M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, sans doute considérerez-vous que je manque d’originalité en saluant la mission « Outre-mer ». Pour l’essentiel, elle conserve son périmètre, ainsi que son niveau de crédits. C’est à souligner en ces temps budgétaires contraints, comme nous le savons tous.
J’ai par ailleurs bien en tête que cette mission ne constitue qu’une partie de la dépense publique au bénéfice des outre-mer.
En outre, la dépense ne reste que l’un des instruments de la politique publique. Il s’agit sans doute d’une évidence, mais il est parfois bon de le rappeler.
Ainsi, la mission « outre-mer » ou, plus généralement, le budget pour 2016 a modifié les règles de financement des investissements.
Néanmoins, que ce soit pour tenir compte de l’entrée en vigueur du pacte de compétitivité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou pour intégrer les contraintes budgétaires, il n’en demeure pas moins que le cadre économique ultramarin évolue régulièrement, voire trop régulièrement ! La remarque pourrait valoir pour tous les gouvernements.
La demande de stabilité du cadre juridique, qu’il soit national ou, d’ailleurs, européen – je le dis en passant – qui est, à cet égard, récurrente de la part des acteurs économiques me paraît légitime.
En ma qualité de président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, j’ai eu également à connaître cette année de plusieurs questions relatives à l’action économique, allant du règlement général d’exemption par catégorie, le RGEC, à la problématique des accords européens sur les sucres spéciaux, plus récemment.
Concernant plus directement le budget pour 2016, il est notamment marqué par la préparation du passage de la défiscalisation à la généralisation du crédit d’impôt, dans l’optique de la maîtrise de la dépense.
Sur ce point, je note avec satisfaction une première prise en compte de la question du préfinancement par l’Assemblée nationale.
En effet, les économies ultramarines manquent cruellement de capital, ce qui fait du préfinancement, dans la perspective du passage au crédit d’impôt, un point nodal si l’on ne veut pas que cette mesure devienne contre-productive pour l’économie.
Je me permets donc d’insister sur la nécessité de consolider cet aspect en renforçant notamment l’intervention et le rôle de la Banque publique d’investissement. La BPI est un acteur public qui doit donc, en tant que tel, pleinement jouer son rôle au service des économies ultramarines.
Au-delà du budget, je ne peux m’empêcher de revenir sur l’initiative que vous avez prise, madame la ministre, avec la loi d’actualisation du droit pour insister sur la nécessité qu’elle se répète régulièrement.
La visibilité et la stabilité sont indispensables pour l’économie. Il en va de même pour l’ensemble du droit applicable en outre-mer.
Par ailleurs, l’article 43 du projet de loi de finances, qui, je le sais, ne relève pas de votre mission, a largement refondu le cadre de l’intervention publique dans les investissements, autrement dit le cadre de la défiscalisation.
J’ai déposé pour ma part quelques amendements.
Conscient que tous les sujets ne pourront trouver de réponse dans l’immédiat, je plaide pour que ceux qui n’auront pas été considérés comme prioritaires cette année puissent être rediscutés l’année prochaine.
Ne voulant pas préjuger du sort qui sera réservé aux amendements déposés sur les articles non rattachés, je ne me risque pas à énumérer ces questions, mais je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de m’indiquer si cette proposition vous agrée.
J’en terminerai par quelques mots qui concernent plus particulièrement la collectivité de Saint-Barthélemy.
Plusieurs dispositions qui la concernent ont été adoptées cette année, y compris dans le cadre du projet de loi de finances. Son article 11 bis entérine en effet l’accord sur la dotation globale de compensation des charges, annoncé par le Président de la République le 8 mai dernier.
Il vient s’ajouter à l’examen de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la création d’une caisse locale de prévoyance sociale ou encore à l’extension du régime d’exonérations de cotisation pour les secteurs prioritaires ou exposés à Saint-Barthélemy.
Madame la ministre, permettez que je salue votre implication sans laquelle ces projets n’auraient pu aboutir, de même que votre disponibilité. Il m’est agréable de vous en remercier devant la Haute Assemblée !
Mes chers collègues, vous aurez compris que je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui.
Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de m’exprimer, au nom du groupe UDI-UC, sur la mission « outre-mer » du projet de loi de finances pour 2016.
Pour résumer les données budgétaires en faveur de l’outre-mer, il est constaté une diminution des autorisations d’engagement de 13,9 millions d’euros, alors que les crédits de paiement augmentent de plus de 1,1 million d’euros.
On note donc une stabilité des crédits pour l’outre-mer, et ce malgré un contexte budgétaire national difficile.
Néanmoins, il convient de rappeler que la situation économique et sociale de l’ensemble des collectivités d’outre-mer est de plus en plus fragile, au même titre que la situation métropolitaine.
M. Laurey a mis en exergue le fait que le niveau de vie de nos concitoyens ultramarins reste structurellement bien plus faible qu’en métropole : le taux de chômage des outre-mer y est plus élevé, soit 20 % contre 10 %. Chez les 15-24 ans, le taux est supérieur à 50 % dans la plupart des départements d’outre-mer. C’est énorme ! De même, le nombre de bénéficiaires du RSA pour 1 000 habitants de 25 à 64 ans est plus de trois fois supérieur dans les outre-mer.
Cet écart de développement demeure une injustice, que nous devrons corriger au nom de la République française, laquelle est une et indivisible !
En ma qualité de membre de la commission des lois, je ne peux que rappeler les termes de l’article 72-3 de la Constitution : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ».
Nous devons malgré tout remercier le Gouvernement du maintien d’un effort substantiel à l’égard de l’outre-mer dans son ensemble. Les crédits restent stables, alors que les montants alloués aux dépenses de fonctionnement du ministère de l’outre-mer enregistrent une diminution de 5 % par rapport à l’exercice 2015. L’effort est réel, il faut donc le reconnaître.
Il convient aussi de relever que les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer», s’élèvent à 702 millions d’euros, ce qui constitue une augmentation de près de 20 millions d’euros par rapport à 2015, soit une hausse de 18,4 %. Ces crédits sont principalement destinés à l’accès au logement, l’aménagement des territoires et la mise en œuvre du principe de continuité territoriale.
La principale augmentation de ce volet concerne l’action n° 4, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, dont les crédits progressent de 98 %, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, et qui résulte de la participation de l’État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française, et ce conformément à la convention signée le 16 avril dernier avec M. le Premier ministre, Manuel Valls. Nous le remercions encore aujourd’hui de vive voix.
Nous avons également enregistré l’objectif de formation des jeunes ultra-marins, soit 6 000 formés pour l’exercice 2016, et ce par le biais du dispositif original, et très satisfaisant en termes de résultats, que représente le service militaire adapté, le SMA.
Madame le ministre, la formation des jeunes générations est capitale, et nous souhaitons, à ce titre, développer de nouvelles structures en concertation avec le ministère de la défense.
C’est un vœu qui, nous l’espérons, sera entendu madame la ministre, et relayé auprès de votre collègue chargé de la défense.
Toutefois, vu l’ensemble des données économiques et sociales actuelles, je crains que cet effort ne soit pas suffisant pour faire face aux défis qui nous attendent à moyen et long terme.
Nous espérons donc beaucoup des travaux de la COP 21, mais nous souhaitons tous un soutien plus important de l’État dès maintenant, pour anticiper et prévoir.
L’ensemble des territoires d’outre-mer souffrent d’une carence en matière d’investissement, et cela devrait être encore plus vrai demain, avec les données climatiques qui pourraient conduire à la disparition de certaines îles.
Pour répondre aux besoins, les investissements productifs seront de plus en plus nécessaires, d’autant que le réchauffement climatique pourrait entraîner d’importants mouvements de populations et bouleverser ainsi nos équilibres économiques, actuellement si fragiles.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Lana Tetuanui. En ma qualité de représentante de la Polynésie française, je me fais ici le relais de nombreux élus locaux qui s’interrogent et s’inquiètent de cette absence de perspective stratégique de long terme.
Par ailleurs, et compte tenu de l’actualité, l’outre-mer apparaît comme le parent pauvre de la lutte contre le terrorisme. Aucune des mesures nouvelles annoncées par le Président de la République lors du récent congrès, à Versailles, ne nous semble prendre en compte les spécificités insulaires et ultramarines.
Les amendements du Gouvernement déposés sur les missions « Défense », « Sécurités » et « Immigration » ne prennent pas l’outre-mer en compte. Au demeurant, aucune mesure de risques de radicalisation dans nos territoires n’a été constatée, alors que les mêmes craintes existent d’un côté de la mer comme de l’autre.
Enfin, madame la ministre, nous ne pouvons pas accepter que l’outre-mer devienne une variable d’ajustement financière, à l’encontre du lien historique qui nous lie à la métropole.
Pour évoquer directement ma collectivité d’origine, la Polynésie française, je tiens à rappeler que nous vivons la baisse de la dotation globale d’autonomie comme un reniement.
Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour aider la France à consolider sa souveraineté.
Cette DGA, allouée en compensation des pertes économiques liées à l’arrêt des essais nucléaires et actée par le Président de la République Jacques Chirac, devait être pérenne. Or, depuis trois ans, cette dotation diminue au détriment du développement économique de la Polynésie.
Ainsi, je souhaite d’ores et déjà apporter mon soutien à la démarche de clarification budgétaire entreprise par notre collègue Nuihau Laurey, qui a déposé un amendement permettant de conserver les crédits actuels de la dotation globale d’autonomie en Polynésie.
Cette situation n’est confortable pour personne, de telle sorte que nous souhaiterions, madame la ministre, avoir davantage de visibilité et de garantie pour l’avenir de notre pays.
Au regard de l’importance dans le débat que cet amendement revêt, les sénateurs du groupe UDI-UC soutiendront l’adoption de cette mission « Outre-mer » à la condition que nos propositions soient entendues.
En dernier lieu, et au nom de tous les élus communaux de la Polynésie française, je tiens à vous remercier, madame la ministre, d’avoir maintenu les dotations en fonctionnement pour l’ensemble de nos communes polynésiennes. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Madame la ministre, vous avez su, dans un contexte général très difficile, maintenir une certaine stabilité au budget de la mission « Outre-mer ».
En tant que membre du conseil du service militaire adapté, je salue le maintien de l’effort sur un dispositif qui fonctionne bien et contribue à offrir des perspectives à notre jeunesse, très souvent exclue de l’emploi. Je salue aussi votre souci d’encourager les investissements structurants par le biais de la commande publique, que nous savons essentielle pour l’économie de nos territoires.
En ce qui concerne le logement, où les besoins restent considérables, vous vous êtes battue pour sauvegarder les efforts en autorisations d’engagement, ce qui préserve, pour le moment, la ligne budgétaire unique. La baisse de 9 millions d’euros des crédits de paiement laisse cependant craindre un désengagement de l’État qui, je l’espère, sera compensé par le plan quinquennal que vous avez engagé.
Quant aux exonérations sociales, vous avez décidé de les centrer sur les bas salaires de façon générale et de les renforcer dans les secteurs prioritaires définis par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, certes, au détriment des salaires élevés d’autres secteurs, qui bénéficieront toutefois du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, un CICE dont on ignore encore l’impact !
Il faut faire des choix, madame la ministre, et les outre-mer prennent toute leur part à l’impératif de maîtrise des dépenses publiques.
Vous avez eu le souci de préserver le plus possible les outils indispensables au soutien de l’activité outre-mer, où 24 % des actifs – soit bien plus du double de la moyenne hexagonale – sont au chômage et où la confiance des entreprises nécessite un dispositif fiscal pour le moins stable.
Je voterai donc les crédits de cette mission « Outre-mer ».
Cependant, madame la ministre, je reste inquiet pour l’un des secteurs clés de l’économie antillaise : le tourisme.
En Guadeloupe, la haute saison a commencé et beaucoup de nos plages ne sont pas accessibles à la baignade. Certaines sont même interdites au public.
Les algues en décomposition, l’odeur et les gaz qu’elles dégagent font fuir les touristes des plages, des marinas et des commerces du bord de l’eau. L’impact sur notre économie touristique pourra être considérable.
Les Antillais, eux, souffrent quotidiennement de ces nuisances. On ne sait pas quelles sont les conséquences à long terme sur leur santé. Leurs biens, notamment leurs matériels électroniques et informatiques, sont dégradés. Je souhaiterais savoir, à ce propos, madame la ministre, où en sont les discussions avec les compagnies d’assurances.
Vous vous êtes déplacée récemment pour constater les dégâts. Les moyens mis par l’État pour cofinancer des « brigades vertes » et favoriser une ingénierie adaptée sont-ils à la hauteur de la catastrophe ? Les communes ont besoin d’une aide importante, car elles n’ont absolument pas les capacités financières pour faire face à un phénomène d’une telle ampleur – je rappelle qu’il concerne tout l’arc des Caraïbes, et même les États-Unis et le Mexique.
En mai, Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, avait annoncé un plan d’action. À la fin du mois de novembre, vous nous avez confirmé la mise en place d’une mission interministérielle composée d’experts de l’Inspection générale de l’administration, du ministère de l’écologie et du ministère de l’agriculture. Il était temps, les premières alertes remontent à 2011 !
Est-ce adapté à une situation devenue insupportable ? Certes, les solutions ne sont pas faciles, mais il faut à présent agir vite. Il faut aussi comprendre l’origine du phénomène. La coopération avec les États concernés est indispensable. Elle a été annoncée, mais est-elle concrètement en place ?
Nous sommes en pleine COP 21. Madame la ministre, le Gouvernement nous dit souvent que nos territoires fragiles sont un avant-poste pour l’observation et l’innovation dans la lutte contre les changements climatiques et pour la préservation de l’environnement. Le combat contre l’invasion exponentielle des sargasses y participe. Or il ne peut être gagné que par une mobilisation à grande échelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait de très nombreuses années que je suis avec grand intérêt la mission « Outre-mer ». Je dois dire que ma déception est constante eu égard aux attentes qui sont les miennes. Mon agacement n’est pas dirigé contre vous, madame la ministre : j’en veux au système, qui ne prend pas en compte la réalité des outre-mer.
Nous votons régulièrement les crédits de l’outre-mer, mais nous le faisons uniquement parce qu’ils permettent de maintenir à flot nos territoires. Néanmoins, progressivement, leur situation régresse et s’aggrave. Une lecture attentive des observations rédigées par les rapporteurs spéciaux, nos collègues Nuihau Laurey et Georges Patient, fait apparaître leur légitime inquiétude.
Naturellement, madame la ministre, vous expliquez la baisse de 3,1 % des autorisations d’engagement de cette mission par la nécessité de contribuer à l’effort national.
On peut également constater que le programme « Emploi outre-mer », qui mobilise les deux tiers des crédits, voit ses autorisations d’engagement baisser de 2,2 %. Est-ce que la situation de l’emploi est satisfaisante outre-mer ? La réponse est clairement négative. Le taux de chômage, notamment des jeunes, y est dramatique ; il va nécessairement empirer. Nos amis d’outre-mer nous parlent régulièrement de ce problème du chômage des jeunes.
Je rappelle à mon tour, après plusieurs collègues qui sont intervenus ce matin dans le débat consacré à la jeunesse, que le Président de la République a fait de celle-ci la priorité de son quinquennat. Au travers de ce que nous constatons dans nos outre-mer, nous voyons clairement que cette priorité n’est pas à l’œuvre.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des éléments sur l’évolution de la situation de l’emploi des jeunes ? Pouvez-vous nous expliquer comment sont inclus dans la courbe nationale du chômage les chiffres de l’outre-mer ? J’ai le sentiment que, là encore, on isole les outre-mer. Il y a 260 000 chômeurs de catégorie A qui sont très souvent oubliés dans les statistiques nationales…
Après l’emploi, passons au logement. Les engagements dans ce domaine ne sont jamais tenus ; les objectifs ambitieux annoncés ne sont jamais atteints. La dette vis-à-vis des bailleurs sociaux ne sera naturellement pas apurée, en raison de la baisse de la ligne budgétaire unique.
Dans un autre domaine, l’objectif fixé par le Président de la République de doter le Fonds exceptionnel d’investissement ne pourra être atteint si l’on en juge par les chiffres annoncés. C’est, là aussi, une déception, et c’est encore un engagement qui ne pourra être tenu.
Autre sujet majeur, la défiscalisation, qui représente une dépense fiscale de 3,8 milliards d’euros. Ce levier essentiel pour l’investissement privé outre-mer est à nouveau mis à mal. Le Gouvernement va encore introduire de l’insécurité en modifiant le terme des différents dispositifs. Je sais bien que quelques ouvertures ont été faites à l’Assemblée nationale. Il faut impérativement donner un horizon clair aux investisseurs et reporter à 2025 les évolutions, même si une révision des règles européennes doit avoir lieu en 2020.
Il faut surtout tenir compte des délais réels d’étude et de réalisation des projets. Chacun sait, sauf, peut-être, l’administration centrale, que, si le délai est court – ici, le terme est fixé à 2017 –, l’investisseur ne prend pas le risque. En effet, l’investissement qu’il serait prêt à accompagner ne peut être ni étudié ni réalisé en raison du long cheminement des dossiers et de l’accumulation des délais administratifs. La prorogation d’une année seulement, telle que vous la proposez, est donc incompatible avec l’utilisation du dispositif pour la majorité des projets.
J’ai déjà évoqué ici l’aspect ubuesque du fonctionnement des agréments et de leur bureau parisien. Cela mériterait une mission de contrôle de la commission des finances. Il faut que les agréments puissent se faire localement, de manière à bien « coller » aux réalités. Savez-vous que les investissements productifs ont baissé de 60 % entre 2011 et 2015, en conséquence des incertitudes permanentes sur la pérennité des règlements ?
Permettez-moi, madame la ministre, de changer de thème et de dire ici quelques mots de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Vietnam sur le sucre. Vous avez dû, comme Stéphane Le Foll et Matthias Fekl, recevoir un courrier à ce sujet de Michel Magras, président de notre délégation à l’outre-mer.
Comme beaucoup de mes collègues ultramarins, je suis en colère. Nous sommes à l’aube d’accepter de sacrifier tout un pan d’une filière qui permet à nos économies de La Réunion et des Antilles de maintenir la tête hors de l’eau. Si les sucres spéciaux sont soumis à la concurrence du fait d’un mauvais accord, nous participerons à la destruction de trois économies insulaires. Nous attendons de connaître votre action sur ce dossier et vos attentes à l’échelon européen.
Une des raisons pour lesquelles nos outre-mer souffrent tient à la complexité normative qu’ils doivent subir au quotidien. Comment voulez-vous que nos territoires, qui sont en compétition avec ceux de leur zone géographique, à plusieurs milliers de kilomètres de l’Europe, puissent être compétitifs ? Les normes européennes qui leur sont appliquées sont autant de boulets et n’ont bien souvent aucun sens. Elles freinent les programmes de construction. Le prix du logement social est trop élevé. Les contraintes foncières et topographiques liées à l’insularité entraînent un surcoût dans les investissements en termes de voirie, de réseau et d’aménagement.
Madame la ministre, faites comprendre à nos administrations que les normes nationales doivent être adaptées aux territoires. Le traitement des eaux usées ne peut être soumis aux mêmes normes en Polynésie qu’en métropole. Nous allons mener un travail de fond sur ce sujet des normes, en espérant que nous serons entendus.
Madame la ministre, nos territoires ultramarins sont très divers.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Éric Doligé. Pour ne pas pénaliser encore plus nos outre-mer, malgré mon mécontentement naturel, non pas contre vous, madame la ministre, mais contre un système qui me déplaît fortement, et en dépit donc de cette situation d’insatisfaction totale, je voterai tout de même les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce contexte budgétaire contraint, on ne peut qu’apprécier que les crédits de la mission outre-mer soient préservés.
Ce budget présente plusieurs avancées notables que je tiens à saluer.
D’abord, ce projet de budget stabilise les crédits de paiement consacrés au service militaire adapté, qui permet de former 600 jeunes chaque année en Guyane.
Ensuite, les dispositifs de soutien à l’investissement sont maintenus : le contrat de plan État-région, le Fonds exceptionnel d’investissement, mais également les dotations qui financent les constructions scolaires en Guyane, à Mayotte et en Polynésie.
Enfin, concernant l’Agence de l'outre-mer pour la mobilité, LADOM, l’augmentation des moyens pour la formation en mobilité est une bonne chose. Nous devons toutefois veiller à accompagner ces jeunes, qui rencontrent souvent de grandes difficultés dans leur installation.
Vous vous en doutez, des réserves existent néanmoins.
Tout d’abord, à la différence des crédits de paiement, les autorisations d’engagement diminuent, de 13 millions d’euros. Je crains que cela ne nuise, dans un avenir proche, au budget de la mission.
Nous le savons tous, les écarts se creusent chaque jour un peu plus entre les outre-mer et la France hexagonale. Le PIB par habitant est nettement inférieur outre-mer, quel que soit le territoire ; le taux de chômage y atteint plus de 50 % chez les jeunes ; le taux de pauvreté y est trois fois plus élevé.
En Guyane, la démographie galopante nous pose un défi de taille : développer un territoire dont le retard en infrastructures est encore considérable.
Alors que, à Paris, nous votons des lois pour la transition énergétique et que nous nous engageons à réduire la fracture numérique, bon nombre de Guyanais vivent quant à eux en plein cœur de zones blanches ou n’ont tout simplement pas accès à l’électricité, ni même à l’eau potable…
Face à ces besoins patents, je ne peux que regretter la légère diminution des crédits alloués à la Guyane : cette baisse est de 1,4 % sur les autorisations d’engagement et de 1,8 % sur les crédits de paiement.
Je concentrerai maintenant mon propos sur deux points directement en lien avec cette mission.
En premier lieu, j’évoquerai la nouvelle réforme des exonérations de charges.
En Guyane, les indicateurs ne sont pas bons et l’heure est au pessimisme. Tout au long de cette année, syndicats et chefs d’entreprise sont descendus dans la rue pour exprimer leur mécontentement. Nous, élus de Guyane, ne pouvons rester insensibles à la détresse de ceux qui sont en première ligne du développement économique.
Or, dans un contexte de chômage élevé, cette réforme affaiblit nos entreprises. Si nous entendons bien que cette mesure devrait être compensée par la montée en puissance des dispositifs du pacte de stabilité, les entreprises réclament, d’une part, une évaluation approfondie des politiques publiques et, d’autre part, de la stabilité dans les mesures.
Pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer sur la pertinence de cette nouvelle réforme ainsi que sur ce besoin de stabilité qu’elles réclament ?
J’en viens, en second lieu, à la question du logement.
L’augmentation de la ligne budgétaire unique pour la Guyane et l’objectif de 10 000 logements construits ou réhabilités par an sont louables, mais force est de constater que nous sommes encore loin du compte.
Le plus important est aujourd’hui de donner à la LBU les moyens de ses ambitions. On dénombre plus de 11 000 logements insalubres et, chaque année, près de 1 000 logements spontanés voient le jour.
Ce phénomène représente d’importantes dépenses pour la collectivité lorsqu’il faut monter des opérations de résorption de l’habitat insalubre, ou RHI, et apporter les services et les réseaux dans des secteurs isolés.
L’étude d’opportunité et de faisabilité d’une opération d'intérêt national, ou OIN, menée en 2013 le mettait clairement en exergue : la résorption de l’habitat insalubre prend chaque année plus d’importance dans la ligne budgétaire unique et se révèle de plus en plus coûteuse. En effet, sur des terrains déjà occupés, un logement traité via une RHI a un coût global de viabilisation d’environ 32 000 euros, alors qu’une opération d’aménagement coûte 23 000 euros en moyenne.
Il y a urgence à basculer d’une logique peu durable d’interventions sporadiques vers une logique où l’État accompagne le territoire dans ses choix.
Au regard de ces enjeux, le plan logement outre-mer 2015-2020 apparaît bienvenu. Néanmoins, professionnels et élus attendent aujourd’hui davantage et misent beaucoup sur l’OIN annoncée en juin dernier.
Madame la ministre, pouvez-vous justement nous confirmer votre volonté que cette opération d'intérêt national intervienne dans les meilleurs délais et qu’elle soit à la hauteur de nos attentes ?
Madame la ministre, mon signal d’alerte se veut ici constructif. Au-delà des problèmes que je soulève, c’est pour un changement de méthode que je plaide. Reprenons à notre compte le dicton : mieux vaut prévenir que guérir ! Et, afin d’éviter que les conflits ne finissent systématiquement dans la rue, travaillons ensemble à des mesures fortes et durables qui permettent de redonner confiance à la population comme aux entreprises !
En dépit de ces remarques, le présent projet de budget de la mission « Outre-mer » pour 2016 est globalement satisfaisant. Je suis donc favorable à son adoption. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.