Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
Secrétaires :
Mme Valérie Létard, M. Philippe Nachbar.
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
3. Communication d’un avis sur un projet de nomination
4. Inscription à l'ordre du jour des conclusions d’une commission mixte paritaire
5. Relance de la construction en milieu rural. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Jacques Genest, auteur de la proposition de loi
M. Daniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre
Adoption de l’article.
Article 2 bis (nouveau) – Adoption.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° 5 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 6
Amendement n° 2 rectifié ter de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° 1 de M. Michel Fontaine. – Non soutenu.
Amendement n° 3 rectifié de M. Charles Revet. – Non soutenu.
Amendement n° 6 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
6. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une République numérique.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
3
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la commission des lois, lors de sa réunion du 1er juin 2016, a émis, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, un avis conforme - vingt-huit voix pour, trois voix contre et onze bulletins blancs - sur le projet de nomination, par M. le président du Sénat, de M. Henri Bardet aux fonctions de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Acte est donné de cette communication.
4
Inscription à l'ordre du jour des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement sollicite l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 8 juin 2016 des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour du mercredi 8 juin 2016 s’établit comme suit :
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
– Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ;
– Proposition de résolution européenne relative au régime de sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie ;
– Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché.
5
Relance de la construction en milieu rural
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural, présentée par M. Jacques Genest et plusieurs de ses collègues (proposition n° 543, texte de la commission n° 631, rapport n° 630).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Genest, auteur de la proposition de loi.
M. Jacques Genest, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment même où se tient le congrès des maires, raison pour laquelle, peut-être, l’hémicycle est plus clairsemé que d’habitude, l’occasion me semble particulièrement bien choisie, pour la Haute Assemblée, de se pencher sur un problème crucial qui concerne les 32 000 communes rurales de notre pays.
À quoi aspirent nos compatriotes qui vivent dans les bourgs et les villages ? À travailler au pays, à y disposer de services, notamment médicaux, et à habiter dans un logement qui corresponde à leurs besoins, leur culture et, surtout, leur façon de vivre. Or c’est là que le bât blesse.
Au gré des gouvernements successifs, notre code de l’urbanisme a connu la sédimentation de nouvelles couches de normes, d’obligations et d’interdits. Beaucoup de ces contraintes sont compréhensibles, et leur vocation à protéger nos paysages et nos espaces agricoles du mitage est tout à fait salutaire.
Mais ce corpus de règles pèche par un mal bien français : l’uniformité, qui récuse la réalité du fossé séparant un village de quelques centaines d’habitants d’une agglomération dont la population se compte en centaines de milliers.
C’est la raison pour laquelle le groupe de travail constitué de sénateurs du groupe Les Républicains qui a réfléchi sur ces questions a estimé nécessaire de prendre une initiative législative. Je vous présenterai maintenant succinctement les principales dispositions de cette proposition de loi.
J’associe à mon intervention mes collègues du groupe de travail sur la ruralité ainsi que les très nombreux cosignataires de cette proposition de loi, et je remercie le rapporteur Daniel Laurent du travail très constructif qu’il a réalisé sur ce texte : lui et moi avons œuvré dans un esprit de concertation saine et constructive, dans l’intérêt de la ruralité.
Bien entendu, avec cette proposition de loi, nous ne prétendons pas résoudre l’ensemble des problèmes touchant à la ruralité, mais il nous a paru essentiel de réaffirmer dans notre droit le principe du droit au développement rural. C’est pourquoi nous proposons d’y réinscrire celui-ci, afin qu’il figure, comme c’était auparavant le cas, dans le code de l’urbanisme, à côté de la référence au développement urbain. À cet égard, je me demande si cet oubli était vraiment involontaire…
Le texte que nous proposons au Sénat d’adopter vise à résoudre concrètement l’une des problématiques concernant le monde rural et sur laquelle le législateur peut directement agir : celle de la construction.
Il convient tout d’abord de desserrer les contraintes qui empêchent la construction des annexes liées aux exploitations agricoles. Nombre d’entre elles sont nécessaires pour installer des activités économiques en relation avec l’exploitation, qu’il s’agisse de vente des produits de la ferme ou d’agritourisme, avec les gîtes ruraux, qui participent à l’équilibre financier de l’exploitation. En soutenant la viabilité économique de cette dernière, elles permettront aux agriculteurs de poursuivre leur activité, et contribueront donc à la lutte contre la désertification de nos campagnes.
À cet égard, je tiens à remercier Rémy Pointereau, qui a pris l’initiative, lors de l’examen de ce texte en commission, d’étendre aux coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, la dispense de recours à un architecte dont bénéficient les fermes depuis la loi Macron.
Contrairement à certaines croyances citadines tenaces, tous les habitants de la ruralité ne sont pas des agriculteurs ! S’agissant des habitations situées hors des zones urbanisées, des assouplissements pour la création d’annexes à proximité des bâtiments existants sont indispensables. C’est là une question d’équité : il est en effet temps de rétablir une égalité de traitement entre des occupants qui sont soumis à des régimes juridiques totalement différents selon qu’ils vivent dans une zone définie par le règlement national d’urbanisme –le RNU –, un plan local d’urbanisme – PLU – ou une carte communale.
Parce qu’ils sont les premiers connaisseurs de leur environnement, les élus municipaux en sont les premiers défenseurs. La loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a donné à la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers un véritable pouvoir de tutelle sur les décisions communales.
M. Claude Bérit-Débat. Très bien ! C’est une bonne chose !
M. Jacques Genest. En exigeant que cette commission rende un avis conforme à la délibération d’un conseil municipal portant sur l’autorisation de constructions dans des territoires soumis au règlement national de l’urbanisme, cette loi bride toute initiative de la commune en la matière. C’est pourquoi nous proposons, à l’article 4, de rendre cet avis consultatif. Il faudra peut-être aussi, un jour, s’interroger sur la composition de cette commission.
Dans la même logique, nous avons à cœur d’aider les communes à surmonter les blocages entravant irrémédiablement leur développement tout en leur faisant subir de sévères pertes financières.
Ainsi, avant la loi résultant du Grenelle de l’environnement, de nombreuses communes avaient entrepris des investissements ou réalisé des infrastructures desservant des secteurs que la nouvelle législation a ensuite rendus inconstructibles, pour cause de discontinuité avec les groupes d’habitations existants.
L’article 5 de la proposition de loi prévoit donc, et ce malgré un encadrement plus serré adopté en commission, d’étendre la notion de « continuité ». Cette disposition concernera notamment les communes de montagne pour lesquelles des travaux de desserte ont été réalisés avant l’entrée en vigueur du texte précité, mais n’ont pu être suivis des constructions attendues et espérées. En plus de prendre une mesure nécessaire et de bon sens, il s’agit aussi de rendre au contribuable le bénéfice des efforts qui ont été consentis en son nom et déployés jusqu’à présent en pure perte.
J’ai parlé précédemment de la spécificité du monde rural, à laquelle je tiens à associer le concept d’équité.
Dans le cadre du PLU, la zone ouverte à l’urbanisation dépend du rythme de la construction et des surfaces couvertes depuis dix ans, alors que ce rythme est en diminution constante. En d’autres termes, plus vous êtes gourmand en foncier, plus vous aurez le droit d’en consommer ! Lorsqu’une commune est touchée par le déclin démographique, c’est le mouvement inverse qui s’opère pour les droits à consommer du foncier.
L’article 6 prévoit donc de mettre fin à cette double peine, en tenant compte des caractéristiques architecturales et urbaines de l’existant, mais aussi de la mobilisation des terrains disponibles.
Toujours en vue de rendre davantage de services aux habitants en réduisant les délais et les démarches administratives, qui sont fastidieuses et coûteuses, nous proposons, au travers de l’article 7, de soumettre des zones forestières ou agricoles à la procédure de modification du PLU plutôt qu’à celle de révision simplifiée, à cette condition bien précise : uniquement lorsque la réduction de cet espace est rendue indispensable pour l’accueil d’équipements réalisés au service de la collectivité, et sous réserve que ceux-ci ne portent pas préjudice aux activités agricoles ou aux paysages environnants.
Enfin, cette proposition de loi a pour objet de restaurer les capacités financières des communes rurales, qui, aujourd’hui, ne peuvent plus viabiliser un secteur ni réaliser les raccordements aux réseaux indispensables à l’émergence de nouvelles constructions.
Les dispositions des quatre derniers articles de cette proposition de loi visent donc à redonner des marges de manœuvre financières aux communes, qui sont déjà affectées par la baisse brutale de la dotation globale de fonctionnement.
Il s’agit plus particulièrement ici de rétablir la participation pour voirie et réseaux, la PVR, sans pour autant perdre le bénéfice de la taxe d’aménagement. Il ne nous apparaît pas illégitime que soient mis à contribution les principaux bénéficiaires des travaux entrepris sur la voirie ainsi que sur les raccordements aux réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement.
De plus, pour faciliter la prise en charge des équipements publics dans les communes rurales, le texte prévoit d’étendre le projet urbain partenarial aux zones constructibles des cartes communales.
Mes chers collègues, je conclurai en rappelant qu’un hameau qui se vide de ses habitants, faute d’avoir été adapté aux activités humaines, c’est une friche programmée. Un village dont la population vieillit, et dont les forces vives le quittent, c’est une communauté humaine qui va déclinant, sur un territoire à la dérive, puis à l’abandon.
Empêcher une construction raisonnée, c’est condamner à terme l’agriculture. En effet, un agriculteur ne peut pas vivre dans un désert ; il a besoin de services – écoles, médecins, etc. –, mais il faut, dans cette perspective, qu’il y ait d’autres habitants et, surtout, un renouvellement de la population vieillissante.
J’habite dans une commune de 800 habitants, qui est un très bel exemple de la complémentarité entre un urbanisme élevé, mais raisonné, et une agriculture qui se maintient bien.
Nous, ruraux, aimons et protégeons nos agriculteurs et notre environnement, mais nous voulons pouvoir développer nos nombreux atouts, sans être parqués dans des réserves dont la population ne se renouvellerait pas.
Alors, réveillons nos territoires ! Offrons à nos concitoyens la possibilité d’exprimer le dynamisme dont ils sont capables ! Faisons confiance à leur capacité à penser un avenir qui ne reflétera pas l’image figée du passé, mais qui sera, au contraire, à l’aune des projets qu’ils auront imaginés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, au cours des dix dernières années, les textes relatifs à l’urbanisme se sont succédé afin que l’urbanisation prenne mieux en considération les impératifs de protection de l’environnement et que les objectifs parfois contradictoires devant guider la décision d’ouvrir de nouveaux territoires à l’urbanisation se concilient de manière plus aisée.
Cette démarche n’a cependant pas toujours suffisamment pris en compte la nécessité d’accompagner les espaces ruraux dans leur développement économique et démographique. Or la construction en milieu rural ou dans les zones de montagne, pour autant qu’elle reste maîtrisée, constitue l’un des moyens du développement de ces territoires, en particulier lorsque ceux-ci sont éloignés géographiquement des centres urbains.
Ainsi, les dernières lois en matière d’urbanisme ont eu pour objet principal la limitation de l’étalement urbain, passant, notamment, par le respect d’un principe de « gestion économe de l’espace » en ce qui concerne les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et de « modération » de consommation de l’espace concernant les PLU, les plans locaux d’urbanisme.
Cet objectif de modération est nécessaire. Néanmoins, l’interprétation souvent stricte de ces notions par les services de l’État pénalise particulièrement les communes rurales ou les communes de montagne, dans lesquelles les ouvertures à l’urbanisation et le nombre d’autorisations de construire délivrées sont déjà significativement bas depuis plusieurs décennies. On en vient alors souvent, au nom des principes précités, à imposer à ces communes de limiter plus encore leurs possibilités de construire, en réduisant parfois à néant toute perspective de développement.
En outre, la réglementation relative aux constructions nouvelles peut conduire à des situations ubuesques. Ainsi, il est des cas où il est plus facile à un nouveau résidant de s’implanter dans une commune rurale qu’à un exploitant agricole retraité, qui a cédé sa ferme, de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale.
Comme l’ont souligné les associations d’élus au cours des auditions, il faut reconnaître un véritable droit des communes rurales ou des communes de montagne à se développer. Ces territoires doivent rester des lieux de vie pour nos concitoyens et ne sauraient se transformer, dans leur majeure partie, en des « conservatoires » où plus aucune évolution du bâti ne serait envisageable.
Ainsi que le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi présentée par notre collègue Jacques Genest et plusieurs membres du groupe Les Républicains, sachant que dix-neuf départements ont connu un déclin démographique entre 2010 et 2015, en raison essentiellement du manque d’opportunités professionnelles, de l’existence de déserts médicaux et administratifs, de la disparition des services et des commerces de proximité et de la fracture numérique, il convient de restaurer l’attrait des communes les plus rurales et, dans ce cadre, la construction est un outil de relance et de dynamisation locale essentiel.
Il ne s’agit évidemment pas de prôner l’abolition de tout encadrement, mais il faut procéder aux adaptations nécessaires pour que le développement rural ou le développement des territoires de montagne soit également et effectivement pris en considération par la législation relative à l’urbanisme. Celle-ci doit aussi favoriser un étalement urbain raisonnable, la lutte contre le mitage devant, dans le même temps, rester une priorité.
Des ajustements doivent donc être trouvés pour mieux répondre aux besoins ordinaires et légitimes des populations résidant dans ces territoires. C’est dans cette voie que nous engage cette proposition de loi, selon deux axes d’action.
Le premier vise à adapter davantage les contraintes d’urbanisation aux spécificités des communes rurales ou de montagne en consacrant expressément le développement rural au nombre des principes fondamentaux du droit de l’urbanisme, en facilitant le développement des constructions et installations utiles à l’exploitation agricole, en permettant la construction d’annexes et de dépendances aux constructions existantes dans l’ensemble des territoires ruraux et, parallèlement, là où les extensions et annexes sont déjà possibles, en assouplissant les conditions qui encadrent cette possibilité.
La proposition de loi vise également à assouplir les procédures d’autorisation de l’édification de nouvelles constructions ou de l’ouverture de nouveaux secteurs à l’urbanisation.
Ainsi, serait supprimé, dans certains cas, le caractère conforme de l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF.
Par ailleurs, le PLU pourrait prévoir des secteurs ouverts à l’urbanisation lorsque ceux-ci comportent des équipements de desserte réalisés ou programmés ou ont fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l’EPCI compétent.
En outre, pour définir les objectifs chiffrés en matière de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD, le projet d’aménagement et de développement durable, la taille des parcelles des communes de montagne ou à faible densité démographique devrait désormais être prise en considération.
Enfin, la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière serait désormais soumise à la procédure de modification du PLU lorsque cette réduction est nécessaire pour accueillir un équipement collectif.
Le second axe d’action vise à rétablir ou à renforcer certaines participations d’urbanisme pour favoriser la réalisation des projets d’aménagement : d’une part, en rétablissant la participation pour voirie et réseaux, tout en en réservant le bénéfice aux seules communes de montagne ou faiblement peuplées ; d’autre part, en élargissant la possibilité, pour ces mêmes communes, d’instituer une majoration du taux de la taxe d’aménagement.
À l’issue des auditions que j’ai conduites et dans le cadre d’une démarche concertée avec notre collègue Jacques Genest, j’ai soumis à la commission des affaires économiques plusieurs amendements visant à assurer la plus grande efficacité juridique des dispositifs de cette proposition de loi, tout en les recentrant pour mieux répondre aux difficultés qui se posent sur le terrain.
Lors de sa réunion du 25 mai dernier, la commission a adopté ces amendements, ainsi qu’un autre émanant de notre collègue Rémy Pointereau. Ils visent notamment à autoriser de façon plus mesurée, par rapport à ce que prévoyait le dispositif initial, les constructions nouvelles en zones agricoles, à supprimer la possibilité de construire des dépendances, tout en précisant que les annexes aux bâtiments existants doivent être implantées à proximité du bâtiment principal, à limiter la possibilité d’ouvrir à l’urbanisation en zone de montagne, en discontinuité du bâti existant, aux seuls secteurs ayant d’ores et déjà fait l’objet de travaux de desserte ou d’acquisitions foncières significatives de la part des collectivités, à mieux définir les communes rurales susceptibles de mettre en place la participation pour voirie et réseaux et à donner la possibilité d’en exempter, comme c’était le cas auparavant, les opérations de construction de logements sociaux, tout en instaurant un principe de non-cumul de cette participation avec le taux majoré de la taxe d’aménagement, à étendre aux constructions des coopératives d’utilisation de matériel agricole la dispense de recours à un architecte pour la construction de certains bâtiments à usage agricole.
Ainsi recentré, le texte adopté par la commission nous permettra de progresser dans le traitement de cas concrets, qui se posent quotidiennement dans nos campagnes, sans remettre en cause les protections qui s’imposent dans les milieux agricoles, naturels ou forestiers, lesquels font la richesse de nos territoires.
Lors de sa réunion de ce matin, la commission a également adopté, sur mon initiative, un amendement tendant à régler un problème pratique récurrent concernant le mode de comptabilisation des espaces ouverts à l’urbanisation.
Ces dispositions constituent des orientations pour des évolutions nécessaires, que la navette parlementaire permettra, le cas échéant, de préciser et de conforter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Monsieur Genest, permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir déposé cette proposition de loi, qui nous permet de débattre aujourd'hui d’un sujet très important pour la ministre du logement que je suis, soucieuse de relancer la construction dans tous les territoires, qu’ils soient urbains, avec des besoins de logements énormes, ou ruraux.
Si je suis parisienne de naissance, sachez que je suis aussi ardéchoise de cœur…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Cela change tout ! (Sourires.)
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cela change beaucoup de choses, en tout cas ! La question de la ruralité ne m’est pas étrangère.
En préambule, je voudrais rappeler, au nom du Gouvernement, notre ambition et plusieurs éléments importants de la politique que nous menons.
Notre ambition première est d’accompagner les territoires ruraux dans leur développement, en prenant des dispositions adaptées pour soutenir leur dynamisme – tel fut l’objet des trois derniers comités interministériels aux ruralités –, en construisant à partir des atouts de chaque territoire et en luttant contre toute forme de séparatisme, notamment entre le rural et l’urbain, en imposant des règles d’urbanisme qui concilient l’émergence de projets de développement et la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers faisant la richesse et l’attractivité des territoires ruraux.
Les comités interministériels aux ruralités, auxquels certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont assisté, ont été l’occasion d’annoncer un grand nombre de mesures en faveur des territoires ruraux, avec deux impératifs : pallier les effets de l’action des gouvernements successifs, notamment ceux de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui ont fait tant de mal aux zones rurales ; avoir un impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
Ainsi, ce sont plus de 104 mesures qui ont été annoncées, dont 37 lors du dernier comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Privas, parmi lesquelles le retour des services publics dans les territoires, avec le développement de 1 000 maisons de services au public d’ici à la fin de l’année, la lutte contre les déserts médicaux – c’est un enjeu absolument essentiel –, avec la création de plus de 400 maisons de santé et de 800 contrats, la lutte contre les « zones blanches » par le renforcement de la couverture mobile, la création des contrats de ruralité, afin de mettre en cohérence l’ensemble des actions menées en faveur des ruralités aux niveaux national et local et de fédérer l’ensemble des acteurs dans ces territoires, tout en finançant leurs projets d’investissement en matière d’accès aux services publics ou de création d’équipements.
Le Gouvernement agit de manière forte et résolue pour être aux côtés des habitants et des élus des territoires ruraux, et pour offrir aux ruralités – elles sont diverses – la politique ambitieuse qu’elles méritent.
Nous prenons ainsi des mesures spécifiques liées au logement et à l’habitat durable dans les territoires ruraux.
Le double enjeu, pour ceux-ci, est de lutter contre la vacance en centre-bourg, parfois liée à un habitat ancien dégradé, qui doit être réhabilité, et de contenir l’étalement urbain pavillonnaire en périphérie.
Il nous faut également améliorer l’adéquation de l’offre de logements avec les besoins des populations et les attentes des nouveaux arrivants.
Dans le cadre du plan de relance et des comités interministériels aux ruralités, le Gouvernement a déjà mis en place plusieurs initiatives, qui contribuent à apporter des réponses concrètes à la question du logement en milieu rural.
Ainsi, nous avons instauré un soutien à l’accession sociale à la propriété dans plus de 30 000 communes, par extension à l’ancien du prêt à taux zéro, le PTZ, pour l’achat d’un bien immobilier. Aujourd’hui, 60 % des PTZ pour l’ancien sont octroyés en zone C, c'est-à-dire en zones rurales.
Nous avons également institué un soutien à la construction neuve, avec le renforcement du PTZ, notamment dans la zone C : 45 % des PTZ octroyés depuis 1er janvier 2016 l’ont été en zone C.
Par ailleurs, nous soutenons la rénovation, avec la mobilisation du programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat : le nombre de logements concernés est passé de 50 000 à 70 000 en 2016, dont 40 % en secteur rural.
En outre, nous menons une politique de revitalisation des centres-bourgs. Le premier appel à manifestation d’intérêt lancé l’an passé a montré l’existence d’un réel besoin d’aides financières, mais aussi d’ingénierie dans les territoires ruraux.
Un autre enjeu est de soutenir l’économie dans ces territoires, notamment l’économie agricole, mais pas seulement. Nous devons en particulier favoriser le développement d’une agriculture locale compétitive et respectueuse de l’environnement. C’est notamment pour cette raison que nous avons soutenu la mise en place des groupements d’intérêt économique et environnemental forestier.
Ce développement impose bien entendu que des mesures soient prises pour préserver les terres agricoles, qui garantissent la pérennité de leur exploitation face à l’urbanisation. Il s’agit certainement là du sujet le plus difficile à traiter.
Certains territoires périurbains sont soumis à des pressions foncières extrêmement fortes ; dans d’autres, la construction reste limitée. Tous requièrent des solutions d’aménagement adaptées.
C’est pourquoi nous entendons développer des outils d’urbanisme adaptés et simples pour les territoires ruraux.
Ainsi, la planification stratégique, avec, par exemple, les SCOT et les PLU intercommunaux, reste la réponse appropriée pour concilier préservation de l’environnement et développement de nos villes et de nos villages. Je le dis devant vous : les territoires ruraux requièrent la même qualité en matière d’urbanisme ; ils ne doivent pas être considérés comme relevant d’un urbanisme de seconde zone.
Ainsi, il faut dire et répéter que les terres agricoles et les espaces verts ne sont pas des réservoirs de foncier pour une urbanisation diffuse et incontrôlée. Nous voulons promouvoir un aménagement plus économe et plus sobre, qui préserve les équilibres.
Nous considérons aussi qu’une attention particulière doit être portée à la préservation des centres-bourgs et que les solidarités territoriales doivent être renforcées.
Voilà pourquoi nous avons conçu une nouvelle génération de documents d’urbanisme, correspondant à des stratégies de développement efficaces et partagées, mises en œuvre à l’échelon intercommunal ; je pense notamment au plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI.
Comme M. le rapporteur vient de le rappeler, la loi ALUR a renforcé les obligations des collectivités territoriales en vue de réduire la consommation d’espace. En particulier, elle prévoit la fixation d’objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers dans les documents d’urbanisme. Elle limite également la constructibilité des zones naturelles et agricoles et renforce le rôle des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF.
J’ai entendu exprimer le souhait que les avis de ces commissions soient rendus facultatifs. Il se trouve que je viens d’une famille politique pour laquelle ces avis ne vont pas encore suffisamment loin… Il y a donc un vrai débat entre nous sur la mission de ces structures !
Ces commissions regroupent l’ensemble des parties prenantes : les représentants des collectivités territoriales et du monde agricole, c’est-à-dire des chambres d’agriculture et des syndicats agricoles, mais aussi des propriétaires fonciers et forestiers et des opérateurs fonciers. Elles expriment donc la synthèse des intérêts des différents acteurs, dans un souci de préservation des espaces ruraux et agricoles. Surtout, elles renforcent la sécurité des autorisations d’urbanisme délivrées par le préfet. On est loin d’un pouvoir de tutelle !
Plus généralement, la « boîte à outils » des règles d’urbanisme a été rénovée et développée, en vue notamment de répondre aux besoins des territoires ruraux.
D’abord, le nouveau règlement du PLU, entré en vigueur le 1er janvier dernier, doit permettre de mieux adapter les règles aux enjeux de chaque territoire. Ainsi, certains assouplissements en matière d’inconstructibilité, s’agissant notamment des annexes et extensions, ont été instaurés pour les zones agricoles et les zones naturelles.
Ensuite, nous observons aujourd’hui que la dynamique dans le domaine de la construction et du logement repose aussi sur les territoires ruraux, ce qu’atteste le développement des PLUI. De fait, le nombre de communautés de communes qui se dotent d’un PLUI est élevé : sur les 568 EPCI actuellement compétents en matière de PLU, près de 90 % sont des communautés de communes, majoritairement situées en zone rurale. En outre, plus d’un tiers des 270 candidats à l’appel à projets « PLUI 2016 » se trouvaient en zones de revitalisation rurale.
En discutant avec certains élus de ces zones, j’ai constaté qu’ils choisissaient de s’engager dans la démarche du PLUI parce qu’elle représente une chance pour leur territoire. En effet, cet outil permet de renforcer les petites communes, qui, unies, ont plus de poids pour défendre leur projet de territoire, ainsi que la solidarité entre ces communes, notamment par la mutualisation de moyens d’ingénierie. Il offre également un cadre réglementaire à la lutte contre la consommation excessive des espaces naturels, agricoles et forestiers ; de ce fait, il contribue à la préservation et à l’amélioration de la qualité paysagère, et donc de l’attractivité des territoires ruraux
Au fond, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de ne pas confondre le développement des territoires ruraux, qui requiert une juste prise en compte des enjeux de territoire et des projets de qualité, et une politique permissive en matière d’urbanisme, qui conduirait notamment à une artificialisation et à une imperméabilisation croissantes des sols. C’est pourquoi je veux défendre certains principes qui ont été inscrits dans notre législation.
Il me semble que les règles d’instruction des permis en zones agricoles sont adaptées ; il faut veiller à leur stabilité et à leur pérennité après les récentes évolutions, parmi lesquelles l’instauration du principe fondateur d’inconstructibilité en zones naturelles et agricoles, à l’exception des bâtiments nécessaires à l’exploitation agricole.
Il convient de préserver également le caractère exceptionnel des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL, dont il a déjà été plusieurs fois débattu au Sénat à l’occasion de questions posées au Gouvernement : ils doivent être le support d’un développement réfléchi et maîtrisé des zones agricoles et naturelles.
L’encadrement strict des évolutions de documents d’urbanisme et l’application de procédures de révision exigeantes lorsqu’une zone agricole ou naturelle doit être réduite doivent aussi être défendus ; ces évolutions peuvent d’ailleurs être l’occasion de renforcer la participation des citoyens.
Le renforcement du rôle des CDPENAF est une autre avancée qui doit être sauvegardée.
Enfin, il convient de poursuivre dans la voie de la stabilité des mesures fiscales en matière d’urbanisme. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté en 2010 une réforme proposée par le gouvernement précédent et qui a recueilli un large consensus : elle a permis de simplifier le paysage des taxes et participations en matière d’urbanisme par l’instauration d’un outil principal simple et lisible, la taxe d’aménagement. Il me semble qu’il ne serait pas opportun de rompre la stabilité en revenant sur cette mesure adoptée il y a six ans.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous rappeler ma ligne de conduite : plutôt que d’engager une nouvelle modification législative, j’entends poursuivre et amplifier le travail d’accompagnement technique, juridique et financier des collectivités territoriales et renforcer leur ingénierie.
Cette orientation se matérialise notamment par l’attribution d’une nouvelle mission de « nouveau conseil aux territoires » aux services déconcentrés, assortie d’un repositionnement des agents. Une circulaire du Premier ministre est parue sur ce sujet le 10 mars dernier, déclinée par le biais d’une note technique ; concrètement, 400 emplois à temps plein seront affectés à la nouvelle mission et 600 formations seront réalisées.
Elle se concrétise également par la mise en réseau des acteurs pour le partage et le retour d’expérience. Je pense en particulier au « club PLUI », animé par les agents du ministère du logement et qui fédère plus de 500 collectivités territoriales pour les accompagner dans l’élaboration de leurs documents d’urbanisme, ainsi qu’au séminaire sur le « SCOT des ruralités ».
Elle se traduit encore par le soutien financier ou en ingénierie de l’État, à travers des appels à projets, par exemple sur le PLUI et les SCOT ruraux, et les ateliers des territoires, plus particulièrement consacrés, cette année, aux territoires de montagne.
L’accent est mis sur la formation et l’information sur les nouveaux outils. Ainsi, vingt-quatre agents de mon ministère sont aujourd’hui formateurs sur le règlement du PLU : ils se déplaceront dans les territoires, en particulier ruraux, pour faire connaître les potentialités des nouveaux outils.
En outre, la présence des établissements publics fonciers, qu’ils soient locaux ou d’État, est étendue en vue d’aider l’ensemble des territoires non seulement à construire des logements, mais aussi à procéder à des restructurations foncières au service de l’activité économique.
Enfin, l’État prête une attention particulière aux difficultés des communes rurales. Sa présence se renforce, notamment en matière de formation, et il se tient à l’écoute des élus locaux. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, des élus de la région Bretagne m’ont sollicitée au sujet des « dents creuses » et de la définition des hameaux. Plusieurs rendez-vous sont prévus au mois de juin pour affiner la doctrine, comprendre les incertitudes et les incompréhensions mutuelles qui peuvent exister et donner aux communes rurales une plus grande stabilité.
Pour conclure, je tiens à rappeler quelques éléments essentiels.
D’abord, je suis, en tant que ministre du logement, au côté de l’ensemble des élus locaux désireux de faire plus et mieux pour le logement afin de répondre aux besoins de leur population.
Ensuite, ce gouvernement n’oppose pas les urbains aux ruraux. Il souhaite s’appuyer sur les spécificités des territoires pour les rendre plus attractifs. D’ailleurs, les chiffres de la construction, y compris ceux qui ont été publiés hier, témoignent d’une réelle attractivité des territoires ruraux et d’une certaine dynamique.
Enfin, je suis à l’écoute des territoires en déprise et qui font face à de graves difficultés, liées à des vacances de logements ou à un marché complètement affaibli ; il faut que nous trouvions des solutions nouvelles pour les soutenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes proches des territoires et, bien souvent, vous êtes vous-mêmes des élus locaux. De son côté, le Gouvernement poursuivra son travail d’accompagnement des collectivités territoriales volontaires, pour que toutes soient en mesure de maîtriser leur urbanisation tout en répondant aux besoins de leurs habitants en matière de logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi d’une dizaine d’articles, opportunément soumise à notre examen pendant le congrès des maires – qui, je le constate, nous prive de la présence d’un certain nombre de nos collègues… –, se présente comme un moyen d’ouvrir de nouvelles possibilités de construction dans les zones naturelles et agricoles afin, selon ses auteurs, de rétablir l’attractivité des zones rurales et de « promouvoir un aménagement du territoire rationalisé et équilibré ».
Nous ne pouvons que partager ces objectifs, mais force est de constater que les mesures contenues dans la proposition seraient bien pires que le mal, comme je vais m’employer à le démontrer.
Se fondant sur des données partielles, portant sur une poignée de territoires, les défenseurs de la proposition de loi considèrent que l’artificialisation des sols ne serait pas préoccupante en zones rurales, et qu’elle toucherait davantage les pôles urbains. Partant de cette idée, ils proposent d’ouvrir de manière débridée les vannes à la construction, en passant par pertes et profits les outils existants et les dispositifs d’encadrement destinés à garantir la cohérence de l’aménagement du territoire, l’attractivité des territoires ruraux, la préservation des paysages et du foncier agricole, la continuité urbaine pour un meilleur accès aux équipements.
Ce raisonnement est spécieux : parce que l’artificialisation des sols toucherait davantage les zones périurbaines, la préservation des paysages et du foncier agricole ne serait plus importante ?
D’ailleurs, si l’on se penche sur les statistiques les plus récentes de l’administration portant sur les surfaces des sols artificialisés, on constate que la consommation d’espace s’opère en réalité à plus de 50 % aux dépens des terres agricoles et des milieux semi-naturels. De fait, si l’extension urbaine se produit globalement autour des villes, c’est bien dans le monde rural que la surface imperméabilisée par habitant est la plus forte.
Le rythme actuel de consommation de terres agricoles est de 50 000 hectares par an. S’il se maintient, la France aura perdu 8 % de son potentiel agricole d’ici à 2050, après en avoir déjà perdu 15 % au cours des cinquante dernières années. Voilà ce qui doit nous préoccuper, mes chers collègues ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Duran. N’oublions pas non plus que certaines zones donnent lieu à une spéculation foncière. Le potentiel agricole y a été largement grevé par une artificialisation non maîtrisée, et les paysages et l’attrait touristique qu’ils représentent irrémédiablement endommagés par des constructions à usage privé.
Le postulat sur lequel se fonde la proposition de loi est en réalité assez court : les dispositions existantes sont considérées, en bloc, comme des contraintes, en particulier le PLU, et il convient donc d’opérer un retour unilatéral en arrière en les supprimant une à une.
Plus précisément, les auteurs de la proposition de loi entendent ajouter, parmi les principes fondamentaux du droit de l’urbanisme, le droit au développement rural. Cette initiative est superfétatoire, puisque ce droit est déjà bel et bien intégré au droit de l’urbanisme !
Ils entendent aussi autoriser des constructions et installations « participant à l’équilibre économique de l’exploitation agricole ». Il est bien entendu louable de se soucier de l’équilibre économique du monde agricole. Je tiens cependant à rappeler que les constructions nécessaires aux activités exercées dans le prolongement de l’activité agricole, comme la vente de produits à la ferme, ou ayant pour support l’exploitation, comme les gîtes ruraux, l’agrotourisme et les hébergements touristiques, sont déjà possibles, et ce quel que soit le document d’urbanisme ! (M. Jacques Genest le conteste.)
J’observe, au demeurant, que M. le rapporteur a tenu à récrire l’article 2 de la proposition de loi pour en restreindre la portée ; il faut dire que la rédaction initiale de cet article, très floue, pouvait donner lieu à interprétations.
Les auteurs de la proposition de loi proposent également de supprimer l’avis conforme de la CDPENAF pour y substituer un avis simple. Ce refus de concertation est étonnant, car cette commission contribue à l’acceptation locale des projets. Chacun sait bien que les passages en force tendent à engendrer une multiplication des recours, et donc à ralentir la réalisation des projets !
Quant à la modification particulièrement extensive que l’on nous propose d’apporter au critère de continuité urbaine, elle ouvrirait la voie à une très forte accélération du mitage du foncier agricole. Pour cette raison, les représentants du monde agricole et des SAFER que nous avons auditionnés s’y sont déclarés très fortement opposés : ils ont souligné à juste titre que l’enjeu actuel n’est pas l’extension non maîtrisée des communes, mais la revitalisation des centres-bourgs et l’occupation du bâti existant, dont une part trop importante est laissée vacante. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est précisément pourquoi les prêts à taux zéro ont été étendus aux logements anciens le 1er janvier dernier. Depuis lors, près de la moitié de ces prêts ont été accordés en zone C, ce qui démontre leur pertinence pour la ruralité, où les besoins en matière de rénovation sont importants.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Alain Duran. En définitive, la proposition de loi tend surtout à permettre une large extension des nouvelles constructions, annexes et dépendances en zones naturelles et agricoles en dehors de tout document d’urbanisme. Mes chers collègues, emprunter cette voie reviendrait à désinciter les communes à se doter d’un PLU et à favoriser un nivellement par le bas dans des zones où, avec ou sans document d’urbanisme, les possibilités de construction seraient les mêmes.
Il est paradoxal de prétendre renforcer l’attractivité des zones rurales tout en renonçant totalement à la planification ! L’enjeu est d’installer la ruralité dans la modernité. Pour ce faire, les maires ont à leur disposition un riche panel d’outils leur permettant d’organiser l’aménagement de leur territoire.
Il ne s’agit pas de pousser toutes les communes à établir un PLU : une commune qui n’a pas de projet de développement peut tout à fait continuer à relever du RNU. Reste que la construction d’un projet de territoire et une gestion plus économe des espaces à ouvrir à l’urbanisation se concrétisent de manière stratégique et opérationnelle dans un SCOT ou un PLU.
Or on constate justement que le taux de couverture des SCOT et la proportion de communes qui ont élaboré un PLU, voire se sont inscrites dans la démarche du PLUI pour travailler à l’échelle des bassins de vie, progressent d’année en année. Revenir à un système dans lequel RNU et PLU donneraient les mêmes droits équivaudrait à tirer un trait sur le travail et l’investissement consentis pendant de nombreuses années par tant d’élus qui ont œuvré à la mise en place d’un document d’urbanisme !
Maire d’une petite commune de montagne, je l’ai dotée dès le début de mon mandat, en 1987, d’un document d’urbanisme. Il nous a permis de maintenir notre activité, nos agriculteurs, notre école : nous étions 160 en 1987 ; nous sommes aujourd’hui 260 ! Nous transformons aujourd’hui en PLU ce document, qui a tenu pendant trente ans.
Il ne s’agit pas de prétendre qu’aucune question ne se pose et qu’il est impossible d’améliorer le droit et les dispositifs existants ; mais je pense que les élus locaux ont surtout besoin, notamment dans la ruralité, d’un meilleur accompagnement par les services déconcentrés de l’État, en particulier sur le plan de l’ingénierie, lorsqu’il s’agit de mettre au point des documents d’urbanisme assez complexes.
Mes chers collègues, l’arsenal législatif et réglementaire actuel tend à préserver un équilibre fragile. Nous devons surtout veiller à la stabilité des règles, nous emparer des outils existants, les évaluer, quitte à les ajuster ; nous n’avons certainement pas besoin de bouleverser un édifice très fragile !
On ne peut que souscrire aux tentatives d’allégement des contraintes procédurales en matière d’urbanisme, mais si et seulement si les principes fondamentaux de protection des espaces et de l’activité agricoles sont respectés. On l’aura compris, le groupe socialiste et républicain ne souscrit pas à la démarche qui nous est présentée et votera sans hésitation contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, relancer la construction en milieu rural : voilà une première intention louable, tant les territoires ruraux peinent à se développer et tant la fracture se creuse entre territoires urbains, ou sous influence urbaine directe, et territoires ruraux et hyper-ruraux, dont notre collègue de la Lozère, Alain Bertrand, est l’infatigable avocat.
M. Jean-Claude Requier. On lui transmettra ! (Sourires.)
M. Joël Labbé. Un autre objectif louable de cette proposition de loi est de conforter l’activité agricole familiale en facilitant le développement d’activités annexes permettant aux agriculteurs d’améliorer leurs revenus : agrotourisme, gîtes, chambres d’hôte, locaux pour la vente directe des produits de la ferme.
Quant à l’objectif d’introduire le développement rural parmi les principes fondamentaux du droit de l’urbanisme, il est tout simplement incontournable.
Nous qui voulons défendre la ruralité et soutenir l’agriculture familiale, nous souscrivons à tout cela. Seulement, les textes en vigueur, mieux stabilisés, permettent déjà d’atteindre ces objectifs. Ce matin, en commission des affaires économiques, il était paradoxal de nous entendre dire : mesdames, messieurs les parlementaires, cessez de légiférer, on a besoin de stabilité !
Avant d’aborder la proposition de loi proprement dite, il me paraît nécessaire de rappeler certaines données fondamentales.
Les dernières lois relatives à l’urbanisme sont fondées sur un postulat incontestable et aujourd’hui, je le pense, incontesté : la nécessité de limiter l’étalement urbain et de mettre en œuvre une gestion économe de l’espace, en vue, avant tout, de préserver les terres agricoles et les espaces naturels. Où qu’elle soit située, en milieu urbain, périurbain, rural ou hyper-rural, la terre, la terre bien vivante, la terre nourricière, est un bien commun des plus précieux, qu’il nous faut préserver.
D’ailleurs, avant de construire de nouveaux logements en milieu rural, a-t-on pris le temps d’évaluer la demande, ainsi que l’offre de logements existants susceptibles d’être réhabilités ? Il faut d’abord développer l’activité économique et des services publics, faciliter l’installation des jeunes puis rouvrir des classes dans les écoles, favoriser l’installation de petits commerces en centres-bourgs plutôt que de mener des projets d’aménagement en périphérie des villes. Il faut également faire face aux enjeux de notre temps : en développant les réseaux de communication, on permet l’implantation de nouvelles entreprises ou de pépinières, et on favorise le développement du télétravail.
Quant à l’activité agricole, qui reste le cœur de l’activité économique en territoire rural, elle peut et doit retrouver un potentiel de développement important grâce à des mesures visant à la reterritorialisation de l’alimentation. À cet égard, mes chers collègues, il est vraiment dommage que la majorité de notre assemblée ait vidé de sa substance la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation. Emplois de proximité, activité économique de proximité, productions de qualité, préservation des équilibres environnementaux, rémunération décente des producteurs : tout ce qu’il faut pour répondre aux besoins de développement rural figurait dans ce texte…
Nous avons débattu de la construction en milieu rural lors de l’élaboration de la loi ALUR, qui a déjà assoupli les possibilités de changement de destination dans les zones agricoles et introduit une possibilité limitée d’extension des bâtiments. Nous en avons débattu aussi lors de la discussion de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a permis des assouplissements complémentaires.
Aujourd’hui, madame la ministre, on peut envisager d’autres réponses innovantes : par exemple, en cas de besoin justifié d’extension mesurée de l’urbanisation, moderniser la mise en œuvre des possibilités de transfert des droits à construction, ce qui permettrait une urbanisation à la fois maîtrisée et planifiée et une protection renforcée des espaces agricoles et naturels, en même temps qu’un partage équitable des plus-values.
Le rapport d’information de Mme Renée Nicoux et de M. Gérard Bailly, intitulé L’Avenir des campagnes, déposé le 22 janvier 2013 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, soulignait justement la dégradation du parc résidentiel et locatif en milieu rural. Il préconisait prioritairement de systématiser, aux échelons pertinents, l’élaboration et la conduite de politiques foncières coordonnées et de favoriser l’achat et la rénovation de logements anciens dans les villages et les centres-bourgs.
La proposition de loi dont nous débattons va très exactement à l’inverse de cette orientation ; les sénateurs écologistes ne pourront donc pas la voter. Je regrette cette situation, car j’ai vraiment la volonté d’arriver à un consensus sur ces questions.
M. Mathieu Darnaud. On en est loin !
M. Joël Labbé. Dans ce domaine, mes chers collègues, je suis convaincu que nous évoluerons ensemble, dans l’intérêt de nos territoires, ruraux comme urbains, et de leur population ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’urbanisme est une perpétuelle conciliation entre plusieurs intérêts légitimes, qui peuvent être à la fois antagonistes et complémentaires.
L’affectation des sols doit répondre à une logique d’aménagement du territoire. De ce point de vue, il est essentiel de procéder à un rééquilibrage, alors que la métropolisation pénalise les territoires ruraux et éloigne encore davantage la ruralité des centres de décision, des équipements et des services.
Les services publics, les infrastructures, l’agriculture, la sylviculture, le tourisme, mais aussi une offre de logements suffisante et un environnement protégé : autant d’enjeux essentiels pour notre développement économique, autant de facteurs qui participent à l’attractivité des communes rurales et de montagne.
La principale finalité de l’urbanisme demeure le maintien de lieux de vie, quel que soit le territoire concerné ; cet objectif d’intérêt général justifie des atteintes proportionnées au droit de propriété.
Mes chers collègues, nous souscrivons à la volonté des gouvernements successifs de préserver le foncier et de limiter l’étalement urbain, deux objectifs qui sous-tendent les dernières lois ayant modifié les règles d’urbanisme : la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, et la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ou loi Macron.
Toutefois, nous connaissons les difficultés persistantes auxquelles sont confrontés les élus locaux pour construire en milieu rural, où l’habitat est dispersé ; ces difficultés contribuent à la désertification de nos territoires. Bien que le principe de non-constructibilité, strictement appliqué dans certaines zones, ne constitue pas la seule entrave à leur développement, il me semble utile de simplifier les règles d’urbanisme, sans pour autant provoquer un mitage de l’espace rural par le morcellement du foncier.
Ainsi, il convient d’atteindre un juste équilibre entre la simplification des règles et la préservation de la diversité de nos paysages et des cadres de vie. Faisons preuve de vigilance, sans quoi nous pourrions aboutir à une réduction des surfaces agricoles, ce qui irait à l’encontre de l’objectif.
Il s’agit non pas de laisser faire, mais de permettre aux collectivités territoriales d’exercer leur liberté et leurs responsabilités en matière d’urbanisme.
Certes, les dernières évolutions législatives ont assoupli les contraintes pesant sur l’extension des bâtiments et la construction d’annexes, tout en répondant à l’objectif de modération de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Comme M. le rapporteur le reconnaît, rien aujourd’hui n’empêche de construire des locaux de commercialisation des produits issus de l’exploitation. L’agriculteur peut également étendre son exploitation, à condition que cette opération soit nécessaire à celle-ci ; cette exigence étant appréciée par la jurisprudence de manière stricte, il peut être utile de clarifier la loi sur ce point.
La diversification des activités des exploitations agricoles vers la vente des produits de la ferme ou l’offre d’hébergement améliore leur viabilité, ce qui est bienvenu au regard des difficultés financières d’un certain nombre d’entre elles.
Alors qu’il était presque impossible pour les agriculteurs de construire des bâtiments d’habitation dans leur propre exploitation en dehors des parties urbanisées pour les communes soumises au RNU et en zone naturelle et forestière ou en zone agricole pour les communes dotées d’un PLU, le droit en vigueur permet désormais la construction d’extensions et d’annexes aux bâtiments d’habitation.
En ce qui concerne plus précisément les constructions dans les zones agricoles, naturelles et forestières, le changement de destination des bâtiments existants et la construction d’extensions et d’annexes des bâtiments à usage d’habitation ont été rendus possibles par les lois ALUR et Macron.
En outre, la loi ALUR prévoit que le règlement du PLU peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones agricoles, naturelles et forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, ou STECAL, qui dérogent au principe de non-constructibilité selon les caractéristiques du territoire ou le projet en cause. De fait, le « pastillage » sur des parcelles non constructibles a mené à des dérives dans un certain nombre de communes.
La présente proposition de loi vise à faciliter la construction des extensions et des annexes des bâtiments autres que les bâtiments d’habitation, en supprimant notamment les règles de hauteur, d’emprise et de densité.
Faut-il encore réduire le carcan administratif ? Certainement. Reste que certaines règles d’urbanisme se justifient par les contournements qui, nous le savons, ont pu se produire par le passé.
Mes chers collègues, la proposition de loi soulève une vraie question et nous souscrivons à l’évidence à ses objectifs, même si nous avons des doutes sur la réalité de ses effets sur la politique de logement : ce n’est pas en construisant des piscines et des abris de jardin que l’on réglera les problèmes !
Mme Françoise Laborde. C’est certain !
M. Jean-Claude Requier. Il y a avant tout un patrimoine exceptionnel, quoique vétuste, qui mérite d’être réhabilité.
Par ailleurs, ce n’est pas uniquement en facilitant la constructibilité des espaces que l’on rend un territoire attractif. Sans politique d’aménagement du territoire garantissant l’égal accès de tous aux services publics tels que l’éducation, la santé, les transports ou le numérique, le déclin démographique de nos territoires ruraux sera inéluctable.
La plupart des membres du RDSE ne soutiendront pas la présente proposition de loi. Pour ma part, je la voterai, car j’estime qu’elle constitue, pour le monde rural, une déclaration d’intentions qui va dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans cette proposition de loi, il est avant tout question de ruralité, de densité, de démographie. Je commencerai mon intervention par une remarque concernant mon département, l’Aveyron, et qui me semble particulièrement bien illustrer le sujet qui nous occupe : aujourd’hui, il y a plus d’Aveyronnais à Paris qu’en Aveyron. C’est d’ailleurs à cause de cet état de fait que chacun d’entre vous connaît, je n’en doute pas, une brasserie ou un restaurant aveyronnais…
M. Jean-Claude Requier. Les fameux cafés-restaurants aveyronnais !
M. Jean-Claude Luche. Il faut se féliciter de cette situation, car cela permet de faire connaître au-delà des frontières du département les traditions et les talents aveyronnais.
Cependant, cela implique aussi, pour l’Aveyron, un risque permanent de déficit démographique, qui l’expose à une désertion de l’activité économique et des services publics. Prenons un simple exemple : d’ici à trois ans, il y aura 630 enfants de moins scolarisés en primaire dans le département de l’Aveyron. Si l’on retient le chiffre de trente enfants par classe, ce sont donc plus de vingt postes qui seront supprimés, et autant d’actifs qui risquent de quitter le département.
Voilà la situation et l’enjeu auxquels doivent faire face des départements ruraux comme le mien aujourd’hui ! Cette situation est d’autant plus préoccupante que, parallèlement, dans les zones urbaines, la concentration de l’habitat entraîne des difficultés tant économiques que sociales, avec des phénomènes de paupérisation.
Dans ce contexte, nous n’avons pas d’autres choix que de nous lancer avec toutes nos forces et toute notre énergie dans la reconquête démographique. Cette reconquête passe par le développement de l’attractivité, qui seul permettra d’amorcer une hausse du nombre d’habitants dans nos territoires et de combler le déficit démographique qu’ils connaissent ou risquent de connaître.
Pour ne parler que de mon département et montrer combien cette attractivité est primordiale, il faut savoir que, sans l’apport migratoire, l’Aveyron perdrait des habitants au lieu d’en gagner. En effet, nous enregistrons actuellement davantage de décès que de naissances. Ce constat ne vaut pas que pour mon seul département.
Alors, comment faire pour engager cette reconquête démographique ? Les solutions sont multiples.
La bataille se mène bien sûr dans les territoires, au plus près des enjeux ruraux. J’y œuvre dans mon département, comme l’ensemble de mes collègues élus ruraux, dont je veux saluer le travail et l’engagement sans faille. Elle se mène également à l’échelon national, grâce à des dispositifs comme les contrats territoriaux de développement rural, que nous avons adoptés en première lecture au Sénat au mois d’octobre dernier.
Aujourd’hui, le combat doit passer par la construction. En effet, au risque de vous décevoir, madame la ministre, la réhabilitation des centres-bourgs ne suffit pas : les résultats sont là !
Le présent texte va dans le bon sens en permettant d’amorcer une relance de la construction qui créera les conditions nécessaires à la naissance d’une réelle dynamique territoriale dans les zones rurales.
Nombreux sont les urbains qui souhaitent venir ou revenir s’installer dans nos départements ruraux. La qualité de vie qu’offrent ces territoires attire notamment les jeunes parents. Néanmoins, le désir d’une meilleure qualité de vie, l’attrait de la beauté des paysages et du calme des grandes étendues ne suffisent pas à emporter la décision de s’installer ; bien souvent, c’est l’offre qui crée la demande.
En tant que président du conseil départemental, j’ai fixé l’objectif de porter à 300 000 habitants la population de l’Aveyron. Je le constate au quotidien : tous les territoires du département ne sont pas concernés de la même manière par la reprise démographique.
De quoi les actifs ont-ils besoin pour « sauter le pas » et venir s’installer dans nos départements ruraux ? Ils ont tout d’abord besoin d’un toit. Ensuite, ils sont à la recherche de services publics et d’activités culturelles qui ne peuvent se développer que si, préalablement, la construction est dynamique.
Or, dans les communes rurales, la construction se heurte trop fréquemment à des freins juridiques, les règles n’ayant pas été pensées en fonction de leurs spécificités et de leurs contraintes propres. Par ailleurs, l’interprétation souvent stricte des règles d’autorisation de construction par les directions territoriales de l’État, notamment par vos services, madame la ministre, nous empêche de mettre en application un certain nombre de directives.
Il s’agit non pas de revenir sur les grands objectifs qui ont guidé depuis plusieurs années l’élaboration des textes relatifs à l’urbanisme, comme le respect de l’environnement et des paysages ou la modération de l’élargissement de l’urbanisation, mais de lever des contraintes qui pèsent sur les communes rurales, brisant les initiatives et menaçant l’attractivité de celles-ci, sans que leur raison d’être et leur efficacité soient démontrées.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une ruralité réinventée, moderne, dynamique, attractive. Cela n’est en rien contradictoire avec le respect de son territoire et la préservation de ses paysages. Comment mieux les mettre en valeur, en effet, qu’au sein d’une ruralité vivante et rayonnante ? Ils ont tout à perdre, a contrario, si la ruralité se désertifie et se meurt.
Au fond, qu’est-ce qu’un paysage ? C’est une étendue, une vue, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité. Il peut également représenter un témoin historique ou un vecteur culturel. En cela, le bâti y a toute sa place. Je pense notamment à mon département, qui se distingue par la diversité de sa géologie et de sa géographie : plateaux rocheux et plateaux calcaires, gorges et vallées, monts et montagnes.
Il est passionnant d’observer comment la construction s’est adaptée à chaque territoire, à chacune de ses particularités, et à l’usage agricole propre à chaque endroit. De ce fait, aujourd’hui, il n’existe pas de style aveyronnais homogène à l’échelle du département, mais on trouve un style caussenard sur les plateaux des Grands Causses, un style lévézou, un style ségala, dans les collines et les monts.
Il ne faut pas avoir peur de faire vivre la ruralité. Quand la loi ALUR vient assouplir les possibilités de changement de destination dans les zones agricoles des PLU ou ouvrir une possibilité limitée d’extension de bâtiments, elle va dans le bon sens, sans pour autant dénaturer nos communes rurales. Depuis toujours, les agriculteurs transforment et élargissent leurs biens au fur et à mesure qu’évoluent leurs besoins. C’est le propre de la ruralité, et les ruraux l’ont toujours bien compris. Transformer le patrimoine, l’aider à se reconvertir, c’est l’entretenir.
Le conseil départemental de l’Aveyron et son conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, CAUE, ont ainsi participé à une réflexion sur la reconversion de zones rurales en zones d’habitation ou en zones touristiques.
Aujourd’hui, nous avons tout à gagner à travailler à une répartition plus juste du territoire et à donner la possibilité et l’envie de venir s’installer dans les zones rurales, en les rendant beaucoup plus attractives.
C’est bien d’un enjeu de survie qu’il s’agit aujourd’hui pour les départements ruraux, ne l’oublions pas ! Le groupe UDI-UC votera cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par les sénateurs du groupe Les Républicains se fonde sur l’idée qu’il y aurait trop de normes, notamment dans les domaines de l’urbanisme et du logement, et que celles-ci constitueraient des obstacles à la volonté des élus. Ce sont bien sûr les lois SRU, littoral et ALUR qui sont visées.
Pourtant, ce qui fait obstacle à l’action publique, à nos yeux, ce n’est pas l’excès des normes, bien souvent utiles au regard de l’intérêt général, mais la pénurie de ressources liée à la baisse des dotations, en particulier, et aux politiques d’austérité. C’est d’ailleurs l’un des appels lancés par les maires de tous les horizons politiques : cessez la saignée des collectivités !
En ce qui concerne la volonté de reconnaissance de la spécificité des communes rurales qui sous-tend cette proposition de loi, nous ne pouvons que partager le constat des difficultés que rencontrent ces territoires, difficultés qui excèdent largement la thématique de la possibilité de construire des logements individuels sur les terres agricoles.
L’objet de ce texte est clair : il s’agit de faciliter le développement de lotissements en zone rurale. Or nous ne pensons pas que l’avenir et le dynamisme du monde rural passent par la création de davantage de lotissements, grands consommateurs de terres agricoles ou naturelles. D’ailleurs, M. le rapporteur a fait adopter plusieurs amendements tendant à revenir sur les aspects les plus libéraux d’une proposition de loi qui ouvre la voie à une urbanisation pas suffisamment maîtrisée. Ainsi, la référence aux dépendances, pas définie juridiquement, a été supprimée, et le caractère de « proximité » des annexes a été affirmé.
Au fond, deux problématiques sous-tendent cette proposition de loi.
La première est celle des difficultés du monde agricole et des agriculteurs. Si nous partageons l’inquiétude exprimée, nous ne pensons pas, pour autant, que la réponse réside dans la facilitation de l’urbanisation des terres : elle tient avant tout à une meilleure répartition de la plus-value entre producteurs et distributeurs, qui devrait assurer des prix rémunérateurs pour les agriculteurs.
La seconde problématique est celle de la ruralité. Nous estimons que celle-ci mérite mieux que cette proposition de loi, mieux que le droit au développement rural affirmé à l’article 1er. En effet, la notion de « ruralité » figure d’ores et déjà dans le code de l’urbanisme. Il y est d’ailleurs aussi fait référence à la revitalisation des centres ruraux, tout comme au nécessaire équilibre entre population urbaine et population rurale.
De fait, l’application des dispositions du présent texte pourrait entraîner la remise en cause du principe d’une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, milieux et paysages naturels. Nous ne pouvons souscrire à une telle orientation, sachant que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans du fait de l’urbanisation non maîtrisée. Tous les syndicats agricoles nous ont maintes fois alertés, oralement et par écrit, sur ce sujet.
Dans le même esprit, nous ne pouvons approuver la proposition de supprimer l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Pour notre part, nous pensons que la problématique du logement en zone rurale recouvre deux questions fondamentales et prioritaires : celle de la revitalisation des centres-bourgs et celle de la constructibilité des « dents creuses », fondamentalement différente des enjeux qui sous-tendent ce texte. Le Morbihan est en première ligne sur le sujet.
Permettre la construction dans les « dents creuses », c’est non pas ouvrir de nouvelles terres à l’urbanisation, mais densifier les centres-bourgs ou les hameaux. La vision défendue reste celle d’un aménagement équilibré et d’une utilisation économe de l’espace, prenant en compte les besoins en matière de logements et de diversification des activités.
Un très grand nombre de conseils municipaux du Morbihan ont adopté des vœux, pour demander que la loi ALUR soit modifiée en ce sens. Je citerai le maire d’une commune très rurale de 1 000 habitants, située à plus de vingt kilomètres de la ville la plus proche.
M. Mathieu Darnaud. Vous appelez ça une commune très rurale ?
M. Michel Le Scouarnec. Oui, pour nous, une commune de 1 000 habitants est bien une commune rurale ! Quoi qu’il en soit, écoutez ce maire :
« Il est nécessaire d’œuvrer pour la préservation des terres agricoles, la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, objectif des lois précitées. Mais l’impossibilité d’urbaniser dans les dents creuses des hameaux remet en cause les opportunités de développer nos communes rurales, déjà peu dynamiques démographiquement. En densifiant les hameaux, on peut espérer attirer des jeunes couples, soit pour bâtir, soit pour rénover de vieilles maisons, plutôt que de les concentrer dans des lotissements géants, grands consommateurs de terres agricoles.
« Certes, il faut recentrer l’urbanisation autour de centres-bourgs disposant d’un minimum de services, mais il faut aussi tenir compte de notre habitat dispersé. Pour nos territoires ruraux, c’est une question vitale, la seule possibilité de redonner du dynamisme. »
Or la présente proposition de loi ne traite d’aucun de ces sujets. Nous affirmons qu’il est urgent de revoir les dotations, ainsi que les crédits de l’ANAH en faveur de la réhabilitation des centres-bourgs.
Plus largement, la ruralité n’est envisagée dans le texte qu’au travers d’un déficit de logements qui n’est pourtant pas toujours une réalité dans les zones rurales. On y trouve aussi, en effet, des maires bâtisseurs qui ont du mal à remplir les logements construits. C’est une problématique à prendre en compte, de même que celles de l’emploi, des équipements publics, au premier rang desquels l’école, des commerces de proximité et demain, sans doute, de la fracture numérique…
Agir pour la ruralité et le nécessaire accueil de nouvelles populations, ce n’est pas s’asseoir sur les règles d’urbanisme ; c’est mettre en œuvre des politiques publiques qui permettent l’égalité des territoires. Dans cette perspective, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient soumis à la Haute Assemblée une proposition de loi tendant à rééquilibrer la répartition de la dotation globale de fonctionnement en faveur du monde rural. Hélas, elle n’a pas pu atteindre la ligne d’arrivée… (Mme la ministre rit.)
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous accordons sur les constats dressés par l’auteur de la proposition de loi. Nous savons tous que le monde rural est aujourd’hui en difficulté et connaît des problèmes de démographie et d’attractivité. Je m’étonne d’entendre proposer des solutions divergentes, voire complètement opposées. Ne pourrions-nous pas simplement considérer que le monde rural a besoin d’une forte mobilisation des élus ? J’ai même eu la surprise d’entendre certains collègues tenir des propos ne reflétant pas la réalité du territoire rural qu’ils représentent.
Je suis de ceux qui pensent que les territoires ruraux participent à l’équilibre même de notre pays. Il n’y a pas, d’un côté, des populations qui se concentrent dans des villes plus ou moins grandes, et, de l’autre, de grands oubliés de la République qui seraient dispersés sur un territoire rural mal identifié. En réalité, tous les territoires contribuent à l’équilibre de notre société.
J’entendais à l’instant l’un de nos collègues dire que les Aveyronnais étaient plus nombreux dans la capitale que dans leur département d’origine. Dans l’Orne, certaines communes comptent davantage de Franciliens que d’autochtones !
Il importe de ne pas opposer les territoires, de ne pas chercher à élaborer des solutions qui ne correspondent pas aux exigences de l’époque.
Madame la ministre, les communes rurales ne sont pas seules à participer à l’artificialisation des sols.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Si des terres ont aujourd’hui perdu leur vocation agricole, cela est certes d’abord dû à l’urbanisation, mais aussi à l’emprise de grandes infrastructures. Je ne dis pas cela pour contester l’utilité de cette réalisation, mais a-t-on calculé combien de terres agricoles a consommé la construction de la ligne de train à grande vitesse qui permettra de relier Paris à Bordeaux en deux heures ? Dans le même ordre d’idées, malgré des oppositions marquées au sein du Gouvernement, on construit encore quelques autoroutes dans ce pays, tout comme d’autres types d’infrastructures.
Par ailleurs, les territoires ruraux sont souvent gérés par des personnes qui appartiennent au monde agricole. Je n’ai jamais vu d’élus de petites communes vouloir dilapider ces ressources naturelles que sont les terres destinées à l’agriculture. Ces élus sont au contraire très attachés à ce que l’économie agricole, d’une importance primordiale pour la vie des territoires, puisse prospérer.
Je voudrais féliciter l’auteur de la proposition de loi, Jacques Genest, ainsi que le rapporteur, qui a produit un excellent travail devant la commission, où les débats ont été particulièrement nourris, souvent animés. Cela montre que le sujet intéresse l’ensemble des sénateurs.
Dans quelle situation nous trouvons-nous aujourd’hui ? Il est plus difficile de construire en milieu rural qu’ailleurs : c’est une évidence que personne ne peut contester. Les règles qui s’appliquent en zones rurales vont au-delà des lois votées par le Parlement, et parfois même des décrets signés par un ministre. Il y a ensuite des interprétations, qui s’appuient le cas échéant sur des circulaires. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer ce fait à cette tribune voilà peu ; je n’y insisterai pas davantage.
En tout état de cause, obtenir un permis de construire pour édifier une maison dans une commune rurale relève aujourd’hui d’un véritable parcours du combattant. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Des solutions existent. Au contraire de la majorité des membres de mon groupe, je m’étais personnellement déclaré favorable aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, estimant que la maîtrise d’un territoire par les élus passe certainement par l’élaboration d’un tel document.
Cela étant, le débat s’est déplacé, les élus n’étant pas seuls pour élaborer un PLU : ils sont confrontés à une administration particulièrement exigeante, qui détermine ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Je sais bien qu’il y a des règles à respecter et que vous avez mis en œuvre, madame la ministre, des moyens pour que les élus qui élaborent un PLUI puissent bénéficier de conseils, et ainsi disposer d’un certain recul et d’une grille de lecture, mais laissons-les aussi prendre leurs dispositions !
Je le rappelle : une fois qu’il est élaboré, un plan local d’urbanisme est signé par le président de la communauté de communes, lorsqu’il est intercommunal, ou par le maire, lorsqu’il est communal. Si les services de l’État veulent contester ce document, ils peuvent saisir le tribunal administratif. Le contrôle intervient a posteriori, et non a priori.
Madame la ministre, j’ai entendu dire que le projet de loi « égalité et citoyenneté », qui sera prochainement soumis au Sénat, contiendrait des propositions de nature à lever le blocage que semble constituer, pour certains, l’article 2 du présent texte. Décidément, les articles 2 sont frappés d’une sorte de malédiction ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il va falloir envisager de passer directement de l’article 1er à l’article 3… (Rires.)
Je vous invite, mes chers collègues, à dépasser vos préventions, les clivages dans lesquels vous vous êtes installés,…
M. Daniel Raoul. De quoi est-il question ?
M. Jean-Claude Lenoir. … et à prendre en compte la demande du monde rural : le monde rural veut vivre, et, pour cela, il a besoin de pouvoir construire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi pose la question essentielle de la relance de la construction en milieu rural, mais ses auteurs préconisent, dans cette perspective, de revenir sur le principe de protection des zones naturelles et agricoles en ouvrant des possibilités de construction quel que soit le document d’urbanisme couvrant le territoire concerné.
Par ailleurs, le texte fait fi des mesures déjà mises en œuvre par le Gouvernement, des résultats enregistrés depuis plusieurs mois, et même de la conjoncture. Il ne tient en outre aucun compte des réalités territoriales contrastées que connaît le monde rural.
Monsieur Lenoir, je vous ai bien écouté. Vous en conviendrez avec moi : le contexte rural est très différent d’un département à l’autre. Ainsi, le département du Nord, dont je salue les élus présents dans notre tribune, est le plus peuplé de France, mais il est resté très agricole, puisque 62 % de son territoire est consacré à l’agriculture et qu’il compte des zones rurales, voire très rurales. La forte densité de la population s’est relativement stabilisée depuis une dizaine d’années, mais le nombre de ménages augmente. Cette population jeune et familiale a d’importants besoins en matière de logement : c’est vrai en zone urbaine, ce l’est moins en zone rurale.
Parallèlement, de nombreuses exploitations agricoles sont concernées par l’étalement urbain et le mitage. Il semble plus judicieux de développer des programmes de rénovation avant de mobiliser des terrains agricoles, afin de ne pas accentuer le mitage. Par exemple, dans l’arrondissement rural où je réside, une étude de l’agence immobilière à vocation sociale a recensé environ 6 000 logements vacants, soit un logement sur dix ! Ces logements sont situés dans les centres de village. Leurs propriétaires attendent des mesures de soutien à la rénovation et des outils de gestion locative, c’est-à-dire une incitation et de la pédagogie.
Les mesures qui nous sont présentées aujourd’hui pour ouvrir de nouvelles possibilités de construction et assouplir les procédures inquiètent les agriculteurs et les SAFER, car elles marquent un véritable recul pour la protection du foncier agricole.
M. Martial Bourquin. Très juste !
Mme Delphine Bataille. En France, malgré le ralentissement constaté ces dernières années, l’équivalent de la superficie d’un département est artificialisé tous les sept ans. Nous perdons chaque jour une surface équivalente à celle de centaines de terrains de football !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Delphine Bataille. Dans ce contexte, la préservation du foncier agricole est aujourd’hui devenue une urgence et un enjeu important pour tous nos territoires. Les élus locaux en ont parfaitement conscience, car l’étalement urbain coûte très cher et alourdit les charges des collectivités locales.
Dans le Nord, l’agriculture a pu s’adapter à ce phénomène grâce à son intensification, à la diversité de ses productions, au développement des circuits courts, mais surtout grâce aux règles en vigueur en matière d’urbanisme. La diminution du nombre d’exploitations y est même moins rapide que sur le reste du territoire national.
Les outils actuels et les évolutions permises par les textes récents répondent bien aux besoins du monde rural. La loi ALUR de mars 2014, notamment, a renforcé la lutte contre l’artificialisation des sols. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, adoptée au mois d’octobre de la même année, a créé la commission de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Enfin, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, entrée en vigueur au mois d’août dernier, permet aux PLU d’autoriser la construction d’annexes au sein des zones agricoles et naturelles.
Les constructions ou installations nécessaires à l’activité agricole et l’entretien du bâti restent donc toujours possibles. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous expliquer cette remise en question de l’équilibre existant.
En réalité, la présente proposition de loi, dont l’objet affiché est de répondre à la crise du logement en milieu rural, ne crée aucun droit nouveau, mais elle envoie un mauvais signal en matière de protection du foncier et ne permet pas d’appréhender la pluralité des ruralités. Au regard de la diversité de nos territoires, il est primordial de penser les efforts de construction en ayant conscience des réalités locales. C’est tout l’enjeu de la nouvelle dynamique engagée par le Gouvernement au travers des comités interministériels aux ruralités et du plan de relance de la construction lancé en 2014.
De nombreuses mesures spécifiques aux territoires ruraux ont été prises concernant le logement social, la simplification de la construction, mais aussi la revitalisation des centres-bourgs ou encore l’accession à la propriété. On peut citer, par exemple, l’amélioration du prêt à taux zéro et son extension aux logements anciens.
Par ailleurs, le troisième comité interministériel aux ruralités, qui s’est tenu voilà quelques jours à Privas, a validé le redéploiement de plus de 40 % des crédits du programme « Habiter mieux » de l’ANAH vers la rénovation des logements en milieu rural, soit un objectif de près de 30 000 logements rénovés.
Ces mesures favorisent le développement d’une offre adaptée, notamment en direction des personnes âgées isolées, bénéficiant de faibles revenus et vivant en milieu rural. Elles sont primordiales pour les territoires ruraux qui disposent d’un potentiel important de logements à rénover et qui, comme dans le Nord, présentent un nombre élevé de propriétaires occupant des logements anciens, un vieillissement de la population, une forte demande locative liée aux besoins créés par la décohabitation des jeunes, une diminution particulièrement forte de la taille des ménages et une population à faibles revenus.
Après une longue période de baisse de la construction de logements dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, ces mesures, tel le plan de relance que j’ai évoqué, portent aujourd’hui leurs fruits. Il en va de même à l’échelon national. La construction de logements neufs est en hausse sur les douze derniers mois, mais c’est surtout dans les secteurs du logement collectif et de l’entretien et de la rénovation que l’activité redémarre le plus fortement.
Nous devons, à l’évidence, rester mobilisés, mais les mesures gouvernementales, qui produisent aujourd’hui des effets encourageants, permettent aux élus de répondre aux besoins si particuliers des territoires ruraux et de leurs habitants.
En conclusion, je dirai que ce n’est certainement pas un hasard si ce texte présenté par la majorité sénatoriale est examiné pendant le congrès des maires. Il s’agit à l’évidence d’un texte d’affichage politique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Claude Luche. C’est de la provocation !
M. Daniel Raoul. Non, elle a raison !
Mme Delphine Bataille. Pourtant, si l’on y regarde bien, cette proposition de loi n’apporte pas de réponse à la question du logement en milieu rural. En revanche, elle supprime un certain nombre de protections pour les zones naturelles et agricoles.
M. Jacques Genest. Elle a dépassé son temps de parole ! C’est fini, monsieur le président !
Mme Delphine Bataille. Enfin, ce texte ne tient pas compte des besoins des acteurs de terrain que sont les élus locaux, qui utilisent de manière optimale les outils existants et ont besoin d’un cadre protecteur face aux demandes de leurs administrés.
Ce sont ces raisons qui motiveront le vote de notre groupe contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat des difficultés du monde rural a souvent été fait sur les travées de cette assemblée et de nombreux rapports ont été consacrés à ce sujet. Le Sénat est l’un des derniers lieux où l’on s’intéresse encore à l’avenir des territoires ruraux.
M. Jacques Genest. C’est vrai !
M. Pascal Allizard. Nous travaillons d’ailleurs sur le sujet avec Jacques Genest,…
M. Gérard Longuet. Un travail remarquable !
M. Pascal Allizard. … dans le cadre d’un groupe de travail sur la ruralité.
La situation dans ces territoires déjà fragiles, aux moyens financiers restreints et à la démographie déclinante, s’est aggravée sous l’effet des crises agricoles successives qui affectent leur économie.
C’est dans ce contexte particulier qu’intervient l’examen de la présente proposition de loi.
L’urbanisme apparaît comme l’une des préoccupations majeures des élus locaux, en particulier des maires ruraux, qui déplorent la complexité et l’instabilité des règles d’urbanisme, vécues comme des contraintes inadaptées à la réalité de leur territoire.
En outre, des textes récents ont introduit de nouvelles contraintes, notamment en matière de consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain, bien que les communes rurales soient en fait peu consommatrices d’espace et que le nombre d’autorisations de construire y demeure limité.
Enfin, les règles d’urbanisme font souvent l’objet d’interprétations divergentes par les services de l’État, selon les territoires, ce qui crée pour les élus insécurité et confusion.
Pour sortir de cette situation, il faut desserrer l’étau des règles d’urbanisme et ne plus se contenter de maintenir en survie les zones rurales et de montagne, mais véritablement créer les conditions d’un développement.
Sans revenir sur le principe de lutte contre l’artificialisation des sols, il semble néanmoins important de rappeler que les territoires ruraux sont vivants et que leurs habitants doivent pouvoir y vivre sans contraintes normatives excessives. Il s’agit donc de trouver un meilleur équilibre entre préservation et évolution.
Aussi me semble-t-il souhaitable d’introduire – ou plutôt de réintroduire – le développement rural parmi les principes fondamentaux du droit de l’urbanisme.
Concernant la question de l’autorisation des annexes, j’avais déjà, en 2014, attiré l’attention du Gouvernement sur le sujet, partant du constat qu’il était devenu quasi impossible de faire évoluer le bâti en zone agricole ou naturelle en dehors des STECAL, qui doivent demeurer exceptionnels. J’avais d’ailleurs été très surpris de la fin de non-recevoir opposée par le ministre, et plus encore du revirement opportun – pour ne pas dire opportuniste – opéré par le Gouvernement quelques mois après, dans le cadre de la loi Macron.
Loi ALUR, loi d’avenir pour l’agriculture, loi pour la croissance : les évolutions vont trop vite pour que les collectivités puissent s’adapter. Ainsi, pour les annexes et les extensions, dans les zones agricoles et naturelles des territoires couverts par un PLU, celui-ci doit préciser la zone d’implantation, les règles de hauteur, d’emprise, etc. Le règlement peut aussi désigner les bâtiments pouvant faire l’objet d’un changement de destination.
Les révisions de PLU représentent une charge de travail importante et des coûts non négligeables pour les collectivités.
Au travers de cette proposition de loi, il est donc proposé de supprimer, notamment, l’obligation de préciser la zone d’implantation des annexes, ainsi que les conditions de hauteur, d’emprise et de densité, et l’avis de la CDPENAF. Cette simplification est attendue par de nombreux élus.
Dans les territoires couverts par le règlement national, l’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions sont très encadrés. Le cas des annexes n’était pas prévu. La proposition de loi permet de les autoriser, de même que dans les parties de la carte communale inconstructibles.
Il semble utile de favoriser la multiactivité des exploitations agricoles, qui permet de dégager des revenus connexes, en autorisant les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, mais aussi celles qui constituent le prolongement de l’acte de production, et celles qui sont destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire.
Par ailleurs, je considère le rétablissement de la participation pour voirie et réseaux, la PVR, comme un moyen indispensable pour financer l’investissement lourd que représente la réalisation des voies nouvelles et des réseaux rendus nécessaires par l’implantation de nouvelles constructions.
Toutefois, le critère définissant la ruralité – commune éligible aux aides pour l’électrification rurale – ne se révélera-t-il pas trop restrictif à l’usage ?
Madame la ministre, le statu quo doctrinaire n’est pas possible. Notre ruralité ne peut pas être votre jardin d’agrément sanctuarisé, en fait victime et en aucun cas complice de l’étalement urbain.
Nous sommes, au Sénat, au fait des difficultés, multiples et complexes, des territoires ruraux et de montagne. Je considère que la présente proposition de loi constitue d’ores et déjà un pas en avant important. Elle nous fournit l’occasion d’un débat particulièrement utile et mérite d’être soutenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Masclet.
M. Patrick Masclet. Je veux saluer à mon tour l’excellent travail de M. Laurent, dont le rapport met notamment en lumière la décroissance démographique que connaît le milieu rural.
Mes chers collègues, je suis élu du Nord, troisième département le plus rural de France : 650 000 personnes y vivent en milieu rural. Le sujet que nous abordons est extrêmement important, voire grave : il y va de l’avenir des communes rurales, et peut-être même, tout simplement, de l’avenir des communes.
Dix-neuf de nos départements accusent aujourd’hui une perte nette d’habitants. De nombreuses communes, situées dans la sphère d’influence de zones urbanisées, voire très urbanisées, subissent également un déclin démographique qui semble inexorable.
Dans notre département, des études prospectives très intéressantes de l’association Aire métropolitaine de Lille mettent en évidence le siphonnage démographique, par la métropole européenne de Lille, des zones voisines, dont certaines, en particulier la Pévèle, sont très rurales. On risque de voir apparaître de véritables déserts.
Pour notre part, nous pensons que ce déclin n’est pas une fatalité et que, au contraire, la revitalisation du monde rural est possible. Encore faut-il s’en donner les moyens !
Ma commune ayant connu un déclin démographique extrêmement important au milieu des années quatre-vingt-dix, je voudrais maintenant exposer les mécanismes à l’œuvre.
Finalement, la revitalisation repose sur deux piliers : la démographie et l’économie.
En ce qui concerne la démographie, l’équation est relativement simple : la décroissance est directement liée à la moyenne d’âge, elle-même en relation avec l’espérance de vie, qui augmente régulièrement. Elle est aussi fonction d’un autre phénomène, qu’a signalé tout à l’heure ma collègue nordiste : celui de la décohabitation, notamment des jeunes, que l’on observe tout particulièrement en milieu rural.
Pour bien vivre la ruralité, il faut aussi, comme ailleurs, pouvoir disposer de services, au premier rang desquels figure, chacun le sait bien dans cette assemblée, l’offre médicale et paramédicale. À cet égard, l’Association des maires de France a fait réaliser il y a quelque temps un sondage extrêmement intéressant montrant que c’est le premier critère qui guide les néoruraux dans leur choix d’installation. Ensuite viennent l’offre scolaire et les politiques en direction de la jeunesse de la petite enfance. La couverture internet à haut débit est le troisième critère. Bien entendu, le cadre de vie est également un élément déterminant dans les choix d’installation des néoruraux.
Pour que les habitants puissent bénéficier de ces services – c’est une lapalissade –, encore faut-il que ceux-ci soient présents et, surtout, que la structure puisse trouver un équilibre financier, qu’elle soit publique ou privée.
La saignée financière que subissent les communes en raison de la baisse drastique des dotations fait qu’elles éprouvent des difficultés, parfois vives, à apporter des moyens suffisants pour soutenir lesdits services et les rendre accessibles à la population. Et que dire des services marchands qui, à défaut de réaliser un chiffre d’affaires satisfaisant et de trouver leur équilibre financier, ne peuvent subsister ?
Dès lors, seul le produit de l’impôt peut apporter la ressource nécessaire, non par le biais de la hausse de la fiscalité, mais par celui de l’élargissement de l’assiette. À cette fin, il importe d’attirer de nouveaux habitants.
Pour l’essentiel, deux pistes sont à explorer à cet égard : l’occupation ou la réoccupation des logements vacants, notamment dans les centres-bourgs, et la construction de nouveaux logements, qui représente, compte tenu de la réglementation en vigueur, un véritable parcours du combattant, pour reprendre les mots du président Lenoir.
Au-delà des exigences du code de l’urbanisme, il faut bien avoir à l’esprit que les territoires ruraux sont souvent des territoires de ressources. Qu’elles soient alimentaires ou en eau, ces ressources sont protégées par des périmètres qui, souvent, contrarient les possibilités de construction, alors même qu’elles sont destinées, pour l’essentiel, aux habitants des zones plus urbanisées.
Cette proposition de loi apporte un certain nombre de réponses en termes de reconnaissance du développement rural, ouvre de nouvelles possibilités de construction pour l’habitat et pour l’agriculture, facilite l’ouverture des secteurs à l’urbanisation et mobilise quelques moyens financiers, notamment par le rétablissement de la possibilité d’instituer une participation pour voirie et réseaux, outil intéressant pour les petites communes.
M. le président. Il faut conclure !
M. Patrick Masclet. Bien entendu, ce texte n’a pas la prétention de régler tous les problèmes de la ruralité – cela incombe aussi à l’État –, mais, du moins, il comporte des outils pour le développement rural. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural
CHAPITRE IER
Le développement rural parmi les principes fondamentaux de notre urbanisme
Article 1er
(Non modifié)
Au b du 1° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, après les mots : « le développement urbain », sont insérés les mots : « et rural ».
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, sur l'article.
M. Charles Guené. Cette proposition de loi n’est pas seulement technique ; elle vise à porter un coup d’arrêt à une dérive qui menace la ruralité dans sa culture et son essence, mais également à adresser un signal fort aux maires qui l’administrent et qui sont atteints au cœur de leur mission.
Les maires sont au service de leurs concitoyens ; en cela, ils doivent répondre à leur préoccupation première, en leur permettant d’être en mesure d’« habiter » la cité.
Or, depuis plusieurs années, les textes que nous avons votés, sous la pression administrative et environnementale, sont venus réduire à néant la promesse d’un équilibre territorial.
Si nous admettons tous qu’une prolifération anarchique du bâti, dénaturant l’authenticité de nos provinces, n’est pas souhaitable, si nous concevons qu’il faille être vigilant face à la réduction de l’espace agricole, s’il reste urgent de conforter les bourgs-centres comme de favoriser la construction sociale dans les pôles urbains, s’il convient de penser en termes de bilan écologique et de mobilité, nous voulons dire, au travers de cette proposition de loi, que tout cela ne doit pas conduire à la réduction drastique de toutes les aides à la construction dans le milieu rural ou à la non-constructibilité de fait, au prétexte de normes juridiques ou matérielles sans commune mesure avec les nécessités locales, techniques ou sociétales.
Nous pensons que les maires de France sont affectés dans leur mission de bâtisseur et se sentent atteints dans leur dignité lorsqu’on les empêche de développer leur territoire, sous couvert d’un encadrement juridique et d’une lecture des textes les privant d’une compétence majeure de leur mandat républicain.
Nous pensons qu’avec un peu de bon sens et quelques adaptations à la réalité d’une France des territoires diverse dans ses aspirations, dans ses besoins et dans ses ressources, il est possible de répondre positivement et simplement à la demande pressante de ceux qui administrent la ruralité au quotidien.
Pour toutes ces raisons, nous demandons instamment à nos collègues, ainsi qu’à Mme la ministre et aux chefs d’administration, de bien vouloir favoriser l’adoption définitive et la mise en œuvre sans retard de ce texte, jusque dans ses circulaires d’application.
Ainsi, vous permettrez que le fil séculaire de la vie, dont l’habitat est le symbole, ne soit pas rompu et que le caractère de nos villages perdure, pour le plus grand bonheur des femmes et des hommes qui les habitent et qui aspirent à ce que leurs enfants puissent y vivre aussi.
Croyez-moi, au-delà du caractère bucolique et poétique de mon propos, je veux exprimer ici la véritable exaspération, l’« étouffement », ai-je entendu dire hier au congrès des maires, ressentis dans nos campagnes. Vous pouvez y mettre fin en rétablissant et en consacrant dans le code de l’urbanisme, ce soir, le principe du développement rural. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, sur l'article.
Mme Delphine Bataille. L’article 1er tend à introduire le droit au développement rural parmi les principes fondamentaux de l’urbanisme.
Nous pourrions partager cet objectif, mais peut-être faut-il rappeler, à ce stade, que la ruralité est bien prise en compte dans les stratégies de développement des territoires : la revitalisation des centres ruraux, la prise en considération de la diversité des fonctions urbaines et rurales, la recherche d’équilibre entre les populations des différentes zones figurent bien au nombre des principes fondamentaux de l’urbanisme.
Dois-je redire que cette proposition de loi relève de l’affichage politique ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, on peut se demander si c’est vraiment de la relance de la construction de logements individuels en zone rurale qu’a besoin le monde rural aujourd’hui ! Est-ce vraiment ce que réclame le monde agricole ? On constate l’existence d’un nombre significatif de logements vacants dans les centres-bourgs.
Pour renforcer son attractivité, le monde rural a plutôt besoin de services de proximité, d’accès aux soins, d’activité économique.
M. Mathieu Darnaud. Ce n’est pas antinomique !
Mme Delphine Bataille. Tel est le sens de l’action que le Gouvernement a engagée : 300 millions d’euros sont consacrés à la revitalisation des bourgs-centres, 50 millions d’euros sont alloués au développement des usages du numérique dans les écoles rurales, un plan de résorption des zones blanches a été lancé, 800 maisons de santé et 1 000 maisons de services au public seront créées. On pourrait multiplier les exemples de cet ordre.
Pour le logement, le dispositif du prêt à taux zéro renforcé, mis en place depuis 2015 pour l’accession à la propriété et depuis 2016 pour la rénovation des logements dans toute la France, produit ses effets, notamment dans les zones rurales.
M. Charles Guené. On l’a déjà entendu !
Mme Delphine Bataille. En 2015, 35 % des PTZ accordés au titre de la construction neuve l’ont été en zone C, soit 22 000 PTZ, et, au premier trimestre de 2016, près de la moitié des PTZ octroyés pour la rénovation du bâti ancien l’ont été en zone C, soit environ 5 000 PTZ.
Enfin, lors du récent comité interministériel aux ruralités, des mesures destinées à favoriser la rénovation des logements ont été prises, qui permettront de maintenir un tissu de petites entreprises, le plus souvent artisanales, dans les territoires ruraux, et donc d’y soutenir l’activité économique.
Les communes rurales pourront ainsi bénéficier de leviers importants pour répondre à la demande de leurs habitants, réhabiliter leurs centres anciens et gagner ainsi en attractivité.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, sur l'article.
M. Michel Raison. Ah, le monde rural, l’aménagement du territoire !… On en parle sans cesse et nous avons même eu la chance d’accueillir à Vesoul, dans mon département, un comité interministériel aux ruralités, tenu en présence du Président de la République et d’une débauche de ministres. Il a débouché sur la promesse de mobiliser des milliards fantômes en faveur du développement du monde rural…
L’activité dans le monde rural ne se résume pas à l’agriculture ; la population rurale exerce toutes sortes de métiers. Un certain nombre de territoires ruraux perdent des habitants. Le monde rural périurbain est moins affecté par la dépopulation, mais il est confronté à d’autres problèmes.
Bien sûr, un certain nombre de mesures ont déjà été prises ; bien sûr, le désenclavement, qu’il soit routier, ferroviaire ou numérique, est la base du développement des territoires et de leur bon aménagement. Mais pourquoi négliger le levier intelligent et pragmatique que constitue le dispositif de cette proposition de loi pour le développement des territoires ruraux ? Trop souvent, un village s’est vu refuser la construction d’une maison sous prétexte de lutter contre l’habitat dispersé. Il importe de clarifier un certain nombre de règles. Ce n’est pas parce que l’on permettra la construction, tous les dix ans, d’une maison individuelle dans tel ou tel village que la réhabilitation des vieilles demeures dans les centres des villages se trouvera négligée : il n’y a là aucune contradiction.
Allégeons, simplifions, faisons preuve d’intelligence et de pragmatisme. C’est dans cet esprit que j’invite mes collègues à voter cette proposition de loi, y compris ceux du groupe socialiste et républicain : on ne leur en voudra pas de changer d’avis ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
CHAPITRE II
Ouvrir de nouvelles possibilités de constructions et d’installations en milieu rural
Article 2
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le début du 2° de l’article L. 111-4 est ainsi rédigé :
« Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, celles nécessaires à l’exploitation agricole ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, celles situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment hébergement et restauration, dès lors qu’elles ne sont pas… (le reste sans changement). » ;
2° Le début du 1° de l’article L. 151-11 est ainsi rédigé :
« Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, celles nécessaires à l’exploitation agricole ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, celles situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment hébergement et restauration, dès lors qu’elles ne sont pas… (le reste sans changement). »
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, sur l'article.
M. Alain Duran. Mes chers collègues, je constate que nous n’avons pas la même lecture des textes. Il me paraît utile, à ce stade, de rappeler que les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole sont déjà permises.
Il peut s’agir, sous certaines conditions, de bâtiments techniques directement nécessaires à l’activité agricole –stabulation, hangar de stockage – ou rendus nécessaires par l’extension à d’autres activités – bâtiments d’hébergement, point de vente, atelier de transformation. Il peut s’agir également de l’habitation ou de la création d’un siège d’exploitation combinant bâtiment technique et habitation.
D’ailleurs, les représentants du monde agricole que nous avons auditionnés se satisfont des dispositifs actuels. Ils ne nous ont pas fait part de difficultés particulières à cet égard, non plus que pour l’installation des jeunes agriculteurs.
Le texte initial de la proposition de loi ouvrait beaucoup trop largement les possibilités de constructions en zones agricoles. Le rapporteur a ainsi proposé d’en rester aux constructions en rapport direct avec l’activité agricole de l’exploitation, ce dont je le remercie.
Nous restons cependant opposés à cet article 2, car les évolutions récentes ont permis de trouver un équilibre entre l’impératif d’une gestion économe de l’espace agricole, le maintien de la vocation agricole des espaces et du bâti existant et la nécessité de permettre l’installation, l’évolution et le développement des exploitations agricoles.
Nous nous sommes retrouvés, ici, au Sénat, sur les possibilités d’évolution du bâti situé en zones agricoles afin de pouvoir continuer à entretenir le bâti existant. Nos débats ont permis des avancées sur le changement de destination, sur l’extension des bâtiments d’habitation, sur la construction d’annexes. Nous avons besoin de stabilité ; comme le soulignait notre collègue Joël Labbé, il n’est pas nécessaire de légiférer davantage : restons-en là !
C’est pourquoi je vous invite à voter contre cet article, qui est vide de sens.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, sur l'article.
M. Michel Raison. Certes, les textes en vigueur permettent déjà, dans des cas précisément définis, aux agriculteurs de construire, mais nous visons, au travers de ce texte, les constructions liées à des activités nouvelles, dont certaines restent d’ailleurs à inventer. Je n’ai jamais encouragé un agriculteur à construire une habitation au voisinage d’une étable ou d’une porcherie, parce qu’en cas de dissolution de la société ou même de divorce, la maison en question n’a plus guère de valeur.
À propos des activités de diversification, je citerai l’exemple des Vosges saônoises, qui comptent un millier d’étangs : il est impossible d’y construire ne serait-ce qu’une petite maison de pêche. Le présent texte permet de lever un certain nombre des difficultés que l’on rencontre aujourd’hui pour développer ce type d’activités nouvelles.
Je suis très favorable à l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, sur l'article.
M. Rémy Pointereau. Je voterai bien entendu cet article. Je tiens à féliciter l’auteur de cette proposition de loi, Jacques Genest, ainsi que le rapporteur. Ce texte est complémentaire de la proposition de loi que prépare le groupe de travail sur la simplification législative du droit de l’urbanisme, de la construction et des sols, constitué au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
C’est un fait, il est difficile de construire en milieu rural, ne serait-ce qu’en raison de la mise en place des SCOT. Dans les faits, la ville-centre est souvent avantagée en matière d’attribution de permis de construire, au détriment des communes rurales.
Par ailleurs, on compte très peu de « dents creuses » dans les petites communes rurales. En revanche, dans les centres-bourgs, on trouve des maisons sans terrain ; or, quand on vient s’installer à la campagne, c’est pour pouvoir disposer d’un terrain. Il faut donc absolument trouver des solutions pour relancer la construction en milieu rural.
Un autre problème est celui des jeunes agriculteurs dont les parents veulent continuer à vivre dans la ferme familiale. Il leur est alors très compliqué de faire construire. Je puis témoigner que nous élus locaux sommes souvent sollicités pour intervenir à la suite d’un refus de permis de construire par la direction départementale des territoires, la DDT.
Pareillement, une coopérative d’utilisation de matériel agricole, ou CUMA, qui projette l’édification d’un bâtiment pour y entreposer son matériel rencontre également beaucoup de difficultés pour obtenir un permis de construire. Il en va de même pour les entreprises de travaux agricoles ou pour les agriculteurs qui veulent diversifier leur activité en construisant un gîte rural, des chambres d’hôte ou un point de vente directe à la ferme.
Vous le voyez, les problèmes à régler sont nombreux. Je remercie la commission d’avoir adopté l’amendement que j’avais déposé sur cet article 2, dont le dispositif permettra de faire avancer les choses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l'article.
M. Gérard Bailly. Je suis très surpris de la position et des arguments de nos collègues socialistes. Eux aussi sont des gens de terrain, habitent en milieu rural ; je ne doute pas qu’ils soient, comme nous, sollicités par des maires confrontés à des difficultés pour l’obtention de certificats d’urbanisme ou de permis de construire. Comme l’a dit M. le président de la commission, c’est un véritable parcours du combattant !
Aujourd’hui, les centres de nos petites villes comptant entre 15 000 et 20 000 habitants sont désertés : ceux qui y vivaient sont partis s’installer en périphérie. Dans mon département, une note de la DDT dont j’ai donné lecture en commission explique que, les centres-bourgs perdant des habitants, il convenait d’inciter la population relevant de l’habitat dispersé à s’y regrouper, afin de faire des économies en matière d’accès aux services. Il s’agit donc là d’une volonté politique. Cela explique sans doute que l’on oppose des refus aux demandes de permis de construire dans un hameau ou un village, pour toutes sortes de motifs, plus ou moins valables…
À propos de l’existence de « dents creuses », en particulier – c’est un motif souvent invoqué –, croyez-vous qu’une personne disposant, derrière sa maison, d’une parcelle de soixante ou soixante-dix ares qui fait l’agrément de ses petits-enfants soit disposée à la vendre ?
J’ai le sentiment que nous ne vivons pas les mêmes réalités, chers collègues du groupe socialiste et républicain. Je ne voudrais pas que, sur ce sujet, vous adoptiez une posture politicienne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Plutôt que d’être retenu par un débat que vous prolongez indûment, je préférerais me rendre au Lido en compagnie des maires de mon département, comme je l’avais prévu ! (Exclamations amusées.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, sur l'article.
M. André Trillard. J’approuve totalement ce texte tel qu’il est rédigé.
Je suis un élu de l’arrondissement de Saint-Nazaire. Sur mon territoire, il n’est plus possible, pour des raisons tenant à la protection de l’environnement, de construire des salorges dans le marais salant. Or ce dernier est le milieu le plus artificiel qui soit ! La réponse est toujours la même : il faut protéger l’environnement d’un site classé. Cependant, tout l’intérêt du marais salant tient au travail des hommes. On finit par confondre vacances et vie à la campagne !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l'article.
M. Mathieu Darnaud. À l’instar de Gérard Bailly, je suis très surpris de la lecture très dogmatique que font de ce texte M. Duran et Mme Bataille. Notre approche est totalement pragmatique : elle repose simplement sur les réalités de nos territoires, qui sont très divers.
Vous nous dites, madame Bataille, que les difficultés constatées aujourd’hui dans nos territoires ruraux tiennent non pas à la construction, mais à l’offre médicale et au développement économique. Mais depuis quand ces thématiques sont-elles antinomiques ?
Mme Delphine Bataille. Je ne les ai pas opposées !
M. Mathieu Darnaud. Bien sûr, nous faisons nôtres vos propos sur l’importance d’assurer le développement économique des territoires ruraux et une offre médicale suffisante, mais il n’en demeure pas moins qu’il existe un véritable problème en matière de construction. Cet article permettra de donner des outils à ceux des agriculteurs qui veulent diversifier leur activité.
Par ailleurs, arrêtons de déresponsabiliser les élus locaux ! Ils sont les premiers concernés quand il s’agit de viabiliser un terrain ou d’accorder un permis de construire. Nous sommes tous contre l’étalement urbain.
C’est dans votre camp que se manifeste la volonté d’affichage politique que vous dénoncez, eu égard à la lecture très restrictive que vous faites de ce texte.
Encore une fois, nous demandons simplement des adaptations qui permettront de répondre à des problématiques particulières, quand, pour votre part, vous vous bornez à invoquer des règles générales, sans entrer dans le détail des situations concrètes. Je le redis, cela relève de l’affichage.
Nous ne vivons manifestement pas les mêmes réalités. Je serais d’ailleurs curieux de voir comment les choses se passent dans vos territoires !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, sur l'article.
M. Jean-Claude Luche. Tous ici, que nous soyons de droite ou de gauche, nous souhaitons la réhabilitation de nos centres-bourgs. Depuis trente-trois ans que je suis élu, j’ai tout essayé pour ce faire : opérations programmées d’amélioration de l’habitat avec l’ANAH, rénovations de façades, programmes d’intérêt général avec une participation financière de la communauté de communes, de la commune, du conseil général… Les faits sont têtus : les jeunes familles veulent construire en périphérie de nos villages et ne souhaitent pas reprendre de vieilles habitations qui, même remises en état, n’offrent pas de terrain et ont un voisinage trop proche.
Par conséquent, n’inventez pas une argumentation pour écarter d’un revers de main ce qui vous est présenté aujourd’hui. Cela ne tient pas la route, d’autant que vous n’avez absolument aucune solution de rechange à nous proposer ! (Mme Delphine Bataille s’exclame.)
Mon objectif, en tant que président du conseil départemental de l’Aveyron, est d’avoir gagné 20 000 habitants supplémentaires dans dix ou douze ans, pour porter la population du département à 300 000 habitants, contre 280 000 aujourd’hui. Pendant ce temps, dans la nouvelle région, les métropoles de Montpellier et de Toulouse gagneront 15 000 habitants par an… Elles les accueilleront en consommant des centaines d’hectares en périphérie. Personne ne trouve à y redire, alors que, quand nous voulons, dans une petite commune rurale, pouvoir construire sur trois ou quatre hectares, sans mettre en péril les activités agricoles, on nous le refuse !
Je suis désolé, mais nous ne vivons pas dans le même monde !
Comme l’ont dit mes collègues, vous faites de la discussion de cette proposition de loi un enjeu politique. Or la ruralité n’est ni de droite ni de gauche ! Nous devons tous la défendre, car le jour où elle ne comptera plus suffisamment d’habitants pour vivre, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas croyable !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Je suis assez surpris de la tournure que prend cette discussion. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) À vous entendre, chers collègues, il y aurait les élus qui s’occupent du monde rural et les autres. La ruralité connaît des situations très contrastées. De belles opérations de revitalisation y sont menées, visant par exemple à l’amélioration de l’habitat.
M. Jean-Claude Luche. Cela ne marche pas !
M. Martial Bourquin. Le prêt à taux zéro peut de nouveau être accordé pour financer des travaux de réhabilitation, des villages ont mis en place des politiques de lotissement qui fonctionnent bien.
Lors des auditions, les représentants des SAFER et ceux des jeunes agriculteurs ont émis un avis négatif sur cette proposition de loi. Quand nous avons des débats sur l’agriculture, chacun plaide pour la préservation des terres agricoles, et maintenant, certains d’entre nous, oubliant cette position, sont disposés à permettre un peu n’importe quoi en matière d’urbanisation.
M. Jacques Genest. Merci pour le « n’importe quoi » !
M. Martial Bourquin. Soyons clairs : aujourd’hui, les outils existent pour mener des politiques de développement rural. La question du logement ne peut être envisagée, comme vient de le faire l’un de nos collègues, en l’isolant de celles des services, des commerces de proximité, de l’accès au très haut débit, laquelle revêt désormais une grande acuité au regard du développement du monde rural. Les problématiques doivent être appréhendées de manière globale.
Faites attention, mes chers collègues, à ne pas accélérer encore la disparition des terres agricoles. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Martial Bourquin. Nous ne pouvons pas nous le permettre : notre agriculture a besoin de ces terres. Des milliers d’hectares de terrains non agricoles sont dès aujourd’hui disponibles pour mettre en œuvre des politiques d’urbanisation. Nous nous opposons à un texte dont l’application pourrait avoir des conséquences extrêmement négatives pour la ruralité et l’agriculture.
M. Jacques Genest. Merci, professeur !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. La tournure prise par le débat m’impose de reprendre la parole.
Il n’y a pas de zones dans lesquelles il est plus facile de construire que dans d’autres. (Mais si ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Messieurs les sénateurs, veuillez avoir l’amabilité de me laisser parler !
M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît ! Laissez Mme la ministre s’exprimer !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je connais très bien les territoires. En tant qu’élue francilienne, je connais très bien la ruralité de l’Île-de-France. (M. Jacques Genest s’esclaffe.) Monsieur Genest, je vous propose de vous emmener dans des villages ruraux de quinze maisons pour y discuter avec les maires des problèmes de logement auxquels ils sont confrontés ! Nous ne sommes pas là pour faire de la surenchère s’agissant de la connaissance de nos territoires.
Vous êtes tous préoccupés par le problème de l’étalement urbain et des dépenses publiques qu’il induit, au titre de la collecte des déchets, du traitement des eaux usées, des services publics. Il importe donc d’urbaniser de manière intelligente, de densifier là où c’est possible, en concertation avec le reste du territoire. Là est le cœur du débat. Peut-être mes propos fâcheront-ils certains, mais le contrôle ne s’exerce pas seulement sur les communes rurales : il concerne aussi les métropoles. Limiter l’urbanisation est un enjeu majeur, y compris dans celles-ci. C’est pourquoi les régions devront désormais adopter des schémas directeurs, à l’instar de l’Île-de-France avec le SDRIF. Si l’on ne contrôle pas l’urbanisation, nos agriculteurs, et au-delà tous ceux qui exercent une activité économique en zone rurale, ne pourront pas se maintenir.
C’est aussi pour cette raison que les syndicats représentant les agriculteurs s’opposent à l’article 2 de cette proposition de loi. Vous proposez d’intégrer dans la loi une jurisprudence limitée. Ce dont les territoires ruraux ont besoin aujourd’hui, c’est de stabilité, d’aide pour construire et rénover l’habitat. L’un d’entre vous a déclaré tout à l’heure que les aides de l’ANAH, ça ne marchait pas. Si tel était le cas, les élus des bourgs ruraux ne seraient pas aussi nombreux à me demander d’en faire un outil majeur et de porter l’enveloppe non pas à 70 000 logements, mais directement à 100 000.
Aujourd’hui, nous aidons fortement les territoires ruraux sur cette question de l’habitat, et nous allons poursuivre notre action en ce sens. Si vous rencontrez des difficultés sur vos territoires, le ministère du logement est là pour vous ; je le dis très sincèrement.
M. Jean-Claude Luche. Des sous, des sous !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Ce n’est pas simplement une question de sous, c’est aussi une question d’ingénierie, et vous le savez très bien. J’en parle souvent avec M. le sénateur Le Scouarnec : les difficultés tiennent parfois également à une compréhension insuffisante des normes ; nous devons y remédier, en particulier en organisant des ateliers de travail avec les élus locaux, afin d’éviter les annulations en cascade par les juges.
Je ne méconnais nullement les problèmes des territoires ruraux, mais il ne sert à rien d’opposer les difficultés des uns à celles des autres. L’enjeu est d’urbaniser et de construire de manière intelligente. Sinon, des familles quittent les lotissements construits en zones rurales pour retourner s’installer en centre-bourg, comme on le voit dans certaines régions. On connaît même des cas de lotissements vides. Nous devons être guidés par la volonté de construire non pas pour dix ans, mais pour cinquante ans, en anticipant les évolutions de l’habitat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme et à la première phrase du premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, après les mots : « exploitations agricoles », sont insérés les mots : « et les coopératives d’utilisation de matériel agricole ». – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que, en tout état de cause, je suspendrai la séance à dix-neuf heures quarante-cinq. Peut-être pourrons-nous achever la discussion de cette proposition de loi d’ici là…
Article 3
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article L. 111-4, après les mots : « constructions existantes », sont insérés les mots : «, l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant » ;
2° À l’article L. 122-5, après les mots : « constructions existantes », sont insérés les mots : «, de l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant » ;
3° L’article L. 151-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces annexes sont situées à proximité d’un bâtiment existant. » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° L’article L. 161-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 161-4. – La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception :
« 1° De l’adaptation, du changement de destination, de la réfection, de l’extension des constructions existantes, de l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant ;
« 2° Des constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, de celles situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment hébergement et restauration ;
« 3° Des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs.
« Les dispositions mentionnées aux 1° à 3° du présent article ne sont applicables que lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles.
« Les constructions et installations mentionnées au 2° du présent article, utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles ou de l’accueil touristique, sont soumises à l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. »
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l'article.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, je me demande qui n’écoute pas l’autre. À vous entendre, on a le sentiment que ce dispositif aurait vocation à tout résoudre et à éclipser du jour au lendemain tous les outils existants, tels que les SCOT, les PLUI, les PLU… Or, au contraire, ce texte vise à procéder à des ajustements, afin de permettre de lever des blocages : il ne s’agit pas de favoriser l’étalement urbain, expression qu’il est d’ailleurs paradoxal d’employer quand on parle du milieu rural… Il faut faire preuve de raison.
Madame la ministre, je veux bien me rendre sur le terrain pour étudier les exemples que vous avez évoqués, mais je ne suis pas convaincu que la politique de l’ANAH permette de résoudre tous les problèmes que connaît aujourd’hui le milieu rural. Encore une fois, il est nécessaire d’adopter une démarche plus pragmatique.
Je prendrai un seul exemple pour illustrer mon propos : aujourd’hui, l’État demande aux communes qui élaborent un PLU de diviser leur enveloppe foncière par cinq, voire par dix ! C’est une réalité ! Ne dites donc pas que, demain, on consommera toujours plus de terres et d’espaces agricoles.
Le paradoxe est que, pendant dix, vingt ou trente ans, ces communes ont fait en sorte d’urbaniser certains secteurs autour de hameaux existants. Aujourd’hui, on dit à leurs maires que ces territoires où ils ont investi des millions d’euros n’ont plus vocation à accueillir des constructions.
Notre intention n’est donc pas de caricaturer la situation ni de tout remettre en cause. Nous disons simplement qu’il existe aujourd’hui des freins à la construction. À ce propos, entendre parler de « dents creuses » prête à sourire quand on connaît la réalité des communes comptant de 50 à 100 habitants !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Mathieu Darnaud. Il faut savoir faire preuve de réalisme.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, sur l'article.
M. Alain Duran. L’article 3 de la proposition de loi ouvre la possibilité de réaliser des annexes à tout bâtiment existant.
Les auteurs de ce texte ont voulu que ces nouvelles possibilités de construction vaillent que la commune soit couverte ou pas par un document d’urbanisme. Ils proposent par ailleurs la suppression de l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. C’est un non-sens que de vouloir revenir sur un système qui vise à une meilleure maîtrise de l’usage des sols et à la prévention des gaspillages ! Ce n’est pas raisonnable, car l’artificialisation des terres est toujours irréversible : les surfaces perdues le sont définitivement.
La nécessité, pour ces communes, d’élaborer un projet de territoire économe en matière de consommation foncière ne semble plus faire débat aujourd’hui. Se doter d’un PLU permet au maire d’élaborer son projet de développement et de choisir, avec les habitants de la commune, les orientations qui conviennent. Les PLU sont donc une chance pour nos territoires ruraux.
D’ailleurs, les zones rurales se sont bien emparées des PLU, et même des PLUI, puisque près de 20 % des documents d’urbanisme concernent aujourd’hui des communes rurales. En outre, 26 % des communes rurales dépourvues de document d’urbanisme sont en train d’élaborer un PLU. Les craintes évoquées par les auteurs de la proposition de loi ne semblent donc pas être partagées par les nombreux élus qui s’engagent dans cette voie.
En tout cas, autoriser de nouvelles constructions en zone agricole en dehors de tout document d’urbanisme n’incitera pas les communes à se doter d’un PLU. Cette proposition de loi constitue un mauvais signal, non seulement pour l’aménagement et la planification, mais aussi pour l’attractivité de nos territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l'article.
M. Gérard Bailly. Que l’on ne nous fasse pas de procès d’intention : nous souhaitons tous sauvegarder les bonnes terres agricoles. C’est un agriculteur qui vous parle, dont les deux fils et le petit-fils sont également agriculteurs.
Pour autant, construire en zone rurale relève d’un véritable parcours du combattant. À cet égard, je voudrais évoquer l’ensemble des activités économiques exercées dans le monde rural : nos richesses, ce sont nos entreprises agricoles, forestières, artisanales, nos PME. Il est capital que leur développement soit pris en compte dans les documents d’urbanisme. Personnellement, j’aurais même voulu que cet article aille plus loin. En effet, notre monde rural n’aura d’avenir que si son économie est florissante.
Le bâti agricole se développe également de façon importante du fait des progrès de l’agriculture sociétale. Les documents d’urbanisme doivent, là encore, en tenir compte.
Dans mon secteur, toutes les bêtes sont nourries au foin pendant cinq à six mois, le recours à l’ensilage étant interdit pour une production sous AOC. Il faut donc des bâtiments très volumineux, d’autant que le cheptel peut atteindre 300 têtes en agriculture sociétale. Nous devons veiller à ce que des possibilités d’extension de ces bâtiments soient prévues dans les documents d’urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.
M. Daniel Gremillet. J’ai l’impression d’être ramené au mois de décembre dernier, lorsque nous débattions de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. J’entends les mêmes arguments qu’alors : on nous expliquait que c’était prématuré, que cela n’avait pas de sens…
En réalité, nous avons bien fait de déposer la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture, puisque le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin II », que nous allons bientôt examiner, en reprend trois des articles.
Aujourd’hui, l’échec de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages suffirait à justifier le dépôt de cette proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural. Je partage complètement les propos tenus par M. le président de la commission des affaires économiques sur les compensations environnementales à la réalisation des infrastructures : des compensations supplémentaires, écologiques et forestières, seront exigées du milieu rural et pèseront, une fois de plus, sur les terres agricoles.
Je ne souhaite qu’une seule chose, c’est que le présent texte connaisse le même sort que la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture, c’est-à-dire qu’une grande partie de ses dispositions soient reprises. La jeunesse du milieu rural a besoin de signaux positifs : cette proposition de loi en est un. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l’article.
M. Daniel Raoul. Chers collègues de la majorité sénatoriale, je dois avouer que je suis très surpris des arguments que vous employez.
Des outils sont déjà disponibles, qui n’ont pas tous été totalement mis en œuvre, et si des difficultés se présentent, il est possible d’en appeler à la préfecture ou au ministère.
En tout cas, j’observe que les SAFER sont très violemment opposées à votre texte !
M. Martial Bourquin. Absolument !
Mme Delphine Bataille. C’est sûr !
M. Daniel Raoul. Que ces organismes, qui ont pour mission de défendre les intérêts que vous invoquez, aient adopté cette position devrait vous interpeller.
Quant aux représentants des jeunes agriculteurs que nous avons auditionnés, ils sont, eux aussi, hostiles à cette proposition de loi, et en particulier à son article 3,…
M. Martial Bourquin. Tout à fait !
M. Daniel Raoul. … qui tend à autoriser toute extension de bâtiment, sans aucun contrôle, en dehors de tout document d’urbanisme. En d’autres termes, on pourra faire n’importe quoi, sans aucune contrainte ! Je comprends que les jeunes agriculteurs s’élèvent contre une telle mesure.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Luche, Cigolotti et Lasserre, Mme Férat et MM. Roche, Gabouty, Delcros, Capo-Canellas, Médevielle et D. Dubois, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-16 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les plans d’eau intérieurs situés en zone de montagne, cette distance peut être réduite à 50 mètres à compter des plus hautes eaux par les documents d’urbanisme de la collectivité concernée. »
La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Cet amendement vise à offrir aux collectivités territoriales la possibilité de réduire, dans le cadre de leurs documents d’urbanisme, de 100 à 50 mètres la distance minimale à respecter, par rapport aux plus hautes eaux, pour construire aux abords d’un plan d’eau intérieur situé en zone de montagne.
Pour nos départements ruraux, il est essentiel d’ouvrir de nouvelles possibilités de construction. Bien entendu, il ne s’agit pas d’aller à l’encontre des objectifs de protection de l’environnement. Nous sommes très attachés à la préservation des paysages, qui contribuent à la spécificité de nos départements ruraux, mais un territoire à l’abandon est un territoire qui se meurt ! Si plus personne ne vit dans ces espaces, l’environnement lui-même en pâtira. Les agriculteurs doivent être conscients du fait qu’il s’agit là d’un enjeu vital pour leur avenir. Cela est particulièrement vrai pour un certain nombre de productions locales.
Aussi, en zone de montagne, il me semble important de pouvoir construire à partir de 50 mètres des plans d’eau. L’interdiction actuelle de construire à moins de 100 mètres représente un handicap majeur pour un certain nombre de territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Laurent, rapporteur. En tout, 150 communes de France sont riveraines d’un lac de plus de 1 000 hectares.
Vous souhaitez, mon cher collègue, réduire la bande d’interdiction des constructions à 50 mètres pour les plans d’eau intérieurs situés en zone de montagne. Au travers de cet amendement, vous proposez que la délimitation de la bande littorale soit établie sur la base d’un diagnostic approfondi et concerté de chaque commune riveraine d’un lac de montagne. Cette piste me semble intéressante.
L’acte II de la loi Montagne annoncé par le Gouvernement constituera sans doute un véhicule plus adéquat, mais, anticipant ce prochain chantier législatif, la commission émet dès à présent un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Construire est déjà possible dans les zones urbanisées, notamment dans les « dents creuses », y compris dans ces zones.
Par ailleurs, le présent texte ne nous semble pas être le cadre législatif adéquat.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. À nos yeux, une telle remise en cause de la bande des 100 mètres aurait de graves conséquences, au regard non seulement de la sauvegarde des paysages, mais aussi de la lutte contre l’artificialisation des sols et de la préservation de la qualité de l’eau.
Nous sommes donc fermement opposés à cet amendement.
Si l’on s’engage dans cette voie, pourquoi ne pas remettre en cause, ensuite, la limite des 100 mètres fixée par la loi Littoral, qui joue véritablement son rôle ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
CHAPITRE III
Assouplir les procédures autorisant la construction ou l’ouverture d’un secteur à urbanisation
Article 4
(Non modifié)
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 111-5, le mot : « conforme » est supprimé ;
2° À la seconde phrase du 2° de l’article L. 151-11, les deux occurrences du mot : « conforme » sont supprimées. – (Adopté.)
Article 5
Après le deuxième alinéa de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan local d’urbanisme ou la carte communale peut également délimiter des secteurs dans lesquels, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à relancer la construction en milieu rural, des équipements de desserte ont été réalisés ou ont fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent soit directement, soit par l’intermédiaire d’un opérateur foncier et qui peuvent être ouverts à l’urbanisation. » – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces objectifs tiennent compte de la taille des parcelles des communes de montagne ou de faible densité démographique au sens de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. »
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. D. Laurent, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme, après le mot : « expose », sont insérés les mots : «, au regard des capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Laurent, rapporteur. Lorsqu’un bâti existant a été construit sur une parcelle relativement vaste, la portion de celle-ci laissée libre est considérée comme un espace consommable. En conséquence, elle est susceptible d’être ouverte à l’urbanisation.
Cela est cohérent avec la volonté d’urbaniser avant tout par densification des espaces déjà bâtis, et de n’ouvrir que dans un second temps de nouveaux secteurs à l’urbanisation.
C’est ce qui conduit, à l’échelon local, les services de l’État à considérer que les documents d’urbanisme doivent favoriser en priorité la densification des zones urbanisées peu denses par des constructions sur les terrains de plus faible emprise.
Toutefois, les objectifs chiffrés de consommation d’espace définis par les services déconcentrés en tenant compte du potentiel de densification des zones bâties peu denses se révèlent purement théoriques.
En effet, un tel chiffrage fait abstraction de la possibilité, réelle notamment dans les zones rurales, de procéder à des opérations de densification, dans la mesure où elles impliquent nécessairement de diviser des parcelles existantes pour accueillir des constructions nouvelles.
Si des divisions foncières peuvent apparaître économiquement viables dans des zones plus fortement urbanisées, elles ne le sont pas dans les espaces les plus ruraux.
Dès lors, l’objectif de densification ne peut être atteint que par l’emploi de mécanismes de mobilisation du foncier lourds, souvent hors de portée des petites communes.
Ainsi calculé, l’objectif chiffré de consommation de l’espace induit une impossibilité complète de construire, faute de foncier susceptible d’accueillir effectivement une urbanisation. Au regard du droit de la propriété foncière en vigueur, la planification urbaine trouve ici, plus qu’ailleurs, sa limite.
Le présent amendement vise à remédier à cette difficulté. Il s’agit d’imposer la prise en compte, dans le rapport de présentation du plan local d’urbanisme, des capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles dans l’énonciation des dispositions prises pour densifier les espaces bâtis et la limitation des espaces naturels, agricoles ou forestiers.
Lorsqu’elles sont réduites, ces capacités effectives justifieront une extension de l’urbanisation, et en conséquence la définition d’objectifs de modération de consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain réellement adaptés aux contraintes foncières.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, nous souhaitons donner une meilleure lisibilité aux dispositions relatives à la consommation de l’espace devant figurer dans le plan d’aménagement et de développement durable, le PADD.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le rapporteur, votre exposé prouve au moins une chose : en la matière, nous avons besoin de simplification…
Cela étant, les dispositions de la loi ALUR permettent déjà de justifier les choix opérés. Surtout, l’analyse du potentiel de densification permet de prendre en compte les spécificités de tous les territoires, y compris les espaces très ruraux.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Morhet-Richaud, M. Grosdidier, Mme Micouleau, MM. Dufaut, Doligé, Mandelli et Vogel, Mmes Imbert et Di Folco, MM. Vaspart, Revet, A. Marc, Raison et Lefèvre, Mmes Duranton et Deroche, MM. César, Gremillet et Mouiller, Mme Lopez, MM. Laménie, Pointereau, Morisset, Kennel, Longuet et Pierre, Mme Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Vasselle, Masclet, Chaize et Dallier et Mme Loisier, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, après les mots : « les objectifs poursuivis » sont insérés les mots : « dans les grandes lignes proportionnés en fonction des enjeux ».
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Laurent, rapporteur. Le problème soulevé est réel, mais il s’agit d’un cavalier législatif. Aussi la commission demande-t-elle le retrait de cet amendement. Néanmoins, je souscris à l’objectif : il est nécessaire de mettre fin à la jurisprudence issue de l’arrêt du 27 janvier 2015, par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le PLU de Saint-Bon-Tarentaise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il s’agit en effet d’un cavalier législatif. L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 2 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. J’ai bien conscience que ces dispositions n’ont pas leur place dans le présent texte, et je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter est retiré.
Article 7
(Non modifié)
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 153-31 est complété par les mots : «, sauf lorsque cette réduction est indispensable à la réalisation de constructions ou d’installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’activité agricole, pastorale ou forestière exercée sur leur terrain d’assiette et qu’il n’est pas porté atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages » ;
2° L’article L. 153-41 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit de permettre la réalisation d’équipements d’intérêt collectif nécessitant une réduction d’une zone agricole ou naturelle. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Fontaine, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Revet, Portelli, Pellevat et Mayet, Mme Goy-Chavent, M. Bizet, Mme Hummel, MM. Chaize et Pierre, Mme Canayer et M. Fontaine, n'est pas soutenu.
CHAPITRE IV
Dispositions financières
Article 8
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 332-11-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 332-11-1. – Dans les communes situées en zone de montagne ou répondant aux conditions prévues par décret pour l’octroi d’aides pour l’électrification rurale mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut instituer une participation pour voirie et réseaux en vue de financer en tout ou en partie la construction des voies nouvelles ou l’aménagement des voies existantes ainsi que l’établissement ou l’adaptation des réseaux qui leur sont associés, lorsque ces travaux sont réalisés pour permettre l’implantation de nouvelles constructions.
« Pour chaque voie, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme précise les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l’équipement de la voie prévu à terme. Peuvent être financés les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie ainsi que les réseaux d’eau potable, d’électricité et d’assainissement. Les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie comprennent l’éclairage public, le dispositif d’écoulement des eaux pluviales et les éléments nécessaires au passage des réseaux souterrains de communication.
« Seuls les études, les acquisitions foncières et les travaux à réaliser, définis par le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, sont mis à la charge des propriétaires. Lorsqu’une voie préexiste, si aucun aménagement supplémentaire de la voie n’est prévu par le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, ces travaux peuvent ne concerner que les réseaux. Dans ce cas, l’organe délibérant compétent peut prévoir, avec l’accord du ou des établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes compétents pour ces réseaux, que la participation leur sera versée directement ou par l’intermédiaire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, en complément le cas échéant des autres financements que celle-ci affecte à la réalisation de ces travaux.
« Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains. Cette part est répartie entre les propriétaires au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de cette desserte et situés à moins de cent cinquante mètres de la voie. L’organe délibérant compétent peut exclure les terrains qui ne peuvent supporter de constructions du fait de contraintes physiques et les terrains non constructibles du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l’édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme. Lorsque, en application du troisième alinéa du présent article, l’organe délibérant compétent n’a prévu aucun aménagement supplémentaire de la voie et que les travaux portent exclusivement sur les réseaux d’eau et d’électricité, l’organe délibérant compétent peut également exclure les terrains déjà desservis par ces réseaux.
« La participation n’est pas due pour les voies et réseaux compris dans le programme d’équipements publics d’une zone d’aménagement concerté créée en application de l’article L. 311-1 du présent code ou d’une convention de projet urbain partenarial conclue en application de l’article L. 332-11-3.
« Les opérations de construction de logements sociaux mentionnées au 2° de l’article L. 331-7 et au 1° de l’article L. 331-9 peuvent être exemptées de la participation. » ;
2° L’article L. 332-11-2 est ainsi rétabli :
« Art. L. 332-11-2. – La participation prévue à l’article L. 332-11-1 est due à compter de la construction d’un bâtiment sur le terrain.
« Elle est recouvrée, comme en matière de produits locaux, dans des délais fixés par l’autorité qui délivre le permis de construire.
« Toutefois les propriétaires peuvent conclure avec la commune une convention par laquelle ils offrent de verser la participation avant la délivrance d’une autorisation de construire.
« La convention fixe le délai dans lequel la voie et les réseaux seront réalisés et les modalités de règlement de la participation. Elle précise le régime des autres contributions d’urbanisme applicables au terrain, les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et l’état des équipements publics existants ou prévus.
« La convention est, dès publication de la délibération du conseil municipal l’approuvant, créatrice de droit au sens du second alinéa de l’article L. 105-1.
« Si la demande de permis de construire prévue à l’article L. 421-1 est déposée dans le délai de cinq ans à compter de la signature de la convention et respecte les dispositions d’urbanisme mentionnées par la convention, celles-ci ne peuvent être remises en cause pour ce qui concerne le cocontractant de la commune ou ses ayants droit.
« Si la voie ou les réseaux n’ont pas été réalisés dans le délai fixé par la convention, les sommes représentatives du coût des travaux non réalisés sont restituées au propriétaire, sans préjudice des indemnités éventuelles fixées par les tribunaux. »
3° Au I de l’article L. 332-11-3, après les mots : « en tenant lieu », sont insérés les mots : « ainsi que dans les zones constructibles des cartes communales ». – (Adopté.)
Article 9
L’article L. 331-15 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire par des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs :
« 1° Lorsque les travaux sont substantiels ;
« 2° Dans les communes situées en zone de montagne ou répondant aux conditions prévues par décret pour l’octroi d’aides pour l’électrification rurale mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. » ;
2° (nouveau) Au troisième alinéa, après les mots : « finances rectificative pour 2014, », sont insérés les mots : « et au d du 2° du même article L. 332-6-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à relancer la construction en milieu rural, ». – (Adopté.)
Article 10
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 332-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et celle résultant de la loi n° … du … visant à relancer la construction en milieu rural » ;
b) À la seconde phrase, après les mots : « à la même loi », sont ajoutés les mots : « ainsi que celles rétablies par la loi n° … du … précitée » ;
2° Le d du 2° de l’article L. 332-6-1 est ainsi rétabli :
« d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l’article L. 332-11-1. » ;
3° À la première phrase de l’article L. 332-28, après les mots: « pour 2014 », sont insérés les mots : « et celles résultant de la loi n° … du … visant à relancer la construction en milieu rural ».
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. D. Laurent, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) À la seconde phrase, les mots : « même loi » sont remplacés par les mots : « loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 précitée ainsi que celles rétablies par la loi n° … du … précitée » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Laurent, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 238 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 192 |
Contre | 148 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
6
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une République numérique.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Catherine Trœndlé, M. Christophe-André Frassa, M. Philippe Dallier, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Sueur, M. Yves Rome et M. Jean-Pierre Bosino ;
Suppléants : M. Pierre Camani, M. Patrick Chaize, Mme Dominique Gillot, M. Hervé Maurey, Mme Colette Mélot, M. Jean-Claude Requier et M. Bruno Sido.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 2 juin 2016, à dix heures trente, à quatorze heures trente, et, éventuellement, le soir :
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (n° 568, 2015-2016), et de la proposition de loi organique, modifiée par l’Assemblée nationale, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 567, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n° 633, 2015-2016) ;
Textes de la commission (nos 634 et 635, 2015-2016) ;
Avis verbal de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 623, 2015-2016).
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale (n° 461, 2015-2016) ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 636, 2015-2016) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 637, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD