Article 19
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 720 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code. » ;
2° Après l’article 721-1, il est inséré un article 721-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 721-1-1. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du présent code. Elles peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de peine dans les conditions définies à l’article 721-1. » ;
3° Après l’article 730-2, il est inséré un article 730-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 730-2-1. – Lorsque la personne a été condamnée à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, la libération conditionnelle ne peut être accordée :
« 1° Que par le tribunal de l’application des peines, quelle que soit la durée de la détention restant à exécuter ;
« 2° Qu’après avis d’une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité de la personne condamnée.
« Le tribunal de l’application des peines peut s’opposer à la libération conditionnelle si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public.
« Lorsque la libération conditionnelle n’est pas assortie d’un placement sous surveillance électronique mobile, elle ne peut être accordée qu’après l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d’un an à trois ans. Cette mesure ne peut être exécutée avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729 du présent code.
« Un décret précise les conditions d’application du présent article. » ;
4° (nouveau) L’article 730-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code. »
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 19 de la présente proposition de loi a pour objet de rendre plus rigoureuses les conditions d'exécution des peines des personnes condamnées pour terrorisme.
En matière d’exécution des peines, c’est un véritable régime dérogatoire qui est créé. Nous nous y opposons avec force.
Comme j’ai eu de nombreuses occasions de le dire ces derniers mois, nous préconisons toujours l’application du droit commun. De surcroît, et je l’ai souligné lors de la discussion générale, il est urgent de s’attaquer également aux causes de ce terrorisme devenu endogène. Jusqu’où irons-nous dans la surenchère législative ? Je vous rappelle que certains ont même été jusqu’à proposer de créer des camps d’internement pour les personnes fichées S.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Mme Benbassa propose de supprimer l’article 19, qui concerne la création d’un régime spécial d’exécution de peine pour les personnes condamnées pour terrorisme.
Cette position est évidemment contraire à celle qu’a adoptée la commission depuis le début du débat. Je vous demande de bien vouloir rejeter cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet au contraire un avis favorable sur cet amendement.
D’abord, nous sommes attachés au principe de l’individualisation de la peine. Surtout, il faut faire confiance aux magistrats dans leur pouvoir d’appréciation de la peine telle qu’elle doit être décidée.
L’article 19 me semble porteur de très grandes rigidités. Nous n’en voyons pas l’intérêt immédiat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Nous voterons cet amendement ; nous ne pouvons pas soutenir l’article 19. Il existe une méfiance trop générale à l’égard des magistrats.
Monsieur le rapporteur, j’avoue ne pas très bien comprendre votre position. Vous avez précédemment souligné, et je vous en sais gré, tous les efforts et l’implication de l’administration pénitentiaire. Nous savons que la question de l’application des peines sera de plus en plus centrale.
La peine comprend évidemment la sanction, mais également le retour à la vie civile des personnes condamnées, quel que soit le type de condamnation, de manière que la société soit protégée. Or nous constatons de plus en plus que ce retour n’est pas préparé pour les peines concernant un certain nombre d’infractions.
Nous le savons, il n’y a pas que des personnes condamnées pour terrorisme dans les prisons ; on y trouve aussi, afin de protéger la société, des personnes qui ne peuvent plus être dans des hôpitaux psychiatriques. Or celles-ci ne seront pas forcément soignées lorsqu’elles sortiront. Il existe toute une série de problèmes de cette nature.
Ainsi, le juge de l’application des peines a de plus en plus de travail. Il faut donc donner une certaine souplesse judiciaire. La libération sous contrainte a un sens : la contrainte est forte. À force de prévoir des exceptions à des principes généraux, on risque de complexifier les choses. C’est inutile.
Il faudra organiser un jour un débat sur l’application des peines et les modes de libération. Surtout, les parlementaires doivent veiller à élaborer de bonnes lois, applicables et appliquées. Ils doivent aussi faire confiance au pouvoir judiciaire, le troisième pouvoir, qui doit être capable de faire appliquer les textes tout en protégeant la société. En tant que législateurs, nous ne pourrons jamais nous immiscer dans leur activité ; nous ne pouvons que nous assurer de son efficacité.
Nous l’avons bien vu lors de l’examen de l’amendement relatif aux interdictions de séjour ou au renvoi des étrangers : n’en déplaise à certains, les magistrats sont plus répressifs qu’on ne le croit. Certes, ils sont prêts à appliquer une sanction moins lourde que le maximum prévu. Mais ils prononcent des interdictions de séjour définitives, car ils sont convaincus qu’un étranger ayant commis des faits graves n’a plus sa place sur le territoire national.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
(Non modifié)
Au 8° de l’article 230-19 du code de procédure pénale, les mots : « dispositions des » sont remplacés par la référence : « 1°, ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mon intervention sera rapide, mes chers collègues ! Mais il est tout de même normal que nous puissions nous exprimer. D’ailleurs, c’est ce que nous faisons tous ! Je ne vois pas en quoi cela crée un problème particulier.
Le fait d’insérer dans le fichier des personnes recherchées les personnes qui ne mettraient pas en œuvre les obligations du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, est de nature à aboutir à une certaine confusion ou à un mélange des genres. Nous nous abstiendrons donc sur cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
TITRE IV
RENFORCER L’EFFICACITÉ DES PERQUISITIONS ADMINISTRATIVES DÉCIDÉES DANS LE CADRE DE L’ÉTAT D’URGENCE
(Division et intitulé supprimés)
Article 21
(Supprimé)
TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Articles additionnels avant l'article 22
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par Mmes N. Goulet et Goy-Chavent, MM. Guerriau et Bockel, Mmes Doineau et Morin-Desailly, M. Delahaye, Mme Férat, MM. Houpert, Mandelli, Kennel et Huré, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Joyandet et Bouchet, Mme Duranton, M. Kern et Mme Billon, est ainsi libellé :
Avant l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur simple demande, le maire d’une commune, ou le maire délégué, peut obtenir communication des éléments relatifs à des faits liés à des infractions terroristes ou démontrant toute forme de radicalisation issus du fichier des personnes recherchées.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Depuis que nous travaillons sur le sujet, nous parlons de plus en plus d’associer les maires à la lutte contre le terrorisme.
Ces élus détiennent des informations sur leurs administrés et procèdent à des signalements, notamment auprès de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste, l’UCLAT, ce qui est d’autant plus normal qu’ils sont officiers de police judiciaire.
Les maires me demandent – c’est également la question que je me pose – comment ils pourraient avoir connaissance des personnes fichées S qui résident dans leur commune.
Nous proposons donc qu’ils puissent obtenir des informations sur les personnes surveillées au titre du terrorisme se trouvant sur leur territoire.
Certes, je suis d’un optimisme modéré quant à l’adoption de cet amendement. Mais je souhaite soulever deux questions.
Premièrement, comment associer les maires à la lutte contre le terrorisme ? C’est un vrai sujet. Il fait l’objet d’une réflexion au sein du groupe de travail sur la sécurité de l’Association des maires de France.
Deuxièmement, quid de la traçabilité des signalements opérés par les maires ? Quel est le suivi ?
Au-delà de cet amendement, qui est imparfait et peu satisfaisant, comment peut-on associer les maires à la lutte contre le terrorisme, sachant que le renseignement territorial est notoirement insuffisant et que ces derniers constituent un relais absolument indispensable ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme Mme Goulet vient fort bien de l’expliquer, cet amendement vise à permettre au maire ou au maire délégué d’obtenir, sur simple demande, communication des éléments relatifs à des faits liés à des infractions terroristes ou démontrant toute forme de radicalisation issus du fichier des personnes recherchées.
Madame Goulet, on peut tout modifier ; on peut mettre toutes les règles de droit par terre ! Vous voudriez que tous les maires de France aient accès au fichier des personnes recherchées ! C’est écrit noir sur blanc dans votre amendement : « Sur simple demande, le maire d’une commune […] peut obtenir communication des éléments relatifs à des faits liés à des infractions terroristes ou démontrant toute forme de radicalisation issus du fichier des personnes recherchées. »
Le fichier des personnes recherchées est un instrument de la police et de la gendarmerie. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Il ne peut pas être un instrument de l’action des maires, qui ne sont ni des policiers ni des gendarmes.
Certes, ils peuvent, et doivent participer à l’action antiterroriste ! Ce matin, lors de son audition par la commission des lois, M. le ministre de l’intérieur a rappelé qu’il avait demandé aux préfets d’organiser des réunions pour informer les maires et même d’envoyer les comptes rendus de ces réunions à son ministère, afin de s’assurer de leur bonne tenue.
Par ailleurs, les maires ont aussi un rôle à jouer au sein des comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Mais si on donne à toutes les mairies de France la possibilité d’accéder au fichier des personnes recherchées, ce n’est plus la peine d’avoir un fichier ! Je ne veux pas vous faire de la peine, ma chère collègue…
Mme Nathalie Goulet. Non, non !
M. Michel Mercier, rapporteur. Je sais bien qu’il faut tout changer ; on peut aussi décider ce soir que l’Association des maires de France doit remplacer la police !
Mais, honnêtement, je pense qu’il faut laisser à l’État les moyens d’agir. On ne peut pas affirmer en permanence que l’État n’en fait pas assez, qu’il ne fait pas son travail et se décharge sur les communes et, dans le même temps, supprimer ce qui est son essence même.
Je suis élu local depuis très longtemps, plus longtemps que nombre d’entre vous, mes chers collègues ; je suis très attaché à cette fonction. Mais je suis encore plus attaché à l’État. Je ne puis imaginer la France sans l’État. L’État est consubstantiel à la France ! Ne le réduisons pas en bouillie !
Je prie donc Mme Goulet de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 15 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Je suis extrêmement satisfaite de la réponse pertinente, énergique et déterminée de M. le rapporteur, ancien garde des sceaux. Je pourrai la transmettre à tous les maires qui sollicitent la communication des fiches S des personnes installées sur leurs territoires, ce qui devrait leur permettre de renoncer à cette demande !
Je retire donc l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je me félicite du retrait de cet amendement. On prête beaucoup trop de qualités à ce fameux fichier S, qui est devenu une espèce de boussole.
Il s’agit en réalité d’un très vieux fichier datant de 1969, dans lequel figurent environ 400 000 noms, répartis en vingt et une catégories. On a l’impression d’une focalisation sur ces histoires de radicalisation, alors qu’il existe aussi des fiches V, pour les personnes évadées, des fiches AL, pour les personnes aliénées, des fiches IT pour celles qui sont interdites sur le territoire, des fiches M pour les mineurs recherchés…
Laissons donc la police travailler tranquillement avec ce fichier ; c’est la condition de sa performance.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Commeinhes, Pellevat, Huré, de Raincourt, Gilles et B. Fournier, Mme Procaccia, MM. Bizet et Laufoaulu, Mmes Duchêne et Cayeux, MM. D. Laurent, Cambon, Houel et Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme Micouleau, MM. Reichardt et Pierre, Mme Hummel, M. Joyandet, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Savary, Trillard, Grand, Dufaut, Kennel, Grosdidier, Gournac, Chaize et Allizard, Mme Morhet-Richaud, M. Masclet, Mme Lamure, M. Chasseing, Mme Giudicelli, MM. Milon et Forissier, Mmes Deseyne et Estrosi Sassone, MM. Gremillet et J.P. Fournier, Mme Mélot, MM. Panunzi, Pointereau et Mayet, Mme Gruny et MM. Vaspart, Cornu, G. Bailly, Mouiller, Vasselle et Laménie, est ainsi libellé :
Avant l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre VI du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Partage d’informations en matière de sécurité intérieure
« Art. L. 264. – Le représentant de l’État dans le département, sur la base des informations transmises par les services de police ou de gendarmerie, transmet aux employeurs publics ainsi qu’aux employeurs de secteurs dits sensibles dont la liste est définie par décret en Conseil d’État la liste de ceux de leurs salariés qui font l’objet d’un signalement “fiche S”. »
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
(Supprimé)
Article 23
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 706-24-1, la référence : « à l’article 421-2-5 » est remplacée par les références : « aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 706-25-1, la référence : « à l’article 421-2-5 » est remplacée par les références : « aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 » ;
3° Au premier alinéa de l’article 706-25-4, la référence : « à l’article 421-2-5 » est remplacée par les références : « aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 » ;
II. – À la première phrase du 2° de l’article 422-3 du code pénal, le mot : « alinéa » est remplacé par les mots : « et troisième alinéas ».
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – À la première phrase du 2° de l'article 422-3 du code pénal, les mots : « le deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « les deuxième et troisième alinéas ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
(Non modifié)
La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Notre groupe n’a pas déposé d’amendement sur ce texte, afin de ne pas allonger la discussion. Nous avons accepté ce débat, prélude à l’examen du projet de loi qui sera bientôt déposé sur le bureau de notre Haute Assemblée.
Je voudrais remercier M. le rapporteur, qui, grâce à son expérience particulière d’ancien garde des sceaux, a bien mesuré la manière dont il fallait défendre l’état de droit et trouver les voies et moyens de répondre aux attentes de nos concitoyens.
Face aux angoisses qui s’expriment, certains, dans l’hémicycle, ont parfois envie d’aller plus loin, estimant qu’il convient de donner des exemples plus lourds de sanctions. Méfions-nous d’une telle tentation ! En effet, lorsque les républicains – tous ceux qui sont présents aujourd’hui le sont, même s’ils n’ont pas forcément tous appelé leur parti politique ainsi – et les démocrates sentent que d’autres ont tendance à faire de la démagogie en matière de sécurité, ils peuvent être conduits à s’engager sur une voie dont ils ne veulent pas.
Il n’est pas toujours facile de respecter les engagements de la démocratie. Il n’est pas toujours simple d’accepter les conventions internationales ou la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui figure en tête de notre Constitution. Parfois, cela peut sembler une contrainte ; mais c’est indispensable !
Dans le même temps, les textes que nous élaborons doivent permettre de trouver des solutions assurant notamment la protection des personnes. C’est d’ailleurs tout le sens du titre Ier de ce texte, qui, nous l’avons dit, n’est pas inintéressant ; nous retrouverons d’ailleurs sans doute un certain nombre de points dans le projet de loi qui sera présenté par le Gouvernement.
En revanche, nous ne sommes pas en phase avec les propositions qui ont été avancées sur d’autres sujets s. Je pense notamment aux infractions nouvelles, dont nous ne voyons pas forcément l’intérêt, et aux mécanismes d’application des peines. Nous devons approfondir ce sujet.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons ni pour ni contre la présente proposition de loi. Nous nous abstiendrons. Monsieur le garde des sceaux, nous avons eu plaisir à cet échange, prélude à l’examen du texte que vous nous présenterez dans quelque temps. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Au cours de ce débat, comme des précédents, j’ai été frappée de voir à quel point la seule et unique réponse envisagée face au terrorisme est répressive et sécuritaire.
Aujourd’hui comme hier, il n’y a pas eu un mot sur l’éducation, la prévention, la réinsertion… Ces termes-là sont devenus tabous.
Nous « débattons », si l’on peut dire, aujourd’hui d’un texte visant à renforcer les pouvoirs des juges, à aggraver la répression, à instaurer un régime dérogatoire de l’exécution des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme.
Nous débattrons demain d’un texte poursuivant des objectifs similaires, mais présenté par le Gouvernement.
Pouvons-nous croire une seconde que le fait de mettre un individu en prison pendant quarante ans, sans possibilité de remise de peine et en le privant de sa nationalité française s’il est binational, empêchera l’embrigadement de certains de nos jeunes par les pires obscurantistes et leur éventuel départ pour la Syrie ?
Vouloir agir est légitime ; vouloir protéger est tout à notre honneur. Si nous partageons tous une telle ambition, peut-être faut-il faire preuve d’un peu plus d’humilité et accepter enfin l’idée que le législateur ne détient pas toutes les réponses en matière de lutte contre le terrorisme.
À mon sens, cette lutte être menée par l’ensemble des composantes de notre société : les enseignants, les formateurs, les éducateurs, aux côtés de la police, des services de renseignement et de la justice. Tous ces acteurs doivent avoir les moyens de leurs missions.
Il émane un sentiment diffus du texte que nous allons voter maintenant. Nous craignons les dérives que certaines dispositions pourraient entraîner, tant elles sont attentatoires aux libertés individuelles. Nous avons l’impression qu’on se trompe une fois encore de réponse.
En conséquence, le groupe écologiste, dont je porte la voix aujourd’hui, votera contre ce texte.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de loi portant sur les mêmes sujets sera présenté demain au conseil des ministres.
Je souhaite remercier l’ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat de leur regard, de leurs différentes propositions. Les expériences qui sont les leurs et leur connaissance aiguisée des sujets permettent au Gouvernement d’affiner sa propre réflexion. Bien entendu, le droit n’étant jamais immuable, nous aurons l’occasion de rebattre des cartes. Une partie des propositions que M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur ont évoquées seront reprises non seulement dans leur esprit, mais aussi, parfois, dans leur lettre.
Face aux défis que nous avons à relever, le respect de l’initiative parlementaire incite le Gouvernement à agir vite et à être précis dans les nouvelles orientations qui devront être prises, au service d’une fermeté que chacun appelle de ses vœux.
14
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 3 février 2016 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n° 245, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Chantal Jouanno, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 268, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 269, 2015-2016).
Proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation (n° 284, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Di Folco, fait au nom de la commission des lois (n° 337, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 338, 2015-2016).
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
(Ordre du jour réservé au groupe du Rassemblement démocratique et social européen)
Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution (n° 258, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 342, 2015-2016) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 343, 2015-2016).
Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires (n° 3, 2015-2016) ;
Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 330, 2015-2016) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 331, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD