M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l'article.
M. Olivier Cadic. Il me semble que M. le rapporteur a trouvé le bon angle d’attaque.
Au départ, il y a un différentiel de charges sociales très important entre certains pays. Nous l’avions déjà souligné voilà vingt ans, dès que les frontières de l’Union européenne se sont ouvertes. Nous avions dit qu’il fallait transférer le poids qui pèse sur l’outil de production vers la consommation.
Monsieur Watrin, il m’a été vraiment difficile d’entendre vos propos. Aujourd'hui, ils résonnent particulièrement durement… Ce matin, j’ai vu une jeune fille de vingt-deux ans effondrée. Elle qui n’a connu l’Europe qu’avec des frontières ouvertes verra peut-être les frontières de son pays se fermer.
M. Pierre Laurent. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
M. Olivier Cadic. Oui, pour les jeunes qui vivent aujourd’hui au Royaume-Uni, se pose la question de la fin de la liberté de circulation, à la suite de la sortie de l’Union européenne.
Or, dans votre présentation, on dirait que l’on a perdu à l’ouverture des frontières ; on dirait que tout le monde y perd ! Je trouve cette appréciation vraiment étrange, surtout quand on sait que l’Union européenne est la première puissance économique du monde, loin devant les États-Unis.
Vous dites que la liberté de circulation des capitaux simplifie l’optimisation fiscale et que l’ouverture des frontières facilite la triche. Ce sont de tels discours qui alimentent le populisme ! Il est vraiment regrettable d’entendre cela ici, surtout aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je veux tout d'abord réagir à l’intervention de Marie-Noëlle Lienemann. Je crois que nous sommes tous attachés à la libre circulation des travailleurs dans l’espace européen et que, derrière la question du détachement, il y a, en réalité, la question de la fraude et des abus au détachement.
Pourquoi ? Parce que cela mine notre modèle social. Parce que cela crée de la concurrence déloyale. Parce que c’est en quelque sorte la dignité des travailleurs dans l’espace européen qui est en jeu. C’est autour de ces trois éléments qu’il faut mener le combat au niveau européen.
Nous menons le combat dans notre pays. Comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, nous nous sommes dotés d’un arsenal législatif avec les lois Savary et Macron. Depuis ma nomination, dès le 2 septembre 2015, j’ai signé tous les décrets requis pour l’application de la loi Macron, notamment le très important décret « liste noire », relatif aux donneurs d’ordre, et le décret relatif à la suspension temporaire de la réalisation de prestations de services internationales illégales, que je considère comme l’arme ultime.
Je peux vous dire que l'on a usé de celle-ci à deux reprises en Corse : cela a complètement calmé les choses.
Toutefois, si l’on peut, aujourd'hui, suspendre une prestation de services internationale pour cause de non-respect des horaires de travail ou de la durée légale du travail, on ne peut pas le faire en cas d’absence de déclaration du détachement. Le projet de loi vient renforcer l’arsenal législatif, en remédiant à cette difficulté. Cette avancée est importante.
La France est le troisième pays d’envoi et le deuxième pays d’accueil de travailleurs détachés dans l’espace européen. Gardons toujours bien cette réalité présente à l’esprit.
Quid des sanctions dans le combat que nous menons au niveau national ? Tous les mois, je fais un point sur ce sujet avec les préfets de région. Nous avons prononcé près de 360 sanctions et récupéré près de 1,8 million d’euros ces derniers mois. Certaines sanctions nécessitent l’intervention du juge, ce qui prend plus de temps. Toujours est-il que les sanctions tombent ! La suspension de la réalisation de prestations de services internationales est l’arme la plus efficace.
Nous aurons l’occasion, au travers des différents amendements, d’évoquer ce que nous faisons à l’échelle de notre pays. Toutefois, bien évidemment, nous devons aussi mener le combat au niveau européen.
Deux semaines après ma prise de fonctions, je demandais à Bruxelles une révision de la directive de 1996. Cette révision est nécessaire. Pourquoi ? Parce qu’il faut mettre un terme aux entreprises « boîtes aux lettres », celles qui n’ont aucune activité substantielle. À cet égard, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de telles entreprises sont parfois ouvertes par des Français en Pologne pour envoyer des travailleurs détachés. Il faut arrêter le double détachement des travailleurs temporaires. D'ailleurs, nous adressons, sur ce sujet, un signal très fort au niveau européen, au travers de l’article 50 du projet de loi.
Qu’avons-nous obtenu depuis plus de six mois ? La question est là. Michel Sapin avait déjà obtenu la directive de 2014, qui a permis de renforcer la responsabilité des donneurs d’ordre à l’égard des sous-traitants, notamment dans le domaine du bâtiment. En outre, la Commission européenne a annoncé, le 8 mars dernier, que la directive de 1996 allait être révisée. C’est une très bonne chose !
Nous faisons partie d’un petit groupe de pays qui veulent faire bouger cette directive, car c’est en elle que réside le nœud du problème. Cependant, comme je le dirai à mes homologues, ce n’est pas qu’une question de concurrence déloyale, ce n’est pas qu’une question d’érosion du modèle social : c’est aussi une question de dignité des travailleurs dans notre pays. Je leur montrerai comment leurs citoyens sont hébergés dans notre pays !
Il importe que nous continuions à discuter de manière bilatérale, notamment avec les pays qui, refusant que l’on traite de la révision ciblée de la directive de 1996, ont engagé une procédure de « carton jaune » auprès de la Commission européenne.
Quelles sont les propositions de la France ? Ce sont les plus offensives. Je les ai posées sur la table. Au-delà de la revendication « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail », à travers les conventions collectives, nous voulons que ce soit la rémunération globale qui soit prise en compte. La France demande également l’interdiction pure et simple du double détachement de travailleurs intérimaires.
Nous demandons aussi que la question de l’hébergement fasse partie du noyau dur de la directive de 1996, pour éviter que des entreprises, tout en respectant les dispositions en matière de salaire des travailleurs détachés, défalquent de celui-ci près de 20 ou 30 euros par jour pour faire vivre ces travailleurs dans des taudis – telle est la réalité !
Nous demandons encore que la durée du détachement soit mieux fixée. Au-delà, nous demandons que soit prise en compte la situation des travailleurs – français, par exemple – embauchés par des entreprises de travail intérimaire dans un autre pays – par exemple au Luxembourg –, puis détachés dans leur pays d’origine – en l’occurrence, en France.
Nous demandons qu'il soit mis fin à la pratique des entreprises « boîtes aux lettres ». Pour ce faire, nous souhaitons que tout détachement soit précédé d’un contrat d’une durée minimale de trois mois entre l’entreprise et le salarié.
Telles sont les règles très pragmatiques que nous défendons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je puis vous dire que, toutes les trois semaines, je vais porter la voix de la France à Bruxelles, pour que nous obtenions cette révision de la directive de 1996. La Commission européenne a commencé à faire des propositions. Si celles-ci ne vont pas suffisamment loin, le dossier est ouvert, et nous espérons des avancées.
Je rencontre mes homologues des pays qui ont engagé la procédure de carton jaune, parce que je pense que nous devons assumer nos positions. J’essaie de leur expliquer que l’enjeu n’est pas seulement la concurrence déloyale, que l’on nous renvoie toujours. Et quand l’un de mes homologues, ministre d’un pays que je ne citerai pas, me dit que ses PME respectent les règles, je lui dis que, mon problème, ce sont les entreprises qui ne sont créées que pour détacher des travailleurs !
Ce dialogue est important et nécessaire. Nous arriverons à permettre la liberté de circulation des travailleurs dans l’espace européen quand le corpus de règles au niveau européen sera à la hauteur de la réalité vécue aujourd'hui par ces travailleurs.
C’est une question de dignité, c’est une question d’absence d’érosion de notre modèle social et c’est une question de lutte contre la concurrence déloyale.
Pour ce qui concerne Saint-Nazaire – je me suis justement entretenue avec le président Bruno Retailleau, voilà quelques jours –, il existe un problème de qualification. Nous allons donc travailler, notamment dans les nombreux quartiers relevant de la politique de la ville, où le taux de chômage est particulièrement important, pour promouvoir les qualifications dont nous avons besoin. Dans ce travail, nous ferons preuve d’un grand sens de la précision.
Le problème est que, compte tenu des difficultés qu’elle connaissait voilà encore cinq ans, la filière des chantiers navals n’a pas préparé l’avenir, comme le montre l’absence d’apprentissage et de formations. C’est pourquoi elle a aujourd'hui besoin de travailleurs détachés pour remplir le carnet de commandes. Si l’on ne prépare pas l’avenir de cette filière, on ne réglera pas ces difficultés !
Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur ma totale détermination sur ce sujet. Le combat doit être mené au niveau national, comme à l’échelon européen ! (M. Yves Daudigny applaudit.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de l’article 45.
L'amendement n° 820, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le I de l’article L. 1262-2-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L’employeur adresse également une attestation A1 justifiant de l’affiliation du salarié détaché à la sécurité sociale de son pays d’origine. L’attestation doit démontrer une affiliation dont l’ancienneté est supérieure à trois mois. » ;
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
la déclaration mentionnée
par les mots :
les déclarations mentionnées
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement est issu de la proposition de résolution européenne sur la proposition de révision ciblée de la directive relative au détachement des travailleurs, présentée par notre collègue Éric Bocquet, au nom de la commission des affaires européennes.
Nous proposons que le certificat A1 d’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’établissement soit fourni préalablement à toute opération de détachement, sous peine de sanctions.
En effet, le détachement illégal de travailleurs peut passer par le recrutement de salariés dans un but de détachement. Il conviendrait donc de s’assurer que ces salariés sont bien affiliés à un régime de sécurité sociale dans leur pays d’origine. Cela permettrait de prouver qu’ils y ont déjà travaillé et qu’ils n’ont pas été recrutés uniquement pour être détachés dans un autre pays de l’Union européenne.
Le caractère contraignant de la mesure est nécessaire. En effet, en France, quelque 190 850 déclarations A1 ont été émises, alors que l’on estime à plus de 228 000 le nombre de travailleurs détachés sur le territoire national.
Notre proposition concrète, issue des travaux d’Éric Bocquet, vise à donner à l’État un moyen supplémentaire de contrôle pour lutter contre le travail détaché illégal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Les dispositions de cet amendement sont contraires au droit de l’Union européenne. Ce droit, en matière de détachement des travailleurs, ne permet pas d’exiger qu’un travailleur détaché ait été affilié depuis plus de trois mois au régime de sécurité sociale de son pays d’origine avant d’être détaché.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je me félicite que vous ayez déposé cet amendement, monsieur le sénateur. Cela montre que, sur ce sujet, nous nous retrouvons : je défends en effet cette proposition au niveau européen, auprès de la commissaire Marianne Thyssen, dans le cadre de la révision de la directive de 1996.
Néanmoins, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 945, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 1262-2-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – L’accomplissement des obligations mentionnées au I et II ne présume pas du caractère régulier du détachement. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il n’est pas acceptable que des employeurs de salariés détachés s’abritent derrière le fait qu’ils ont été condamnés à une amende administrative pour non-respect des règles du détachement, afin d’échapper à la sanction pénale, alors même qu’ils sont coupables de travail illégal.
L’adoption de cet amendement nous permettrait d’améliorer l’arsenal des sanctions applicables aux entreprises qui se livrent à ce type de fraudes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. La commission estime qu’il s’agit d’une précision utile. Elle émet donc un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas, M. Yung, Mmes Riocreux et Ghali, M. Kaltenbach, Mmes Tocqueville, Lienemann et Bonnefoy, MM. Jeansannetas, Labazée et J.C. Leroy, Mme Génisson, MM. Filleul, Godefroy, Courteau, Duran et Tourenne, Mme Monier, MM. Vaugrenard, Durain, Madrelle, Cabanel et Montaugé, Mmes Schillinger et Guillemot, M. Antiste, Mmes Bataille et Jourda, MM. Vincent, Carrère, Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le quatrième alinéa de l’article L. 3245-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à l’entreprise cocontractante ou sous-traitante directe ou indirecte , alors que celle-ci ne lui a pas apporté la preuve, au terme de son injonction, du respect du salaire minimum légal ou des rémunérations minimales conventionnelles étendues à l’égard du salarié, est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain, sur la proposition de Mme Emery-Dumas, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, mais qui n’a pu rester parmi nous ce soir, vous propose une série de trois amendements, dont voici le premier.
La loi Savary du 10 juillet 2014 a créé un mécanisme de solidarité financière civile à l’égard du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage qui recourt à une entreprise pratiquant le dumping social.
Cette disposition est néanmoins de portée trop limitée, car elle ne fait peser sur le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qu’une simple obligation de moyens, dont il peut se dégager dès lors qu’il adresse une lettre à l’entreprise défaillante lui enjoignant de respecter la loi. L’entreprise défaillante n’est pas tenue d’effectuer des rappels de salaires en faveur des salariés concernés.
Afin de donner une réelle consistance et une portée effective à l’article L. 3245-2 du code du travail, nous proposons de transformer l’obligation de moyens qui pèse sur le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage en une obligation de résultat, l’obligeant, en cas de défaillance de l’entreprise sous-traitante ou cocontractante, à reprendre à son compte le versement des rappels de rémunération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. La loi Savary du 10 juillet 2014 a prévu une solidarité financière du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre en cas de non-paiement par son cocontractant du salaire minimum. Cette solidarité financière s’applique uniquement si le donneur d’ordre ne remplit pas les diligences prévues par la loi, c’est-à-dire n’en informe pas l’inspection du travail.
Cet amendement vise à ce que la responsabilité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage soit engagée y compris s’il joue le jeu et collabore avec l’inspection du travail.
Son adoption pourrait donner lieu à un effet pervers, contraire à l’objectif : elle pourrait inciter le prestataire à ne pas se mettre en conformité avec la loi, le donneur d’ordre étant alors contraint soit de payer les salaires à sa place, soit de dénoncer un contrat en cours d’exécution, ce qui peut être compliqué, dans le cas d’un chantier par exemple.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. La sujétion particulièrement forte qui pèse sur le donneur d’ordre lorsqu’est en cause un salarié détaché se justifie par le fait que ce salarié ne pourra que très difficilement exercer un recours pour obtenir le paiement de son salaire ou faire appel à un représentant du personnel, à un syndicat ou à l’inspection du travail. Tel n’est pas le cas pour un salarié dont l’employeur est établi en France.
Je comprends l’esprit qui a présidé au dépôt de cet amendement, et la question de la solidarité financière des donneurs d’ordre avec leurs sous-traitants est en effet importante. Néanmoins, ce sujet ne relève pas du travail détaché.
Je rejoins donc M. le rapporteur et vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame Bricq, l'amendement n° 107 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 106 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas, MM. Raynal et Yung, Mmes Riocreux et Ghali, M. Kaltenbach, Mmes Tocqueville, Lienemann et Bonnefoy, MM. Jeansannetas, Labazée et J.C. Leroy, Mme Génisson, MM. Filleul, Godefroy, Courteau, Duran et Tourenne, Mme Monier, MM. Vaugrenard, Durain, Madrelle, Cabanel et Montaugé, Mmes Schillinger et Guillemot, M. Antiste, Mmes Bataille et Jourda, MM. Vincent, Carrère, Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le chapitre VI du titre IV du livre II de la troisième partie du code du travail, est complété par un article L. 3246-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3246-… – Le fait pour le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage de recourir à une entreprise cocontractante ou sous-traitante directe ou indirecte, qui ne lui a pas apporté la preuve, au terme d’un délai de sept jours suivant la réception mentionnée à l’article L. 3245-2, du respect du salaire minimum légal ou des rémunérations minimales conventionnelles étendues à l’égard de son salarié, est passible d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, il s’agissait d’un amendement de conséquence. Comme j’ai retiré l’amendement précédent, celui-ci devient sans objet. Je le retire donc également.
M. le président. L'amendement n° 106 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas, M. Yung, Mmes Riocreux et Ghali, M. Kaltenbach, Mmes Tocqueville, Lienemann et Bonnefoy, MM. Jeansannetas, Labazée et J.C. Leroy, Mme Génisson, MM. Filleul, Godefroy, Courteau, Duran et Tourenne, Mme Monier, MM. Vaugrenard, Durain, Madrelle, Cabanel et Montaugé, Mmes Schillinger et Guillemot, M. Antiste, Mmes Bataille et Jourda, MM. Vincent, Carrère et Assouline, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 2° de l’article L. 8221-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent mentionné au 4° de l’article R. 1263-1, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; ».
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Le texte de cet amendement renvoie à une disposition de nature règlementaire, ce qui n’est pas très rigoureux. La commission était donc plutôt défavorable à cet amendement.
Toutefois, nous n’avons aucune objection sur le fond, et nous serions prêts à accepter cette disposition si une modification rédactionnelle était effectuée, sous réserve de l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis tout à fait favorable à une telle disposition. En effet, le code du travail ne prévoit pas explicitement que la non-remise de ce document propre au détachement de moins d’un mois constitue une infraction de travail dissimulé. Votre proposition me paraît donc très pertinente, madame la sénatrice.
Ce n’est pas parce qu’une prestation de service internationale est de courte durée qu’elle doit échapper à la règlementation en matière de travail illégal.
En revanche, je plaide pour une modification du texte de cet amendement : madame la sénatrice, si vous acceptiez de substituer aux mots « mentionné au 4° de l’article R. 1263-1 » les mots « défini par voie réglementaire », l’avis du Gouvernement serait favorable.
M. le président. Madame Bricq, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
Mme Nicole Bricq. Le travail que nous sommes en train d’effectuer est très important. J’y associe M. le rapporteur, dont j’ai bien noté qu’il n’avait pas d’objection sur le fond.
Le fait de ne pas remettre le bulletin de paie, ou le document spécifique, destiné aux salariés embauchés pour moins d’un mois, est une pratique courante, qui donne lieu à des fraudes non moins courantes. Il s’agit, madame la ministre, d’une petite modification, mais d’un grand pas pour la lutte contre la fraude au détachement et le travail dissimulé.
J’accepte donc volontiers cette rectification, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 108 rectifié ter, présenté par Mme Emery-Dumas, M. Yung, Mmes Riocreux et Ghali, M. Kaltenbach, Mmes Tocqueville, Lienemann et Bonnefoy, MM. Jeansannetas, Labazée et J.C. Leroy, Mme Génisson, MM. Filleul, Godefroy, Courteau, Duran et Tourenne, Mme Monier, MM. Vaugrenard, Durain, Madrelle, Cabanel et Montaugé, Mmes Schillinger et Guillemot, M. Antiste, Mmes Bataille et Jourda, MM. Vincent, Carrère et Assouline, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, et qui est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 2° de l’article L. 8221-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; ».
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Compte tenu de cette rectification, la commission émet un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 821, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 2 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La chaîne de sous-traitance est limitée au sous-traitant principal, secondaire et tertiaire. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à réduire la chaîne de sous-traitance à trois degrés. En effet, nous estimons que le cadre législatif actuel en matière de sous-traitance est trop permissif.
Bien souvent, les agents de contrôle constatent avec dépit l’existence de sous-traitances en cascade, avec parfois cinq ou six échelons, voire davantage. Ces montages permettent de brouiller les pistes et de diluer les responsabilités, et pas uniquement, d’ailleurs, dans le cadre du détachement. Quelle est leur finalité, en effet, sinon l’accroissement des bénéfices du donneur d’ordre au détriment des salariés et de la collectivité ?
Le rapport d’information déposé le 18 avril 2013 sur ce sujet par mon collègue Éric Bocquet montrait qu’il existait une réelle « prime à l’obstacle », récompensant les montages juridiques complexes élaborés, afin d’éluder les droits des salariés. C’est pourquoi nous proposons cette modification de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
J’en profite pour rappeler que la sous-traitance doit normalement n’être utilisée que si l’entreprise principale rencontre une surcharge de travail ou ne possède pas l’expertise technique suffisante. Or force est de constater que le recours à la sous-traitance a été largement détourné de son objet premier : il répond de plus en plus à des logiques financières et renforce la course vers un moins-disant social.
Nous proposons donc de limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons, comme cela se pratique d’ailleurs en Allemagne, pays dont vous aimez vous inspirer, madame la ministre, ou en Espagne.