M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me contenterai de faire une rapide synthèse, car l’essentiel a été dit. Dans les interventions précédentes, ont été exposées la philosophie et la stratégie qui sous-tendent cette proposition de résolution.
Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que les agriculteurs ultramarins pâtissent de politiques européennes très favorables aux pays tiers. Il suffit pour s’en convaincre de constater d’une part, la multiplication d’accords de libre-échange qui mettent en péril les grandes filières exportatrices et, d’autre part, le faible degré d’exigence des normes imposées aux produits agricoles importés depuis ces pays.
Pour rétablir une concurrence saine et loyale, le cadre normatif de commercialisation dans l’Union européenne doit être plus strict que le seul respect des limites maximales de résidus. C’est pourquoi nous demandons à la Commission européenne d’assurer la cohérence des normes de production et des normes de mise sur le marché pour résorber le handicap des RUP, tout en améliorant la protection du consommateur européen.
Il est en outre indispensable de développer l’information de ce dernier sur deux points : les conditions de travail dans les pays tiers et le différentiel de qualité environnementale entre leurs productions et celles des RUP.
Qui peut savoir que les bananes vendues comme biologiques en provenance de la République dominicaine sont traitées avec des substances qui sont interdites aux planteurs conventionnels des Antilles ? Pour l’instant, l’Union européenne accepte l’étiquetage biologique de productions agricoles importées de pays tiers qui ne respectent pas son propre cahier des charges défini par un règlement de 2007 sur l’agriculture biologique.
Pour assurer la transparence de l’information apportée aux consommateurs et rétablir l’équilibre entre les RUP et leurs concurrents, nous préconisons l’interdiction de l’étiquetage biologique pour les produits importés de pays tiers lorsque ne sont pas respectées les mêmes normes que celles qui sont appliquées aux producteurs biologiques européens.
Les producteurs ultramarins sont engagés dans une stratégie de montée en gamme et de certification. C’est à la fois une démarche ambitieuse et leur seule perspective de survie face à la concurrence de plus en plus féroce des pays à bas prix.
En particulier, les perspectives de développement du bio sont bridées par une réglementation européenne qui n’est pas adaptée au contexte tropical des RUP. C’est pourquoi, dans la refonte en cours du règlement de 2007, il faut prévoir un volet spécifique pour la culture biologique en milieu tropical. Cela offrirait l’opportunité d’assouplir le recours aux semences conventionnelles, d’autoriser la culture sur claies, de raccourcir le délai de conversion et de permettre le traitement post-récolte par des produits d’origine naturelle. D’ailleurs, ces produits sont utilisés dans l’agriculture traditionnelle et dans les jardins créoles. Leur fabrication et leur utilisation à plus grande échelle pourraient ouvrir de nouvelles perspectives de développement industriel en matière de chimie verte dans nos territoires.
Nous préconisons plus spécifiquement d’autoriser la certification de l’agriculture biologique par un système participatif de garantie, comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ce qui rendra facultatif le recours à un organisme certificateur pour les exploitants des RUP et allégera les coûts et les délais. Aujourd’hui, en effet, ces organismes payants ne sont pas présents dans les territoires ultramarins, ce qui renchérit et rallonge les procédures, et finalement décourage les agriculteurs ultramarins.
La proposition de résolution européenne que nous soumettons aujourd’hui à l’approbation du Sénat répond à un véritable projet politique : nous devons arrêter de penser seulement les outre-mer au travers du prisme des fonds structurels. Il faut dépasser la logique des subventions et compensations pour pousser le développement endogène de nos territoires. Sans une acclimatation des normes européennes, nous n’y parviendrons pas !
Madame la ministre, lorsque nous avons présenté cette proposition de résolution devant la délégation, nous avions conclu en soulignant la nécessité d’avoir un accompagnement fort et une politique engagée du Gouvernement. À vous entendre, j’ai compris que vous étiez une combattante, décidée à faire de l’agriculture des RUP un élément de développement à la hauteur des problèmes que rencontrent aujourd’hui les outre-mer. Continuez cette politique ; avec nous à vos côtés, le combat devrait pouvoir être gagné ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution européenne
Le Sénat
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 206, 207 et 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (grande chambre) du 15 décembre 2016 – Parlement européen et Commission européenne contre Conseil de l’Union européenne, soutenu par le Royaume d’Espagne, la République française et la République portugaise (Affaires jointes C-132/14 à C-136/14),
Vu le règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 396/2005 du 23 février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil,
Vu le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,
Vu le règlement (CE) n° 669/2009 du 24 juillet 2009 de la Commission portant modalités d’exécution du règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles officiels renforcés à l’importation de certains aliments pour animaux et certaines denrées alimentaires d’origine non animale et modifiant la décision 2006/504/CE,
Vu le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil,
Vu le règlement (UE) n° 283/2013 de la Commission du 1er mars 2013 établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, présentée le 24 mars 2014,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 19/2013 portant mise en œuvre de la clause de sauvegarde bilatérale et du mécanisme de stabilisation pour les bananes prévus par l’accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part, et le règlement (UE) n° 20/2013 portant mise en œuvre de la clause de sauvegarde bilatérale et du mécanisme de stabilisation pour les bananes prévus par l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, présentée le 26 mai 2015,
Vu le projet de rapport n° 2015/0112(COD) du 18 juillet 2016 de Mme Marielle de Sarnez au nom de la Commission du commerce international du Parlement européen sur la proposition de règlement précédente,
Vu la communication « Les régions ultrapériphériques de l’Union européenne : vers un partenariat pour une croissance intelligente, durable et inclusive » présentée par la Commission européenne le 20 juin 2012,
Vu le document d’orientation du 4 mars 2016 destiné à harmoniser les études de dissipation des pesticides chimiques en milieu terrestre au champ, mis au point par l’Agence européenne de sécurité des aliments, par l’Agence américaine de protection de l’environnement et par l’Agence Santé Canada,
Vu la réponse du 23 février 2015 apportée par M. Phil Hogan au nom de la Commission européenne à la question écrite E-011032-14 du 18 décembre 2014 de M. Younous Omarjee, posée en application de l’article 130 du Règlement du Parlement européen, sur les conséquences de la suppression des quotas sucriers sur le marché du sucre de l’Union européenne,
Vu la réponse du 17 mai 2016 apportée par M. Vytenis Andrukaitis au nom de la Commission européenne à la question écrite E-001040-16 de Mme Mireille d’Ornano du 3 février 2016, posée en application de l’article 130 du Règlement du Parlement européen, sur la révision du règlement sur les pesticides de 2009,
Vu la réponse du 3 juin 2016 apportée par Mme Corina Creţu au nom de la Commission européenne à la question écrite E-003154-16 du 20 avril 2016 de Mme Cláudia Monteiro De Aguiar, MM. Gabriel Mato, Younous Omarjee, Louis-Joseph Manscour et Maurice Ponga, Mme Sofia Ribeiro, M. Ricardo Serrão Santos, Mme Liliana Rodrigues et M. Juan Fernando López Aguilar posée en application de l’article 130 du Règlement du Parlement européen, sur la fermeture de l’unité spéciale de la Commission pour les régions ultrapériphériques,
Vu la réponse du 23 juin 2016 apportée par M. Phil Hogan au nom de la Commission européenne à la question écrite P-003927-16 du 11 mai 2016 de M. Louis-Joseph Manscour, posée en application de l’article 130 du Règlement du Parlement européen, sur la filière canne-sucre des RUP face aux négociations commerciales,
Vu la résolution du Sénat n° 105 (2010-2011) du 3 mai 2011 tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne,
Vu la résolution du Sénat n° 68 (2015-2016) du 26 janvier 2016 relative aux effets des accords commerciaux conclus par l’Union européenne sur les économies sucrières et la filière de la canne des régions ultrapériphériques,
Considérant que les régions ultrapériphériques (RUP) constituent un atout pour l’Union européenne et qu’il est dans son intérêt de soutenir ces territoires « dans l’exploitation de toutes les possibilités de croissance intelligente, durable et inclusive sur la base de leurs atouts et de leur potentiel endogène », conformément aux orientations de la Commission européenne dans sa communication de 2012 exposant sa stratégie pluriannuelle pour les RUP,
Considérant que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) permet l’édiction de mesures spécifiques aux RUP afin de prendre en compte leurs contraintes propres, notamment « leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits »,
Considérant que les filières agricoles des RUP jouent un rôle économique et social vital dans ces territoires et constituent, au sein de leur environnement régional, des modèles porteurs des valeurs de l’Union européenne en matière sociale et environnementale,
Considérant que les normes et les procédures applicables à l’agriculture des RUP françaises en matière sanitaire et phytosanitaire trouvent leur origine pour l’essentiel dans des règlements européens d’application directe qui y imposent les mêmes dispositifs et les mêmes procédures qu’en Europe continentale, sans aucune prise en compte des caractéristiques de l’agriculture en contexte tropical,
Considérant que l’application uniforme de la réglementation conçue pour des latitudes tempérées, sans forte pression de maladies et de ravageurs, conduit à une impasse qui menace directement la survie des filières agricoles des RUP,
Considérant que les filières agricoles ultramarines souffrent de la prégnance des usages phytosanitaires orphelins, de la fragilité de la couverture phytopharmaceutique menacée par des retraits soudains d’homologation de substances actives, de l’absence de réponse contre des ravageurs dévastateurs comme la fourmi manioc, d’un encadrement inadapté des conditions d’utilisation des produits phytosanitaires en climat tropical et de dérogations difficiles à mettre en œuvre,
Considérant que les agriculteurs des RUP subissent de surcroît les effets d’une politique commerciale de l’Union européenne très favorable aux pays tiers, tant en termes de conclusion d’accords de libre-échange qui mettent en péril les grandes filières exportatrices comme la banane, le sucre et le rhum, qu’au regard du faible degré d’exigence des normes alimentaires imposées aux denrées importées depuis ces pays,
Considérant que, face à la concurrence des pays tiers dont la compétitivité-coût est insurpassable, du fait de niveaux de salaire et de conditions de travail nettement moins élevés et onéreux que dans les RUP, la préservation des barrières tarifaires et non-tarifaires est indispensable pour protéger les marchés des RUP,
Considérant que les clauses de sauvegarde et les mécanismes de stabilisation inscrits dans les accords de libre-échange ont fait la preuve qu’ils étaient actuellement inopérants, en particulier lors de l’application des accords sur la banane avec la Colombie et le Pérou et avec les pays d’Amérique Centrale, dans la mesure où la Commission européenne a décidé de ne pas déclencher ces dispositifs malgré des dépassements répétés des quotas d’importation,
Considérant que l’adhésion de l’Équateur à l’accord avec la Colombie et le Pérou ne peut manquer de porter préjudice aux producteurs de banane des RUP, alors que l’Équateur est déjà le premier exportateur de bananes vers l’Union européenne et qu’il bénéficiera désormais du même démantèlement tarifaire massif qui a déjà permis au Pérou de tripler ses exportations,
Considérant que les outre-mer doivent tenter de résister sur leurs marchés traditionnels à l’export, comme sur leurs marchés locaux, en endossant un handicap normatif dont l’Union européenne exonère les pays tiers,
Considérant que les denrées des pays tiers, dès lors qu’elles respectent les limites maximales de résidus (LMR) de pesticides, même si elles ont été traitées par des substances interdites pour les producteurs de l’Union européenne, sont acceptées sur les marchés européens, où elles concurrencent sévèrement les productions des RUP,
Considérant que, pour rétablir une concurrence saine et loyale, les normes de commercialisation dans l’Union européenne doivent exiger des conditions de production excédant le seul respect des LMR,
Considérant que les contrôles des importations de denrées alimentaires dans les RUP, même selon les modalités renforcées prévues par les règlements européens, sont insuffisants et régulièrement contournés, ce qui aboutit à la commercialisation frauduleuse de produits ne respectant pas les LMR sur les marchés ultramarins,
Considérant que les producteurs ultramarins sont engagés dans une stratégie de montée en gamme et de certification qui ne pourra porter ses fruits tant que certaines productions des pays tiers bénéficient parallèlement de labels de qualité européens sans pour autant respecter pleinement les exigences communautaires,
Considérant que les perspectives de développement de la production biologique, qui constitue une voie d’avenir possible pour les agricultures ultramarines, sont bridées par une réglementation européenne défavorable et par le cumul des normes sur l’agriculture biologique et sur les produits phytosanitaires, qui avantage à nouveau les pays tiers par rapport aux RUP,
Considérant que la réglementation européenne sur l’agriculture biologique n’a jamais été élaborée en tenant compte du contexte tropical des RUP, alors que leurs concurrents comme la République dominicaine et le Brésil ont défini des règles d’agriculture biologique adaptées au climat tropical et que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, grâce à leur statut d’autonomie, ont su également élaborer une norme d’agriculture biologique en harmonie avec leur environnement régional océanien,
Considérant que certaines productions biologiques des pays tiers, moins vertueuses du point de vue environnemental et de la santé des agriculteurs que leurs homologues conventionnelles des RUP, envahissent le marché européen en profitant d’un étiquetage biologique qui entretient une confusion trompeuse pour le consommateur européen,
Estime nécessaire de garantir la cohérence des politiques agricole, sanitaire et commerciale de l’Union européenne, conformément à l’article 207 du TFUE, aux termes duquel « il appartient au Conseil et à la Commission de veiller à ce que les accords négociés soient compatibles avec les politiques et règles internes de l’Union »,
Invite la Commission européenne à acclimater les normes européennes réglementant l’agriculture et l’élevage aux contraintes propres des RUP en tenant compte des spécificités des productions en milieu tropical,
Préconise de procéder à la révision du règlement sur les pesticides de 2009 pour dispenser d’homologation les phéromones et les extraits végétaux, et en général tous les moyens de lutte biologique, développés et validés par les instituts de recherche implantés dans les RUP, afin de doter les agriculteurs de moyens de protection contre les ravageurs, efficaces et conformes à la mutation agroécologique,
Recommande à la Commission européenne d’établir une liste positive de pays dont les procédures d’homologation de produits phytopharmaceutiques sont équivalentes à celles de l’Union européenne afin de permettre aux autorités françaises d’autoriser directement un produit homologué dans un des pays de la liste pour la même culture et le même usage,
Propose d’autoriser pour les RUP, à titre dérogatoire, la culture locale de variétés végétales résistantes aux ravageurs tropicaux mais non-inscrites au catalogue européen des variétés,
Demande à l’Agence européenne de sécurité des aliments de compléter les référentiels pédoclimatiques et d’habitudes alimentaires qu’elle utilise afin de prendre en compte les caractéristiques propres des RUP au moment de l’évaluation des risques,
Recommande, à l’occasion de la refonte du règlement sur la production biologique de 2007, de prévoir un volet spécifique pour la culture biologique en milieu tropical afin d’assouplir le recours aux semences conventionnelles, d’autoriser la culture sur claies, de raccourcir le délai de conversion et de permettre le traitement post-récolte par des produits d’origine naturelle,
Préconise d’autoriser la certification de l’agriculture biologique par un système participatif de garantie (SPG), comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en rendant facultatif le recours à un organisme certificateur pour les exploitations implantées dans les RUP,
Invite la Commission européenne à assurer la cohérence des normes de production et des normes de mise sur le marché pour résorber le handicap normatif des RUP tout en veillant à la protection du consommateur européen,
Demande à la Commission européenne de supprimer les tolérances à l’importation pour les denrées traitées par une substance active interdite dans l’Union européenne,
Recommande à la Commission européenne d’établir une liste noire pour interdire les importations de produits de la pêche et de légumes-racines depuis les pays qui ont traité massivement par le passé leur production avec des substances polluantes rémanentes dans le sol et l’eau,
Préconise l’interdiction de l’étiquetage biologique pour les produits importés de pays tiers lorsqu’ils ne respectent pas les mêmes normes que les producteurs biologiques européens,
Demande à la Commission européenne d’activer les mécanismes de stabilisation inscrits dans les accords commerciaux et, ainsi, de suspendre les droits préférentiels octroyés aux pays tiers, dès que les importations en provenance de ces derniers dépassent les seuils de déclenchement fixés dans l’accord,
Incite la Commission européenne à prolonger au-delà de 2019 les mécanismes de stabilisation prévus dans les accords sur la banane avec les pays d’Amérique latine afin d’assurer aux producteurs ultramarins une visibilité et une protection pérenne,
Souhaite la création d’observatoires des prix et des revenus pour les grandes filières exportatrices des RUP, la banane et la canne, afin de disposer de mesures fiables, publiques et transparentes des effets des importations en provenance des pays tiers avec la périodicité pertinente et ainsi d’alerter rapidement la Commission européenne et les États membres en cas de perturbation grave du marché européen et des marchés locaux, pour déclencher sans délai les clauses de sauvegarde et les mécanismes de stabilisation,
Appelle la Commission européenne à évaluer systématiquement les effets sur les RUP des accords commerciaux qu’il lui revient de négocier en menant des études d’impact préalables et recommande au Gouvernement d’exercer la plus grande vigilance sur la définition du mandat de négociation et sur le suivi de l’application des accords commerciaux, dont les Parlements nationaux doivent être tenus précisément informés,
Juge nécessaire de développer l’information du consommateur sur les conditions de travail pour les producteurs des pays tiers et sur le différentiel de qualité environnementale avec les RUP.
M. le président. Sur le texte de la commission, je n’ai été saisi d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Je tiens à féliciter tout d’abord les auteurs de la proposition de résolution européenne et les rapporteurs pour la qualité de leur travail sur cette question, eux qui ont ciblé les lacunes de la politique européenne vis-à-vis de nos territoires et l’incompréhension des États membres face à nos spécificités.
Je rappelle par ailleurs que le Conseil économique, social et environnemental, en 2014, plaidait déjà pour une « Europe ultramarine » au travers d’une résolution qui n’a malheureusement pas trouvé écho auprès de nos partenaires, alors même qu’elle comportait des dispositions à caractère programmatique qui me semblent aller dans le bon sens, puisqu’elle portait sur des enjeux déterminants pour l’avenir du secteur agricole dans chacune des collectivités ultramarines.
Aujourd’hui, la situation est identique, alors que l’outre-mer présente un terrain exceptionnel de dynamisme agricole, en raison des atouts et des avantages comparatifs naturels propres aux collectivités ultramarines. Nos collectivités connaissent également des difficultés structurelles importantes, qui appellent encore et toujours une action déterminée de la part des pouvoirs publics. Or les différents instruments financiers européens dédiés aux outre-mer ne permettent pas aux territoires ultramarins de s’inscrire véritablement dans les objectifs que s’est fixés l’Union européenne dans le cadre de la stratégie UE 2020.
J’ajoute que la politique européenne menée actuellement va à l’encontre de nos intérêts, puisque nous subissons de plein fouet une absence d’harmonisation des normes européennes applicables aux produits et services entre les RUP et les pays tiers situés dans leur environnement géographique. Cela crée de facto des distorsions importantes de concurrence qui se font croissantes dans le cadre d’accords commerciaux mis en œuvre par l’Union.
Je vise en l’occurrence les conséquences désastreuses des accords de libre-échange signés entre l’Union européenne et des pays tiers, tels que le Vietnam, qui se serait vu accorder un contingent de 20 000 tonnes de sucre, alors même que la filière canne-sucre-rhum-bagasse est un pilier fondamental de la vie économique de nos départements d’outre-mer.
Ainsi, les accords bilatéraux à venir, qui tendent à abaisser les barrières douanières pour le sucre, sont une menace très sérieuse pour nos planteurs, qui doivent respecter des normes environnementales et sociales beaucoup plus strictes que celles de leurs concurrents.
De la même manière, je me suis opposé à un amendement dans cette enceinte, la semaine dernière, relatif à une surtaxation des rhums ultramarins et j’évoquai les difficultés rencontrées par nos producteurs soumis à un quota de 120 000 hectolitres d’alcool pur depuis 2011, que la Commission européenne refuse de rehausser de 20 % malgré les requêtes déposées. Cela conduira à terme le circuit de la grande distribution, qui est le circuit principal de vente du rhum des DOM, à se tourner vers les rhums des pays tiers pour répondre à la hausse de la demande du marché.
Ces deux exemples constituent un tout petit aperçu de l’énorme fossé qui existe entre la réalité de nos territoires, au travers de la survivance de nos productions agricoles, et la perception qu’a l’Union européenne des marchés sur lesquels elle dicte ses règles.
C’est pourquoi je voterai cette proposition de résolution, qui constituera – je l’espère ! – les prémices d’une nouvelle politique européenne plus à l’écoute de nos véritables besoins.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Je tiens à remercier mes collègues à l’origine de cette proposition de résolution européenne sur l’inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques. Ce texte, de grande qualité, dresse un bilan juste quant à la situation de l’agriculture des régions ultrapériphériques et en tire les conclusions notamment en termes de réglementations phytosanitaires.
Ces conclusions rejoignent celles du rapport d’information que Jérôme Bignon et moi-même avons eu l’honneur de rédiger sur les solutions territoriales en outre-mer au changement climatique. Nous avions présenté six thématiques majeures, notamment la définition de modèles agricoles robustes et résilients.
Au lendemain de la COP 22, qui se veut la conférence de l’action, nous devons donner toute la visibilité nécessaire aux capacités d’innovation de nos territoires. Certains d’entre eux, qui se caractérisent par leur nature archipélagique, à l’image de la Guadeloupe, sont aux avant-postes de la vulnérabilité climatique. Ils sont également à l’avant-garde, en particulier en matière de définition de stratégies d’adaptation et de conception de projets innovants en favorisant le développement local, pour tendre vers l’autosuffisance alimentaire en 2050.
De nombreuses initiatives ont vu le jour, s’inscrivant dans un mouvement structurel de transformation des modèles de production et de consommation.
S’agissant des questions relatives à l’amélioration de l’étiquetage et à l’information du consommateur, deux exemples montrent que le consommateur est parfois induit en erreur par la labellisation ou l’étiquetage. Ainsi, 80 % de la banane bio écoulée en Europe provient de la République dominicaine ; elle bénéficie d’une aura positive grâce à ce label, alors qu’elle est traitée avec du Banole, qu’elle est donc moins respectueuse de l’environnement et soumise à davantage de traitements que la banane conventionnelle des Antilles.
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer un seul exemple : celui du jardin créole. C’est un jardin de subsistance à partir duquel il est possible de tirer tous les aliments nécessaires à la vie humaine : glucides, lipides, protéines, vitamines et oligoéléments. Il permet de moins dépendre de l’élevage pour la production de protéines, ce qui signifie à la fois produire plus de protéines par surfaces mobilisées et consommer moins d’intrants.
C’est un paradoxe que 80 % de l’alimentation des Guadeloupéens, mais d’autres également, soit importée, alors qu’il existe une grande diversité de cultures qui peuvent s’épanouir sur le sol du territoire considéré. Si l’autosuffisance alimentaire et l’autarcie sont utopiques, il demeure une marge de progression importante. Il convient donc de ne pas laisser perdre le savoir associé à la culture du jardin créole et d’en poursuivre la transmission.
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de cette proposition de résolution.