Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Si Ronan Dantec en était d’accord, l’amendement n° 310 rectifié bis pourrait être rectifié afin d’y introduire la référence à l’avis du Comité scientifique, technique et économique des pêches de la Commission européenne. L’affaire serait réglée !
Mme la présidente. Il serait trop compliqué de faire ici ce travail de commission, mon cher collègue.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le terme « territoire » renvoyait clairement aux espèces terrestres.
Je propose à Jean Bizet que nous adoptions cet alinéa aujourd’hui – après tout, nous sommes seulement en première lecture – et que nous examinions ensemble non pas la possibilité d’introduire la référence à un avis différent, mais ce problème sous l’angle de la biodiversité marine. Le cas échéant, nous pourrons alors ajouter un élément complémentaire.
M. Jean Bizet. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 343 rectifié est retiré.
Monsieur Antiste, l’amendement n° 217 est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 217 est retiré.
Madame Claireaux, l’amendement n° 251 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Karine Claireaux. Je suis l’avis du Gouvernement et de la commission en le retirant.
Mme la présidente. L’amendement n° 251 rectifié bis est retiré.
Monsieur Dantec, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 310 rectifié bis dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
M. Ronan Dantec. Oui, madame la présidente, je rectifie mon amendement pour y intégrer le dispositif de l’amendement n° 610.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 310 rectifié ter, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les espèces menacées présentes sur le territoire national classées dans les catégories « en danger critique » et « en danger » de la liste rouge mondiale des espèces menacées, établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature, font l’objet de plans d’actions opérationnels, spécifiques ou par groupes d’espèces, ou de mesures de protection renforcées prises dans le cadre des politiques sectorielles et environnementales, afin de restaurer et maintenir leur état de conservation, répondant à l’objectif 4 de la stratégie nationale pour la biodiversité prévue au présent article et à l’objectif 12 du plan stratégique pour la diversité biologique 2011–2020 de la Convention sur la diversité biologique. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 610 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 469 est présenté par M. Labbé, Mme Blandin, M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 531-2-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les produits issus d’une ou de plusieurs nouvelles techniques de modification génétique d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication ou recombinaison naturelles et qui n’ont pas fait l’objet d’une utilisation traditionnelle sans inconvénient avéré pour la santé et l’environnement ne peuvent en aucun cas être exonérés de l’application du présent titre et des articles L. 125-3 et L. 515-13. »
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 52.
Mme Évelyne Didier. Nous avons évoqué les nouvelles techniques de modifications génétiques, dites techniques d’édition ou de réécriture du génome.
En 2008, sept ans après la directive OGM, la Commission européenne a listé huit nouvelles techniques de modification génétique des plantes, dont la mutagenèse. Je vous fais grâce, mes chers collègues, de la liste exhaustive de ces techniques.
Un groupe d’experts avait à l’époque été saisi afin de déterminer si ces techniques produisent ou non des OGM. Il semblerait cependant qu’il n’ait pas pu parvenir à une conclusion unanime concernant chaque technique.
La Direction générale de la santé, chargée de ce dossier au sein de la Commission, devait produire un avis juridique concernant les sept premières techniques, pour préparer une « communication de la Commission » annoncée pour la fin de l’année 2015. Nous n’avons pas eu accès à ce document. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur l’avancée de ces travaux ?
En attendant, on nous dit que certains produits issus de ces techniques font d’ores et déjà l’objet de demandes de mise sur le marché, avant même que nous disposions des conclusions. Or nous pensons qu’il faut au minimum assurer à nos concitoyens et à nous, parlementaires, une information sur ces produits et garantir leur traçabilité.
C’est pourquoi, au travers de notre amendement, nous proposons, comme mesure de transition et par précaution, d’appliquer à ces produits la réglementation applicable aux organismes génétiquement modifiés.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 469.
M. Joël Labbé. Cet amendement fait partie d’une série de cinq amendements que nous avons déposés sur un sujet extrêmement important, puisqu’il s’agit d’éviter que des entreprises privées ne puissent s’approprier l’utilisation des mécanismes naturels, aussi bien biologiques que génétiques.
Ce débat ne concerne pas seulement la protection de notre recherche publique, il concerne également la protection de nos agriculteurs et de nos éleveurs, qui se retrouveraient dans une situation paradoxale, puisqu’ils seraient contraints de payer une redevance à une entreprise ou à un laboratoire qui aurait réussi à faire breveter l’un de ces mécanismes naturels ou une séquence génétique présente de manière naturelle dans une plante ou un animal. Il est crucial de distinguer ce qui est de l’ordre de la découverte et ce qui relève de l’invention.
Je tiens à préciser que, pour cette série d’amendements, nous avons travaillé – nous ne sommes pas le seul groupe à l’avoir fait –, avec un collectif, le réseau « Semons la biodiversité », dont les membres font office de résistants à cette course à la financiarisation et au brevetage de tout ce qui est vivant. Ils nous ont apporté une expertise extrêmement intéressante.
En ce qui concerne l’amendement n° 469, de nouvelles techniques de génie génétique se développent, qui n’impliquent pas nécessairement l’ajout d’un gène extérieur. On est capable de modifier des séquences génétiques, de les déplacer, de les recomposer. Néanmoins, le statut de ces modifications n’est aujourd’hui pas clair, car il ne relève pas de la réglementation sur les OGM.
Contrairement à la transgenèse, ces nouvelles techniques permettent d’obtenir des produits brevetés que rien ne distingue, dans la description donnée par le brevet, de produits existant naturellement ou susceptibles d’être obtenus par des procédés traditionnels de sélection.
L’absence de traçabilité qui résulterait de leur éventuelle déréglementation permettrait d’étendre la protection des brevets sur ces plantes génétiquement modifiées – puisqu’elles le sont effectivement – aux plantes contenant naturellement des « traits natifs » semblables au trait breveté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, qui visent à faire entrer les produits issus de nouvelles techniques de modification génétique dans le champ de la directive de 2001 sur les OGM et du titre du code de l’environnement correspondant.
Il nous semble que cette problématique relève plutôt de l’échelon européen. Comme cela est d’ailleurs indiqué dans l’exposé des motifs de l'amendement n° 52, ces produits ne sont pas explicitement cités dans l’annexe de la directive. C’est à ce niveau-là que l’action est possible.
En revanche, Mme la ministre pourra sans doute, comme Mme Didier l’y a invitée, nous indiquer où en sont les discussions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, en soulignant qu’il serait néanmoins cohérent d’étendre les obligations de traçabilité des OGM aux organismes issus de nouvelles techniques de modification génétique, et donc de renforcer la traçabilité.
Pour l’instant, des discussions sont effectivement en cours avec les autres États membres européens. Il faudrait que nous disposions de bases scientifiques plus « serrées ». Pour répondre à Mme Didier, j’ai saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de la question des variétés tolérantes aux herbicides produites par mutagènes. Un rapport est actuellement en préparation. Si les amendements étaient votés, le principe serait posé, mais, de toute façon, pour son application, il faudrait attendre le dépôt de ce rapport afin de prévoir des protocoles de traçabilité précis pour les OGM.
Je le répète, vous pouvez très bien voter le principe. Il faudra ensuite bien évidemment travailler à son application, laquelle ne pourra pas se faire du jour au lendemain puisque nous attendons le rapport de l’ANSES. Mais, en effet, il faut renforcer les processus de traçabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Ces deux amendements identiques ont pour objet de faire admettre que les nouvelles techniques de sélection variétale pourraient s’apparenter aux techniques d’élaboration des OGM prévues dans la directive 2001/18/CE. Aussi, je serai de l’avis du rapporteur : ne nous engageons pas dans une approche qui nous fragiliserait au niveau européen, alors même que nous sommes dans une compétition mondiale qui nous conduit, de gré ou de force, à évoluer.
Nous sommes en train de travailler sur le traité transatlantique. Si nous fragilisons l’industrie semencière européenne, et en particulier française, en homologuant ces nouvelles techniques dans le cadre d’une approche comme celle de la directive 2001/18/CE, on fragiliserait toute l’agriculture et tout l’agroalimentaire français.
Je suivrai donc l’avis du rapporteur : je ne voterai pas ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Pour ma part, je soutiendrai ces amendements. Je voudrais expliquer à mes collègues qu’il s’agit d’une question non pas de choix politique, mais de citoyenneté et de transparence.
Chacun s’accordera à reconnaître que de la tulipe panachée jusqu’à la plante génétiquement modifiée, il y a tout un gradient de transformations qui passent par les clémentines sans pépins, la sélection de pommes qui se tachent moins vite, les organismes à qui l’on greffe leurs propres gènes pour transformer une séquence et les poissons non fluorescents à qui l’on greffe les gènes fluorescents d’un autre poisson pour qu’ils le deviennent…
Face à ce gradient, il y a une dizaine d’instances de suivi, de contrôle et de mise sur le marché : cela va du simple certificat d’obtention végétale, ou COV, pour une semence mise au point et cataloguée, jusqu’à l’autorisation accordée par le Haut Conseil des biotechnologies.
J’avais demandé, au nom de mon groupe, au président Larcher de saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, d’une demande d’inventaire de toutes les modifications de patrimoine, naturel ou pas, existantes et des instances de contrôle. On m’a informé que l’Office avait déjà été saisi d’une demande similaire, et que ma requête n’était donc pas recevable. Sauf que l’autre demande émane de M. Chanteguet et porte sur les avantages économiques et sociaux des biotechnologies, ce qui n’est pas tout à fait pareil…
Heureusement – soyez rassurés, mes chers collègues ! –, notre talentueuse collègue Catherine Procaccia a été chargée, avec M. Le Déaut, du rapport. Elle s’est engagée à faire cet d’inventaire qui me semble indispensable pour assurer la transparence à laquelle a droit le consommateur. Néanmoins, en attendant, il n’y a rien dans la loi : je voterai donc ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Si nous voulons avoir un avis autorisé sur cette question qui est tout de même – il faut bien l’avouer – un peu technique, il faut comprendre au moins une chose : tout ce que Mme Blandin vient d’évoquer se faisait dans la nature. Les agriculteurs croisaient les plantes et créaient des espèces à partir de plantes existantes avec des techniques naturelles.
Ce qui est en jeu ici, c’est la différence qui existe entre une invention et une découverte. Je m’explique : quand vous avez trouvé une technique, c'est une invention pour laquelle il est normal que vous déposiez un brevet et que vous en tiriez des bénéfices.
En revanche, si vous examinez de près un génome et que vous découvrez qu’une partie de celui-ci est l’expression de tel ou tel caractère, c’est simplement une découverte : il n’y a eu aucune invention. Vous vous êtes contenté de lire un peu plus tôt que les autres le génome pour en tirer des conclusions : j’ai découvert quelque chose qui va me rapporter des royalties. C'est à cette situation que correspondent les brevets actuellement déposés sur le vivant.
M. Jean Bizet. Non !
Mme Évelyne Didier. C’est pourquoi nous disons que le vivant est un bien commun. De quel droit une personne disposant peut-être d’un meilleur microscope par exemple que le voisin se permettrait de dire que cette découverte – car elle n’a rien inventé ! – lui appartient et qu’elle devrait toucher des royalties ? Voilà ce qui est en jeu ici !
Il s’agit certes aussi d’une question économique, mais pas seulement. Cela pose vraiment une question de principe. Prêtons attention à nos propos : au nom de la traçabilité, ou tout simplement de la transparence, nous devons savoir si nous sommes en train de fabriquer des plantes ou des animaux avec n’importe quoi ou s’il s’agit simplement de croisements. Selon les cas, nous ne pouvons pas avoir la même attitude. Attention aux apprentis sorciers !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Ayant entendu l’intervention de M. Labbé, je tiens à préciser que nous avons entamé hier soir un certain nombre d’auditions dans le cadre de l’OPECST, sur une nouvelle technique, appelée en anglais CRISPR-Cas9, qui permet d’intervenir sur le génome sans laisser aucune trace. Il n’y a donc plus aucune traçabilité possible. C’est une pure technique d’ingénierie.
Je veux rassurer Marie-Christine Blandin : avec Jean-Yves Le Déaut, dans le cadre de l’OPECST, nous allons bien procéder à l’inventaire qu’elle évoquait. L’étude de faisabilité n’est pas encore déposée, mais nous allons creuser la question s’agissant de cette technique qui conduira à la disparition des OGM d’ici à dix ans puisque ceux-ci ne seront plus traçables.
Une véritable réflexion doit être menée au niveau non pas français, mais européen et mondial.
M. Jean Bizet. Tout à fait d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Mme la ministre a indiqué fort à propos que cet amendement pourrait être voté sur le principe, puisque la question devra être retravaillée par la suite.
Les discussions sont extrêmement techniques, et il faudrait être un expert d’un point de vue tant technique que juridique. Il faut aussi faire preuve de bon sens au regard de l’évolution de l’agriculture et des productions alimentaires.
M. Bizet l’a dit, il s’agit pour lui de préparer les discussions du TAFTA,…
M. Jean Bizet. Il n’y a pas que ça !
M. Joël Labbé. … pour que notre agriculture soit compétitive par rapport à l’agriculture américaine. Les enjeux sont effectivement là : pour nous, il s’agit non pas d’être passéistes,…
M. Jean Bizet. Cela y ressemble…
M. Joël Labbé. … mais de travailler en prenant en compte les processus naturels, les équilibres naturels. Sur ce point, il y a véritablement une recherche à mener.
Avec ces histoires, on est dans la fuite en avant ! Un intervenant a parlé d’apprentis sorciers ; c’est exactement à cela que je pensais ! Beaucoup de mal a déjà été fait. Alors, de grâce, réorientons notre recherche vers les équilibres, vers les productions agro-écologiques, vers le mix polyculture-élevage – l’avenir est là, c’est une évidence – et vers la relocalisation de l’alimentation, dans l’intérêt de nos paysans et de nos concitoyens. (M. Ronan Dantec applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. L’un des points importants de cette discussion réside dans le combat, si je puis dire, entre le certificat d’obtention végétale – qui est français et européen et qui est notre mode de protection spécifique pour les variétés végétales – et le brevet – qui est le mode anglo-saxon, notamment américain, de protection. À cet égard, nous devons serrer les rangs, si j’ose dire, derrière le certificat d’obtention végétale ; c’est un outil fort, ayant permis à l’industrie semencière française d’être la seconde dans le monde et l’une des toutes premières en matière d’exportation.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Richard Yung. Voilà pour l’argument économique.
Par ailleurs, sur le fond, pour répondre à Mme Didier, le brevet ne porte pas sur la découverte de telle ou telle séquence d’ADN ou de génome, mais sur deux possibilités : soit sur la technique qui permet le séquençage – il faut alors, normalement, une contribution technique ou inventive –, soit sur les effets – lorsque telle modification d’une séquence de génome a pour effet de permettre, par exemple, à une variété de maïs de résister à telle ou telle cigale ou à une tomate de résister à la sécheresse. C’est sur ce point que portent la découverte et donc le brevet.
Ensuite, on peut discuter sur la question de savoir si cela est bien ou non – on va d’ailleurs le faire parce que beaucoup d’amendements à venir traitent de la question –, mais ce qui est brevetable, ce n’est pas simplement la découverte de ce qui est dans la nature, ce sont ses effets.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je partage complètement le point de vue de M. le rapporteur et les propos tenus tout à l’heure par notre collègue Jean Bizet, pour deux raisons.
Première raison : adopter ces amendements identiques reviendrait à isoler complètement la France, une fois de plus, par rapport à la position qui doit être adoptée à l’échelon européen ; la position européenne doit être forte en vue de la négociation, pour protéger la propriété intellectuelle et, en un sens, la biodiversité.
Seconde raison : en adoptant ces amendements, contrairement à ce que l’on peut imaginer, on amoindrirait la biodiversité, objet du présent projet de loi. Une telle décision entraînerait en France un appauvrissement de la biodiversité alors qu’il est nécessaire de maintenir sa richesse.
Je ne voterai donc pas ces deux amendements.
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 469.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 579, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° du I de l’article L. 611–19 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« 3° Les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux ainsi que les produits qui en sont issus ; sont considérés comme tels les procédés basés essentiellement sur des phénomènes naturels comme la sélection et l’hybridation, même si des fonctionnalités secondaires de ces procédés font appel à l’utilisation de dispositifs techniques ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Il y a plusieurs amendements sur le même sujet ; il s’agit d’interdire le brevetage de produits issus de procédés essentiellement biologiques, les gènes natifs. L’objectif est d’empêcher l’appropriation privée de résultats de méthodes classiques de sélection, de phénomènes naturels ou de techniques issues d’expériences agricoles.
Le rapport du Haut Conseil des biotechnologies intitulé Biotechnologies végétales et propriété industrielle signalait dès 2013 un cas tout à fait emblématique des freins portés à l’innovation et à la diffusion de variétés nouvelles par le brevetage des gènes natifs. L’exemple est très simple – vous le connaissez bien, d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs : des agriculteurs utilisaient depuis de nombreuses années des lignées de laitues résistantes à un puceron ; tout d’un coup, une entreprise néerlandaise a identifié chez une espèce sauvage de laitue le même caractère de résistance, elle a breveté la manière d’obtenir ce caractère et a ensuite exigé des redevances à tous les utilisateurs de ces laitues résistantes, que le caractère soit porté par la plante naturellement ou à la suite d’une modification génétique.
Cette situation est amenée à se reproduire en raison de la multiplication des dépôts de brevets sur le vivant et de la concentration croissante des détenteurs de ces brevets. En effet, aujourd’hui, trois multinationales contrôlent plus du tiers du marché mondial des semences.
Par ailleurs, le réchauffement climatique entraîne beaucoup d’échanges de pratiques entre agriculteurs de divers pays pour choisir des plantes résistantes, par exemple, à la sécheresse ou à de nombreux autres phénomènes. Il est donc très important que les produits issus de procédés essentiellement biologiques – les gènes natifs – ne puissent donner lieu à un brevet.
Cela dit, le Gouvernement, ayant pris connaissance des amendements déposés par les sénateurs à ce sujet-là, retire son amendement au profit des amendements identiques nos 46, 466 et 508 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 579 est retiré.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 46 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 466 est présenté par M. Labbé, Mme Blandin, M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 508 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° du I de l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle, après le mot : « animaux », sont insérés les mots : « , les produits qui en sont issus, ainsi que leurs parties et leurs composantes génétiques ».
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 46.
Mme Évelyne Didier. J’ai défendu en commission un amendement tendant à modifier le code de la propriété intellectuelle afin d’interdire le dépôt de brevet sur des plantes et des animaux issus de procédés d’obtention « essentiellement biologiques », ainsi que sur leurs parties ou composantes génétiques, c’est-à-dire leurs traits natifs.
En théorie, les procédés essentiellement biologiques ne sont pas brevetables. Ainsi, un procédé d’obtention de végétaux ou d’animaux fondé sur le croisement par voie sexuée de génomes complets et sur la sélection ultérieure de végétaux ou d’animaux est exclu de la brevetabilité comme étant essentiellement biologique. En revanche, un procédé qui prévoit l’insertion d’un gène ou d’un caractère dans un végétal au moyen de techniques du génie génétique est brevetable.
Le 25 mars 2015, la grande chambre de recours de l’Office européen des brevets, l’OEB, a validé le dépôt de brevets sur des plantes conventionnelles obtenues par un procédé de sélection classique. Elle l’a fait au motif qu’ils portent non pas sur une variété, mais sur un nouveau procédé complexe – évoqué précédemment par notre collègue – qui permet d’incorporer des caractères particuliers. Lors des débats sur la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avions appelé l’attention du Sénat sur le risque d’une telle jurisprudence.
L’amendement du Gouvernement répond bien à cette question, mais, au travers de notre amendement, nous demandons, en plus, d’interdire la brevetabilité des gènes natifs. En effet, les progrès du séquençage permettent d’isoler assez facilement dans une plante des paramètres génétiques ou chimiques héréditaires. Si l’on établit un lien entre ce gène et une fonction particulière de la plante – ce qui se fait maintenant couramment pour toutes sortes de fonctions –, par exemple sa résistance à la sécheresse, alors même que ce trait existait déjà à l’état naturel et ne constitue donc pas en soi une invention, mais une simple découverte, ce trait est brevetable. Ensuite, le brevet s’étend forcément, automatiquement, à toutes les plantes et à tous les animaux porteurs du même trait génétique.
De fait, on s’approprie ainsi un trait caractéristique existant dans la nature ;…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Évelyne Didier. … on dépose un brevet dessus en arguant qu’on l’a découvert, puis, toutes les variétés contenant ce trait tomberont à leur tour sous le coup du brevet.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 466.
M. Joël Labbé. Cet amendement est identique au précédent, qui a été bien présenté par Mme Évelyne Didier, mais je vais le défendre aussi, avec mes mots. (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
La multiplication, ces dernières années, de nouveaux brevets portant sur des plantes et des animaux issus de procédés essentiellement biologiques d’obtention et naturellement porteurs de séquences génétiques fonctionnelles ou d’autres traits natifs justifiant l’octroi d’un brevet constitue une immense menace pour la biodiversité et pour l’innovation indispensable à son renouvellement. Dès qu’un tel brevet est déposé, les sélectionneurs ou les agriculteurs qui conservent et cultivent ces plantes sont obligés de cesser leur activité ou d’obtenir, à un prix souvent très élevé, un droit de licence afin de pouvoir la poursuivre. Sinon, ils risquent d’être poursuivis comme de vulgaires contrefacteurs.
C’est ainsi qu’un sélectionneur français s’est vu contraint de négocier un droit de licence avec le détenteur d’un nouveau brevet portant sur une résistance naturelle de salades à des pucerons. Il y a été contraint, lorsque ce brevet a été déposé, afin de pouvoir continuer à vendre les semences de variétés qu’il avait lui-même sélectionnées et qu’il commercialisait depuis plusieurs années.