M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Catherine Génisson. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et porte sur la réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement est une grande loi, qui a largement rassemblé sur l’ensemble de nos travées, notamment grâce à l’action de ses deux corapporteurs, MM. Labazée et Roche.
Cette loi réforme, entre autres mesures, l’APA à domicile, afin de permettre aux personnes âgées qui le souhaitent et le peuvent de rester dans leur cadre de vie habituel. La loi allège les procédures, réduit les délais d’attribution de l’allocation et simplifie son versement, clarifie les modalités de revalorisation des plafonds et assure une meilleure prise en compte des besoins et des attentes des bénéficiaires, avec une évaluation globale de la situation de ces derniers et de leurs proches aidants.
Cette évaluation doit permettre à l’équipe médico-sociale du département de diversifier le contenu des aides couvertes par l’APA : accueil temporaire, aides techniques, autres aides utiles au bénéficiaire et à l’aidant.
La loi prévoit une revalorisation des plafonds nationaux des plans d’aide, ainsi qu’une réforme du barème de participation financière des bénéficiaires, visant à alléger le reste à charge pour ceux dont le plan d’aide est supérieur à 350 euros. Ces mesures permettront de mieux répondre aux attentes des personnes ayant d’importants besoins d’aide et de respecter leur projet de vie.
La loi renforce aussi le soutien aux proches aidants et leur reconnaissance, afin de leur permettre de mieux remplir leur rôle auprès de leurs proches et de prévenir leur épuisement.
Toutes ces dispositions, mises en œuvre par décret, entrent en vigueur aujourd’hui même. Je vous demande donc de bien vouloir éclairer la représentation nationale sur les modalités d’application de ces mesures très attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice Génisson, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement doit entrer en application avant le 1er juillet 2016.
Le décret de revalorisation de l’APA a été publié ce dimanche. Il a effectivement des conséquences majeures pour le bien-être de nos concitoyennes et concitoyens bénéficiaires de cette allocation.
Auparavant, l’importance du reste à charge pouvait conduire certaines personnes à renoncer à l’aide, ce qui entraînait une aggravation de la perte d’autonomie. Grâce aux améliorations que nous apportons au dispositif, les bénéficiaires disposant de moins de 800 euros de revenus mensuels seront exonérés de participation financière. Plus de 600 000 bénéficiaires de l’APA à domicile profiteront ainsi d’une augmentation de leur pouvoir d’achat.
Avec cette réforme, le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie est favorisé. En outre, comme vous l’avez dit, les proches aidants sont mieux soutenus et enfin reconnus.
M. Didier Guillaume. Absolument !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Il s’agit d’un progrès pour de nombreuses familles, en particulier pour les foyers les plus modestes.
L’État finance entièrement la revalorisation de l’APA, ce qui représente un effort de 375 millions d’euros. Il incombe aux départements de mettre en œuvre la réforme le plus rapidement possible. Marisol Touraine et moi-même serons à leur côté.
Par ailleurs, le décret met en place un certain nombre de dispositifs allant dans le même sens. Ce sont des mesures de justice sociale, visant à faciliter le quotidien des personnes âgées et à soutenir leur entourage. Avec cette loi, nous avons pris nos responsabilités ! Nous les prenons aussi s’agissant de sa mise en œuvre : nous sommes au rendez-vous du défi démographique et humain du vieillissement de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
projet de loi sur le travail
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour le groupe Les Républicains.
M. Alain Houpert. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation économique de la France la place, comme l’a rappelé récemment l’un de vos ministres, dans le groupe des quatre pays européens qui ont détruit des emplois. Triste bilan !
Votre annonce du projet de loi sur le travail témoignait d’une réelle prise de conscience, celle de la nécessité de faire du travail le cœur du mérite républicain, de la nécessité de faire de la formation des apprentis une voie d’avenir. Vous avez aussi fait le constat de l’erreur des 35 heures.
Votre détermination paraissait sans faille. « J’irai jusqu’au bout ! » déclariez-vous il y a quelques jours sur les ondes. La promesse n’aura tenu que quatre jours…
Malgré une situation économique catastrophique, sous les pressions des syndicats et de la gauche conservatrice, vous n’avez fait qu’un pas en avant, avant d’en faire deux en arrière…
L’un de vos ministres, que vous identifierez peut-être, a fait la déclaration suivante dans le Journal du dimanche de ce week-end : « La France a l’habitude des projets lancés sur des enjeux réels, mais qui, mal emmanchés, finissent dans la crispation et l’omerta politique. »
Monsieur le Premier ministre, assisterons-nous, une fois de plus, à une reculade consistant à annoncer une réforme que vous prendrez soin de vider de son contenu ?
Si la loi Macron se résume à trois bus, deux dimanches et une attaque en règle contre les notaires, pour reprendre la formule d’un quotidien du soir, la loi El Khomri se résumera-t-elle à un compte Twitter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. Au Sénat, nous ne sommes pas là pour commenter les journaux, mais pour faire des propositions !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur Houpert, je vois que vous lisez les journaux du soir et du dimanche et que vous savez les commenter de manière circonstanciée… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Emmanuel Macron, que vous avez cité sans le nommer, a eu raison d’insister sur le fait que nous n’avons pas encore tout essayé. Quand on fait face à un tel niveau de chômage, il faut agir sur tous les leviers.
Le chômage touche 3,5 millions de travailleurs, soit 10 % de la population active. Dans notre pays, il présente des caractéristiques très particulières et inquiétantes : son taux est deux fois plus élevé chez les jeunes – il atteint 24 % ; il n’est jamais descendu en dessous de 8 % depuis trente ans, même en période de forte croissance ; sa durée moyenne ne cesse de s’allonger, pour s’établir aujourd’hui à 540 jours.
Devant ce constat, plutôt que de s’invectiver et de se renvoyer les responsabilités, il faut agir sur tous les paramètres.
Il convient d’abord d’améliorer la compétitivité. Tel est le sens du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité, qui faisaient suite aux préconisations du rapport Gallois. Le différentiel avec l’Allemagne, en particulier depuis une quinzaine d’années, s’explique avant tout par un écart de compétitivité.
Il convient ensuite de conforter la formation et l’apprentissage. Hier, la ministre du travail a rencontré les présidents de région, qui auront davantage de responsabilités dans ce domaine. Il importe de mobiliser l’ensemble des acteurs afin d’accroître l’offre de formation, en particulier à destination des jeunes et des chômeurs de longue durée.
Enfin, il convient d’agir sur le marché du travail, pour prendre en compte les changements économiques que nous connaissons et donner plus de liberté, de souplesse, d’agilité aux entreprises, notamment petites et moyennes. J’observe d’ailleurs que celles-ci, où travaille l’immense majorité de nos concitoyens et qui sont le plus susceptibles de créer des emplois, n’ont pas nécessairement d’actionnaires, madame David ! Nous devons entendre les attentes des chefs d’entreprise.
Parallèlement, il nous faut aussi assurer aux salariés de nouvelles protections et de nouveaux droits à la formation tout au long de la vie. Les mesures figurant dans le projet de loi méritent d’être approfondies, à la suite des discussions qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux sur le compte personnel d’activité.
Vous parlez de reculade, monsieur le sénateur, alors que je n’ai fait que me donner quelques jours de plus avant la présentation du texte en conseil des ministres, en particulier pour approfondir les échanges avec les partenaires sociaux !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas sûr que ce soit la raison…
M. Manuel Valls, Premier ministre. À quelques jours près, le calendrier parlementaire prévu sera respecté. Nous souhaitons que la loi puisse être adoptée avant l’été, mais il ne s’agit ni de passer en force, ni de reculer.
Au fond, que certains demandent le retrait du texte et que d’autres invoquent à tort une reculade montre bien l’ampleur des blocages et des conservatismes qui existent dans notre pays, à gauche comme à droite !
Nous devons agir et avancer ensemble, en concertation avec les partenaires sociaux. Plus nos entreprises seront en mesure de recruter, mieux les salariés seront formés, plus il y aura de négociations au sein des entreprises – on voit bien que les négociations interprofessionnelles ou de branche ne suffisent pas –, meilleure sera la situation de l’emploi.
Je vous demande, monsieur le sénateur, de juger notre action sur les faits et sur le texte qui sortira du conseil des ministres et sera soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est en fonction de la réalité de ce que proposera le Gouvernement que chacun devra prendre ses responsabilités, et non pas sur la base de je ne sais quels procès d’intention ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour la réplique.
M. Alain Houpert. Monsieur le Premier ministre, vous venez de faire l’aveu de l’échec de votre politique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le bilan est simple : depuis quatre ans, vous n’avez engendré que du désespoir, qu’il s’agisse des agriculteurs, des médecins, des notaires, des gardiens de prison, des enseignants, des indépendants, et maintenant des salariés ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
insécurité à mayotte
M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Abdourahamane Soilihi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, il ne se passe jamais un mois, un jour, voire une demi-journée, à Mayotte, sans que l’on entende ou lise, dans les médias, le compte rendu d’actes de violence, à tel point que s’est créé un « collectif des citoyens inquiets de Mayotte », qui vous a d’ailleurs adressé un message fort au travers d’une pétition visant à attirer votre attention sur le fait que le niveau d’insécurité dans cette île a atteint le seuil d’alerte. Cette pétition a réuni plus de 12 000 signatures, ce qui est assez important.
Les Mahorais demandent au Gouvernement des mesures d’urgence, que j’ai moi aussi réclamées par mes nombreuses interpellations dans cet hémicycle.
Depuis 2014, la délinquance explose, le nombre des agressions physiques a augmenté de 50 %, et près de 35 % des délinquants sont mineurs. Un sous-préfet a même été récemment cambriolé ! (Exclamations sur diverses travées.)
Cette situation a été rappelée par les autorités judiciaires lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance, le 11 février 2016.
L’insuffisance des moyens de lutte contre ce fléau, tant en matériels qu’en personnels, est criante et le travail des policiers sur place s’avère de plus en plus difficile.
Le sentiment d’insécurité se développe et des mouvements sociaux se laissent pressentir. Monsieur le ministre, que prévoit concrètement le Gouvernement pour rétablir la paix sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de vous demander d’excuser Bernard Cazeneuve, qui est actuellement à l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement est tout à fait conscient du niveau important de la délinquance à Mayotte. C’est la raison pour laquelle il a dépêché dans ce département une mission conjointe de l’Inspection générale de la police nationale et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale afin d’évaluer le dispositif de sécurité intérieure.
Cette mission a commencé ses travaux à la fin de l’année 2015. Ils portent plus particulièrement sur l’évaluation de l’organisation des forces de sécurité à Mayotte, sur l’implication des collectivités territoriales dans les politiques de sécurité et de prévention, notamment en matière de délinquance des mineurs, et sur l’évaluation des moyens mis en place, tant du point de vue opérationnel que du point de vue des ressources humaines.
Son rapport sera rendu public dans quelques jours et servira de base à la définition des mesures que le Gouvernement mettra en place, au-delà de ce qui a déjà été fait.
Je vous signale que le ministre de l’intérieur a annoncé la création à Mayotte d’un peloton d’intervention composé de trente gendarmes qui, dès cet été, contribueront de manière importante à la lutte contre la délinquance.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, la sécurité quotidienne de nos concitoyens et la lutte contre les formes les plus violentes et les plus organisées de la criminalité constituent une priorité du Gouvernement, tant sur le territoire métropolitain qu’à Mayotte. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour la réplique.
M. Abdourahamane Soilihi. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien, mais, entre missions d’inspection et législation par voie d’ordonnances en boucle, les habitants de Mayotte ne s’y retrouvent pas dans les mesures politiques proposées par le Gouvernement !
Pour ma part, je demande que le Gouvernement déploie de réelles mesures pour lutter efficacement contre ce phénomène d’expansion de la délinquance par des actions de démantèlement des réseaux et des bandes, afin de traduire leurs membres devant la justice ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
tarifs des notaires
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre de l’économie, vous apportez un soin particulier à la bonne application et à l’évaluation de la mise en œuvre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques que vous avez défendue devant le Parlement et fait voter l’année passée.
Ce matin même, vous avez réuni les deux commissions spéciales chargées du suivi de l’application des mesures de ce gros texte, pour leur rendre compte de l’avancement de la parution des décrets et des ordonnances.
Ma question concerne directement les Français, puisqu’elle porte sur la baisse des tarifs des professions réglementées, sur les possibilités de remise désormais ouvertes aux notaires, sur la baisse des tarifs applicables à certaines transactions immobilières, en particulier dans les zones rurales, s’agissant des terrains agricoles et des forêts, et sur la libre installation de ces professionnels, qui devrait assurer la création d’une offre de services de proximité là où elle n’existe pas forcément aujourd’hui.
Monsieur le ministre, vous nous avez remis ce matin un très intéressant document (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : profitez de cette occasion pour en faire connaître le contenu à tous les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous rassurer : tous les parlementaires recevront ce document qui retrace l’application du texte. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sur les 308 articles qui composent cette loi, 60 % étaient d’application directe et 40 % supposaient la prise de mesures réglementaires : soixante-quinze des quatre-vingt-cinq décrets nécessaires ont été publiés ou le seront avant la fin du mois de mars. La prise des dix autres décrets dépend soit de l’adoption d’autres textes législatifs, comme la loi pour une République numérique, soit d’une concertation avec les ministères chargés des transports et des affaires sociales, soit de l’avis que doit rendre la Commission européenne sur certains points.
Nous sommes donc au rendez-vous de la mise en œuvre du texte que vous avez voté et des mesures que vous avez voulu prendre.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué le cas particulier mais important des notaires, dont les tarifs n’avaient pas été modifiés depuis plus de trois décennies, tandis que leurs règles d’installation relevaient encore d’une ordonnance royale !
En ce qui concerne les tarifs, nous avons amélioré la transparence, en retenant des éléments clairs pour déterminer les règles tarifaires, prévu une révision tous les deux ans et décidé une baisse des tarifs de 2,5 % en moyenne pour les huissiers et les notaires et de 5 % pour les greffiers des tribunaux de commerce.
Une remise de 10 % est désormais permise pour tous les biens d’une valeur supérieure à 150 000 euros, ce qui représente la moitié des transactions immobilières. Surtout, pour les transactions les plus modestes, nous avons plafonné à 10 % du coût total du bien le montant des frais de notaire, avec un minimum de 90 euros. Cette mesure permettra de faciliter les transactions pour des biens tels que des places de parking, des parcelles, des caves, qui ne se vendaient pas parce que le montant des frais était supérieur au prix du bien.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cela va accroître le volume de transactions pour ces biens. Nous porterons une attention particulière à l’équilibre financier des offices notariaux ruraux. Le fonds de péréquation a été créé par décret et la libre installation sera effective sur la base de la carte qui sera remise par l’Autorité de la concurrence au mois de mai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres et secrétaires d’État, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous indique que nous avons dépassé hier le chiffre de 300 000 abonnés au site Sénat Info. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne ferai pas de comparaison, mais ce n’est pas mal ! (Sourires.)
Les prochaines questions d’actualité auront lieu le mardi 8 mars, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Je vais suspendre la séance. Elle sera reprise à dix-sept heures quarante-cinq, pour la discussion de la question orale avec débat sur la situation des salariés rémunérés par le chèque emploi service universel, le CESU, en cas d’arrêt pour maladie.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
Mme Valérie Létard.
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Situation des salariés rémunérés par le chèque emploi service universel, CESU, en cas d’arrêt pour maladie
Discussion d’une question orale avec débat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 12 de M. Jean Desessard à M. le secrétaire d’État, auprès de M. le Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification sur la situation des salariés rémunérés par le chèque emploi service universel, CESU, en cas d’arrêt pour maladie.
La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la question.
M. Jean Desessard, auteur de la question. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le dispositif du chèque emploi service, remplacé en 2006 par le chèque emploi service universel, CESU, a eu vingt ans en décembre 2014.
Le principe est simple : ce titre spécial de paiement permet de régler des prestations de services à la personne à domicile et de garde d’enfants à l’extérieur du domicile.
Ce dispositif présente plusieurs avantages, tant pour l’employeur que pour le salarié.
L’employeur peut adhérer et déclarer ses salariés en ligne, le Centre national du chèque emploi service universel, le CNCESU, effectuant ensuite le calcul et le prélèvement des cotisations, puis adressant une attestation d’emploi au salarié, ce qui dispense l’employeur d’établir une fiche de paie.
L’employeur bénéficie également d’un avantage fiscal, qui peut prendre la forme d’une réduction ou d’un crédit d’impôt pouvant atteindre la moitié des sommes versées, dans la limite d’un plafond de 12 000 euros, soit un avantage fiscal de 6 000 euros par an. Ce plafond est relevé à 20 000 euros pour les personnes invalides à plus de 80 %.
Ainsi, les démarches déclaratives sont simplifiées, l’utilisateur bénéficie des avantages fiscaux liés à l’emploi d’une aide à domicile et l’ensemble des documents sont accessibles en ligne.
Pour le salarié aussi, le CESU a permis des progrès importants. Il est assuré d’être bien déclaré, puisque le CNCESU lui délivre directement son attestation d’emploi. Il bénéficie de la convention collective des salariés de particuliers employeurs et il peut prétendre à la formation professionnelle, à des indemnités de congés payés et à une couverture maladie. Il cotise pour sa retraite, pour le chômage et il est couvert en cas d’accident du travail.
Grâce à cette simplicité exemplaire et aux avantages qu’il confère aux employeurs et aux salariés, le CESU a permis de simplifier les modalités d’emploi à domicile et de faire reculer considérablement la non-déclaration des employés.
En 2014, selon les derniers chiffres consolidés fournis par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, 1 944 672 particuliers employeurs ont eu recours au CESU pour déclarer 961 310 salariés, et près de 2,23 milliards d’euros de cotisations ont été recouvrés à ce titre.
Toutefois, si le CESU a permis de nombreuses avancées, il reste encore du chemin à parcourir, notamment en ce qui concerne la simplification des démarches pour les salariés en cas d’arrêt pour maladie.
Lorsqu’un salarié « classique » qui travaille dans une entreprise privée tombe malade, les démarches sont assez simples. Il récupère un arrêt de travail auprès de son médecin, puis fournit les volets 1 et 2 de ce document à sa caisse primaire d’assurance maladie et le volet 3 à son employeur dans un délai de quarante-huit heures. Celui-ci se charge ensuite d’envoyer à la CPAM une attestation de salaire, qu’il a téléchargée en ligne.
Un salarié rémunéré au moyen du CESU, quant à lui, relève non pas d’un seul employeur, mais de plusieurs. Un jardinier ou un professeur à domicile peuvent ainsi avoir une dizaine d’employeurs différents. J’emploie ces exemples à dessein, puisque ce sont les salariés qui ont, en moyenne, le plus grand nombre d’employeurs. En cas d’arrêt pour maladie, le salarié doit s’assurer que chacun de ses employeurs télécharge une attestation de salaire en ligne et la retourne signée à la caisse primaire d’assurance maladie. Si un seul de ces documents manque, le salarié n’est pas indemnisé.
Or les employeurs à domicile peuvent être des personnes âgées, ne disposant pas d’un accès à internet, ce qui rend les démarches difficiles. Cette situation désavantage très fortement les salariés rémunérés au moyen du CESU par rapport aux salariés « classiques » du privé. À la précarité, aux horaires compliqués, aux difficultés de déplacement viennent ainsi s’ajouter des difficultés supplémentaires pour être indemnisé en cas de maladie ; cela n’est pas acceptable. Le salarié malade est obligé de solliciter ses différents employeurs pour leur expliquer que chacun d’entre eux doit envoyer une attestation de salaire à la CPAM.
Or, une solution simple existe.
Dès lors que le dispositif du CESU collecte déjà toutes les informations concernant les salaires et les cotisations en ligne, sur un site internet unique, pourquoi ne pas organiser un échange d’informations automatique entre le CNCESU, d’une part, et les CPAM, d’autre part ?
Cette solution est simple, peu coûteuse et rapide à mettre en œuvre. Je souligne qu’elle entre complètement dans le champ du « choc de simplification » voulu par le Gouvernement depuis 2012, et dont je rappelle la finalité affichée : faciliter la vie quotidienne des entreprises et des particuliers, bâtir une relation de confiance entre l’administration et ses usagers, favoriser un gain collectif de temps et d’argent. Faciliter la vie des salariés rémunérés au moyen du CESU relève pleinement de cet objectif.
Voici les deux feuillets à remplir (L’orateur brandit des documents.), qui comportent les mêmes données. Il suffirait donc d’établir entre eux un lien informatique.
En conclusion, le groupe écologiste appelle le Gouvernement à organiser cet échange d’informations automatisé, afin que tous les salariés puissent être traités sur un pied d’égalité face à la maladie. Les travailleurs précaires ne doivent pas être obligés d’effectuer des démarches supplémentaires. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, au travers de sa question portant sur l’indemnisation, en cas d’arrêt pour maladie, des salariés rémunérés par le biais du CESU, M. Desessard nous propose de remédier à ce qui est, à ma connaissance, l’une des seules difficultés techniques relatives à un dispositif dont la facilité d’utilisation par ailleurs extraordinaire mérite d’être soulignée.
Instauré voilà maintenant dix ans pour lever les obstacles au recours aux services à la personne, jugé à la fois trop coûteux et trop compliqué par des particuliers peu enclins à endosser le rôle d’employeur et son lot de formalités, le CESU a formidablement rempli sa mission de simplification, c’est le moins que l’on puisse dire. Toutefois, rien n’étant parfait, il semblerait qu’il y ait au moins encore un aspect à améliorer !
Madame la secrétaire d’État, si tant est que cela soit possible, comme le laisse à penser la proposition de notre collègue, allons jusqu’au bout et levons cette dernière difficulté !
Il le faut, car c’est bien la simplicité d’utilisation du CESU qui a fait son succès et permis d’accompagner la croissance des services à la personne ces dernières années.
Le taux de natalité élevé, le vieillissement de la population française et l’émergence de la problématique de la dépendance, mais aussi la recherche d’un nouvel équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, ont contribué à ce que les Français soient toujours plus demandeurs de services de garde d’enfants, de travaux ménagers ou de jardinage, de soutien scolaire ou encore, bien sûr, d’assistance aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
Ces multiples activités, regroupées sous la dénomination « services à la personne », se caractérisent par une relation d’emploi direct, c’est-à-dire par l’existence de particuliers employeurs.
Les gouvernements successifs, conscients de l’existence d’un enjeu essentiel pour notre société, mais percevant aussi celle d’opportunités considérables en matière d’emplois, non délocalisables de surcroît, ont cherché à créer les conditions du développement de ces activités, notamment en simplifiant, au moyen du CESU, les démarches pour les particuliers employeurs. Ceux-ci n’ont plus aujourd’hui qu’à déclarer, chaque mois, le nombre d’heures travaillées par leur salarié, et c’est le CNCESU qui s’occupe du reste, à savoir le calcul des cotisations sociales et l’établissement des attestations d’emploi. Pour avoir recours moi-même à ce dispositif, je puis garantir qu’il n’y a rien de plus simple !
Si le dispositif est aussi simple pour le particulier, il serait souhaitable qu’il le soit également pour le salarié. C’est pourquoi j’approuve la proposition faite par M. Desessard, car, pour l’heure, en cas d’arrêt pour maladie, le salarié doit non seulement envoyer dans les quarante-huit heures le volet 3 de sa feuille d’arrêt pour maladie à l’ensemble de ses employeurs, souvent nombreux, mais également faire signer à chacun d’entre eux une attestation d’emploi, qu’il faut préalablement télécharger en ligne sur le site de l’assurance maladie, avant de la renvoyer à la CPAM.
S’il n’y a là rien d’insurmontable, on peut néanmoins légitimement penser que cette procédure peut vite se transformer en parcours du combattant pour le salarié malade, d’autant que les employeurs sont dans la plupart des cas des personnes âgées peu aguerries à l’usage d’internet. Or si un seul des documents manque, le salarié ne peut être indemnisé.
C’est la raison pour laquelle il est important de lever cette dernière difficulté, car la lutte contre le travail au noir et, partant, la protection des salariés étaient aussi, précisément, l’objet du dispositif. Le CESU devrait représenter pour les salariés l’assurance de bénéficier d’une couverture sociale ; il est impératif de leur garantir les mêmes droits qu’aux autres, et non des droits sociaux au rabais.
Toutefois, il faudrait peut-être reconnaître que nous avons sans doute atteint la limite de la simplification s’agissant du CESU et que les véritables problèmes à traiter sont ailleurs.
En effet, force est de constater que la « révolution des services à la personne » que l’on nous avait annoncée n’a pas eu lieu. Depuis 2010, on constate un fléchissement de la demande, qui ne fait que s’accentuer. En 2015, le nombre moyen d’heures déclarées par employeur et le nombre d’employeurs ont encore diminué. Seul le secteur des services aux personnes âgées de soixante-dix ans et plus, qui sont aussi les dernières à bénéficier de l’exonération des cotisations patronales, est encore en croissance.
Se pose donc, inévitablement, la question de la solvabilisation de la demande en services à la personne, alors que le pouvoir d’achat des ménages s’est réduit et que, dans le même temps, les collectivités territoriales, notamment les départements, qui financent les aides sociales à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, telles que l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, subissent de très fortes « turbulences budgétaires ».
Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que les avantages fiscaux et exonérations de charges, qui ont aussi été une des clés du succès du dispositif du CESU, sont progressivement remis en cause. Je viens d’évoquer l’exonération de cotisations patronales, qui concerne désormais uniquement les services rendus à domicile à des publics dits « fragiles », c’est-à-dire les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou éligibles à l’APA ou à la PCH. Je ne saurais être complet sans mentionner la suppression, en 2013, de la déclaration au forfait, qui a eu pour effet une accélération de la baisse d’activité. On peut s’attendre, par conséquent, à une augmentation parallèle du travail au noir et, de fait, à un recul en matière de protection des salariés.
Enfin, le secteur des services à la personne n’a pas réussi sa mue, dans la mesure où il n’est pas plus attractif aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans. En effet, malgré les déclarations d’intention en faveur de l’amélioration de la qualité de l’accompagnement, et donc de la professionnalisation du secteur, je suis au regret de devoir constater que l’on n’a pas réussi à faire des services à la personne un métier à part entière, un vecteur de qualification et de carrières professionnelles. À des conditions de travail difficiles et marquées par des déplacements fréquents s’ajoutent la problématique des temps partiels subis, la faiblesse de la rémunération, le manque de perspectives et les difficultés d’accès à la formation professionnelle.
Pourtant, les besoins, eux, n’ont pas diminué. Les discussions récentes sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ont été l’occasion de rappeler qu’ils sont immenses. Le secteur est toujours porteur d’opportunités en matière d’emploi, d’autant que de nombreux départs à la retraite sont programmés jusqu’en 2020.
En outre – incroyable, mais vrai ! –, alors que nous connaissons un taux de chômage record, les entreprises de services à la personne qui se sont développées ces dernières années peinent à recruter des collaborateurs qualifiés !
En conclusion, si je n’avais qu’une préconisation à formuler, ce serait d’accélérer la mise en place de formations qualifiantes pour ces métiers, ce qui permettrait par ailleurs d’orienter vers ceux-ci les demandeurs d’emploi intéressés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)