Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les avis que je vais émettre sur ces amendements sont liés à l’extrême précaution que nous avons prise, sur les recommandations des différents membres de la commission spéciale, pour garantir une étanchéité absolue entre les missions de service civique et les emplois, y compris les emplois aidés, ainsi que les stages.

Le service civique, je le rappelle, est un engagement volontaire d’un jeune pour accomplir des missions à valeur sociale, voire républicaine. Il ne faut en aucun cas confondre cette mission avec un emploi. Nous n’avons pas pris en considération simplement le statut des structures pour considérer qu’elles pouvaient accueillir des volontaires en service civique, mais nous nous sommes intéressés de près aux missions qu’elles pouvaient proposer, et c’est pourquoi nous avons élargi le champ des organismes susceptibles d’accueillir des jeunes en service civique, tout en restant néanmoins assez restrictifs.

S’agissant de l’amendement n° 293 rectifié, présenté par M. Antiste, j’estime que les garanties apportées sont suffisantes pour éviter que l’accueil de volontaires par des HLM et des sociétés publiques locales ne conduisent à des abus. En revanche, nous avons rejeté la possibilité pour des organisations internationales dont le siège est implanté en France d’accueillir des volontaires en service civique, estimant que le risque de substitution avec un emploi ou un stage était trop grand.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Les amendements identiques nos 16 rectifié, 20 rectifié bis et 37 rectifié bis visent pour leur part à rendre éligibles les sociétés d’économie mixte de construction. Nous avons voulu être extrêmement prudents en la matière. Comme vous l’avez expliqué dans la présentation de ces amendements, mes chers collègues, les sociétés d’économie mixte peuvent avoir différents métiers, des métiers de construction ou d’aménagement, mais aussi des métiers de gestion de logements. Dès lors qu’elles ont pour mission principale l’aménagement ou la construction, nous avons estimé qu’il n’y avait pas de place pour des missions à caractère social ou républicain en leur sein. Nous les avons donc écartées pour éviter tout risque de substitution à un emploi.

L’avis est donc défavorable.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 489, qui vise à ouvrir le volontariat en service civique aux sociétés coopératives d’intérêt collectif, le statut juridique ne nous semble pas suffisant pour limiter le risque de confusion. Vous avez cité, dans la liste des missions exercées par ce type de structures, la gestion de crèches, et nous avons préféré écarter ce type de sociétés par prudence, dans un souci d’étanchéité absolue.

Aussi, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Je rejoins l’avis défavorable de Mme la rapporteur sur l’amendement n° 293 rectifié, présenté par M. Antiste, qui vise à exclure les SA HLM du périmètre du service civique, tout du moins celles qui sont détenues à 100 % par l’État, de même que les sociétés publiques locales, ou SPL.

L’objectif, très ambitieux, d’une demi-classe d’âge accueillie en mission de service civique à l’horizon 2018–2019 nécessite cette extension de périmètre. J’évoquais tout à l’heure l’exemple du palais de Tokyo. S’agissant des organismes d’HLM, la mission d’intérêt général attribuée aux opérateurs de logement social s’accompagne d’obligations spécifiques qui nous semblent être de bonnes assurances pour la mise en œuvre du service civique. Cette garantie, nécessaire selon nous, est précisément obtenue au travers de ce statut de SA HLM. Nous sommes donc défavorables à l’amendement de M. Antiste, qui vise à exclure ces sociétés.

Sur les trois amendements identiques nos 16 rectifié, 20 rectifié bis et 37 rectifié bis, ma position divergera de celle de Mme la rapporteur. Nous avons changé d’avis sur le sujet – il faut parfois savoir le faire ! –, monsieur Chiron, et nous sommes désormais favorables aux amendements ainsi présentés. Les sociétés d’économie mixte visées dans cet amendement ont notamment pour objet de réaliser des opérations d’aménagement, de construction et de gestion de logements sociaux. Il s’agit donc d’un champ précis. De surcroît, ces sociétés font l’objet d’un agrément délivré par le ministre chargé du logement et figurent dans le code de la construction et de l’habitation. En dépit de cet encadrement extrêmement clair et précis, ces sociétés ne sont pas comprises dans le champ de l’article 10 du projet de loi, qui ne vise que les organismes d’habitations à loyer modéré. Ces amendements permettent de les inclure dans le champ des organismes qui peuvent recevoir un agrément, au même titre que les SA HLM.

Enfin, nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 489, présenté par Mme Archimbaud. Comme Mme la rapporteur, nous ne voulons pas étendre le champ du service civique à des organismes qui ont un caractère commercial, même s’il s’agit de sociétés coopératives. Il est préférable de viser, comme le texte le fait déjà, les entreprises bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » de droit, au sein desquelles des SCIC peuvent être prises en compte, plutôt que de viser un statut de sociétés commerciales. Je souhaite, comme la commission, que nous soyons prudents sur l’extension du champ d’accueil des volontaires en service civique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 293 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 20 rectifié bis et 37 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 489.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Schillinger et Tocqueville, MM. Courteau, Durain et Duran, Mme Bataille, MM. F. Marc et Manable, Mme Monier, M. Cazeau, Mme Jourda et M. Labazée, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la dernière phrase, le mot : « politique, » est supprimé ;

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Je salue la montée en puissance importante du dispositif du service civique, qui doit permettre à des jeunes volontaires de toutes origines sociales de s’engager dans un projet porteur des valeurs d’intérêt général et de citoyenneté. Il est plus que jamais nécessaire, nous le savons, de recréer un creuset social, afin que l’idée de la République et ses valeurs vivent pour tous les citoyens. Le service civique doit être ce lieu de rencontre avec la République concrète et vivante.

Dans ce contexte, l’article 10 étend aux organismes d’habitation à loyer modéré, aux sociétés publiques locales et aux sociétés dont l’État détient la totalité du capital la possibilité d’accueillir des volontaires en service civique.

Le présent amendement vise à étendre encore le nombre de structures agréées pour le service civique. Il a pour objet de permettre que des structures politiques accueillent des jeunes en service civique. Dans ces structures, le risque de substitution des missions des volontaires à un stage ou un emploi paraît moins important. Pourtant, les partis, notamment, sont un outil essentiel de la démocratie et de la vie civique.

Alors que la vie politique souffre d’un fort discrédit parmi les jeunes, qui sont fortement touchés par l’abstentionnisme, l’accomplissement d’un service civique au sein d’une structure partisane pourrait permettre de recréer du lien entre la jeunesse et les partis politiques.

Le jeune qui ferait son service civique au sein d’un parti découvrirait la vie militante, la vie politique et le fonctionnement des institutions. Et, nous le savons, cette expérience peut être un tremplin important, du fait de la diversité des fonctions exercées et des sujets traités. De nombreux étudiants dans les instituts d’études politiques, les IEP, effectuent de tels stages.

La citoyenneté est avant tout une pratique, qu’il s’agit de faire vivre ou revivre. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions…

M. Philippe Dallier. Je ne vois pas de bonnes intentions en l’occurrence ! (Sourires.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’ai bien compris, mon cher collègue, votre envie de convaincre tous les jeunes de s’intéresser à la politique. Je voudrais toutefois vous épargner le pire, car cet amendement me semble présenter deux inconvénients majeurs.

Premièrement, un parti politique qui « embaucherait » des jeunes en service civique pour accomplir des tâches relevant d’un emploi pourrait être accusé de pratiquer le travail au noir.

Deuxièmement, ces missions de service civique effectuées au sein d’un parti politique risquent fort d’être critiquées pour leur caractère partisan.

Je pense donc vous éviter de nombreux ennuis en émettant un avis défavorable sur cet amendement, mon cher collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Au regard de l’actualité, on pourrait certes imaginer une mission de service civique pour vérifier la régularité des opérations de vote à la primaire de la droite et du centre ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est un amendement déposé par la gauche !

M. Patrick Kanner, ministre. Je rejoindrai toutefois l’avis défavorable de Mme la rapporteur sur cet amendement.

Les volontaires en mission de service civique ne sauraient servir un quelconque intérêt partisan.

De surcroît, les partis politiques choisiraient vraisemblablement leurs propres partisans, ce qui ne serait pas très conforme à la philosophie du service civique.

Le service civique peut sans doute contribuer à développer la conscience politique de la jeunesse. En effet, s’engager pour la Nation, c’est une manière aussi de s’engager en politique au sens le plus large du terme. Mais le service civique ne doit pas être le remède au désengagement politique des jeunes, notamment à l’abstention, malheureusement trop importante.

Je terminerai mon propos par un argument plus juridique : accorder, via le service civique, une aide au financement des partis politiques serait contraire à la législation en vigueur.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Tout à l’heure, des inquiétudes se sont manifestées à propos de l’élargissement du dispositif à tel ou tel domaine d’activité. Je constate que le présent amendement ne suscite pas les mêmes réserves auprès de tous nos collègues. Les effets d’éviction ne sont pourtant pas à exclure, de même que les trappes à pauvreté. Mais, en l’occurrence, le risque serait plutôt de constituer un « sas à apparatchiks ». (Sourires.)

Ce genre de propositions illustre surtout les propos de Mme la rapporteur, qui parlait de « cabinet de curiosités ». L’imagination du législateur est certes débordante, mais je ne pensais pas qu’on pouvait concevoir de réaliser son service civique au sein d’une structure politique. On imagine quel pourrait être le résultat !

Si jamais il avait des doutes, je voudrais toutefois rassurer le Gouvernement : la jeunesse se dirigera naturellement vers le parti des forces de progrès, compte tenu de ses succès ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 323 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 706, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Au deuxième alinéa, les mots : « Ces personnes morales sont agréées » sont remplacés par les mots : « Ces organismes sont agréés ».

La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 706.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 11 bis (supprimé)

Article 11

(Non modifié)

L’article L. 120-4 du code du service national est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La personne volontaire doit posséder la nationalité française, celle d’un État membre de l’Union européenne ou celle d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. » ;

2° Après le même premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Peut également souscrire l’un des contrats mentionnés à l’article L. 120-3 :

« 1° L’étranger auquel un titre de séjour a été délivré dans les conditions prévues à l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qui séjourne en France depuis plus d’un an ;

« 2° L’étranger âgé de seize ans révolus qui séjourne en France depuis plus d’un an sous couvert de l’un des titres de séjour prévus à l’article L. 313-10, aux 1° à 10° de l’article L. 313-11, aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 314-8 ou L. 314-9 ainsi qu’aux 2° à 7°, 9° ou 10° de l’article L. 314-11 du même code ;

« 3° L’étranger âgé de seize ans révolus détenteur de l’un des titres de séjour prévus aux articles L. 313-7, L. 313-13 et L. 313-17 ou au 8° de l’article L. 314-11 dudit code.

« La souscription d’un des contrats mentionnés à l’article L. 120-3 du présent code par un ressortissant étranger ne peut avoir pour effet de prolonger la durée de validité de son titre de séjour. » ;

3° Au deuxième alinéa, après le mot : « résidence », sont insérés les mots : « mentionnée aux 1° et 2° du présent article ». – (Adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 12 (Texte non modifié par la commission)

Article 11 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 242 est présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 411 est présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – L’article L. 1221-13 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, après le mot : « stagiaires », sont insérés les mots : « et des personnes volontaires en service civique au sens de l’article L. 120-1 du code du service national et de l’engagement citoyen » ;

2° Au dernier alinéa, après le mot : « stagiaires », sont insérés les mots : « et les personnes volontaires en service civique ».

II. – Le premier alinéa de l’article 43 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les rapports annuels comportent également une présentation des modalités de mise en œuvre du service civique. »

III. – Les articles 62 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et 49-2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont complétés par une phrase ainsi rédigée :

« Le rapport annuel comporte également une présentation des modalités de mise en œuvre du service civique. »

La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 242.

Mme Christine Prunaud. Lorsque l’on parle du service civique et de sa relation à l’emploi, on est toujours au milieu du gué, comme l’ont parfaitement montré nos différentes interventions et les débats à l’Assemblée nationale.

L’inscription des volontaires en service civique sur le registre unique du personnel rend en effet la frontière entre l’emploi et le service civique plus floue. Toutefois, cette mesure semble être une réponse adaptée à un problème réel, celui de l’utilisation des services civiques par certaines structures peu scrupuleuses.

Offres de missions correspondant à des emplois déguisés, recours systématique et massif à des volontaires sous-encadrés : les cas sont assez nombreux dans lesquels une inscription en amont sur le registre unique du personnel aurait permis d’alerter l’Agence du service civique, ainsi que vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le ministre.

Cette mesure doit être appréhendée non pas comme une sanction, mais comme une volonté de transparence. Les conditions d’un service civique réussi tiennent autant d’une mission d’intérêt général enrichissante que d’un encadrement suffisant par des tuteurs formés. Malheureusement, le service civique est parfois encore considéré comme une solution pour endiguer un sous-effectif chronique ou éviter le recours à une embauche autrement plus coûteuse, le tout au mépris de l’esprit du dispositif, des conditions d’accueil des volontaires, mais aussi des conditions de travail des salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l'amendement n° 411.

M. Jacques-Bernard Magner. La commission spéciale a supprimé l’article 11 bis, qui prévoyait l’information des représentants du personnel sur les volontaires en service civique, au double motif qu’introduire des dispositions relatives au service civique dans le code du travail serait source de confusion et que le contrôle du service civique relèverait de l’État, et non des partenaires sociaux.

Nous ne partageons pas le premier point de cette analyse : garantir la non-substitution du service civique à l’emploi n’implique pas que les acteurs du champ professionnel doivent en être tenus à l’écart ni que les dispositions relatives au service civique soient tenues éloignées du code du travail.

Sur le second point, certes, le contrôle incombe à l’Agence nationale du service civique, et non aux partenaires sociaux, mais ceux-ci peuvent jouer un rôle d’alerte pour une meilleure efficacité de l’Agence. C’est pourquoi nous souhaitons rétablir l’information des représentants syndicaux dans les entreprises et administrations.

En outre, la montée en charge du service civique ne va pas se faire dans les petites associations bénéficiaires du chèque emploi service, non tenues au registre unique du personnel, mais dans les nouvelles structures ouvertes à l’agrément et le secteur public.

C’est pourquoi nous proposons le rétablissement de l’article 11 bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le sujet que vous abordez à travers ces amendements est très important. Au cours de notre débat, nous avons clairement clarifié ce qu’était le service civique, en créant des barrières absolument étanches entre l’emploi et le service civique.

Avec tout le respect que je vous dois, mes chers collègues, votre proposition repose sur un principe de défiance à l’égard de ceux qui appliqueront la loi.

Considérer les syndicats comme des lanceurs d’alerte à l’égard de structures habilitées à accueillir des jeunes en service civique qui seraient tentées de dévoyer le dispositif me paraît grave et contraire à l’idée de confiance dans un pacte républicain où les structures s’engagent à accueillir le maximum de jeunes.

Je ne souhaite donc pas que l’on confie à des syndicats un devoir d’alerte sur ce qui relève d’un engagement volontaire, du bénévolat.

Introduire un lien avec le code du travail, alors que l’on a bien dit qu’il n’y avait pas de lien de subordination, me semble contraire à l’esprit du dispositif, dès lors que l’on a pris toutes les précautions.

Votre proposition soulève, enfin, de vraies questions. L’essentiel de l’accueil des jeunes en service civique se fera dans de petites associations, qui en aucun cas ne tiennent un registre du personnel. Votre demande ne me semble donc pas justifiée et je vous invite à avoir confiance dans la façon dont le Gouvernement mettra en œuvre nos décisions et dans la volonté de chacune des structures associatives et des collectivités de réaliser un vrai pacte républicain…

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. … en facilitant l’engagement des jeunes.

En conséquence, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, vous voulez des barrières absolues, je vous donne justement l’occasion de les ériger ! Celles qui existent déjà sont des barrières de principe, même si elles sont énoncées avec force, et nous avons ici l’occasion de marquer véritablement cette séparation totale entre service civique et emploi de substitution.

Ces deux amendements identiques, présentés par Mme Prunaud et par M. Magner, visent à rétablir l’article 11 bis, que votre commission a décidé de supprimer.

J’énoncerai plusieurs arguments en faveur de ce rétablissement.

Il faut tout d’abord savoir que le nombre de volontaires en mission de service civique au sein d’une même structure peut être important. Il apparaît donc nécessaire que les représentants du personnel disposent de cette information. Les personnels, qu’ils soient salariés ou agents publics, ont vocation à participer à la mise en œuvre du dispositif, notamment en qualité de tuteurs. Qu’il soit effectué dans une structure privée ou publique, État ou collectivité locale, le service civique implique ce tutorat, et je m’en réjouis.

Ensuite, cette inscription au registre du personnel est une modalité souhaitée par de nombreuses associations, y compris par des petites structures, madame la rapporteur, afin que la qualité des missions de service civique soit assurée dans le cadre de la montée en charge de cette politique publique.

Enfin, contrairement à la position de votre commission spéciale, nous pensons que rendre les informations concernant le service civique accessibles dans le registre unique du personnel est un élément supplémentaire de garantie vis-à-vis de cette non-substitution à l’emploi. Ce principe est affirmé à plusieurs reprises dans ce projet de loi ; c’est ici l’occasion de le mettre réellement en œuvre avec cette inscription, permettant aux organisations syndicales de jouer un indispensable rôle d’alerte.

Le Gouvernement émet donc un avis très favorable sur les amendements identiques nos 242 et 411.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, sachant qu’il existe déjà une Agence nationale du service civique qui veillera au respect des règles, votre explication ne me satisfait pas complètement. En effet, un certain nombre d’associations ont recours au chèque associatif et, dans ce cas, elles sont dispensées de tenir ce registre unique du personnel. Dès lors, comment vont-elles faire et comment allez-vous gérer cette situation, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Sans vouloir engager un débat de fond, madame la rapporteur, il y a en effet des structures qui n’ont pas de registre. Faut-il pour autant supprimer une disposition qui permettra, me semble-t-il, d’aller dans le sens que vous souhaitez, à savoir la séparation du service civique et de l’emploi ?

Je ne comprends pas non plus cette volonté d’exclure de fait, quand elles existent, les organisations syndicales du dispositif. Je sais que les syndicats de salariés sont aujourd’hui très décriés, certains ne jugeant pas utile leur existence en tant que corps intermédiaires. Même si l’agent du service civique effectuera des contrôles nationaux, et parfois aussi des contrôles déconcentrés, il me semble que la proximité des organisations syndicales leur permettra, à travers le registre, d’alerter l’Agence, et je ne vois pas pourquoi l’on veut ainsi exclure le monde syndical.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. Dans les propos de Mme la rapporteur, j’ai entendu le mot « défiance ». C’est exactement le contraire. Nous ne faisons preuve d’aucune défiance, ni vis-à-vis de ceux qui recrutent des jeunes en service civique, ni vis-à-vis de leurs tuteurs.

Mais dans une grosse association où l’on recrute des jeunes en service civique – cela m’est arrivé cette semaine encore au sein de mon association, qui compte 32 salariés –, il me paraît tout à fait opportun, normal et légitime que les représentants du personnel soient informés.

Si l’on ne veut pas que les missions de service civique viennent se substituer à des emplois, c’est bien aux organisations syndicales, lorsqu’elles existent, et aux délégués du personnel que l’on peut expliquer que l’on va prendre dans sa structure un jeune en service civique, mais qu’il n’est pas là pour remplacer un emploi salarié.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 242 et 411.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 bis demeure supprimé.

Article 11 bis (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 12 bis

Article 12

(Non modifié)

L’article L. 120-32 du code du service national est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat mentionné à l’article L. 120-3 souscrit auprès d’une personne morale de droit public agréée peut prévoir la mise à disposition de la personne volontaire, aux fins d’accomplissement de son service, auprès d’une ou, de manière successive, de plusieurs autres personnes morales de droit public non agréées, si elles satisfont aux conditions d’agrément prévues aux articles L. 120-1 et L. 120-30. » ;

2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « Dans ce cas » sont remplacés par les mots : « Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article » ;

3° Aux deuxième et troisième alinéas, après le mot : « lucratif », sont insérés les mots : « ou la personne morale de droit public ».

Mme la présidente. L’amendement n° 243, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à supprimer l’article 12 relatif à la pratique dénommée « intermédiation ». Globalement, une structure agréée pourrait « prêter » des volontaires sous sa responsabilité à une structure non agréée, mais qui pourrait l’être si elle le demandait.

Plusieurs questions se posent concernant cette pratique.

Pourquoi la structure non agréée, dans la mesure où elle veut accueillir des volontaires, ne fait-elle pas sa demande d’agrément ? Cela serait autrement plus simple et transparent.

Pourquoi ne pas prévoir un droit de veto des volontaires, considérés – apparemment – comme des « biens meubles », puisqu’ils signent avec une structure pour finalement aller dans une autre ?

Par ailleurs, j’admets être surprise. À l’Assemblée nationale, le rapporteur du texte, M. Hammadi, explique que l’intermédiation est amenée à disparaître et, pourtant, on l’inscrit dans la loi…

Dernière source d’étonnement, le Gouvernement s’est évertué – je sais que le ministre y est très attaché – à expliquer que le texte doit permettre d’imperméabiliser la frontière entre emploi et service civique. Mais en parallèle, il prend le risque, par l’intermédiation, que certaines structures d’accueil ne deviennent de véritables boîtes d’intérim de volontaires, qui seraient des plates-formes de transition pour des personnes précaires en mission de service civique, mais occupant en réalité des emplois déguisés.