Mme Nicole Bricq. Vous ne voyez que le négatif, chers collègues de la majorité sénatoriale !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Gorce, la question des maisons de l’emploi nous a beaucoup occupés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Aujourd'hui, nous travaillons avec l’association Alliance Villes Emploi, afin de positionner les maisons de l’emploi sur ce qui fait leur force sur le territoire.
Si j’ai émis un avis défavorable sur ces amendements, c’est parce que des coordinations sont encore nécessaires, parce que ces amendements n’ont pas grand-chose à voir avec l’article 1er et parce qu’ils visent à créer un nouvel acteur, la maison du travail. Je le répète, si vous souhaitez que nous menions un travail en commun sur ces sujets, j’y suis tout à fait prête.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous pour dire que cela va mieux. Ne vous en prenez donc pas à nous. Tout le monde a d’ailleurs pu constater que cela allait mieux ! ( Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Les bruits que l’on entend dans la rue montrent également à quel point un certain nombre de nos concitoyens sont satisfaits de la politique qui est proposée. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
L’amendement de M. Gorce n’est pas incohérent. Je vous remercie, monsieur Néri, de m’avoir tendu la perche. Certaines propositions sont en effet intéressantes et sont proches de certaines de celles que nous avions formulées dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Je pense par exemple au transfert de la politique de l’emploi à la région. Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avions alors proposé un plan de cohérence pour que l’emploi soit pris en compte à l’échelon de la région. Nous avions même proposé que la présidence du CREFOP, le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, soit assurée à la fois par le préfet, qui aurait été chargé de vérifier le caractère régalien de la politique de l’emploi, et le président de région, qui aurait décliné cette dernière à l’échelon territorial.
Nous étions dans une logique de formation, de développement économique et d’apprentissage, vers l’emploi. Vous avez alors émis des doutes, madame la ministre, sur la cohérence de notre proposition, pourtant pleine de bon sens.
Naturellement, monsieur Néri, je ne soutiendrai pas l’amendement de M. Gorce, car je me rallie à l’avis défavorable de M. le rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. L’inconvénient majeur du transfert de la compétence de l’emploi à la région, mais ce n’est pas l’objet du débat aujourd'hui, est qu’il y aurait alors autant de politiques de l’emploi qu’il y a de régions.
Or il faut évidemment déterminer des priorités, et c’est à l’État de le faire. Alors que notre pays compte aujourd'hui plus de trois millions de chômeurs, nous devons évidemment nous donner tous les moyens d’atteindre un objectif central. Si déconcentration ou décentralisation il doit y avoir, il faut l’envisager au niveau des bassins d’emplois, dans un cadre contractuel.
Je souhaite, et il est toujours possible de le faire, que l’on brise les habitudes prises en matière de politique de l’emploi et que l’on concentre les moyens sur les bassins d’emploi les plus touchés, autour d’une seule autorité, c'est-à-dire le commissaire à l’emploi. Cela permettrait de fondre l’ensemble des financements disponibles et d’adapter les politiques à la situation de terrain, sur une base contractuelle, avec des objectifs définis et régulièrement évalués. Une telle politique aurait des effets au niveau national.
En fait, c’est une véritable révolution de nos politiques de l’emploi qu’il faudrait mener, par une fusion d’une grande partie des crédits de l’assurance chômage et de la formation professionnelle. La priorité centrale de nos politiques doit être le retour à l’emploi par la formation et par l’accompagnement.
Tel est le projet que j’ai essayé de défendre au travers de mes amendements. Cela dit, je suis d’accord avec Mme la ministre pour considérer que ces dispositions ne s’inscrivent pas dans le cadre de ce débat. Je le regrette d’ailleurs, car j’aurais préféré que nous ayons à débattre d’un texte tourné vers ces questions plutôt que vers le principe de faveur.
M. le président. Monsieur Gorce, les amendements nos 186 rectifié et 187 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Gaëtan Gorce. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 275 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Lasserre, Longeot et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 415 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 461 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
La commission comprend un nombre égal de femmes et d’hommes.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 275 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cette disposition résulte des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle vise à prévoir que la composition de la future commission en charge de la refondation de la partie législative du code du travail sera paritaire, et non pas seulement « tendra à » respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.
Nous l’avons constaté, les commissions ayant servi de base à la préparation du présent projet de loi, à savoir la commission Combrexelle et le comité Badinter, n’étaient pas paritaires, loin de là. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les femmes y étaient très faiblement représentées !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 415.
Mme Corinne Bouchoux. Alors que de nombreux points nous opposent – dans certains cas, c’est l’angle entrepreneurial qui domine, dans d’autres, c’est la défense des droits des salariés –, cet amendement devrait faire consensus. Nous avons bien compris, madame la ministre, vos arguments hier soir et tout au long de nos travaux : nous discutons de la commission, et de rien de plus.
Nous sommes évidemment enchantés qu’il faille tendre vers la parité. Néanmoins, si l’on examine la composition de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, on se rend compte que cela peut parfois prendre beaucoup de temps de tendre vers la parité.
Or la répartition du travail étant extrêmement genrée, comme la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes l’a constaté lors des auditions auxquelles elle a procédé, la parité ne nuirait pas au sein de la commission.
Nous demandons donc ardemment que cette commission soit composée de personnes compétentes, évidemment – nous ne doutons pas que tel sera le cas –, avec d’autant d’hommes que de femmes. Nous sommes en 2016 !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 461.
Mme Laurence Cohen. Je rappelle à notre assemblée que c’est grâce à un amendement de nos collègues députées Marie-Noëlle Batistel et Catherine Coutelle que le texte prévoit que la parité entre les hommes et les femmes doit être respectée au sein de cette commission.
J’avoue que je suis particulièrement choquée que la commission des affaires sociales revienne sur cet acquis, sur ce que nous devrions toutes et tous, quelles que soient nos sensibilités politiques, considérer comme une exigence première.
Or nous avons vu hier, lors de l’examen de l’amendement de notre collègue Maurice Antiste sur l’égalité professionnelle, que c’était très compliqué. Je prie tout de même le Sénat d’adopter cet amendement, afin que nous ne fassions pas moins que l'Assemblée nationale.
En 2016, il est temps non pas de viser la parité et l’égalité, mais de les exiger. L’adoption de cet amendement serait véritablement profitable à toutes et à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il est vrai que, lorsque nous avons réécrit l’article 1er, nous avons prévu que la composition de la commission devait « tendre à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes ». Pourquoi « tendre à » ?
Mme Laurence Cohen. Oui, pourquoi ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est parce que nous avons envisagé la possibilité que les femmes puissent être plus nombreuses que les hommes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. C’est petit !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce cas de figure est possible. L’exigence de parité jouera un jour dans les deux sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Chers collègues, laissez-moi aller au bout de mon raisonnement. Tout va bien se terminer !
La commission, par cohérence avec ses travaux initiaux, avait rendu un avis défavorable sur ces amendements. Cela étant, nous nous retrouvons sur l’objectif et sur l’essentiel, et je pense que nous pouvons, effectivement, adopter ces derniers d’un seul élan.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le président, je suis particulièrement favorable à ces amendements identiques. C’est un sujet important. D'ailleurs, vous noterez qu’il y a plus de femmes que d’hommes aujourd'hui au banc du Gouvernement, ainsi que dans mon cabinet, et cela fonctionne très bien ainsi.
M. François Grosdidier. Et la parité ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne me prononcerai pas sur la composition du Sénat, mais la question est essentielle. Celle de la féminisation au sein des organisations syndicales et patronales est un véritable enjeu pour la ministre du travail que je suis.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je tiens à préciser que ces amendements ont bien pour objet la composition de la commission, ce qui n’était pas le cas de l’amendement concernant l’égalité entre les hommes et les femmes hier soir.
Dans ces conditions, bien évidemment, l’ensemble du groupe du RDSE votera en faveur de ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Aïe !
M. Jean Louis Masson. Le texte de la commission est tout de même quelque peu en retard sur l’évolution des mœurs. Nous avons vécu cette situation pendant une vingtaine d’années en politique, appelant de nos vœux la parité, mais sans vraiment la mettre en œuvre.
Cela étant, ces trois amendements posent un problème de forme, voire de mesure.
Sur la forme, aucune loi concernant la parité en matière électorale ne comprend une telle disposition, le nombre de membres d’une commission pouvant être pair ou impair. Comme dans les diverses dispositions législatives en matière électorale, la rédaction, pour être pertinente, devrait spécifier qu’il ne peut y avoir un écart supérieur à un entre le nombre d’hommes et de femmes.
En effet, avec la rédaction qui nous est proposée, on peut aboutir à un blocage ou imposer un nombre pair de membres de la commission. Il serait pourtant préférable que la commission compte un nombre impair de membres, comme c’est le cas dans plusieurs assemblées électives, les conseils municipaux, par exemple.
Ma seconde remarque porte sur le fond. Je suis tout à fait favorable à la parité, mais il faut conserver un minimum de souplesse. Les deux députés à l’origine de la loi dite « Copé-Zimmermann » en matière économique l’avaient bien compris, en prévoyant au minimum 40 % de chaque sexe, ce qui permet des ajustements et une moindre rigidité au sein des conseils d’administration du CAC 40. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Imposer un minimum de 40 % de chaque sexe dans cette commission serait, selon moi, la meilleure solution. À défaut, je souhaiterais vivement que les amendements soient rectifiés, afin de prévoir un nombre impair de membres de la commission. Dans cette hypothèse, il conviendrait de limiter à un l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le rapporteur, en vertu du principe de réalité, a compris qu’il serait battu s’il maintenait la version de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas du tout ! J’ai même recueilli des soutiens sur vos travées !
Mme Nicole Bricq. Bien évidemment, nous voterons des deux mains le rétablissement de la version de l’Assemblée nationale.
M. Alain Joyandet. Vous pourriez remercier le rapporteur !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 275 rectifié, 415 et 461.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 462, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le présent projet de loi ne peut être mis en application avant la remise du rapport de la commission.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avant d’achever l’examen de l’article 1er, nous demandons, au travers de cet amendement, de ne mettre en application le présent projet de loi qu’après la remise du rapport de la commission dite « d’experts et de praticiens des relations sociales ».
Pendant des jours, nous allons examiner les mesures de ce projet de loi, sans savoir si celles-ci seront remises en cause par la commission, qui doit rendre ses conclusions dans un délai de deux ans. C’est en quelque sorte l’obsolescence programmée pour nos travaux !
Nous demandons par conséquent que ce texte, dont je préférerais d'ailleurs qu’il ne soit pas adopté, ne puisse entrer en application tant que la commission d’experts instituée à l’article 1er n’a pas rendu ses avis et son rapport au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement vise à subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la remise au Gouvernement du rapport de la commission, remise qui est prévue dans deux ans.
Nous considérons qu’il existe un état d’urgence sociale et que les travaux conduits sont notamment de nature à lever un certain nombre de freins psychologiques au recrutement. Il est urgent, au contraire, que la loi ambitieuse qui, je l’espère, sera adoptée par le Sénat, puisse entrer en vigueur, dans cette version, dans les meilleurs délais.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Au-delà de l’article 2 et de la négociation collective, il est impératif que, au 1er janvier 2017, soit mis en œuvre le compte personnel d’activité, le doublement des droits à la formation pour les salariés les moins qualifiés, la garantie jeune, le droit à la déconnexion, le cadre du contrat saisonnier et, le plus rapidement possible, les nouveaux outils pour lutter contre le travail détaché. Sur tous ces sujets, il ne faut absolument pas attendre.
J’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien les arguments qui sont avancés, mais c’était aussi le sens de notre précédent amendement, que nous avons modifié pour prendre en compte nos discussions.
Nous ne souhaitions pas que la commission d’experts mise en place précisément pour revoir les dispositions législatives rende son avis aussi tardivement, c'est-à-dire dans deux ans, tout en prenant dès à présent des mesures législatives : convenez que la méthode est assez tortueuse !
Je persiste à dire, et nous ne sommes pas les seuls à le penser fortement, que cette commission n’a aucun sens. En tout cas, il n’y a aucun sens à mettre en œuvre un texte si des conclusions qui peuvent le remettre en cause doivent être rendues dans deux ans.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Lors de la discussion générale, certains orateurs, y compris vous-même, madame la ministre, ont fait état des postures politiques adoptées par certains parlementaires, qui empêcheraient de réformer le code du travail.
Il faudrait « moderniser » le dialogue social, pouvoir « adapter » les effectifs et le temps de travail à l’état réel des carnets de commandes, donner de la « souplesse » aux entreprises, avancer en matière de « flexibilité » pour « garantir des libertés » aux chefs d’entreprises face au « conservatisme » et aux « blocages » en tous genres, « faciliter » la négociation au plus près de la réalité « concrète » du terrain, dans un pays qui ne « parviendrait plus à se réformer », sans parler d’autres termes prétendument très à la mode.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce discours que l’on nous rabâche beaucoup ces derniers temps est, de mon point de vue et de celui de mon groupe, plutôt usé. Ce ne sont pas des idées nouvelles. Cela fait maintenant trente ans que l’on entend les mêmes discours, employant les mêmes termes.
Je vous pose la question : comment peut-on prétendre incarner la modernité quand le projet que l’on défend est celui d’un recul social, démontré par l’intervention de mon collègue Dominique Watrin en discussion générale et lors de la défense de nos amendements ?
Comment prétendre être « innovant » quand les orientations politiques retenues sont les mêmes depuis des décennies ? Comment peut-on prétendre « simplifier » le code du travail, alors que ce projet apportera complexité et déréglementation ? Comment peut-on prétendre être « efficace » et « pragmatique » quand les solutions préconisées échouent depuis trente ans ?
Vous allez me dire que ces remarques sont relativement globales, mais elles reflètent nos discussions depuis hier sur ce projet de loi. Je voulais montrer en quoi ce qui nous est proposé à l’article 1er manque de modernité, afin que mes collègues sachent de quel côté celle-ci se trouve en réalité.
L’article 1er affirme des principes contre lesquels nous nous sommes élevés. C’est pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera, bien sûr, contre l’article 1er. Prévoir un travail de réflexion, de conceptualisation avant que les parlementaires puissent se saisir de ce sujet, pourquoi pas ? La majorité sénatoriale a d'ailleurs renforcé la prééminence du politique dans le processus ; cela nous va plutôt bien.
Deux raisons principales nous conduisent à nous opposer à cet article.
D’une part, nous pouvons partager au-delà de nos rangs l’idée selon laquelle il était plus judicieux, efficace et démocratique de faire appel, plutôt qu’à une commission d’experts, aux forces vives, à ceux qui sont confrontés au quotidien à la réalité du travail, acteurs syndicaux et professionnels.
D’autre part, vous en conviendrez, les recommandations de cette commission seront forcément étroitement liées à la feuille de route qui aura été tracée. À ce sujet, ma collègue Laurence Cohen a rappelé notre inquiétude concernant l’introduction de la notion de compétitivité à l’article 1er. Le code du travail n’est pas un instrument de flexibilité à l’usage des employeurs ; c’est un outil de protection des salariés.
Je profiterai moi aussi de ce moment, chers collègues, puisque le débat va être long, pour vous dire qu’il est quelque peu méprisant de nous accuser de posture.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous êtes cohérents…
M. Dominique Watrin. Dans la suite du débat, il conviendrait d’éviter ce terme.
Je m’étonne en revanche que personne ici n’ait relevé la posture, évidente celle-là, de M. Rachline, qui a prétendu hier être du côté des salariés aujourd'hui fortement mobilisés contre ce projet de loi. En réalité, il s’est contenté d’évoquer des textes européens, que j’ai moi-même cités, se gardant bien de critiquer la nature même du texte.
D'ailleurs, les dix amendements déposés par les deux sénateurs Front national et subrepticement retirés avant la séance valent leur pesant d’or. Ils épousaient les surenchères de la droite et les dépassaient même très largement : doublement des seuils sociaux, défiscalisation des heures supplémentaires, nouvelles exonérations sociales sur les contrats d’apprenti, facilitation plus poussée des licenciements économiques,…
M. François Grosdidier. C’était Marion, pas Marine ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique Watrin. … suppression totale du compte pénibilité, du monopole syndical et de l’article facilitant la preuve par les victimes du harcèlement sexuel !
Eh bien, les syndicalistes, les salariés et les concitoyens massivement mobilisés ce jour contre le projet de loi jugeront d’eux-mêmes. M. Rachline, présent depuis quelques instants, pourra s’exprimer. Je tenais d’autant plus à préciser ce point.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain est amené à voter contre l’article 1er, tel qu’il a été rédigé par la commission des affaires sociales et modifié par l’amendement présenté notamment par le groupe communiste et auquel nous nous étions joints.
Vous avez modifié singulièrement l’objet de cet article et n’êtes plus ni dans l’esprit du Gouvernement ni dans celui de nos collègues socialistes à l’Assemblée nationale, car vous avez tenu à encadrer la commission, en fonction de vos valeurs et de votre philosophie, ce qui ne correspond plus du tout ni au point de départ ni au point d’arrivée du texte qui nous est venu de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Vous l’avez fait à trois reprises. Dès lors, nous ne pouvons souscrire à votre rédaction.
L’objet était de mettre en place cette commission, de faire en sorte qu’elle participe à la refondation, en donnant une place centrale à la négociation collective. Vous avez singulièrement modifié cet objet. Nous ne pouvons donc souscrire à la rédaction qui nous est présentée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 247 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)