M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article vise la procédure de remontée des alertes.
Le Sénat prévoit une gradation. Celle-ci a le mérite de présupposer que, dans la majeure partie des cas, le fonctionnement et la communication interne d’une entreprise ou d’une instance sont à même de permettre le traitement du problème.
Toutefois, la loi se doit de prévoir la gestion des exceptions dommageables à l’intérêt public et de protéger les faibles. Lors du débat à l’Assemblée nationale, on a bien senti que le ministère était préoccupé par la résolution législative de récents scandales financiers, dont les victimes ont pu être le budget de la Nation, l’image des institutions bancaires, voire de Bercy, enfin, ce qui est profondément injuste, des individus vertueux ayant rendu publics ces scandales.
La présentation qui a été faite de cette partie du texte, inspirée par les recommandations du rapport du Conseil d’État, témoigne aussi d’une autre ambition : il s’agit d’installer une définition et une procédure compatibles avec tous les types d’alertes. Je remercie au passage la commission des lois d’avoir rétabli un alinéa indispensable de la loi, supprimé un peu hâtivement par l’Assemblée nationale.
Les amendements que j’ai déposés sur cet article visent à prendre en compte les spécificités des alertes d’un type autre que financier, ainsi que leurs exigences propres. Songez, mes chers collègues, au Mediator, aux alertes internes des agences sanitaires, aux risques à la fois imminents et récurrents – je pense aux irradiés de l’hôpital d’Épinal –, et vous comprendrez que, dans certains cas, trois mois, c’est trop long !
Dans le texte qui nous est proposé, le respect de la procédure est constitutif de la bonne foi. Toutefois, et ce sera l’objet de l’amendement n° 381, il faut prévoir tous les cas de figure, notamment la consultation d’associations spécialisées, de type Transparency International ou Les Périphériques vous parlent. Ces associations ne constituent pas un palier de signalement : elles jouent le rôle de consultants.
Enfin, on peut retenir les trois premiers critères de la qualification, dans notre droit de la presse, de la bonne foi, afin de ne pas enfermer celle-ci dans le respect, en toutes circonstances, d’une procédure. Il s’agit, en vertu de l’arrêt du 6 juin 2007, de la légitimité du but poursuivi, de l’absence d’animosité personnelle, ainsi que de la prudence et la mesure dans l’expression.
M. le président. L'amendement n° 589 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Toute personne qui, dans le cadre de ses relations de travail, prend personnellement connaissance de faits susceptibles de constituer un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi et du règlement, a fortiori s’ils présentent le risque de causer un dommage grave, imminent et irréversible, en alerte son supérieur hiérarchique direct ou indirect ou son employeur.
Lorsque l’alerte met en cause un supérieur hiérarchique ou l’employeur, elle est signalée à la personne de confiance désignée par l’employeur chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes. L’alerte n’ayant pas fait l’objet de traitement est adressée à l’Agence de prévention de la corruption ou de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement au-delà du délai de trois mois, sans délai en cas de risque de dommage imminent.
En dernier ressort, au-delà d’un délai de trois mois après le signalement de l’alerte par la voie hiérarchique et interne, à défaut d’avoir fait l’objet d’un traitement, et après avoir été transmise à l’autorité judiciaire selon la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de lancement de l'alerte, dans le cadre des relations de travail.
Il s’agit de préciser la gradation des opérations à mettre en œuvre, pour arriver, in fine, à la révélation au public de l’alerte. L’originalité des dispositions proposées ici tient au nombre réduit des différentes phases, la procédure étant ainsi raccourcie. Par ailleurs, nous faisons référence à la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, ainsi qu’à l’Agence de prévention de la corruption, qui fait l’objet de ce projet de loi.
Telles sont, pour l’essentiel, les modalités proposées au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est une réécriture de la procédure de signalement. Or, chaque fois qu’il s’agira de réécrire l’article 6 C, auquel la commission tient beaucoup, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 314, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – L’alerte peut être portée à la connaissance du référent désigné par l’employeur ou, à défaut, de tout supérieur hiérarchique ou de l’employeur.
En cas de crainte de représailles ou de destruction de preuves, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux instances représentatives du personnel, aux ordres professionnels ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
À défaut de prise en compte par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa ou en cas d’urgence, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Il s’agit d’un amendement d’appel. Si nous sommes persuadés qu’il faut une gradation dans l’alerte, principe retenu dans la plupart des pays, nous nous interrogeons sur la gradation la plus appropriée. En effet, celle qui nous est proposée nous paraît beaucoup trop rigide.
Aux termes de l’article 6 C, « le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. » Ainsi, nous sommes globalement dans le cadre d’une relation de travail. Quid lorsque tel n’est pas le cas, comme le permet l’article 6 A du texte ? Aucune gradation et aucune méthode de transmission de l’alerte ne sont prévues !
Revenons au cas d’une relation de travail, pour lequel la rédaction pourrait être améliorée, bien qu’elle ait déjà été beaucoup travaillée. Si le signalement doit être porté à la connaissance de l’employeur, il faut auparavant passer par un certain nombre de phases. Toutefois, que se passe-t-il si l’employeur est lui-même l’objet de l’alerte ? Il convient de s’adresser à une personne de confiance, laquelle est désignée par l’employeur faisant justement l’objet de l’alerte ! Il y a donc bien là une difficulté.
Le texte précise donc que, « en l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part », on pourra s’adresser à l’autorité judiciaire ou à l’autorité administrative. Que se passera-t-il si l’autorité judiciaire ne témoigne pas d’un certain empressement ou si l’autorité administrative a autre chose à faire ? Telle est pourtant la réalité, aujourd'hui, de notre société.
Certes, dans ce cas, il existe une solution : à défaut de traitement dans un délai de trois mois, le signalement peut être porté à la connaissance du public.
Attention, néanmoins : cela vaut seulement « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles ». Qui en jugera ? Cela revient en quelque sorte à dire aux lanceurs d’alerte : « Lancez l’alerte si vous voulez, mais vous risquez d’en prendre plein la figure ; le mieux est donc que vous restiez chez vous et gardiez le silence ». J’estime qu’il s’agit d’une incitation au secret, plutôt qu’à la révélation des faits incriminables.
Je dois reconnaître que je ne dispose pas vraiment moi-même de la solution et que la rédaction de notre amendement pourrait être améliorée – c’est pourquoi j’ai dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Quoi qu’il en soit, la solution à laquelle nous sommes parvenus sur ce sujet n’est pas bonne. En définitive, celle de l’Assemblée nationale me convient davantage.
M. le président. L'amendement n° 438, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. – L’alerte est préalablement effectuée par voie interne auprès de la personne de confiance désignée par l’employeur, les instances représentatives du personnel, les supérieurs hiérarchiques ou l’employeur lui-même.
En cas d’impossibilité d’emprunter la voie interne ou si aucune suite n’est donnée à l’alerte dans un délai de deux mois, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux ordres professionnels, à un parlementaire ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mes explications vaudront également pour l’amendement n° 439.
La question posée ici est celle de l’articulation entre les différentes procédures de signalement de l’alerte. À l’instar de la formule retenue par la commission de l’Assemblée nationale, nous proposons deux paliers de signalement : un palier interne, au sein de l’entreprise, et un palier externe, en dehors de l’entreprise.
Notre amendement vise à introduire dans les canaux de signalement interne les instances représentatives du personnel, ainsi que l’ensemble des supérieurs hiérarchiques, et non seulement le supérieur hiérarchique direct.
En l’état actuel du texte, l’employeur vis-à-vis duquel le lanceur d’alerte peut entretenir des craintes légitimes de représailles est largement surreprésenté dans la procédure, puisque le signalement de l’alerte peut être porté, au sein de l’entreprise, à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. En cas de mise en cause de l’employeur, le signalement peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur.
Cette première étape du signalement nous semble phagocytée par l’employeur, ce qui pourrait saper l’efficacité de la procédure et de l’ensemble même du dispositif. En permettant au lanceur d’alerte de s’adresser aux instances représentatives du personnel ou à un autre supérieur hiérarchique, nous créerions les conditions d’une protection plus efficace.
Par ailleurs, dans les cas où il n’est pas possible d’emprunter le canal interne, notamment en cas de crainte de représailles, ou dans les cas où aucune suite n’est donnée au signalement, le présent amendement vise à prévoir la possibilité d’un signalement par voie externe.
La liste déjà prévue par le texte comporte l’autorité judiciaire, l’autorité administrative et les ordres professionnels. Nous proposons d’y ajouter le Défenseur des droits, un parlementaire, ainsi que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte.
L’amendement n° 439 est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 438. Il vise, a minima, à donner aux lanceurs d’alerte la possibilité d’effectuer tout signalement auprès des instances représentatives du personnel. Cela nous paraît la moindre des choses, et parfaitement du ressort de ces instances.
Le lanceur d’alerte doit pouvoir trouver une oreille attentive au sein même de son entreprise, en dehors de ses supérieurs. Il doit pouvoir se sentir en confiance et s’adresser à la personne de son choix au sein des instances représentatives du personnel.
Ces deux amendements visent donc à garantir l’efficacité de la procédure de signalement et son caractère protecteur pour les lanceurs d’alerte, dont l’importance du rôle n’est plus à démontrer.
M. le président. L'amendement n° 538 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
éthique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le terme « éthique » me paraît un peu trop vague. Sont en jeu, ici, des infractions ou des manquements graves : il ne s’agit pas d’un simple problème de moralité. L’usage du terme « éthique » revient à poser le problème d’une façon un peu trop générale et à ouvrir la porte à toute forme d’intervention.
M. le président. L'amendement n° 439, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
direct ou indirect,
insérer les mots
des instances représentatives du personnel, lorsqu’elles existent,
Cet amendement a été précédemment défendu,
L'amendement n° 655, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
ou de l'employeur
par les mots :
de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci
II. - Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
auprès d'une personne de confiance désignée
par les mots :
auprès du seul référent désigné
2° Remplacer le mot :
chargée
par le mot :
chargé
III. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
personne de confiance
par les mots :
référent désigné
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise, notamment, à préciser la procédure de signalement. En effet, il tend à permettre aux entreprises de préférer une première médiation du signalement par un référent désigné – cette solution, d’ailleurs, est susceptible de satisfaire un certain nombre de personnes.
À supposer que cette hypothèse ne s’applique pas, cet amendement vise à autoriser que les supérieurs hiérarchiques ne soient pas prévenus du signalement dans deux situations seulement : en l'absence de diligences des supérieurs hiérarchiques à traiter le signalement dans un délai raisonnable, ou dans les cas où ceux-ci seraient mis en cause.
Enfin, cet amendement tend à substituer le terme de « référent » à celui de « personne de confiance ».
M. le président. L'amendement n° 380, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si le risque imminent, le délit ou le danger sont du fait d’un supérieur hiérarchique, le lanceur d’alerte peut s’adresser directement aux instances publiques ou au défenseur des droits.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le présent texte est destiné à protéger l’exception ; chacun, ici, s’entend à préférer que les systèmes ne dysfonctionnent pas, qu’il n’existe pas de comportements indélicats et que, en cas de signalement d’une alerte, la chaîne hiérarchique entende, diagnostique, puis traite le problème.
Ce projet de loi a vocation à protéger le lanceur d’alerte, voire le lanceur d’alerte non entendu. Présumant le système vertueux, ses auteurs invitent l’auteur du signalement à respecter les différents paliers de la procédure, au rang desquels est d’ailleurs inscrit le Défenseur des droits.
L’objet de cet amendement est de proposer une gestion du pire, à savoir du cas où le désordre est causé par une personne en position hiérarchique de receveur d’alerte. Le lanceur d’alerte doit alors pouvoir « sauter » cette étape. Une autre situation devrait justifier l’alerte directe aux instances publiques : celle du risque imminent ou du danger.
À titre d’exemple, prenons le cas, qui s’est posé dans les années 2000, des prothèses PIP, emplies d’un gel inapproprié : une salariée qui s’en serait émue auprès du supérieur qui s’est depuis rendu célèbre aurait risqué le pire, le projet de loi Sapin II n’étant pas voté. Néanmoins, il n’est pas certain que le texte actuel, qui dresse une liste de destinataires d’alertes à suivre dans l’ordre chronologique, aurait d’emblée protégé ladite salariée, laquelle n’aurait pas pu respecter la chronologie prévue.
M. le président. L'amendement n° 381, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou un professionnel ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Sur l’initiative d’ONG internationales spécialisées dans l’alerte, une journée d’étude en droit comparé a été organisée à l’université Paris-Descartes le 10 juin dernier.
La confrontation des environnements juridiques de l’alerte aux États-Unis d’Amérique, au Canada, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et en Russie a permis de relever un point commun : le lanceur d’alerte a souvent besoin de conseil et d’appui pour objectiver sa démarche, rassembler ses observations, les mettre en forme, rester dans le rationnel, ne pas tomber dans la calomnie, s’entourer.
Des associations font ce travail de conseil. Il est donc nécessaire que le lanceur d’alerte puisse recourir à leurs services. Je précise qu’il ne s’agit pas d’en faire un palier nécessaire, mais de reconnaître leur rôle de conseil, afin d’éviter l’isolement du lanceur d’alerte.
M. le président. L'amendement n° 382, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le signalement peut être rendu public à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai raisonnable, ou en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le principe de cette proposition avait été adopté à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et pluralisme des médias. Ce vote avait été complété, au Sénat, par celui d’un amendement du Gouvernement, Mme Azoulay ayant proposé, à juste titre, que des peines d’enfermement et d’amende soient appliquées dans les cas de dénonciation calomnieuse. Tout cela a néanmoins disparu, la commission mixte paritaire sur ce texte ayant échoué.
Pourtant, il s’agissait d’un point consensuel. L’amendement n° 382 vise à réintroduire cette disposition dans le présent texte, l’expression publique du signalement pouvant se justifier en cas d’absence de traitement.
En outre, si un délai de trois mois nous semble approprié en cas de dénonciation d’un scandale financier, nous proposons malgré tout de lui substituer la mention d’un délai « raisonnable », afin de couvrir des cas où il est nécessaire d’agir plus vite : émanation toxique, présence d’un mélange inadéquat dans un processus de fabrication ou, plus généralement, « danger grave et imminent », circonstance mise en avant par le Conseil d’État dans son étude Le Droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, adoptée en février 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 314 de notre collègue Alain Anziani est peut-être le plus fondamental, puisqu’il vise à réécrire le dispositif du signalement de l’alerte dans un sens contraire à la position défendue par la commission. Or cette dernière est très attachée à sa position.
Cher collègue, je comprends vos préoccupations. Je vous demande toutefois de bien vouloir retirer votre amendement : je pense que la liste d’acteurs que vous proposez est inadaptée.
J’évoquerai ce seul point : pourquoi un signalement devrait-il être adressé à une association ? De quel pouvoir est dotée l’association pour arrêter le délit ou le crime ? Aucun, bien entendu. Tout lanceur d’alerte peut évidemment s’adresser à une association, mais une communication à une association ne saurait en aucun cas être considérée comme une étape « normale » de la procédure de signalement. En outre, une association n’est pas habilitée à connaître un secret protégé par la loi.
Enfin – vous avez pu constater, cher collègue, que ce point risquait de faire problème dans la suite du débat –, cet amendement tend à replacer le Défenseur des droits, à son corps défendant, ainsi que les instances représentatives du personnel, au même rang que l’autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Au bénéfice de la modération de mes propos, peut-être M. Anziani acceptera-t-il de le retirer.
Madame Assassi, vous proposez, avec l’amendement n° 438, une réécriture du dispositif du signalement de l’alerte.
En vertu de cette réécriture, l’information devrait d’abord être transmise soit à l’employeur, soit aux instances représentatives du personnel, soit à la « personne de confiance ». Cette hiérarchie du signalement me semble inappropriée – j’ai déjà expliqué la position de la commission concernant les instances représentatives du personnel. Mon avis est donc défavorable sur cet amendement.
Monsieur Collombat, avec l’amendement n° 538 rectifié, vous proposez de supprimer le terme « éthique ». La commission a considéré qu’il n’était en effet sans doute pas nécessaire de le maintenir, et cela quand bien même l’éthique doit bel et bien constituer un élément majeur dans la motivation et la décision du lanceur d’alerte. La commission émet donc un avis favorable.
L’amendement n° 439 vise à réintroduire le rôle des instances représentatives du personnel dans la procédure de signalement. Celles-ci ne sont pourtant pas des autorités administratives ou judiciaires aptes, comme telles, à juger de la véracité ou de la fausseté du signalement.
Par ailleurs, après tout, cela n’empêche en rien les instances représentatives du personnel d’œuvrer à la mise en place d’une procédure interne de signalement : elles sont ainsi parfaitement dans leur rôle. Mais il s’agit d’un problème distinct. Pour cette seule raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Blandin, avec l’amendement n° 380, vous conditionnez la possibilité de s’adresser aux instances publiques ou au Défenseur des droits aux seuls cas de « risque imminent ». En définitive, votre rédaction est extrêmement restrictive ; elle est donc contraire à la vision plus large qui est celle de la commission. Mon avis est donc défavorable.
Il est défavorable également pour l’amendement n° 381 : chère collègue, vous intégrez deux nouveaux acteurs dans la procédure, dont le premier, « un professionnel », me paraît excessivement large.
Quant à l’amendement n° 382, il vise à remplacer le délai de trois mois par un délai « raisonnable ». Qu’est-ce qu’un délai « raisonnable » ? Trois mois peuvent paraître en effet trop longs ; néanmoins, la notion de « délai raisonnable » me semble trop sujette à des jurisprudences parfois diverses et évolutives…
En outre, ce délai de trois mois n’a pas été choisi au hasard : il s’agit du délai d’attente nécessaire, à compter du dépôt d’une plainte devant le procureur de la République, à partir duquel il devient possible, en l’absence de réponse, de saisir le juge d’instruction. Ce choix relève donc d’une certaine cohérence. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Anziani, votre proposition est intéressante, mais, comme vous le disiez vous-même, elle pose des problèmes de rédaction. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 314.
En ce qui concerne l’amendement n° 438, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qui ont été invoquées par M. le rapporteur.
S'agissant de l’amendement n° 538 rectifié de M. Collombat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l’amendement n° 439, le Gouvernement émet le même avis que la commission, à savoir un avis défavorable.
Il est en revanche favorable à l’amendement n° 655 de la commission.
Enfin, pour les mêmes raisons que la commission, il émet un avis défavorable sur les amendements nos 380, 381 et 382.
M. le président. Monsieur Anziani, l'amendement n° 314 est-il maintenu ?
M. Alain Anziani. Non, je le retire, monsieur le président, même si je souhaite que nous réfléchissions à une meilleure rédaction.
M. le président. L'amendement n° 314 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 438.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupables de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.