M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 8 prévoit, pour une société qui emploie au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros, une obligation de prendre « des mesures destinées à prévenir et détecter, en France ou à l’étranger, les faits de corruption ou de trafic d’influence ».

Or, il y a seulement quelques semaines, l’Assemblée nationale adoptait une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères, qui oblige aussi à établir un plan de vigilance, visant notamment « à prévenir les comportements de corruption ». Cette obligation s’applique aux entreprises de plus de 5 000 salariés, filiales françaises comprises, ou 10 000 salariés, si l’on inclut les filiales étrangères.

Le plan de vigilance prévu dans la proposition de loi ne vise pas seulement à prévenir la corruption, mais aussi « les risques d’atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales, les dommages corporels ou environnementaux graves, ou les risques sanitaires ». Il englobe, en plus, les risques issus des sociétés que l’entreprise contrôle, et même les activités de ses « sous-traitants ou fournisseurs ».

Ces deux textes, le projet de loi Sapin II et la proposition de loi Vigilance, établissent en fait des obligations difficilement compatibles.

Le cabinet ATEXO, à qui la délégation aux entreprises a demandé une étude décrivant la portée économique de cette proposition de loi, a déjà estimé que celle-ci concernerait entre 146 et 243 entreprises, plus leurs filiales. C’est peu, mais ces entreprises représentent tout de même plus de 4 millions de salariés, plus de 33 % de la valeur ajoutée produite en France et plus de 50 % du chiffre d’affaires à l’export !

Or le même cabinet estime le nombre d’entreprises relevant de l’article 8 du projet de loi Sapin II à 2 850 ! Le projet de loi se concentre sur la corruption, alors que la proposition de loi Vigilance multiplie les éléments à prendre en compte dans le plan de vigilance, avec des intitulés très larges. C’est un nid à contentieux, qui crée une très grande incertitude pour les entreprises.

Le projet de loi que nous examinons est moins déraisonnable de ce point de vue, même s’il l’est davantage pour le nombre d’entreprises concernées, soit 2 850. Ce sont pourtant les grandes entreprises actives à l’international qui sont le plus exposées à la corruption. Ce ne sont pas les ETI d’à peine plus de 500 salariés que l’article 8 doit viser – ces entreprises dont nous avons justement besoin pour renforcer notre tissu industriel !

C’est pourquoi je défendrai notamment un amendement qui prévoit de relever ce seuil.

M. le président. L'amendement n° 596, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Les présidents, les directeurs généraux et les gérants d'une société employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros sont tenus de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l'étranger, de faits de corruption ou de trafic d'influence selon les modalités prévues au II.

Cette obligation s'impose également :

1° Aux présidents et directeurs généraux d'établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe public dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros ;

2° Selon les attributions qu'ils exercent, aux membres du directoire des sociétés anonymes régies par l'article L. 225-57 du code de commerce et employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros.

Lorsque la société établit des comptes consolidés, les obligations définies au présent article portent sur la société elle-même ainsi que sur l'ensemble de ses filiales, au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, ou des sociétés qu'elle contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du même code. Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au présent I sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, met en œuvre les mesures et procédures prévues au II du présent article et que ces mesures et procédures s'appliquent à l'ensemble des filiales ou sociétés qu'elle contrôle.

II. – Les personnes mentionnées au I mettent en œuvre les mesures et procédures suivantes :

1° Un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d'influence. Ce code de conduite est intégré au règlement intérieur de l'entreprise et fait l'objet, à ce titre, de la procédure de consultation des représentants du personnel prévue à l'article L. 1321-4 du code du travail ;

2° Un dispositif d'alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d'employés relatifs à l'existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ;

3° Une cartographie des risques prenant la forme d'une documentation régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d'exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d'activités et des zones géographiques dans lesquels la société exerce son activité ;

4° Des procédures d'évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;

5° Des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s'assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d'influence. Ces contrôles peuvent être réalisés soit par les services de contrôle comptable et financier propres à la société, soit en ayant recours à un auditeur externe à l'occasion de l'accomplissement des audits de certification de comptes prévus à l'article L. 823-9 du code de commerce ;

6° Un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d'influence ;

7° Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de conduite de la société.

Indépendamment de la responsabilité des personnes mentionnées au I du présent article, la société est également responsable en tant que personne morale en cas de manquement aux obligations prévues au présent II.

III. – De sa propre initiative ou à la demande du ministre de la justice ou du ministre chargé du budget, l'Agence française anticorruption réalise un contrôle du respect des mesures et procédures mentionnées au II du présent article.

Le contrôle est réalisé selon les modalités prévues au I de l'article 4. Il donne lieu à l'établissement d'un rapport transmis à l'autorité qui a demandé le contrôle et aux représentants de la société contrôlée. Le rapport contient les observations de l'agence sur la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein de la société contrôlée ainsi que, le cas échéant, des recommandations visant à l'amélioration des procédures existantes.

IV. – En cas de manquement constaté, et après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses observations, le magistrat qui dirige l'agence peut adresser un avertissement aux représentants de la société.

Il peut saisir la commission des sanctions afin que soit enjoint à la société et à ses représentants d'adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d'influence.

Il peut également saisir la commission des sanctions afin que soit infligée une sanction pécuniaire. Dans ce cas, il notifie les griefs à la personne physique mise en cause et, s'agissant d'une personne morale, à son responsable légal.

V. – La commission des sanctions peut enjoindre à la société et à ses représentants d'adapter les procédures de conformité internes à la société destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d'influence, selon les recommandations qu'elle leur adresse à cette fin, dans un délai qu'elle fixe et qui ne peut excéder trois ans.

La commission des sanctions peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques et un million d'euros pour les personnes morales.

Le montant de la sanction pécuniaire prononcée est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de la décision d'injonction ou de sanction pécuniaire ou d'un extrait de celle-ci, selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont supportés par la personne physique ou morale sanctionnée.

La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ni injonction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué.

Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

Un décret en Conseil d'État précise les conditions de fonctionnement de la commission, notamment les conditions de récusation de ses membres.

VI. – L'action de l'Agence française anticorruption se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été constaté si, dans ce délai, il n'a été fait aucun acte tendant à la sanction de ce manquement.

VII. – Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement vise à rétablir l’article 8 dans la version adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination avec l’article 2.

Hier, nous avons eu un débat assez long sur la commission des sanctions de l’Agence de prévention de la corruption. Il me semble aussi que nous commettons une erreur en confondant prévention et répression, mais, à l’instar de mon excellent collègue, je tire les conséquences du vote majoritaire du Sénat sur mon amendement n° 594, en retirant celui-ci, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 596 est retiré.

L'amendement n° 316 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Canevet et Danesi, Mme Deromedi, MM. Nougein, Vaspart et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

cinq cents

par les mots :

mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, et cinq mille

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Comme je l’ai indiqué à l’instant, la définition des entreprises tenues de mettre en place des procédures internes de prévention et de détection des faits de corruption en France et à l’étranger semble très large, avec des seuils retenus de 500 salariés et 100 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Or cette obligation, comme le reconnaît la commission des lois dans son rapport, est relativement intrusive dans l’organisation interne de l’entreprise, puisqu’elle recouvre une série de mesures : code de conduite, formation des cadres, dispositif d’alerte interne, cartographie des risques, etc.

Même si le texte de la commission prévoit que les mesures internes de prévention doivent être « proportionnées », cette précaution ne garantit pas que soit évité un alourdissement indu des obligations pesant sur les entreprises de plus petite taille, pourtant peu exposées au risque de corruption. Attentive aux entrepreneurs qu’elle a rencontrés sur le terrain, la délégation aux entreprises tient à empêcher la création d’un nouveau fardeau administratif injustifié.

Cet amendement vise donc à relever les seuils d’effectif au-delà desquels seraient imposées les nouvelles obligations destinées à lutter contre la corruption, en les fixant à 1 000 salariés dans la société et ses filiales françaises et 5 000 salariés en incluant ses filiales étrangères.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Je vais tenter de dissiper les inquiétudes de ma collègue.

Cet amendement vise à relever de 500 salariés dans le monde à 1 000 salariés en France ou 5 000 dans le monde le seuil des sociétés et groupes de sociétés devant mettre en place des mesures internes de prévention et de détection de la corruption, avec l’assistance de l’Agence de prévention de la corruption.

Je n’avais pas proposé à la commission de relever ce seuil, qui peut certes paraître assez bas, de façon à conserver le même périmètre que celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale. En effet, lors de mes auditions, les personnes que j’ai entendues n’ont absolument pas critiqué ce seuil. Ce périmètre me semblait donc globalement accepté.

En revanche, le texte de la commission prévoit tout de même que les mesures de prévention doivent être proportionnées, c’est-à-dire tenir compte, entre autres, de la taille des entreprises, ce qui n’était pas le cas du texte de l’Assemblée nationale. Le détail des mesures ayant été renvoyé au pouvoir réglementaire, il appartiendra au décret de moduler les obligations en fonction de la taille et des spécificités de l’entreprise. Il est bien évident que le niveau d’exigence ne sera pas le même pour Total et pour une entreprise locale de quelques centaines de salariés…

Ma chère collègue, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis !

M. le président. Madame Lamure, l’amendement n° 316 rectifié est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Au travers de cet amendement, nous voulions éviter de créer une nouvelle charge pour des entreprises de taille moyenne, comprenant 500 salariés au plan national. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, et je note l’introduction dans le texte de la commission du terme « proportionné ». Je veux comprendre que les entreprises tenues à ces obligations seront soumises à un jugement proportionné.

Même si c’est avec quelques regrets, j’accepte donc de retirer cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 316 rectifié est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 194 est présenté par Mme Lienemann.

L'amendement n° 446 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 489 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

1° Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés mentionnées au premier alinéa mettent également en œuvre des mesures pour identifier, prévenir, atténuer et remédier aux dommages et risques d’atteintes graves à la santé, à l’environnement et aux droits fondamentaux tels qu’établis dans la Charte Européenne des droits fondamentaux et résultant de leurs activités, celles de leurs filiales, sous-traitants ou fournisseurs, directs ou indirects.

2° Alinéa 15

Après le mot :

budget

insérer les mots :

ou sur requête motivée de toute personne démontrant un intérêt à agir

3° Alinéas 16, seconde phrase

Après les mots :

de la société

insérer les mots :

et des mesures destinées à mettre en œuvre les autres obligations prévues au présent chapitre et

4° Alinéa 18, première phrase

Après les mots :

ou de trafic d’influence

insérer les mots :

ou des mesures destinées à mettre en œuvre les autres obligations prévues au présent chapitre,

L’amendement n° 194 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 446.

M. Patrick Abate. Cet amendement vise à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Il a pour objet d’étendre le dispositif de contrôle prévu en matière de corruption aux atteintes graves à l’environnement, à la santé et aux droits de l’homme.

Il s’agit en effet de concrétiser les engagements récurrents du Gouvernement en faveur de la responsabilité des maisons mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger, lorsque celles-ci provoquent des dommages environnementaux et sanitaires.

De la même manière qu’elle requiert des mesures de prévention et de détection de la corruption et du trafic d’influence, cette proposition instaure donc une obligation d’identification, de prévention, d’atténuation et de réparation des dommages et des risques de dommages suscités par les activités des multinationales via leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.

Les sociétés mères seraient ainsi responsables en cas de manquement à cette obligation.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 489.

Mme Marie-Christine Blandin. Les dispositions de cet amendement s’appuient sur une expertise d’usage, lorsque le groupe Glencore s’est totalement lavé les mains des errances environnementales et des dégâts sanitaires monstrueux causés sur les salariés, les sous-traitants, les intérimaires, les riverains, le sol et les rivières par le site de Metaleurop.

Mes chers collègues, savez-vous ce que cela représente de vivre sur un territoire où l’on ne peut construire ni école maternelle ni maison, où il est interdit de consommer les légumes du jardin, où l’on demande aux enfants de se couper les ongles courts et où l’on fait régulièrement des prises de sang pour mesurer la diminution du taux de plomb dans l’organisme ?

Certes, il y a eu un procès et la justice est passée, mais les sociétés mères, en l’état actuel du droit, restent absolument intouchables.

M. le président. L'amendement n° 315, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 23-11-4. – Le magistrat qui dirige l’agence peut également saisir la commission des sanctions qui peut :

« 1° Enjoindre à la société et à ses représentants de mettre en œuvre ou d’adapter les procédures de conformité internes à la société destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d’influence, selon les recommandations qu’elle leur adresse à cette fin, dans un délai qu’elle fixe et qui ne peut excéder un an ;

« 2° Prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques ou d’un montant maximal équivalent à 1 % du chiffre d’affaires du dernier exercice clos pour les personnes morales. Dans ce cas, la commission des sanctions notifie les griefs à la personne physique mise en cause, et s’agissant d’une personne morale, à son représentant légal.

« Le montant de la sanction pécuniaire prononcée est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

« La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision d’injonction ou de sanction pécuniaire ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne physique ou morale sanctionnée.

« La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ni injonction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué.

« Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 23-11-5. – Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, monsieur le président, je ne vais pas rejouer la partie d’hier, et je vais retirer cet amendement. Vous me permettrez toutefois de dire quelques mots sur cette commission des sanctions.

Hier, vous nous avez expliqué qu’il ne fallait surtout pas confondre le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, représentés par deux juges différents. Dès l’instant qu’il y a sanction, c’est au pouvoir judiciaire d’intervenir. Nous ne sommes évidemment pas d’accord avec ce raisonnement, pour de multiples raisons, mais surtout pour une raison majeure : notre droit est rempli de sanctions administratives – sur ce point, je n’ai pas obtenu de réponse.

Le droit de la communication audiovisuelle, comme le droit de la concurrence, prévoit des sanctions administratives. Et même si l’on se réfère au code de la route, il apparaît que le retrait de points d’un permis de conduire constitue également une sanction administrative.

Si nous acceptons dans ces cas les sanctions administratives, c’est parce que nous estimons qu’elles sont plus efficaces et plus rapides. Par ailleurs, elles ne mettent pas en cause les droits, car les sanctions administratives sont également soumises au principe de proportionnalité, au principe du contradictoire et à la non-rétroactivité. Tous les droits restent attachés aux sanctions administratives.

Je ne vois donc pas pourquoi l’on se prive de cette voie plus rapide et plus efficace au profit d’une voie judiciaire, dont nous savons aussi qu’elle est particulièrement encombrée, monsieur le rapporteur.

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 315 est retiré.

L’amendement n° 553 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Fortassin, Requier, Bertrand, Collombat, Esnol et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Vall et Hue, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Supprimer les mots :

ou toute personne intéressée

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. L’article 8 fixe les conditions de mise en œuvre du contrôle de l’Agence de prévention de la corruption au sein de sociétés privées.

Le dix-huitième alinéa de l’article confère à « toute personne intéressée » et au magistrat qui dirige l’agence la capacité de saisir le juge des référés pour enjoindre sous astreinte une société à prendre les mesures nécessaires à l’amélioration de ses dispositifs de prévention et de détection de la corruption.

Cependant, les alinéas qui précèdent celui-ci ne précisent pas que les rapports et avertissements de l’agence sont publiés. Le nombre de « personnes intéressées » susceptibles de saisir le juge est en réalité très réduit.

Il convient donc, soit de rendre publics ces rapports et avertissements – une piste qui semble écartée à ce stade de notre discussion –, soit de supprimer la mention des « personnes intéressées ». Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, rapporteur. Les amendements identiques nos 446 et 489 visent à instaurer une obligation de vigilance pour les sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France et à l’étranger, en matière de risques sanitaires et environnementaux, ainsi que d’atteinte aux droits fondamentaux.

À titre personnel, je serais assez favorable à un tel dispositif, sous réserve toutefois que la réciprocité prévale.

J’utiliserai à dessein une métaphore « footballistique », puisque l’actualité s’y prête. (Sourires.) La mondialisation, et même l’Europe, ce serait finalement une compétition où certaines équipes pourraient jouer à douze au lieu de onze, où certaines auraient des buts plus larges que d’autres, où les arrières pourraient se servir de leurs mains, le tout avec un arbitre qui resterait parfois au vestiaire.

Notre problème, c’est celui de l’homogénéisation de nos règles sociales, environnementales et fiscales. Si nous retenons ces amendements identiques, nous pénalisons nos entreprises. Nous devrions certes agir plus vigoureusement dans ce domaine, mais essentiellement au plan européen et mondial.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos 446 et 489.

Par ailleurs, mes chers collègues, vous savez que ce texte a déjà fait l’objet d’un vote défavorable du Sénat sur une proposition de loi que nous avons rejetée par cohérence. Vous trouverez peut-être mes explications légères, mais j’ai voulu prendre une comparaison dont j’ai la faiblesse de penser qu’elle explique bien ce que nous vivons.

J’en viens à l'amendement n° 553 rectifié, qui vise à supprimer la faculté, pour toute personne intéressée, de saisir le président du tribunal à des fins d’injonction.

Nous avions retenu une formulation habituelle en droit des sociétés, permettant à toute personne dite « intéressée » d’engager une action. Toutefois, je reconnais qu’il s’agit peut-être, dans le cas présent, d’une hypothèse d’école…

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis favorable à l'amendement n° 553 rectifié. Sinon, mêmes avis, mais pas forcément avec les mêmes métaphores ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai les amendements identiques nos 446 et 489.

J’aurais souhaité, en lieu et place de cette usine à gaz que nous montons, que nous renforcions les peines, afin de nous doter véritablement d’un dispositif répressif bien plus fort que celui qui existe actuellement ou que celui qui sera issu de ce projet de loi.

Tout le monde ne relève pas des mêmes règles, mais l’amélioration du dispositif répressif donnerait sans doute plus à penser à ceux qui auraient envie de transgresser la loi.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.