M. Philippe Dallier, rapporteur. Eh oui !
M. Francis Delattre. Certes, l’État pourra y loger un public fragilisé, mais cela condamne, à plus ou moins court terme, tous ces projets intéressants de résidences sociales.
S’agissant du logement social des seniors, la récente loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a enfin reconnu les seniors comme une population spécifique : les commissions d’attribution peuvent désormais attribuer un logement adapté au handicap à un senior. Cependant, cette nouvelle possibilité n’est pas inscrite dans les conventions de conventionnement. Elle s’effectue donc à chaque rotation. Il faudrait remédier à ce dysfonctionnement.
Enfin, il convient de donner plus de responsabilités dans la gestion de la politique du logement aux maires et aux élus locaux.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Francis Delattre. Ils connaissent leur territoire, leur population ; ils connaissent chaque quartier, chaque immeuble, chaque copropriété, les points forts, les faiblesses. Aujourd’hui, les maires gèrent entre 10 % et 20 % de leur parc locatif social. À mon sens, il est nécessaire, pour relancer la construction de ces logements, de leur confier l’attribution de 50 % des logements sociaux construits sur leur territoire.
M. Jean-Pierre Bosino. Et des moyens !
M. Francis Delattre. Une réflexion sans préjugés est indispensable afin de trouver un consensus entre la population qui reçoit et celle qui arrive, car il n’est pas toujours aisé politiquement de faire admettre un programme de logements sociaux.
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Francis Delattre. Il importe également de réformer les financements. Avec les sommes considérables qu’il consacre au logement, l’État est un partenaire naturellement obligé des collectivités territoriales, mais une responsabilité mieux partagée, notamment avec les agglomérations, permettrait de lever bien des obstacles et de mettre fin à bien des défiances qui paralysent la décision de construire, laquelle demeure, mes chers collègues, un acte politique fort.
Aujourd’hui, il faut complètement refonder la politique du logement dans notre pays si nous voulons créer une offre plus importante, notamment pour favoriser l’accession sociale à la propriété à des mensualités modérées. Nous devons également changer notre vision du logement social, qui doit englober aussi bien l’accession sociale à la propriété que le logement locatif géré par les offices d’HLM.
Une relance forte de l’accession sociale à la propriété est nécessaire pour contribuer à débloquer des parcours résidentiels. Il importe également de décloisonner le fonctionnement des bailleurs sociaux, qui ne demandent qu’à se diversifier pour eux-mêmes y participer.
M. Jean-Pierre Bosino. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Mes chers collègues du groupe CRC, vous l’aurez compris, nous sommes assez éloignés des objectifs que vous souhaitez nous assigner. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Néanmoins, permettez-nous de vous remercier d’avoir permis ce débat intéressant pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui a pour objet de favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre, soulève la question essentielle de la situation du logement dans notre pays. Ses auteurs soulignent tout particulièrement la nécessité de construire des logements accessibles pour tous, équitablement répartis, comme l’a dit Daniel Raoul, et questionnent finalement notre « vivre ensemble ».
Si nous ne pouvons adhérer aux solutions préconisées, telles que la suppression du dispositif d’investissement locatif et la majoration des plafonds de ressources, la proposition de loi a le mérite de revenir sur la question du marché du logement, qui est n’est pas une marchandise comme les autres et qui nécessite un effort de solidarité nationale.
Au dernier congrès du mouvement HLM, le Président de la République a réaffirmé son objectif de construire plus et la volonté de l’État de se donner les moyens de l’atteindre. La ministre du logement, Sylvia Pinel, l’a rappelé à cette occasion : le logement social « est un pilier de notre socle républicain, qui démontre chaque jour son indispensable utilité pour nos concitoyens. […] Il permet à plus de 4 millions de ménages de bénéficier d’un logement abordable, et de préserver un pouvoir d’achat menacé par la crise économique ».
La fondation Abbé-Pierre vient de démontrer de nouveau, si besoin en était encore, l’urgence de la situation. Dans son dernier rapport de décembre 2015, elle indique que la crise du logement s’aggrave, non seulement à cause d’une offre insuffisante, mais aussi du fait de l’appauvrissement de certains ménages. En effet, pour ceux qui ont un logement ou qui veulent en acquérir un, le coût est devenu insupportable.
En France 3,8 millions de personnes sont touchées par le mal-logement, dont 900 000 sont sans logement – et le nombre de personnes sans abri augmentent ! –, 64 000 en situation d’hébergement et 934 000 en surpeuplement. Par ailleurs, 5,3 millions de ménages consacrent plus de 35 % de leurs revenus aux dépenses de logement, soit une augmentation de 42 % depuis 2006. Il s’agit d’une conséquence du doublement de la hausse des loyers et de la stagnation des revenus.
Enfin, la Fondation Abbé Pierre pointe le fait que l’offre de logements sociaux n’augmente pas suffisamment pour faire face à cette demande consécutive à l’appauvrissement de la population. Elle évoque ainsi le nombre de demandeurs en attente de plus d’un an, qui a augmenté de 24 %, alors que le nombre de locataires ayant accédé à la propriété a, lui, baissé de 27 %.
Pourtant, le plan de relance de la construction commence à produire ses effets et la reprise se confirme.
M. Philippe Dallier, rapporteur. C’est une vision optimiste !
Mme Annie Guillemot. Le marché des logements neufs est ainsi en hausse de plus de 20 % par rapport à 2014. Avec le projet de loi de finances pour 2016 – à cet égard, permettez-moi de regretter de nouveau que le Sénat ait rejeté les crédits de la mission « Logement » –, le Gouvernement a encore intensifié ses efforts pour la construction et la rénovation, et donc pour l’emploi et l’accès au logement. En effet, pour que tous les Français disposent d’un logement digne et abordable, tous les leviers doivent être actionnés dans le but de construire des logements sociaux et intermédiaires ainsi que pour soutenir les opérateurs tant publics que privés.
Le soutien au logement intermédiaire ne s’est pas fait au détriment du logement social, et nous ne devons pas opposer construction de logements sociaux et encouragement à l’investissement locatif. D’ailleurs, dès 2012, le Gouvernement a recadré le dispositif d’investissement locatif pour éviter les effets d’aubaine et réduire sensiblement son impact sur les finances de l’État.
M. Philippe Dallier, rapporteur. C’est pour ça que nous avons dû faire ensuite le « Pinel » !
Mme Annie Guillemot. Dans le contexte que nous connaissons, envisager la suppression d’un dispositif qui soutient depuis des années le BTP n’est pas possible.
Le dispositif Duflot-Pinel, réajusté par rapport au dispositif Scellier, notamment, a largement contribué à l’augmentation de 23 % des ventes de logements neufs en 2015.
De plus, la mobilisation du Gouvernement pour le logement social commence aussi à porter ses fruits, puisque l’année 2015 a été marquée par l’augmentation de 2,3 % par rapport à 2014 du nombre de logements sociaux financés.
Enfin, comme vient de l’annoncer le Président de la République lors du bicentenaire de la Caisse de dépôts et consignations, 3 milliards d’euros vont être mobilisés pour accroître la capacité d’investissement de la CDC d’ici à 2017, avec deux priorités : le logement et la croissance verte. Ces fonds contribueront à financer 50 000 logements sociaux de plus.
Pour revenir au « vivre ensemble », que j’ai évoqué au début de mon intervention, il est à noter que cette proposition de loi revient sur un sujet essentiel, à savoir la mixité sociale dans l’habitat. Comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, ce thème est au cœur du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui va venir prochainement en discussion et qui tend à répondre à l’urgence de renforcer la mixité sociale pour lutter contre la fragmentation de notre société et les coupures territoriales. Or la mixité est d’abord indispensable dans le secteur du logement. Il ne peut plus y avoir des villes avec des logements sociaux et des villes sans logements sociaux.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
Mme Annie Guillemot. Il ne peut être toléré qu’une partie de la population, au seul motif de son niveau de revenu, soit exclue de communes entières. L’État est le garant du respect par toutes les communes de leurs obligations légales, comme l’a indiqué le Premier ministre Manuel Valls.
La loi SRU a fixé l’exigence minimale de mixité sociale dans l’habitat à 20 % de logements sociaux et des obligations de rattrapage sur vingt ans pour les communes en retard. La loi de 2013, complétée par la loi ALUR de 2014, va plus loin, avec une cible de 25 % en 2025 dans les zones tendues. Pour autant, selon le dernier bilan, la réalité des chiffres est insatisfaisante : si 1 022 communes soumises à « obligation SRU » se sont en majorité engagées dans des actions utiles pour combler leur retard, la minorité de celles qui résistent à la loi reste considérable ; ainsi, plus de 220 communes ont été déclarées en carence au titre de ce bilan.
Le 14 janvier, nous étions nombreux autour de Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, qui, en tant que ministres, ont porté la loi SRU, promulguée le 13 décembre 2000, pour fêter les quinze ans de ce texte. Rappelons-nous combien il est indispensable de lutter sans relâche contre les effets de la ségrégation sociale comme territoriale ! Il faut renforcer l’attractivité des quartiers les plus défavorisés et donner l’opportunité à des ménages aux revenus modestes de se loger dans les secteurs les plus favorisés. Des engagements seront prévus dans le texte « Égalité et citoyenneté » pour mieux répartir les logements sociaux dans nos territoires, réformer l’attribution de logements sociaux avec des critères de priorité, ajuster encore le dispositif SRU pour une meilleure répartition territoriale du logement social et mieux répondre à la demande.
Mes chers collègues, savez-vous que près de la moitié des logements sociaux construits entre 2000 et 2008 sont dus à la loi SRU dans les communes où elle s’applique. Elle a ainsi déjà permis la construction de 450 000 logements sociaux dans des communes qui n’en avaient pas et qui n’en auraient jamais eus si cette loi n’avait pas été votée.
M. Philippe Dallier, rapporteur. Caricature !
Mme Annie Guillemot. J’espère que nous serons nombreux dans cette assemblée pour soutenir le projet de loi « Égalité et citoyenneté », dont l’objectif principal est de casser les logiques de ségrégation, d’éviter d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté et de favoriser ainsi la mixité sociale, tout en conciliant celle-ci avec le droit au logement. Il faut le marteler : le logement est un des premiers vecteurs de la mixité sociale et territoriale. Favoriser le « vivre ensemble » dans notre République revient aussi à réaffirmer les valeurs républicaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre
Article 1er
L’article 199 novovicies du code général des impôts est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet article a pour objet d’abroger le dispositif Pinel. Cette exonération fiscale coûtera 240 millions d’euros à l’État en 2016 – un coût qui va exploser au fil des années. Entre 2015 et 2016, il a déjà été multiplié par trois.
Je rappelle que, sur les 40 milliards d’euros dépensés en faveur du logement, 12 milliards d’euros sont consacrés à des niches fiscales. Il s’agit bien là d’argent public profitant directement à des personnes privées, qui ainsi payent moins d’impôts, mais les logements financés de la sorte ne procurent aucune des garanties qu’apporte le logement social.
Comme le soulignaient certains de nos collègues en commission des finances, le dispositif Pinel crée peut-être du logement mais du logement qui n’est pas forcément toujours de bonne facture. Ainsi, Mme Fabienne Keller se disait frappée par la faible qualité des logements réalisés et craignait que le « Pinel » ne prépare les propriétés dégradées de demain.
D’après une étude du Crédit foncier, reprise par la CNL, le revenu moyen des bénéficiaires du dispositif Pinel est de 67 000 euros par an. Dans le même temps, les aides à la pierre que le Président Hollande avait promis de doubler ont été amputées. Quant au fonds national des aides à la pierre, qui sera effectif au 1er juillet, il sera alimenté principalement par les bailleurs et, donc, par les locataires.
À travers cet article, nous posons une question de justice fiscale et de justice sociale. Rappelons que c’est l’offre de logements publics qui peut empêcher la hausse des loyers, y compris dans le privé. Actuellement, la précarité progresse et les aides personnalisées au logement, qui suivent la courbe ascendante des loyers, atteignent 18 milliards d'euros. Or le glissement des aides à la pierre vers les aides personnalisées au logement est une erreur que nous subissons depuis 1977, depuis les politiques de Raymond Barre.
Le poste de dépenses consacrées au loyer dans le budget des ménages n’a eu de cesse d’augmenter pour être proche de 30 %. C’est l’un des niveaux les plus élevés en Europe.
Nous devons prendre de nouvelles orientations en matière de politique en faveur du logement. Pour nous, cela passera par la suppression du dispositif Pinel, des autres dispositifs fiscaux de même nature et le redéploiement des crédits sur les aides à la pierre. Le logement privé doit être financé par le privé !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-France Beaufils. Lors de la discussion générale, le temps de parole accordé à nos collègues membres du groupe Les Républicains a été de trente-cinq minutes, contre quelques minutes seulement pour le groupe CRC. Je vais donc expliquer mon vote, ne serait-ce que pour rétablir l’équilibre !
Aucun des arguments que j’ai entendus ne vient étayer l’utilité du dispositif Pinel. Le ministère a même été incapable jusqu’à maintenant de nous donner des chiffres concrets sur les constructions réalisées. Ces données sont toutefois fournies par la Fédération des promoteurs immobiliers. Le seul élément mis à notre disposition, c’est le nombre de foyers fiscaux qui ont bénéficié de ce dispositif en 2014 : 4 727 foyers, pour 16 millions d'euros.
Selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2016, dont la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques faisait état précédemment, ces dispositifs ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs, mais ils n’ont pas contribué directement à la production de logements à loyer modéré, même s’ils ont favorisé indirectement la détente du marché locatif. Le seul effet de cette dépense fiscale est donc bien de favoriser une rente au bénéfice des plus fortunés.
Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance de la période durant laquelle l’allégement fiscal est autorisé. Vous constaterez que le nombre d’années en question permet de couvrir en totalité – ou à peu de choses près – le coût de l’investissement. Cela devrait quand même nous faire réfléchir !
Il me semble que l’impôt payé par les contribuables finance plus la construction d’un logement relevant du dispositif Pinel que celle d’un logement de type PLAI. Et c’est sur ce point que nous voulons véritablement interpeller tout le monde ! Je crois que ceux qui préparent le projet de loi, dont je ne connais pas encore le contenu, seraient bien avisés de tenir compte de la discussion que nous avons aujourd'hui s’ils veulent vraiment améliorer la situation.
En tout état de cause, le choix du dispositif Pinel ne nous semble pas de nature à faire évoluer les choses dans le bon sens. Puisqu’on nous exhorte à la plus grande rigueur et à la bonne utilisation de l’argent public, nous suggérons de réorienter ces sommes vers les aides à la pierre.
À ceux qui prétendent que la suppression du dispositif ferait perdre des capacités au secteur du bâtiment et des travaux publics, je rétorque que la construction de nouveaux logements locatifs sociaux peut permettre de compenser ladite perte. Les arguments qui nous ont été apportés pour le moment ne me paraissent pas confirmer que nous avons tort dans notre choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Article 2
Les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation sont majorés de 10,3 % à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Considéré il y a encore quelques années comme une promotion sociale et l’élément de base d’un parcours de résident, le logement social était aussi un outil d’aménagement du territoire et un vecteur de progrès en matière d’urbanisme – on a beaucoup parlé des maires bâtisseurs tout à l’heure.
Je vous rappelle qu’il y a cinquante ans, pour bien des familles françaises, habiter dans des logements sociaux comportant plusieurs pièces et équipés en eau courante et électricité était un signe de réussite. N’oublions pas que de très grandes et grands architectes ont conçu des logements sociaux. Je pense à Le Corbusier, à Renée Gailhoustet ou à Jean Renaudie.
Comment sommes-nous passés de cette conception du logement social à la vision que nous en avons aujourd’hui, à savoir un logement réservé uniquement aux plus pauvres ? Nous défendons, pour notre part, non une vision restrictive du logement, mais une vision universelle. Tel est l’objet de l’article 2.
Oui, nous souhaitons rehausser de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social afin d’élargir l’accès au logement social et d’y favoriser la mixité ! Cette mesure constituerait un bref retour en arrière, nous ramenant seulement avant la loi Boutin, et n’aurait rien d’extraordinaire dans un pays où les salaires sont bas ; je rappelle que 80 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros par mois !
Nous avons chacun en tête, dans nos mairies ou dans notre entourage, des exemples de personnes qui, parce qu’elles dépassent légèrement le plafond, ne peuvent pas accéder au logement social. Tel est le cas, par exemple, d’un professeur des écoles qui débute aujourd’hui sa carrière.
M. Raoul a indiqué en commission des finances qu’il craignait que le relèvement des plafonds de ressources et l’ouverture corrélative de la possibilité pour d’autres personnes d’accéder au logement social ne privent les bailleurs sociaux des surloyers. Nous pensons nous – nous sommes cohérents ! – que les bailleurs peuvent avoir d’autres ressources que les locataires, notamment les aides à la pierre. Tel était l’objet de l’article 1er. Par ailleurs, il serait intéressant d’arrêter de ponctionner les fonds propres des bailleurs sociaux.
Nous avons entendu l’argument selon lequel le relèvement des plafonds élargirait le nombre de personnes éligibles au logement social. Bien sûr ! Mais ce n’est pas en cassant le thermomètre que la fièvre disparaîtra ! Il y a une demande, et il faut y répondre !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 2 relève les plafonds d’accès au logement social afin de répondre à notre volonté de renforcer la mixité sociale et urbaine, préalable indispensable à la construction d’un vivre ensemble harmonieux. C’est une urgence !
Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, territoire de richesses mais aussi de très fortes inégalités, le logement social est en très grande souffrance. Onze des trente-six communes du département sont toujours hors la loi, restant en deçà des 20 % de logements sociaux. Ce chiffre atteint même vingt-deux communes si l’on prend comme référence la barre des 25 % de logements sociaux.
Encore faut-il y regarder de plus près ! Lors du dernier bilan publié en 2015, une certaine commune – Neuilly, pour ne pas la citer – comptait seulement 4,71 % de logements sociaux. Elle comptabilise dans son quota de logements sociaux des places d’hébergement d’urgence, qui consistent en quarante cabines – d’une superficie de neuf mètres carrés ! – sur une péniche gérée par l’Armée du salut et financée par l’État.
Je voudrais également citer la façon assez édifiante dont a été traité le dossier de la résidence universitaire d’Antony, qui comptait initialement plus de 2 000 logements, soit 14 % du parc étudiant d’Ile-de-France. Cet espace de onze hectares a en effet avivé les appétits fonciers spéculatifs puisque, en lieu et place, émergera du logement de haut standing, ne laissant la place qu’à 1 000 logements étudiants de superficie inférieure à l’existant et pour des loyers supérieurs.
Voilà quelques exemples qui me font dire que la proposition de loi de notre groupe a décidément toute sa pertinence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Dallier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à nos collègues. En effet, j’ai entendu dire par deux fois quelque chose d’inexact.
Si, en 2009, dans la loi MOLLE, Mme Boutin avait proposé de diminuer les plafonds, c’était pour une raison bien simple : au cours des années précédentes, ces plafonds de ressources étaient remontés mécaniquement puisqu’ils étaient indexés sur le taux horaire du SMIC. Or, après le vote de la loi sur les 35 heures, les gouvernements de notre majorité ont relevé chaque année, sur quatre ou cinq ans, de 5 % le taux horaire du SMIC, ce qui a provoqué une augmentation mécanique des plafonds de ressources – je n’irai pas jusqu’à dire sans en prendre conscience, mais, en tout cas, l’effet a été là. Quoi qu’il en soit, en 2009, nous sommes revenus à la situation antérieure, qui avait toujours été le niveau moyen des plafonds de ressources.
Quand vous nous proposez de corriger ce qui avait été fait dans la loi MOLLE, vous oubliez la raison pour laquelle précisément cela avait été fait...
La commission des finances ne peut donc que maintenir son avis défavorable sur cet article. Nous restons en effet persuadés que 82 % des ménages éligibles au PLS, car c’est aussi une catégorie de logement social, c’est bien suffisant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Je ferai quelques remarques sur les raisons qui nous conduisent à élargir les plafonds d’accès au logement social dans notre proposition de loi.
Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu, de chasser du parc les plus fragiles. Je veux le rappeler, les plus fragiles sont de toute façon prioritaires au sein des commissions d’attribution. Cela a d’ailleurs été souligné devant la commission des affaires économiques. Et c’est une réalité que nous connaissons tous ! Il s’agit simplement de permettre à une nouvelle catégorie de population d’accéder au parc public actuel, ce qui favoriserait une véritable « mixité sociale ».
Je rappelle quand même à nos collègues qui semblent l’avoir oubliée une réalité, que j’ai vécue pendant presque une vingtaine d’années d’habitat dans un parc de logement social : la diversité des populations y était présente. À ce moment-là, nous n’avions pas les formes de ghettoïsation que nous connaissons aujourd'hui, qui conduisent à regrouper des populations vivant dans des situations très dégradées et bien souvent catastrophiques, ce qui ne permet pas de donner une qualité de vie à l’ensemble des habitants.
Comme le rapporteur le disait, nous voulons aller jusqu’à la cage d’escalier. Encore faut-il que des candidats illustrant cette diversité puissent arriver jusqu’à la cage d’escalier ! Aujourd'hui, nous ne pouvons guère bouger, parce que les plafonds de ressources bloquent les conditions de cette évolution.
Instituer des îlots de pauvreté dans un parc ancien et dégradé ne peut mener qu’à une société plus violente, parce que la situation est vécue comme plus injuste et inégalitaire par les personnes qui ne peuvent monter dans un ascenseur social particulièrement bloqué. C'est la raison pour laquelle nous pensons que notre proposition tendant à faire évoluer les plafonds de ressources permettrait de progresser. Peut-être faut-il changer le mot « social », qui est accolé au terme de logement, et le remplacer, à l’instar de ce qui se faisait à une époque, par « logement pour tous ». Nous ouvririons ainsi un panel plus large de logements accessibles à beaucoup plus de monde.
Si nous persistons à faire du logement intermédiaire à côté de l’accession à la propriété et à côté du logement social, nous continuerons à avoir des gens qui n’arrivent pas à vivre ensemble.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 n'est pas adopté.)
Article 3
La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour l’État est compensée, à due concurrence, par la baisse du taux de crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts.
M. le président. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que, si l’article 3, par cohérence avec la suppression des deux premiers articles, n’est pas adopté, ce qui est vraisemblable dans la mesure où il prévoit un gage, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi. J’invite donc ceux qui souhaiteraient expliquer leur vote sur l’ensemble du texte à le faire dès maintenant.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Nous sommes satisfaits du débat qui vient d’avoir lieu. Notre groupe a posé une bonne question, qui obtiendra peut-être une réponse prochainement – en tout cas, nous l’espérons.
Mes chers collègues, il y a parmi nous des maires bâtisseurs qui comprennent bien la problématique du logement social et qui ont beaucoup fait dans ce domaine.
Mme Éliane Assassi. Certains continuent à beaucoup agir !
M. Michel Le Scouarnec. Oui, certains continuent à le faire. Pour d’autres, parmi lesquels je me compte, cela remonte à un récent passé : je ne suis plus maire ! (Sourires.)
Nous sommes par ailleurs d’accord avec bien des propos qui ont été tenus pendant ce débat : la diversité dans le logement est nécessaire. Peut-être même faudrait-il inventer une nouvelle gamme de logement, en particulier pour notre jeunesse. En effet, les logements en foyer qui existent aujourd’hui sont souvent trop identiques les uns aux autres et ne répondent peut-être pas aux besoins de tous les âges. Une réflexion doit être menée sur ce point.
Notre priorité reste tout de même l’offre de base : un logement de qualité à un loyer abordable. Nous connaissons trop de gens – nous intervenons en leur faveur – qui peinent, mois après mois, à payer leur loyer. Certains arrivent à conserver de justesse leur logement ; d’autres sont expulsés. N’oublions pas non plus les logements insalubres : un énorme travail doit être accompli avec l’ANAH et les bailleurs sociaux pour que les logements offerts soient de qualité et moins énergivores.
Ceux d’entre nous qui ont l’expérience du renouvellement urbain ont été confrontés à des situations douloureuses : il fallait parfois déraciner des familles installées dans un logement depuis vingt ou trente ans, parce que l’offre ne correspondait plus à leurs moyens.
Le logement social représente donc un grand chantier pour notre pays. C’est une grande affaire pour l’emploi : une famille mal logée ne dispose pas de tous les atouts nécessaires pour trouver un emploi ou faire réussir ses enfants à l’école, alors qu’une famille vivant dans le confort a des conditions de réussite tout à fait différentes. Si nous sommes d’accord là-dessus, mes chers collègues, peut-être pouvons-nous faire un bout de chemin ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Évelyne Yonnet applaudit également.)