M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour la réplique.
M. Alain Gournac. Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec attention. Vous avez affirmé que la ligne du Gouvernement était claire, mais ce n’est pas du tout le cas ! Il y a trois ou quatre jours, on nous a dit que Mme Taubira défendrait la révision constitutionnelle devant le Parlement.
M. Didier Guillaume. Non !
M. Alain Gournac. Enfin, lisez la presse ! Je vous ferai porter les journaux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Je vais vous dire la vérité, monsieur le Premier ministre. Il semble que vous n’ayez pas réussi à convaincre Mme Taubira et il semble que Mme Taubira n’ait pas réussi à vous convaincre ! Il semble que sa politique pénale n’ait pas réussi à convaincre ni les Français, ni vous-même, ni même le Président de la République ! C’est dramatique pour la France ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Monsieur le Premier ministre, votre réponse ne nous a pas convaincus. L’ambiguïté demeure. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Je vous rappellerai, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la formule du cardinal de Retz : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Évelyne Didier. C’est la honte du Sénat !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, à titre tout à fait exceptionnel.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Je vous prie d'ailleurs de m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous quitte ensuite immédiatement, car je dois me rendre à l’hommage rendu à Pierre Boulez.
Je souhaite répondre à M. Gournac, même s’il a de bonnes citations ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En effet, on n’a pas réussi à me convaincre que les choix du Président de la République n’étaient pas les bons. Ce sont les bons. Quand le Président de la République s’exprime devant le Parlement réuni en Congrès, il scelle un pacte avec la nation. Comme Premier ministre, comme chef du Gouvernement, et pas seulement parce que je respecte les institutions de la Ve République, mais par profonde conviction, je défendrai ce texte jusqu’au bout, parce que je suis persuadé qu’il sera adopté. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est la seule chose qui intéresse les Français.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, ne cherchons pas les petites divisions. Au contraire, utilisons vite cette révision constitutionnelle pour conforter le rassemblement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
étudiants en médecine
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Procaccia. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Le 7 décembre 2015, plus de 8 000 étudiants en sixième année de médecine ont participé à des épreuves qui devaient leur permettre d’avoir un aperçu de leur classement, donc de la spécialité et de la ville dans laquelle ils effectueraient leur troisième cycle.
Sur des tablettes tactiles – une innovation ! –, ils devaient écouter un souffle cardiaque et analyser des scans, ou plutôt, ils auraient dû, car, dans les 34 centres universitaires, les épreuves ont été interrompues au bout de vingt minutes. Nos futurs médecins n’ont eu accès qu’à des documents en format pdf, les serveurs ayant été immédiatement saturés.
Certes, ils sont de futurs médecins, mais ils ne sont pas des cobayes ! (Sourires.) Ils apprécient peu d’avoir participé à un crash test, alors que ces premières épreuves étaient importantes pour eux. Ils sont d’autant plus inquiets que le Centre national de gestion, le CNG, chargé par votre ministère d’organiser les épreuves nationales classantes, a tranquillement déclaré avoir paramétré des serveurs pour 5 000 connexions simultanées, alors que 8 000 candidats étaient inscrits. Quel amateurisme ! Comment est-ce possible ?
Ma question est simple : quelles mesures d’urgence avez-vous prises et quelles garanties apportez-vous pour que les épreuves de juin se déroulent correctement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la sénatrice, il y a plusieurs années, les représentants des étudiants ont exprimé le souhait que l’examen classant national soit réalisé sur tablette et non plus sur papier.
Pour répondre à cette demande, en lien avec les doyens, Thierry Mandon et moi-même avons fait en sorte de mettre en place un système permettant la réalisation du premier examen sur tablette au mois de juin prochain.
Pour préparer cet examen, des tests ont été réalisés. Les deux premiers – je tiens à insister sur le fait qu’il s’agit de tests et non d’épreuves, madame la sénatrice – ont eu lieu au mois de décembre dernier. Or le premier test a « planté », pour reprendre le vocabulaire informatique, en raison d’un bug massif. Je comprends donc parfaitement l’inquiétude et la préoccupation des étudiants et des enseignants qui se demandent ce qui va se passer. Toutefois, dès le lendemain, un autre test a été réalisé, et il s’est déroulé dans de bonnes conditions.
Pour garantir la qualité des examens du mois de juin prochain, j’ai indiqué que deux nouveaux tests seraient réalisés au mois de février et au mois de mars, pour s’assurer que l’origine du bug a bien été identifiée.
Je tiens donc à vous dire qu’il n’y a pas d’enjeu financier et que l’ensemble des services travaille pour faire en sorte que cet examen très important pour les étudiants en médecine se déroule dans les meilleures conditions possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, vous comprenez l’inquiétude de nos futurs médecins, et j’espère qu’ils apprécient cette déclaration. Ils aimeraient vous croire, parce que cette réforme était attendue depuis longtemps. Or le CNG n’a commencé l’installation d’un réseau spécifique qu’au mois de novembre dernier, alors que l’épreuve était prévue au mois de décembre !
Quelle crédibilité accorder aux annonces, alors que le CNG a osé répondre que le système était performant et que le problème tenait au fait que les étudiants ne se comportaient pas comme ses robots testeurs ! Quand vous dites que les épreuves du lendemain se sont bien passées, c’est inexact. En effet, même le troisième jour, 40 % des étudiants n’avaient toujours pas eu accès à l’informatique.
Cet échec, vous le savez, est d’autant plus mal vécu qu’il intervient après le vote de la loi Santé qui met à mal les futurs médecins.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Catherine Procaccia. Ceux-ci se sont d’ailleurs surnommés « génération test » ! Un autre dispositif est-il au moins prévu, si l’intégralité du système « plante » ?
construction de la ligne à grande vitesse entre montpellier et perpignan
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Robert Navarro. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Je suis profondément inquiet quant à l’avenir de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan, stratégique pour feu la région Languedoc-Roussillon. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, tous les élus, autour des présidents Frêche et Bourquin – ainsi que de moi-même, en qualité de premier vice-président délégué aux transports – se sont mobilisés plusieurs années pour la réalisation du contournement Nîmes-Montpellier.
Région, ville, agglomérations : toutes les collectivités ont soutenu ce projet, y compris financièrement. Si elles ont apporté un tel soutien, c’était en raison de l’engagement clair de poursuivre la ligne à grande vitesse jusqu’à la frontière espagnole, sans quoi le contournement Nîmes-Montpellier n’aurait eu aucun sens, pas plus que les nouvelles gares qui sortent de terre.
L’Espagne, de son côté, a également fait le travail jusqu’à la frontière. Or sa situation budgétaire est pourtant bien plus délicate que la nôtre. Cependant, si elle pratique le sérieux budgétaire en empêchant les déficits liés à des frais de fonctionnement, elle ne s’interdit pas d’investir pour son avenir !
Personne ne comprendrait alors que l’État français abandonne ce projet qui est une priorité européenne, car il permettrait de relier les réseaux à grande vitesse les plus importants d’Europe. L’abandonner, c’est également se priver de la manne européenne disponible pour ce projet !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite ici obtenir un engagement clair de la part du Gouvernement pour cette liaison indispensable et qu’attendent les collectivités du Languedoc-Roussillon, l’Espagne et l’Union européenne.
Le sérieux consisterait à abandonner les lignes à grande vitesse « cul-de-sac », dont la création a été décidée pour faire plaisir à tel ou tel, et à investir plutôt dans les liaisons vers nos voisins, vers l’ouverture européenne. Le transfrontalier est une priorité stratégique en termes d’échanges économiques avec l’Europe. Jamais l’Union européenne ne soutiendra une LGV vers Limoges, par exemple, malgré tout le respect que j’ai pour les Limougeauds, alors que la ligne Montpellier-Perpignan figure parmi les neuf corridors prioritaires soutenus par Bruxelles et que 26 milliards d’euros lui seront consacrés par l’Union européenne sur la période 2014-2020.
L’avenir et le sérieux budgétaire, c’est de respecter nos partenaires et d’investir dans des projets qui seront rentables pour l’économie, pour l’environnement et pour les citoyens !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Robert Navarro. Cette ligne est le maillon manquant pour relier l’Europe. Elle termine en effet l’arc méditerranéen entre l’Espagne et l’Italie…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Robert Navarro. Laissez-moi continuer, monsieur le président, il n’y a plus de retransmission télévisée !
M. le président. Mais si !
M. Robert Navarro. Cette ligne passera via Nîmes et Lyon, plaçant ainsi la France au cœur d’un ensemble européen cohérent.
La France a fait le choix de l’Europe ; ce choix doit aussi se traduire concrètement dans les projets mis en œuvre, en particulier les projets d’infrastructures.
M. le président. Je vous précise que vous passez bien à la télévision, mon cher collègue !
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’avenir de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Je vais vous apporter un certain nombre d’éléments de réponse qui vous démontreront que vos inquiétudes sont absolument sans fondement et que la détermination du Gouvernement est totale.
Vous avez eu raison de le rappeler, cette ligne est importante pour la région, pour la France, pour l’Espagne, mais surtout pour l’Europe, puisqu’il s’agit d’achever l’arc méditerranéen. Votre région est déjà concernée par le contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier, dont les travaux sont en cours et dont la livraison est prévue en 2017.
Pour vous rassurer, si c’est encore nécessaire, je tiens à rappeler les étapes importantes de ce projet.
La plus importante concerne l’intervention de l’Union européenne. En effet, la Commission européenne a confirmé le financement de 50 % du montant des études sur la période 2015-2019, pour un montant de 11,65 millions d’euros, ce qui montre bien que cette ligne nouvelle est labellisée par l’Europe. C’est donc un message plutôt rassurant.
D’autres étapes du projet seront réalisées dès 2016. SNCF Réseau est chargé d’engager l’ensemble des procédures préalables à la tenue d’une enquête publique sur le projet de ligne nouvelle dont les montants sont inscrits au contrat de plan État-région 2015-2020. L’objectif est d’aboutir au lancement de l’enquête publique pendant l’hiver 2016-2017.
Dans cette perspective, j’approuverai, dans les tout prochains jours, la proposition de tracé transmise par le préfet à la suite de la consultation des acteurs du territoire menée à la fin de l’année dernière.
Monsieur le sénateur, nous avons un financement européen, un engagement de l’État et un tracé que je vais rendre public. Contrairement à ce que vous avez déclaré, cette ligne est bien défendue par l’État et vous pouvez compter sur notre mobilisation pour que le projet avance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin. Excellent !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 19 janvier prochain, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.
Avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux articles 13 et 65 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de Mme Dominique Pouyaud, qu’il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Acte est donné de cette communication.
5
Coût économique et financier de la pollution de l'air
Débat sur les conclusions d’une commission d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, organisé à la demande de la commission d’enquête (rapport d’information n° 610).
Dans le débat, la parole est à M. le président de la commission d’enquête.
M. Jean-François Husson, président de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, mes chers collègues, si nous avons voulu, avec Mme la rapporteur Leila Aïchi, débattre des suites à donner aux travaux de notre commission d’enquête, c’est parce que nous considérons que ce sujet est trop important pour ne recevoir qu’un accueil courtois de la part du Gouvernement.
Je le dis d’ailleurs solennellement à notre assemblée et au Gouvernement : ce rapport n’a pas vocation à être oublié dans quelque placard de la République !
L’adoption à l’unanimité du rapport montre que le sujet est si important que nous sommes arrivés à transcender les clivages traditionnels. C’est bien le signe qu’il y a urgence à agir. Face à la détermination et à la persévérance de la commission d’enquête, je ne peux que regretter d’avoir trouvé en face de nous un gouvernement lent à agir et – fidèle à lui-même – en perpétuel revirement.
Cet été, Mme Royal ne voulait pas entendre parler d’alignement de la fiscalité diesel-essence. En octobre, en revanche, on découvrait que, un jour ou l’autre, « il faudra[it] en finir avec le diesel ». Quelques jours plus tard, le Premier ministre considérait que le rapprochement de la fiscalité était « un débat légitime ».
Le projet de loi de finances pour 2016, adopté le mois dernier, a finalement retenu la proposition n° 12 du rapport, qui portait sur un alignement progressif de la fiscalité sur les carburants d’ici à 2020. Il aura tout de même fallu plus de cinq mois au Gouvernement pour prendre une décision, alors que nos propositions étaient sur la table depuis la mi-juillet.
Permettez-moi également de m’étonner du signal que le Gouvernement envoyait aux Français lorsque, en pleine COP21, on apprenait que les crédits du ministère de l’écologie diminuaient de près de 2 %. Là encore, nous aurions aimé moins de prises de paroles dans les médias et plus d’actes concrets. Si l’écologie est vraiment une priorité, alors, il convient de le prouver !
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis convaincu que, aux grandes déclarations solennelles, il nous faut opposer une action plus pragmatique, plus efficace, donc plus compréhensible pour nos concitoyens. C’est ce que nous avons voulu mettre en œuvre au travers des propositions de la commission d’enquête. Ces mesures sont simples, concrètes et rapides à mettre en œuvre. Pour la majorité d’entre elles, il n’est pas nécessaire de passer par la voie législative.
C’est le cas de l’une des propositions, qui prévoit, par exemple, que les tests de normes Euro soient effectués en conditions réelles de circulation et sous le contrôle d’une commission d’experts indépendants. Cette proposition était sur la table avant que n’éclate le scandale Volkswagen. Et je voudrais rappeler que c’est ce scandale, et non notre rapport, qui a conduit à retenir notre proposition, qui avait, dans un premier temps, été écartée.
Mme Leila Aïchi, rapporteur de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. C’est clair !
M. Jean-François Husson, président de la commission d’enquête. C’est une mesure parmi d’autres, simple et lisible, qui permettrait d’avoir une juste appréciation du degré de pollution des véhicules. Pourquoi avoir tellement attendu pour rendre ces tests effectifs ?
Or le temps presse : les médias nous rapportent régulièrement les signes alarmants des conséquences de la pollution. C’est le cas en Chine, souvent, et, récemment, au travers de pics de pollution en Italie.
À l’issue de ses travaux, la commission d’enquête a estimé le coût de la pollution de l’air à plus de 101 milliards d’euros par an pour la France, dont un coût d’au moins 3 milliards d’euros pour l’assurance maladie. À l’urgence écologique répond donc une urgence économique et sanitaire.
Il nous faut désormais prendre les mesures qui s’imposent et qui concernent le soutien à la recherche-développement, à l’innovation et aux secteurs clefs dans la protection de l’environnement. La lutte contre la pollution passe par le recrutement d’ingénieurs, de chercheurs, de « nouveaux talents » capables d’inventer le monde de demain, moins pollué et plus respirable, porté par une croissance verte.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’occasion de la COP21, les décisions que nous prenons aujourd’hui en matière d’environnement sont capitales, parce qu’elles engagent notre avenir. Loin, très loin des visions de court terme, ayons le courage de prendre des mesures de long terme, qui résistent aux changements politiques et qui assurent une réduction sensible de la pollution de l’air.
Nos propositions, pragmatiques, entendent mobiliser les acteurs en se fondant sur le constat objectif que dressent notamment les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Il ne s’agit pas pour nous de stigmatiser ou de mettre à l’index tel secteur d’activité ou telle catégorie de population. Toutefois, des professionnels de l’habitat résidentiel aux constructeurs automobiles, des exploitants agricoles à notre tissu industriel, il convient de développer une logique de responsabilité sociale et environnementale portant l’empreinte du développement durable.
Monsieur le secrétaire d'État, tarder à mettre en œuvre les solutions que vous propose la commission d’enquête, c’est allonger encore un peu plus la longue liste de vos renoncements en matière d’écologie : bonus-malus écologique à bout de souffle, avec seulement 236 millions d’euros pour le budget 2016, contre 800 millions d’euros en 2009 ; absence d’application du dispositif des zones d’action prioritaire pour l’air ; baisse des subventions aux associations agréées de surveillance et de qualité de l’air ; lenteur invraisemblable dans la mise en place des dispositions des plans d’action pour la qualité de l’air : la liste est longue pour un gouvernement censé avoir sauvé le climat lors de la COP21 !
Face à l’urgence de l’action, notre Haute Assemblée a été au rendez-vous des propositions. Nous attendons désormais que le Gouvernement, ayant saisi la mesure de l’enjeu, mette rapidement en œuvre nos propositions. Ce sera la preuve que, sur des sujets aussi cruciaux, la classe politique est capable de dépasser les querelles de chapelle pour faire de l’écologie une grande, belle et noble ambition pour nos sociétés.
De notre côté, à l’occasion des vingt ans de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, ou loi LAURE, nous prendrons les initiatives qui sont ouvertes au Parlement pour mettre en œuvre des solutions d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Leila Aïchi, rapporteur de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission d’enquête, mes chers collègues, voilà six mois que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a publié son rapport et ses 61 préconisations, adoptées à l’unanimité.
Le Gouvernement devait, dans les semaines suivantes, faire des propositions qui prennent en compte les nôtres. Je note que celles-ci ont été pour le moins hésitantes, en matière de fiscalité notamment, quand elles n’ont pas été inexistantes ; ce fut le cas sur les objectifs en matière de qualité de l’air, par exemple. C’est regrettable, d’autant plus que, au-delà du coût annuel estimé à 101,3 milliards d’euros, d'ailleurs largement sous-estimé du fait du manque de données, les éléments continuent à s’accumuler s’agissant de l’impact sanitaire, économique et financier de la pollution de l’air.
Le 1er janvier dernier a paru la première étude épidémiologique sur les effets d’une exposition à long terme aux particules fines sur la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. D’après l’Organisation mondiale de la santé, cela confirme que la pollution de l’air est l’un des sujets les plus importants en matière de santé publique.
À ce titre, la commission d’enquête a regretté que, malgré un coût annuel de plus de 3 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, ces organismes ne soient pas en capacité d’identifier les dépenses liées à la pollution de l’air et se retrouvent de fait dans une situation de « payeurs aveugles ». Nous ne pouvons pas continuer ainsi, et ce d’autant moins que le déficit de la sécurité sociale est abyssal !
Par ailleurs, le scandale Volkswagen a confirmé de manière éclatante la nécessité d’un renforcement des conditions pour les essais qui servent à déterminer les normes de pollution en Europe. Il est temps que l’Europe prenne cette question à bras-le-corps et cesse de sacrifier la santé des populations sur l’autel d’intérêts industriels mal compris. Comment un constructeur automobile a-t-il pu, en toute impunité pendant des années, financer une technologie frauduleuse, nocive pour la santé, au lieu d’investir dans des technologies propres ? Cela dépasse l’entendement !
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de mon intervention pour vous interroger sur une information qui nous est parvenue il y a peu. Des perquisitions par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, ont eu lieu aujourd’hui même chez un grand constructeur automobile français. Avez-vous des informations complémentaires ? D’autres constructeurs français ou européens sont-ils concernés ? Tout cela nous paraît inquiétant.
La pollution de l’air est un frein à la croissance, et nous devons repenser notre système de production et de consommation dans son ensemble. L’investissement dans les technologies non polluantes est un facteur de croissance particulièrement intéressant pour nos entreprises et notre économie.
Les différents projets en matière de transport – voitures particulières ou transports collectifs – doivent être un levier pour mobiliser nos capacités de recherche, d’investissement et de conquête de marchés. Les technologies non polluantes, ce sont les emplois de demain, puisque, on le voit, la demande est mondiale et les puissances émergentes, de Delhi à Pékin, sont à la recherche de solutions nouvelles que nous devons nous donner les moyens de leur apporter. Nous ne pouvons plus nous reposer aveuglément sur les énergies fossiles. Il y va de l’indépendance énergétique de la France !
Aujourd’hui, notre devoir est de faire cesser les incitations contradictoires, le renvoi de responsabilités, en somme l’inaction. Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de celle de l’essence devrait être une priorité du Gouvernement et a semblé l’être en loi de finances, avant que la loi de finances rectificative ne vienne effacer la plus grande part des progrès accomplis.
Pourtant, les enjeux sanitaires sont clairs et chacun sait que l’avenir économique n’est pas au diesel. Il faut donc que la volonté de l’État soit claire et que la France porte la question à l’échelon européen, qui est l’échelon adéquat, notamment pour le transport routier de marchandises. Quand le Gouvernement publiera-t-il enfin un calendrier crédible d’alignement des deux fiscalités ?
De même, quand l’État assumera-t-il pleinement ses responsabilités dans la lutte contre la pollution ? Trop souvent, les collectivités territoriales sont laissées seules face à leurs difficultés. Un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques devait être publié au début de 2015. Nous avons recommandé sa publication en juillet dernier. Nous sommes au début de 2016. Qu’en est-il de ce plan ?
La question de la pollution de l’air devrait nous réunir. Tous, nous respirons l’air atmosphérique et l’air intérieur. Tous, nous sommes exposés au risque et les plus exposés sont ceux qui, souvent par absence d’alternative ou d’information, sont contraints d’utiliser des substances polluantes. Je pense, en particulier, aux agriculteurs qui souffrent des pathologies liées aux pesticides. Certes, un programme d’accompagnement vers les modes de culture écologiques et la limitation des émissions a été engagé. Cependant, sur la santé des agriculteurs, comme d’ailleurs sur la santé de la population en général, nous manquons de données sanitaires et d’études statistiques précises.
Monsieur le secrétaire d'État, la pollution de l’air est un sujet majeur pour nos concitoyens. Au-delà des intentions périodiquement réitérées par les gouvernements successifs, quels sont vos engagements et votre calendrier de réforme pour permettre à tous de respirer un air qui ne nuise plus à la santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)