Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 144 rectifié est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 271 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 405 est présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 456 rectifié est présenté par Mme Jouve et M. Mézard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles archéologiques prévus à l’article L. 523-9 du code du patrimoine n’ouvrent pas droit à ce crédit d’impôt. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 144 rectifié.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement tend à exclure les sociétés privées de fouilles archéologiques du bénéfice du crédit d’impôt recherche, ou CIR.
Si ce crédit d’impôt est utile et efficace pour le maintien et le développement de l’investissement innovant, la question de son application aux fouilles archéologiques doit être posée, dans la mesure même où sa raison d’être est de soutenir les efforts des entreprises en matière de recherche et de développement. Son utilisation pour subventionner les opérations d’archéologie préventive n’est pas conforme à cet esprit, les dépenses afférentes aux contrats de fouilles archéologiques n’étant pas destinées à financer une recherche menée en amont d’un processus de production. De fait, les fouilles sont la production des opérateurs concernés.
En outre, l’éligibilité de ces dépenses au CIR entraîne un effet d’aubaine au bénéfice des opérateurs privés et une grave distorsion de concurrence au préjudice des opérateurs publics. Songez que, en 2014, le CIR a représenté 15 % du chiffre d’affaires de l’un des premiers opérateurs privés du secteur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 271.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement nous tient particulièrement à cœur. Il faut dire qu’il est assez singulier de voir les dépenses engagées pour les fouilles archéologiques entrer dans le champ d’application du crédit d’impôt recherche. En quoi creuser fait-il avancer la recherche et progresser l’état de l’art ? Nous nous le demandons bien !
Madame la rapporteur, si je voulais vous taquiner, je vous dirais, à vous qui à plusieurs reprises nous avez traités d’idéologues, que c’est ici votre majorité qui se trouve prise en flagrant délit de défense d’un avantage déloyal bénéficiant aux opérateurs privés !
En effet, comme il vient d’être expliqué, l’application du CIR dans le domaine des fouilles archéologiques induit une distorsion de concurrence entre les opérateurs privés agréés par l’État, qui profitent de ce crédit d’impôt, et les opérateurs publics – collectivités territoriales, universités et Institut national de recherches archéologiques préventives –, qui n’y ont pas droit. L’argent public ainsi reversé aux opérateurs privés représenterait entre 3 et 4 millions d’euros par an, soit en moyenne entre 8 % et 12 % du chiffre d’affaires de ces entreprises.
Ce phénomène amplifie la « spirale déflationniste » dénoncée par notre collègue députée Martine Faure dans son rapport de mai dernier. Décrivant une véritable « guerre des prix », Mme Faure a ainsi jugé que, « compte tenu de la faiblesse des progrès techniques et des gains de productivité réalisables pour une activité essentiellement scientifique, il est permis de s’interroger sur la baisse drastique des prix facturés par les opérateurs privés », avant d’ajouter : « Si la faiblesse de leurs coûts de structure peut rendre compte d’une partie des écarts constatés, l’évolution des prix met en évidence une spirale déflationniste préoccupante pour la viabilité financière du secteur et pour sa capacité à faire prévaloir durablement la qualité scientifique des opérations ».
Je pourrais citer des noms d’entreprises, mais il n’y a pas besoin d’exemples pour se persuader que l’on peut tout à fait légitimement s’interroger sur le but de ce système !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 405.
Mme Corinne Bouchoux. D’accord avec les deux argumentaires qui viennent d’être exposés, je considère que le crédit d’impôt recherche, qui n’est pas forcément dépourvu d’utilité dans certains secteurs et appliqué à certaines conditions, n’est pas justifiable dans le domaine de l’archéologie préventive.
Certes, quelques opérations de fouilles constituent une forme de recherche, mais l’éligibilité de ces opérations au CIR entraîne une concurrence déloyale, puisque, par définition, seuls les opérateurs privés peuvent profiter de l’avantage fiscal. Il en résulte aussi une pression à la baisse sur les salaires des jeunes archéologues.
C’est pourquoi, sans faire de procès d’intention à quiconque, nous invitons le Sénat à adopter ces amendements identiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 456 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 144 rectifié, 271 et 405 ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à rétablir dans le projet de loi la disposition adoptée par l’Assemblée nationale pour interdire aux opérateurs privés du secteur archéologique de bénéficier du crédit d’impôt recherche.
Mes chers collègues, je vous signale que l’article 244 quater B du code général des impôts, qui détermine les modalités d’application de ce crédit d’impôt, n’exclut à ce jour aucun secteur d’activité de son champ d’application.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et après ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Pour être éligibles au dit crédit, les dépenses ayant vocation à être déduites de l’impôt sur les sociétés doivent être affectées à la réalisation d’opérations de recherche. L’adoption de ces amendements priverait donc les entreprises concernées de la possibilité de mener des opérations de recherche. La commission ne voit pas très bien quel en serait le bénéfice.
Au demeurant, nous estimons qu’il revient aux services de l’État de s’assurer de la bonne utilisation du crédit d’impôt recherche par les opérateurs de droit privé en archéologie préventive, auxquels il n’y a pas de raison de refuser a priori le bénéfice du dispositif. À cet égard, je précise que l’État exerce largement sa mission de contrôle, comme il est tout à fait normal ; une entreprise a même fait l’objet d’un contrôle fiscal au cours de deux années consécutives !
À tous ceux qui s’opposent à l’application du CIR aux dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouille, je fais observer que cette question s’inscrit dans le débat plus général qui oppose le ministère de la culture au ministère de la recherche en ce qui concerne la définition du périmètre de la recherche en archéologie préventive. Je ne crois pas que ce débat puisse être tranché au détour d’un amendement.
J’ajoute que, en adoptant une vision que je trouve quelque peu restrictive de la notion de recherche, les auteurs des amendements rendent encore moins légitime la subvention pour charges de service public dont bénéficie l’Institut national de recherches archéologiques préventives.
À cet égard, qu’il me soit permis de répondre par quelques chiffres à ceux qui nous accusent de vouloir, comme de mauvais sujets, octroyer un avantage aux opérateurs privés : de 2004 à 2014, l’INRAP a cumulé 168 millions d’euros de subventions exceptionnelles et vu son budget augmenter de 66 %, ainsi que ses effectifs de 16,5 % – de 33 % pour les contrats à durée indéterminée –, alors que le nombre des diagnostics et des fouilles diminuait de moitié. Madame Gonthier-Maurin, expliquez-moi où est le privilège accordé aux opérateurs privés et en faveur de qui la concurrence serait faussée ?
Mes chers collègues, comme vous l’aurez certainement compris, la commission est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je commencerai par dire que je partage la préoccupation que vous exprimez sur le rôle et l’importance du crédit d’impôt recherche dans le secteur de l’archéologie préventive, ainsi que votre préoccupation quant aux effets qu’il peut induire sur les conditions de concurrence dans le secteur. Ce sujet est d’ailleurs mentionné dans le rapport public de la Cour des comptes, comme on l’a très brièvement dit tout à l’heure.
Le crédit d’impôt recherche a pour but d’inciter à la réalisation en France d’opérations de recherche et développement. Il s’agit d’un instrument central de la politique conduite par le Gouvernement en matière de soutien à l’innovation et au développement économique, et donc à la création d’emplois.
Comme on l’a déjà dit, c’est une mesure dont l’application est générale aujourd’hui et qui ne cible pas tel ou tel secteur. En revanche, son bénéfice est conditionné à la réalisation de travaux de recherche et de développement qui permettent de faire progresser l’état des connaissances, tout en résolvant des difficultés scientifiques ou techniques.
Il est bien sûr possible de réaliser des travaux de recherche et développement dans le domaine archéologique. Il faudrait simplement savoir de quels travaux il s’agit exactement et rappeler que toute dépense d’archéologie n’a évidemment pas vocation à être éligible au crédit d’impôt recherche.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Bien sûr !
Mme Audrey Azoulay, ministre. Il y a donc une voie à trouver entre les dispositions actuelles et une approche consistant à priver les entreprises d’un secteur donné du bénéfice du crédit d’impôt recherche, alors même que celles-ci auraient effectivement des dépenses de recherche qui y seraient éligibles. En effet, une telle démarche fragiliserait le dispositif non seulement au regard de ses objectifs généraux, mais aussi au regard du principe d’égalité devant l’impôt, voire au regard du droit communautaire.
En revanche, on est tout à fait légitime à comprendre les chiffres qui ont été donnés – entre 5 % et 20 % à un moment donné d’un chiffre d’affaires –, à aller regarder, de façon générale, quels sont les éléments d’assiette déclarés au titre de ce crédit d’impôt.
Le ministère de la culture a donc attiré l’attention du ministère des finances et du ministère de la recherche sur ce point, et je m’engage à rendre compte du résultat de ces échanges dans les meilleurs délais, en tout état de cause d’ici à la deuxième lecture du texte.
C’est pourquoi je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Sur ces amendements, la situation est extrêmement paradoxale.
Première observation : alors que nous avons évoqué tout à l’heure le contrôle scientifique sur la qualité des fouilles, il me semble qu’il n’y a rien d’anormal à ce que des organismes privés habilités aient un travail de recherche, soient en mesure d’en justifier et puissent ensuite se voir appliquer les dispositions fiscales en vigueur.
Deuxième observation – cela figurait implicitement dans les propos de Mme la rapporteur et il me semble l’avoir également entendu dans l’intervention de Mme la ministre – : vouloir, par voie d’amendement, priver un secteur professionnel ou une catégorie d’entreprises du bénéfice du crédit d’impôt recherche constitue une atteinte manifeste au principe d’égalité.
À mon avis, en choisissant ce thème, mes chers collègues, vous allez tout droit à une inconstitutionnalité, et ce d’autant qu’il s’agit d’une question que connaît bien le Sénat. En effet, cet argument a déjà été largement employé par l’un au moins des groupes de la Haute Assemblée lorsqu’il est intervenu en matière de santé. Vous aviez alors lancé un débat sur la légitimité d’autoriser les établissements privés de santé à accéder à ce même type de dispositions fiscales, au titre des dépenses de recherche qu’ils sont en mesure de justifier. Or personne n’a finalement demandé que ces secteurs d’activité soient exclus du bénéfice du crédit d’impôt recherche.
La position de Mme la rapporteur est donc à la fois cohérente sur le plan intellectuel et exacte. Mes chers collègues, elle vous évite également d’encourir le risque d’une inconstitutionnalité, à mon sens évidente, de la disposition que vous proposez
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, merci de vous être engagée pour davantage de transparence sur cette question ! C’est précisément sur la transparence et l’accès de tous à l’information que repose la confiance.
Cela étant, je voudrais tout de même dire qu’il est du devoir du législateur de contrôler une dépense fiscale qui atteindra bientôt 6 milliards d’euros !
Pour ma part, je ne veux exclure personne du bénéfice du crédit d’impôt recherche. En réalité, la question n’est pas d’exclure du bénéfice de ce dispositif le secteur de l'archéologie préventive mais de vérifier – c’est pourquoi je viens de vous adresser mes remerciements, madame la ministre – si les travaux qui sont déclarés au titre du crédit d’impôt recherche relèvent bien non pas de l’innovation – il y a une confusion entre le crédit d’impôt innovation et le crédit d’impôt recherche –, mais de la recherche. Il s’agit de s’assurer que ces dépenses contribuent vraiment à l’accroissement de la recherche effectuée par les entreprises privées de notre pays. Je ne demande rien d’autre !
Mme Françoise Férat, rapporteur. Nous sommes donc d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur Bonnecarrère, le parallèle que vous faites avec la santé est tout de même un peu surprenant.
De quoi s’agit-il ici ? Si on veut rester concret, l’activité dans le domaine de l’archéologie préventive consiste d’abord à fouiller et à sortir des éléments menacés. Par conséquent, on produit quelque chose. Les travaux de recherche n’interviennent qu’ensuite : ceux qui réalisent les fouilles ne sont pas ceux qui, par la suite, exploitent ces fouilles, les datent et travaillent sur leur contenu.
Il est tout de même paradoxal que l’on détourne le crédit d’impôt recherche et que la principale entreprise du secteur parvienne à tirer de ce dispositif 15 % de son chiffre d’affaires ! Pourtant, cette situation ne respecte pas du tout les canons classiques de l’économie, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce crédit d’impôt a été créé. Il y a bel et bien un détournement !
Combien de chercheurs, c’est-à-dire de personnes qui font de la recherche – j’y insiste car il faut veiller à ne galvauder ni ce terme ni cette qualité –, sont missionnés et payés dans le cadre d’opérations de fouille archéologique ? Vous allez avoir du mal à me répondre, mes chers collègues !
En revanche, je suis conscient qu’il y a bien un travail d’interprétation, d’analyse et de recherche sur les éléments qui ont été sortis à la suite des fouilles. Seulement, pour ces opérations-là, ce ne sont pas les entreprises qui ont réalisé les fouilles qui sont à l’œuvre.
Chaque fois que l’on discute de ces questions, on entend des mots désagréables sur l’organisme public en charge de l’archéologie préventive. À chaque fois, ce sont les organismes privés dont on entend dire qu’on les empêcherait de travailler, alors qu’ils bénéficient pourtant du crédit d’impôt recherche !
Tout à l’heure, vous nous avez dit qu’il fallait absolument enlever certaines règles pour que les organismes privés soient dans une situation de concurrence loyale avec l’INRAP. Désormais, vous voulez en plus qu’ils bénéficient d’un avantage, le crédit d’impôt recherche, auquel l’INRAP n’a pas droit. Cela fait beaucoup !
Il y a un déséquilibre manifeste dans la façon dont le débat s’articule et un déséquilibre dans votre façon d’aborder le sujet, madame la rapporteur !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord : dès lors que la France et les Français consentent un gros effort en faveur de la recherche archéologique, il doit bien y avoir non seulement des activités de fouille, avec tout ce que cela représente comme travail, mais également une recherche véritable. La qualité de la recherche est une chose primordiale, que l’organisme qui entreprend les fouilles soit un organisme public ou privé !
Je suis d’accord avec Mme Gonthier-Maurin quand elle insiste sur la nécessaire qualité de la recherche et sur la réalité de cette recherche. Je suis également d’accord pour dire que l’on ne doit en aucun cas diminuer la qualité de la recherche pour être plus concurrentiel et gagner la bataille des prix, par exemple. Ce serait aller à l’encontre de ce qu’a voulu la représentation nationale lors de l’examen des lois successives sur l’archéologie préventive.
En revanche, si nous devons vérifier de manière très attentive la qualité de cette recherche, on ne doit pas créer de différence a priori entre la recherche menée par un organisme public et celle d’un organisme privé.
Pour nous, ce qui doit compter, c’est la réalité et la qualité de la recherche !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la ministre, merci tout d’abord de votre réponse et du souci de transparence et de clarté que vous avez manifesté.
Je crains de ne pas être tant en désaccord que cela avec notre collègue Jacques Legendre. En effet, pour notre part, nous ne disons pas qu’il n’y a pas d’activités de recherche dans le privé, y compris lors de la phase préalable aux fouilles archéologiques. Je pense qu’il existe des docteurs et des doctorants qui font réellement de la recherche. On a pu le constater au cours des travaux de la mission sénatoriale sur le crédit d’impôt recherche, même si ceux-ci n’ont pas pu être fructueux.
Ce qui importe, c’est que la transparence sur les dépenses de recherche progresse vraiment. Il faut également faire en sorte que le crédit d’impôt recherche ne bénéficie qu’aux entreprises qui font de la vraie recherche. Or qui dit vraie recherche, dit embauche de docteurs et de doctorants. C’est là où il y a sûrement des progrès à faire.
Je ne voudrais pas faire de parallèle inutile entre le secteur de l’archéologie et le monde de la finance ou de l’informatique, mais je crois me souvenir – Mme Gonthier-Maurin me contredira peut-être – qu’il s’agit justement des trois secteurs pour lesquels on constate une fragilité dans le contrôle des dépenses en matière de recherche.
Par conséquent, nous demandons des statistiques sur le nombre de docteurs recrutés et sur la véracité des dépenses dans ce domaine, sans pour autant être soupçonneux outre mesure.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Madame Bouchoux, vous venez d’exprimer parfaitement ce que j’aurais tenté de dire moi-même. Madame la sénatrice, vous avez trouvé le ton juste et l’équilibre nécessaire à cette discussion.
Monsieur Assouline, je n’ai aucune envie de polémiquer avec vous, mais comprenez qu’entendre parler de concurrence déloyale me fâche quelque peu. Tout à l’heure, je n’avais aucune envie de redonner les chiffres, mais lorsque j’ai entendu cette expression, je me suis senti obligé de le faire, et j’en suis sincèrement désolé.
Dans cette assemblée, nous cherchons des solutions d’équilibre – nous en avons parlé tout à l’heure –, de telle sorte que tout le monde y trouve son compte et que des emplois, de quelque nature qu’ils soient, puissent être créés, ni plus ni moins. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.) Or les modalités du crédit d’impôt recherche telles que l’on vient de les énoncer me semblent tout à fait convenir. Transparence et confiance, voilà des mots qui me semblent intéressants !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144 rectifié, 271 et 405.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 20 bis demeure supprimé.
Chapitre III
Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de la qualité architecturale
Article 21
Un label « centre culturel de rencontre » est attribué par le ministre chargé de la culture à toute personne morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif qui en fait la demande et qui, jouissant d’une autonomie de gestion, occupe de manière permanente un site patrimonial ouvert au public qu’elle contribue à entretenir ou à restaurer et qui met en œuvre, sur ce site, un projet culturel d’intérêt général en partenariat avec l’État, une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’attribution et de retrait du label. – (Adopté.)
Article 21 bis
(Supprimé)
Article 22
L’intitulé du livre VI du code du patrimoine est ainsi rédigé : « Monuments historiques, sites patrimoniaux protégés et qualité architecturale ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Au-delà des débats qui se poursuivront sur les autres articles du projet de loi, je crois pouvoir dire que nous partageons l’objectif de conserver, restaurer et transmettre aux générations futures le patrimoine de notre pays. Nous souhaitons tous que vivent ou renaissent des espaces patrimoniaux. Si ceux-ci ont pu déserter nos villes, nos bourgs et nos villages, ils font la richesse et l’attractivité de la France, et sont surtout des lieux de vie pour l’ensemble de nos concitoyens.
C’est pourquoi nous cherchons collectivement au travers de ce projet de loi à rendre nos politiques patrimoniales toujours plus efficaces, tout en prenant en compte les évolutions de l’environnement dans lequel elles s’inscrivent.
Avant que nous ne débutions nos discussions sur les articles relatifs aux espaces protégés, je souhaiterais clarifier quelques points, à la lumière des interventions qui se sont déroulées en commission et qui ont conduit à faire évoluer le texte transmis par l’Assemblée nationale.
Si certaines des questions ou des préoccupations qui se sont exprimées me semblent tout à fait légitimes et doivent trouver des réponses dans le cadre de nos travaux, d’autres évolutions ne permettront peut-être pas, en revanche, de nous retrouver complètement lors de cette première lecture.
De mon côté, il me semble qu’il reste un différend qui est loin d’être un détail (Sourires.) : cela concerne le souhait de votre commission de remplacer la notion de « cité historique » par celle de « site patrimonial protégé ».
Nous sommes tous d’accord pour considérer que les acronymes actuels comme les AVAP pour « aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine » ou les ZPPAUP pour « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager », par exemple, ou encore la catégorie des « secteurs sauvegardés » sont incompréhensibles. (Mme Sylvie Robert opine.) Ils le sont évidemment pour nos concitoyens et probablement aussi pour une grande partie des parlementaires, en dehors des spécialistes du sujet. Ils ne permettent donc pas d’avoir une bonne compréhension des enjeux et permettent encore moins aux Français de se les approprier, alors même qu’il s’agit de leur cadre de vie. Aussi, il y a un problème ! (Sourires.)
Les termes « cités historiques » ne font pas l’unanimité, je le sais. On peut donc être ouvert à une autre appellation, qui permette d’identifier sans ambiguïté les espaces protégés sur lesquels notre législation s’applique, tout en présentant une formulation simple et claire. Cette formulation, nos concitoyens pourraient se l’approprier ; ils pourraient s’en emparer pour faire vivre les territoires, dont ils tireraient ainsi une plus grande fierté encore.
M. Jean-Pierre Leleux, dont je connais l’engagement en faveur des pratiques patrimoniales, mais aussi d’autres politiques culturelles, a proposé une appellation différente : celle de « site patrimonial protégé ».
Il me semble que nous pouvons encore progresser entre notre proposition et la vôtre. Nous pouvons effectivement craindre que cette dernière ne se transforme rapidement en « SPP » ou autre acronyme. Il faudrait au contraire rechercher une dénomination qui ne favorise pas les acronymes et soit évocatrice d’images pour les Français.
Donc, le cheminement du texte n’est pas terminé et j’espère poursuivre, avec vous, cette recherche d’un nom qui nous rassemble, et qui rassemblera les Français.
J’en viens, sur le fond, à la question du risque, précédemment pointé, de désengagement de l’État s’agissant de la protection des espaces protégés.
Je voudrais d’abord lever un malentendu : ce n’était évidemment pas l’intention que le Gouvernement souhaitait afficher à travers ce texte. Que celui-ci ait été compris comme tel est révélateur d’un problème.
Le Gouvernement vous a entendus sur ce point, et essaiera de répondre à vos préoccupations par un amendement à l’article 24.
Je réaffirme solennellement que l’État continuera de jouer un rôle majeur en matière de protection.
Il le fera à travers les décisions qu’il prendra sur le classement des « cités historiques » – expression que je retiens à ce stade –, à travers les aides techniques et financières qu’il apporte aux collectivités territoriales pour les documents d’urbanisme, à travers les aides fiscales incitatives qu’il maintiendra dans ces espaces.
Il le fera aussi grâce aux architectes des Bâtiments de France, par le biais des accords que ceux-ci donneront en matière d’autorisations de travaux ou des conseils qu’ils peuvent apporter en amont.
Il le fera encore via la participation des services de l’État dans les commissions nationale et régionales, dont le rôle a été renforcé lors des débats à l’Assemblée nationale.
À cet égard, il est souhaitable – je vous rejoins sur ce point – que la commission nationale en charge de ces questions puisse demander un rapport ou émettre un avis sur l’état de la conservation du patrimoine en « cités historiques ».
Dans le cadre de cette protection patrimoniale, un point est majeur : l’élaboration, l’adoption puis la mise en œuvre des documents d’urbanisme dans les espaces protégés.
Vous avez soulevé une question de fond sur le degré de précision de ces documents et sur la manière dont la protection patrimoniale, qui doit s’exercer dans le temps long, peut s’articuler avec les enjeux d’aménagement du territoire, qui, eux, à travers les documents d’urbanisme, peuvent évoluer plus souvent.
À partir de la réflexion que vous avez menée, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui a été partagée au sein de votre commission, je proposerai donc, au travers d’un amendement, une nouvelle rédaction. J’espère que celle-ci trouvera un large consensus, en réaffirmant clairement la place de l’État dans la mise en œuvre des espaces protégés… sans oublier, bien sûr, les collectivités territoriales. Aucune politique patrimoniale ne peut effectivement être menée sans action des collectivités concernées.
Un dernier mot – mais il a son importance au-delà de ce débat précis – : si la loi Malraux a permis de sauver et de préserver le patrimoine de ces nombreux centres anciens, il faut aussi les faire vivre au quotidien, en particulier sous un angle économique.
Il y a donc un enjeu autour des pistes de travail que nous pourrions trouver pour favoriser la vitalité économique des cités historiques. C’est un défi qui nous attend tous, et qui transcende les questions sémantiques ou le rôle de l’État que nous venons d’évoquer.