Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à encadrer l’utilisation à l’étranger de savoirs et de ressources génétiques par des utilisateurs de nationalité française.
Imaginons qu’une firme outre-mer ait identifié un savoir et des ressources génétiques permettant l’élaboration d’une crème cosmétique extraordinaire. Le prélèvement de ressources génétiques n’est alors autorisé qu’après le recueil de l’assentiment de la communauté.
Or le texte ne prévoit pas le cas où cette firme ne commercialiserait ses produits que dans un autre pays, par exemple un laboratoire cosmétique ouvert à Berlin.
L’amendement que nous proposons tend à imposer le recueil du juste assentiment des communautés, y compris dans le cas où la firme ne commercialiserait pas ses produits en France.
M. le président. L'amendement n° 371 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Cornano, Antiste, S. Larcher, Patient et J. Gillot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … – L’utilisation à l’étranger par des utilisateurs de nationalité française de ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées n’est autorisée que si l’utilisateur peut fournir la preuve du consentement préalable et en connaissance de cause, ainsi que la preuve d’un accord de partage juste et équitable des avantages tirés de leur utilisation, même si l’État sur le territoire duquel est prélevée la ressource génétique et le savoir traditionnel associé n’a pas ratifié le protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, adopté à Nagoya le 29 octobre 2010. »
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Cet amendement vise à étendre le régime français d’accès aux ressources et de partage des avantages, l’APA, aux entreprises françaises opérant à l’étranger.
En tant que pays fournisseur de ressources génétiques et de savoirs traditionnels associés comme en tant que pays utilisateur de ces ressources et de ces savoirs, la France se doit d’adopter un régime particulièrement exemplaire et de prévenir la biopiraterie à laquelle ses entreprises nationales pourraient se livrer hors de son territoire. Il faut veiller à ce que celles-ci ne se livrent pas à des actes de biopiraterie sur les ressources génétiques in situ dans d’autres pays fournisseurs de ressources génétiques et de savoirs traditionnels associés. Le respect du principe d’extraterritorialité et la souveraineté des pays étrangers passe aussi par le respect des communautés qui habitent ces territoires étrangers.
De plus, on ne peut pas observer une règle sur son territoire et y contrevenir dès qu’on est à l’étranger. Respecter le choix d’un pays de ne pas être partie au protocole de Nagoya n’est pas antinomique avec une utilisation à l’étranger de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées dans le cadre d’un consentement préalable et en connaissance de cause, ainsi que dans le cadre de la preuve d’un accord de partage juste et équitable des avantages tirés de leur utilisation avec les communautés d’habitants telles qu’elles sont définies à l’article L. 412-3 du code de l’environnement par le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Les dispositions proposées posent des problèmes juridiques complexes. Le droit français peut s’appliquer à l’étranger dans des circonstances très particulières, par exemple en droit pénal, mais pas sur ce type de sujets.
Toutefois, nos collègues posent des questions pertinentes. Pour faire avancer le débat, il faudrait, premièrement, faire en sorte que les pays européens appliquent le plus rapidement possible le protocole de Nagoya, et, deuxièmement, que l’ensemble des pays parties à la Convention sur la diversité biologique et au protocole de Nagoya les ratifient le plus rapidement possible, comme nous allons le faire. Cela permettrait d’avancer dans la voie préconisée par nos collègues, mais de manière uniforme, alors qu’une approche pays par pays serait extrêmement compliquée et source de fragilité.
La commission ne souhaitant pas s’engager dans cette dernière voie, elle émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 139, car, bien qu’il partage la préoccupation d’une exemplarité des entreprises françaises à l’étranger, il doit également veiller à respecter le principe d’extraterritorialité, c'est-à-dire la souveraineté des autres pays.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 371 rectifié bis. En dépit de son fondement vertueux, que je comprends, il s’oppose en effet au principe d’extraterritorialité.
J’ajoute que, fondamentalement, l’ensemble des dispositifs proposés dans ce texte de loi donne satisfaction aux auteurs de cet amendement.
M. le président. Mme Blandin, l'amendement n° 139 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Ce qui vient d’être dit est très juste. Dans le cadre des travaux de la mission d’information sur l’amiante du Sénat, nous avions visité une grande aciérie près de Dunkerque, dont le patron nous avait expliqué que s’il n’exposait plus ses ouvriers à l’amiante en France, les ouvriers de son usine au Brésil étaient pour leur part toujours équipés de masques en amiante, alors même qu’il savait les exposer ainsi à des risques mortels !
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, la vertu n’est pas exportable autoritairement dans le droit ! Elle l’est pourtant dans certains cas, puisque la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002 a rendu les rapports sexuels avec des mineurs à l’étranger passibles de condamnation en France et d’inscription au commissariat de police.
Je vais retirer l’amendement, tout en vous enjoignant à la vigilance, madame la ministre. On ne peut pas être éthique à l’intérieur et laisser les voyous agir dehors ! Il faut donc suivre ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 139 est retiré.
Monsieur Karam, l'amendement n° 371 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Antoine Karam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 371 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
(Non modifié)
L’article L. 415-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Outre les agents mentionnés au I du présent article, sont habilités à rechercher et à constater des infractions aux articles L. 412-5 à L. 412-13, ainsi qu’aux obligations prévues à l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation et aux textes pris pour leur application :
« 1° Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui disposent à cet effet des pouvoirs prévus au livre II du code de la consommation ;
« 2° Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre de la défense ;
« 3° Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre chargé de la recherche ;
« 4° Les agents mentionnés aux L. 1421-1, L. 1435-7 et L. 5412-1 du code de la santé publique ;
« 5° Les agents assermentés des parcs naturels régionaux ;
« 6° Les agents assermentés et commissionnés des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
« 7° Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre chargé de l’agriculture. »
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Cet article est très important, dans la mesure où il précise quels agents sont habilités à contrôler le respect des réglementations d’accès aux ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées et de partage des avantages et à relever les infractions pénales. C’est la garantie de l’application des dispositions que vous venez d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ces agents réaliseront des contrôles sur site à la demande des autorités compétentes françaises ou de pays tiers, soit de manière aléatoire, soit en cas de soupçons de non-respect des règles d’accès aux ressources génétiques par un utilisateur.
Sont concernés les officiers et agents de police judiciaire, les agents habilités pour rechercher et constater ces infractions qui appartiennent à des polices très spécialisées, tels les inspecteurs de l’environnement et les agents habilités à relever des infractions relatives à la protection des espèces menacées, spécialisés dans la connaissance de la biodiversité, les agents des douanes et les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui sont spécialisés sur les questions concernant la mise sur le marché de produits.
Je précise qu’un amendement gouvernemental, adopté par l'Assemblée nationale, a tendu à compléter la liste des agents assermentés par ceux du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.
M. Georges Patient. Il existe un constat unanime sur le fait que la Guyane concentre l’une des plus importantes biodiversités du monde, ainsi qu’un ensemble unique de connaissances traditionnelles associées. Pourtant, cette biodiversité est encore mal connue, puisque seuls 15 % du territoire ont été explorés par les scientifiques. Elle est par ailleurs peu valorisée, faute de moyens suffisants.
Dans la stratégie de développement de la Guyane, l’accès aux ressources biologiques et génétiques et le partage des avancées sont des priorités incontournables. Pour le parc national amazonien, des dispositions particulières ont d’ailleurs déjà été prises qui réglementent l’accès aux ressources génétiques prélevées dans le périmètre du parc et leur utilisation.
Toutefois, les élus qui y travaillent depuis très longtemps veulent une extension du dispositif sur tout le territoire guyanais. Le feu conseil régional – la Guyane forme en effet une collectivité unique depuis le 1er janvier 2016 – avait élaboré un projet d’habilitation sur cette question, qui était articulé autour d’un triptyque : préservation, sécurisation et valorisation.
L’APA permet d’éviter le pillage de nos ressources. C’est pourquoi la nouvelle collectivité territoriale de Guyane souhaite confier à l’Office de la biodiversité amazonienne de Guyane, l’OBAG, le secrétariat pour l’instruction des futures demandes.
Créé en août 2013, l’OBAG répond à une volonté de réappropriation des enjeux liés à l’environnement de la Guyane. La création de cet office, fruit d’une étroite collaboration entre l’État et les collectivités territoriales, et la gouvernance équilibrée qui le caractérise lui assurent une réelle légitimité. De même, les missions qu’il exerce et qui sont articulées autour des grands axes que sont la connaissance, la gestion, la protection, la valorisation ou encore la communication répondent aux besoins exprimés par les acteurs locaux.
C’est la raison pour laquelle l’OBAG, qui a déjà le mérite d’exister sous forme associative, doit voir son statut consolidé et devenir l’antenne locale de l’Agence française de la biodiversité. Les populations locales doivent toujours être les premiers acteurs du développement de leur territoire. Par conséquent, il est indispensable que le président de l’OBAG, un élu local, siège au conseil d’administration de l’Agence française de la biodiversité en tant que membre titulaire.
Pour terminer, je tiens à saluer le travail parlementaire qui a permis de mieux encadrer le dispositif d’accès aux ressources génétiques, de le sécuriser et de le simplifier.
Je salue également l’amendement du Gouvernement visant à assurer la continuité du dispositif d’APA grâce au dispositif d’information et de consultation des communautés d’habitants vivant sur le territoire du parc amazonien. Il est en effet indispensable que les savoirs de toutes les communautés soient reconnus au même titre que les langues régionales.
M. le président. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
(Non modifié)
Après l’article L. 415-3 du même code, il est inséré un article L. 415-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 415-3-1. – I. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende :
« 1° Le fait d’utiliser des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées, au sens de l’article L. 412-3, sans disposer des documents mentionnés au 3 de l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, précité lorsqu’ils sont obligatoires ;
« 2° Le fait de ne pas rechercher, conserver ou transmettre aux utilisateurs ultérieurs les informations pertinentes sur l’accès et le partage des avantages pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées en application du même article 4.
« L’amende est portée à un million d’euros lorsque l’utilisation des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles mentionnée au 1° du présent I a donné lieu à une utilisation commerciale.
« II. – Les personnes physiques ou morales coupables des infractions prévues au I du présent article encourent également, à titre de peine complémentaire, l’interdiction, pendant une durée ne pouvant excéder cinq ans, de solliciter, en application des articles L. 412-6 et L. 412-7, une autorisation d’accès aux ressources génétiques ou à certaines catégories d’entre elles et aux connaissances traditionnelles associées en vue de leur utilisation commerciale. »
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Cet article introduit des sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions du régime d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages, ce qui garantit la complète mise en œuvre de ce dispositif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté des dispositions relatives au dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages ; vous venez d’adopter des dispositions visant à déterminer les agents habilités à contrôler l’application de ce dispositif, avec des protocoles de formation d’ailleurs ; nous abordons maintenant les sanctions applicables en cas de non-respect.
Les condamnations sont prises en application du règlement européen du 16 avril 2014 relatif aux ressources génétiques et elles sont très dissuasives. En effet, la peine maximale est un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Elles sont, par ailleurs, harmonisées avec les peines prévues pour ce qui concerne les autres infractions portant sur l’atteinte aux espèces protégées.
En outre, lorsque l’infraction porte sur une utilisation commerciale frauduleuse, l’amende maximale est portée à un million d’euros, assurant ainsi la proportionnalité de la sanction avec les revenus qu’il est possible d’en retirer.
Une peine complémentaire d’interdiction de solliciter une autorisation d’accès aux ressources génétiques pendant une durée maximale de cinq ans pourra être prononcée dans les cas les plus graves.
M. le président. L'amendement n° 263 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 415-3-1. - I. - En cas de récidive, est puni d'un an d'emprisonnement ou d’une amende proportionnelle au bénéfice net généré ne pouvant pas excéder 150 000 € :
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à tenir compte de l’aspect éducatif et de l’accompagnement des entreprises qui œuvrent en faveur de la biodiversité, notamment les PME.
Il est important de prévoir au moins dans les premières années une marge d’erreur pour les entreprises et de leur laisser le temps de s’adapter. Voilà pourquoi la sanction ne devrait intervenir qu’en cas de récidive, l’objectif étant de trouver un équilibre entre la protection de la biodiversité et la valorisation de celle-ci par le monde économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous sommes persuadés que le dispositif retenu est à la fois dissuasif et raisonnable, respectant donc les deux conditions du respect des nouvelles obligations.
Ce dispositif n’est pas binaire : on commet une sanction ou on n’en commet pas. Il s’agit de démarches successives, marquées par des points de contrôle, qui permettent à l’administration de veiller au respect des étapes jalonnant la demande d’autorisation d’APA. Ce dispositif étant une nouveauté dans le droit français, il prend soin d’informer les utilisateurs lorsque ceux-ci ne sont pas en règle : on pourra rappeler à l’ordre une fois ou deux fois l’utilisateur qui commet une erreur de bonne foi, mais, à un moment donné, il faut sanctionner l’erreur de mauvaise foi.
Mon cher collègue, vous avez tout particulièrement veillé aux avantages dont peuvent profiter les territoires ultramarins du fait de leur histoire et de la richesse de leur patrimoine génétique. Aussi, il ne faudrait pas que les efforts que vous avez déployés pour mettre en place cette nouvelle politique dans vos territoires et garantir aux populations les droits qui leur sont aujourd'hui reconnus grâce au protocole de Nagoya soient atténués par des sanctions trop faibles.
L’idée est de punir non pas une personne qui commet une erreur de bonne foi, mais celle qui en commet une de mauvaise foi et qui récidive.
En droit pénal, vous le savez comme moi, la sanction prévue est un maximum. Si toutes les personnes commettant un délit passible d’un an de prison étaient soumises à cette peine, cela se saurait ! Il est rarissime qu’un juge prononce une peine d’un an de prison dès le premier délit. En plus, chacun le sait bien, même si tel est le cas, les peines ne sont pas exécutées ou le sont de façon différente.
Soyons vigilants ! Nous devons envoyer des signaux aux utilisateurs : c’est une affaire sérieuse et le pillage n’est pas toléré. Le système mis en place est très contrôlé ; il permet d’avancer par étapes, en veillant au bon respect du dispositif. Toutefois, si l’utilisateur franchit la ligne jaune, il n’est pas anormal de saisir le juge.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Pellevat et Milon et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 140 est présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 281 rectifié est présenté par MM. Madrelle et Poher, Mme Bonnefoy, MM. Guillaume, Bérit-Débat, Camani et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Karam, Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'amende est portée à 5 % du chiffre d'affaires annuel global de l'entreprise, le cas échéant du groupe auquel elle appartient, lorsque l'utilisation des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles mentionnée au 1° du présent I a donné lieu à une utilisation commerciale. Ce taux est ramené à 2 % lorsque l'utilisation donne lieu à un usage médical pour la santé humaine.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 140.
Mme Marie-Christine Blandin. Par cet amendement, nous proposons une autre solution pour satisfaire les intentions vertueuses de mon collègue Jacques Cornano, qui avait choisi le biais de la récidive.
Il s’agit presque d’un amendement de protection des PME : au lieu de prévoir une amende d’un million d’euros, nous suggérons que l’amende soit assise sur le chiffre d’affaires annuel global de l’entreprise. En effet, selon qu’il s’agit d’une grande multinationale, d’une petite PME ou d’un ensemble d’artisans, un million d’euros ne pèsent pas de la même façon dans le budget. Cette mesure est également dissuasive, mais plus juste.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, pour présenter l’amendement n° 281 rectifié.
M. Philippe Madrelle. Le groupe socialiste et républicain confirme que le dispositif d’accès de partage des avantages introduit par ce texte est nouveau dans notre droit. Il est donc utilement complété à l’article 20 par des sanctions pénales en cas d’infraction à ces nouvelles dispositions.
L’article 20 prévoit notamment en cas d’utilisation commerciale des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels sans autorisation une amende fixée à un million d’euros. Comme cela vient d’être indiqué, il est intéressant de comparer ce montant avec les retombées financières de l’utilisation des ressources génétiques, que le rapport de notre commission estime à 640 milliards de dollars.
Surtout, cette amende ne nous semble pas adaptée aux différents cas de biopiraterie : elle n’est pas suffisamment dissuasive pour les grandes entreprises, mais elle est, en revanche, excessive pour les petites entreprises.
C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer une amende proportionnelle fixée à 5 % du chiffre d’affaires annuel global de l’entreprise, un taux ramené à 2 % lorsque l’utilisation donne lieu à un usage médical pour la santé humaine. Cette proposition n’interdit pas au juge de prononcer une sanction inférieure proportionnelle à la fraude commise.
M. le président. L'amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de récidive, lorsque l'utilisation des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles mentionnée au 1° du présent I a donné lieu à une utilisation commerciale, l'amende, proportionnelle au bénéfice net généré, peut être portée à un million d’euros.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Les dispositions de cet amendement procèdent du même esprit que l’amendement n° 263 rectifié que j’ai défendu précédemment. Nous proposons de mettre l’accent sur l’aspect éducatif et d’accompagner les entreprises, notamment les PME.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 140 et 281 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 264 rectifié ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements pour plusieurs raisons.
Je n’en suis pas certain, mais il me semble que le code pénal français ne prévoit pas des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires. Si ma mémoire est bonne – elle peut parfois me faire défaut ! – le montant des amendes est fixe. (M. Alain Richard fait un signe de dénégation.)
En revanche, les autorités administratives indépendantes, qu’elle soit françaises, telle l’Autorité de la concurrence, ou européennes, peuvent être amenées à prononcer des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires. Il me semble donc qu’il y a là une confusion. Il ne faudrait pas introduire dans notre code pénal une notion qui n’y figure pas.
Par ailleurs, on pourrait parfaitement imaginer que cette amende proportionnelle soit un complément de sanction : on pourrait prévoir une peine de prison, une amende, dont le montant maximum est prévu par le législateur, et des dommages et intérêts, qui pourraient être fixés en fonction du chiffre d’affaires. Juridiquement, ce serait plus cohérent.
La deuxième lecture de ce texte nous permettra peut-être d’affiner cette proposition. Pour l’heure, je suis réservé et je maintiens l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Concernant les grandes entreprises, la peine complémentaire prévue au sixième alinéa de l’article 20 est déjà très dissuasive : elle hypothèque leurs programmes de recherches futures sur des ressources génétiques et elle présente, par ailleurs, un complément adapté à la sanction pécuniaire.
Par ailleurs, les deux amendements identiques visant à dissuader les grandes entreprises d’utiliser illégalement des ressources génétiques posent un vrai problème de définition de la modulation de la sanction selon le type d’utilisation de la ressource génétique : il serait très difficile de la caractériser clairement.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements, qui sont satisfaits.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 140 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 140 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 281 rectifié, monsieur Madrelle ?
M. Philippe Madrelle. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 281 rectifié est retiré.
Monsieur Cornano, l'amendement n° 264 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 264 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 141 est présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 282 rectifié est présenté par MM. Madrelle et Poher, Mme Bonnefoy, MM. Guillaume, Bérit-Débat, Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Karam, Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout dépôt de brevet consécutif à une telle utilisation est annulé.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 141.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous proposons d’inscrire dans la loi que tout dépôt de brevet consécutif à une utilisation non autorisée de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles doit être annulé. Pas de prime à un comportement de biopiraterie !
Si une sanction est prévue, le paiement d’une amende ne doit pas être considéré comme une sorte de droit d’utilisation, de nature simplement à augmenter le prix du développement, à la suite du dépôt d’un brevet de manière illégale.
Cette procédure ne figurait pas dans les lois, mais, en Inde, Mme Vandana Shiva – une grande dame ! – et l’organisation non gouvernementale qu’elle dirige font un travail considérable pour débusquer les brevets déposés de façon illicite.
Au titre des nombreuses victoires qu’elle compte, elle est récemment parvenue à convaincre l’Office européen des brevets, l’OEB, à Munich, de véritablement révoquer une licence américaine concernant une formule de pesticide à partir de graines d’un margousier. Cet office a révoqué, en 2001, le brevet délivré à la firme W.R. Grace, ainsi qu’au ministère de l’agriculture américain, et a retiré à cette entreprise l’autorisation d’utiliser le margousier pour son compte, ce qui a d’ailleurs permis de libérer les paysans indiens de la prohibition qui leur était faite d’utiliser leurs propres ressources, qu’ils avaient eux-mêmes identifiées.
En 2006, ce ne sont pas moins de 65 brevets portant sur les produits dérivés du margousier qui ont été déposés auprès de l’OEB : 22 ont été accordés, 28 ont été abandonnés et 9 sont en cours d’examen. La vigilance est bien entendu beaucoup plus grande qu’avant cette jurisprudence.