Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La question de M. Vasselle est très légitime : pourquoi la période de sûreté pendant laquelle aucun aménagement de peine n’est possible ne peut-elle être portée de trente à quarante ans ?
Si l’on regarde les choses hors de leur contexte juridique, on ne voit pas ce qui nous en empêche. Et si rien ne nous en empêchait, je voterais cette mesure des deux mains. Mais la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’admet qu’une période de sûreté de vingt-six ans après la condamnation. En tenant compte de la détention préventive, nous espérons qu’une durée de trente ans puisse passer de justesse. En tout état de cause, on ne peut aller plus loin.
Ces contraintes résultent de la parole de la France. Nous sommes liés par notre signature auprès du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mais ce n’est pas tout. Il faut également tenir compte des limites posées par la Constitution de 1958 et par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle le Conseil constitutionnel a déjà fait référence, comme dans beaucoup d’autres domaines, et dont il a tiré des conséquences qui nous obligent. Nous sommes donc doublement en danger.
Je n’y suis pour rien – et je le regrette –, mais c’est ainsi. Mon seul souci est celui de l’efficacité. Je souhaiterais que nous puissions aller aussi loin que possible dans la bonne direction : celle de la sévérité afin d’assurer la protection de la société. Puissions-nous être confiants dans le fait que les magistrats, d’ici à trente ans, aient les moyens de se montrer encore plus fermes qu’actuellement.
À cet égard, vous avez cité l’exemple de Georges Ibrahim Abdallah, dont les crimes ne sont pas aussi graves que ceux que l’on reproche aux terroristes d’aujourd’hui et qui a pourtant cherché en vain à obtenir une libération conditionnelle qu’avec constance, et heureusement – si tant est qu’un parlementaire puisse se permettre de porter une appréciation sur une décision de justice –, les magistrats ont toujours refusé de lui accorder.
Je voulais vous répondre très précisément, monsieur Vasselle, car votre préoccupation est légitime. Je suis sûr que beaucoup de nos collègues la partagent. C’est vraiment à mon corps défendant que je vous fais cette réponse.
Encore une fois, si nous ne sommes pas suffisamment rigoureux ce soir, nous allons au-devant d’un échec dont nous ne sortirons pas grandis.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Si je devais résumer ce débat, je dirais qu’il s’agit du combat du cœur et de la raison.
La raison nous dit que la peine perpétuelle existe et que la commission en a encore durci les conditions.
Le cœur nous dit : « plus jamais ça ! » Ce que nous avons vécu est abominable et ne doit plus jamais se reproduire. Plus encore, nous voudrions pouvoir faire en sorte que tout cela ne soit jamais arrivé, n’ait jamais existé.
Or ce n’est pas en durcissant une loi qui n’en a pas besoin que nous pourrons revenir en arrière ou prendre des assurances éternelles pour l’avenir.
On ne pourra sans doute pas se convaincre les uns les autres, mais qu’est-ce que cela apportera de plus, sur le plan pratique, de modifier le quantum des peines ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Notre pays traverse une situation d’une extrême gravité à laquelle fait écho ce débat.
L’analyse juridique de notre rapporteur, que je soutiens, reprise par le ministre et par beaucoup d’entre nous est juste : de nombreux obstacles s’opposent au durcissement de ce dispositif.
Par ailleurs, je crois nécessaire de lever un malentendu sur la période de sûreté, dont le terme n’est pas synonyme de péril maximum, de libération du condamné, qui serait autorisé à reprendre une vie normale, comme le pensent nombre de nos concitoyens.
Notre rapporteur et le président de la commission des lois ont parfaitement expliqué qu’il s’agit d’une période au cours de laquelle aucun aménagement de peine n’est possible. À l’issue de la période de sûreté, la responsabilité des magistrats reste entière et l’expérience montre qu’ils savent se montrer à la hauteur des enjeux.
Je suis frappée d’entendre, dans tout l’hémicycle, autant de voix différentes plaider dans le même sens : le ministre, notre rapporteur, qui a excellemment et calmement exposé la situation, le président de la commission des lois, le président Mézard, la présidente Assassi, mes collègues du groupe socialiste et républicain qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet et tant d’autres de nos collègues.
À l’heure de prendre notre décision, efforçons-nous de conserver notre calme et cessons d’agiter de faux problèmes. Je le répète, l’idée selon laquelle le condamné retrouve automatiquement sa liberté à la fin de la période de sûreté est fausse, archifausse, à la fois juridiquement et dans les faits.
Nous avons la chance d’avoir sur ce texte un rapporteur dont les avis sont souvent empreints d’une extrême sagesse. Dans l’intérêt de notre institution, tâchons d’entendre et de suivre cette sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur Grand, le sous-amendement n° 257 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 257 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 189 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 7 |
Contre | 332 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Le sous-amendement n° 258 rectifié est-il maintenu, monsieur Grand ?
M. Jean-Pierre Grand. Oui, il faut aller au bout de cette logique infernale !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 258 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Les modalités du scrutin public ont de rares vertus !
Naturellement, si l’amendement de la commission est adopté, les autres amendements, et notamment celui que j’ai déposé, deviendront sans objet, je n’ai aucune illusion sur ce point.
Solidaire avec Jean-Pierre Grand, je voterai le sous-amendement n° 258 rectifié, sans plus d’illusions sur le résultat du scrutin, mais conscient qu’il faut aller jusqu’au bout des choses.
Monsieur le rapporteur, quel qu’ait été mon vote sur ces sous-amendements, je voterai l’amendement de la commission, malgré l’opposition de M. le garde des sceaux, qui considère que les dispositions prévues ne sont pas réalisables. Tout de même ! Si on conserve une durée de trente ans, il semble possible de poser des conditions visant à durcir le système. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur et M. le président de la commission d’aller dans ce sens.
Monsieur le garde des sceaux, le gouvernement français et les commissions ont constamment à l’esprit la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme, que je respecte. Toutefois, lorsque la situation change, les textes doivent peut-être également changer. Bien sûr, Mme Assassi a raison : pour ma part, je ne reconnais pas non plus un État islamique. Pour autant, j’accepte l’idée de la guerre.
Monsieur le ministre, si vous êtes persuadé que la France est en guerre, que l’Europe est en guerre, il convient probablement de faire évoluer les conventions et l’ensemble des textes. Vous me parlez d’arrêts de 1994 : ils ont été pris à une époque où il n’y avait quasiment pas de terrorisme en Europe !
Mme Cécile Cukierman. Et les attentats de 1995 ?
M. Roger Karoutchi. À un moment donné, il faut faire évoluer les textes ! Cela relève de votre responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Je suis dans le même état d’esprit que Roger Karoutchi. Je maintiens ce sous-amendement, tout en sachant que le scrutin public donnera à peu près le même résultat que précédemment.
Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, l’incarcération de trente ans n’est mentionnée nulle part. Cela n’existe pas ! C’est un effet de séance. Au demeurant, nous respectons absolument la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, je ne vois pas le Conseil constitutionnel censurer la disposition que nous proposons. S’il devait intervenir, monsieur le rapporteur, sa censure porterait sur les mesures complémentaires que vous avez annoncées et que M. le ministre a opportunément dénoncées au regard du droit. Le Conseil constitutionnel ne s’opposerait pas, nous le savons parfaitement, à une période de sûreté de quarante ans, que je soumets à votre approbation, mes chers collègues.
Il s’agit bien d’un vote politique. L’étape suivante sera celle de la commission mixte paritaire, au cours de laquelle, naturellement, les mesures complémentaires disparaîtront. Vous acquiescez, monsieur le ministre, et vous avez raison !
Mes chers collègues, je vous demande de réfléchir : dans le cadre d’un scrutin public, on saura ce que chacun d’entre vous aura voté, l’analyse du vote figurant au Journal officiel.
Je connais la tradition selon laquelle la position du groupe majoritaire est en harmonie avec celle de la commission. Mais il s’agit là, je vous le rappelle, d’un vote politique. Nous avons été menés en bateau dans cette affaire, ce que je déplore profondément.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Tout en respectant la réflexion et l’argumentation qui ont conduit M. Grand à présenter ces sous-amendements, je souhaite faire observer à mes collègues que tous les votes intervenus ici ont été politiques. Ceux qui ont choisi, après réflexion, de suivre la commission, l’ont fait en vertu d’une motivation politique, qui mérite autant le respect que celle de ceux qui s’y sont opposés.
Monsieur Grand, vous faites, je le souligne, un pari hasardeux. Ceux qui ont, dans cette assemblée, soutenu l’amendement et l’équilibre proposés par le rapporteur continueront à le faire dans le cadre de la commission mixte paritaire. Même si le Gouvernement nous donne une indication différente, pour se garder le temps de la réflexion, je fais le pari que le texte définitif adopté à la suite d’un accord en commission mixte paritaire sera celui sur lequel nous nous engagerons aujourd'hui par notre vote. (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le fait que M. Grand maintienne son sous-amendement, pour les raisons qu’il vient de développer, doit nous interpeller, en dépit de l’argumentation de M. le garde des sceaux et de M. le président de la commission des lois, qui m’a d’ailleurs conduit à faire évoluer ma position sur le sous-amendement précédent.
Cela étant, on ne peut rester indifférent à cette situation. J’entends bien l’argument selon lequel les dispositions prévues par ces sous-amendements seraient inconstitutionnelles ou risqueraient d’être sanctionnées par la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, notre pays devrait en tirer des enseignements, et prendre l’initiative de sensibiliser nos collègues européens à cette question, pour faire évoluer la Convention européenne des droits de l’homme. Car ce que vient de vivre la France, d’autres pays, notamment la Belgique, l’ont également vécu.
Faisons évoluer la législation européenne, de manière que le droit des autres pays évolue dans le sens que nous souhaitons !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 258 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 190 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 4 |
Contre | 336 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 243.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 191 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 314 |
Contre | 30 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
En conséquence, les amendements nos 1 rectifié, 6 rectifié et 18 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 4 ter A, modifié.
(L'article 4 ter A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4 ter A
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 716-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Quand il y a eu détention provisoire à quelque stade que ce soit de la procédure, cette détention est également intégralement déduite de la durée de la période de sûreté dont la peine est, le cas échéant, accompagnée nonobstant l’exécution simultanée d’autres peines d’emprisonnement. » ;
2° Après l'article 720-2, il est inséré un article 720-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 720-2-1. – Lorsque la personne condamnée exécute plusieurs peines qui ne sont pas en concours et toutes assorties d’une période de sûreté, ces périodes de sûreté s’exécutent cumulativement et de manière continue.
« En cas de condamnations en concours comportant toutes des périodes de sûreté, la période de sûreté à exécuter sera réduite au maximum des deux tiers de ces condamnations après leur réduction au maximum légal. Si une peine de réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée, les périodes de sûreté s’exécutent cumulativement dans la limite de 22 ans ou, le cas échéant, la période de sûreté fixée spécialement par la cour d’assises en application du deuxième alinéa de l’article 221-3, du dernier alinéa de l’article 221-4 et de l’article 421-7 du code pénal.
« Lorsque la personne condamnée exécute plusieurs peines assorties d’une période de sûreté et qui ont fait l’objet d’une confusion, la durée de la période de sûreté à exécuter est celle de la période de sûreté la plus longue. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement tend à clarifier le régime juridique de la période de sûreté, c’est-à-dire la modalité d’exécution de la peine, en précisant que la durée de la détention provisoire, exécutée dans le cadre de la même procédure, est imputée sur celle de la période de sûreté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter A.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Buffet, Allizard, G. Bailly, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mme Debré, M. Delattre, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois et Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert et Husson, Mme Imbert, M. Joyandet, Mmes Kammermann et Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Lemoyne, Lenoir et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le titre XV du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté
« Art. 706-25-15. – À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l’issue d’un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive, peuvent faire l’objet à l’issue de cette peine d’une rétention de sûreté selon les modalités prévues par la présente section, à la condition qu’elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle.
« La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si le tribunal correctionnel ou la cour d’assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine d’un réexamen de sa situation en vue d’une éventuelle rétention de sûreté.
« La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge destinée à permettre la fin de cette mesure.
« Art. 706-25-16. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-25-15 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.
« À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté dans le cas où :
« 1° Les obligations résultant de l’inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, ainsi que, le cas échéant, les obligations résultant d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptible d’être prononcé dans le cadre d’une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-25-15 ;
« 2° Et si cette rétention constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.
« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle peut renvoyer, le cas échéant, le dossier au juge de l’application des peines pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire.
« Art. 706-25-17. – La décision de rétention de sûreté est prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente. Cette juridiction est composée d’un président de chambre et de deux conseillers de la cour d’appel, désignés par le premier président de cette cour pour une durée de trois ans.
« Cette juridiction est saisie à cette fin par le procureur général, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la libération du condamné. Elle statue après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.
« La décision de rétention de sûreté doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l’article 706-25-16.
« Cette décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la peine du condamné.
« Elle peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de cette cour.
« La juridiction nationale statue par une décision motivée, susceptible d’un pourvoi en cassation.
« Art. 706-25-18. – La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d’un an.
« La rétention de sûreté peut être renouvelée, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, selon les modalités prévues à l’article 706-25-17 et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues à l’article 706-25-16 sont toujours remplies.
« Art. 706-25-19. – Après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté, la personne placée en rétention de sûreté peut demander à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu’il soit mis fin à cette mesure. Il est mis fin d’office à la rétention si cette juridiction n’a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai de trois mois.
« La décision de cette juridiction peut faire l’objet des recours prévus à l’article 706-25-17.
« Art. 706-25-20. – La juridiction régionale de la rétention de sûreté ordonne d’office qu’il soit immédiatement mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues à l’article 706-25-16 ne sont plus remplies.
« Art. 706-25-21. – Si la rétention de sûreté n’est pas décidée en application de l’article 706-25-16, renouvelée en application de l’article 706-25-18, ou s’il y est mis fin en application des articles 706-25-19 ou 706-25-20 et, si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l’article 706-25-15, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, par la même décision et après débat contradictoire au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d’office, placer celle-ci sous surveillance de sûreté pendant une durée de deux ans. La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l’article 723-30, en particulier, après vérification de la faisabilité technique de la mesure, le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues aux articles 763-12 et 763-13. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l’objet des recours prévus à l’article 706-25-17. La mainlevée de la surveillance de sûreté peut être demandée selon les modalités prévues à l’article 706-25-19.
« À l’issue du délai mentionné à la première phrase du premier alinéa du présent article, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.
« Si la méconnaissance par la personne des obligations qui lui sont imposées fait apparaître que celle-ci présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau l’une des infractions mentionnées à l’article 706-25-15, le président de la juridiction régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la juridiction régionale statuant conformément à l’article 706-25-17, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la rétention. La décision de confirmation peut faire l’objet des recours prévus au même article 706-25-17.
« Le placement en centre judiciaire de sûreté prévu au troisième alinéa du présent article ne peut être ordonné qu’à la condition qu’un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-25-15.
« Le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté avertit la personne placée sous surveillance de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en œuvre sans son consentement mais que, à défaut ou si elle manque à ses obligations, le placement dans un centre judiciaire de sûreté pourra être ordonné dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas du présent article.
« En cas de violation de ses obligations par la personne placée sous surveillance de sûreté, l’article 709-1-1 est applicable ; le juge de l’application des peines ou, en cas d’urgence et d’empêchement de celui-ci ou du magistrat du siège qui le remplace, le procureur de la République peut décerner mandat d’arrêt ou d’amener contre la personne, conformément à l’article 712-17, pour permettre le cas échéant sa présentation devant le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; en cas de décision de placement en rétention prise par ce président, la personne peut être retenue le temps strictement nécessaire à sa conduite dans le centre judiciaire de sûreté.
« Art. 706-25-22. – La présente section n’est pas applicable à la personne qui bénéficie d’une libération conditionnelle, sauf si cette mesure a fait l’objet d’une révocation.
« Art. 706-25-23. – La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.
« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure.
« Art. 706-25-24. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section.
« Ce décret précise les conditions dans lesquelles s’exercent les droits des personnes retenues dans un centre judiciaire de sûreté, y compris en matière d’emploi, d’éducation et de formation, de visites, de correspondances, d’exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne peut apporter à l’exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l’ordre public.
« La liste des cours d’appel dans lesquelles siègent les juridictions régionales prévues au premier alinéa de l’article 706-25-17 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 362, les mots : « par l’article » sont remplacés par les mots : « par les articles 706-25-15 et » et après le mot : « conformément », sont insérés les mots : « à l’article 706-25-16 ou » ;
3° Après l’article 464-1, il est inséré un article 464-2 ainsi rédigé :
« Art. 464-2. – Dans les cas prévus par l’article 706-25-15, le tribunal statue pour déterminer s’il y a lieu de se prononcer sur le réexamen de la situation du condamné avant l’exécution de la totalité de sa peine en vue d’une éventuelle rétention de sûreté conformément à l’article 706-25-16. »
II. – Les personnes exécutant, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une peine privative de liberté pour les infractions mentionnées à l’article 706-25-15 du code de procédure pénale peuvent être soumises, dans le cadre d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté, à une obligation d’assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile.
La parole est à Mme Catherine Troendlé.