le manque à gagner dû à l’évasion fiscale à plusieurs milliards d’euros par an, chiffre proche du montant du déficit.
En l’occurrence, ce PLFR donne aux administrations des outils juridiques plus efficaces et améliore les droits des contribuables. En outre, il clarifie le droit en vigueur en matière d’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et aggrave les pénalités pour dissimulation de compte à l’étranger.
Je salue également les ouvertures de crédits dans des domaines prioritaires comme les dispositifs de solidarité nationale, les dépenses de personnel dans l’éducation nationale et les opérations de défense à l’extérieur et à l’intérieur du territoire, ainsi que dans l’agriculture.
Du côté des mesures fiscales en faveur des entreprises, la création du « compte PME innovation » encouragera les entrepreneurs à réinvestir le produit de la vente de titres de sociétés dans les jeunes PME et les entreprises innovantes.
À cause du rejet préalable du projet de loi de finances, nous n’avons pu présenter nos amendements. Nous profiterons donc de l’examen de ce PLFR pour défendre certains d’entre eux, en espérant qu’ils connaîtront une issue favorable.
Ils portent sur des matières variées : l’achat de vendanges par les viticulteurs, l’élargissement du bénéfice du micro-BA, ou micro-bénéfice agricole, aux exploitations agricoles à associé unique, la simplification du crédit d’impôt sur les services à la personne, la défense et la promotion de l’hyper-ruralité – ces derniers amendements sont dus à notre collègue Alain Bertrand –, ou encore l’encouragement au développement des énergies renouvelables.
En dépit de certains points de désaccord, nous approuvons dans ses grandes lignes la politique économique du Gouvernement et ce collectif budgétaire. Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et par les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue des débats. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)