M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Christian Manable. Ma question, qui s’adresse à M. le garde des sceaux, porte sur l’avenir de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, la CNITAAT, institution judiciaire importante, mais méconnue du grand public, voire des élus eux-mêmes.
Cette instance a été créée à Amiens en 1994. Le projet de loi relatif à l’organisation judiciaire prévoyait son éclatement dans les trente-six cours d’appel des tribunaux de grande instance de France. Il semble que les récents débats à l’Assemblée nationale aboutissent à une configuration différente.
Ces évolutions pourraient susciter un problème local, mais aussi national.
En effet, avec plus de 7 000 dossiers traités en 2014, la Cour présente aujourd’hui des chiffres flatteurs quant au volume et à la qualité des décisions rendues, dont seulement 0,35 % font l’objet de cassation. Ce bilan témoigne du haut niveau de technicité et de la qualification très pointue acquis par l’ensemble des personnels de la CNITAAT, soit soixante-quatorze agents au total, magistrats ou agents de la sécurité sociale. Comment imaginer de répartir ces compétences sur tout le territoire ?
De plus, le maintien d’une seule cour nationale assure au justiciable une homogénéité et une cohérence de la jurisprudence dans le contentieux, souvent très technique, de la sécurité sociale.
Enfin, la disparition de la CNITAAT porterait un nouveau coup à l’attractivité d’Amiens, ville déjà marquée par la perte du statut de capitale régionale et par le redéploiement de ses services à Lille, alors qu’Amiens et la Picardie ont plus que jamais besoin de solidarité nationale.
Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous apporter des informations nouvelles sur le maintien ou l’évolution de la CNITAAT à Amiens ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la question que vous posez sur la CNITAAT, dossier que vous connaissez bien en tant que parlementaire de la région concernée, est importante. J’espère dissiper les inquiétudes nées après le débat à l’Assemblée nationale.
Cette juridiction a une technicité tout à fait reconnue sur la justice du quotidien : l’incapacité au travail, l’état et le degré d’invalidité, etc. Selon les chiffres dont je dispose, elle emploie soixante-trois personnes.
Comme toutes les juridictions françaises, quel que soit le domaine de spécialité, elle est perfectible. Vous avez évoqué quelques éléments valorisants. Mais il y a aussi plus de deux ans d’attente devant la Cour. Si elle devait ses activités maintenant, il nous faudrait deux ans avant d’écluser le stock de plus de 15 000 dossiers. Or elle exerce une justice du quotidien, pour laquelle il est nécessaire d’agir vite. Ses délais d’audience sont également considérables : vingt mois en 2014, voire trente et un mois sur les questions d’aptitude.
Il faut avancer. La décision a été prise de créer dans chaque tribunal de grande instance un pôle social, ce qui permettra d’aller plus vite. Toutefois, parce qu’il faut reconnaître la compétence des personnels d’Amiens et leur technicité, que personne ne met en cause, nous avons pris deux dispositions qui vont maintenant être discutées avec les personnels.
Tout d’abord, vous l’avez justement rappelé, il y a trente-six cours d’appel. Comme je n’envisage pas d’en supprimer une, il me semble intéressant de les spécialiser. Nous allons donc proposer à la cour d’appel d’Amiens de se spécialiser dans le contentieux de la tarification. Cela lui permettra de récupérer une activité spécifique qui la confortera.
Ensuite, nous allons préparer un plan d’accompagnement pour permettre aux personnels ne relevant pas du ministère de la justice de l’intégrer par une passerelle ou de regagner leur administration d’origine. Nous tiendrons compte de toutes les situations individuelles dans ce processus.
Je compte sur votre appui, et je reste à votre disposition.
crédits budgétaires alloués à la recherche (IV)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe Les Républicains.
M. Francis Delattre. M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche a beaucoup communiqué sur le fait que notre système de gouvernance serait à bout de souffle.
À l’occasion d’un décret d’avance relativement habituel dans la gestion et l’ajustement des crédits budgétaires, le Parlement découvre une dépense de 900 millions d’euros affectée au plan d’urgence pour l’emploi, annoncé précipitamment le 18 janvier dernier.
L’imagination du Gouvernement l’a conduit à amputer les dotations concentrées sur l’écologie, sur les programmes d’investissement d’avenir et sur la recherche publique, afin de financer ce plan plus ou moins erratique.
Eu égard à ce que nous avons entendu, il n’est pas inutile de rappeler que les crédits de l’Agence nationale de la recherche, bâtiment amiral du secteur, ont été réduits à 520 millions d’euros, contre 857 millions d’euros en 2012.
Gouverner, c’est choisir. Mais que penser de ces 500 000 formations supplémentaires dans un plan d’emploi improvisé, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, et dont l’effet sur les chiffres du chômage sera seulement statistique ? Que penser d’un choix par lequel 256 millions d’euros sont annulés en cours d’année sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui concerne tous nos grands opérateurs, considérés jusqu’à présent comme sanctuarisés ? Il s’agit à 80 % de coupes nettes dans les crédits de ces opérateurs et de leurs programmes de recherche !
Que les ministres responsables nous épargnent leurs palinodies sur la neutralisation de ces mesures, sur des fonds de roulement introuvables, sur les futures vertus d’un futur décret réparateur et, plus encore, sur la régulation ! Il s’agit d’une capitulation ! Vous avez accepté de gérer le secteur de l’excellence, mais vous agissez mal dans ce dossier sensible.
« Il n’y a pas de nation prospère sans une recherche scientifique de qualité », ont écrit solennellement sept prix Nobel. On pourrait ajouter qu’il n’y aura pas non plus de compétitivité de notre économie !
C’est pourquoi le groupe Les Républicains demande à l’unanimité la réinscription immédiate des 256 millions d’euros en faveur de la mission recherche et de ses opérateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, M. le secrétaire d’État Thierry Mandon a eu l’occasion de vous répondre précisément.
Il importe de donner suite aux attentes du monde de la recherche et du monde universitaire. Je reste convaincu, comme chacun ici, que les grandes nations de demain seront celles qui investiront massivement dans l’innovation, la recherche, l’université, c’est-à-dire l’intelligence. Le sujet occupera une place importante dans les grands débats de 2017. Nous considérons donc ce secteur comme prioritaire.
J’ai entendu vos interrogations. Elles sont légitimes et tout à fait passionnantes. D’ailleurs, vous avez déjà obtenu des réponses.
Mais, monsieur Delattre, vous ne proposez rien d’autre que le rétablissement des crédits. Or il est également intéressant de garder à l’esprit ce que votre formation politique propose pour les mois à venir ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Les programmes des candidats à votre primaire sont en effet à peu près unanimes à cet égard. Il ne faut pas mentir aux Français ; ou plutôt, pour être moins désagréable, il faut dire la vérité !
Quand vous proposez une diminution de la dépense publique de 100 milliards d’euros, c’est-à-dire de 5 % du produit intérieur brut, en spécifiant que la police, la défense et la justice ne seront pas concernées – mais, lorsque vous étiez au pouvoir, vous n’ayez eu de cesse de baisser les crédits de fonctionnement et d’investissement dans ces trois domaines ! –, cela signifie nécessairement que les baisses porteront d’abord sur les programmes de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de manière tout à fait tragique pour l’avenir de notre pays ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous proposez, ou plutôt les candidats aux primaires de la droite proposent – j’imagine que vous devez en soutenir un, monsieur le sénateur –, de supprimer 250 000 à 300 000 fonctionnaires, dans la fonction publique tant nationale qu’hospitalière. Dans le même temps, vous affirmez que vous ne toucherez ni à la police, ni à la gendarmerie, ni aux militaires. Or, encore une fois, quand vous étiez au pouvoir, vous n’avez eu de cesse de baisser les effectifs dans la police, la gendarmerie, la justice et la défense en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Si vous respectiez un tel engagement, dans l’hypothèse où les Français vous accorderaient leur confiance, cela représenterait une baisse de 10 % des effectifs de l’école, de l’université et de la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je me souviens des propos tenus entre 2007 et 2012 par le précédent président de la République sur les chercheurs, leurs « paillasses » et la « chaleur » de leurs laboratoires. Avant de nous donner des leçons et de nous expliquer ce que notre action gouvernementale doit être, soyez au clair devant les Français, monsieur le sénateur. Dites-leur la vérité sur les conséquences de votre projet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.)
schéma départemental de coopération intercommunale
M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, pour le groupe Les Républicains.
M. François Commeinhes. Je constate que M. le Premier ministre s’intéresse beaucoup aux primaires du parti Les Républicains…
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Menée à marche forcée, l’introduction des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, qui ont été parachevés le 31 mars dernier, va reconfigurer le paysage de l’intercommunalité dès 2017. Ces schémas sont tantôt cohérents, tantôt ubuesques ; ils ne correspondent ni à l’esprit de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », ni aux vœux de nombreux conseils municipaux. Leurs conséquences sont insuffisamment anticipées par le Gouvernement.
L’une d’elles est liée aux obligations contenues dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », lors d’une extension du périmètre intercommunal. Loin de nous l’idée de remettre en cause les objectifs louables de cette loi en faveur du logement social, mais, en raison de certaines fusions envisagées par ces schémas, des communes qui n’étaient jusqu’à présent pas soumises au constat de carence et aux pénalités afférentes se retrouveront du jour au lendemain en situation d’infraction au regard des objectifs de la loi SRU et devront fournir dans des délais réduits un effort de rattrapage hors de portée.
Pour remédier à une telle impréparation du Gouvernement sur les conséquences de la refonte intercommunale, pourrait-on imaginer que les communes à faible demande en logement social ou insuffisamment desservies en transport en commun et nouvellement soumises au dispositif SRU puissent bénéficier d’un délai raisonnable de plusieurs années avant d’être soumises au constat de carence très coûteux pour les finances locales, délai d’ailleurs prévu dans le prochain projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les efforts en matière de logement social doivent être partagés par l’ensemble des collectivités. La loi SRU a introduit l’objectif, renforcé en 2013, d’un taux minimal de logements sociaux dans les territoires où la pression est la plus importante.
Toutefois, comme vous l’avez souligné à juste titre, dans certains cas, les communes qui ont intégré une nouvelle intercommunalité peuvent être assujetties à l’obligation légale sans avoir eu le temps de l’anticiper.
C’est pourquoi un dispositif dérogatoire a été introduit pour ces communes dans la loi NOTRe, leur accordant une exonération provisoire du prélèvement financier qui s’applique en cas de non-respect du taux légal de logements sociaux. Ainsi, l’article 38 prévoit une période de transition de trois ans pendant laquelle ces communes ne feront pas l’objet du prélèvement pour méconnaissance du taux de logements sociaux. Toutefois, elles restent soumises à l’obligation d’atteindre 25 % de logement social et aux objectifs triennaux.
Dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, préparé par Patrick Kanner, nous irons plus loin, en exonérant de ce prélèvement, pendant trois années à compter du 1er janvier 2015, les communes nouvellement entrantes dans ce dispositif, quelle qu’en soit la raison.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Enfin, concernant le périmètre d’application de la loi, nous leur permettrons de se mettre en adéquation avec la réalité des besoins.
Ainsi, vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pris soin d’anticiper les situations que vous décrivez. Comme toujours, il s’efforce de trouver les bonnes solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)
lutte contre l’islamisation
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, dont nous comprenons évidemment l’absence.
Au lendemain des attentats islamistes de Saint-Denis et de Paris, M. le Premier ministre prenait enfin confiance que le salafisme est en train de gagner la bataille de l’islam en France et en appelait à la fin de l’angélisme et de l’insouciance, allant jusqu’à déclarer que le débat devait se faire non plus seulement entre l’islam et la société, mais bien au sein même de l’islam.
Mais même les naïfs n’auront pas attendu longtemps pour comprendre que ces grandes déclarations ne seraient suivies d’aucune mesure concrète. Dans les faits, les prédicateurs extrémistes trouvent encore sur notre sol des tribunes, et non des moindres : celles offertes par l’Union des organisations islamiques de France, l’UOIF, parrainée, rappelons-le, par Nicolas Sarkozy en 2009.
J’en veux pour preuve la tenue à Marseille, le 27 mars dernier, de la Rencontre annuelle des musulmans du Sud, organisée précisément par l’UOIF. Parmi les conférenciers présents figuraient Tariq Ramadan, proche des Frères musulmans – cette organisation est considérée comme terroriste par de nombreux pays, mais toujours pas par la France –, et un certain Hassan Iquioussen, bien connu pour ses prêches antisémites et pour sa volonté de condamner à la peine de mort les musulmans qui se rendraient coupables d’apostasie ; il va même jusqu’à nier le génocide de 1 500 000 Arméniens. Ces personnes se livrent à un véritable lavage de cerveau, première étape de la formation de djihadistes.
Face à ce qui constituait une véritable provocation, un trouble manifeste à l’ordre public et une atteinte évidente à notre modèle républicain, j’ai demandé au préfet d’interdire cette manifestation. Sa réponse est stupéfiante : « S’agissant d’une manifestation privée, le représentant de l’État n’a pas à s’exprimer sur la liste des personnalités invitées, et l’interdiction d’un tel événement contribuerait à alimenter un amalgame inacceptable et contraire aux valeurs de la République. »
Nos compatriotes, en particulier musulmans, qui subissent quotidiennement la pression de l’endoctrinement des salafistes dans les cités, notamment marseillaises, les familles des victimes du terrorisme de l’islam radical et nos compatriotes d’origine arménienne apprécieront que l’État, par la voix de l’un de ses préfets, se soucie davantage des droits de l’homme islamiste que de la sécurité des citoyens !
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Stéphane Ravier. Une décision contribuerait à faire taire ces ennemis de la France : interdire l’UOIF !
Mme Éliane Assassi. Temps de parole épuisé !
M. Daniel Raoul. C’est fini !
M. Stéphane Ravier. Le Gouvernement est-il réellement déterminé à mener ce combat contre l’islamisme radical, qui passe inévitablement par l’interdiction de l’UOIF ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, la République, qui est laïque par principe – je veux le rappeler –, ne reconnaît que des citoyens. Elle ne trie pas selon les religions ou les appartenances. Elle est un projet commun, fondé sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
La France a une grande histoire et une longue tradition d’accueil. Aujourd’hui, l’islam est la deuxième religion du pays, et nous hébergeons la plus vieille communauté juive d’Europe. Ainsi cohabitent dans l’espace public des églises, des mosquées, des synagogues, des temples, qui ne sont d’ailleurs jamais très éloignés de nos mairies.
Notre défi, notre exigence, c’est que chacun, sans oublier ce qu’il est, se retrouve dans un idéal commun, s’épanouisse, se construise. Cette exigence impose de ne jamais céder à la facilité, à la stigmatisation, à ce penchant mortifère qui consiste à chercher toujours des ennemis, à diviser les Français, à les jeter les uns contre les autres et ainsi à affaiblir notre pays !
En même temps, il faut être lucide. Oui, il y a bien dans notre pays une montée des communautarismes, une poussée des intégristes, une radicalisation ! Le salafisme y prend une part tout à fait importante et dangereuse. Il faut combattre cette poussée. Le Gouvernement le fait sans relâche.
Nous sommes intraitables avec les prêcheurs de haine, qui, sur fond de salafisme, font basculer tant d’individus, de jeunes, dans la haine de l’autre, dans la violence et, parfois, dans le passage à l’acte. Nous sommes intraitables avec ceux qui mettent en cause les lois de la République, qui veulent imposer un contre-modèle, dicter leurs lois et même contester le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Moi, comme chacun ici, j’aime la France et je combattrai toujours ce type de vision. Nous continuerons, avec les armes de l’État de droit, à combattre, à expulser et à interdire chaque fois que cela sera nécessaire. Nous interdirons les prêcheurs de haine. Nous serons extrêmement attentifs à ceux qui, sous couvert d’un discours modéré, contribuent à de telles divisions.
Néanmoins, monsieur le sénateur, puisque votre question n’est pas innocente, je combattrai également toujours votre vision de la société. Je défendrai toujours notre République, laïque, ouverte, tolérante, mais également ferme sur ses principes, ceux-là mêmes que vous détestez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Liberté, indépendance et pluralisme des médias
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’examen de l’article 1er ter, précédemment réservé.
Article 1er ter (précédemment réservé)
I. – L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 2. – I. – Afin de garantir l’information du public dans une société démocratique, le secret des sources est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi.
« A droit à la protection du secret des sources :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;
« 1° bis Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ;
« 2° (Supprimé)
« 3° (Supprimé)
« II. – (Supprimé)
« III. – Constitue une atteinte au secret des sources le fait de chercher à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur une des personnes mentionnées au I.
« Il ne peut être porté atteinte au secret des sources que si cette atteinte est justifiée par la prévention ou la répression, soit d’un crime, soit d’un délit constituant une atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement, soit d’un délit prévu aux titres I et II du livre IV du code pénal puni d’au moins sept ans d’emprisonnement et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
« Il peut également être porté atteinte au secret des sources si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Il est tenu compte pour apprécier la nécessité et la proportionnalité de la gravité des faits et des circonstances de préparation ou de commission de l’infraction.
« Toutefois, une personne mentionnée au I ne peut en aucun cas être obligée de révéler ses sources.
« IV. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources au cours d’une enquête de police judiciaire ou d’une instruction que sur décision d’un juge, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 706-183 à 706-187 du code de procédure pénale. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le livre IV est complété par un titre XXXIV ainsi rédigé :
« TITRE XXXIV
« DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES
« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent titre.
« Pour l’application du présent titre, les informations protégées au titre du secret des sources, les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources et la notion d’atteinte au secret des sources est définie à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Art. 706-184. – Toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsqu’elle est entendue au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine.
« Art. 706-185. – Aucun acte d’enquête ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources sauf s’il est justifié par la prévention ou la répression, soit d’un crime, soit d’un délit constituant une atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement, soit d’un délit prévu aux titres I et II du livre IV du code pénal puni d’au moins sept ans d’emprisonnement et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
« Un acte d’enquête peut également porter atteinte au secret des sources si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Il est tenu compte pour apprécier la nécessité et la proportionnalité de la gravité des faits et des circonstances de préparation ou de commission de l’infraction. »
« À peine de nullité, l’acte doit être préalablement autorisé par ordonnance motivée au regard des conditions prévues au présent article, prise par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République.
« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources, les perquisitions prévues à l’article 56-2 et à l’article 96 doivent être préalablement autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction motivée par référence aux dispositions de l’article 706-185.
« Art. 706-187. – À peine de nullité, lorsqu’ils constituent une atteinte directe ou indirecte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure et les correspondances émises par la voie des télécommunications ayant fait l’objet d’une interception ne peuvent être transcrites que si les conditions prévues à l’article 706-185 sont remplies. » ;
2° Après le mot : « pénal », la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 326 est supprimée ;
3° Le dernier alinéa de l’article 100-5 et le deuxième alinéa des articles 109 et 437 sont supprimés.
III. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 30 000 €. » ;
2° L’article 226-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 €. » ;
3° L’article 323-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 €.
« Lorsque les faits prévus au deuxième alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini au même article 2, l’amende est portée à 150 000 €. » ;
4° Au premier alinéa de l’article 413-11, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;
5° L’article 413-13 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « causé », sont insérés les mots : « une atteinte à l’intégrité physique ou psychique ou » ;
6° L’article 432-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 €. » ;
7° L’article 432-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 €. »
IV. – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.