Mme Audrey Azoulay, ministre. L’extension du système de la licence légale aux webradios facilitera leur accès aux catalogues des producteurs de phonogrammes, et permettra donc le développement de ce marché.
Cette extension vise à traiter de la même façon les différents services de radio, qu’ils soient diffusés par la voie hertzienne ou sur internet. Toutefois, nous devons être vigilants pour que soient bien visés des services comparables et non pas différents.
Cette assimilation connaît une limite tenant à l’interactivité que l’on trouve parfois avec certains services, et il ne faudrait pas que l’application de la licence légale soit possible lorsque le service proposé n’est pas comparable, soit parce qu’il permet à l’utilisateur d’influencer le programme en vue d’écouter telle chanson ou telle émission qu’il choisit, soit qu’il s’agisse de services de webradios qui sont consacrés exclusivement à tel ou tel artiste, qu’il faudrait exclure du champ de la licence légale et garder sous le régime des droits exclusifs. De tels services spécialisés constituent en effet une forme de contournement de l’exercice du droit exclusif, puisqu’ils permettent aux internautes d’accéder au moment voulu au répertoire d’un artiste.
À mon sens, il nous faut à la fois avancer vers la neutralité technologique en étendant la licence légale aux webradios comparables aux radios que nous connaissons et prendre les précautions nécessaires pour ne pas détourner cet amendement de sa finalité.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 81 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, dès lors que ce service ne diffère des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre que par son mode de diffusion et à l’exclusion :
II. – Alinéas 5 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 30.
M. David Assouline. Notre amendement va dans le même sens. Nous avons tous conscience que la licence légale constitue un régime dérogatoire aux droits d’auteur et aux droits voisins classiques.
Il me semble donc primordial d’assujettir à celle-ci les webradios, afin de permettre aux artistes de percevoir la juste rémunération qui leur est due au titre de l’exploitation de leurs œuvres.
Les artistes-interprètes et les producteurs bénéficient d’une rémunération équitable pour exploitation de leurs œuvres et phonogrammes par les radios, rémunération qui a été étendue aux diffusions par les radios numériques.
L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
Dans le texte que notre amendement tend à rétablir, le périmètre de la licence légale n’est étendu qu’aux radios diffusées sur internet en flux continu et aux webradios qui offrent aux internautes la possibilité d’accéder au moment voulu à un enregistrement sans pouvoir choisir leur programmation. Il s’agit donc bien du même usage que celui qui est proposé par les radios hertziennes. Le principe de neutralité technologique des supports est par conséquent parfaitement respecté.
Après avoir entendu les explications de Mme la ministre, qui tendrait plutôt à lever les réticences qu’avait le rapporteur à l’égard de mon amendement, je considère que le Gouvernement avance une solution de compromis susceptible de nous convenir à tous les deux.
Dans ces conditions, je suis prêt à retirer mon amendement si l’amendement du Gouvernement est adopté.
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, dès lors que ce service ne diffère des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre que par son mode de diffusion et à l’exclusion :
II. – Alinéas 5 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Au travers de cet amendement, nous entendons rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 6 bis.
Cela profiterait d’abord aux artistes-interprètes, qui, grâce à l’extension du régime de la licence légale à ces radios en ligne, pourraient obtenir une rémunération au titre de l’exploitation de leurs œuvres. Être rémunéré pour son travail est bien la moindre des choses.
Cela profiterait ensuite aux radios numériques elles-mêmes. En effet, si leur chiffre d’affaires, bien inférieur à celui des radios hertziennes, représente aujourd'hui quelques centaines de milliers d’euros seulement par an, leur intégration dans le champ du régime de la licence légale devrait leur permettre d’accéder de manière plus aisée aux catalogues des producteurs, et ce en toute sécurité juridique. C’est donc une véritable chance de développement qui leur est offerte par le biais de ce dispositif, dont l’adoption leur donnerait la possibilité de tirer profit de la révolution numérique et de bénéficier du soutien du secteur musical.
Par ailleurs, le mécanisme même de licence, certes plus contraignant, pourrait se révéler bien plus pérenne que la voie contractuelle usuellement choisie à l’heure actuelle.
Enfin, cette ouverture ne serait qu’une reconnaissance de l’activité de ces radios en ligne, qui seraient placées sur un pied de neutralité technologique avec les radios hertziennes.
J’ajoute que la mesure ne concerne que les radios en ligne, c'est-à-dire les radios qui diffusent de la musique sans que l’utilisateur choisisse ce qui est diffusé. La précision est essentielle pour distinguer ce qui relève de la radio en ligne des services de musique à la demande.
Justice, reconnaissance, aide au développement : l’extension du mécanisme de licence légale à ces radios en ligne est une mesure à la hauteur des enjeux actuels en termes de diffusion de la création.
Malheureusement, la rédaction de l’article issue des travaux de la commission crée de trop nombreuses dérogations, qui, à terme, de notre point de vue, délégitimeront le recours à une licence légale pour ces radios en ligne et affaibliront le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. En première lecture, la commission avait considéré que l’élargissement du régime de la licence légale aux webradios n’était pas assorti de précisions suffisantes. Nous avions alors exprimé notre crainte de voir les webradios se multiplier, le développement de celles-ci n’étant pas, comme celui des radios hertziennes, limité par le nombre de fréquences exploitables. Avec des moyens très réduits, il est possible de constituer en une après-midi plusieurs centaines de webradios.
Il importe donc d’aborder la question de la neutralité technologique avec précaution. Faute de disposer de précisions et d’analyses suffisantes sur ce sujet, nous avions supprimé l’article 6 bis en première lecture.
L’amendement n° 191 du Gouvernement limite désormais l’extension du régime de la licence légale aux web radios à ce que l’on peut appeler le simulcasting, c’est-à-dire aux services qui ne sont pas dédiés à un artiste unique. Le risque est en effet de voir se créer des radios consacrées à un seul artiste, ce qui mettrait en péril toute une chaîne économique, du streaming jusqu’à la vente de CD.
Après analyse, la commission a estimé que d’autres secteurs étaient menacés par une multiplication des webradios. C’est pourquoi nous avons cherché à encadrer davantage le dispositif. Si le Gouvernement a limité l’extension du régime de la licence légale à un certain type de webradios, nous avons pour notre part prévu que seraient exclus du champ des dispositions de l’article les services comportant des fonctions interactives, les services dont les programmes sont constitués à la demande des auditeurs, les services dont l’écoute est suggérée au public par des systèmes automatisés de recommandations mis en place par les éditeurs desdits services, les services dont les programmes sont majoritairement constitués de phonogrammes d’un même artiste ou issus d’une même publication phonographique.
S’il constitue une avancée, l’amendement du Gouvernement devrait, à mon sens, prévoir quelques restrictions supplémentaires : l’extension du régime de la licence légale aux services que je viens d’évoquer présente des risques.
Madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez apaiser nos craintes sur ces sujets, voire proposer un encadrement de nature à répondre à nos préoccupations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 30 et 81 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je comprends parfaitement les préoccupations exprimées par M. le rapporteur, dont nous ont d’ailleurs également fait part des organisations professionnelles à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Peut-être n’ai-je pas été assez claire tout à l’heure, mais je crois que nous avons essayé d’y répondre. Par notre amendement, nous entendons exclure du champ du régime de la licence légale non seulement les services de radio diffusés par internet qui seraient consacrés exclusivement à un artiste, mais aussi les « services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ».
Quant aux services qui, par le biais d’algorithmes ou d’autres fonctionnalités, seraient, en réalité, des services à la demande, ils n’entrent absolument pas dans le champ des services radiophoniques et ne relèvent pas du régime de la licence légale.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je crois que Mme la ministre vient d’apporter des réponses très précises à vos préoccupations, monsieur le rapporteur.
La rédaction proposée au travers de l’amendement du Gouvernement ne se borne pas à exclure du champ du régime de la licence légale les radios en ligne dédiées à un seul artiste –les y inclure constituerait une forme de détournement et nuirait à l’industrie musicale –, mais constitue un dispositif complet, prenant en compte les restrictions souhaitées par la commission. Si vous pensez, monsieur le rapporteur, qu’il faut encore ajouter une précision, je vous invite à faire dès maintenant une proposition en ce sens. En tout état de cause, les points de vue se sont tellement rapprochés qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement constituerait un retour en arrière.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. On avance !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu lent…
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. J’entends vos arguments, madame la ministre, et je propose de sous-amender votre amendement afin d’ajouter, après les mots « dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète », les mots « un même auteur, un même compositeur ou issu d’une même publication phonographique ». Une telle rédaction, qui viserait l’ensemble d’un répertoire, serait de nature, me semble-t-il, à recueillir l’unanimité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. La « publication phonographique » n’a pas de définition dans le droit de la communication audiovisuelle. Mieux vaudrait, d’un point de vue juridique, écrire « d’un même phonogramme ».
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je suis d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous sommes très satisfaits de cette avancée et retirons l’amendement n° 30 au profit de celui du Gouvernement. Je tiens à remercier M. le rapporteur de son esprit d’ouverture, qui se confirme au fil du débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 est retiré.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance quelques instants, afin de laisser à la commission le temps de parfaire la rédaction de son sous-amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d’un sous-amendement n° 234, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Amendement n°191
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d'un même phonogramme
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 81 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article 7
Le chapitre IV du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 214-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-6. – I. – Sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, le médiateur de la musique est chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou à l’exécution :
« 1° De tout accord entre les artistes-interprètes dont l’interprétation est fixée dans un phonogramme, les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication en ligne mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 2° D’un engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes ;
« 3° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un éditeur de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 4° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un producteur de spectacles.
« Dans le cadre de sa mission, le médiateur peut être saisi par tout artiste-interprète, par tout producteur de phonogrammes, par tout producteur de spectacles ou par tout éditeur de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales. Il peut également être saisi par leurs mandataires ou par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture.
« Pour l’exercice de sa mission, il invite les parties à lui fournir toutes les informations qu’il estime nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, et peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« Le médiateur de la musique exerce sa mission dans le respect des compétences de l’Autorité de la concurrence. Lorsque les faits relevés par le médiateur apparaissent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles mentionnées aux articles L. 420-1 à L. 420-7 du code de commerce, le médiateur saisit l’Autorité de la concurrence. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du même code. Le médiateur peut également saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question de concurrence en application de l’article L. 462-1 dudit code. L’Autorité de la concurrence peut consulter le médiateur sur toute question relevant de sa compétence et lui communiquer, à cette fin, toute saisine entrant dans le champ de cette compétence.
« Lorsque le litige dont il est saisi relève du champ de compétence d’une autre instance de conciliation créée par une convention ou un accord collectif de travail, le médiateur saisit cette instance pour avis. Il se déclare incompétent si cette instance lui en fait la demande.
« Le médiateur de la musique favorise ou suscite toute solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis. Lorsqu’il constate un accord entre les parties, il rédige un procès-verbal de conciliation précisant les mesures à prendre pour le mettre en œuvre. À défaut d’accord entre les parties, le médiateur peut émettre une recommandation proposant des mesures tendant à mettre fin au litige. Il peut rendre publique la décision de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
« II. – Le médiateur de la musique peut faire au ministre chargé de la culture toute proposition que lui paraît appeler l’accomplissement de ses missions. Il met en œuvre toute mesure de nature à favoriser l’adoption de codes des usages entre les organismes professionnels et les sociétés de perception et de répartition des droits représentant les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles ou entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales.
« Le médiateur de la musique adresse chaque année un rapport sur son activité au ministre chargé de la culture. Ce rapport est public. Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la culture.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le médiateur de la musique favorise ou suscite toute solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis. Il rédige un procès-verbal qu'il rend public, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires. En l'absence d'accord entre les parties, il joint au procès-verbal des recommandations tendant à mettre fin au litige.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’instauration du médiateur de la musique permettra, de notre point de vue, de mieux défendre les travailleurs de la musique en accélérant les procédures de conciliation, tout en n’empêchant aucunement le recours à la justice.
Cet amendement vise à généraliser la publication des procès-verbaux établis par le médiateur de la musique, qu’il y ait ou non accord entre les parties. Plusieurs éléments motivent notre proposition, dont je n’ignore pas qu’elle fait débat !
Tout d’abord, il ne nous apparaît pas pertinent de limiter la transparence de la procédure de conciliation au motif du secret des affaires, dans la mesure où rien n’empêche le médiateur de la musique de rédiger un procès-verbal épuré, mais tout à fait utile. La publication d’un procès-verbal est d’ailleurs déjà prévue en cas d’accord, sans que cela pose problème. Ainsi, il faudrait protéger le secret des affaires lorsqu’il y a désaccord et, potentiellement, judiciarisation d’un conflit.
Notre crainte est que la procédure de conciliation ne soit si opaque que, au final, elle desserve toutes les parties. En effet, la réalisation et la publication d’un procès-verbal doivent aussi permettre d’établir un faisceau de preuves en cas de judiciarisation d’un litige.
Il nous semble plus pertinent de faire en sorte que le médiateur de la musique rende public, qu’il y ait accord ou non, un procès-verbal de la réunion de conciliation. Cela peut très bien se faire dans le respect du secret des affaires et sans que le conflit de droit soit irrémédiable.
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer les mots :
publique la décision
par les mots :
public le procès-verbal
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. M. le rapporteur – par souci, dit-il, de la préservation du secret des affaires – a réduit la publicité des actes du médiateur de la musique aux seules décisions de conciliation et recommandations. Ainsi, seules les conclusions pourraient être rendues publiques, pas l’ensemble du procès-verbal, alors que celui-ci contient une multitude de détails du plus grand intérêt tant pour les différentes catégories de représentants de la profession que pour les pouvoirs publics. Il me semble aller de soi que les délibérations respecteront le secret des affaires – au demeurant parfois invoqué à mauvais escient, notamment à l’échelon européen –, tel qu’il est prévu par les lois actuelles.
Je ne vois pas pourquoi M. le rapporteur, qui est très attaché à la transparence, s’opposerait à un tel amendement. De toutes parts, des voix s’élèvent pour dénoncer le manque de transparence. En tant qu’élus, nous sommes bien placés pour savoir que celle-ci, quand elle est utile, permet de dissiper les rumeurs et de prévenir les procès d’intention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 82 rectifié, outre que la rédaction proposée ne m’apparaît pas des plus heureuses et comporte quelques ambiguïtés, elle constitue un recul. En effet, si cet amendement prévoit que le procès-verbal soit rendu public, il n’y est pas fait mention des décisions ni des recommandations du médiateur de la musique.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
L’amendement n° 31 va dans le même sens. Certes, nous sommes tous favorables à la transparence, mais, dans la mesure où les documents en question peuvent concerner plusieurs artistes et faire état d’informations pouvant relever du secret des affaires, je ne suis pas favorable à un tel niveau de publicité. Je préfère limiter celle-ci aux décisions et aux recommandations du médiateur, qui sont au fond seules utiles en termes de jurisprudence.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 31.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. L’amendement n° 82 rectifié vise la publication des procès-verbaux du médiateur de la musique, et pas uniquement celle des décisions et recommandations. Il va toutefois au-delà, puisqu’il prévoit de systématiser la rédaction de ces procès-verbaux et de rendre leur publication obligatoire, alors que, aujourd'hui, c’est une simple faculté offerte au médiateur.
Je suis sensible au souci de transparence qui anime les auteurs des amendements, mais je le suis aussi aux préoccupations exprimées par M. le rapporteur s’agissant de la protection du secret des affaires.
De plus, je ne suis pas certaine que le médiateur souhaitera que la publication de ses décisions soit systématique.
Quant à l’amendement n° 31, qui tend à rétablir la rédaction initiale du texte, il ouvre la possibilité de rendre publics les procès-verbaux de conciliation. Le médiateur de la musique n’aura pas de pouvoir d’injonction. Son pouvoir d’influence réside avant tout dans la possibilité qui lui est offerte de rendre publics les résultats de sa médiation, qu’elle ait ou non abouti à un accord. Faut-il aller jusqu’à prévoir la publication des procès-verbaux ? Il s’agit non d’une obligation, mais d’une simple possibilité. Comme je l’ai indiqué au sujet de l’amendement n° 82 rectifié, je suis aussi sensible à la protection du secret des affaires qu’à la transparence.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis AA
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
2° bis (nouveau) Après le 2° de l’article L. 211-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective, lorsque ces reproductions sont réalisées strictement dans les conditions et par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 311-4. Un accord professionnel entre les éditeurs de radio ou de télévision et les distributeurs définit préalablement les fonctionnalités et modalités de mise en œuvre de ces moyens de reproduction et de leurs espaces de stockage distant. À défaut d’accord avant le 1er janvier 2017, les fonctionnalités et modalités de ces moyens de reproduction et de leurs espaces de stockage distant sont fixés par décret en Conseil d’État ; »
3° L’article L. 311-4 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette rémunération est également versée par l’éditeur d’un service de radio ou de télévision ou son distributeur, au sens de l’article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui met à la disposition d’une personne physique un espace de stockage à distance sur lequel sont conservées les reproductions d’œuvres réalisées par cette personne physique pour son usage privé à partir d’un programme diffusé de manière linéaire par cet éditeur ou son distributeur avec lequel il a établi une relation contractuelle au sens du même article 2-1, à partir ou à l’aide d’un dispositif fourni par l’éditeur ou le distributeur de ce service de radio ou de télévision, sous réserve que chaque reproduction soit mise en œuvre par cette personne physique avant la diffusion du programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante. » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou, dans le cas mentionné au deuxième alinéa, du nombre d’utilisateurs du service de stockage proposé par l’éditeur ou le distributeur du service de radio ou de télévision et des capacités de stockage mises à disposition par cet éditeur ou ce distributeur » ;
c) La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et, dans le cas mentionné au deuxième alinéa, des capacités de stockage mises à disposition par un éditeur ou un distributeur d’un service de radio ou de télévision » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « support », sont insérés les mots : « ou une capacité de stockage mise à disposition par un éditeur ou un distributeur de service de radio ou de télévision » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article.
M. Pierre Laurent. Cet article vise à étendre l’assujettissement à la rémunération pour copie privée aux éditeurs et aux distributeurs permettant l’enregistrement à distance des programmes, le NPVR ou network personal video recorder. Cette mesure ne fait, en définitive, que prendre en compte les évolutions des jurisprudences européenne et nationale depuis 2010 et le rapport d’octobre 2012 du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Il nous semble que légiférer aujourd’hui sur cette question est un message fort envoyé aux créateurs et aux ayants droit quant à la survie de la rémunération pour copie privée, et aux citoyens quant à leur légitime droit à regarder un programme télévisé en direct, mais aussi en différé par le biais de l’enregistrement.
Certains arguent que cela pourrait mettre à mal les systèmes de replay. Or considérer que l’enregistrement tuera la télévision de rattrapage, c’est oublier que là où le NPVR a été mis en place, par exemple aux Pays-Bas, cela a permis au contraire une montée en puissance de la télévision de rattrapage, coupant notamment l’herbe sous le pied à la reproduction illégale sur internet.
D’autres considèrent que cela aura pour conséquence de tuer la vidéo à la demande par abonnement et que les gens se constitueront des stocks énormes d’enregistrements. Nous pensons que, bien que le risque existe, ce phénomène ne peut être que minoritaire ou transitoire, comme on l’a vu pour les VHS, et il ne semble par ailleurs pas confirmé par les études d’usage menées à l’étranger. En tout état de cause, il sera toujours possible, le cas échéant, d’élaborer un accord limitant les flux d’enregistrement.
À ce stade, il nous paraît important de légiférer pour donner le feu vert à l’extension de l’assujettissement à la rémunération pour copie privée à ces nouvelles pratiques d’enregistrement, quitte à ce que des négociations soient menées sur ce sujet entre éditeurs et distributeurs.