M. Philippe Dallier. Dans la quasi-totalité des communes !
M. Philippe Dallier. Je vous écoute !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Vous aurez tout le loisir de me répondre au cours des prochains jours.
La loi SRU fonctionne bien.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Non !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Certes, madame Estrosi Sassone, elle ne fonctionne pas chez vous. Nous verrons d’ailleurs quels amendements vous nous proposerez.
Toutefois, la réalité, c’est que la loi SRU fonctionne et que vous proposez de la détricoter entièrement dans son esprit et ses modalités : vous remettez en cause les 25 % et la liste des logements visés par ce texte.
M. Philippe Dallier. Pas du tout !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Comment pouvez-vous accepter, alors que vous êtes le législateur, que cette loi, entrée en vigueur voilà quinze ans, soit la seule loi de la République française que les élus locaux refusent d’appliquer ?
M. Charles Revet. C’est qu’elle est mauvaise !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Accepteriez-vous qu’il en aille de même dans le domaine de la sécurité, de l’école ou de l’emploi ? C’est la seule loi qui fasse aujourd’hui l’objet d’une fronde de la part de nombreux d’élus locaux.
M. Philippe Dallier. Non, seulement de quelques-uns d’entre eux !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’État avait pourtant prévu de tenir compte des réalités locales et proposé de sortir du cadre de la loi SRU un grand nombre de communes, dont la liste figurait dans le texte, ne disposant pas d’un taux de pression sur le logement social ou d’une desserte satisfaisante.
Cette remise en cause de la loi SRU, quinze ans après sa promulgation, à l’issue d’une véritable bataille menée par les associations de mal-logés et du combat personnel de l’abbé Pierre, est un signal extrêmement négatif envoyé au 1,9 million de demandeurs d’un logement social. Comment comptez-vous répondre à leurs demandes légitimes, alors même que vous ne voulez plus appliquer cette loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Monsieur Dallier, il me semble que nous ne faisons pas la même lecture du rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD. Ce rapport préconisait notamment de sortir du cadre de la loi SRU les communes qui n’avaient pas de taux de pression ni la capacité de faire des logements sociaux. Or c’est justement ce que nous proposons.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas aussi simple !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je vous propose, monsieur Dallier, de partir livrer nos différents combats communs en Île-de-France avec ce rapport.
M. Philippe Dallier. Volontiers !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Nous trouverons alors les réponses.
Enfin, j’ai été mise en cause par M. Rachline. Je veux lui dire que la France est extrêmement généreuse, qu’elle est forte de sa diversité, qu’elle donne à tous ses enfants, quels que soient leur naissance, leur origine, leurs atouts ou leurs compétences, la possibilité de se construire dans la République, dans une société du vivre ensemble.
Nous sommes très nombreux ici à être heureux de vivre dans un tel pays. C’est cela qui m’anime, à l’instar d’une très forte majorité de sénateurs et de députés. Or, monsieur Rachline, votre projet est mortifère pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté
TITRE Ier
ÉMANCIPATION DES JEUNES, CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION
Chapitre Ier
Encourager l’engagement républicain de tous les citoyens et les citoyennes pour faire vivre la fraternité
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 353, présenté par M. Gorce, Mme Khiari, MM. Masseret, Tourenne, Delebarre, Cabanel, Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 21-19 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la cause de la liberté et que la République entend pour cette raison honorer et protéger. Dans ce cas, le décret de naturalisation ne peut être accordé qu’après avis du Conseil d’État sur un rapport motivé du ministre compétent. Il peut déroger aux articles 21-15 et 21-16. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement du groupe socialiste et républicain vise à faire reconnaître une forme de nationalité d’honneur.
Nous voulons permettre au Gouvernement d’attribuer la nationalité française à des personnalités qui défendent les libertés dans leur pays, pour appuyer leur démarche. Je pense, par exemple, au blogueur Raïf Badawi, aujourd’hui incarcéré en Arabie saoudite.
Attribuer la nationalité française à ces personnes, sans même qu’ils la demandent, reviendrait à leur accorder à la fois la reconnaissance et la protection de la France. Ce serait une façon de faire rayonner notre conception de la nation française, du pays des droits de l’homme, et témoigner de notre attachement aux libertés vers la défense desquelles est orientée notre diplomatie.
Il nous semble que cet amendement a toute sa place dans un texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté. C'est la raison pour laquelle je le défends avec énergie.
Il me semble que nous pourrions tous nous retrouver pour que celles et ceux qui mènent, dans des conditions particulièrement difficiles, souvent obscures, le combat pour la liberté, auquel nous nous sommes, à un moment de notre histoire, identifiés, puissent recevoir l’appui symbolique et la reconnaissance de la France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Cet amendement tend à ouvrir un débat intéressant sur le droit de la naturalisation.
Il s’agit de s’inspirer d’un décret de 1792 qui avait permis la naturalisation de 17 personnes qui, « par leurs écrits et leur courage, ont servi la cause de la liberté ».
Or le droit de la nationalité ne doit être modifié que d’une main tremblante – pour reprendre une expression déjà évoquée –, dans un projet de loi spécifique et avec une étude d’impact complète.
Certains termes de votre amendement pourraient laisser une trop grande marge de manœuvre : comment définir ce qu’est un « service exceptionnel » ?
Je rappelle que le droit en vigueur prévoit déjà des mesures en ce sens : la naturalisation est possible pour les étrangers qui ont « rendu des services exceptionnels à la France ou dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel » ; le nouveau « passeport talent » peut être délivré aux étrangers dont la « renommée nationale ou internationale est établie » ; et les combattants peshmergas que vous mentionnez peuvent bénéficier du droit d’asile reconnu, pour mémoire, « à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ».
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement comprend naturellement votre volonté, monsieur Gorce, mais notre droit prévoit déjà, comme l’a souligné Mme la rapporteur, d’accorder la nationalité française à un étranger qui aurait rendu des services exceptionnels à la France. Le code civil offre cette possibilité, qui est régulièrement utilisée.
Dans ce cas, le décret de naturalisation est rendu après avis du Conseil d’État, sur le rapport motivé du ministre compétent. Ces étrangers bénéficient d’une dispense totale de stage de cinq ou deux ans.
Par ailleurs, pour ceux que la République entendrait protéger, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, est compétent pour reconnaître la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté.
Comme vous le savez, l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié peut être naturalisé sans condition de stage, conformément à l’article 21-19 du code civil.
Le régime actuel nous semble donc tout à fait satisfaisant et ouvert. C'est la raison pour laquelle, monsieur Gorce, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Dans la période que nous traversons, cet amendement a toute sa raison d’être.
Il n’est pas besoin de rendre des services particuliers à la France pour pouvoir obtenir la naturalisation française. S’ils ne servent pas directement notre pays, ceux qui risquent leur peau dans des pays où la démocratie n’est pas la règle servent l’image de la France, le pays des droits de l’homme, le pays des Lumières.
Il eût été de l’honneur de la France qu’un homme tel que Nelson Mandela fût naturalisé français au moment de son incarcération en Afrique du Sud, alors qu’il luttait contre l’Apartheid.
Il faut offrir cette possibilité à d’autres hommes, à d’autres femmes, qui mènent ce même combat de par le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je suis ravi de voir aujourd’hui que l’on se soucie de ne toucher au droit de la nationalité et de la naturalisation qu’avec précaution. Ce ne fut pas toujours le cas ces dernières années…
Toutefois, il ne s’agit pas ici de toucher au fond du droit de la naturalisation et de la nationalité. Nous proposons de créer un cas très spécifique qui ne concerne que quelques personnalités. On ne bouleverse donc en rien le code de la nationalité.
Par ailleurs, je m’étonne toujours qu’un élu me demande quels vont être les critères à partir desquels identifier les services exceptionnels rendus à la cause de la liberté ou de la République. Il suffit de regarder notre monde, de suivre l’actualité internationale, pour constater que certaines, à l’évidence, rendent un service exceptionnel à la cause de la liberté. Cela ne devrait pas appeler de notre part de très longs débats.
Vous avez fait allusion à certains cas dans lesquels la France peut accorder sa nationalité. Toutefois, à chaque fois, des conditions spécifiques complètent le dispositif : lorsque la condition de stage est écartée, on retrouve la condition de domicile ; lorsque la condition de domicile est écartée, la personne doit faire une demande spécifique…
Il s’agit ici d’un acte profondément et strictement politique, mais désintéressé, consistant, pour la France, à prendre l’initiative d’accorder sa nationalité à des personnes défendant la cause de la liberté, sous réserve des dispositions du droit international et des conditions de nationalité pouvant exister dans certains pays.
Adopter cet amendement permettrait non seulement d’honorer notre pays, mais aussi d’accorder une protection plus efficace que le droit d’asile, lequel ne peut s’exercer que si la personne a pu gagner une ambassade ou le territoire français.
Je regrette donc très vivement que la commission et le Gouvernement considèrent que cette disposition n’est pas opportune. Notre assemblée pourrait utiliser sa liberté de vote pour manifester symboliquement et fortement cet attachement à des idées qui nous dépassent. (M. Alain Néri applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Gaëtan Gorce a très bien expliqué et sur le fond et techniquement l’intérêt de cette proposition.
Je voudrais insister sur le fait que notre pays, dans ce monde troublé, a besoin d’être vu par l’ensemble des peuples du monde, comme toujours porteur du flambeau de cette lumière. Il est doit être le phare de la liberté.
Toutes celles et tous ceux qui parlent d’identité française ne devraient jamais oublier que notre première identité, depuis 1789 et sans doute même avant, est de défendre la liberté partout et pour tous, et de soutenir tous ceux qui combattent en son nom.
C’est dans ces moments troublés qu’il faut envoyer ce message. Il y va de la grandeur et du rayonnement de notre patrie. Il y va aussi de notre jeunesse, qui ne doit pas voir la France comme un pays petit, faible, médiocre. Nos jeunes doivent être portés par un idéal commun.
En offrant la nationalité française à tous ceux – bien sûr, en nombre limité – qui se battent avec force et visibilité pour la liberté dans le monde, les jeunes Français se sentiront fiers de leur pays.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voudrais pas contrarier Mme la rapporteur dès le début de la discussion des articles, mais je vais soutenir cet amendement.
L’employé de l’Hyper Cacher qui avait défendu et protégé des gens au péril de sa vie a été récemment naturalisé… Nous sommes souvent très donneurs de leçons. Nous avons là l’occasion de joindre l’acte à la parole.
Ce n’est peut-être pas le bon texte ni le bon moment, mais c’est tout de même le bon amendement et j’entends le soutenir.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Donner la nationalité française à des gens qui n’ont jamais rien fait pour la France me semble quelque peu saugrenu ! Où va-t-on s’arrêter ? N’y a-t-il pas déjà suffisamment de gens qui arrivent de tous les coins du monde pour gonfler les effectifs ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Le gouvernement français soutient actuellement les soi-disant rebelles syriens, parmi lesquels se trouve le front Al-Nosra, à Alep, affilié à Al-Qaïda. Va-t-on accorder la citoyenneté d’honneur à ces gens ? Et à qui l’accordera-t-on ensuite ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Gorce a évoqué 1792. C’est un très bon exemple : à l’époque, le droit d’asile n’était accordé qu’à quelques personnes, choisies individuellement. Aujourd’hui, nous voyons des flots submerger les nations européennes. J’approuve le Premier ministre hongrois d’avoir su lever le pied. (Mêmes mouvements.)
Cet amendement est tout à fait inconvenant : suffisamment d’étrangers viennent chez nous, n’en rajoutons pas !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Un certain nombre d’entre nous ont l’occasion de se déplacer à travers le monde. Et chaque fois que l’on parle de la France, quelle image revient ? Celle de la République, de la démocratie et des libertés. C’est ce qui fait la grandeur de la France.
Dans le monde où nous vivons, il est bon de rappeler que la liberté est une petite flamme toujours vacillante qu’il faut entretenir avec beaucoup de vigilance pour qu’elle ne s’éteigne pas. C’est le rôle de la France.
Ceux qui se battent pour la liberté font souvent référence à notre pays. Combien meurent dans ces combats en chantant La Marseillaise ?
Même si elles ne demandent pas la nationalité française, je crois que naturaliser ces personnes, leur apporter ce soutien symbolique, mais fort, dans leur combat pour la liberté, pour la démocratie, permettrait de redonner encore plus de vigueur à notre pays, lequel s’honore d’être le pays des Lumières, de la liberté.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Pour ce qui est de 1792, j’ai retenu les dates du 20 juin – l’humiliation de la royauté – et du 10 août – la prise des Tuileries, grâce au concours de 517 Marseillais…
M. Alain Néri. Vous auriez dû voter avec nous, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Vous savez bien que je ne peux pas voter, monsieur Néri ! (Mêmes mouvements.)
Article 1er
La réserve civique offre à toute personne volontaire la possibilité de servir les valeurs de la République en participant, à titre bénévole et occasionnel, à la réalisation de projets d’intérêt général.
Elle comporte des réserves thématiques, parmi lesquelles figurent :
1° La réserve citoyenne de défense et de sécurité prévue au titre IV du livre II de la quatrième partie du code de la défense ;
2° Les réserves communales de sécurité civile prévues au chapitre IV du titre II du livre VII du code de la sécurité intérieure ;
3° La réserve citoyenne de la police nationale prévue à la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la sécurité intérieure ;
4° La réserve citoyenne de l’éducation nationale prévue à l’article L. 911-6-1 du code de l’éducation.
D’autres réserves thématiques peuvent être créées après avis du Haut Conseil à la vie associative prévu à l’article 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
Ces réserves sont régies par le présent article et les articles 2 à 7 de la présente loi, sous réserve des dispositions qui leur sont propres.
La réserve civique contribue à développer la fraternité, la cohésion nationale et la mixité sociale.
Une charte de la réserve civique, définie par décret en Conseil d’État, énonce les principes directeurs de la réserve civique, ainsi que les engagements et les obligations des réservistes et des organismes d’accueil.
Le Haut Conseil à la vie associative est consulté lors de l’élaboration de la charte et avant toute modification de celle-ci.
L’État est garant du respect des finalités de la réserve civique et des règles qui la régissent.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. La volonté de fusionner les réserves civiles existantes dans un service civique unique part, me semble-t-il, d’un constat assez éclairé, celui de dispositifs épars et peu complémentaires.
Toutefois, je ne suis pas certaine que ce choc de simplification soit suffisant pour régler la situation.
Pour ne prendre qu’un exemple, l’instauration de la réserve citoyenne de l’éducation nationale, en janvier 2015, pose question quant à sa réelle efficacité. Alors que le nombre d’inscrits est relativement élevé, les réservistes ont été peu mobilisés.
L’une des raisons régulièrement invoquées est le manque de coordination entre ces acteurs nouvellement disponibles et les structures, plus anciennes, comme la Ligue de l’enseignement…
N’y aurait-il pas là une piste de .travail à approfondir pour permettre une meilleure mobilisation des réservistes, dans les limites du respect des autres formes d’engagement et de celles et ceux qui en font leur métier ? Il s’agit d’un équilibre difficile à trouver. Nous proposerons un amendement dans ce sens.
En effet, si certaines réserves, comme les réserves communales de sécurité civile, par exemple, précisent déjà qu’elles ne peuvent en aucun cas se substituer au service public et aux professionnels, nous savons très bien que les baisses d’effectifs consécutives à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et aux baisses de dotation des collectivités, risquent d’amener les réservistes à remplacer des fonctionnaires sur le départ ou déjà partis.
Nous espérons, dans ce domaine, que la charte prévue dans cet article contribuera à cadrer efficacement ce dispositif plus qu’intéressant.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Si nous avons à examiner ce projet de loi et, notamment, ses dispositions sur la réserve citoyenne, c’est à l’évidence parce que nous sommes confrontés à la multiplication des attentats terroristes. Or il apparaît que la réponse n’est pas du tout à la hauteur du problème. En effet, tous ces attentats ont été commis par des terroristes musulmans, recrutés dans les sphères communautaristes musulmanes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
C’est donc contre le communautarisme qu’il faut lutter ; en tout cas, ce n’est certainement pas en créant une réserve citoyenne que l’on va inciter les terroristes potentiels à rentrer dans le droit chemin. On vise complètement à côté du danger actuellement encouru. Le vrai problème posé à la France est la lutte contre le communautarisme : il faut pratiquer une politique d’assimilation très forte et volontariste.
Pour cela, nous devons mettre en œuvre des mesures de laïcité fermes et strictes, tout à fait à l’inverse de ce que propose le prétendu Observatoire de la laïcité, qui, au vu des solutions qu’il préconise – celles-ci reviennent en fait à gonfler et à renforcer encore plus le communautarisme – est plutôt l’Observatoire anti-laïcité !
Il faudrait donc adopter une loi beaucoup plus déterminée et volontariste que ne l’est ce texte. En effet, la réserve citoyenne est bien sympathique, mais ce n’est pas cela qui dissuadera M. Dupont ou M. Durand – je devrais probablement prendre d’autres patronymes en exemple (M. Roland Courteau s’exclame.) – de s’engager dans le terrorisme après avoir évolué de la communauté musulmane vers le communautarisme musulman. Et de plus en plus d’individus font ce dernier petit pas du communautarisme vers le terrorisme !
C’est donc au niveau du communautarisme musulman qu’il faut agir : ce serait certainement beaucoup plus efficace que cette réserve citoyenne !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Dans son livre Pour une République moderne, Pierre Mendès France écrivait que la démocratie est « d’abord un état d’esprit » et qu’elle « n’est efficace que si elle existe partout et en tout temps ».
Il poursuivait en précisant que la démocratie « ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen. » Cette « action continuelle du citoyen » peut prendre plusieurs formes : organisée collectivement, elle renvoie à la société civile, qui s’évertue à influer et contrôler les affaires de l’État ; à l’échelle individuelle, elle peut être résumée par la notion d’engagement.
Tel est d’ailleurs l’objet de ce projet de loi et, singulièrement, de son titre Ier. Parmi ses principales mesures, on peut citer l’instauration de la réserve civique, la valorisation de l’expérience acquise lors de la réalisation d’un service civique ou encore la volonté de faciliter l’exercice de responsabilités associatives, ce que permettait l’article 8, malheureusement supprimé par la commission spéciale.
J’aurais aussi aimé, mes chers collègues, évoquer devant vous des expériences telles que les coopératives jeunesse de services, qui permettent à de jeunes mineurs, à partir de seize ans, de s’engager dans de véritables projets d’éducation et d’entrepreneuriat situés au croisement de la sphère économique et de l’éducation populaire. C’était un amendement d’appel, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.
Depuis les tragiques événements qui nous ont frappés, nombreux sont ceux qui ont ressenti la nécessité de résister et de s’investir, comme en témoigne l’engouement pour la réserve opérationnelle. La solidarité est apparue comme une réponse à la barbarie ; l’engagement, comme un puissant facteur de résilience et de catharsis.
La jeunesse a réagi en manifestant son irrémédiable besoin d’agir et son envie d’engagement. Aux « déclinistes » et aux identitaires, elle apporte une réponse concrète et sans équivoque : l’engagement est une valeur partagée qui fonde notre identité collective. Ce qui crée du commun, c’est précisément cet engagement : peu importent nos différences !
M. Alain Néri. Très bien !
Mme Sylvie Robert. Toutefois, l’engagement ne se décrète pas. Il ne précède aucunement le sentiment d’appartenance à une collectivité ; au contraire, il en est une émanation. Pour cette raison, les inégalités et les fractures qui nuisent à la cohésion d’une société sont autant de causes qui freinent l’engagement.
C’est pourquoi je veux saluer ce projet de loi qui, par son titre Ier, mais aussi son titre II, consacré à la politique de mixité sociale, va pouvoir en témoigner.
En conclusion, mes chers collègues, je crois qu’il faut se souvenir que les bâtisseurs de murs ont toujours épuisé la démocratie, quand les bâtisseurs de ponts l’ont toujours fait vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
Mme Dominique Gillot. Je soutiens totalement la réserve citoyenne, qui permet l’expression d’une nouvelle forme de patriotisme. Néanmoins, après les belles paroles des rapporteurs et leur érection en victimes de la mauvaise foi des lobbys et de l’opposition sénatoriale, coupables de dénigrer la bonne foi et l’excellent travail du Sénat, je tiens à exprimer mon désappointement, mon incompréhension, voire mon indignation.
Alors que, ces derniers mois, le Sénat avait su se rassembler en faveur d’amendements que j’avais présentés dans différents textes pour y introduire la garantie d’accessibilité à leurs droits des personnes handicapées, j’ai fait ce matin la désagréable découverte du couperet de l’article 41 de la Constitution, tombé sur mon amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 47 quater.
Cet amendement m’avait été suggéré par l’association Droit pluriel ; il avait été soutenu par le Défenseur des droits ; il avait été accepté, après un long travail de conviction, par le garde des sceaux ; enfin, il était attendu par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et, surtout, par les associations représentatives de celles-ci.
Cet amendement visait à introduire dans l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations un alinéa prévoyant, dans la formation initiale et continue des professionnels de justice, une formation sur la spécificité de l’accueil et de l’accompagnement des justiciables avec handicap. Cette formation leur permettrait de mieux comprendre le handicap et de mieux le prendre en compte dans l’exercice de leurs missions. En quoi cet amendement déroge-t-il à l’esprit de la loi Égalité et citoyenneté ?
Mon indignation a grandi lorsque j’ai retrouvé dans la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes un article, adopté par notre assemblée le 24 juillet 2013, qui préconise, pour une liste de professionnels ayant à connaître de ces problèmes, une formation spécifique sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologique.
Aussi, monsieur le président de la commission, mes collègues, quelle explication allons-nous donner à Droit pluriel, au Défenseur des droits et à toutes les associations représentatives qui constatent, à juste titre, les inégalités d’accès, d’accompagnement et de traitement par la justice de notre pays, qui méconnaît les particularités du handicap ? Allons-nous leur expliquer que, si le Sénat est sensible à la condition des femmes, il est en revanche insensible à celle des personnes avec handicap ?
Attention, chers collègues, la France des porteurs de handicap nous regarde ! Eux-mêmes, leurs familles, leurs amis et leurs défenseurs nous regardent et vous jugeront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)