Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.

M. Dominique Watrin. Je le rappelle, si la déclaration et la rémunération des salariés à domicile devraient être simplifiées par cet article, depuis quelque temps, nous défendons le développement des conseillers du salarié, chargés d’assister les salariés à domicile des particuliers employeurs. Il s'agit le plus souvent de femmes à temps partiel, titulaires de contrats limités dans le temps, en raison de la nature de leur relation de travail.

La généralisation d’une telle assistance permettrait de sécuriser les ruptures en présence d’une tierce personne, au bénéfice de chacune des parties ; elle pacifierait certaines situations conflictuelles inhérentes à toute rupture.

Par ailleurs, l’article 28 anticipe la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, prévue en 2018. La mise en place du prélèvement à la source va profondément bouleverser l’architecture de l’impôt sur le revenu et de sa collecte. Nous regrettons que, a contrario, la grande réforme fiscale pour plus de progressivité et de justice ne soit toujours pas au rendez-vous.

M. Philippe Dallier. Il reste un mois ! (M. Antoine Lefèvre rit.)

M. Dominique Watrin. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article.

(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. L’amendement n° 77, présenté par Mme Cayeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

la communication à l’organisme mentionné à l’article L. 133-5-10 du présent code de l’accord écrit et

par les mots :

l’accord

La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Cet amendement vise à laisser le pouvoir réglementaire fixer les conditions dans lesquelles sera recueilli l’accord du salarié.

Dans la mesure où l’article 28 encourage un recours accru à la dématérialisation, il ne nous semble pas pertinent de préciser que cet accord doit être écrit. Il pourra être recueilli, par exemple, par voie électronique, directement par le centre national du Chèque emploi service universel, le CESU, ou Pajemploi, sans que l’employeur ait à recueillir et conserver une trace écrite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, ministre. Madame la rapporteur, la formule « accord écrit » inclut l’accord exprimé sous forme dématérialisée.

Il nous paraît important de préciser que l’accord devra être écrit, le cas échéant dématérialisé, pour que l’employeur ne puisse pas arguer d’un accord qu’il aurait obtenu par voie verbale, tacite ou autre. Exiger un accord sur papier ou par voie informatique est protecteur du salarié.

J’espère vous avoir convaincue de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article, pas son sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mme Cayeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. La mise en œuvre du prélèvement à la source pour les salariés est loin d’être entérinée, et ses modalités précises ne sont pas encore connues.

Au demeurant, un récent rapport de la commission des finances du Sénat propose une autre solution que celle qui est défendue par le Gouvernement. Il me semble donc prématuré de définir des modalités de prélèvement à la source pour les salariés du particulier employeur, en renvoyant à des articles du code général des impôts qui n’existent pas encore.

Aussi, et sans remettre en cause le dispositif de l’article 28, je propose de supprimer les dispositions relatives au prélèvement à la source. Comme cette mesure ne doit pas entrer en vigueur avant 2018, il sera toujours possible, le cas échéant, de procéder aux coordinations nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.

(L'article 28 est adopté.)

Article 28
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 29

Article additionnel après l’article 28

M. le président. L’amendement n° 304 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot « plein », sont insérés les mots : « au membre du couple ou » ;

2° À la première phrase du huitième alinéa, les mots : « Lorsque les deux membres du couple ont tous deux droit à la prestation, assument conjointement la charge de l'enfant au titre duquel la prestation partagée d'éducation de l'enfant est versée et que chacun d'entre eux fait valoir, simultanément ou successivement, son droit à la prestation, » sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’arrivée d’un enfant est un événement heureux, mais qui nécessite d’être préparé ; cela entraîne des dépenses en équipements parfois élevées.

Le versement de la prime de naissance a été repoussé à l’arrivée de l’enfant, ce que notre groupe continue de dénoncer. En effet, cette prestation est utilisée pour l’achat du matériel, de puériculture notamment, nécessaire à l’accueil d’un nouveau-né. Les familles précaires qui en ont besoin sont forcées de demander des prêts ou des aides sociales, qu’elles remboursent une fois la prime versée. Pour nous, c’est un non-sens.

Certes, il est possible pour la CAF d’avancer une partie de la prime de naissance aux familles vulnérables après instruction de leur dossier. Mais, vous en conviendrez, il y a là une complication pour ces familles. Il serait beaucoup plus simple de verser la prestation plus tôt. De fait, ces complications ne servent personne : ni les assurés qui doivent entreprendre de nouvelles procédures ni les caisses qui doivent assumer une nouvelle mission, sans toujours disposer de moyens supplémentaires.

Je crains que cette décision ne soit guidée seulement par le souci de réduire les budgets publics, ce que nous condamnons. Nous proposons, dans l’intérêt général, de revenir au versement quatre mois après le premier examen prénatal ou à sept mois de grossesse.

Monsieur le président, je suis prise d’un doute : j’ai peut-être présenté un amendement autre que l’amendement n° 304 rectifié. Si c’est le cas, considérons ce dernier comme défendu ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Effectivement, je ne suis pas certaine que Mme Cohen ait défendu le bon amendement, mais faisons comme si c’était le cas. (Nouveaux sourires.)

Nous avions déjà exprimé notre désaccord au sujet du partage obligatoire du congé parental. Ce partage étant prévu par décret, l’adoption de cet amendement n’atteindrait pas l’objectif de ses auteurs.

C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, ministre. Je réponds sur l’amendement que Mme Cohen a défendu, mais aussi sur celui qu’elle aurait dû défendre, ayant eu la chance d’en lire l’objet ! (Nouveaux sourires.)

Vous avez raison, madame la sénatrice : le report du versement de la prime de naissance est une mesure de gestion qui a effectivement contribué, avec d’autres dispositions plus structurelles, à réduire considérablement le déficit de la branche famille. Celle-ci sera de nouveau à l’équilibre l’an prochain, alors qu’elle était très largement déficitaire en 2012.

Nous en avons bien conscience, les familles les plus en difficulté ont besoin d’anticiper leurs dépenses, donc de disposer de la trésorerie nécessaire. C’est pourquoi le conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, a décidé voilà presque un an que les caisses d’allocations familiales pourraient désormais faire des avances sur versements, sous forme de prêts remboursables automatiquement et implicitement à la date du versement.

D’une certaine manière, les familles en difficulté continuent donc de bénéficier de la prime de naissance à la même date qu’auparavant. Le Gouvernement a, en quelque sorte, amorti les effets de la mesure pour ces familles.

Je vous rappelle par ailleurs que la prime de naissance est une prestation sous conditions de ressources, dont le plafond est tellement élevé qu’elle profite aujourd’hui à plus de 70 % des familles.

Vous indiquez également vouloir revenir sur la prestation partagée d’éducation de l’enfant, introduite par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et mise en place dans le cadre des différentes réformes de la branche famille. Je ne suis pas d’accord avec vous !

Cette prestation est versée pendant trois ans à la double condition que l’un des deux parents cesse de travailler pendant deux ans et que l’autre cesse toute activité pendant la troisième année. Nous avons pris cette disposition, parce que chacun d’entre nous a pu observer à quel point les congés parentaux de longue durée nuisent au travail des femmes, handicapent et fragilisent leur réinsertion professionnelle. Deux ans, c’est vraiment un maximum, sans compter que le congé peut être encore plus long en cas de naissances successives !

Il est grand temps que les pères commencent aussi à prendre leurs congés parentaux, même si, en raison des inégalités de revenus, ce sont les femmes qui y ont plus souvent recours que les hommes. Cela étant, même à salaire égal – prenons par exemple le cas des personnes qui perçoivent le SMIC –, ce sont plutôt les femmes qui demandent à bénéficier du congé, par habitude culturelle.

Je fais le pari que cette prestation incitera bel et bien les pères à prendre ce congé, une fois que le dispositif sera monté en charge.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’entends bien les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre.

Je tiens d’ailleurs à remercier Mme la rapporteur de son avis de sagesse. Notre amendement ne relève, certes, pas forcément du domaine législatif, mais il nous donne l’occasion d’avoir ce débat dans l’hémicycle.

J’entends bien les préoccupations de Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre. Et vous les partagez ! (Sourires.)

Mme Annie David. Je les partage évidemment, madame la ministre : je lutte, tout comme vous, pour le droit salarial des femmes dans les entreprises !

Nous proposons le libre choix au sein du couple, pas une contrainte pour l’un ou l’autre parent. Un an après la mise en œuvre de la mesure, on constate que très peu de papas ont demandé à en bénéficier. En revanche, les mamans qui ont souhaité en profiter n’ont pas pu aller au terme de ce congé parental de trois ans. De plus, beaucoup de familles ont connu des difficultés pour faire garder leurs enfants avant que ceux-ci aient l’âge d’entrer à l’école maternelle, puisque l’on ne peut pas scolariser un enfant avant l’âge de trois ans.

D’ailleurs, la possibilité de scolariser les enfants avant l’âge de trois ans, que nous prônons, permettrait de régler une partie du problème, au lieu d’interdire aux femmes qui le souhaitent de prolonger leur congé parental.

Nous souhaitons donc en revenir au libre choix des parents en matière de congé maternité ou paternité.

Comme vous le savez, même quand les salaires sont égaux au sein du couple, ce sont la plupart du temps les mamans qui demandent à bénéficier d’un congé parental. C’est le cas parce qu’elles ont très souvent un salaire inférieur à celui des papas. Par conséquent, obliger les papas à prendre un congé parental après les deux premières années, cela revient à priver les couples du revenu le plus important des deux parents.

Vous avez raison, madame la ministre : il s’agit d’un sujet assez complexe. Cependant, empêcher les femmes de prendre un congé parental jusqu’à ce que leur enfant puisse entrer à l’école maternelle ne me paraît pas être une bonne mesure, d’autant que cela n’incite pas les papas à y recourir davantage. Les chiffres sont là : seuls 510 papas de plus ont pris un congé paternité en 2015. Vous me direz, c’est toujours ça. Mais c’est vraiment trop peu par rapport au nombre d’enfants qui se sont retrouvés dans une situation difficile !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Mme David a évoqué un certain nombre des points que je voulais moi-même aborder.

Pour ma part, je soutiens l’amendement du groupe CRC. Il est aberrant de déclarer que les mères de famille ayant eu recours au dispositif pendant deux ans pourront faire garder leurs enfants au cours de la troisième année. En tout cas, en milieu urbain, en région parisienne notamment, les parents ne parviennent pas à trouver une place en crèche pour leurs enfants de deux ans, car il n’y en a pas ! Ils ne peuvent pas non plus les faire entrer à l’école pour des raisons d’âge. Ils doivent donc trouver des solutions de substitution.

Le problème se posait déjà lorsque l’on avait décidé d’abaisser la durée du congé parental à deux ans et demi. En effet, un enfant qui atteignait l’âge de deux ans et demi au mois de février ou de mars ne pouvait pas entrer à l’école, en tout cas pas en région parisienne, où les enfants ne sont pas autorisés à entrer à l’école en dehors des mois d’octobre, de novembre et, éventuellement, de décembre.

Arrêter le versement de la prestation au bout de deux ans, c’est mettre les familles en difficulté, sans compter que les nourrices doivent respecter un quota d’enfants à garder et qu’il est rare que les enfants partent en cours d’année.

Cette disposition met vraiment les familles en très grande difficulté, sans pour autant forcément contribuer au retour des parents à l’emploi, car ceux-ci doivent tout de même garder leur enfant et peuvent éventuellement être contraints d’abandonner leur travail.

Cette mesure ne tient absolument pas compte de la réalité, en tout cas de celle que vivent les jeunes couples en zone urbaine !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. L’égalité entre les femmes et les hommes est un sujet de première importance. Des inégalités persistent dans notre société. Cela a été souligné, l’écart est de 20 % pour les salaires et de 40 % pour les pensions.

La réforme du congé parental était nécessaire ! On connaît trop l’effet désincitatif du congé parental sur le travail des femmes, particulièrement pour celles qui n’ont aucun diplôme.

Notre dynamisme démographique s’explique avant tout par toutes ces mesures qui permettent de concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. Il existe une corrélation entre niveau d’emploi des femmes et nombre de naissances. C’est pourquoi il faut encourager le travail des femmes et éviter d’éventuelles mesures discriminantes quand on veut défendre les familles !

On a tout entendu sur la réforme du congé parental : qu’elle ne produirait pas les effets escomptés, qu’elle répondrait à des objectifs de réduction budgétaire, qu’elle entraînerait des difficultés en matière de garde pour les enfants âgés de deux à trois ans… Si je peux me permettre, je ferai remarquer que cette réforme n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2015. Alors, laissons le temps à ce dispositif de se mettre en place pour en mesurer les effets !

La réforme que le Gouvernement a lancée appelle surtout un changement des mentalités dans les entreprises et au sein des familles. Cela ne peut pas se faire en quelques mois. Laissons la réforme se déployer et les mentalités évoluer avant de tirer des jugements hâtifs et de demander un retour à la situation antérieure, lorsque les femmes étaient trop durablement écartées du marché du travail.

Notre groupe est défavorable à cet amendement ! (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Il me semble important de prendre des mesures en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

En milieu rural, les familles connaissent les mêmes problèmes que dans les zones urbaines en matière de garde d’enfants, de périscolaire et de petite enfance. Le partage du congé entre le père et la mère représente également un coût pour les familles. Tous les cas de figure existent.

Les sujets de société que cet amendement a le mérite de soulever, notamment s’agissant des familles, nous interpellent. Je me rallierai à la position de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.

Article additionnel après l’article 28
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 30

Article 29

Pour l’année 2017, les objectifs de dépenses de la branche Famille de la sécurité sociale sont fixés à 49,9 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l'article.

Mme Corinne Féret. L’article 29 est le dernier article du titre Ier, mais il n’en est pas moins important.

Les dépenses de sécurité sociale représentent la moitié des dépenses publiques. Or ce gouvernement a maîtrisé ces dépenses comme aucun gouvernement ne l’avait fait avant lui, tout en conduisant une politique profondément sociale !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Allons…

Mme Corinne Féret. Pendant dix ans, les gouvernements de droite ont tenté de nous familiariser avec l’idée que l’on ne parviendrait jamais à combler le « trou de la sécu », ou qu’on ne le ferait qu’en réduisant les droits de nos concitoyens. Année après année, ces gouvernements ont creusé le déficit des comptes sociaux !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Volontairement, bien sûr…

Mme Corinne Féret. La dette sociale est moins élevée en 2016 qu’en 2011. Nul ne peut le contester ; c’est la réalité des chiffres ! Ce constat, accablant pour la précédente majorité, n’empêche pas certains de proférer les critiques les plus violentes contre les résultats et les prévisions du Gouvernement. Chaque année, c’est à peu près la même histoire à la même période.

Nous devrions tous nous réjouir du rétablissement des comptes. Mais non ! La majorité sénatoriale tente de semer le doute, use d’arguments fallacieux, comme elle le fera sur cet article, qui fixe les objectifs de dépenses de la branche famille pour 2017 ! En ces temps difficiles pour bon nombre de familles, c’est tout simplement irresponsable !

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mme Cayeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Nous demandons la suppression de cet article, qui fixe l’objectif de dépenses pour la branche famille.

Mme Nicole Bricq. Carrément !

Mme Caroline Cayeux, rapporteur. En effet, les prévisions de dépenses sont tributaires des hypothèses macroéconomiques optimistes retenues par le Gouvernement.

Je note au demeurant que l’objectif de dépenses pour 2016 sera dépassé, ce qui démontre le bien-fondé des doutes que nous avions exprimés l’année dernière.

En outre, cet objectif de dépenses intègre les effets de la modulation des allocations familiales, ainsi que de la réforme du congé parental, mesures qui représentent, à notre sens, des économies injustes au détriment des familles.

Comme l’article 40 de la Constitution ne nous permet pas de réévaluer l’objectif de dépenses pour 2017, je vous propose d’acter notre désaccord en supprimant l’article 29 !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, ministre. Madame la rapporteur, vous êtes une parlementaire trop avisée pour ignorer que cet article est indispensable et qu’il ne peut donc pas être supprimé !

Par cet amendement de suppression, vous proposez de dresser le constat de désaccord entre le Gouvernement et vous au sujet de la politique familiale conduite au cours des cinq dernières années.

Puisque vous avez saisi cette occasion, je ferai de même.

Nous sommes fiers de la politique familiale que nous avons menée.

Nous sommes fiers d’avoir ramené la branche famille à l’équilibre, alors qu’elle connaissait un déficit de plus de deux milliards d’euros en 2012.

Nous sommes fiers d’avoir augmenté le montant des prestations familiales pour les familles qui en ont le plus besoin, via notamment la revalorisation du complément familial ou encore de l’allocation de rentrée scolaire, dont le montant a été augmenté dès 2012.

Je ne regrette pas d’avoir fait voter la modulation des allocations familiales et d’avoir demandé une contribution plus importante aux familles les plus aisées. Je vous rappelle qu’il s’agit de familles avec deux enfants dont le revenu mensuel atteint 6 000 euros et dont le plafond de revenus augmente pour chaque enfant supplémentaire.

Je ne regrette pas d’avoir augmenté, grâce à cette mesure, le montant d’autres prestations destinées à des familles dans le besoin.

Je ne regrette pas que la politique familiale ait joué un rôle redistributif, que nous ayons réussi à créer 70 000 nouvelles places de crèches au cours de cette période et à soutenir la diversité des modes d’accueil sur l’ensemble des territoires.

Je ne regrette rien de ce que le Gouvernement a accompli en matière de politique familiale ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Nous en sommes fiers !

J’entends régulièrement tout le mal que la droite pense de la modulation des allocations familiales. N’y voyez aucune malice ou aucun pronostic pessimiste de ma part, mais, dans l’hypothèse où la France connaîtrait l’alternance l’année prochaine, je regarderais avec beaucoup d’attention si la modulation des allocations familiales était réellement supprimée ! Sincèrement, je n’y crois pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Madame la rapporteur, cet amendement important vous dispense d’exposer votre propre vision de la politique familiale. Comme vous n’êtes pas sûrs d’être tous d’accord sur le sujet, au moment où se déroulent des primaires, vous évacuez le débat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Cela montre que vous êtes incapable de présenter un contre-projet !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Qu’en pense M. Macron ?

Mme Nicole Bricq. Vous évitez ainsi tout débat au sein de la majorité sénatoriale !

Je trouve la motivation de votre amendement très intéressante. Dans votre rapport – je lis toujours les rapports, car ils sont très instructifs –, vous contestez la modulation des allocations familiales sur laquelle Mme la ministre vient de revenir et qu’elle revendique. Vous considérez que cette modulation « détourne la politique familiale de sa vocation en la réduisant à un outil de lutte contre la pauvreté ».

Sachez que donner plus à ceux qui ont moins ou qui n’ont rien constitue pour nous la priorité numéro un ! Permettez-moi de le revendiquer au nom du groupe socialiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Le groupe écologiste est défavorable à la modulation des allocations familiales. Ce n’est pas pour autant qu’il est partisan de l’inégalité !

En demandant la suppression du quotient familial, nous sommes plus justes. Le quotient familial introduit d’énormes disparités de traitement entre un couple aisé avec enfants et un couple qui n’a pas grand-chose, une différence en tout cas beaucoup plus importante que celle qu’entraîne la modulation des allocations familiales !

Certains voudraient faire le concours du plus juste et du plus social… Je suis pour la justice et le social ! En défendant la disparition du quotient familial, nous pensons militer pour plus de justice et moins d’inégalités !

Le problème de la modulation, c’est qu’elle fait perdre aux allocations leur caractère universel. Il aurait été préférable de conserver une allocation versée pour tous les enfants, y compris dès le premier enfant, puisque c’est un droit pour chaque enfant que nous défendons.

Le Gouvernement aurait créé moins d’injustices en maintenant l’universalité des allocations familiales et en supprimant le quotient familial. Cela aurait permis d’aller dans le sens de l’unification des droits et de favoriser une évolution vers le revenu de base et d’existence.

D’ailleurs, madame Bricq, puisque vous parlez de clarifier les positions des uns et des autres, les socialistes devraient aussi clarifier leur position sur le revenu de base !

Mme Nicole Bricq. C’est autre chose !

M. Jean Desessard. Eh oui ! C’est une idée nouvelle ! Vous avez d’ailleurs décidé de demander la création d’une mission commune d’information sur le sujet. Il faudrait désormais savoir ce que vous voulez en faire ! C’est vous-même qui l’avez demandée la première, madame Bricq, et je vous en remercie !

Mme Nicole Bricq. Vous connaissez parfaitement mon avis sur la question !

M. Jean Desessard. Désormais, il faudrait que les socialistes fassent connaître leurs positions par rapport aux projets de société à venir. Vous ne pouvez pas simplement critiquer la droite sur son manque de lisibilité et affirmer que les socialistes sont très clairs ! Vous n’avez pris que des mesures parcellaires ces dernières années, y compris la modulation des allocations familiales. Vous devriez désormais développer une vision un peu plus large et vous déterminer sur des projets de société, comme le revenu de base, qui est un dispositif que nous défendons !

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.

Mme Hermeline Malherbe. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais je ne compte pas faire de politique préélectorale.

Mme Nicole Bricq. On n’est pas là pour jouer aux cartes !

Mme Hermeline Malherbe. En effet, madame Bricq.

Nous sommes avant tout là pour répondre aux attentes et aux besoins des citoyens. Or ce que nous venons d’entendre est très intéressant, mais cela concerne la prochaine mandature. Certes, nous aurons bientôt l’occasion d’y travailler, dans nos partis ou mouvements respectifs. Mais ce n’est pas l’objet de l’article 29 !

Cet amendement de suppression tend à remettre en cause une politique familiale plus juste que les précédentes. Interrogez autour de vous, pas seulement les associations, mais aussi les personnes qui touchent moins d’allocations qu’hier : aucune d’entre elles ne remet cette politique en cause !

D’ailleurs, si la modulation des allocations familiales venait à être supprimée, la plupart d’entre elles constitueraient un pécule pour le donner à différentes associations caritatives. Il ne faut pas se voiler la face : c’est une bonne mesure de justice sociale, pour l’équité entre les familles. Arrêtons de s’enfoncer dans des arguties d’un autre siècle ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)