Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet amendement vise à réintégrer l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, dans la liste des autorités administratives.
Nous pensons, en effet, que cette perte de statut n’est pas souhaitable du point de vue de la réputation de l’ACPR en Europe et à l’international. Le Fonds monétaire international, le FMI, attache notamment beaucoup d’importance à l’indépendance des autorités de supervision en matière financière.
Enfin, dois-je vous rappeler que la transformation structurelle de l’ACPR, dont la création est tout de même très récente, n’apparaît pas souhaitable, alors que l’organisation et le fonctionnement mis en place par l’ordonnance de 2010 donnent entière satisfaction ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Nous sommes dans la situation que je décrivais tout à l’heure : d’un côté, tant le président actuel que les anciens présidents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution nous disent qu’ils ne souhaitent pas être intégrés dans les autorités administratives indépendantes ; de l’autre, le Gouvernement nous explique que l’ACPR doit l’être…
J’ai déjà parlé du poids du lobby des assurances, et nous savons, à peu près, quels ont été les rapports de force… Je crois qu’il faut être raisonnable : il n’existe pas de raison de fond, justifiant de conserver l’ACPR dans la liste des AAI.
M. le secrétaire d’État évoque le poids international, mais, je le répète, le statut d’AAI n’est pas la Légion d’honneur. C’est uniquement un statut ! Ce n’est pas parce que l’on n’est pas une AAI que l’on n’a pas un rôle, que l’on n’exerce pas des missions, dans le respect des devoirs inhérents à tous ces organismes.
Il existe, tout simplement, des critères ! Il peut y avoir, à la marge, des différences et quelques cas où il n’est pas facile de faire la distinction et où les choses pourraient évoluer. J’entends l’argument, qui sera repris pour d’autres autorités, selon lequel un tel statut leur donne de la notoriété internationale. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, si tous ceux qui sont à la recherche de notoriété demandent à être reconnus comme AAI, nous n’avons pas fini d’allonger la liste…
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il est dommage que ce sujet vienne en premier dans la discussion, parce que le climat de rapprochement aurait sûrement permis, plus tard, de faire les choses autrement.
Malheureusement, l’ACPR remplit les critères pour être une autorité administrative indépendante : elle a une mission de régulation d’un secteur économique, qui n’est pas dépourvu d’importance financière. Comme chacun peut le remarquer, la France excelle dans le domaine des assurances et y a des intérêts à défendre.
L’ACPR a effectivement un pouvoir de décision et remplit, à ce titre, la condition pour être une autorité administrative.
Au fond, le sujet porte sur son indépendance. Comme vient de le rappeler le rapporteur Jacques Mézard, il est vrai que les représentants actuels de cette autorité ont manifesté leur indépendance – d’ailleurs de façon éclatante –, en disant qu’ils ne voulaient pas être une autorité indépendante…
En outre, la position du Gouvernement n’était pas stabilisée sur ce sujet, ce qui était un tout petit peu ennuyeux… Je comprends qu’elle l’est désormais, et, à mon avis, dans le bon sens. Néanmoins, tout cela ne rend pas l’affaire extraordinairement convaincante…
Il me semble cependant que, en surmontant une certaine approche critique liée à cette hésitation et imprécision, notre assemblée devrait essentiellement regarder le fond du sujet. Il s’agit d’un secteur économique important, qui pose des problèmes de régulation et dans lequel l’État a des intérêts. Je rappelle en effet qu’il est encore actionnaire d’un certain nombre des sociétés dont il est question. Notre intérêt général est donc bien que l’autorité en question soit revêtue de critères d’indépendance.
Autre difficulté de la matière : l’ACPR est totalement liée à la Banque de France, elle-même une institution sui generis, qui n’est pas un établissement public et dont l’indépendance internationale est reconnue, en particulier du fait de traités. Ainsi, les conditions de nomination et le fonctionnement institutionnel de l’ACPR créent une situation ambiguë.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Richard. Il me semble qu’il serait réellement de l’intérêt général de clarifier la situation, en incorporant l’ACPR dans la liste des AAI. Il faut toutefois en tirer toutes les conséquences, sujet sur lequel le Gouvernement devrait peut-être apporter des précisions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 30.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 239 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 119 |
Contre | 207 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par M. Courteau.
L’amendement n° 9 est présenté par Mme Bataille.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Comité consultatif national d’éthique
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Roland Courteau. L’article 1er de la proposition de loi précise que les dispositions des titres Ier à IV constituent le statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Il renvoie à une annexe pour fixer la liste des entités qualifiées comme telles.
Par cet amendement, auquel s’associent Delphine Bataille, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et Daniel Raoul, qui en est un ancien membre – éminent ! –, je voudrais dire que le Comité consultatif national d’éthique est une instance désormais installée dans le paysage institutionnel français. Ses avis sont perçus par la population comme faisant référence.
Il est donc primordial, selon nous, que cette institution, qui a actuellement le statut d’autorité indépendante, ne le perde pas. En effet, cela serait perçu comme une dégradation de son importance, au moment même où les questions éthiques, scientifiques et morales sont prégnantes et largement débattues dans le public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour présenter l’amendement n° 9.
Mme Delphine Bataille. Je n’ai presque rien à ajouter pour présenter cet amendement, identique à celui qui vient d’être parfaitement défendu par M. Courteau.
Je me permets simplement d’insister sur l’importance du rôle du Comité consultatif national d’éthique, qui est une référence pour bon nombre de nos concitoyens et qui ne doit pas perdre son statut d’autorité indépendante. Ce serait un recul, alors que les questions éthiques, scientifiques et morales sont une profonde préoccupation pour le public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Pour commencer, je rappelle, là encore, que le Comité consultatif national d’éthique n’est pas, aujourd’hui, une autorité administrative indépendante. C’est une autorité indépendante, qui souhaite devenir une autorité administrative indépendante.
Selon les auteurs de ces très respectables amendements, il est important que cette institution, qui a actuellement le statut d’autorité indépendante, ne le perde pas, ce qui serait perçu comme une dégradation de son importance. On ne peut être d’accord avec cette motivation, puisque cette institution ne perdra pas son indépendance !
J’en reviens d’ailleurs au précédent débat. La question n’est pas la dégradation ou la décoration. Il faut être clair ! Si figurer dans la liste des autorités administratives indépendantes valorise le président et les membres de ces comités, ce n’est pas le but visé.
Il n’est aucunement dans notre idée de dégrader ce type d’organismes, qui jouent un rôle, exercent une mission et le font bien. Mais il n’y a pas de raison de considérer que, dans la gradation des instances de la République, le statut d’AAI brille de tous ses feux et constitue le moyen d’être reconnu et peut-être d’être mieux financé. Ce n’est pas du tout la question !
Enfin, je rappelle qu’à l’issue de la première lecture, l’Assemblée nationale est tombée d’accord avec le Sénat pour ne pas inscrire ce comité sur la liste des AAI.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet organisme est actuellement une autorité indépendante, et le Gouvernement souhaite qu’il le reste.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Avec Delphine Bataille, j’insiste et persiste… Qu’on le veuille ou non, la suppression du statut sera perçue comme une dégradation de l’importance du comité, alors que, je le rappelle, les questions éthiques, scientifiques et morales sont particulièrement d’actualité.
Nous maintenons donc nos amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 9.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rétablir le 8 bis dans la rédaction suivante :
8 bis. Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement tend à rétablir le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, dans la liste des AAI.
Nous en avions collectivement décidé ainsi, lors de l’examen de la loi de programmation militaire, ici même au Sénat. Cet amendement avait d’ailleurs reçu un avis favorable du Gouvernement, par la voix du ministre de la défense, ce qui n’est pas banal. Il serait étonnant de revenir, aussi peu de temps après, sur ce vote.
Cet amendement est celui auquel nous tenons le plus. Nous souhaitons vivement que le CIVEN reste une AAI.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cet amendement a pour objet de maintenir le statut d’autorité administrative indépendante attribué au CIVEN.
En première lecture, nous avons considéré que, en réalité, l’attribution de ce statut au CIVEN ne relevait, au départ, que de la volonté, tout à fait respectable, de lever tout soupçon de partialité sur les décisions rendues en matière d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.
Toutefois, sur le fond, le CIVEN exerce exactement le même type de missions que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM, qui est un établissement public administratif. C’est rigoureusement le même processus. Voilà pourquoi nous avions écarté le CIVEN de la liste.
L’Assemblée nationale l’a rétabli, dans la mesure où il répondrait au critère de détention d’un pouvoir de décision.
Prenant en considération ces différents éléments, votre commission propose, dans le texte qu’elle a adopté, que le CIVEN, s’il n’est pas autorité administrative indépendante, bénéficie, de par la loi, du statut d’établissement public administratif de l’État placé auprès du Premier ministre, et non plus auprès du ministre de la défense.
Ses membres seraient, dans ces conditions, soumis aux obligations de dépôt des déclarations d’intérêts et de patrimoine pour conforter leur indépendance.
En outre, je le rappelle, la loi prévoit d’ores et déjà que, dans l’exercice de leurs attributions, les membres du comité ne reçoivent d’instructions d’aucune autorité. C’est bien là l’objectif !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. L’avis est favorable, dans le droit fil de la loi de programmation militaire de 2013 et de la position prise par le ministre de la défense.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Kaltenbach.
L’amendement n° 7 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 17 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Commission nationale consultative des droits de l’homme
L’amendement n° 1 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Cécile Cukierman. Comme je l’ai précisé dans mon intervention lors de la discussion générale, mon groupe approuve les objectifs de cette proposition de loi.
Toutefois, comme nous l’avons également indiqué, il est possible de distinguer deux types d’AAI, celles qui jouent un rôle de régulation et celles qui exercent une mission de protection des libertés fondamentales. La Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, fait partie de cette dernière catégorie.
Nous pensons que la CNCDH, autorité de protection, doit pouvoir conserver un statut d’AAI, quand bien même elle n’aurait pas le pouvoir de sanction requis pour entrer dans la classification retenue.
Je souhaite reprendre les arguments du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, le MRAP, selon lequel « l’absence de la CNCDH dans le champ de cette loi nuirait à la crédibilité de son action, au travers de ses recommandations, de ses avis et de ses rapports d’évaluation de la politique publique, émis notamment au titre de ses mandats de rapporteur national sur le racisme et sur la traite des êtres humains. Elle porterait aussi atteinte à son statut international d’institution nationale des droits de l’homme, reconnue par l’ONU. » La commission pourrait ainsi perdre son accréditation auprès de cette organisation internationale.
C’est également son statut actuel qui a permis à la CNCDH d’émettre des avis réellement indépendants sur la déchéance de la nationalité, l’état d’urgence et les abus qui ont pu être constatés dans son application, cette liste n’étant pas exhaustive.
C’est pourquoi nous vous proposons de voter notre amendement, afin de protéger cette autorité essentielle à la protection des libertés fondamentales, cette voix claire et indépendante, sur la scène nationale et internationale, pour reprendre les mots de sa présidente.
Je connais les arguments qui vont m’être opposés, mais je tiens à préciser que nous avons déposé cet amendement parce que nous faisons le constat qu’il n’existe malheureusement pas, aujourd’hui, d’autre statut qui permette de satisfaire et garantir les exigences que je viens de rappeler.
Puisque je me doute du sort qui sera réservé à cet amendement, je signale que nous examinerons, plus tard dans notre débat, un amendement de notre collègue Alain Richard qui vise à garantir le caractère d’indépendance indispensable à la CNCDH.
Nous voterons donc bien évidemment pour l’amendement n° 7, mais, s’il n’est pas adopté, nous voterons en faveur de l’amendement de repli déposé par notre collègue.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement est identique au précédent, que ma collègue Cécile Cukierman a excellemment défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 7 et 17 ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La CNCDH, excellemment présidée par Mme Christine Lazerges, accomplit son travail dans un esprit d’indépendance qui n’a jamais été contesté par quiconque. Or, aujourd’hui, cette commission n’est pas une autorité administrative indépendante et elle ne l’a jamais été ! Cela ne l’empêche pas de réaliser son travail en toute indépendance, parfois au grand déplaisir du pouvoir exécutif ou d’un certain nombre de représentants politiques.
Que lit-on dans l’objet de ces amendements identiques ? Que l’absence de la CNCDH du champ de cette loi « porterait atteinte à son statut international d’institution nationale des droits de l’homme reconnue par l’ONU ». Ainsi, si nous n’accordions pas à cette commission la qualité d’autorité administrative indépendante, l’ONU ne la reconnaîtrait pas ! Pourtant, elle n’a pas cette qualité aujourd’hui, et l’ONU n’a rien trouvé à y redire.
J’aurai à le répéter constamment, car je connais la modestie de Mme Lazerges : le fait que la CNCDH n’ait pas le statut d’autorité administrative indépendante n’enlèvera rien à la reconnaissance de la qualité de son travail.
Si nous donnions un accord de principe aux auteurs de ces amendements, tout organisme qui exerce une mission d’intérêt général avec indépendance pourra réclamer le statut d’autorité administrative indépendante. Nous ne serions alors plus du tout dans les clous !
J’admets – je l’ai dit – que l’on s’interroge sur certains cas. En l’espèce, il n’y a aucune raison de le faire. Nous examinerons tout à l’heure un amendement qui vise à réaffirmer l’indépendance de la CNCDH, s’il en était besoin – je ne crois pas que ce soit nécessaire –, et nous pourrons à nouveau en discuter.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Le Gouvernement reconnaît lui aussi l’utilité et la qualité du travail de la CNCDH.
C’est pourquoi, concernant ces amendements identiques qui visent le statut de cette commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 17.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Rétablir le 12 bis dans la rédaction suivante :
12 bis. Commission nationale du débat public
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, notre groupe a trois regrets. Après le CIVEN, la Commission nationale du débat public, ou CNDP, est notre deuxième regret.
Cet amendement vise à rétablir la CNDP dans la liste des autorités administratives indépendantes telle qu’elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale, afin de respecter les dispositions de l’article L. 121-1 du code de l’environnement.
Nous venons de détricoter ce que nous avions adopté à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire… Je me doute donc du destin de cet amendement auquel mon groupe tient beaucoup.
Je le rappelle, l’article 7 de la Charte de l’environnement dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
Pour nous, il aurait donc été préférable que la CNDP figure sur la liste des autorités administratives indépendantes, mais je devine vos arguments, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. En première lecture, le Sénat avait déjà considéré que cette instance ne répondait pas aux critères retenus pour qualifier un organe d’autorité administrative indépendante, dans la mesure où la Commission nationale du débat public se borne à déterminer les modalités de participation du public au processus de décision, sans jamais se prononcer elle-même sur le fond des projets.
L’objet de l’amendement précise : « À l’heure où tous soulignent la nécessité de renforcer le dialogue environnemental, et où les décisions de la CNDP sont parfois contestées, y compris devant les tribunaux administratifs, il importe de garantir son indépendance. » Or j’ai reçu les représentants de cette commission et je peux vous dire, compte tenu de ce que j’ai entendu, que je ne doute aucunement de leur indépendance. Il n’y a donc pas de discussion sur ce point.
Si l’on s’en tient aux arguments des auteurs de cet amendement, on pourrait penser que cette commission ne travaille pas en toute indépendance. Pourtant, mes chers collègues, je vous assure que, si l’on s’en tient à leurs déclarations, nous pouvons être tout à fait rassurés !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sur ce sujet, j’ai éprouvé quelques hésitations, mais j’ai fini par me rallier à l’avis de M. le rapporteur.
En réalité, c’est la loi qui fait obligation à un certain nombre d’investisseurs ou de porteurs de projet de passer par la procédure du débat public, puisqu’elle fixe des critères chiffrés, le plus souvent financiers, mais il s’agit parfois de la taille de l’infrastructure – par exemple, un projet d’autoroute fait l’objet d’un débat public obligatoire au-delà d’un certain nombre de kilomètres.
Ce n’est donc pas là que s’exerce l’autorité de la Commission nationale du débat public. Certes, celle-ci peut, jusqu’à un certain point, réduire les obligations formelles de débat imposées à certains porteurs de projet, voire les en dispenser.
Dans la mesure où le débat public est organisé uniquement en application d’une loi, il me semble que les pouvoirs consentis à la CNDP se situent en deçà de la fixation d’obligations à l’égard des tiers, critère retenu dans la définition des autorités administratives indépendantes. Il me semble donc qu’une bonne interprétation de cette définition aboutit à ne pas inscrire la CNDP sur la liste, compte tenu des missions qu’elle assume actuellement.
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Rétablir le 21 dans la rédaction suivante :
21. Médiateur national de l’énergie
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Au vu des arguments déployés concernant le CIVEN, que nous avions décidé de transformer en AAI – à l’unanimité, me semble-t-il – et au vu du vote précédent, je devine que cet amendement ayant pour objet le Médiateur national de l’énergie ne recevra pas un meilleur accueil.
Je souhaite seulement rappeler que ce médiateur défend les intérêts des consommateurs. À cet égard, compte tenu de la force des lobbys qui interviennent dans le domaine de l’énergie, il eût été important de faire de ce médiateur une autorité administrative indépendante.
Mon état d’esprit reste cependant très constructif, malgré le sort qui attend cet amendement. Je remercie le Gouvernement de l’élégance dont il a fait preuve concernant le CIVEN et la CNDP.
L’amendement n° 12 sera le dernier que je défendrai aujourd’hui, et je retirerai les quatre autres amendements que notre groupe avait déposés, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Le Médiateur national de l’énergie ne répond pas aux critères retenus pour qualifier un organe d’autorité administrative ou publique indépendante, à savoir la détention d’un pouvoir normatif, de régulation, de sanction ou de contrainte. Les auteurs de l’amendement, qui mettent en avant un simple « pouvoir d’influence », le reconnaissent eux-mêmes.
D’ailleurs, en première lecture, le Sénat s’était prononcé contre l’inscription du Médiateur national de l’énergie sur la liste des AAI. À l’époque, il avait suivi l’avis du rapporteur et celui du Gouvernement, puisque M. Harlem Désir, qui siégeait à votre place, monsieur le secrétaire d’État, avait rappelé : « Le fait que [le Médiateur national de l’énergie] soit uniquement à même d’émettre des recommandations, dont la portée est difficile à apprécier, ne plaide pas pour qu’il soit retenu au nombre de ces instances. En conséquence, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement. »
L’Assemblée nationale, contre l’avis de son rapporteur, a toutefois conféré ce statut à cet organe.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur les conséquences que pourrait avoir une telle mesure : outre qu’elle affaiblirait fortement le dispositif que nous mettons en place, car elle réduit la portée de la définition de l’autorité administrative indépendante, elle pourrait conduire à l’inscription d’autres organismes assumant des missions similaires, tels que le médiateur du cinéma, le médiateur du livre, le médiateur de l’eau et tant d’autres !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et l’annexe.
(L’article 1er et l’annexe sont adoptés.)
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Article 3
(Non modifié)
Les règles prévues aux titres Ier à IV de la présente loi s’appliquent aux membres des collèges et, le cas échéant, des commissions des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions créées au sein de ces autorités. – (Adopté.)
Article 4
Pour l’application de la présente loi, les dispositions des titres Ier à IV mentionnant le président d’une autorité administrative indépendante s’appliquent au Défenseur des droits et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Les articles 5 à 13 et l’article 22 ne sont pas applicables au Défenseur des droits. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’institution, dont les règles déontologiques s’appliquent également aux adjoints, aux membres du collège et à ses délégués.
Le deuxième alinéa de l’article 7 et l’article 12 ne sont pas applicables au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’autorité. – (Adopté.)
TITRE IER
ORGANISATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 5
La durée du mandat des membres d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est comprise entre trois et six ans. Par dérogation, le mandat des députés ou des sénateurs membres d’une de ces autorités prend fin avec la cessation de leur mandat de député ou de sénateur.
Il est pourvu au remplacement des membres huit jours au moins avant l’expiration de leur mandat. En cas de décès ou de démission volontaire ou d’office d’un membre, il est pourvu à son remplacement dans les soixante jours. À défaut de nomination d’un nouveau membre à l’expiration de ces délais, le collège de l’autorité, convoqué à l’initiative de son président, propose, par délibération, un candidat à l’autorité de nomination, dans un délai de trente jours. – (Adopté.)
Article 6
(Suppression maintenue)
Article 7
(Non modifié)
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante n’est pas révocable.
En cas d’empêchement à exercer les fonctions de membre du collège, le mandat peut être suspendu, pour une durée déterminée, soit à la demande du membre concerné, soit par le collège, à la majorité des trois quarts des autres membres, sur proposition de l’un d’entre eux.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre du collège que dans les formes prévues pour sa nomination soit en cas de démission, soit, sur proposition du président ou d’un tiers des membres du collège, après délibération à la majorité des trois quarts des autres membres du collège que l’intéressé constatant un manquement grave à ses obligations légales empêchant la poursuite de son mandat. Cette délibération ne peut intervenir qu’après avoir demandé à l’intéressé de produire ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à une semaine.
Le vote a lieu à bulletin secret hors la présence de l’intéressé.
Un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante qui se trouve dans une situation d’incompatibilité met fin à celle-ci dans un délai de trente jours à compter de sa nomination ou de son élection. À défaut d’option dans ce délai, le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante, ou un tiers au moins des membres du collège lorsque l’incompatibilité concerne le président, le déclare démissionnaire.