M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 42 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 359 est présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le cinquième alinéa de l’article L. 424-4 du même code est ainsi rédigé :
« La chasse à la glu ou à la colle est interdite. »
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 42.
Mme Évelyne Didier. Il est question ici des pièges et de la chasse à la glu.
Le rapport note que la Commission européenne a demandé des informations au Gouvernement. Mme la ministre nous apporterait des précisions intéressantes en nous indiquant de quelle manière elle a été interrogée et ce qui a été répondu dans ce cadre.
Ce type de chasse, nous le savons, revêt une particularité : il s’agit, si j’ai bien compris, d’attraper les appelants ; donc on relâche, par la suite, tous les oiseaux qui n’en sont pas.
Très honnêtement, et à titre personnel, je ne considère pas cette pratique comme quelque chose de bien. Sur ce point aussi, il faut évoluer ! Nous savons maintenant que les animaux – même un petit « piaf » – sont sensibles, d’où cette nécessité d’évoluer.
Dans le même souci d’apaisement que précédemment, madame la ministre, j’envisage de retirer mon amendement, mais je veux bien, auparavant, entendre ce que vous avez à me dire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 359.
Mme Marie-Christine Blandin. Nos amis chasseurs ont évoqué la mobilisation de Parlement et citoyens et leur impossibilité à s’exprimer sur le sujet. Franchement, la chasse à la glu… Les bras m’en tombent ! Si de telles pratiques pouvaient disparaître du paysage, vous ne nous en seriez que plus sympathiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je sollicite le retrait de ces amendements, pour les mêmes raisons que celles que j’ai exprimées précédemment. Ce texte porte sur la biodiversité, et non sur la chasse, ce qui n’enlève aucune légitimité aux opinions des uns et des autres.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Dans le cadre de ce débat parfaitement apaisé, je voudrais signaler deux éléments à M. Jean-Noël Cardoux.
D’une part, je n’ai pas de jugement moral sur la chasse à la glu, mais j’observe qu’il s’agit d’une chasse non sélective. (M. Jean-Noël Cardoux hoche la tête en signe de dénégation.) Que l’on ne vienne pas m’expliquer qu’un passereau – une espèce protégée, contrairement au merle ou à la grive – qui a été collé au niveau des rémiges va s’en sortir. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Noël Cardoux. Mais si, c’est vrai !
M. Ronan Dantec. Non, ce n’est pas vrai ! Donc, cette chasse pose problème du fait de son caractère non sélectif.
D’autre part – je vais aller un peu plus loin –, le pays va manquer de chasseurs.
La pyramide des âges de la chasse montre bien que nous allons au-devant de réelles difficultés en la matière. Je veux bien que l’on fasse intervenir l’autorité publique ou l’armée pour réguler le sanglier, mais cela nous coûtera plus cher qu’une chasse en bon état de marche, présente sur les territoires. Donc, nous allons avoir des soucis.
Que vous le vouliez ou non, monsieur Cardoux, les images de la chasse à la glu, des oiseaux collés, y compris celles qui sont diffusées sur des sites en faveur de cette chasse – j’en ai visité quelques-uns –, sont catastrophiques.
Aujourd'hui, pratiquement plus aucun jeune ne s’adonne à la chasse. Pour respecter la proportion de jeunes dans la population française, il faudrait que quatre fois plus de jeunes soient chasseurs. Vous le savez comme moi, la pyramide des âges de la chasse est réellement problématique.
Or c’est avec ce type de chasse que vous découragez des jeunes de devenir chasseurs !
Je vous alerte, monsieur Cardoux, et mon propos se veut totalement rationnel. Alors que nous avons besoin de conserver des chasseurs dans ce pays, quelques chasses contribuent à véhiculer une image très négative de cette pratique. Je ne peux pas être plus ouvert qu’en attirant votre attention sur ce point !
Vous l’avez répété à plusieurs reprises, vous considérez que chaque fois que la chasse perd quelque chose, elle s’en trouve grignotée. Je pense que ce raisonnement est faux, et je suis prêt à en discuter avec vous, par exemple dans le cadre d’un déjeuner ou d’un dîner au Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je remercie M. Dantec de sa leçon de morale philosophico-démographique. Je n’ai pas du tout la même approche que lui sur la pyramide des âges. J’espère que les jeunes chasseurs qui suivent nos débats et qui sont très actifs en matière de protection des territoires apprécieront vos propos, mon cher collègue.
En ce qui concerne votre invitation, pourquoi pas ? Mais je vous suggère surtout de demander aux gens qui chassent à la glu dans le sud-est de participer à une chasse à la glu. Vous affirmez que des passereaux ou même des grives que les chasseurs ne veulent pas conserver sont relâchés avec des rémiges cassées et ne s’en sortent pas. C’est faux ! Vous pourrez alors le constater. Les chasseurs ont des techniques de désengluage extrêmement précises et peuvent relâcher les oiseaux sans dommages. Il y a peut-être parfois de la casse, mais de manière extrêmement marginale.
Comme vous le savez, la pratique de cette chasse est très encadrée. Tout d’abord, elle n’est autorisée qu’à certaines périodes de l’année. Ensuite, les chasseurs doivent être présents dans des huttes et remplir des carnets des prélèvements, qu’ils doivent ensuite restituer à la préfecture. Ils ne conservent qu’un certain nombre d’oiseaux vivants afin de servir d’appelants, c’est vrai, pour chasser au fusil, car ces zones méridionales du sud-est comptant beaucoup d’épineux et de grives, la chasse à l’appelant y est passionnante pour ceux qui la pratiquent.
Je vous invite donc à vous rendre sur place. Les chasseurs ont en plus la réputation d’avoir le sens de l’accueil. Si j’en ai le temps, je vous accompagnerai et nous pourrons alors discuter.
Alors que vous êtes contre la chasse à la glu, au motif qu’elle ne serait pas sélective – c’est faux ! –, qu’elle stresserait les animaux et qu’elle provoquerait des dégâts, vous admettez parfaitement que les stations ornithologiques capturent des oiseaux la nuit avec des filets en période de migration afin de les baguer et de suivre leurs itinéraires. Je peux vous dire que la casse des ailes et des rémiges dans les filets utilisés pour capturer ces oiseaux en migration peut être largement comparée aux dégâts marginaux occasionnés par la chasse à la glu.
Quand il s’agit d’effectuer des études scientifiques – pour ma part, je les approuve aussi, j’y ai participé –, ça va. En revanche, quand c’est pour permettre à des gens d’exercer une passion et de la transmettre aux jeunes – ne vous en déplaise ! –, ça ne va plus, parce que nous sommes des affreux barbares.
Bien entendu, je ne peux pas soutenir un tel amendement.
M. Ronan Dantec. On ne l’avait pas demandé !
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.
Madame Blandin, l'amendement n° 359 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 359.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 235 |
Pour l’adoption | 26 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l’article 68 quinquies demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 68 quinquies
M. le président. L'amendement n° 363 rectifié, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 68 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article L. 413-2 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux responsables d’établissements itinérants qui présentent au public des animaux sauvages vivants d’acquérir de nouveaux spécimens. »
II. – Le présent article entre en vigueur trois ans après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le 22 juillet dernier, le parlement régional de Catalogne a voté l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques, comme l’avaient déjà fait avant lui la Belgique, le Portugal, la Grèce et l’Autriche. L’Union européenne prépare un texte.
Cet amendement vise le même objectif : interdire à terme la présentation d’animaux capturés sauvages dans les cirques.
Si les animaux de quelques grands cirques bénéficient de la vigilance et de l’attention de leurs soigneurs et dompteurs, la plupart des animaux tenus en captivité pour des spectacles présentent des blessures et des déviances comportementales, connaissent un taux de mortalité élevé et nombre d’entre eux ne se reproduisent pas en captivité, ce qui est un signe extrêmement fort.
Dans le but de protéger la biodiversité, nous souhaitons que les animaux sauvages puissent rester dans leur environnement naturel, sauf s’ils sont nés en captivité évidemment, ou bien dans les zoos que nous avons approuvés car là ils se reproduisent et ils sont bien traités.
L’exhibition d’animaux sauvages dans les cirques n’existe que depuis un siècle, même si elle se pratiquait sous l’Empire romain. Nombre d’enseignes internationales ou françaises, comme le cirque du Soleil ou le cirque Plume, ont d’autres savoir-faire, dans la tradition circassienne, que nous approuvons et qui ne nécessitent pas de malmener des animaux capturés dans la nature.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire. Les conditions de détention des animaux sauvages dans certains cirques sont en effet inacceptables. Une prise de conscience collective conduira probablement le public à se détourner progressivement de ce genre d’attractions.
Cela étant, l’amendement qui nous est proposé semble dénué de portée opérationnelle en l’absence de véritable traçabilité des animaux à l’échelon européen. Les auteurs le reconnaissent d’ailleurs dans l’objet de leur amendement puisque y sont mentionnées les difficultés de recensement des animaux dans les cirques. Dans ces conditions, comment s’assurer de l’absence d’acquisition de nouveaux spécimens ? Cela semble difficile.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, mais elle souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je vous suggère de retirer cet amendement, madame la sénatrice, d’abord parce qu’il est partiellement satisfait, le code pénal réprimant déjà toutes les maltraitances sur les animaux, ensuite parce que le dispositif que vous proposez n’entre pas dans le cadre de ce projet de loi sur la biodiversité. Comme la chasse, ce sujet se situe un peu à la marge de l’objectif prioritaire du texte.
Enfin, pour achever de vous convaincre, j’ajoute que, en ciblant la seule acquisition des nouveaux animaux, votre amendement, s’il était adopté, risquerait d’avoir un effet secondaire très négatif : il pourrait favoriser la reproduction consanguine au sein d’établissements itinérants. C’est un réel problème.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 363 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons entendu les arguments avancés par Mme la ministre et par M. le président de la commission.
Je retiens de l’intervention de M. Maurey qu’il n’existe pas de traçabilité pour ces animaux. Cela pose de véritables problèmes, en termes de consanguinité, vous l’avez dit, madame la ministre – même si, à terme, je souhaite qu’il n’y ait plus d’animaux dans les cirques –, de connaissance de l’origine, de maltraitance, de trafic des espèces et de respect de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, dite « convention CITES ». Nous reviendrons sur ce sujet au travers d’un amendement visant à instaurer une traçabilité.
En attendant, je retire le présent amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 363 rectifié est retiré.
L'amendement n° 360, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 68 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 421-5 du code de l’environnement est ainsi rédigée :
« Elles ont pour obligation de favoriser le respect des règles relatives à la chasse et de participer à la lutte contre le braconnage. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le présent amendement vise à rendre obligatoire, pour les fédérations de chasseurs, la lutte contre le braconnage. Cependant, M. Cardoux m’ayant indiqué qu’elle faisait déjà partie de leurs missions et qu’elles l’assumaient, je retire cet amendement. (M. Jean-Noël Cardoux marque son approbation.) Nous gagnerons ainsi du temps.
M. le président. L'amendement n° 360 est retiré.
L'amendement n° 361, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 68 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 424-4 est ainsi rédigé :
« La chasse de nuit est strictement interdite. » ;
2° L’article L. 424-5 est ainsi modifié ;
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « fixe », sont insérés les mots : « , tel que hutteau, hutte, tonne et gabion pour la chasse au gibier d’eau, » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « de nuit » sont supprimés ;
3° Le second alinéa de l’article L. 429-19 est supprimé.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement porte sur la chasse de nuit.
L’interdiction de la chasse de nuit était inscrite dans le code rural français depuis 1844. Le tir de nuit sur les oiseaux à partir d’une hutte n’a été autorisé dans la loi qu’à partir de l’année 2000. Les tirs nocturnes de sangliers en Alsace ne sont autorisés que depuis 2003. Nombreux sont ceux qui plaident en faveur de la chasse de nuit, tant certaines espèces les dérangent.
Pourtant, l’article 8 de la directive Oiseaux prévoit que les États membres interdisent le recours à tout moyen, installation, méthode de capture ou de mise à mort, massive ou non sélective, pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce. Or, selon nous, la chasse de nuit est non sélective et elle a un impact sur la préservation des espèces protégées. C’est pourquoi nous proposons de l’interdire.
Cela étant dit, le résultat du vote étant assuré, nous retirons cet amendement afin de faire gagner du temps à nos collègues.
M. le président. L'amendement n° 361 est retiré.
Article 68 sexies
Le code forestier est ainsi modifié :
1° Le 4° du I de l’article L. 341-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « protection », sont insérés les mots : « ou de préserver ou restaurer des milieux naturels » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « équipements », sont insérés les mots : « ou ces actions de préservation ou de restauration » ;
2° L’article L. 341-6 est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° L’exécution de mesures ou de travaux de génie civil ou biologique en vue de réduire les impacts sur les fonctions définies à l’article L. 341-5 ; »
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° L’existence d’un document de gestion dont la mise en œuvre nécessite de défricher, pour un motif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel, dans un espace mentionné aux articles L. 331–1, L. 332-1, L. 333–1, L. 341–2 ou L. 414–1 du code de l’environnement, dans un espace géré dans les conditions fixées à l’article L. 414–11 du même code, ou dans une réserve biologique créée dans une zone identifiée par un document d’aménagement en application des articles L. 212–1 et suivants du présent code. » ;
3° À l’article L. 341-10, les mots : « effectué la plantation ou le semis nécessaire au rétablissement des terrains en nature de bois et forêts prévus » sont remplacés par les mots : « exécuté la ou les obligations prévues ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vais maintenant utiliser le temps que je vous ai fait gagner ! (Sourires.)
Chaque année, à l’occasion d’opérations de maintenance ou de changement de matériel, on découvre des empilements de cadavres de passereaux, de petites chouettes et de chauves-souris. C’est la faute non pas des pêcheurs, des chasseurs, des randonneurs ou des agriculteurs, mais des poteaux creux, téléphoniques par exemple, dont le sommet n’est pas obturé.
À la recherche d’un abri ou d’un moucheron, les sittelles, les rouges-gorges, les mésanges s’engouffrent au sommet, s’enfoncent, battent des ailes en vain, et se retrouvent au fond du poteau sans issue. On trouve un mètre de cadavres par poteau dans certains endroits !
Qui va interdire ce type de poteaux ? Qui va rendre obligatoire l’obturation des poteaux en place ? Sûrement pas moi, l’amendement que j’ai déposé ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution, qui condamne ce qui « n’est pas du domaine de la loi » et qui ne s’applique que si le Gouvernement est d’accord. La condamnation m’a été signifiée dans une lettre du secrétariat général de la présidence. J’ignore de quel niveau politique et/ou administratif elle émane.
Ce que je mesure, c’est le côté aléatoire de cette condamnation : la loi peut interdire les sacs en plastique, mais pas les poteaux creux. L’amendement n° 50 de ma collègue sur les cotons-tiges a en effet échappé à la roulette russe de l’article 41. (Mme Évelyne Didier sourit.)
Ce que je mesure aussi, sur le terrain, c’est que les gens – qui nous interrogent – ne comprennent vraiment pas cette impossibilité à agir, dans un cas aussi simple, qui relève du bon sens.
Si le seul bon niveau est le niveau réglementaire – bien que M. Maurey ait évoqué, il y a quelques heures, un règlement qui n’avait pas de support législatif, mais, là, si vous m’empêchez de faire un support législatif, on va avoir des problèmes –, nous comptons sur votre attention, madame la ministre, pour faire cesser ce massacre gratuit et silencieux, qui n’apporte ni plaisir ni argent à qui que ce soit, et contribue à amplifier la perte de biodiversité.
M. le président. L'amendement n° 299 rectifié, présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Madrelle, Guillaume, Bérit-Débat, Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Le I de l’article L. 341-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un déboisement ayant pour but la restauration des milieux nécessaires à la préservation ou la remise en bon état du patrimoine naturel. » ;
La parole est à M. Hervé Poher.
M. Hervé Poher. Il s’agit d’un amendement pratique visant à faciliter le travail des gestionnaires sérieux.
L’objet de cet amendement est de permettre le déboisement sans autorisation préalable de certains immeubles afin d’y retrouver le patrimoine naturel d’origine.
En effet, l’article L. 341–2 du code forestier énonce toute une série d’opérations qui ne sont pas, au sens administratif et légal du terme, des opérations de défrichement, et le paragraphe 4 évoque le déboisement à l’intérieur de massifs boisés. L’article L. 341–6, quant à lui, précise les conditions requises pour obtenir l’autorisation et la démarche de déboisement ou de défrichement.
Mais l’ensemble de ces textes ne répond pas au problème de certains espaces qui doivent nécessairement subir un déboisement. Je pense en particulier à certaines zones humides qui, naturellement ou par volonté humaine, sont devenues des peupleraies ou des mini-massifs forestiers servant de zone de loisir.
Dans ces zones humides, la première chose que doit faire un nouveau gestionnaire digne de ce nom, c’est déboiser afin de redonner au territoire son aspect et sa fonction d’origine.
Bien sûr, cette autorisation peut être liée à un plan de gestion de l’espace visé, et c’est tout à fait logique. Seul problème : savez-vous combien de temps il faut pour élaborer un vrai plan de gestion sérieux et efficace quand le territoire occupe plusieurs centaines d’hectares ? Parfois plusieurs années… Et cela est bien embêtant quand, en plus, des financements extérieurs, en particulier européens, sont accordés, car on n’a pas le droit de traîner et on est surveillé et contrôlé.
Même si – et je parle d’expérience – les rapports entre gestionnaire public et direction départementale des territoires et de la mer, ou DDTM, sont souvent fondés sur la confiance et même si les autorisations reviennent vite, il peut y avoir des circonstances ou des lieux où on ne peut pas uniquement s’appuyer sur l’anticipation et la confiance.
Au travers de cet amendement, je vous propose simplement de soustraire à l’autorisation de défrichement des déboisements ayant pour but la restauration du milieu naturel d’origine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je ne suis pas étonné que cette intéressante démarche émane de notre collègue Hervé Poher, qui est un grand spécialiste de la gestion des milieux naturels. S’il n’y avait que lui pour exercer ce déboisement sans autorisation, personne ne serait inquiet. Le problème, c’est que le champ de son amendement est relativement large, et que le genre de personnes qui pourraient se livrer à ces opérations – qui ne sont pas toutes des Hervé Poher ! – fait courir un risque à de telles opérations.
Ainsi qu’on l’a vu pour les opérations de compensation, un agrément ou une autorisation est nécessaire, parce que, si 85 % des personnes vont le faire de façon parfaite, il y aura toujours 15 % de « passagers clandestins » ou de voyous qui vont le faire sans respecter quoi que ce soit. (Mme Évelyne Didier opine.)
Je comprends votre démarche et je m’y associe, monsieur Poher : il est très frustrant, face à la nécessité de réaliser des opérations lourdes, de ne pouvoir les faire pour les raisons que vous venez d’exposer.
Peut-être faudrait-il trouver, d’ici à la deuxième lecture, un agrément léger en fonction du nombre d’hectares ou de la nature des boisements. Un minimum de contrôle est, me semble-t-il, nécessaire. On retrouve la même situation pour les autorisations de curage : pour certains, un curage de fossé ne justifie pas d’être soumis aux autorisations concernant la loi sur l’eau. Si neuf personnes sur dix le font très bien, une personne refusera de le faire correctement, et on perdra tout le bénéfice d’une telle mesure.
Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde parfait, pas encore ! Je me vois donc obligé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Poher. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 299 rectifié est retiré.
L'amendement n° 413 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, J.P. Fournier, Milon et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet et Pierre, Mmes Primas et Morhet-Richaud et MM. Mouiller et D. Laurent, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° L’exécution, sur d’autres terrains, de travaux de reboisement pour une surface correspondant à la surface défrichée, ou d’autres travaux d’amélioration sylvicoles d’un montant équivalent. Le représentant de l’État dans le département peut imposer que le reboisement compensateur soit réalisé dans un même massif forestier ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable. Les travaux de reboisement sont effectués sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime ; »
II. – Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après la première phrase du dernier alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Cette indemnité peut être assortie, le cas échéant, d’un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 5, déterminé en fonction du rôle économique et social des bois et forêts objets du défrichement. Ce coefficient n’est pas appliqué lorsque le demandeur est inscrit au registre des actifs agricoles mentionné à l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime. » ;
III. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 112–1–3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La compensation est effectuée prioritairement par la revalorisation des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.