M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la commission des affaires sociales du Sénat a tenté de redonner une véritable ambition réformatrice à cette loi de modernisation du droit du travail, ainsi que nous l’avons intitulée modestement, que le Premier ministre lui-même voulait à l’automne dernier révolutionnaire.
Après un parcours mouvementé, voire chaotique, une contestation populaire en grande partie imputable à une concertation insuffisante et à une pédagogie défaillante, la sérénité du débat sénatorial – à laquelle, madame la ministre, par votre capacité d’écoute, vous n’êtes pas étrangère – nous a permis de trouver, entre l’idéal et le possible, le chemin du pragmatisme.
M. Jean Desessard. Oh là là !
M. Jean-Marc Gabouty. Avec le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, et mes collègues rapporteurs, Jean-Baptiste Lemoyne et Michel Forissier, nous n’avons jamais oublié que l’objectif était bien de permettre à notre économie, à nos entreprises et aux relations sociales qui s’y développent de s’adapter pour les mettre en situation de produire plus de richesses et de créer plus d’emplois dans un contexte plus exigeant de compétition internationale.
Préserver l’emploi de ceux qui en ont un et, surtout, permettre aux millions de chômeurs d’accéder à l’emploi passe obligatoirement par une économie performante, car les approches sociales et économiques sont indissociables. Pour atteindre ces objectifs, la commission des affaires sociales et la majorité sénatoriale se sont appuyées sur une ligne directrice caractérisée par quatre principes élémentaires : la simplicité, la souplesse, la réactivité et l’efficacité.
La simplicité s’est traduite par la suppression de certains dispositifs inutiles ou inopérants, voire nocifs, par l’élimination de rapports et expérimentations trop nombreux, ou de mesures insuffisamment abouties ou n’ayant fait l’objet que d’une concertation sommaire.
Il en est ainsi, par exemple, de l’article sur l’ébauche de responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique, de l’instauration d’instances de dialogue social dans les réseaux de franchise ou encore du compte d’engagement citoyen.
La souplesse se manifeste en particulier à l’article 2, où nous partageons l’optique adoptée par le Gouvernement de favoriser un dialogue direct au niveau de l’entreprise. Nous avons élargi le champ des libertés dans la fixation du temps de travail hebdomadaire de référence ou encore dans les modalités de négociation au sein des entreprises.
Dans ces domaines très controversés de la négociation sociale, il ne faut pas opposer accords d’entreprise et accords de branche. Si les premiers ont la primauté, les seconds, par leur caractère supplétif, s’appliqueront probablement au plus grand nombre dans la catégorie des PME et TPE. À moins bien sûr que les partenaires sociaux ne s’emparent du dispositif intermédiaire particulièrement pertinent proposé par le Gouvernement qu’est celui des accords types de branche.
La réactivité découle naturellement de la simplicité et de la souplesse, mais aussi de la réduction des délais de mise en œuvre, de recours ou de jugement que nous avons introduite dans cette loi. À cet égard, l’article sur le rescrit social élaboré par la délégation aux entreprises du Sénat constitue un apport innovant permettant de sécuriser les initiatives et les projets – pour reprendre les propos du Conseil d’État – dans le cadre de relations sociales plus apaisées.
L’efficacité consiste à vérifier que les textes ne sont pas seulement intellectuellement satisfaisants, mais qu’ils répondent aussi aux attentes des partenaires sociaux et sont concrètement applicables dans la vie des entreprises.
Pour certains commentateurs, les caractéristiques de la version sénatoriale auraient été de durcir, de libéraliser – trop pour certains, pas assez pour d’autres – le texte d’origine. Ces appréciations ne sont pas fondées, car relevant de la caricature ou d’une approche idéologique qui n’est pas celle du groupe UDI-UC, ni celle de la majorité sénatoriale. Nous avons recherché des équilibres qui prennent effectivement en compte aussi bien les intérêts des salariés que ceux des entreprises.
Ainsi, dans la définition des licenciements économiques et de la notion d’entreprise en difficulté, nous avons introduit plus d’objectivité afin de sécuriser – pour les salariés comme pour les entreprises – un processus qui vise au final à diminuer le nombre de contentieux.
En ce qui concerne la médecine du travail, nous avons conforté le principe de base de la visite d’embauche, réaffirmé la responsabilité des médecins dans les modalités de suivi des salariés, préconisé la suppression des visites redondantes et incité à une réforme de la formation des médecins du travail afin de rendre cette spécialité plus attractive.
Par des dispositions incitatives, nous avons souhaité accroître l’intéressement des salariés aux résultats des entreprises, en particulier dans les PME et les TPE. Si les entreprises obtiennent de meilleurs résultats, il est naturel qu’elles les partagent avec les salariés.
Différentes mesures ont également été introduites pour promouvoir l’apprentissage, cher à notre collègue Michel Forissier, et faciliter l’insertion des travailleurs handicapés dans les entreprises.
Enfin, nous avons approuvé et renforcé le dispositif de lutte contre le détachement illégal des travailleurs.
L’enrichissement de ce texte par la majorité sénatoriale, et en particulier le groupe UDI-UC – je salue notamment les contributions de mes collègues Annick Billon, Jean-Marie Vanlerenberghe et Olivier Cadic, mais aussi, pour le groupe Les Républicains, Catherine Deroche, Élisabeth Lamure et Pascale Gruny –, cet enrichissement, donc, relève à la fois d’une démarche volontariste et constructive.
Au nom de l’efficacité économique, qui seule peut soutenir une croissance encore bien timide, je souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement retienne le plus grand nombre possible de propositions issues du texte du Sénat, que j’invite tous nos collègues à soutenir et à voter. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Frécon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Dominique Watrin. Après deux semaines de débats, le Sénat s’apprête à adopter un projet de « modernisation du code du travail » de la droite, qui est le frère siamois du projet de « nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises ».
Ces quinze jours de discussion ont démontré que, derrière les apparences, se faisait jour, selon les dires du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne, « un accord profond entre la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale sur la philosophie même du texte ».
Contrairement aux déclarations du Premier ministre, lors du meeting intitulé « Au secours, la droite revient ! » (M. Henri de Raincourt sourit. – M. Alain Gournac s’exclame.), le texte modifié par la droite sénatoriale n’est pas si éloigné de la version initiale du projet.
Nous ne sommes en tout cas pas dupes face au jeu de rôle consistant à faire passer la droite pour le méchant qui supprime les 35 heures et le Gouvernement pour le gentil qui permet d’abaisser la sur-rémunération des heures supplémentaires à 10 %.
Nous avons bien constaté l’accord entre la droite et le Gouvernement lorsqu’il s’agit d’inverser la hiérarchie des normes et de supprimer le principe de faveur.
La meilleure preuve en est que la majorité sénatoriale n’a pas demandé la suppression de l’article 2.
MM. Henri de Raincourt et Robert del Picchia. Ben non !
M. Éric Doligé. Il a tout compris !
M. Dominique Watrin. Au contraire, elle a pris appui sur la nouvelle architecture du droit du travail posée dans cet article, qui consacre la primauté de l’accord d’entreprise, pour durcir encore le projet de loi sur les autres niveaux de négociations.
Tout cela était annoncé. Il n’y a guère que Mme Bricq pour croire encore sur ce texte à un clivage entre droite sénatoriale et gauche gouvernementale. (Rires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
La réalité, malheureusement, c’est que le Gouvernement mène la gauche au désastre !
Faible avec la droite, mais ô combien virulent contre la CGT, les millions de Français qui se mobilisent depuis quatre mois contre ce projet de loi, au point d’être plus de 60 % à en demander le retrait ! Et la vérité, c’est que ce gouvernement, isolé, est aux abois, obligé d’avoir recours au 49.3 à l’Assemblée nationale, car sans majorité parlementaire, obligé de négocier avec une seule organisation syndicale, quand une majorité, avec la CGT, représentant la majorité des salariés, monsieur Masson, en demande le retrait. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
C’est pourquoi nous vous le redemandons solennellement, madame la ministre : suspendez votre projet de loi avant la seconde lecture devant les députés et acceptez la main tendue de la CGT et de Force ouvrière (Rires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) pour ouvrir enfin de vraies négociations.
Car, sur le fond, si la droite a accentué les mesures libérales de votre projet de loi en supprimant les 35 heures, en rétablissant le plafonnement des indemnités de licenciement aux prud’hommes, en relevant les seuils sociaux dans les entreprises, en supprimant la généralisation de la garantie jeunes et en autorisant à embaucher des apprentis de moins de 15 ans, y compris pour travailler la nuit, autant de mesures que nous avons combattues sans réserve, elle vous doit malheureusement d’avoir préparé les esprits à ce projet de casse sociale !
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la réaction du patronat, qui fait semblant d’être déçu de certaines modifications. Mais, en réalité, le MEDEF se frotte les mains à l’idée des futures possibilités offertes pour licencier plus facilement et imposer de nouveaux sacrifices aux salariés sur fond de chantage à l’emploi et de dumping social.
Le rêve du patronat européen de définir dans le code du travail les standards minima impératifs et les éléments complémentaires qui peuvent faire l’objet d’exemptions est une réalité, non seulement avec les articles 2 et 3 de votre projet de loi, mais aussi avec les articles 10, 11 et 30 en particulier.
Je veux donc saluer ici solennellement les 47 sénatrices et sénateurs qui ont voté contre la nouvelle facilitation des licenciements économiques. Il s’agit d’un vote inédit depuis 2012 dans notre Haute Assemblée.
Vous ne pourrez pas, madame la ministre, vous cacher éternellement derrière le compte personnel d’activité, pour faire avaler toujours et toujours de nouvelles pilules.
En plein Euro de football, la CGT vient de révéler que la direction générale du travail aurait demandé aux inspecteurs du travail d’éviter les contrôles durant les matches et d’être souple dans l’attribution des dérogations au repos dominical.
C’est certainement ici un avant-goût du futur code du travail que les inspectrices et inspecteurs du travail devront appliquer, un code du travail différent pour chacune entreprise, alors qu’il n’y a, par exemple, qu’un seul code de la route. Où est le principe fondamental d’égalité entre les Français, entre les salariés ?
Malgré le vote des Anglais en faveur du Brexit, vous préférez encore suivre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui plaide pour le maintien de l’article 2 et considère que ce projet de loi est « un geste législatif approprié ».
Mais qui décide en France du code du travail ? Les représentants du peuple ou les ultralibéraux de Bruxelles ? On peut se le demander !
Dans ses recommandations à notre pays, adoptées le 14 juillet 2015, le Conseil européen se lamentait du fait que les accords dits « de maintien de l’emploi », permettant de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail dans les entreprises en difficulté, n’avaient pas « produit les résultats escomptés ». « Ce dispositif devrait être revu », poursuivait-il, avant de sommer la France d’élargir les possibilités de déroger aux accords de branche par des accords d’entreprise, de faciliter la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins, d’élargir les possibilités de déroger à la durée légale de travail de 35 heures par semaine.
Pour notre part, nous refusons ce projet régressif, car nous restons fidèles aux valeurs de la gauche. Nous voulons privilégier l’intérêt collectif de notre pays, celui aussi des petites et moyennes entreprises, qui s’inquiètent à juste titre de nouvelles pressions des donneurs d’ordre conduisant à une nouvelle fuite en avant dans le dumping social.
Citant Léon Blum, je conclurai en affirmant « notre résolution à rechercher dans des voies nouvelles les remèdes à la crise […] ».
Voilà ce qui a guidé le groupe CRC dans la présentation des 402 amendements que vous avez quasiment tous rejetés à coup de scrutins publics (M. Alain Gournac s’exclame.), masquant ainsi un hémicycle trop souvent déserté par la droite (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), car ils dessinaient les contours d’une autre approche du travail dans notre société, de nouveaux droits pour les salariés en entreprise, de nouvelles régulations aux pouvoirs encore tout-puissants de la logique de l’argent.
M. le président. Il faut conclure !
M. Dominique Watrin. C’est au nom de cette gauche diverse, mais intransigeante avec ses valeurs, si moderne (Rires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), que le groupe CRC, actif tout au long des débats, votera contre ce projet de loi aux antipodes des exigences de progrès social…
M. Alain Gournac. Caricature !
M. Dominique Watrin. … et d’efficacité économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale avait annoncé qu’elle allait réécrire le texte ; la vérité est qu’elle l’a dénaturé ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour ce faire, elle n’est pas partie de sa version 1, comme elle l’avait annoncé, mais elle est remontée très loin dans le temps. Tout y est passé : la loi de 1982, les lois de 1998 et de 2000, les lois de 2013, les lois Rebsamen et Macron de 2015. Pourquoi avez-vous fait cela ? (M. Alain Gournac s’exclame.) Tout simplement parce que cela correspond à votre vision binaire : vous nous contestez le droit et la légitimité de nous occuper de l’entreprise comme d’un collectif humain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.) Vous considérez que le monde est binaire ! D’un côté, il y a les partageux, et de l’autre, les entrepreneurs ! Mais la réalité du monde n’est pas celle-là, et vous le savez bien ! (M. Claude Malhuret s’exclame.)
Une explication de vote, ce n’est pas une dissertation : j’argumente, à tout le moins j’essaie.
Je commence par la fin, l’intitulé nouveau que vous donnez au texte : « Projet de loi de modernisation du travail ». Si l’on juge le contenu par rapport à l’étiquette, on ne peut que constater que la modernité que vous revendiquez n’est pas synonyme de progrès.
M. Didier Guillaume. Une régression !
Mme Nicole Bricq. C’est une leçon !
Certes, en plein débat des « primaires », il vous fallait montrer vos muscles (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)…
M. Alain Gournac. Le 49.3 !
Mme Nicole Bricq. … et donc faire des prises de guerre : fin de l’horaire légal de travail, doublement des seuils sociaux, voire plus de seuils du tout.
Mais étiez-vous vraiment obligés de mettre à bas le plancher des 24 heures du temps partiel ? (Oui ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Vous revenez non seulement sur la loi de juin 2013, mais encore sur un accord national interprofessionnel !
M. Philippe Dallier. Et alors ?
Mme Nicole Bricq. Vous ne nous donnerez plus de leçons – monsieur le président, j’ai lu l’entretien que vous avez accordé à un journal du matin dans son édition de ce jour – sur le respect du dialogue social. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et le 49.3 ?
Mme Nicole Bricq. Quand on sait que le travail à temps partiel concerne majoritairement les femmes, qui forment la cohorte des travailleurs pauvres, franchement, vous n’étiez pas obligés !
À cet égard, j’ai remarqué que chaque fois que les femmes ont fait des propositions – notamment celles qui émanaient de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes –, vous les avez refusées , même celles de la majorité sénatoriale.
M. Alain Milon. C’est faux !
Mme Nicole Bricq. Vous n’aimez pas les femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous déclarez approuver la négociation collective au niveau de l’entreprise – le fameux article 2 –, mais cette reconnaissance du dialogue social perd toute sincérité de votre part quand, dans le même temps, vous supprimez, à l’article 10, la règle de l’accord majoritaire.
Vous ne vous arrêtez pas là puisque, pour l’appel au référendum, vous donnez un avantage très net à l’employeur. Le texte s’en trouve complètement déséquilibré.
J’essaie de comprendre : la raison profonde de ce choix, c’est votre méfiance, voire votre défiance à l’égard des organisations syndicales. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Méfiance quand vous refusez le mandatement d’un syndicat. Cela ne va ni dans le sens de la reconnaissance du fait syndical par le texte gouvernemental ni dans le sens de l’intérêt bien compris de l’entrepreneur, qui a toujours avantage à avoir en face de lui une organisation représentative et légitime pour négocier. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Défiance quand vous supprimez les 20 % supplémentaires de délégations horaires données aux syndicats. Il est vrai que certains des candidats à la primaire (Oh ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) réclament que les représentants syndicaux soient à leur poste au moins à 50 %. Mais s’ils ont plus de responsabilités, comme leur en ont accordé la loi Rebsamen et le projet de loi de Mme El Khomri, il faut bien qu’ils aient une contrepartie pour leur formation et le temps qu’ils passeront à négocier ces accords !
Nous avons heureusement échappé à un amendement signé par le président du groupe LR visant à supprimer le monopole syndical lors des élections aux instances représentatives du personnel.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est pour l’année prochaine !
Mme Nicole Bricq. La tentative n’a pas abouti, mais qui nous dit que nous en sommes prémunis et que vous ne voudrez pas concrétiser cette proposition si vous revenez aux responsabilités ?
Un sénateur du groupe Les Républicains. Au secours, la droite revient !
Mme Nicole Bricq. Tout cela mis bout à bout démontre que vous ne partagez pas les fondamentaux de ce projet de loi ; vous regardez trop dans le rétroviseur (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), ce qui vous fait tomber dans l’obstination.
M. Alain Gournac. Le 49.3 !
Mme Nicole Bricq. Encore une fois, pour la troisième fois, vous revenez sur le droit d’information des salariés en cas de reprise de l’entreprise.
Et puisque vous êtes « modernes », on aurait espéré de vous une appétence pour l’accompagnement des travailleurs et de ceux qui veulent entrer dans la vie active dans les mutations économiques et organisationnelles qui sont à l’œuvre dans nos sociétés. Point du tout ! Vous refusez la généralisation de la garantie jeunes, qui est pourtant expérimentée dans plus de 70 départements, car vous la considérez comme une mesure d’assistance, alors qu’elle est une mesure d’accompagnement des jeunes. C’est un droit, certes, mais assorti de contreparties et d’engagements.
Sous couvert de contrepartie, vous dévitalisez le droit à la déconnexion numérique, vous refusez d’établir une responsabilité des plateformes à l’endroit des travailleurs qui ne sont ni des salariés ni des indépendants, vous supprimez le compte d’engagement citoyen inclus dans le compte personnel d’activité.
Il ne peut pas être question seulement d’activité marchande ; vous savez très bien, mais vous l’oubliez, que l’engagement citoyen dans les associations permet à notre pays de maintenir sa cohésion sociale et participe de l’action publique.
Mme la ministre veut engager une négociation auprès des partenaires sociaux sur le télétravail : vous n’en voulez pas ou bien vous la limitez au minimum. Et, très important, vous refusez la reconduction du contrat de travail du saisonnier (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), et donc la prise en compte de son ancienneté et de son droit à la formation.
Bref, l’innovation sociale vous fait peur (Même mouvement. – M. Gérard Cornu sourit.) et vous considérez que les droits nouveaux sécurisant les parcours sont superflus, voire incongrus.
Cette absence de compréhension du monde qui vient et de celui dans lequel nous vivons est confondante de votre part. Nous la refusons et nous l’exprimerons par un vote négatif. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi désormais intitulé : « Projet de loi de modernisation du droit du travail », dans le texte de la commission, modifié.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Corinne Bouchoux, Christian Cambon et Claude Haut, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert et je suspends la séance jusqu’à dix-huit heures vingt, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 404 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Avant de donner la parole à Mme la ministre, je tiens à remercier M. le président de la commission des affaires sociales ainsi que
MM. les rapporteurs.
La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de votre Haute Assemblée, qui a consacré à ce projet de loi près de quatre-vingts heures en séance publique, même si l’on peut en effet décompter de ce temps les seize heures – durée record ! – de scrutin public, a permis un débat de fond.
Mes premiers remerciements vont bien sûr aux trois rapporteurs et au président Alain Milon pour les travaux de qualité qu’ils ont menés au sein de la commission puis de cet hémicycle.
Je crois que, fidèle à sa tradition, le Sénat a permis que le projet de loi ne soit pas caricaturé. Pour moi, il était important que l’on ait ce débat ici et que l’on puisse aller au cœur des dispositions du texte. Je remercie donc toutes celles et tous ceux, notamment chaque responsable de groupe, qui se sont emparés de celui-ci.
Il y a eu une réelle écoute, cette écoute qui, je le pense, caractérise votre assemblée. Sur des sujets aussi complexes, au-delà des divergences, il est important de pouvoir argumenter. M. Desessard a dit que j’aimais le débat politique ; je crois qu’il y avait en effet une certaine frustration à ne pas pouvoir s’expliquer complètement sur ce texte. J’ai le sentiment que nos échanges ont permis de dépasser certaines postures, voire certaines caricatures. Il me semble que c’était essentiel, même si les débats sont ici moins médiatisés, de pouvoir le faire à la vue des Français, et j’en remercie sincèrement les uns et les autres.
Il y a, bien sûr, des désaccords, que les prises de parole à l’instant ont confirmés. La qualité de l’écoute et le débat n’ont pas permis de les lever tous, mais il est sain dans une démocratie que des désaccords puissent persister.
Au fond, la question qui nous est posée au travers de ce projet de loi est d’abord celle de la lucidité du diagnostic que l’on fait de la situation de notre pays. Moi, je suis lucide, à la fois sur les qualités et le potentiel tant de nos salariés que de nos entrepreneurs et sur les qualités de notre modèle social, mais je suis aussi lucide sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui.
Les contournements du droit du travail sont multiples. Partant de ce constat, la voie que le Gouvernement a choisie est celle du progressisme négocié et de la confiance dans les acteurs de terrain. Les accords majoritaires ne sont pas seulement des verrous. Leur force est de reposer sur un consensus suffisamment large.
J’aime le débat, j’aime argumenter. Je vous rassure cependant, je ne vais pas allonger inutilement mon intervention, mais il y a bien deux projets de société. Le texte qui a été voté à l’instant n’est pas celui dans lequel je reconnais les solutions que portait le Gouvernement pour répondre aux attentes. Il y a deux visions du dialogue social dans notre pays. Certaines des mesures que vous avez votées tendent ainsi à un monde sans syndicats. Et il y a la question de la durée légale du travail.
Ce projet de loi, je le revendique à 200 % parce que, en effet, il permet d’assurer, grâce à la négociation, la souplesse dont nous avons besoin. Mais, pour moi, il nous faut fonctionner sur deux jambes : la souplesse et la régulation. C’est ce qui est au cœur de ce texte, et c’est bien en cela qu’il y a deux projets de société, entre un statu quo dont personne, à part certains nostalgiques, ne voudrait, et une surenchère libérale, il y a la voie qui est celle que nous avons choisie : le progressisme négocié. Je suis tenace et je reste déterminée à amener ce projet de loi au bout de cette voie ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et applaudissent. – Plusieurs sénateurs du RDSE se lèvent à leur tour et applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)