M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article, qui revient sur un avantage fiscal consenti en faveur des entreprises investissant dans la fibre optique, nous donne une nouvelle fois l’occasion de revenir sur le caractère ubuesque de la construction de ce marché dit « concurrentiel », alors que les risques sont pour le moins limités, les opérateurs privés étant libres de n’intervenir qu’en zone rentable.
En l’occurrence, il est proposé de partager de manière égale les bénéfices de cet avantage fiscal entre l’opérateur historique, Orange, et les autres opérateurs. Il s’agit en fait de reconnaître la notion de « droits d’usage cédés ».
Nous sommes, pour notre part, très réservés sur ce mode d’intervention en général. Nous préférons le plus souvent une intervention directe par l’État plutôt que l’instauration de dispositifs fiscaux, très difficiles à contrôler et à limiter.
Les investissements pour la fibre optique devraient être non pas simplement encouragés fiscalement par la puissance publique, mais bien planifiés par elle, dans le cadre d’un plan qui ne dépendrait pas uniquement de la bonne volonté des opérateurs privés ou des collectivités territoriales.
La vision stratégique du numérique mérite mieux.
Nous proposons, vous le savez, mes chers collègues, d’étendre le service universel au très haut débit. Malheureusement, un tel amendement est systématiquement jugé irrecevable. Pourtant, nous considérons que donner cet objectif d’intégration du très haut débit au service universel serait un immense progrès de la société, le gage sur l’ensemble du territoire de l’accès égal à un service public devenu essentiel pour les populations. Une telle intégration permettrait également à l’État de financer ce service sans craindre de l’Union européenne.
M. le président. L'amendement n° 634, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 39 decies du code général des impôts est ainsi modifié :
A. Le I est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2017 » ;
2° Au 6°, la date : « 31 décembre 2016 » est remplacée par la date : « 14 avril 2017 » ;
3° Au 7°, la seconde phrase est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :
« Ces biens peuvent bénéficier de la déduction quelles que soient leurs modalités d’amortissement. En cas de cession de droits d'usage portant sur les biens mentionnés à la première phrase du présent 7°, le montant des investissements éligibles est égal à la différence entre le montant total des investissements effectués, hors frais financiers, et le montant ouvrant droit à la déduction des droits d'usage cédés à une entreprise tierce. Par dérogation au premier alinéa du présent I, les entreprises titulaires d'un droit d'usage portant sur ces biens peuvent déduire une somme égale à 40 % du montant facturé au titre de ce droit d'usage pour sa fraction afférente au prix d’acquisition ou de fabrication des biens, y compris par dérogation à la première phrase du présent 7°, lorsque ces biens font partie de réseaux ayant fait l’objet d’une aide versée par une personne publique. Par dérogation au même premier alinéa, la déduction s'applique aux biens mentionnés au présent 7° qui sont acquis ou fabriqués par l'entreprise à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au 14 avril 2017 et aux droits d’usage des biens acquis ou fabriqués au cours de la même période qui font l’objet d’une cession avant le 15 avril 2017. »
4° Après le huitième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 8° Les logiciels qui contribuent à des opérations industrielles de fabrication et de transformation. Par dérogation au premier alinéa, la déduction s’applique aux biens mentionnés au présent 8° quelles que soient leurs modalités d’amortissement ;
« 9° Les appareils informatiques prévus pour une utilisation au sein d’une baie informatique acquis ou fabriqués par l’entreprise et les machines destinées au calcul intensif acquises de façon intégrée, à compter du 12 avril 2016 et jusqu’au 14 avril 2017. Par dérogation au premier alinéa, la déduction s’applique aux biens mentionnés au présent 9° quelles que soient leurs modalités d’amortissement. » ;
5° Le dixième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « , conclu à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016, » sont supprimés ;
b) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces contrats sont ceux conclus à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés aux 1° à 6° et au 8°, à compter du 1er janvier 2016 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés au 7° et à compter du 12 avril 2016 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés au 9°. » ;
c) À la deuxième phrase, le mot : « huitième » est remplacé par le mot : « onzième ».
B. Le II est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La deuxième occurrence du mot : « les » est remplacée par le mot : « des » ;
b) L’année : « 2016 » est remplacée par les mots : « 2017, d’une part au titre des biens affectés exclusivement à des opérations exonérées, d’autre part au titre des biens affectés à la fois à des opérations exonérées et à des opérations taxables au prorata du chiffre d’affaires des opérations exonérées rapporté au chiffre d’affaires total » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « , déterminée à proportion » sont remplacés par les mots : « ainsi déterminée égale à la proportion ».
II. – Le B du I s’applique aux biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par les coopératives à compter du 26 avril 2016.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Avant toute chose, j’aimerais vous répondre très brièvement, madame Assassi, et vous rappeler que la définition du service universel, telle qu’elle existe dans le code des postes et des communications électroniques, provient de la transposition d’une directive européenne consacrée au sujet. Je rappellerai également que le Gouvernement français demande avec beaucoup d’insistance à la Commission européenne et à ses partenaires européens, dans le cadre de la révision du « paquet Télécom » engagée à Bruxelles, que cette définition soit modifiée.
En effet, madame la sénatrice, je vous l’accorde : la définition actuelle du service universel ne correspond plus du tout à la réalité des usages de nos concitoyens. C’est pourquoi je demande avec tant de fermeté que cette définition intègre notamment une dimension relative à internet. D’ailleurs, j’ai encore eu cette discussion voilà quelques jours avec mon homologue britannique, pour ne citer que lui.
J’en viens à l’amendement du Gouvernement. Celui-ci vise à soutenir l’investissement des entreprises, dans sa dimension numérique plus particulièrement bien sûr, mais aussi l’investissement considéré dans un sens plus large.
Nous défendons l’idée que, pour faire repartir la production industrielle en France, il faut non seulement aider nos entreprises à développer leurs marges, mais aussi faire en sorte que cette amélioration contribue à relancer l’investissement productif, entendu comme un investissement en faveur de l’innovation. C’est en effet la compétitivité-qualité que nous devons encourager dans nos entreprises.
L’an dernier, il y a un an plus exactement, nous avons pris une série de mesures pour favoriser l’investissement des entreprises. Ces mesures ont produit des résultats très concrets, puisque tous les chiffres démontrent que la reprise de l’investissement des entreprises a enfin lieu en France.
Parmi ces mesures, on trouve la disposition consacrée au suramortissement fiscal introduite dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui permet aux entreprises de pratiquer un suramortissement de 40 % pour leurs investissements productifs. Concrètement, cela signifie que 13 % du montant des investissements réalisés par une entreprise qui acquitte un niveau normal d’impôt sur les sociétés peut être déduit de cet impôt.
Initialement destinée à durer jusqu’au 15 avril dernier, cette mesure a très bien fonctionné. Depuis son annonce, l’investissement dans les biens concernés par le champ d’application du dispositif a été dynamique puisqu’il a connu une hausse de 1,9 % au deuxième trimestre de l’année dernière et de 2,2 % au troisième trimestre de la même année. Il faut remonter au début de l’année 2011 pour observer une progression aussi rapide.
À titre d’illustration, l’INSEE a noté une forte progression des ventes de machines-outils et de la fourniture d’équipements industriels, biens qui sont particulièrement concernés par le suramortissement et qui ont respectivement augmenté de 6 % et de 5,4 %. Nous agissons donc bien en faveur d’une politique proactive de ré-industrialisation de notre pays !
Dans le même temps, les investissements dans les produits qui n’étaient majoritairement pas éligibles au suramortissement, comme les biens d’équipement de l’information et de la communication, ont moins progressé, voire reculé. Globalement, les estimations de l’INSEE montrent que cette mesure de suramortissement rehausse l’investissement sur tous les produits manufacturés de 0,2 point à 0,4 point par trimestre.
Compte tenu de ces résultats, le Gouvernement a décidé de prolonger cette disposition dans le temps et de l’adapter pour faire entrer dans son champ d’application des investissements qui n’y figuraient pas jusqu’alors. Vous vous doutez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une partie de ces investissements concernent le secteur du numérique.
Je vous prie de m’excuser d’être un peu longue, mais il me semble primordial de détailler le contenu exact de l’amendement que je vous propose.
Celui-ci a plus précisément pour objet de proroger jusqu’au 14 avril 2017 la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement productif, et ce pour l’ensemble des investissements déjà concernés, et d’en étendre le champ d’application à certains équipements informatiques, en appui de la démarche engagée pour la numérisation de l’ensemble de notre tissu productif, notamment au travers du plan « Industrie du futur ».
Il vise également à rendre applicable l’extension de la déduction exceptionnelle aux réseaux de fibre optique. Sur ce point, il faut noter que l’article 37 D prévoit déjà que cette extension puisse bénéficier non seulement aux entreprises qui construisent ou acquièrent un tel réseau, et qui en sont propriétaires, mais aussi aux opérateurs qui cofinancent un réseau et qui sont à ce titre titulaires d’un droit d’usage de celui-ci.
Il s’agit là d’une mesure qui favorise un maillage plus fin du territoire et qui assure donc une couverture numérique qui réponde davantage aux besoins exprimés, en particulier dans les zones les moins denses sur le plan démographique.
L’amendement du Gouvernement a aussi pour objet de préciser les modalités d’application de la déduction exceptionnelle accordée aux opérateurs titulaires de droits d’usage sur un réseau de fibre optique. Cette déduction ne porte que sur le montant du droit d’usage facturé, étant entendu que, dans le cas où ce montant comprendrait une composante représentative de l’entretien, cette fraction ne bénéficierait pas de ladite déduction.
Je rappelle en outre que les frais financiers sont également exclus du coût éligible des investissements.
S’agissant des co-investisseurs sur un réseau de fibre optique et à la différence des constructeurs de réseaux, la déduction exceptionnelle est étendue aux réseaux qui font l’objet d’une aide publique, ce qui correspond à une demande légitime, exprimée à plusieurs reprises par les membres de la Haute Assemblée. En effet, l’existence d’une aide attribuée par une personne publique n’est pas de nature à modifier les conditions de marché, sans lesquelles les cofinanceurs souscrivent leur droit d’usage au titre d’un réseau.
Pour finir, l’amendement tend à prévoir que la déduction s’applique au droit d’usage cédé avant le 15 avril de l’année prochaine au titre de réseaux eux-mêmes construits ou acquis entre le 1er janvier de cette année et le 15 avril de l’année prochaine.
J’ajoute que la rédaction actuelle de l’article 37 D introduit une ambiguïté qui pourrait éventuellement laisser penser que la déduction s’applique à des droits d’usage qui ne portent pas uniquement sur les biens précités. Or il n’est pas envisageable d’avantager les cofinanceurs par rapport aux opérateurs qui sont propriétaires de réseaux.
Enfin, et j’en terminerai là, j’indique que le dispositif proposé vient compléter une instruction fiscale qui a été déjà publiée.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à soutenir cet amendement afin d’accélérer encore davantage l’investissement numérique et la couverture numérique de nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je serai bien en peine de vous donner l’avis de la commission. En effet, celle-ci n’a pas pu se réunir à temps, dans la mesure où l’amendement a été déposé il y a peu.
Toutefois, je suis presque certain que la commission aurait émis un avis très favorable sur cet amendement, puisque nous avions voté la prolongation d’une année du suramortissement Macron lors de la dernière loi de finances, et ce contre l’avis du Gouvernement. Ce dernier a manifestement changé de position, ce dont nous nous réjouissons !
Je rappelle du reste que ce suramortissement était à l’origine une idée de la majorité sénatoriale, qui a elle-même été reprise par Emmanuel Macron l’an dernier.
Ce rappel est uniquement destiné à confirmer le fait que nous ne pouvons qu’être favorables à un tel dispositif. Aussi, nous nous réjouissons de constater que celui-ci donne des résultats !
S’agissant de l’extension de son champ d’application, nous y sommes là encore favorables. À titre personnel, je trouve toutefois que l’élargissement de la mesure aux appareils informatiques utilisés dans le cadre d’une baie informatique répond à un drôle de critère. Je le dis simplement pour l’anecdote, mais où va-t-on si le fait de pouvoir « racker » un équipement le rend désormais éligible au dispositif ? (Sourires.) Quoi qu’il en soit, la mesure est intéressante.
J’aurais tout de même deux questions à poser. En tant que membre de la commission des finances, je souhaiterais tout d’abord savoir, madame la secrétaire d’État, si vous êtes capable de nous donner une estimation du coût de l’amendement que vos proposez ? Après tout, si tout cela fonctionne aussi bien et, pourquoi pas, mieux encore demain qu’aujourd’hui, il faudra trouver l’argent nécessaire !
Ma seconde question porte davantage sur le fond du sujet : il est tout à fait exact que les dispositions ciblées dans le temps produisent un fort effet incitatif. Leur but est d’ailleurs bien d’accélérer l’investissement et de le relancer. Dès lors que votre amendement tend à repousser le dispositif en vigueur d’un an, que se passera-t-il selon vous à l’issue de cette prorogation, madame la secrétaire d’État ? (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l’article 37 D est ainsi rédigé et les amendements nos 175 rectifié et 372 rectifié n’ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit, Chasseing, Chatillon, Cornu et Danesi, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Husson, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne et Mandelli, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller et Vaspart, est ainsi libellé :
I. - Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du 7° du I de l’article 39 decies du code général des impôts, les mots : « ne faisant pas l’objet d’une aide versée par une personne publique » sont supprimés.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 372 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, Bignon, Commeinhes, B. Fournier, de Nicolaÿ, Vaspart, P. Leroy et Bizet, Mme Deroche, MM. Laménie, Lefèvre, de Legge, Husson, Doligé et Lemoyne, Mme Cayeux et MM. Mouiller, Rapin et Pointereau, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 7° du I du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent I, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon un régime réel d'imposition, titulaires d’un droit d’usage portant sur des réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique établis dans les conditions prévues à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % du montant facturé au titre de ce droit d’usage. Par dérogation au même premier alinéa, la déduction s’applique aux droits d’usage mentionnés au présent alinéa qui sont acquis par l’entreprise à compter du 1er janvier 2017 et jusqu’au 31 décembre 2017. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article additionnel après l’article 37 D
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 373 rectifié est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli, Bignon, Commeinhes, B. Fournier, Vaspart, P. Leroy et Bizet, Mme Deroche, MM. Laménie, Lefèvre, de Legge, Husson et Doligé, Mme Cayeux et MM. Mouiller, Rapin et Pointereau.
L’amendement n° 409 rectifié est présenté par MM. Camani, Roux, F. Marc, Sueur, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste, républicain et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 37 D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque des collectivités territoriales cèdent des droits permanents, irrévocables et exclusifs d’usage de longue durée de réseaux de communications électroniques, ceux-ci peuvent être comptabilisés, en totalité, l’année de leur encaissement, en section d’investissement.
Lorsque des collectivités territoriales acquièrent des droits permanents, irrévocables et exclusifs d’usage de longue durée de réseaux de communications électroniques, ceux-ci peuvent être comptabilisés en section d’investissement.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 373 rectifié.
M. Patrick Chaize. Le présent amendement vise à remédier à une difficulté comptable qui affecte l’ensemble des parties prenantes au déploiement des réseaux d’initiative publique en inscrivant en section d’investissement les dépenses et les recettes liées au droit d’usage sur des réseaux de communication électronique.
Afin de répartir le bénéfice du dispositif de suramortissement des investissements entre opérateurs privés, l’article 37 D du projet de loi appréhende les droits d’usage acquis par les opérateurs privés sur ces réseaux comme des investissements. Or les droits d’usage acquis ou cédés par les collectivités territoriales ne bénéficient pas d’un traitement comptable similaire et restent considérés comme des dépenses ou des charges de fonctionnement.
Il est pourtant fondamental pour l’économie des réseaux d’initiative publique que les droits irrévocables d’usage de réseaux de communications électroniques, acquis ou vendus par une collectivité territoriale, puissent être imputés en section d’investissement. Cela contribuera à équilibrer plus facilement les budgets annuels des réseaux d’initiative publique en limitant leurs besoins en trésorerie et en facilitant le financement des coûts liés à l’acquisition des droits d’usage.
Cette évolution est d’autant plus souhaitable que le cahier des charges du plan « France très haut débit » contraint les collectivités territoriales à acquérir de tels droits d’usage sur certains segments du réseau, pour ne pas dupliquer les infrastructures existantes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani, pour présenter l'amendement n° 409 rectifié.
M. Pierre Camani. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement. Il aurait peut-être fallu entrer davantage dans le détail, car, dès lors qu’il s’agit de recettes, je ne comprends pas ce que cela change d’inscrire les droits d’usage en section d’investissement plutôt qu’en section de fonctionnement.
M. Patrick Chaize. Si, c’est très important pour l’amortissement !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Effectivement, vous avez raison, c’est essentiel pour l’amortissement. Dans ce cas, nous attendons l’avis du Gouvernement, mais nous sommes plutôt favorables à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je remercie les membres de la Haute Assemblée d’avoir attiré l’attention du Gouvernement sur un sujet important, qui traduit la volonté de simplifier et de faciliter la réalisation des projets de réseaux d’initiative publique par les collectivités territoriales, et plus précisément leur montage financier.
L’objectif est très largement partagé. Même si le dispositif de votre amendement ne relève pas du domaine de la loi, monsieur le sénateur, il a le mérite d’avoir contribué à porter ce débat au niveau interministériel et au sein de l’administration même de Bercy, qui s’est engagée à modifier sa doctrine fiscale sur le sujet.
Il s’agit donc d’une affaire à suivre et c’est pourquoi je vous demanderai à ce stade, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Personnellement, je souhaite que les amendements soient maintenus, ce qui permettrait de sécuriser la volonté exprimée par Bercy et de pleinement nous rassurer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 373 rectifié et 409 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 37 D.
Article 37 E
L’article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne qui fournit l’accès met en œuvre une péréquation tarifaire à l’échelle de la zone de déploiement, elle peut réserver l’application de cette péréquation aux seuls opérateurs qui ne déploient pas de lignes à très haut débit en fibre optique permettant de desservir des logements situés dans cette zone. » ;
2° (nouveau) Au dernier alinéa, après le mot : « proportionnée », sont insérés les mots : « notamment dans le temps en fonction des coûts de déploiement, ».
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 37 E vise à lutter contre l’implantation sélective de réseaux par les opérateurs numériques et la création de réseaux concurrents en zone rentable, alors même que ces réseaux seraient mutualisés à d’autres endroits. Nous souscrivons parfaitement à l’objectif d’une meilleure régulation du secteur, comme nous l’avons déjà dit.
Pour autant, nous aurions souhaité des mesures plus audacieuses que la simple faculté offerte à un opérateur de réseaux de fibre optique de réserver le bénéfice de la péréquation tarifaire aux opérateurs qui ne déploient pas une infrastructure particulière sur une partie seulement de ce réseau. Si une telle mesure va dans le bon sens, pensez-vous vraiment, mes chers collègues, qu’elle sera réellement dissuasive ?
Il faut instaurer des règles bien plus strictes en matière d’implantation d’infrastructures. Le dédoublement des réseaux devrait tout simplement être interdit, car il est coûteux, inefficace et inutile pour les usagers.
Je le répète : les infrastructures devraient être la propriété de la puissance publique et n’être qu’à la disposition des différents opérateurs. On s’éviterait ainsi bien des ennuis administratifs et juridiques !
Que nous le voulions ou non, il existe un problème de financement en la matière, car, monsieur Sido, le simple pragmatisme ne va pas remplir les caisses ! Là encore, il nous semble que les réseaux devraient être mutualisés sur l’ensemble du territoire national et financés non seulement par les opérateurs dont les marges sont considérables, mais également par la puissance publique en tant que telle, parce qu’il s’agit, à l’évidence, d’un service public essentiel pour nos concitoyens !
M. le président. L’amendement n° 349 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche et Tandonnet, et l’amendement n° 346 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère, Cigolotti, Delcros et Détraigne, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Marseille, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche et Tandonnet, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 590, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La modification introduite à l’article 37 E par la commission des lois remet en cause l’exigence de complétude des déploiements de réseaux à très haut débit pour couvrir l’intégralité du territoire. Rien ne serait pire en effet que le déploiement incomplet de réseaux dans une commune, comme le déploiement limité d’un réseau à un centre-ville plus dense et donc plus rentable à couvrir, qui aurait alors seul accès au très haut débit.
Cette modification permet de moduler dans le temps les obligations de déploiement en fonction des coûts. Si elle résulte d’un souhait que je comprends parfaitement, elle est contre-productive. En effet, il est impossible de faire une distinction entre la zone d’initiative publique et le reste du territoire puisque, vous le savez, le cadre réglementaire s’applique sans distinction à tout opérateur. La distinction réalisée risque donc d’aboutir au relâchement du calendrier de déploiement des opérateurs privés dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement, les zones AMII, à rebours de l’objectif d’accélération du plan « France très haut débit ».