compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

Mme Corinne Bouchoux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un sénateur

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est avec une profonde tristesse que j’ai appris ce matin le décès de notre collègue Michel Houel, qui était sénateur de la Seine-et-Marne depuis 2004. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, se lèvent.)

Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d'ores et déjà à saluer sa mémoire.

Maire, de 1977 à 2015, de Condé-Sainte-Libiaire, puis de Crécy-la-Chapelle, Michel Houel a présidé pendant treize ans l’Union des maires de Seine-et-Marne, département qu’il connaissait mieux que personne et dont il aimait à rappeler qu’il représentait, en superficie, la moitié de la région d’Île-de-France. Il fut également conseiller général et vice-président du conseil général de la Seine-et-Marne.

Au sein de notre assemblée, Michel Houel était un membre très investi de la commission des affaires économiques. Il s’intéressa tout particulièrement à la situation des commerçants et artisans, rédigeant notamment un rapport sur l’impact de la TVA à taux réduit dans le secteur de la restauration. Il avait, voilà quelques mois, été rapporteur du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

Ceux qui l’ont bien connu se rappellent un homme toujours affable, chaleureux, ouvert au dialogue et humaniste. Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre compassion à sa famille et à ses proches, ainsi qu’au président et aux membres du groupe Les Républicains.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d'État, observent un moment de recueillement.)

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite vous informer que je prononcerai l’éloge funèbre de notre regretté collègue Paul Vergès le mardi 13 décembre, à quatorze heures trente.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2017
Question préalable (début)

Loi de finances pour 2017

Suite de la discussion et rejet d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport n° 140, avis nos 141, 142, 143, 144, 145, 146).

La discussion générale ayant été close à l’issue de la précédente séance, nous en sommes parvenus à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2017
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, d'une motion n°I-37.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,

Sur les grands équilibres du projet de loi de finances

Considérant que le projet de loi de finances pour 2017 ne répond pas aux exigences fondamentales de prudence des évaluations et de sincérité des comptes prévisionnels ;

Considérant, en effet, que le Gouvernement, en s’appuyant sur une prévision de croissance de 1,5 % pour 2017, ne tient pas compte, à l’inverse des organisations internationales et des économistes, du ralentissement de la croissance en 2016 et de la dégradation du contexte économique ;

Considérant que les effets favorables de la baisse du prix du pétrole et de l’évolution du taux de change commencent à se dissiper, que l’Union européenne connaît une montée des risques de nature politique en lien notamment avec la perspective de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) révise à la baisse ses perspectives de progression des échanges internationaux ;

Considérant que ces prévisions de croissance optimistes, selon les termes mêmes du Haut Conseil des finances publiques, couplées à une forte élasticité prévisionnelle des recettes fiscales à la croissance, conduisent à une surestimation des recettes publiques attendues pour 2017 ;

Considérant, par ailleurs, que nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées, du fait de sous-budgétisations, de la non-prise en compte des effets de la recapitalisation annoncée des entreprises publiques du secteur énergétique, d’une révision insuffisante du taux d’évolution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), et du caractère irréaliste des économies qui pourraient être dégagées l’an prochain de la prochaine convention d’assurance-chômage ;

Considérant que, du fait de cette surestimation des recettes et de cette sous-évaluation des dépenses, le déficit public serait plus dégradé en 2017 et ne s’élèverait pas à 2,7 % du produit intérieur brut, comme le prévoit le Gouvernement, mais pourrait atteindre 3,2 % du produit intérieur brut ;

Considérant que le Haut Conseil des finances publiques a lui-même jugé « improbables » les réductions des déficits prévues par le projet de loi de finances pour 2017 ;

Considérant que si la Commission européenne a récemment estimé qu’un déficit de 2,9 % du produit intérieur brut pouvait être atteint en 2017, elle a également confirmé que les hypothèses de croissance associées au présent projet de loi de finances étaient surestimées et prévu, à politique inchangée, une remontée du déficit à 3,1 % du produit intérieur brut dès 2018 ;

Sur la politique fiscale

Considérant que le programme de stabilité d’avril 2016 prévoyait une baisse de prélèvements obligatoires de 5,7 milliards d’euros, alors que le projet de loi de finances inscrit une hausse de 0,5 milliard d’euros qui conduira à une stagnation du taux de prélèvements obligatoires à 44,5 % du produit intérieur brut en 2017 contre 43,8 % du produit intérieur brut en 2012 ;

Considérant que le Gouvernement renonce aux engagements pris en faveur des entreprises dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, en abandonnant la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et en reportant la première réduction du taux légal de l’impôt sur les sociétés, alors que les entreprises seront de nouveau sollicitées en 2017 pour le versement d’acomptes afin de gonfler artificiellement les recettes de l’État ;

Considérant que la nouvelle réduction d’impôt sur le revenu, à l’approche des prochaines échéances électorales, vient encore complexifier l’impôt et brouiller la lisibilité du barème dans une vaine tentative d’annuler les effets de la politique fiscale menée depuis le début du quinquennat au détriment des actifs et des ménages qui ont vu leurs prélèvements augmenter de plus de 17 milliards d'euros du fait des mesures nouvelles prises depuis mai 2012 ;

Considérant que s’y ajoute une réforme des modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu sous forme de prélèvement à la source qui, menée en fin de quinquennat, conduira à un choc de complexité au détriment des entreprises et des contribuables alors que des prélèvements mensuels et contemporains par l’administration fiscale auraient pu aboutir à un résultat plus simple et plus performant ;

Considérant que l’Assemblée nationale a adopté des mesures supplémentaires nuisant à la compétitivité de notre économie en modifiant le régime fiscal et social des actions gratuites à peine un an après sa mise en œuvre et en renforçant la taxe sur les transactions financières au moment même où la place de Paris cherche à attirer les investisseurs après le choix par référendum d'un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

Considérant que ce coup d’arrêt à la baisse des prélèvements obligatoires a pour seul objet de relâcher les efforts sur les dépenses, alors que la France affiche déjà l’un des ratios de dépenses publiques par rapport à la richesse nationale parmi les plus élevés de la zone euro ;

Sur les dépenses de l’État

Considérant que le Gouvernement renonce à toute maîtrise de la dépense publique dès 2017 en dépassant de 9,1 milliards d’euros le plafond de dépenses prescrit en loi de programmation des finances publiques ;

Considérant que les seules économies annoncées sont de constatation et ne dépendent aucunement de ses choix budgétaires, comme la révision à la baisse de la charge de la dette de 7,7 milliards d’euros et du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne de 2,4 milliards d’euros ;

Considérant que plus de 40 % de la hausse des dépenses de l’État est portée par la masse salariale, celle-ci augmentant de près de 4 % et qu’il faut remonter quinze années en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de personnel ;

Considérant que cette augmentation annule presque l’intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans et entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017 ;

Considérant que le plan de lutte contre le terrorisme et l’actualisation de la loi de programmation militaire n’expliquent qu’une faible part de cette évolution, celle-ci provenant essentiellement des recrutements dans d’autres ministères prioritaires, du dégel du point d’indice et des mesures catégorielles, dont la mise en œuvre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations ;

Considérant que le Gouvernement a, a contrario, choisi de n’actionner aucun des leviers d’une maîtrise de la masse salariale de l’État comme la redéfinition de ses missions, le développement de la mobilité et l’augmentation de la durée du travail, afin de réaliser des économies pérennes ;

Considérant enfin que le solde budgétaire se trouve artificiellement amélioré de 4 milliards d’euros en 2017 du fait du reversement de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) ;

Sur les finances locales

Considérant que les collectivités territoriales verront leurs dotations encore amputées de 2,4 milliards d’euros pour 2017 alors que, dans le même temps, l’État augmentera significativement ses dépenses ;

Considérant que, sur l’ensemble du quinquennat, les crédits des ministères auront connu une hausse de 5 %, tandis que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales auront baissé de 20 % ;

Considérant que la question de la viabilité financière des départements n’est pas réglée face à l’explosion du coût des allocations individuelles de solidarité et que les régions ne bénéficieront qu’à compter de 2018 d’une part de TVA pour financer leurs nouvelles compétences ;

Considérant que l’État, par ses décisions, met à la charge des collectivités territoriales des dépenses contraintes, notamment en matière de fonction publique, pour un coût net total de plus de 900 millions d’euros en 2017 ;

Considérant que, le rythme de baisse des dotations étant insoutenable, le Gouvernement est contraint de renforcer les dotations de péréquation financées notamment par le biais de la minoration des variables d’ajustement, système à bout de souffle qui devrait être réformé ;

Sur les exercices budgétaires futurs

Considérant que le présent projet de loi de finances comprend des engagements qui pèseront lourdement sur les exercices postérieurs à 2017 avec des mesures fiscales qui contribueront à dégrader de près de 8 milliards d’euros le solde public dès 2018 ;

Considérant que la hausse du taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), la création d’un crédit d’impôt en faveur des associations et l’extension du crédit d’impôt pour les services à la personne sont autant de mesures qui ne font l’objet d’aucune contrepartie en termes de réduction de la dépense publique ;

Considérant que le Gouvernement ajoute a contrario des dépenses nouvelles, dont le financement du programme d’investissements d’avenir, du programme de rénovation urbaine et du plan de construction d’établissements pénitentiaires, conduisant à 25 milliards d’euros de charges supplémentaires d’ici à 2021 alors que ces engagements ne s’accompagnent de presque aucun crédit de paiement pour 2017 ;

Considérant qu’ainsi le projet de loi de finances préempte les résultats des élections à venir en soumettant à l'approbation du Parlement un budget qui pèsera lourdement sur les exercices budgétaires futurs ;

En conclusion

Considérant que le Sénat ne peut débattre d’un projet de loi de finances qui s’apparente à un budget de campagne, contraire au principe d'annualité budgétaire et qui obère les marges de manœuvre de la prochaine majorité gouvernementale ;

Considérant que le cadre fixé par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances ne permet pas au Sénat, par voie d’amendement, de remédier aux défaillances structurelles du présent projet de loi de finances ;

Le Sénat s’oppose à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la conférence des présidents a décidé d’attribuer, pour les explications de vote sur la motion, un temps de sept minutes par groupe, à raison d’un orateur par groupe, et de trois minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, pour la motion.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, au terme de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2017, nous en venons aux conclusions.

Comme M. le président du Sénat vient de le rappeler, la commission des finances a adopté une motion tendant à opposer la question préalable, en application de l’article 44, alinéa 3, de notre règlement. Il s’agit, pour reprendre les termes de cet article, de signifier que le Sénat « s’oppose à l’ensemble du texte » qui nous est soumis.

Depuis le début de nos travaux, j’ai entendu, de la part notamment de M. le secrétaire d'État, mais également de certains orateurs, qui, d'ailleurs, ne se sont pas présentés aujourd'hui, que le Sénat refuserait de faire son travail, que rejeter le texte signifierait qu’il n’y aurait pas d’examen, dans notre assemblée, du budget de la France ou encore que nous n’assumerions pas nos responsabilités.

S’opposer au budget pour 2017, tel qu’il nous est présenté par le Gouvernement, c’est précisément prendre toutes nos responsabilités.

Je ne reviendrai pas sur les arguments que vous trouverez dans le texte de la motion, je les ai déjà développés devant vous ; ils concernent l’imprudence des estimations de recettes, les sous-budgétisations de dépenses et la surévaluation de certaines économies, dont certaines sont, d'ailleurs, jugées irréalistes par le Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci vient encore de confirmer son analyse lors de l’examen du collectif budgétaire pour 2016. Nous ne croyons pas au retour à un déficit de 2,7 % du produit intérieur brut en 2017, compte tenu des impasses budgétaires de ce projet de loi de finances.

Nous proposons cependant de rejeter ce budget non pas seulement parce qu’il serait insincère, mais aussi parce qu’il traduit des orientations que nous désapprouvons.

Après un quinquennat sans modération fiscale, particulièrement pour les ménages et les familles, après une dernière mesure à visée électorale sur l’impôt sur le revenu, l’incidence budgétaire des baisses d’impôts promises pour les entreprises est reportée. Néanmoins, ces mêmes entreprises sont mises à contribution pour boucler l’année 2017 par de nombreux acomptes qui sont de purs artifices comptables. L’attractivité de la France, notamment de la place de Paris, est mise à mal par la nouvelle taxe sur les transactions financières journalières. Et l’on pourrait multiplier les exemples.

Du côté des dépenses, le présent projet de loi de finances fait s’envoler la masse salariale de l’État, avec une hausse de 4 % des crédits de personnel, qui annihile tous les efforts réalisés jusqu’à présent, notamment par la précédente majorité. La hausse du point d’indice de la fonction publique qui a été décidée en mars 2016 et les mesures catégorielles, par exemple pour le personnel enseignant, ne se sont accompagnées d’aucune décision de nature à réduire les effectifs de la fonction publique. Les collectivités territoriales, qui voient leurs dotations se réduire toujours davantage, supporteront quant à elles 700 millions d’euros de dépenses supplémentaires dans la fonction publique l’année prochaine.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que nous ne proposions rien. Pourtant, depuis 2014, le Sénat a fait nombre de propositions concrètes. Auparavant, sous une précédente majorité, le Sénat avait, par deux fois, rejeté le projet de loi de finances et remis une « copie blanche ». Nous avons, l’année dernière et la précédente, formulé nombre de propositions, et vous le savez parfaitement.

En matière fiscale, par exemple, nous avons, l’an passé, adopté des amendements pour relever le plafond du quotient familial, réduire l’imposition des classes moyennes, aider nos agriculteurs ou encore nos entreprises, avec la prolongation du suramortissement Macron. Nous avons également réduit, à hauteur de 1,6 milliard d’euros, la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pour les collectivités locales. Le Gouvernement a rejeté toutes ces initiatives, dont le coût s’élevait à 5 milliards d’euros.

Et encore avions-nous, contrairement à ce que propose le Gouvernement dans ce projet de budget, parfaitement gagé ces baisses d’impôts par une réduction correspondante de la dépense… Nos amendements de crédits visaient ainsi à augmenter la durée du temps de travail dans la fonction publique, à rétablir des jours de carence, à réduire le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand, de manière que les économies atteignent 5 milliards d’euros.

Qu’en était-il resté après examen par l’Assemblée nationale ? Rien !

Aujourd’hui, le Gouvernement affirme que le budget que nous avions voté l’année dernière était un peu bancal et sans doute inconstitutionnel ; effectivement, nous avions dû rejeter les crédits de certaines missions, comme nous l’avons d'ailleurs fait cette année en commission.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous confirmez ainsi qu’une stratégie budgétaire ne peut s’inscrire que dans une politique publique conçue comme un ensemble et que le cadre fixé par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances permet aux parlementaires non pas de présenter un réel contre-budget d’ensemble, mais tout au plus de procéder à des ajustements. Or nous ne voulons pas nous contenter d’ajustements qui marqueraient un quelconque assentiment aux choix budgétaires du Gouvernement et donc à un budget dont la sincérité est plus que contestable.

Évidemment, cette année, le Sénat n’apportera pas d’améliorations à la qualité de la législation, comme il s’attache traditionnellement le faire. Mais, pour paraphraser le président de la commission des lois, nous ne sommes pas le Conseil d’État. Nous sommes une assemblée parlementaire, qui exprime des choix politiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Nous n’avons pas plus pour vocation d’arbitrer entre les positions divergentes du Gouvernement et de sa majorité parlementaire, concernant, par exemple, la fiscalité des actions gratuites ou la taxe sur les transactions financières. La question préalable traduit clairement le rejet de ces mesures, et nos collègues députés sauront le noter.

Nous rejetons aussi, monsieur le secrétaire d'État, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : nous ne souhaitons pas y apporter des corrections techniques, comme vous nous le suggériez hier encore. Nous voulons un autre système, qui ne pèse pas sur les entreprises, sous forme de prélèvement mensuel contemporain réalisé par l’administration fiscale.

En résumé, nous nous opposons à tant de dispositions du texte qui nous est présenté que le rejet d’ensemble traduit parfaitement notre position.

Enfin, et c’est peut-être là l’essentiel, le budget pour 2017 que vous nous présentez est un budget de campagne. Vous l’avez conçu ainsi et vous ne pouvez donc vous étonner qu’il ne reçoive pas notre approbation.

Alors que, l’année dernière, selon vos propres termes, « vous n’aviez pas les moyens », vous proposez dans ce budget des mesures en recettes dont le coût croîtra jusqu’à 12 milliards d’euros à l’horizon 2021 et des hausses de dépenses d’un montant équivalent… soit une impasse budgétaire de près de 25 milliards d’euros pour la prochaine majorité ! Autrement dit, vous proposez les baisses d’impôts et vous nous chargez de trouver leur financement.

M. Christian Cambon. C’est plus facile ainsi…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comprenez que le Sénat ne puisse se prêter à une telle opération.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les membres du groupe socialiste et républicain ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Je veux néanmoins, en conclusion, reprendre les motivations que l’une de ses représentantes, qui m’a précédé dans les fonctions de rapporteur général de la commission des finances, avait développées, au nom de la précédente majorité sénatoriale, aujourd'hui si prompte à dénoncer notre position, en opposant la question préalable au premier collectif budgétaire pour 2012. Ainsi, « il est malvenu de préempter les résultats des élections à venir », en proposant des mesures fiscales qui courent à l’horizon 2020. Comme elle, je constate aussi, même si je ne parle évidemment pas de la même politique fiscale, que « les ultimes et substantiels revirements opérés par le projet de loi en matière de prélèvements obligatoires parachèvent un quinquennat d’improvisation fiscale permanente et d’insécurité juridique et économique nuisible à la croissance ».

La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable qu’elle vous présente. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. Personne ne demande la parole contre la motion ?… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cela ne vous surprendra guère : le Gouvernement est évidemment défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.

Ses arguments se résument en trois phrases.

Premièrement, le passé éclaire l’avenir.

Deuxièmement, se contenter d’examiner n’est pas légiférer.

Troisièmement, être responsable, c’est être lisible.

M. Jean Bizet. Vous ne l’êtes pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout d’abord, le passé éclaire l’avenir.

De fait, c’est la troisième année consécutive que je représente le Gouvernement dans votre assemblée lors de la discussion des textes financiers, qu’il s’agisse des projets de loi de finances, des projets de loi de finances rectificative ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Chaque fois, j’ai entendu les mêmes arguments.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. « Vos recettes sont surévaluées ! »

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. « Vos dépenses sont sous-évaluées ! »

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais le juge de paix, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, ce ne sont pas les commentaires que suscitent les textes au moment de leur examen dans cet hémicycle ! Ce sont les lois de règlement.

Mme Isabelle Debré. C’est la Cour des comptes !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La Cour des comptes a certifié l’ensemble des comptes, aussi bien de l’État que de la sécurité sociale, ce qui n’était pas le cas auparavant !

Or que constatons-nous dans les lois de règlement ?

En 2014, le Gouvernement s’était engagé ici sur un déficit public de 4,4 % du PIB. La loi de règlement a finalement contesté un déficit de 4 %.

En 2015, nous avions annoncé un déficit public global de 3,8 % du PIB. Vous aviez estimé que ce n’était pas crédible. Pourtant, dans la loi de règlement, le déficit, certifié par la Cour des comptes, s’est élevé à 3,5 %.

En 2016, la loi de finances tablait sur un déficit de 3,3 %. Je peux vous dire, à un mois de la clôture de l’exercice, que, selon toute vraisemblance, l’objectif de 3,3 % sera atteint – le Haut Conseil des finances publiques, que vous invoquez à chaque occasion, n’a pas dit le contraire.

Pour 2017, vous affirmez que le déficit ne pourra s’établir en dessous de 3 % du PIB. La Commission européenne, qui vient d’examiner nos projets de texte, a estimé que l’objectif de 2,7 % était probablement ambitieux, à politique inchangée – à politique inchangée, j’y insiste, débat que nous avons tous les ans ! –, mais a chiffré notre déficit probable, en 2017 – encore une fois toutes choses égales par ailleurs –, à 2,9 % du PIB, soit en dessous de 3 %, comme le Gouvernement s’y est engagé.

Par ailleurs, examiner n’est pas légiférer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne conteste pas le travail du Sénat. Qui suis-je pour le juger ? Je n’en ai pas la capacité.

Vous avez, certes, examiné les choses, mais comme on regarde passer un défilé ! (Mêmes mouvements.) Vous avez signalé qu’il manquait un bouton ici ou là, que le pli de la chemise n’était pas au bon endroit, que la démarche n’était pas coordonnée… Ce travail que vous avez fait relève de la facilité. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre Constitution confie au Parlement et à lui seul le soin d’approuver les lois de finances, de fixer le montant des impôts, d’en déterminer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour l’écotaxe, vous n’y pensiez plus !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et, je le dis tranquillement, « dans les yeux »,…