M. Claude Raynal. Il s’agit de chiffres précis, nous n’en sommes plus au stade des estimations : nous sommes très loin du tableau dramatique dressé par certains.
Venons-en maintenant au détail de la situation financière en 2015, dernier exercice pour lequel nous disposons de données arrêtées. Cette année constituait, après la baisse entamée en 2014, la première année de baisse des dotations au rythme de 2,1 milliards d’euros par an pour le bloc communal, dont 1,45 milliard d’euros pour les seules communes.
Lorsque l’on analyse les chiffres de 2015, on constate, d’un point de vue macroéconomique, que la situation financière des communes est restée stable.
Du côté des recettes, les recettes fiscales ont progressé de plus de 3 % en 2015, du fait du dynamisme naturel de certaines taxes, comme la CVAE, mais également de la revalorisation forfaitaire des bases fiscales. Des communes ont aussi voté des hausses d’impôt. Mais comment ne pas s’étonner que ce choix ait d’abord relevé de nouvelles équipes municipales qui se créaient, en fait et avant tout, de nouvelles marges de manœuvre ? Au total, la ressource supplémentaire s’est élevée à près de 1,5 milliard d’euros, soit l’équivalent de la baisse des dotations.
Toutes recettes de fonctionnement confondues, la progression a même été de 1,2 milliard d’euros de plus qu’en 2014, malgré la baisse de la DGF. À ce titre, parler d’effondrement des recettes communales demande donc, a minima, d’être nuancé.
M. François Baroin. Alors, ça va mieux ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Raynal. Du côté des dépenses courantes, les élus locaux ont pris leur part dans l’effort de la Nation. La progression a été considérablement freinée ; elle est inférieure à 1 % en 2015, très proche de l’inflation, ce qui est inédit. La progression des dépenses de personnel a été notamment divisée par plus de deux. Redresser les comptes de la Nation qui avaient été si dégradés pendant près de dix ans était un défi considérable. En 2015, les élus locaux auront effectivement pris courageusement toute leur part dans ce combat ; il faut leur en rendre hommage.
Dans un budget de collectivité, le niveau d’épargne brute, nous le savons tous, doit faire l’objet de toutes les attentions : en 2015, globalement, ce ratio progresse de nouveau, de plus de 4 % !
J’en profite pour faire remarquer que certaines études qui ont été citées tout à l’heure forcent souvent le trait. Que n’avons-nous lu et entendu concernant, par exemple, les effets de la baisse des dotations sur l’autofinancement des communes et intercommunalités : celui-ci aurait dû très rapidement s’effondrer ! Le problème de ces analyses, nous le savons, c’est qu’elles « fonctionnent » généralement toutes à politique inchangée, choix politiques constants, en prolongeant les tendances, de manière linéaire. Or les élus locaux prouvent tous les jours leurs capacités d’adaptation.
M. Francis Delattre. Heureusement !
M. Claude Raynal. Les temps ont changé, l’argent public sera plus rare ; il est donc inutile de raisonner sur la base des volumes financiers passés. Les communes ont su réexaminer intelligemment leurs dépenses publiques, la qualité de leurs services, la part de ceux-ci devant relever d’une tarification plutôt que de l’impôt. C’est ce travail de précision qui, au final, a permis pour une large part cette progression d’épargne brute en 2015.
La situation financière que je viens de rappeler brièvement, fondée sur des données objectives, doit contribuer à battre en brèche – sur ce point, je vous rejoins, monsieur Baroin – le sempiternel procès en légitimité auquel doivent faire face les acteurs locaux en matière de gestion et de finances.
En revanche, je le reconnais, la question de l’investissement local se pose.
M. François Baroin. Alors, tout ne va pas mieux ?...
M. Claude Raynal. En 2015, hors remboursement de la dette, les dépenses d’investissement des communes ont de nouveau fortement diminué, de plus de 10 %, soit une baisse proche de celle qu’elles ont déjà connue en 2014.
Oui, la Cour des comptes l’a souligné à l’automne dernier, le cycle électoral n’explique qu’« en partie » cette baisse, qui est vraisemblablement supérieure à celle qui est due au renouvellement municipal.
Les réformes territoriales ambitieuses soutenues depuis deux ans constituent également une partie de l’explication, avec un report de l’investissement ; elles doivent maintenant être digérées par les collectivités – pensons, par exemple, à la nouvelle carte intercommunale.
La baisse des dotations constitue sans doute une autre part de l’explication. Le groupe socialiste et républicain du Sénat l’a souligné lors des précédents débats budgétaires : sans remettre en cause ni le montant global ni surtout l’objectif de la contribution, à savoir la nécessité que l’ensemble des acteurs publics apportent leur part au désendettement de la France, le rythme de diminution des dotations est, sans doute, trop rapide. Prévu sur trois ans, entre 2015 et 2017, il s’agit d’un effort inédit et relativement brutal.
M. François Baroin. Alors, ça va mieux ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Raynal. Nous avions souhaité, et proposé au Sénat dès l’automne 2014, un étalement de l’effort sur quatre ans,…
M. Francis Delattre. Vous avez vite retiré cette proposition !
M. Claude Raynal. … considérant que cette durée était plus pertinente au regard des particularismes des budgets locaux, notamment marqués par une inertie forte sur la section de fonctionnement.
Sur ce point, nous n’avons pas changé d’avis. (Exclamations sur les mêmes travées.) En 2017, une nouvelle diminution des ressources d’un montant équivalent à ceux de 2015 et de 2016 nécessiterait, pour un grand nombre de collectivités, des ajustements fiscaux plus importants.
En effet, si l’on n’y prend pas garde, nos collectivités pourraient alors se retrouver dans un scénario à l’italienne : soumises dans les années récentes à une diminution des ressources de même ordre que celle que nous connaissons, les collectivités italiennes ont vu leur niveau d’investissement chuter parallèlement de 40 %.
M. François Baroin. Il n’y a plus de maire à Rome !
M. Claude Raynal. Toutefois, conscients du risque, le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont pris en parallèle de nombreuses mesures depuis deux ans pour soutenir l’investissement local. En particulier, un fonds de soutien à l’investissement a été créé, d’un montant de 1 milliard d’euros, dont 500 millions d’euros en faveur des territoires ruraux, avec la consigne, donnée aux préfets en début d’année, d’engager la totalité de ce fonds d’ici à la fin de cette année. Ce fonds de soutien a également été accompagné de plusieurs autres mesures, comme les remboursements au titre du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.
Au total, ce sont plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires par an dont les collectivités bénéficieront, sans parler des augmentations de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de la création d’un fonds de 100 millions d’euros pour les maires bâtisseurs. L’ensemble de ces dispositions vont dans le sens du soutien à l’investissement local.
Ce panel de mesures va de pair avec la volonté de ce gouvernement, à travers la politique de péréquation, de réduire les inégalités territoriales, et de permettre, par là même, aux territoires faiblement dotés de continuer à pouvoir investir. Ainsi, cette année, le Fonds national des ressources intercommunales et communales, le FPIC, a été prévu pour 1 milliard d’euros, les dotations destinées aux territoires urbains et ruraux défavorisés, la DSU et la DSR, ont augmenté, ce qui a permis à nombre d’entre eux de compenser, pour une large part, la baisse des dotations.
Nous devons aujourd’hui tracer de nouvelles voies pour les finances publiques locales, comme cela a été signalé. Le paradigme financier a changé. Nous ne renouerons sans doute pas avec les niveaux de croissance que nous avons connus durant les trente glorieuses. Il faudra que nous nous adaptions à cette croissance très limitée dans les années à venir.
Ceux qui nous convoquent aujourd’hui sont totalement muets sur ce sujet. Fait inquiétant, rien n’est dit sur la part prise par les collectivités locales dans leur programme d’économie annoncé de 100 milliards d’euros.
Nous ne regarderons pas ce qui se passe chez nos voisins européens, puisque Charles Guené et moi-même avions rédigé un rapport sur ce sujet.
Comme nous l’avons indiqué, cette affaire n’est pas seulement franco-française. Au-delà des collectivités françaises, c’est l’ensemble du système européen qui est concerné.
Je n’évoquerai que très brièvement la réforme de la DGF. Depuis la publication du rapport rédigé par Christine Pires-Beaune et Jean Germain, nous visons le même objectif en matière de réforme de la DGF, à savoir déterminer des critères plus lisibles, plus justes, et donc plus efficaces en termes de répartition des deniers publics. Ce travail est en cours.
Des propositions concrètes permettront d’améliorer le dispositif présenté qui posait un certain nombre de difficultés. Il ne nous échappe pas pour autant qu’une réforme de la DGF est difficilement compatible avec la poursuite du prélèvement et une nouvelle augmentation du FPIC. Quoi qu’il en soit, les éléments constitutifs de cette nouvelle DGF seront sur la table.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez-vous conclure !
M. Claude Raynal. Je terminerai en abordant la question des finances des communes.
Nous pouvons légitimement nous interroger, d’une part, sur la capacité de certaines d’entre elles d’absorber une nouvelle contribution au redressement des finances publiques, et, d’autre part, sur le niveau de ladite contribution.
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, monsieur Raynal !
M. Claude Raynal. Il faut surtout mettre en lumière et saluer les efforts du Gouvernement en matière de solidarité territoriale, de soutien à l’investissement et d’incitation aux regroupements communaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Francis Delattre. Il est en service commandé !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, même si ce débat est proposé par les membres du groupe Les Républicains, force est de constater qu’il renvoie à un mouvement de contestation général, mené par des élus locaux de gauche comme de droite,…
M. François Grosdidier. Et même des écologistes !
M. André Gattolin. … face à la poursuite de la baisse de la dotation globale de fonctionnement.
Alors que le Gouvernement en appelle à la responsabilité des collectivités, il ne semble pas avoir l’audace d’aller au bout de sa démarche.
En effet, si les collectivités doivent être traitées en acteurs responsables, pourquoi ne pas les avoir associées à la préparation du programme de stabilité qui les concerne substantiellement ? Surtout, pourquoi ne pas leur confier enfin une réelle autonomie financière, pour simplement leur donner les moyens d’une politique qui leur soit propre ?
Quand l’État capte à son profit la moindre recette fiscale et diminue ensuite unilatéralement les dotations, il s’agit moins de responsabilisation que d’une forme d’assujettissement… Chacun, dans cet hémicycle, a en tête les difficultés budgétaires, parfois graves, de telle ou telle collectivité – plusieurs exemples ont déjà été évoqués.
Toutefois, les conséquences de cette politique ne sont pas seulement locales. Selon une étude réalisée par l’Assemblée des communautés de France et la Caisse des dépôts et consignations, l’investissement public a baissé de 9,6 % entre 2012 et 2015. Or les collectivités sont le premier investisseur public. Le bloc communal assure à lui seul près de la moitié de l’investissement public civil ! En l’asséchant, le Gouvernement prive le pays d’un effet d’entraînement avéré sur l’investissement privé et sur l’économie dans son ensemble. Il incite également à recourir aux partenariats public-privé que Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli avaient très justement qualifiés de « bombes à retardement » dans un rapport de 2014.
Au problème du montant des dotations, s’ajoute celui de la répartition, car la baisse de dotations s’applique indifféremment. Elle ne fait l’objet d’aucune péréquation pour « répartir l’effort en fonction de la richesse », comme l’avaient noté Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, dans leur rapport sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017.
La DGF, dont le montant par habitant varie aujourd’hui de un à quatre, souffre d’un vrai manque de justice et de lisibilité politique.
Lors de l’examen du projet de loi NOTRe, le groupe écologiste avait ainsi déposé un amendement visant à fixer une fourchette maximale d’écarts de richesse entre collectivités, prenant en compte différents critères, non nécessairement monétaires.
De même, alors que les collectivités locales sont des acteurs centraux de l’adaptation aux changements climatiques, rien, dans les dotations, a fortiori dans le contexte de baisse que nous connaissons, ne vient soutenir ce nécessaire effort. À quand une dotation dédiée aux communes et intercommunalités s’engageant dans des plans ambitieux de transition énergétique ?
Pour finir, je ne peux passer sous silence les affres qu’a entraînées, dans mon département des Hauts-de-Seine, l’instauration du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, plus communément appelé « FPIC ».
Pour ce qui concerne le territoire Paris Ouest-La Défense, qui regroupe aujourd’hui onze communes et auquel 17,6 millions d’euros doivent être reversés au titre du PFIC, les villes de Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret refusent de participer, laissant leur charge aux autres membres du territoire ayant fait partie d’une ancienne agglomération comme Nanterre, Suresnes et Rueil-Malmaison. De ce fait, Nanterre, qui est la ville de ce territoire concentrant la population aux plus faibles revenus, verra en 2016 son budget amputé de 9,5 millions d’euros au titre du FPIC, en complément d’une DGF à la baisse de 4,4 millions d’euros.
En conclusion, le groupe écologiste s’oppose clairement aux baisses de ressources financières qui frappent aujourd’hui aveuglément nos communes et nos intercommunalités.
Si nous rejoignons, à cet égard, les initiateurs de ce débat, nos analyses divergent cependant assez rapidement. En effet, bien que la question vous ait déjà été posée plus de cent fois, chers collègues de la majorité sénatoriale, nous n’avons toujours pas compris comment les 100 à 150 milliards d’euros d’économies budgétaires nouvelles que vous appelez de vos vœux pourront épargner davantage qu’aujourd’hui les finances de nos collectivités. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Bertrand. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous recommande un ouvrage, les « 60 engagements » du candidat Hollande de 2012, trop méconnu. L’engagement 54 disposait : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. »
Deux ans plus tard, M. Valls arrive ; il annonce immédiatement une participation des collectivités territoriales à l’effort de redressement des comptes publics de 11 milliards d’euros et oublie toute pratique contractuelle. Même sous le gouvernement Jospin, une contractualisation, une discussion permettait de dégager un accord de mandature.
Tout cela est accompagné d’une campagne médiatique présentant les collectivités comme dépensières, laissant s’envoler leurs budgets, en particulier sociaux. En réalité, après avoir fait les poches des entreprises et des Français, il était urgent de faire celles des collectivités territoriales. Après le choc fiscal, le choc des reniements !
Aujourd’hui, la baisse drastique des dotations affecte fortement les budgets et conduit de nombreuses villes – mes chers collègues, j’en suis, pour ma part, à mon sixième mandat – soit à augmenter la fiscalité, soit à réduire considérablement leurs investissements, voire parfois à supprimer des services entiers.
Selon l’AMF, comme l’a rappelé brillamment son président, une nouvelle ponction de 3,7 milliards d’euros nous conduira à 28 milliards d’euros cumulés de 2014 à 2017, prélevés sur nos ressources. Qui peut ignorer les effets néfastes, parfois tragiques, de ce phénomène sur l’économie des territoires et sur l’emploi de demain ? L’emploi local, lui, n’est pas délocalisable.
Même les magistrats de la Cour des comptes, souvent critiques, reconnaissent que la hausse de la masse salariale, reprochée si souvent aux élus, a été provoquée pour moitié par des mesures décidées à Paris.
Mes chers collègues, qui décide en effet la politique salariale de la fonction publique territoriale ? Qui annonce régulièrement des plans crèches ambitieux aux journaux télévisés ? Qui les réalise avec les normes drastiques qui nous sont imposées ? Qui organise la désertification des commissariats en banlieue ? Enfin, qui paye pour sauvegarder une sécurité à laquelle tout Français a droit, en mettant en place des polices municipales ?
Le poste « crèches » et le poste « sécurité » représentent 80°% des emplois créés ces cinq dernières années dans les collectivités territoriales.
Qui est responsable ? Qui ne l’est pas ?
Un léger espoir était apparu lorsque le groupe de travail sur la DGF – tous ceux d’entre vous qui en étaient membres se souviennent parfaitement de cet épisode – a rencontré pour la première fois M. le ministre chargé des collectivités territoriales. M. Baylet, benoîtement, nous a dit : « Je ne vois pas le Président de la République venir au congrès sans quelques annonces favorables aux communes ». Moment de grâce ! Le ministre semblait connaître les difficultés des élus à établir leurs budgets.
Mais dès le lendemain, le ministère du budget a démenti cette déclaration. Il rappelait les chiffres de l’exécution budgétaire dont il est le seul maître et précisait : « La situation des collectivités n’est pas si mauvaise », soulignant que leur capacité d’autofinancement « enflait ». Ce terme a toute son importance !
MM. Sapin et Eckert ont donc déduit instantanément que les collectivités pouvaient de nouveau subir le choc de la baisse de 3,5 milliards d’euros supplémentaires de dotations en 2017 ! Ces déclarations sont à la hauteur de leurs performances dans le pilotage des finances publiques du pays. Pour se justifier, ils ont précisé que les dépenses de fonctionnement des collectivités augmentaient malgré la baisse des prix de l’énergie et des dotations. C’est peut-être vrai, mais entamer les possibilités d’investissement, dont tout le monde a expliqué l’intérêt pour l’économie de nos territoires, entraînerait un choc extrêmement important en contradiction avec le constat opéré par le ministre chargé des collectivités territoriales lui-même. Ce serait inquiétant !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Francis Delattre. Aujourd’hui, comme l’a indiqué Mme Rabault, l’État capte 1 000 milliards d’euros pour en donner 20 milliards aux collectivités territoriales.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, monsieur Delattre !
M. Francis Delattre. Mes chers collègues, au vu des services rendus à la population, le moment venu, nos concitoyens sauront apprécier la réalité des responsabilités des uns et des autres… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le couple commune-intercommunalité joue effectivement un rôle majeur dans la vie quotidienne des territoires et dans l’activité économique de notre pays.
Nous devons conforter ces deux échelons de collectivités. Ceux-ci ne sont pas redondants ; au contraire, ils sont parfaitement cohérents, complémentaires et efficaces concrètement sur le terrain, garants du lien de proximité avec les habitants. Avec plus de 30 milliards d’euros d’investissement en 2015, et malgré une baisse de 22 % en deux ans, ils assurent plus de 60 % de l’investissement public local, jouant ainsi un rôle primordial dans le soutien à l’emploi et le maintien du tissu industriel, artisanal et commercial au sein de tous les territoires de France.
Toutefois, pour remplir pleinement ses missions, le bloc communal doit disposer des moyens nécessaires. Pour cela, nous devons agir sur quatre leviers.
Premièrement, après trois années consécutives de baisse de la DGF pour le nécessaire redressement des comptes publics de la Nation – 9 milliards d’euros, dont 5 milliards pour le bloc communal –, il me paraît indispensable que l’année 2017 soit marquée par une pause.
Deuxièmement, dans un cadre financier global que nous savons contraint, la répartition des dotations de l’État entre les collectivités doit mieux tenir compte de la richesse et des charges des territoires. Il s’agit d’une simple mesure d’équité. C’est tout l’enjeu de la réforme engagée de la DGF ; nous devons la conduire à son terme et la réussir.
Troisièmement, le principe de l’autonomie fiscale des collectivités locales doit enfin être respecté. C’est l’un des fondements mêmes de la décentralisation. Or il est régulièrement bafoué par une succession d’exonérations et de réformes fiscales non compensées par des recettes dynamiques et qui constituent, au fil du temps, des pertes de ressources extrêmement importantes pour les collectivités.
Les élus ont besoin de visibilité sur leurs recettes fiscales, il faut leur en laisser la maîtrise.
De la même façon, il est urgent de marquer une pause dans les transferts de charges.
Quatrièmement, plusieurs dispositifs de soutien à l’investissement local mis en place par l’État – DETR, Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, ou FNADT, fonds d’aide à l’investissement local, entre autres – ont une réelle incidence. Ils doivent être confortés, mais contractualisés avec les territoires pour passer d’une logique de guichet à une logique de projet.
Enfin, je veux évoquer l’avenir de la ruralité. En effet, la question de la situation financière du bloc communal, dans un contexte général de diminution des dépenses de l’État, soulève immédiatement celle des moyens accordés à la ruralité.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le dis avec sérénité, mais aussi avec force et détermination, la ruralité ne doit pas être perçue comme un problème pour notre pays : c’est une chance !
Dans une France dont la population croît chaque année d’environ 300 000 habitants, agir aujourd’hui pour bâtir demain une ruralité vivante, habitée, productrice de richesses agricoles, environnementales, une ruralité connectée au monde, donner aujourd’hui à la ruralité les moyens de réussir son adaptation à la société du XXIe siècle, ce n’est pas de l’assistanat. C’est au contraire faire preuve d’anticipation, de lucidité, de responsabilité collective pour préparer l’équilibre et la cohésion sociale de la société française dans laquelle vivront nos enfants.
Il est temps que l’aménagement du territoire prenne toute sa place au cœur de notre politique nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec plus de 2 000 milliards d’euros de dette publique, soit l’équivalent du PIB, la France doit redresser ses comptes. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Il faut cesser de dépenser plus qu’on ne prélève. Mais comment s’est creusée cette dette ?
L’État emprunte pour payer ses fonctionnaires et représente près de 80 % de la dette publique. La sécurité sociale emprunte pour rembourser les soins et représente plus de 10 % de la dette. Les collectivités n’empruntent que pour investir. Elles représentent moins de 10 % de la dette publique et 70 % de l’investissement public.
Injustement, le Gouvernement a décidé de faire porter sur ces dernières l’essentiel de l’effort du redressement.
L’État ne réduit pas son budget. L’État recrute. Il baisse même l’impôt sur le revenu. Depuis quelques semaines, il ouvre les robinets. Parallèlement, il réduit de 30 % les dotations et oblige les collectivités à augmenter les impôts locaux.
Le président Mitterrand avait été à l’initiative des transferts de compétences. Le président Hollande a inventé le transfert de l’impôt, en espérant le transfert de l’impopularité. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Proportionnellement, il enlève davantage aux départements qu’aux régions, davantage encore aux intercommunalités, et plus encore aux communes.
Or plus les collectivités sont petites, moins elles ont de « gras » et de réserves de productivité. Plus la collectivité est petite, plus elle dépense avec parcimonie, parce qu’elle a appris à faire plus avec moins, et parce que chaque dépense est beaucoup plus visible.
Vous voulez croire que gérer les lycées depuis les très grandes régions coûtera moins cher. C’est l’inverse !
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. François Grosdidier. Vous voulez croire que les compétences obligatoires transférées aux intercommunalités et la mutualisation systématique dégageront nécessairement des économies d’échelle. C’est l’inverse, quand on allonge les circuits de décision et d’exécution !
La mutualisation peut fournir des économies dans les services supports, mais à moyen et long termes, jamais à court terme, alors que la réduction des dotations, c’est maintenant.
Il n’y a aucun dogme en la matière, ni du small ni du big is beautiful. Il faut choisir l’échelon pertinent pour chaque compétence, conformément au principe de subsidiarité.
De surcroît, les communes subissent le contrecoup de la baisse des dotations des autres collectivités. Régions et départements ont dû répercuter sur elles les réductions qu’elles ont elles-mêmes subies ! Par la voix de Mme Lebranchu, le Gouvernement le leur avait d’ailleurs recommandé, en leur suggérant de se concentrer sur leurs propres compétences pour absorber la baisse de leurs dotations…
Les intercommunalités, quant à elles, sont parfois poussées à réduire ou à supprimer les dotations de solidarité et les fonds de concours.
C’est donc la double peine pour les communes, et même la triple peine si l’on considère l’augmentation des dépenses obligatoires : dépenses sociales ; rythmes scolaires ; accessibilité ; crédits de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, et de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC ; dépenses liées aux catégories C, etc.
La situation est intenable !
Elle avait pourtant été parfaitement prévue par le rapport d’information consacré à l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, présenté par nos collègues Dallier, Guené et Mézard, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
Ce document concluait à l’impasse financière. C’était en novembre 2014. Le Gouvernement a contesté ce diagnostic, qui s’est, hélas, révélé exact. Or le Gouvernement est resté tout aussi sourd à tous les cris d’alarme lancés par l’Association des maires de France.
L’autofinancement se rapproche de zéro. En raison de l’inertie des dépenses de fonctionnement et des hausses imposées par l’État, la seule variable d’ajustement est l’investissement, avec un effet récessionniste catastrophique pour la croissance et l’emploi.
Comment sortir de cette situation ?
Madame la secrétaire d’État, nous ne vous demandons même pas de tenir l’engagement électoral de M. Hollande, ce qui consisterait à revenir au niveau des dotations de 2011.
Nous ne vous demandons pas non plus de revenir sur vos réformes qui renchérissent les coûts de fonctionnement, alors que les précédentes, comme celle du conseiller territorial, auraient dégagé des économies. En effet, faire et défaire, c’est encore et toujours gaspiller. De plus, les collectivités territoriales comme les entreprises ont avant tout besoin de stabilité.